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  • CHRONIQUES DE POURPRE 385 : KR'TNT ! 405 :JP BIMENI & THE BLACK BELTS / STEVE WYNN / NAUSEA BOMB / ANTI-CLOCKWISE/ ALL THIS MESS / BLUE VOID / UNDERVOID / PSYCHOÏD

    KR'TNT !

    KEEP ROCKIN' TILL NEXT TIME

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    LIVRAISON 405

    A ROCKLIT PRODUCTIOn

    LITTERA.INCITATUS@GMAIL.COM

    07 / 02 / 2019

     

    JP BIMENI & THE BLACK BELTS / STEVE WYNN

    NAUSEA BOMB / ANTI-CLOCKWISE

    ALL THIS MESS / BLUE VOID

    UNDERVOID / PSYCHOÏD

    The Bimeni beat

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    La légende du programmateur raconte que JP Bimemi vient du Burundi. C’est bien, parce que ça rime. Voici deux ans, Mudibu officiait au sein de l’Otis Show, un groupe de reprises d’Otis basé à Londres. Aujourd’hui, il devient JP Bimemi et se glisse dans les Nuits de l’Alligator accompagné de Black Belts espagnols. JP Bimeni est l’un de ces showmen capables de redonner à la Soul une vie nouvelle, l’un des Soul Brothers capables de réchauffer le petit peuple en hiver, il danse sa Soul avec une grâce infinie, comme s’il jerkait avec des pieds ailés, si l’on se réfère aux mythologies de la Grèce antique.

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    Contrairement à Charles Bradley et Lee Fields, JP Bimeni est encore assez jeune, mais il semble disposer de tous les apanages de la vétérance de toutes les guerres, il shoote et bamalate exactement comme Otis, avec une insistance dégoulinante de cette sueur qui fit jadis étinceler des rivières de gouttes sous les projecteurs des plus grandes salles du monde, oui, JP Bimeni dispose de cette bravado qui lui permet de shaker le Shake de Sam et de Cooker le cake de Soul, de fouler le Pitiful au sol de la Soul et d’imposer le vieux Respect de l’Otisserie de la Reine Pédauque.

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    Il nous fafafate et nous Turn You Loose comme des crêpes, il fait des kilomètres sur scène et nourrit une relation gourmande avec un public conquis d’avance. Il faut le voir nous dévorer des yeux. Cet homme ne résiste pas à l’envie de montrer son bonheur d’être sur scène pour chanter sa Soul, et forcément, sa Soul est bien meilleure sur scène que sur l’album qu’on trouve dans le commerce, Free Me. Et même mille fois meilleure. C’est comme de comparer le costume en vitrine et le costume porté. Rien à voir. JP Bimeni incarne son art avec une élégance qui laisse coi, mais qui fait bouger les hanches.

     

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    Il a cette chance extraordinaire d’être accompagné par un backing-band irréprochable, on voit bien que ces mecs ne vivent que pour ça, car ils swinguent, mais pas aussi spectaculairement que les Anglais qu’on avait vu au Vintage Weekender de Roubaix. Ils swinguent d’une autre façon, disons pour faire simple plus groovy. Les latins ont cet avantage sur les Anglo-saxons qu’ils savent aller et venir entre tes reins. Le mec qui joue de la basse est un modèle de statisme décontracté. Sur le manche, sa main gauche ne bouge quasiment pas et il joue toutes les grosses gammes de la Soul avec une fabuleuse précision. Il ne bouge que ses jambes, et les nôtres avec.

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    La grande différence entre les Anglais et les spanish Black Belts, c’est l’orgue. L’Anglais jouait sur un orgue Hammond et pulsait ce son qui depuis Jimmy Smith est l’incarnation du groove. Le keyboard man des Black Belts joue sur un petit piano électrique, mais God, il faut le voir jouer ! Ce petit mec à lunettes swingue comme Georgie Fame et joue quasiment avec tout son corps. Il est d’autant plus exposé en vitrine qu’il est installé au devant de la scène, à deux pas du public entassé au pied de la scène.

     

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    JP Bimeni n’en finit plus de virevolter d’Est en Ouest, il improvise des pas de danse, il nijinskitte sa Soul, il lui donne des allures de grandeur, sa chemise blanche et ses bretelles noires le renvoient incidemment à Montand, JP Bimeni fait sa bête de scène avec tact, il ne bascule jamais dans la démesure, l’homme sait rester léger et prodigieusement accessible. Ce contact permanent avec le public le rend décidément humain, trop humain. C’est l’avantage qu’ont les Soul Brothers sur les groupes de rock, ils savent transformer un show en une espèce de communion, oh pas celle des églises, celle qui remonte au temps d’avant les dogmes à la mormoille et qui établissait des liens invisibles entre les esprits. Comme on ne savait pas comment interpréter ce phénomène, on qualifiait ça de magie. JP Bimeni n’a même pas besoin de hits pour chauffer sa Soul aux vermicelles, il lui suffit d’établir le contact avec les gens, à la fois par l’esprit et par les hanches. Il fait une seule reprise, le «Keep On Running» du Spencer Davis Group qui n’est même pas sur l’album. Belle version espagnole, mais pas forcément bien adaptée à ce genre de contexte. On sent trop le rock de blancs, même si Stevie Winwood chantait comme un noir en culottes courtes.

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    Comme sur l’album, c’est le morceau titre qui tape vraiment dans le mille, ce n’est pas qu’il sonne comme un hit, mais il s’impose, grâce à son petit shuffle d’orgue relancé aux cuivres - Forget what I say - JP Bimeni veut la liberté absolue, c’est le vieux rêve du grand peuple noir. Il tape son Free Me à l’insistance considérable. Il fait aussi pas mal de balladifs éplorés, comme ce «Moonset», un peu passe partout, mais ce type de slowah va combler la grande majorité des amateurs de Soul moderne, car tout y est : le collant, les mains baladeuses, la grandeur d’âme qui va avec, la connaissance par les gouffres et l’art de la Soul qui n’appartient qu’au seul peuple noir. Joli coup d’épée dans l’eau traversé par une bassline de rêve. Alors, oui, bien sûr, tous ceux qui n’auront pas la chance de voir JP Bimeni sur scène vont pouvoir essayer de se consoler avec l’album, dont la pochette vraiment réussie donne envie. Le seul canard qui l’a chroniqué, c’est Shinding. Ailleurs, que dalle. Le pauvre JP Bimeni va devoir tourner pour se faire connaître. D’autant que la Soul semble intéresser beaucoup moins de monde que le metal ou l’electro. Ainsi vont les choses. Il ne faut guère s’étonner de ces mutations. Les temps modernes n’ont absolument rien de moderne.

    JP Bimeni attaque l’album avec «Honesty Is A Luxury» et une authentique ferveur de Soul motion. Il chanterait presque avec la voix éteinte d’un vieux requin. Que ne fait-on pas comme miracles en studio de nos jours ! On sent chez lui une réelle pureté d’intention. Comme Sharon Jones, il cherche à rallumer le brasier de la Soul sixties, et «Same Man» en fournit la preuve. Il faut le voir ramoner la cheminée de sa Soul, on se croirait au temps béni de Stax et de Hi, quand la Soul hantait toutes les radios du monde. Même s’il est encore difficile d’écouter JP Bimeni après Sam & Dave et Syl Johnson, sa pugnacité l’impose. Mais pour être tout à fait franc, l’album semble souffrir d’un petit problème de production. C’est toute la différence avec ce qui sort sur Daptone. La Soul produite en Espagne refuse obstinément d’exploser. On a le même problème avec les trois albums des Excitments. La Soul espagnole n’est pas Mustang Sally, elle serait plutôt Rossinante. Même si tous ces mecs jouent comme des cracks, la prod fait salement défaut.

    Sur «Don’t Fade Away», ça groove adroitement, mais ça n’emporte pas la décision. JP Bimeni travaille sa Soul à l’insistance caractérielle et se livre à un admirable travail de sape. Il enchaîne les slowahs comme d’autres enfilent les perles, «Stupid» et «I Miss You» valent pour des cuts de Soul classiques et sans défaut. En lisant la pochette, on voit qu’ils sont composés par les Espagnols, et c’est toute la différence avec la Soul du team Isaac Hayes/David Porter. Avec «Better Place», ils passent au heavy groove de Soul et ça donne un cut beaucoup plus aérien. On voit JP Bimeni naviguer à la surface. Bon, c’est vrai, on a là une Soul un peu âpre qui refuse de décliner son identité, et c’est peut-être avec ce type d’écart que JP Bimeni peut faire la différence. Comme d’ailleurs dans le «Madelaine» qui suit, joué au gratté paradisiaque de la Jamaïque. JP Bimeni va sur les îles et il a bien raison.

    Signé : Cazengler, Bimenu

    JP Bimeni & The Black Belts. Nuits de l’Alligator. Le 106. Rouen (76). 2 février 2019

    JP Bimeni & The Black Belts. Free Me. Tucxone Records 2018

     

    Syndicate d’initiatives - 
Part Four

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    C’est avec Static Transmission paru en 2003 qu’arrive Jason Victor, plus connu sous le nom de Jason le démon. Quand on commence à écouter cet album, on ne se méfie pas. «What Comes After» sonne comme un petit balladif. Le problème, c’est que ça sonne vite comme un hit. Steve le Wynner gagne à tous les coups. Avec un nom comme le sien, c’est facile.

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    La fête se poursuit avec «Candy Machine». Ce heavy rock sonne comme un coup de génie et Jason le démon commence à tripoter sa wha-wha - Check out Candy Machine - Pur jus de rock boy oh boy. Au moins, avec «The Ambassador of Soul», les intentions sont claires. Steve Wynn descend ses paliers à coups de yeah. Il fait du rock éclairé de l’intérieur - Yeah I know/ So many things bring you down - C’est spectaculairement bon. Il chante du coin de la bouche - You want it so bad/ You can almost taste it - C’est très palpable. Quel fuckin’ genius et Jason le démon passe un fabuleux solo de flamenco, mais à contre-courant. Tout cela dépasse largement les bornes de l’intensité. Et ça repart de plus belle avec «Keep It Clean». Ah il faut voir comme il fait claquer son keep it clean. C’est balayé par des vents de guitare. Hallucinant ! Et il revient au chant comme si de rien n’était. Ce mec a véritablement du génie, il est bon de le rappeler - I’m doing my best to keep it clean - et ça monte, gloup gloup, ah quel entremetteur ! Dommage que ça s’arrête car ça méritait une resucée. On croit qu’il va se calmer. Non, car voilà un «Amphetamine» ravagé dès l’intro par des guitares vinaigrées. C’est joué à l’agressivité optimale. Steve Wynn jette tout son freak-out dans la balance, l’acide des guitares dévore l’acier de la morale. Tout cela relève soit de la démonologie, soit de la physique nucléaire. Il faut suivre Steve Wynn à la trace, car il fait partie des géants du rock américain. Les solos déments de Jason le démon valent bien ceux du Velvet, c’est intense et carbonisé dans la matière même du white heat. Jason le démon claque des arpèges des enfers et lance de fantastiques aventures. Il part et repart dans les vétilles de la véracité punkoïde de non retour. C’est à la fois violent et délicieux. On peut dire de ce cut qu’il est monté au pire beat de l’univers. Steve Wynn revient au chant comme le faisait Lou Reed au temps du Velvet, avec une mâle assurance - You gotta watch your step/ Or you’re gonna lose your way - Steve Wynn nous prévient, oh yeah ! - I’m gonna live/ Until the day I die - et tout bascule dans une fin d’apocalypse. Rien d’aussi dément sur cette terre que cette fin-ci - Until the day I die - Ni Polnareff (Lorsque sonnera l’heure de ma mort), ni John Brannon des Laughing Hyenas («Each Dawn I Die») n’ont jamais atteint ce degré d’exaction. Encore un coup de génie avec «California Style» qui voudrait sonner comme de la pop modèle mais on sent tout de suite le retour des ambiances suprêmes. Les chœurs suivent en cortège et font «California style». C’est la preuve de l’existence d’un dieu des chœurs. Tout est incroyablement judicieux sur cet album. S’ensuit un «One Less Shining Star» claqué aux vieux accords de heavy balladif légendaire. Arrivé à ce stade, il ne faut plus s’étonner de rien. C’est Steve Wynn qu’on doit suivre, alors on le suit. Il a les meilleurs plans. Il chante dans un brouet d’accords en trémolo et se hisse au sommet de la rock culture. C’est d’une démence qui nous dépasse - The environment had to connect - C’est bardé de son, mais au-delà des espérances du Cap de Bonne Espérance. Jason le démon envoie des véritables giclées de son. On se croirait dans une tempête, une fois de plus, avec des paquets de mer soniques - Fading from the public eye/ One less shining star in the sky - Pure démence de la partance ! Ouf, ça se calme avec «Maybe Tomorrow» et on prie pour le maintien du calme quand arrive «Hollywood». Il y sonne comme Iggy et Jason le démon balance des solos d’invective. Au moins, le message est clair. Fin de non-recevoir avec «A Fond Farewell». Ambiance à la Velvet - So I wish you a fond/ Farewell - et les filles sont ouh ouh. Steve Wynn chante ça sous son bon vieux boisseau. C’est fascinant. Il aménage dans un cut un fantastique espace de chœurs de ouh ouh. Cet enfoiré en profite bien - So I wish you a fond/ Farewell - Quel admirable héros ! Il y a un disque de bonus, mais c’est l’overdose garantie. Ne l’approchez pas.

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    Un piment orne la pochette de Tick Tick Tick paru en 2005. Dès «Wired», on comprend ce que ça signifie : Steve Wynn descend ses aw de rock’n’roll à l’admirabilité des choses - Wired this way - Tout est violemment claqué du bigorneau et pulsé au beat de Linda Pitmon. On se régalera aussi de «Freak Star», mid-tempo très électrique, emmené au timbre chaud. Et paf, l’affaire se corse avec «Killing Me», fabuleux déballage de rockalama fa fa fa. Ils y vont de bon cœur et visent la démesure apocalyptique. Oh ils en ont les moyens. Steve Wynn enfile les hits comme des perles, et «Turning The Tide» n’échappe pas à la règle, puisque visité par les vents d’Ouest, une pure diablerie ! C’est géré à la mélodie écarlate et vrillé à la wah-wah. Rien d’aussi catégorique. Voilà un cut de power-pop du haut Nil, «Bruises», avec une fin qui part encore une fois en vrille. On savourera aussi «Your Secret», groove de classe zébré de délices planants et on assiste impuissant au retour de la violence avec «Wild Mercury», une stoogerie zébrée d’éclairs. Steve Wynn fait son Iggy. Il jette toute sa passion stoogy dans la balance qui s’écroule. Il reste encore un gros cut sur cet album : «All The Squares Go Home». C’est du claqué d’arrière-boutique. Jason le démon solote à l’édentée pharaonique et Steve Wynn chante si sale que c’en est douloureusement bon.

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    Allez, tiens, encore un énorme album des Miracle 3 : Northern Aggression. Au point où on en est ! Là-dessus, le coup de génie s’appelle «Colored Lights». C’est joué à foison et c’est là que ça se passe. Cette power-pop fonctionne à la pulsion pulmonaire. Encore une fois, c’est noyé de son et brillant. On dirait du psyché tremblé à l’or fin, mais avec de l’épais répondant - I don’t know why - Steve Wynn maîtrise l’art des retombées. Autre cut spectaculaire : «On The Mend», attaqué aux accords sévères et joué à l’avenant du big sound. Steve Wynn entre au chant sur le tard et déclenche des dynamiques d’apocalypse. C’est visité par la rage du rock. Steve Wynn pousse toujours son bouchon très loin. On retrouve ce fabuleux chanteur dans «Ribbons And Chains». Tout est bien, chez lui. Il fait des hits quand il veut. Avec le «Resolution» d’ouverture de bal, il tape dans l’hypno de Can. C’est visité et visiteur à la fois - When I fly/ I fly - On le croit sur parole. Il chante sale, mais à la bonne franquette. Il a du son, c’est bien claqué au bassmatic, poussé dans les orties, salutaire et démâteur à la fois. Même les cuts plus banals comme «No One Ever Drowns» passent bien car la voix de Steve Wynn porte au loin. Il cherche sa voie et son timbre d’étain déteint dans l’étang. Il use et abuse de son accent tranchant dans «Consider The Source». Ce bel oiseau sait jouer de la traînarderie. Jason le démon passe un solo de petite concasserie invétérée. Nous voilà encore avec un heavy balladif de tradition sourde. Pas mal aussi cet «Other Side» amené aux accords de clairvoyance. Sous son chapeau étoilé, Merlin Wynn enchante la pop. C’est balayé aux accords de psyché parabolique. Et puis tant qu’on y est, on peut aussi écouter la belle power-pop de «Cloud Splitter». Il bat littéralement tous les records d’intentionnalité. Sa pop n’en finit plus de s’éclairer de l’intérieur.

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    Pas question de faire l’impasse sur Live At Big Mama. Ce serait du masochisme. Steve Wynn et ses Miracle 3 y font des ravages avec notamment une énorme reprise d’«Halloween». Linda Pitmon bat ça si sec ! Et Jason le démon rôde tout de suite dans les parages, il grimpe déjà dans les accords intermédiaires. Voilà une version pour le moins explosive ! Ils biaisent tous les climats et nous plongent dans les affres d’une mad psyché secouée de violents retours harmoniques. Quel gang ! Alors que les vagues submergent la terre, Steve Wynn se dresse pour chanter de plus belle. Ils nous claquent ensuite un «Something To Remember Me By» au sing-along de mad psyché itinérante. Jason le démon joue tout à la virulence, il surcharge le son de vibrillons d’exacerbation invétérée. On le voit aussi soloter dans le pâté de foie de «Good And Bad». Il est libre, il va où il veut. On le voit aussi truffer «Smash Myself To Bits» de vagues orientalistes de la pire espèce. Voilà un vertige psyché-psycho qui vaut largement celui de «White Light White Heat», oui, car puissant et battu comme plâtre. Jason le démon joue ça jusqu’au vertige. En fin de cut, Steve Wynn le présente au public italien : «On guitar, the king of Queens !» Oui, car Jason vit dans le Queens. Nouvelle flambée de violence avec «Whatered And Torn». Ces gens-là ne font pas dans la dentelle, comme on dit à Calais. C’est ultra-joué, ultra-chanté et porté à bouts de bras. Encore du heavy beat des familles avec «Southern California Line». Ces gens-là ne s’embarrassent pas avec les détails, il stompent à gogo comme des gagas et Jason le démon ne rate pas une seule occasion d’exploser tous les records. Cette folle de Linda emmène «Crawling Misanthropic Blues» ventre à terre. Eh oui, Steve Wynn a réussi l’exploit de s’acoquiner avec une batteuse extraordinaire. Il faut la voir déployer des trésors de relances à l’infini. Et ça n’en finit plus de monter en température avec «Death Valley Rain», cette folle stompe le beat indie, dommage qu’il soit si typé. Jason déploie ses ailes mais le beat l’enraye. Elle tatapoume, c’est dommage. Le Cacavas nous nappe «There Will Come A Day» d’orgue. Il se prend pour Al Kooper au temps de Dylan. Et ils terminent avec le cut fatal, «The Days Of Wine And Roses». Jason le prend à l’alerte rouge et cette folle de Linda psychote le beat, il sont dessus et ça prend une tournure absolument effarante, c’est un hit de tension maximaliste qui ne prend pas une seule ride. Jason le démon arrose l’oriflamme de fiel fumant, il joue du note à note inflammatoire, comme au concert du FGO Barbara. Ces gens sont tout simplement incommensurables.

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    Nouveau side-project avec Gutterball. Steve Wynn monte l’opération avec Bryan Harvey et Johnny Hott. Un premier album sobrement titré Gutterball sort en 1993. Ça n’a l’air de rien, comme ça au premier abord, mais un side-project de Steve Wynn ne peut réserver que des bonnes surprises. Ce que vient immédiatement confirmer «Trial Separation Blues». Ça sonne toujours aussi bien. Steve Wynn reste très dylanesque dans le nasal, dans la classe et dans cette façon de passer des tas d’accords rock’n’roll. Quel condottière ! Il fait claquer un riff en l’air et un mec part en glou-glou de wah-wah, alors ça prend vite de sacrées tournures, mon cher Tournesol. D’autant que Steve Wynn se prend vraiment pour Dylan. Il reste dans le Dylanex avec «Top Of The Hill». Forcément bien vu. Il sait doser ses effets. Par contre, il tape «Lester Young» au rock indie. C’est sa façon de rendre hommage au vieux Lester. On assiste en direct à l’adaptation d’un mythe black par des petits blancs. Retour du brouet d’accords cinglants avec «When You Make Up Your Mind». C’est véritablement joué à la foison d’accords psyché et claqué au Dylanex. Steve Wynn se veut seigneurial, tout est joué aux glissandos de moutarde, au bouquet suprême. On tombe plus loin sur l’effarant «Falling From The Sky», garage pop de haut vol, énorme et insistant. Ça sonne comme un hit. Un de plus. Voilà encore une merveille Wynnique : «The Preacher And The Prostitute», oui car c’est joué aux accords magnifiques. Voilà du psyché de mec qui s’y connaît en arpèges du diable. Et il chante si bien. Il n’existe rien d’aussi définitif qu’une bonne chanson de Steve Wynn. Il faut voir comme il y va, c’est effarant. Il sort même des trucs dignes des Beatles. Steve Wynn joue au clair de l’éclair avec un génie de la descente et tout résonne au firmament. Il s’agit là de l’un des hits du siècle. C’est ramoné à la basse et chargé de chœurs de dingues. Et ça continue avec «Patent Leather Shoes». Le problème avec Steve Wynn, c’est qu’il est bon de A à Z. Inutile de le soumettre aux tests. Il est superbe. Il explose tout ce qu’il entreprend.

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    Un deuxième album intitulé Weasel sort deux ans plus tard, avec un chien rigolo sur la pochette. Une fois de plus, c’est un album énorme. On serait presque tenté d’ajouter hélas. On trouve au bas mot trois coups de génie là-dessus, à commencer par «Transparency». Anyway, ce mec est dingue. Tout est irrémédiablement claqué aux accords de rock US. On voit même des marées de son se chevaucher et il revient chanter au timbre revanchard de transparancy. Quel incroyable phénomène ! Pure fantasia de sonic hell dylanesque ! Tout aussi puissant, voici «Hesitation», avec sa belle explosion d’oh yeah. Cette pop reste un modèle du genre - So many ways to leave before dawn/ It only takes one if you feel you can’t go on - Le redémarrage de fin de couplet est une merveille d’anticipation dynamique. Ce mec a du génie, il faut le rappeler, il sait envoyer ses giclées et revient calmer le jeu d’une voix caverneuse. On se régale aussi du heavy riffing de petite incidence de «Maria». Steve Wynn chante dans la profondeur épidermique. C’est une voix de proximité. Les guitares s’entrecroisent et fabriquent du heavy drone psychédélique et un killer solo n’en finit plus d’agoniser - I said Maria/ When are you coming back - Il se situe en amont de l’excellence, avec des killer solos de desperado. Son «Angelene» est tout aussi déterminant. C’est même une vraie bénédiction. Et voilà «Everything» infesté de guitares intestines. Quel festin de roi ! Avec Steve Wynn, on est servi comme des princes, alors qu’on vient du petit peuple. Il règne en maître sur l’empire du psyché définitif. Les solos coulent comme l’or des mines du roi Salomon et on frise l’extase collatérale. S’ensuit un «Over 40» tellement intense que les bras nous en tombent. Steve Wynn reste dans le move du heavy rock jusqu’au bout du bout. On peine à suivre une telle force de la nature. «Your Best Friends» vaut aussi pour un rock balayé par les vents d’Ouest. Il semble expédier les affaires courantes. Il percute l’occiput du rock bien né. Il refait du Dylanex avec «Is There Something I Should Know». Il s’y croit et il a raison de s’y croire, il éclot dans d’extraordinaires bouquets d’accords et avant qu’elle ne parte, il demande s’il y a quelque chose qu’il devrait savoir, il se fond dans l’osmose du cosmos dylanesque, ça fait illusion, en tous les cas. C’est tout simplement stupéfiant. Encore une merveille avec «Sugarfix», joué à la fantastique énergie de pop-rock psychédélique dans une immense clameur.

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    N’allez pas croire que Turnyor Hedinkov échappe à la règle : au minimum deux violentes énormités sur chaque album enregistré par Steve Wynn. Ici, elles s’appellent «Turn Down The Heat» et «Jimmy The Weasel». Heat vaut tous les plus beaux heavy boogies du monde. Le sien est même ravagé par des ouragans soniques de guitares émulsives. Heavy as hell ! Quand à Weasel, ce n’est pas «Little Johnny Jewel» mais c’est tout comme - Give my best of the family - Même genre de groove, joué au beat invariable, ce diable de Wynner joue la carte du groove délétère, hey Johnny, bye bye. Il prend «The Fire That Burns Both Ways» au demeurant de bas de voix et c’est absolument bardé de son. Il nous replonge une fois encore dans la réalité de son rock et ça tourne à la mad psyché. Même un balladif de circonstance comme «Cheaper By The Pound» sonne comme un hit incommensurable. L’empire du Wynner s’étend à l’infini. Il fait sonner le moindre cut comme un chart-topper. Chez lui, tout bascule dans l’excès de qualité. Ce mec est un surdoué du song-writing. Il profite de «Top Of The Hill» pour venir se plaindre - All alone at the top of the hill/ Ain’t got no dollar bill - et pouf voilà de vieux coups de guitare d’écho mortel, comme s’il y avait un bayou au sommet de la colline, ce qui semble pour le moins incongru.

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    Nouveau side-project, cette fois en forme de super-groupe, avec The Baseball Project. Peter Buck fait partie de l’aventure, ainsi que Linda Pitmon, transfuge des Miracle 3, et Scott McCaughey, qui a joué dans les Longshots de Roy Loney. Question contenu, ces disques nous échappent un peu car Steve Wynn et ses amis racontent des histoires de joueurs de baseball, mais musicalement, ces trois volumes sont des bombes.

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    Vol 1. Frozen Ropes And Dying Quails paraît en 2008. Trois énormités s’y nichent, à commencer par «Jackie’s Lament». C’est explosivement bon, certainement l’un des plus beaux mid-tempos de tous les temps. Le génie du Wynner éclate une fois de plus au grand jour. On peut dire la même chose de «The Death Of Big Ed Delahanty». C’est tapé au vieux shuffle d’underground de white heat et gratté aux accords dévorants, comme du hot garage californien. Il faut aussi écouter «The Closer» car c’est un cut littéralement infesté de guitares contrevenantes. La vision de Steve Wynn est celle d’un rock supra-énergétique unique en Amérique. Il n’existe pas de pire énormité qu’un cut comme the Closer. Tout l’album est bon, d’ailleurs on est fixé dès le «Past Time» d’ouverture du bal, car voilà une belle dégelée de power-pop cristalline chantée à l’insistance bavaroise. C’est stupéfiant de mise en place et de verdeur maximaliste. Et avec «Ted Fucking Williams», ils passent au heavy glam. Ils s’autorisent toutes sortes de flagorneries. Dans «Gratitude» règne une grosse ambiance de chœurs évangéliques. C’est très envoûtant. Steve Wynn plaque bien ses accords. Ces gens-là sont des maniaques de la qualité. On sait que Steve Wynn adore Bob, alors personne ne sera surpris d’entendre «Satchel Paige Said». C’est chanté à la pince à linge, avec de grands coups d’harmo par derrière.

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    Vol 2. High And Inside s’inscrit dans le même registre hautement qualitatif. Steve Wynn et ses amis attaquent avec «1976», un balladif d’une classe épouvantable. Ce mec atteint à une dimension classique infernale, comme le fit jadis Frank Black. Son rock résonne dans les couloirs de l’intellect. La classe parle toujours. Voilà encore un hit : «Don’t Call Them Twinkies». C’est puissant car balayé à la wah-wah. Le génie balladif de Steve Wynn vaut bien celui de Dylan. Il a vraiment de l’aplomb. On a là un cut d’une puissance ravageuse. Chez le Wynner, il y a toujours du son. Il chante «Chin Music» au Dylanex des bas-fonds. Il tape dans une espèce d’Americana chargée d’orgue de barbarie et hantée de chœurs déments. Il faut vraiment écouter cet album. Tiens voilà encore un hit : «Tony (Boston’s Chosen Son)». Steve Wynn chante ça avec fermeté, au gras du timbre. Il émane de ce cut un vieux relent à la Kurt Weil. Encore une énormité avec «Twilight Of My Career». Steve Wynn croasse au sommet de son art. C’est encore une fois un balladif imparable.

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    Impossible de faire l’impasse sur The Broadside Ballads, un album paru sur Yep Rock Records en 2011. Pourquoi ? À cause d’un cut nommé «The Way It’s Gonna Be», un cut extrêmement énervé, that’s the way, emmené à l’énergie psychotique, ils sont complètement dingues, Steve Wynn embarque ça au speed-talking de wall of sound. «All Future And No past» sonne comme un hit dylanesque. Steve Wynn n’en finit plus d’enfoncer son clou. Il passe à la fantastique pop de cake avec «Clubs 2010». Ça tient si bien la route qu’il n’est pas utile de tenir le volant. Ah qui saura dire l’extraordinaire aisance du Project ? Steve Wynn traite «30 Dec» au petit trot, il ne traîne pas en chemin, oh yeah, il se conduit en vrai maître chanteur capable de speeder le talking blues comme son mentor Bob. Ses oh yeah tombent comme des cascades de bonheur dans la vallée enchantée. Oh il faut entendre ce «(Do The) Triple Crown» joué au heavy shuffle de juke. Ces mecs sont incapables de se calmer. Bizarre que personne n’ait pensé à faire interner ce fou génial de Steve Wynn. Il nous fait le coup du Triple Crown au coin du juke, lalala et c’est trashé jusqu’à l’os du fion par un solo délétère, évidemment. On se régale aussi de l’excellent «The Grants Win The Prennants», un heavy balladif of it all. Ce Wynner de tous les diables gère la heavyness avec tout le tact et la délicatesse d’un véritable entrepreneur.

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    Paru en 2014, 3rd est le meilleur des trois volumes. On se demande vraiment comment fait Steve Wynn pour monter chaque fois d’un cran. Ça grimpe en température dès «Slats» et ça explose avec «From Nails To Thumbtacks». Voilà un son qui dégage le ciel. Quel souffle d’hydratation événementielle ! On retrouve dans ce cut toutes les composantes du meilleur power-poppisme. Et ça continue avec «Hola America», slab de rock américain complètement dévastateur. Steve Wynn lâche des not around dignes des Stooges. Les dynamiques sont spectaculaires et c’est monté au beat ultra-balancé. Nouvelle énormité avec «The Day Dock Went Hunting Heads» : ça frise le glam de rockalama. Le son est si beau qu’il semble organique. Steve Wynn fait son Ziggy. Il crée le même genre de magie. On retrouve là tout le karma du glam, avec de l’émotion et une histoire bien racontée. Dommage qu’ils parlent de baseball. On aurait préféré Weird and Gilli. Ils restent dans le haut de gamme power-poppy avec un «To The Veteran Committee» saturé d’incursions intestines et joué à la pure décoxion guitaristique. Le problème avec Steve Wynn, c’est que toutes ses chansons sont bonnes. Tout est inspiré par les trous de nez. Ce mec est doué au-delà du raisonnable. «They Don’t Know Henry» sonne comme de la vieille pop intentionnelle et «The Babe» se montre d’une tenue exemplaire. Steve Wynn baigne son balladif d’une grande aura boréale. On y assiste à un retour en force de la beauté. Quel album ! Chaque cut compte. Chaque cut claque. Un solo d’anticipation transversale transperce «They Are The Oakland A’s» de part en part. Tout est joué à l’extrême onction. Nouvelle énormité avec «Pascual On The Perimeter». Steve Wynn survole l’univers du rock avec une grâce certaine. Ce serait une erreur que de le considérer comme un rocker indie sur le retour. On trouve dans ses cuts des départs en solo foudroyants et des licks de psyché irradiants. Cet album est une véritable foire à la saucisse. «The Baseball Card Song» sonne comme une bénédiction, un refuge pour les pauvres. Les voilà barrés en mode country. Ils renouent avec le solide romp dans «A Boy Named Cy», et un solo de guitare fantôme vient hanter les coursives. Back to the big Americana avec «They Played Baseball». Ce diable de Steve Wynn bat Lou Reed à plates coutures. Il dynamise son heavy rock d’harmo à gogo. Voilà encore un cut incroyablement présent, vrai chef d’œuvre de boogie-rock entreprenant. Ils finissent ce brillant album avec «Take Me Out To The Ball Game», un cut effarant monté au tatapoum de fin de non-recevoir. La bassline y ronfle comme un moteur débridé. Et c’est peu dire.

    Signé : Cazengler, Steve ouin ouin

    Steve Wynn & Miracle 3. Live At Big Mama. Mucchio Extra 2002

    Steve Wynn & Miracle 3. Static Transmission. Blue Rose Records 2003

    Steve Wynn & Miracle 3. Tick Tick Tick. Blue Rose Records 2005

    Steve Wynn & Miracle 3. Northern Aggression. Blue Rose Records 2010

    Gutterball. Gutterball. Brake Out Records 1993

    Gutterball. Weasel. Brake Out Records 1995

    Gutterball. Turnyor Hedinkov. Return To Sender 1995

    Baseball Project. Vol 1. Frozen Ropes And Dying Quails. Yep Rock Records 2008

    Baseball Project. Vol 2. High And Inside. Yep Rock Records 2011

    Baseball Project. The Broadside Ballads. Yep Rock Records 2011

    Baseball Project. 3rd. Yep Rock Records 2014

    28 - 01 – 2019 / MONTREUIL

    LA COMEDIA

    NAUSEA BOMB / ANTI-CLOCKWISE

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    Entrée libre et petite fleur dessinée sur le poignet, à la Comedia on cultive l'humour, la programmation louche plutôt côté punk que hippie. En plus, Tony Marlow accoudé au comptoir, je m'y attendais ( je ne l'ai jamais dit, mais je possède un cerveau qui me permet de visualiser l'avenir ) puisque Amine Leroy qui officie dans Nausea Bomb tient aussi la contrebasse dans son combo, l'on parle ( au hasard ) de rock'n'roll, de rock'n'roll français notamment des Variations ( kronic du bouquin de Julien Deléglise dans la livraison 404 ), Tony ado les a vus à l'époque en Corse, du coup il est devenu chanteur de rock. Faudra penser à inculper les Variations pour avoir corrompu la saine jeunesse française. Ce crime ne saurait être pardonné. Quand on pense à l'influence dégradante du rock'n'roll sur les esprits encore aujourd'hui. Je n'exagère rien, en voici deux parfaits exemples.

    NAUSEA BOMB

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    Une bombe ce n'est dangereux qu'au moment précis où elle explose. Pendant que la mèche brûle, tout va bien. Pendant que le cordon peu ombilical se consume vous pouvez échanger de doctes impressions avec vos voisins. Pour être tout à fait franc durant les dix premières secondes personne ne s'attendait à ce que Nausea Bomb soit un ensemble de musique de chambre. Je vous rassure, ce ne fut pas le cas. Mais ils nous ont pris par surprise. Ne faut jamais s'arrêter aux images : batterie, une guitare très électrique, et une contrebasse, 99, 99999999% de chance que ce soit un groupe de punkabilly foutraque de plus. En plus ils ont Marion. Même pas sur la scène. Se pavane devant en toute innocence. Ressemble à une gamine qui se casse en lousdé du collège pour faire l'école buissonnière. L'a le look de l'élève de sixième qui s'en va vérifier, la mine épanouie, si le monde ressemble à ce qui est écrit dans son livre de lecture. A s'y tromper, avec sa sa queue de cheval, son T-shirt sage et ses collants noirs, elle a douze ans montés en graine. Un seul détail qui cloche, sa jupe droite bien trop courte, qui remonte bien trop haut, en pleine crise de croissance, ses parents n'ont pas eu le temps ( ou l'argent ) pour lui refaire sa garde-robe. Non, non, pas du tout, notre grande jeune fille a déjà dépassé la terminale. L'habite son personnage naturel avec aisance, l'air émerveillé, sourire faussement béat, et esprit futé. Entre deux morceaux, elle se saisit de la set-list, jette un coup d'œil, suivi d'une moue irrésistible, chipote, oui, non, pas celui-ci, vous croyez, et bien ce sera, elle remue la feuille, vous vous croyez chez Mac-plein-le dos à choisir voluptueusement entre le big au steack charolais charançonné ou la salade aux limaces special-vegan, -et hop elle pique au hasard le premier titre qui lui tombe sous les yeux. Je vous laisse méditer sur le contenu idéologique de quelques textes : Jardin Charnier, Procrastination, Pussy Cat Vampire, Burqa Poil... Les guys derrière, bien sûr au souhait de leur écolière, ils obtempèrent. Dare-dare. Ce n'est pas qu'ils obéissent, c'est qu'ils tissent des sons qui anéantissent. Sans préavis.

    Attention beau tissage. Haute-lisse. Démarrent au quart de tour, et c'est parti. Pour l'incroyable. Un sprint punk, tous ensemble, groupés, vous commencez à avoir des doutes au premier, puis au second, puis au troisième obstacle, bye-bye la piste cendrée toute droite, nous voici dans un parcours de steeple-chase équin, avec des murs de trois mètres de haut, et hop ils vous enjambent les parpaings avec une facilité déconcertante, lèvent tous la jambe au même moment et hop, on fonce vers le suivant, la musique ressemble à une tôle ondulée, rainure, montée, rainure, montée, rainure, ne s'appellent pas Nauséa pour rien, avec sa Nausée Jean-Paul Sartre peut aller se rhabiller, z'avez l'estomac au bord des lèvres et puis qui pendouille sur votre torse au bout de l'œsophage. Ce n'est que le début, ils continuent le combat. Ont décidé de vous donner tort à tout moment. La grande glisse, vous pensez que ça va tourner à gauche, pas de chance virage à droite et à angle droit, vous font le coup à chaque fois, en plus ils accélèrent. C'est à cet instant que vous réalisez que ce n'est pas le pire. Rattrapez-vous aux petites branches, des groupes qui speedent vous avez déjà connus, mais là une fois la vitesse de la lumière atteinte, ils rajoutent un petit truc à eux, très simple, ils complexifient, vous en perdez le latin ( et le grec ) que votre misérable caboche n'a jamais pu retenir, vous êtes bien devant un groupe de krockabilly, oui certes, et même qu'il cartonne méchamment et joliment, oui mais sans le savoir le don d'ubiquité lui a été octroyé, punkabilly à tête de mort pirate sur votre gauche, et sur votre droite tout ce que le dodécaphonisme et ses dérivés situationnistes ont inventé depuis quatre-vingt ans. La Bomb des Nausea j'essaie de vous la définir : ils ont mis au point la structure flottante, le cadre éparpillé, le pattern incontrôlable, l'a fallu dépenser des milliards et réunir des milliers de savants pour construire le synchrotron dans le seul but d'observer le parcours d'une particule élémentaire, que d'argent public sottement dépensé, un gaspillage insensé, les Nausea Bomb, eux ils connaissent, le parcours capricieux et illimité d'un atome entre l'Être du vide et le Néant de la présence, ils contrôlent. Vous le récitent par cœur comme la table de multiplication de 2. D'ailleurs à chaque morceau, ils rajoutent quelques chiffres, 2 multiplié par 2 = 4, mais dites-moi 13598276 multiplié par 13598276, en deux secondes combien ça fait ? Et in abrupto ils vous refilent le résultat sonore et l'évidence de la preuve par neuf vous tombe sous le sens. Nous ont sidérés, une assemblée de punks la bouche ouverte d'admiration, et à chaque fin de morceau des ovations d'applaudissements fervents. Dans l'inter-set Tony évoquera la nécessité d'un nouveau genre : le punkabilly-prog, la folie et la virtuosité réunies en un serpent à deux têtes. Sa blessure est doublement mortelle mais vous ne savez jamais par quel angle sa reptation bifide l'emmènera à vous infliger la terrible blessure scrofuleuse dont on ne guérit jamais. Même une fois mort. L'extase funèbre. C'est sur cela que Marion rajoute ses ritournelles de cour de récréation. Dépose ses joyeuses comptines sur cette musique métaphysique sans complexe. Nausea Bomb c'est un peu le Grand-Verre de Duchamp, dans la réalisation duquel le hasard aurait été radié. A moins que ce ne soit irradié.

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    Pour Nausea Adrien guitar-hero joue à saute-alligator, totalement speedé, inutile de s'acharner à le suivre, est irrémédiablement devant, et vous benoîtement stupides à le regarder s'évanouir dans le lointain. Question Bomb, la section ( d'assaut ) rythmique, je n'insiste pas sur les excès de vitesse, Amine ne joue pas de la big mama, l'est tellement penché sur elle qu'il semble être entré dedans, à fond la caisse de bois, lui arrache sauvagement les boyaux qui comme le foie de Prométhée, sous le bec du vautour, renaissent instantanément. Et la big mama mugit les tripes à l'air sur le champ de bataille. A ses côtés Xav. Ecoutez l'incroyable histoire, doit être doué d'un cerveau à synapses rotatives, vient d'arriver dans le groupe, troisième concert – ce soir sans répétition – l'a déjà en mémoire la trame complexe de cette musique folle, qui flamboie avec la violence d'un incendie de forêt californienne. Un prodige. Ce n'est pas que la musique repose sur lui, c'est qu'il est le vecteur de cette ébullition éruptive.

    Nausea a bien fait éclater sa Bomb. Etrangement, vu l'empressement admiratif personne n'a eu la nausée, tout le monde était d'accord pour dire que c'était de la bombe. A neutrons indociles.

    ANTI-CLOCKWISE

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    Mini-balance, expédiée de main de maître, rien qu'à entendre ces cris gorgonesques de Gordon, comme dans les années cinquante quand le voisin de gauche tuait sa femme et que celui de droite violait le cochon, l'on a compris qu'avec Anti-Clockwise la pendule du rock serait encore une fois ( mais depuis Bill Haley on en a l'habitude ) un peu déréglée. Avant de s'écouter Anti-Clockwise se regarde. Votre cœur se serre. Une mésange bleue s'est posée par mégarde dans un nœud de serpents, un ange blond égarée au milieu d'un équipage de forbans. Pas de panique, Paola n'a pas besoin de vous, l'a sa basse avec elle, et cela lui suffit amplement, non pas pour se défendre mais pour prendre vos esgourdes à l'abordage. De fait c'est elle qui tient la barre, sans faiblir d'une seconde, maintient le cap sur l'ennemi tandis que le reste de l'équipage mitraille à tout berzingue. Lorsqu'ils reprennent souffle, vous entendez le vrombissement de ses lignes de basse imperturbables qui filent à la vitesse de torpilles enragées. C'est sa voix qui dévoile Paola, se charge aussi des chœurs – elle y met du cœur – un organe de bronze, une chienne plutonienne, chaque fois qu'elle s'approche du micro, il vous semble qu'on vous ramone les intestins avec un hérisson de fil de fer barbelé, Mary Read devait produire un semblable grondement lorsqu'elle ordonnait de pendre, sans rémission, haut et court - une vingtaines de pleutres à la grande vergue. Voilà c'était notre instant de douceur blondinette et de tendresse féminine. Il y a déjà une vingtaine de minutes que le devant de la scène s'est transformé en piste d'auto-scooters, un pogo d'enfer, avec en prime la possibilité de vous faire promener dans toute la Comedia à bout de bras pagailleux et biceps incertains, lorsque Fred, el cantaor, annonce qu'il est temps de passer à des morceaux qui remuent tout de même un peu. A cette bonne nouvelle – la meilleure depuis J. C. - une clameur de joie ébranle les murs et, n'y tenant plus, un volontaire tente à lui tout seul un suicide collectif, au saut de l'ange sans élastique, depuis le haut du comptoir, l'est rattrapé in extrémis par un géant indulgent qui le fourre sous son bras avec le geste auguste et débonnaire du nageur qui saisit sa serviette de bain pour rejoindre le bassin de la piscine municipale. N'en quittez pas pour autant Fred du regard, à sa place vous auriez envoyé votre lettre de démission. C'est qu'Anti-Clockwise, ils ont un peu cette mentalité des blousons noirs qui adaptaient des mégaphones, des bruitophones pétaradeurs, sur leur Gitane Testi dans le seul but ( regrettable ) de se faire remarquer. Bref dans l'onde sonore produite par le groupe, un vol de canards sauvages ne trouverait pas l'interstice qui lui permettrait de passer au travers afin de poursuivre sa migration hivernale. Le Fred, ne se fatigue pas, passe carrément au-dessus, il serait faux de dire que l'on n'entend que lui, mais sa voix plane au-dessus comme l'aigle au-dessus des nuées ( de grêles ). Un chanteur ( de bel, pardon) moche-canto, le timbre oblitéré d'enrouements de suppliciés et d'éructations hallebardiques, chargé de remugles anarchiques. Possèdent deux guitaristes. Profondément antithétiques. Un vicieux, et un franco-de-port. Evidemment c'est le vicelard qui est le plus jeune et le plus beau. Des cheveux mi-longs lui donnent cet air romantique qui plaît aux demoiselles. Ne s'en préoccupe pas. Une seule chose compte pour lui. L'est penché sur sa guitare, à croire qu'elle est en or. L'en extrait de l'ordure, de ces espèces de mélopées de chats longuement écorchés qui vous traversent à la manière des baïonnettes que l'on vous enfonce dans le dos, en prenant bien soin d'opérer le mouvement de zig-zag cruellique qui métamorphose toute blessure fatale en mortelle agonie interminable. Pour les dames friandes d'émotion fortes, un vieux grenadier, pas un pelut sur le caillou, mais le crâne tatoué – ce doit être la carte au trésor du Capitaine Flint, en tout cas il y a des traces de sang dignes d'un trépané - des anneaux et des cicatrices partout, une tête brûlée qui n'est heureuse que lorsqu'elle charge en première ligne, ne sait plus où donner de la tête et du riff, une véritable machine à tuer. Ne peut plus s'arrêter. Quand c'est terminé, alors que les autres quittent leurs instruments, il en jette quelques uns, incendiaires qui raniment la flamme, grâce à lui on aura trois rappels. Si on l'avait écouté, on y serait encore. Ne raccrochez pas, il en reste un, un bel éphèbe torse nu qui pilonne la batterie. Le piston qui fait marcher la machine infernale. Un tel enchevêtrement musical de voix et de guitares que vous n'y feriez pas gaffe, mais l'est un peu comme le moteur atomique qui meut le sous-marin d'attaque dont la photo ne trahit que la silhouette menaçante. Vous casse les atomes sur les toms, car il sûr que l'on ne fait pas une omelette rock sans détruire les ovaires frémissants de la lâcheté humaine qui ne demandaient qu'à vivre. Maintenant n'allez pas croire qu'Anti-Clockwise sont de sombres brutes bas du cerveau, professent une saine philosophie dont leurs morceaux sont les professions de foi, ne faites que ce que vous voulez, ne vous laissez pas faire, brisez toutes les barrières, vivez vos désirs, ne soyez dupes de personne, pas même de vous. Qui dit mieux ? Je ne sais pas. Qui le dit aussi rock'n'punk ! Nous attendrons vos réponses. Le cachet de la poste prouvera que vous les aurez envoyés juste après la fin du monde. Sinon s'abstenir.

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    Damie Chad.

    Une déception toutefois dans cette soirée, ne me suis pas précipité à temps vers la table pour le 33 de Nausea Bomb, la prochaine fois je n'y manquerai pas, j'allais me faire hara-kiri de désespoir, lorsque Xavier a brusquement surgi une boîte parallélépipédique entre ses mains. Ce n'était pas les disques de Nausea, mais ceux de son autre groupe, avec un tel batteur j'ai pris d'office. Belle pochette de SuperToto and Yan, esthétique un peu métallifère, mais le verso ne trompe guère, l'on est bien dans du punk-rock ultraïque. Vous qui croyez que le wonderland est le pays où l'on n'arrive jamais, Alicia la merveilleuse est là. Une grrrl comme l'on n'en fera plus jamais. Nous en avions tenté dans la livraison 360 du 08 / 02 / 2018 lors d'un concert à la Comedia avec Blue Void, une description, pâle reflet de la réalité astartique, suprême incarnation du désir déchiré.

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    La photo est de Sue Rynski, pour saisir l'incandescente apparence d'une de ces princesses d'ivoire et d'ivresse, chères à Jean Lorrain – relisez les redoutables pâmoisons empoisonnées de ses Pall-Mall - il ne fallait pas moins que la pupille féline de la photographe du punk et de Destroy All Monsters...

    ATM

    ALL THIS MESS

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    Lead Vocal : Alicia / Guitars : Jérôme / Bass : Yan / Drums : Xavier.

    Phobia : murs de schiste gris, les guitares construisent le labyrinthe de la folie interminable, la voix d'Alice se débat dans les entrelacs des serpent paranoïaques de l'angoisse du monde. La batterie enfonce les clous des piloris de la perte de soi, Alicia vous pousse de ces piaillements d'idiote, vous devenez poussin d'innocence autistiques pris dans le faisceau fascinant des yeux de la vipère intérieure qui niche dans les méandres de notre cerveau. Urgence et reptation, vous sortirez vivant du cercueil de la mort. Juste pour rentrer dans un nouveau cercle de l'enfer. Prayer : prière espagnole murmurée à Santa Maria sous les sirènes d'alarme des guitares, explosion musicale, Jérôme joue les inquisiteurs en backin vocal, mais Alicia ne se rend pas, n'aime ni dieu ni église, hurle qu'elle n'a peur de personne même pas du diable que l'existence heureuse est la vallée du péché librement consenti, le background musical se fait grandiose et auguste, et puis menace de feu brûlant infernal, mais la flamme vocale de la vie libre n'en continue pas moins son chemin dans dans le brasier inextinguible de la bêtise humaine. Bruises : musique pogoïque forte et violente, des rafales de guitares vous arrivent comme grêlons d'horions et la batterie défonce les chairs, revendications féminines, les filles ont droit au pogo, que les garçons arrêtent de se prendre sur un ring de catch. Vous apprécierez au début ces modulations de sirènes insinuants, et puis la voix d'Alicia claque comme baffes distribuées à l'orgueil des mâles qui font mal. Gender Weirdness : tambourinade suivi d'un ouragan de guitares, deuxième revendication féministe, celle du genre, dénonciation des mots trop étroits qui vous enferment dans les carcans sociaux de la chair monotypée, la masse sonore glisse comme si elle hésitait entre deux chemins trop étroits. Alicia crache son mépris des idées toutes faites à la gueule des rétrogrades, le combo en rajoute une couche. L'ensemble fait mouche entre les jambes. Lives to blow : déclaration de guerre, la musique roule sur vous à la manière d'une division blindée, haïssez cet enrôlement dans la violence du monde, les guitares lancent des scuds et l'herbe de la vie repousse partout où la voix d'Alicia déclare la guerre à la guerre. Tant pis : les temps sont à la confusion intérieure, la musique gronde mais la voix d'Alicia est devant, comme s'il n'y avait rien de plus important que de se tirer des ses propres contradictions, le ton monte telle une sonnette d'alarme que l'on tire en vain. Morceau bien trop court. Tant pire pour vous. Tant pis pour moi. Tant pisse pour le monde entier. Brièveté roborative. Screen head : Pluie de guitare, voix endeuillée, comme de l'ouate entre vous et vous, cela ne durera pas, Alicia devient vindicative, dénonce la pomme pourrie dans les cerveaux, manipulation des écrans, nous ne sommes plus nous, mais les figurines d'un jeu généralisé qu'elle se refuse à jouer. La voix hache comme ces haches d'abordage qui s'abattent sur les écrans de surveillance extérieure et d'auto-régulalion intérieure. Elle n'est qu'une fille de chair et de sang. Peut-être le plus beau morceau de l'album, mais comment choisir dans ce collier de perles noires. Come on, Ellen : l'histoire de son propre miroir que l'on tend aux autres mais qui ne révèle qu'une fausse image. Réflexion sur le statut iconique d'Alice en belle et cruelle Ellen distante de ses propres pièges. La musique survient de partout comme éclats de miroir brisé. Suis-je moi ou l'autre que je ne suis pas, que je ne sais pas. Il n'est de couteau plus cruel que celui qui déchire des images de papier. All This Mess appuie et cumule là où la plaie purule. Mess : vivre vite, musique de fête qui déboule dans la traboule de l'existence, toute la vie devant soi et tous les regrets assumés de n'avoir pas pris un autre chemin, tout et maintenant, le combo flonflonne et court après la jeunesse du monde. La joie déborde des toilettes de la vie. La chasse d'eau n'arrête pas de couler. The way they go : le même binz, en moins coloré, en plus dramatique, the thrill is gone, Alicia crie devant le cadavre de sa jeunesse comme les pleureuses s'arrachaient les cheveux, belle cavalcade de Xavier, froncements tuméfiants de guitares, la voix décolle comme ces chatons à qui vous arrachez la queue. Mais où allons-nous ?

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    Un beau disque. Disponible sur bandcamp mais préférez le vinyl, mieux approprié. Les deux faces vous font ressortir les deux aspects de l'album, la première de rage vindicative, la seconde qui s'infléchit telle la courbe d'un yatagan introspectif, un retournement de chemin heideggerien qui vous mène au plus près de l'Être. Pour une fois que nous avons un disque de rock avec des textes incisifs qui refusent de signifier le consensus mou des idées toute faites et des poses attractives attendues, ne vous en privez pas. Une musique à la netteté de ces entailles souveraines d'onyx noir dans lequel s'inscrit la voix de diamant pur d'Alicia. Un grondement de tonnerre, les boules de feux des orages cataclysmiques et les diatribes glacées de la déesse qui vous annoncent que l'avenir aura désormais la noirceur des anarchies intérieures. Ne pleurez pas, ne vous lamentez pas. C'est inutile. Vous ne pouvez que vous en prendre à vous. Puisque vous êtes responsables de vos propres malheurs. N'est-ce pas vous qui avez barré – par une sotte inadvertance – le sentier qui mène à l'Île des Bienheureux.

    Damie Chad.

    Du coup je n'ai pas résisté à vous remettre la kro du concert de Blue Void ( + celle de leur disque ) du concert du 04 / 02 / 2018 à La Comedia.

    BLUE VOID

    L'ai remarquée dès que je suis entré. Mais je ne savais pas. N'étaient que trois garçons sur la scène à installer le matos et à peaufiner les derniers réglages. Et quand à la sono, le signal de départ a été donné, j'ai été tout surpris de la voir sauter sur l'estrade et se saisir du micro. Les gars ont embrayé tout de suite. Pas des charlots, parfaitement en place à la première seconde, vous ont concocté un de ces backgrounds de rêve, un de ces profilés de braise pour les soirs d'ordalie, et encore je les soupçonne de savoir faire mieux, car là ils ne jouaient pas pour eux, mais pour elle. Aux petits soins, aux petits oignons. De ceux qui vous font pleurer des larmes de joie. Ensuite ce fut le pays des merveilles. Le pays d'Alice. Toute mince, les jambes fuselées en futal noir négligemment ouvert aux genoux, une taille de guêpe, toute longue, surmontée d'un brouillard de blondeur, les bras nus, un bustier à rendre jalouse Astarté, le haut du sein gauche scotché d'une croix noire, le bras droit tatouage-maori, et puis la voix qui gomme tout ce qui précède. Haute et claire. Derrière ils affutent le raffut, mais elle plane au-dessus. Une facilité déconcertante. Une aisance à vous transformer en malade mental. L'a débuté par un avertissement un tantinet mensonger : «  L'on fait du post-punk mélodique », post-punk, je n'ose pas contrarier mais pour la mélodie, elle est envoyée à la fronde. Ou alors ce qu'elle appelle mélodie c'est sa facilité à surfer sur les octaves. This Bomb is Mine décrète-t-elle d'entrée, vous le martèle d'une voix claire comme de l'eau de roche et haute comme la tour Eiffel, mais trois morceaux plus tard sur Junk set elle growle comme une mécréante. Mais ce n'est pas tout. Car non seulement elle envoie sec, mais elle nuance à la mitraillette, elle cisèle à la hache d'abordage, elle époussette au marteau-pilon. Les guys la suivent, lui cueillent des jonquilles, lui ramassent des violettes et lui coupent des roses, à toute vitesse, Marc ne passe pas les riffs, il n'en a qu'un par morceau mais vous le fait miroiter, étinceler et chatoyer, sous tous les côtés vous l'allonge et vous le rétrécit à volonté, idem pour Julo qui élastise sa basse, jamais au-dessus, jamais au-dessous du ton de la demoiselle et quant à Léonard devint marteau à laminer l'électricité cordique il racate à la hâte. You and the Hole, Volcano Girl, Waste Virgin Clothes – titres aux lyrics prometteurs mais pour le moment on n'écoute que cette voix de démone imprécative. C'est du dur vocal, du pur palatal, du sûr apical, de l'envoûtement subliminal, de la folie animale. L'a mis le feu à la salle, les filles dansent devant elle comme sorcières au soir de grand sabbat. La salle acclame, brame de joie et clame sa ferveur. Un set mené sans interruption, un incendie qui brûle tout sur son passage. Seront obligés de refaire This Bomb is mine en rappel parce que le rock'n'roll est une musique qui ne supporte pas la frustration.

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    ( Polaroids :  Ana Hyena )

    THIS BOMB IS MINE / BLUE VOID

    ( BV02 )

    Guitare : Marc / Voix : Alice / Bass : Julo / Drums : Léo.

    This Bomb is mine : affirmation féminine, la voix minaude toute seule haut perchée mais les guitares et la batterie la poussent dans ses retranchements et c'est la grande explication, celle qui déchire, transperce les tympans, attise la colère, s'hystérise, ne s'arrête plus jusqu'à la fin brutale comme un couperet. Nom de Zeus quelle chanteuse ! Overlead : on a compris, n'y a plus qu'à se laisser entraîner, emporter par la fougue de la demoiselle. Les gars entament une partie de tennis à trois et la balle n'en finit pas de rebondir jusqu'au bout du rock'n'roll. Elle, elle continue comme si de rien n'était. L'en a la voix qui miaule et puis qui s'enfonce dans votre cerveau comme la lame d'une serial killer. Volcano Girl : les boys partent en douceur vibrionnante, aucune inquiétude, la zamzelle vous développe une éruption grandeur nature, chaque fois qu'elle dit '' Oh'' vous perdez votre raison. Vous en ressortez sous une pluie de cendres. Pompéi girl ! Chichek : c'est la reine lézarde qui run, run, run après sa liberté. Ne vous inquiétez pas les boys accélèrent le mouvement, c'est que l'on appelle une cause gagnée.

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    Cette trombe is mine. Blue Void passe le balai sur les araignées qui encombrent le rock muséal. Un son à eux, une voix à elle, un groupe soudé comme les quatre éléments qui composent l'univers du rock : le feu de l'arrogance, le vent des colères, l'eau des désirs, les terres brûlées. Si vous tenez à laisser un témoignage de vos égarements à vos petits enfants, ce disque est pour vous.

    Damie Chad.

    MONTREUIL / 02 – 02 – 2019

    LA COMEDIA

    UNDERVOID / PSYCHOÏD

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    La Teuf-teuf broute les kilomètres à la vitesse lumière de l'Etalon Noir de Walter Farley, le rond ronronnement régulier du moteur me conduit, je ne saurais dire pourquoi, à la radieuse souvenance de ma lecture de Les Béatitudes Bestiales de Balthazar B que Donleavy fit paraître en 1968 – ah ! ces douces années tumultueuses – mais me voici déjà devant l'entrée de La Comedia qui s'entrouvre tel un chaud cocon protecteur, douce chaleur prémonitoire de l'incandescence des deux groupes au programme.

    UNDERVOID

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    Quatre sur scène. Trio plus chanteur. La formation idéale, à chacun son job, pas de d'embardée possible dans le champ du voisin. Evidemment faut une certaine virtuosité – pour ne pas dire une virtuosité certaine – surtout lorsque comme Undervoid, l'on décide de pratiquer la musique éruptive de la fournaise du Diable. Rock'n'roll et rien d'autre. Coupe pleine d'un vin épais et sans eau pour la libation suprême. Vite pigé. La première dégringolade des baguettes d'Alexandre Paris sur les peaux suffit à vous mettre dans l'ambiance, une impression de digue crevée et une masse d'eau qui emporte les poids-lourds de l'autoroute comme des balles de ping-pong. Plombées, font des ricochets sur l'assistance qui a l'air d'apprécier ce traitement brutal mais terriblement efficace. Avec un tel déluge, il est impératif de posséder un guitariste qui ne se contente pas d'arroser les petits pois une fois par semaine. Justement vous avez un gretschiste sur votre gauche. Marc Berg a dû sortir du ventre de sa mère les doigts coincés dans le cordier de l'orangeade, l'affûte sec, l'en rajoute toutes les trois secondes, n'a pas son pareil pour la parélie riffique, incapable de jouer un riff sans le tordre de mille manières, n'est jamais satisfait de lui, alors il file un petit coup de bigsby, style je rajoute un kilogramme de poudre à canon dans la cheminée pour donner du tonus à la flamme. Un artiste, vous étire les notes à l'infini si vite que vous n'avez pas le temps de les entendre passer. Avec ces deux-là, vous avez votre ration pour la semaine. Mais c'est loin d'être fini. Bill Otomo est à la basse comme d'autres vont au bassthon, vous la saisit entre ses deux paluches, lorsqu'il joue, une main en haut du manche et l'autre qui dégringole tout en bas en des profondeurs inexplorées, il vous semble qu'il cherche à la rallonger, lui écrase les cordes de ses gros doigts et vous l'entendez feuler sourdement d'aise, telle une panthère qui descend de son arbre en quête de meurtre et de gibier innocent. L'air de tout, il avance invincible et invisible, pose les poutres maîtresses, le plancher fabuleux sur lequel les deux autres bâtissent leur empire sonore, ce n'est que lorsqu'il il sololisera que l'on comprendra à sa juste valeur l'ampleur élastique de son jeu. Les travailleurs de l'ombre sont les plus infatigables.

    Devant ce mur de son cyclopéen, Arnaud est tout seul. Espèce de catogan par derrière et micro par devant. Personne n'aimerait être à sa place. Pas du tout intimidé. Il ose tout. Sait se faire entendre. Et pour mieux se faire comprendre, ne se planque pas dans un pot de faux yaourt anglais. Chante en français. Attention cela ne signifie pas uniquement que les paroles sont écrites en langue voltairienne, les profère en une diction qui ne cherche point à imiter les intonations d'outre-Manche, ne les monosyllabilise pas, ne les jacte pas à l'arrache, suit les inflexions naturelles, rallonge les nasales, ne scalpe pas les fins de mots, ne les crache pas, les restitue dans leur fluidité naturelle. De la belle ouvrage au service des textes. Qui véhiculent la dure réalité spongieuse de notre époque. Le Noir se Fait, Perdu pour Perdu, Alea Jacta Est, La Machine, Un Dernier Geste, rien qu'à l'énumération des titres vous intuitez en filigrane ces appels à se lever contre la noirceur de plus en plus profonde de notre monde et l'urgence de se lever et de faire face au monstre qui cherche à nous broyer dans son immense gueule. Un rock de rage rouge et de révolte noire. Un rock qui ne batifole pas dans les prairies de l'insouciance mais qui bâtit follement les nécessités des combats à venir. Le public se sent des fourmis carnassières ( rouges et noires ) dans les jambes, chacun se brinqueballe vers l'autre, des silex qui se cognent pour faire jaillir le feu sacré des communions intempestives, le combo-étincelle roule comme un feu de prairie inextinguible... Grosse impression, grosse commotion.

    ( Viennent de Strasbourg. Ci-dessous chronique d'un de leur quatre EP ).

    OX / UNDERVOID

    EP / 2018 / Prix libre

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    Perdu pour perdu : fond de train, la batterie qui court après son ombre, les guitares cisaillent et piaillent, les paroles sont sans appel, le dos au mur c'est là qu'on est le mieux pour cracher ses actes à la face du monde. Uppercut, un seul suffit. Se termine très vite. Tout est dit. Inutile d'épiloguer. On part au loin : ruissellement de notes et soudain le vieux monde klaxonne après toi, l'échappée belle, tout est bon pour s'enfuir des affres de la vie, les petits bonheurs et les lobotomies cervicales, la musique écrase vos petits arrangements, ailleurs ce n'est guère mieux mais l'on s'arrache quand même, long tunnel de guitares qui poinçonnent et arraisonnent, toujours cette batterie en apnée et la flamme infinie d'un solo de guitare, pour repartir encore une fois, mais tu t'avances dans l'écroulement des choses qui viennent et t'enseveliront. A ta santé : un tire-langue musical à la bretonne, narquois leitmotive qui te poursuit de sa ronde infernale, ce n'est plus un chant mais une diatribe qui te lapide sur place, prends garde à l'ironie des postures, situations biaisées ne te sauveront ni de la vie ni de toi-même. Si tu ne le crois pas, écoute la musique qui tape et se moque de toi. Ricanement insidieux final. Qu'à cela ne tienne : blues soutenu, tempo lent mais musique en cavalcade lancinante, le riff zepplinien avance telle une vague et se fracasse sur le rivage de l'existence. Eclats de guitares, flammes qui courent et la batterie qui remballe la marchandise, la voix se traîne et jette du sel sur toutes les blessures, pas de problème, tous tes échecs n'ont aucune importance, nihilisme absolu. A tes dépens : pistons de guitares, voix instrumentalisée mène le bal, constat sans appel, hurlement et guitares rhinocériques, le combo te passe au tabac des réalités, le rat bloqué dans le labyrinthe, quoi que tu fasses tu es la cible touchée en plein cœur. Tant pis pour toi.

     

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    Belle pochette intérieure. Image éclatée, dominante rouge de sang de bœuf conduit à l'abattoir. Le zéro sur lequel on mettra bientôt une croix dessus. On regrette l'absence d'un feuillet pour les textes. Sont totalement constitutifs de la matière brutale qui se greffe autour. Un disque chaud de braise qui exige écoute et réécoute. Undervoid cloue les mots au pilori des guitares et la batterie les roue de coups. En sortent plus vindicatifs, car ce qui ne vous tue pas vous rend plus fort. Violent et intelligent.

    Damie Chad.

    PSYCHOÏD

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    Rien qu'à la découpe des guitares l'on n'est pas assailli par un doute pyrrhonien sur le style musical du quatuor. D'ailleurs ils le proclament haut et fort, psychoïdes certes, mais trash metal et nous ajouterons trash cash, pour le metal, ils revendiquent plutôt le fuselage des supersoniques de combat que la lourdeur de titane absorbande et obérante. N'avez pas le temps de les visualiser, sinon la guitare de Thomas, un zig-zag d'éclair jaune qui foudroie le regard, que la machine est lancée. Ne s'arrêtera plus. Une trombe. Pas le temps de s'attarder. Même les morceaux sont courts, à croire qu'ils sont pressés de terminer le suivant. Avalanche sonique, rien ne leur résiste. Le public comédique s'est tout de suite senti à l'aise, transe collective, ça remue comme des pois sauteurs atteints de la tournante du mouton enragé. L'est manifeste que Psychoïd est de ces groupes qui ont inventé la poudre et qu'ils savent la faire détonner. Une recette simple, ce sont les meilleures, Thomas respire deux fois ( pas une de plus ) très fort, fait mine de toucher son engin mirifique, trop tard, Amaury tape à mort sur ses tom, vous catapulte sur la grosse caisse, et la tornade vous emporte à l'autre bout du rock'n'roll. Rémi joue le gros nounours à la basse, tout sourire, interjection goguenarde, vous aimeriez presque qu'il vienne vous border le soir dans votre lit pour vous souhaiter une bonne nuit avec rêve doré. De fait dès qu'il touche son instrument vous comprenez qu'il est habité par la force impavide du guerrier berserk et qu'il est hanté par la fureur de l'ours polaire affamé sur la banquise dépeuplée. Ne s'appesantit pas, ses lignes de basse filent à la vitesse des drakkars qui glissent dans la tempête sur la houle déchaînée. Kiko ne desserre pas les dents, par contre il serre de près sa guitare, lui fait cracher tout ce qu'elle sait faire, l'on a même l'impression qu'elle étale aussi tout ce qu'elle rêverait de réaliser, et ma foi, elle y réussit parfaitement. Kiko nous permet de comprendre pourquoi un kiko de plomb pèse davantage qu'un kiko de plumes de sinornitosaurus s'il est riffé à la vitesse de la lumière. Derrière ces deux ostrogoths, Amaury redouble d'intensité activiste. Etrange ce que je veux dire, c'est la première fois qu'il me semble qu'un batteur se sert de ses deux bras, tellement il les manipule et les gesticule, pas de virgule entre les plans, et pas de renoncule pour vous conter fleurette. Thomas tire le premier, lâche le riff comme l'on tend les cordes d'un ring pour le combat du siècle. Se charge ( de cavalerie ) du vocal, cheval fou qui hennit follement et se rue dans une course sans fin. Se cabre brutalement en un cri qui tue à vous fendre l'âme que vous avez perdue depuis longtemps. Et tout s'arrête, tiens donc il existe un truc bizarre que dans d'autres civilisations l'on appelait le silence ! Vous désireriez vérifier l'existence de cet incroyable phénomène dans une encyclopédie, trop tard, sont déjà à la moitié du morceau suivant. Veulent nous quitter sur l'hymne des Corsaires qu'ils ont composé pour l'équipe de hockey de Nantes, une démence remplie d'abordages et de galions bourrés d'or enlevés haut la main aux plus cruels des pirates. Une excuse pour s'adonner à leur sport favori, le rock trash à trois cents kilomètres heures. Z'aimeraient nous abandonner sur une île déserte pour voguer à leur guise vers d'autres ouragans, mais non, nous ne les laisserons partir qu'après deux rappels apocalyptiques. Sans doute avons nous été trop bons, on aurait dû en exiger une douzaine. La prochaine fois, on n'oubliera pas.

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    Viennent de Melun. N'ont pas le melon. Nous ont montré la lune.

    Damie Chad.