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wild deuces

  • CHRONIQUES DE POURPRE 613 : KR'TNT 613 : TEMPLES / BEACHWOOD SPARKS / JOE MEEK / THE LAISSEZ FAIRS / VICKY ANDERSON / WILD DEUCES / BIG DADDY'S BREAKFAST VOODOO / MANUEL MARTINEZ / ROCKAMBOLESQUES

    KR’TNT !

    KEEP ROCKIN’ TIL NEXT TIME

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    LIVRAISON 613

    A ROCKLIT PRODUCTION

    FB : KR’TNT KR’TNT

    28 / 09 / 2023

     

    TEMPLES / BEACHWOOD SPARKS

    JOE MEEK / THE LAISSEZ FAIRS

    VICKY ANDERSON / WILD DEUCES

    DADDY’S BREAKFAST VOODOO

    MANUEL MARTINEZ / ROCKAMBOLESQUES

     

     

    Dans l’air du Temples

    - Part Two

     

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             Dans Shindig!, James Bagshaw papote avec Jon Mojo Mills, le redac chef. Le cœur de la discussion concerne Sean Lennon avec lequel Bagshaw s’entend à merveille. Les Temples sont allés finir Exotico chez Sean, in upstate New York - Exotico sounds like Temples, but Temples with a newfound confidence - Une nouvelle confiance... Mojo Mills y va de bon cœur : «Late 70s and early 80s synths meet heavy guitars, dreamy texture redolent of Steve Hillage creep in, proving that prog and psych still matter, and there’s a lot of sprightly pop.» 

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             Alors justement, Exotico, parlons-en ! Quelle arnaque ! On sent bien dès «Liquid Air» qu’il n’y a rien à en dire. Ce pauvre petit groove revisité par Sean Lennon sonne comme une belle perte de temps. Et comme si cela ne suffisait pas, voilà qu’ils ramènent les synthés dans «Gamma Rays». S’ils veulent couler leur réputation, c’est le meilleur moyen. En plus, la compo est toute pourrie. Bagshaw se prend pour un compositeur. On prend vite ces m’as-tu-vu en grippe. On attend d’eux des miracles, mais il faudra repasser un autre jour, les gars. Bagshaw chante son morceau titre comme une mijaurée, et du coup ça redevient intéressant. Mais le reste de l’album se traîne lamentablement. Ils ont perdu le psych. Ils font désormais de l’electro-pop diskoïdale à la mormoille. On aimerait bien retrouver la paix après toutes ces horreurs. Ils vont en Orient pour «Crystal Hall», mais ça ne peut pas fonctionner. Ça tourne à l’ignominie de faux psych, et pourtant tu les écoutes jusqu’au bout, en souvenir des grands albums. Ils renouent un tout petit peu avec le psych dans «Head In The Clouds», mais un tout petit, qu’on n’aille pas s’imaginer des choses. La suite est lamentable. Rien ne passe la rampe, le faux orientalisme d’«Inner Space» est malencontreux, puis ils renouent avec l’horreur diskoïdale dans «Meet Your Maker». Là tu peux aller cracher sur leur tombe. Les pauvres Temples n’ont même plus de Temple. Ils sont en pleine déroute, dans une Berezina de la mormoille, au moins celle de Napoléon avait de l’allure, mais pas celle des Temples. Qui va aller écouter cet album ? Et ça continue avec «Time Is A Light», monté sur un beat electro foutu d’avance. C’est douloureux de voir un groupe si prometteur se vautrer dans la daube. Bagshaw revient en traître avec la pop de «Fading Actor», mais le son est pourri. Ils tentent le coup de la pop sur un beat electro, décidément, toutes les idées sont pourries. Ils ont perdu leur psych légendaire de loud guitars. C’est une catastrophe nationale.

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    Tout de même, ça semble curieux qu’un mec aussi fin que Bagshaw ne se soit pas rendu compte que Sean Lennon lui coulait son album, et pire encore, qu’il aille se vanter de cette collaboration dans Shindig!, qui est pourtant un canard assez raffiné.

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             Bon, on décide quand même d’aller les voir en concert, même si on sait qu’ils tournent pour la promo d’Exotico-le-maudit. Avec un peu de chance, ils vont jouer quelques cuts du premier album, Sun Structures-le-mirifique. Tu l’as sans doute toi aussi remarqué : quand tu t’engages dans une mauvaise passe, tu comptes beaucoup sur la chance. C’est une façon de se donner le courage que l’on n’a pas. Bon enfin, bref, te voilà vautré sur la barrière pour deux ou trois heures.  C’est bien la barrière, tu peux t’appuyer. On pense à tout à rien en attendant le jour qui vient, comme le scandait si bien Aragon. Pour faire écho à leur campagne de presse, les Temples font installer des cocotiers en plastique derrière les amplis. Avec une lumière tamisée venue du sol, ça fait très Exotico.

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    Pouf, ils arrivent et ça ne rate pas, il tapent directement dans «Liquid Air», le cut d’ouverture d’Exotico-le-maudit. On le déteste tellement ce Liquid Air qu’on le reconnaît. Si tu veux torturer des gens soupçonnés de terrorisme pour les faire avouer, fais-leur écouter Liquid Air. Ils osent jouer sur scène cette petite pop dansante à la mormoille, et bien sûr, Adam Smith pianote sur son petit clavier d’electro-chochotte. Quel gâchis quand on voit ces deux belles guitares. Le pire c’est qu’ils s’imaginent que ça plaît aux gens, et le pire du pire, c’est que tu as des gonzesses qui te dansent dans le dos.

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             On reste dans l’horreur avec deux autres cuts tirés d’Exotico-le-maudit, et là on commence à envisager un décrochage pour aller siffler une mousse au bar. Ça s’arrange un peu avec l’«Holy Horses» échappé d’Hot Motion-l’excellent, ils rétablissent enfin les équilibres fondamentaux de l’ordre des Temples, ça joue à deux grattes bien tempérées et le set reprend vraiment du sens avec «Keep In The Dark», un hit glam tiré de Sun Structures-le-mirifique. Et là oui, c’est comme de voir Gyasi à Binic. Quand il est bien fait, un shoot de glam te réconcilie avec la vie. On voit Adam Smith gratter son mi sur sa Gibson Firebird bien mécaniquement. Un seul accord, avec en plus le stomp du batteur maquillé, là-bas au fond, penché comme un gigantesque vautour sur son kit. On n’avait pas vu un beurre-man aussi classieux depuis longtemps.

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    Et James Bagshaw fait illusion : avec sa crinière bouclée et son petite costard beige, il rend hommage à cette immense star que fut en Angleterre Marc Bolan. Fantastique pression du stomp, dommage qu’ils ne tapent pas dans les autres hits glam de Sun Structures-le-mirifique. Ils enchaînent avec le morceau titre d’Hot Motion-l’excellent, une pop d’une sidérante ambition, typique de celle de Todd Rundgren, montée sur d’extravagantes couches de gratté de poux. Il faut voir le cirque du petit bassman, Thomas Warmsley, un vrai bassman Tingueley, c’est-à-dire en mouvement perpétuel, il saute sur toutes les occasions pour s’arc-bouter et lever la patte comme une danseuse du Moulin Rouge. Il amène des dynamiques indispensables, car il faut bien dire que les deux autres, Smith et Bagshaw, sont un peu statiques, mais à la fin du set, James Bagshaw va piquer une belle crise, et pour ça, il doit retaper dans Sun Structures-le-mirifique : d’abord avec l’incompressible «Shelter Song» qui à l’époque nous avait bien estomaqué, ce cut sonnait comme une tempête sous le vent et leur bouquet garni de chœurs donnait le vertige. Ils en font une version héroïque et rejoignent ainsi les hauteurs shindigiennes qu’ils n’auraient jamais dû quitter. Sur l’album, «Shelter Song» est spectaculaire, mais sur scène, c’est bien pire. Tu ne regrettes plus d’être venu, bien au contraire. D’autant qu’en rappel, ils vont taper un autre pusher psyché tiré lui aussi de Sun Structures-le-mirifique : «Mesmerise». Sur l’album, ça sonne comme une petite pop entreprenante, mais sur scène, avec les cocotiers balayés par les stroboscopes et la puissance du son, ça prend une tournure à la Méricourt, d’autant que Bagshaw se met à cavaler dans tous les sens comme un poulet décapité.

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    Signé : Cazengler, carotte du Temple

    Temples. Le 106. Rouen (76). 16 septembre 2023

    Temples. Exotico. ATO Records 2023

    Jon Mojo Mills : Phantom Islands. Shindig! # 137 - March 2023

     

     

    Biche ô ma Beachwood

     

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             À leur façon, les Beachwood Sparks offrent une espèce de suite logique à la légende dorée de la scène californienne qui jadis berça nos cœurs de langueurs monotones, via les Byrds et Gram Parsons. Trois petits mecs constituent le noyau dur des Beachwood Sparks : Chris Gunst (guitare chant), Brent Rademaker (bass & boss du label Curation) et Farmer Dave Scher (lap steel maestro), et comme tous leurs prédécesseurs, ils proposent un bel historique de ramifications : on peut facilement s’y perdre, Brent Rademaker et son frère Darren ont joué dans Further tout au long des nineties, et Brent Rademaker sans son frère joue aujourd’hui dans GospelbeacH, les albums abondent et ça crée des tentations, car oui, la galaxie Beachwood, ce n’est pas de la tarte. 

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             Le premier album des Beachwood Sparks date de l’an 2000 et n’a pas de nom. Farmer Dave dit qu’il y a du sunlight dedans. Brent Rademaker parle de bubblegum country à propos de «Something I Don’t Recognize», mais Farmer Dave veille au psychedelic side.

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    Dans Shindig!, Phillipson établit un parallèle avec The Notorious Byrds Brothers. Brent Rademaker : «We wanted some of these psychedelic touches.» On les voit flirter avec le vieux mythe de la cosmic americana dans «Silver Morning After». Ils inspirent confiance avec cette country lumineuse et intrinsèque. Ils sortent le son dont rêvait Gram de coke. Ils proposent aussi une petite énormité nommée «Sister Rose». Ils développent la même attaque que Moby Grape. Le chant et les coups de slide sont lumineux, envenimés au rattlesnake d’écho purpurin. C’est avec «Sister Rose» qu’ils prennent position. Leur «Desert Sky» d’ouverture de bal  sonne comme un cut des Kinks à la sauce armoricaine, comme le homard. C’est très visité par la grâce, mais vraiment visité. Avec ces mecs-là, on se sent richement doté. En fait, tout se passe entre Farmer Dave Scher et Brent Rademaker. Ils font un peu de country d’huîtres chaudes avec «The Calming Seas» et créent une source de lumière avec «Something I Don’t Recognize». Ils dotent ce cut cousu de fil blanc comme neige d’un final explosif. Le plus marrant de toute cette histoire, c’est qu’ils s’amusent à exploser par endroits. Très bizarre. Et pour finir, on se croirait chez John Lennon avec « See Oh Three» tellement c’est fin et bien chanté.     

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             Leur deuxième album s’intitule Once We Were Tress et semble beaucoup plus solide. Ils l’enregistrent à l’home studio de J. Mascis. Mais la viande se concentre vers la fin, à partir de «The Hustler», chanté dans une clameur d’extrême onction et noyé d’orgue. Ils visent de toute évidence le coup d’éclat. Ce cut essentiel et généreux renvoie bien sûr à Teenage Fanclub. J. Mascis fait un numéro de cirque dans «Yer Selfish Ways». Quelle belle dégelée ! Il s’en donne à cœur joie. Mais il y a trop de son. Ça donne le tournis. Ils passent en mode blow out avec «Jugglers Revenge». Quelle folie ! C’est une vison de l’enfer du paradis. Hot stuff. On s’effare aussi du morceau titre qui referme la marche, cette petite pop fraîche paraît claquée au poney fringuant, ils créent du son-image très indien et ça s’excite tout seul. Il semble que tous les incendies de la country se soient donné rendez-vous dans ce cut. Magnifique illustration de ce qu’on appelle le retour de manivelle country. Avec ces guitares d’une grande clarté, ces mecs ramonent les cheminées du firmament. Ils semblent vouloir distiller de l’essence virginale et se jouer des éclairs délétères. Ils amènent «Let It Run» au heavy groove de space, ils prennent leur temps et ça devient assez grandiose. C’est vraiment à l’image du Grand Canyon, avec des coups d’harmo dans l’azur immaculé. Quand ils prennent le parti d’«Old Manatee», c’est pour te bercer l’âme de langueurs doolidoo. Ils font aussi du Mercury Rev avec «By Your Side». Ce mec chante comme un demi-dieu. Les Beachwood sont extrêmement doués et enregistrent avec parcimonie, ce qui est tout à leur honneur.

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             Et puis comme d’habitude, les tournées finissent par esquinter le groupe et le batteur Aaron Speske se barre. Ça bat de l’aile chez les Beachwood qui réussissent néanmoins à enregistrer l’excellent EP Make The Cowboy Robots Cry. Phillipson ne tarit plus déloges sur «Ponce De Leon Blues» - If anything in Beachwood Sparks’ catalogue is deserving of extra attention for me it has to be «Ponce De Leon Blues’ - C’est vrai qu’avec Ponce, ils sortent du nucléus, ils vont voir si la rose est éclose, c’est un son extrêmement drugged, ça titube dans le désert, les rosaces d’accords forcent l’admiration, mais à ce petite jeu incertain, Neil Young est bien meilleur. Quant au reste de l’EP, c’est encore plus incertain. Ils jouent du psyché au ralenti, c’est un peu liquide, ils mettent trop d’eau dans la soupe au chou de «Drinkswater», rrrrrrru, rrrrrrru, alors ça échappe aux critères. L’«Hibernation» qui suit est parfaitement inutile. Comme tout le reste d’ailleurs. C’est très mou du genou.

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             The Tarnished Gold paraît 11 ans plus tard, toujours sur Sub Pop. Ces mecs adorent le grand air, comme le montre «Water From The Well». Ils savent créer les conditions de leur son, c’est assez énorme, pas très loin de ce que faisait Mercury Rev à une autre époque, mais plus transparent. Même chose pour «The Orange Grass Special». Ils ne veulent surtout pas réinventer le fil à couper le beurre, ça ne servirait à rien. Ils cultivent un goût certain pour l’Americana. Avec «Earl Jean», ils tapent dans le folk-rock de flowers in your hair, ils mettent Les Enfants Du Paradis à la sauce californienne. Il faut attendre que les cuts décollent et donc n’oubliez pas leur donner leur chance. «Forget The Song» sent bon la pop confortable. Ces Californiens créent les conditions de leur confort, et donc du nôtre. Ils sont aussi accessibles que Fred Neil, bienveillants et dans le haut de gamme. Leur musicalité est à la fois bienvenue et à toute épreuve. Ils rassemblent toutes les conditions de la perfection. «Sparks Fly Again» fonctionne à l’énergie californienne pure. Quant à «Mollusk», voilà un cut qui s’illustre par une fantastique profondeur d’attaque de folk-rock. Ces mecs sont des bêtes, capables de redémarrer en côte, même dans une ornière. Ils passent à la country de feu de bois avec «Talk About Lonesome» et se prennent pour Doug Sahm avec «No Queremos Oro».

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             Mais c’est avec Desert Skies paru sur Alive en 2013 que la Beachwooderie prend tout son sens. Pas compliqué : sur cet album, tous les cuts sont bons, à commencer par le morceau titre, resucée du premier album. Quelle belle rasade d’arpèges éclairés ! Ils recréent le barrage de chant des Hollies et des Associations, ils affrontent la colère des dieux qui n’acceptent pas qu’on les défie. Et puis on a même un solo de rêve, alors t’as qu’à voir. Il n’existe pas grand-chose qui soit du niveau de ce «Desert Skies». Dans sa rétrospective, Ben Phillipson rappelle que «Desert Skies» est le premier single de Beachwood Sparks, paru à l’époque sur Bomp!. Les Beachwood  étaient alors au nombre de six : Brent Rademaker, Chris Gunst, Farmer Dave, Josh Schwartz, drummer Tom Sandorg et tambourine man Pete Kinne. Phillipson ajoute que les Beachwood étaient dans leur heavier guitar-based direction. Puis il indique que Pete Kinne et Josh Schawartz ont cassé leur pipe en bois et que Tom Sanford joue aujourd’hui dans GispelbeacH avec Brent Rademaker. Et le Desert Skies d’Alive repart de plus belle avec «Time», qui bénéficie d’une sorte d’élongation productiviste. Ces mecs visent l’avenir, rien d’autre, ils vont loin, vraiment loin. Pour «Watering Moonlight», ils visent la profondeur de champ, mais avec une sorte de retenue par l’élastique du pantalon. C’est un power cacochyme qui ne veut pas tousser, moonlight in the face, c’est un énorme mic-mac de stomp, de revienzy et de tiguili. Même les cuts plus ordinaires comme «This Is Like It Feels Like» passent comme des lettres à la poste. Ils s’offrent un final d’explosion nucléaire. Encore plus stupéfiant, voilà «Sweet July Ann» qui s’amène avec une allure de hit psyché chanté en travers de la gorge. C’est un chef-d’œuvre d’aménité bien amené qui se révèle très vite terrifiant de psycho power. Ça explose en contre-bas du contrefort, le son exulte littéralement, ils se prennent à leur propre jeu et deviennent insurmontables. Back to the cosmic Americana avec «Canyon Ride». Il ne manque plus que Gram de coke, mais c’est reculer pour mieux sauter, car voici le big biz de «Midsummer Daydream», avec un claqué d’accord qui restera un modèle du genre. C’est gorgé d’adrénaline, les accords éclatent comme des noix. Tout cet album sonne comme une aubaine. Si on en pince pour les harmonies vocales et le soleil rasant d’Arizona, c’est là qu’ils se trouvent. Cet album est complètement explosé de beauté sonique. À certains moments, on se croirait sur le Bandwagonesque de Teenage Fanclub, et les guitares hantent le son comme celle de Grasshopper, à l’âge d’or de Mercury Rev.

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             Ils ne sont pas si vieux et pourtant ils commencent déjà à taper dans leurs archives. En 2020 paraît un Beachwood Deluxe annoncé à grand renfort de tambours et trompettes. C’est le Beachwood des origines, lorsqu’ils sont 6. Autour de Josh Schwartz, on trouve Aaron Sperske, Pete Kinne et le futur noyau dur, Chris Gunst, Farmer Dave Scher et Brent Rademaker. Ils font leur petit boniment de country-rock au clinquant de guitares et au pah-pah-pah des Beatles. Ils sonnent un peu comme les rois de leur monde, ils n’ont aucun souci, les guitares comme des langues se délient délicieusement. Ils s’engagent résolument dans le vent du canyon. Leur psychedelia fait illusion pendant quelques cuts. Ils s’amusent bien avec les empty skies de «Canyon Ride», ils jouent dans les règles du lard séché, pas idéal pour les dents fragiles. Bon, au bout d’un moment, ça lasse un peu. Et puis ça devient intéressant avec «Windows ‘65», une espèce de heavy country-rock psychédélique, dans l’esprit des Byrds, bien sûr, mais avec des guitares prégnantes à la surface du son, ils jouent à l’arpège claironnant et surpasseraient presque les Byrds. Ces mecs ont tout en magasin. Ils jouent «Mid Summer Daydream» aux riffs acérés et d’une certaine façon foutent le feu à la Cosmic Americana. Le ciel s’éclaire. Ils allument le rock californien de la même façon qu’Oasis allumait le rock anglais, avec le même genre de gusto anthemic et les chorus qui prennent feu. Pour la première fois, on voit la Cosmic prendre feu ! La deuxième partie de l’album est un live et on découvre que sur scène, ils sont assez aléatoires. Leur petite soupe claire ne nourrit pas son homme. Mais comme c’est un public captif, ils en profitent. Ils finissent par cumuler les problèmes : mauvaises pioches et mollesse. Ils n’ont pas de jus, c’est assez catastrophique.

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             Brent Rademaker n’est pas du genre à se laisser abattre. Il monte vite fait GospelbeacH avec Neal Casal et des copains, et enregistre l’excellent Pacific Surf Line en 2015. C’est embarqué vite faite, au big Americancore de fast drive, ou si tu préfères, à la bonne franquette américaine. Trois guitares, une basse et un bon beat : l’idéal. Brent s’éclate bien au Sénégal. Toutes les guitares sont en alerte. L’air de rien, ces mecs disposent du real power. Leur son flirte avec l’Americana de canyon à la con, ils taillent leur route dans cette esthétique canyonesque qui date d’une autre époque et ça devient vite magique, les notes de slide rappellent des souvenirs enfouis. Ils naviguent à vue dans cet univers de coups d’acou et de notes fantômes. Brent Rademaker a un charme fou. Il amène son «Come Down» au mieux du come down - I know you so well - Ils flirtent avec l’osmose de la métempsychose et un solo motorpsycho vient affoler le feu du funk. Et Brent rattrape sa compo à la volée, hey hey. Il se passe des choses extraordinaires sur cet album, comme le montre encore «Southern Girl». Ils ramènent tellement de son que ça explose, surtout à la fin. Cet album rayonne comme une apparition de la Vierge. Même quand ils tapent dans la pop-rock d’«Out Of My Mind (On Cope And Reed)», ils sont bons, surtout qu’il y coule un solo liquide du meilleur effet. Leur fantastique aisance finit par frapper. «Alone» gagne directement les régions reculées du cerveau. Cette pop exceptionnelle est un vrai dream-come-true. Ils ont des réserves de son immenses et ça prend des proportions totémiques. Ils bouclent avec l’excellent «Damsel In Distress». On y sent flotter le spirit du Kaukonen de la première époque, c’est une merveille prodigieuse, sertie d’un solo d’eau claire. On ne croise ça qu’ici, chez GospelbeacH.

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             Fantastique album que cet Another Summer Of Love qui date de 2017. Un festin de son, dès l’«In the Desert». Comme s’il déposaient des offrandes aux pieds des dieux du rock californien. Un son beau, lumineux, précieux, électrique, tenu, bien vu, enfilé comme une perle, fils de, bleu comme l’azur. Avec en prime un solo fantôme. Et ça continue avec «Hanging On», même chose, power & lumière, bien drivé et chanté au soleil, c’est du rock qui respire bien. «California Fantasy» montre que ces mecs sont capables de tout, mais dans la joie et la bonne humeur, c’est joué au real power, celui du Calfornian hell, ils filent à dada à travers la plaine ensoleillée, «You’re Already Home» est une nouvelle merveille de fière allure. Alors forcément on craque. Nouvelle dégelée de son avec «Strange Days», c’est joué heavy on the rush, au power pur, strange days, baby, c’est inespéré, brillant, I know, avec des descentes d’accords et le départ en solo short mais wild, et il revient au chant, comme un dieu vivant. Les solos se brûlent les ailes au soleil de la fuzz. Nouveau coup de génie avec «Sad Country Boy», big heavy rock des familles, tout est puissant, ici, tu es sur Alive, ces mecs n’ont aucun problème, ils allument tous leurs cuts un par un, c’est du haut niveau d’un bout à l’autre de l’album. Brent Rademaker allume encore «I Don’t Wanna Lose You», il a le génie du son, il darde de mille feux - Don’t wanna lose you/ That’s all I know - et il termine vite fait bien fait avec «Runnin’ Blind», pur jus d’adrenalin-country rock de runnin’ blind.

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             Il ne faut pas prendre GospelbeacH pour des brêles. C’est en tous les cas ce que tendrait à monter l’Another Winter Alive paru en 2018. On s’y goinfre du merveilleux shaking de GospelbeacH. Dans le genre, on ne saurait espérer mieux. Ils nappent leur canyon folk-rock d’orgue et de bonnes intentions. On les voit tous les trois à l’intérieur du digi, Brent, Jonny Neiman et Jason Soda, avec leurs gueules de Quicksilver. Attention à cette triplette de Belleville : «Runnin’ Blind», «Change Of Heart» et «Dreamin’». Ils prennent un peu leurs distances avec le California dreamin’ de Beachwood Sparks, ce démon de Brent Rademaker vise le power, il saque bien son rock, il va vite en besogne. Ils frisent parfois le rock FM, mais le fond est bon. Belle section rythmique, en tous les cas. Ils s’enfoncent dans l’épaisseur de leur Dreamin’ et veillent à rester irréprochables. On les sent concernés. Voilà encore un album visité par la grâce. On entend un solo de lumière dans «Miller Lite» et ils terminent leur petit biz à la bonne franquette d’«You’re Already Home». On demande du rab.

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             Avec l’album Let It Burn, GospelbeacH bénéficie d’un buzz dans la presse anglaise, mais c’est encore une fois un buzz qui se mord la queue. Brent Rademaker fait une sorte de heavy pop-viens-par-là, à la fois bien tirée par les cheveux et poussée par de forts vents d’Ouest, une pop qui couine comme une vieille girouette, une sorte de veille good time music de coudes usés. Chez eux, le délire des guitares fait loi. Ces mecs rêvent tout simplement d’Americana. Leur «Dark Angel» est très bien organisé, mais avec ce beat en caoutchouc, ça frise un peu le rock MTV. C’est un son qu’on a déjà entendu mille fois. On aime bien ces mecs, mais il n’y a pas de miracle. Tout le monde n’est pas Drugdealer. Ils grattent leur «Fighter» à l’ancienne, avec un son qui date d’une époque sérieusement révolue. On capte de vieux échos de Stonesy et ça développe lentement. Mais bon. La belle pop de «Good Kid» peine à se déterminer. On note une belle puissance de revienzy dans «Nothing Ever Changes». Cut idéal quand on a envie de frémir. Ils font leur petit boogie. «Let It Burn» sonne comme de la grosse déveine de pop superbe. Ils travaillent leur côté passe-partout avec une abnégation qui impressionne. Avec ce genre de mecs, on n’en finirait plus de raconter des conneries. Chez eux, le problème est qu’ils travaillent tout au mieux des possibilités. Ils terminent avec le heavy boogie de «Hoarer». Ils sortent leur meilleur son pour finir. Dommage qu’ils ne l’aient pas sorti au départ. C’est spatial et épais à la fois, gosh, quelles belles rasades ! «Hoarer» est un cut sauveur d’album en désarroi.

    Signé : Cazengler, Beachwhore

    Beachwood Sparks. Beachwood Sparks. Sub Pop 2000  

    Beachwood Sparks. Once We Were Tress. Sub Pop 2001  

    Beachwood  Sparks. Make The Cowboy Robits Cry. Sub Pop 2002

    Beachwood Sparks. The Tarnished Gold. Sub Pop 2012

    Beachwood Sparks. Desert Skies. Alive Records 2013

    Beachwood  Sparks. Beachwood Deluxe. Curation Records 2020

    GospelbeacH. Pacific Surf Line. Alive Records 2015

    GospelbeacH. Another Summer Of Love. Alive Records 2017

    GospelbeacH. Another Winter Alive. Alive Naturalsound Records 2018

    GospelbeacH. Let It Burn. Alive Naturalsound Records 201

    Ben Phillipson : Ballad of the brotherhood. Shindig! # 110 - December 2020

     

     

    Wizards & True Stars –

    Meek mac

    (Part One)

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             En matière de mythologie avertie, Joe Meek reste pour beaucoup d’entre-nous l’œil du cyclone. Pas n’importe cyclone. Le cyclone du rock anglais. Peu de gens ont su créer un monde en si peu de temps, avec si peu de moyens : Holloway Road et une paire d’oreilles, c’est à peu près tout. Avec comme cerise sur le gâtö, une sacrée dose d’excentricité et de parano. Joe Meek est complètement dingue. S’il n’était pas complètement dingue, il ne serait pas Joe Meek. Alors c’est pas la peine d’aller couper les cheveux en quatre. Le grand chœur des pisse-froid prétend que folie et génie s’équivalent, mais Joe Meek leur pisse à la raie. Il n’a que son nom et se fout du qu’en-dira-t-on comme de l’an quarante. L’histoire du rock est seule juge. Elle retiendra son nom sur la foi de quelques enregistrements somptueux, à commencer par «Telstar» et jusqu’à «Crawdaddy Simone», en passant par une myriade d’autres merveilles que des compileurs fous ont réussi à exhumer. C’est en mettant le nez là-dedans qu’on pige tout ce qu’il y a à piger.

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             Il faut aussi mettre le nez dans l’excellente bio de John Repsch, The Legendary Joe Meek: The Telstar Man. Oui, car wow ! Dès la couve ! Tu vois tout de suite qu’il y a un problème. La gueule du Meeky Meek ! Il est complètement allumé. Les yeux fixes, il voit des trucs, et il pince son affreuse petite bouche d’extraverti. On comprend immédiatement que Meeky Meek s’adresse aux amateurs de sensations fortes. C’est toute son histoire. L’histoire d’un son. Une histoire unique en Angleterre.  

             John Repsch passe un temps fou à décrire le génie sonique de Meeky Meek qui en fait est un chercheur. Meeky Meek démarre en 1950 avec deux magnétos. Il overdubbe un son par dessus l’autre. Il peut répéter l’opération douze fois. Il utilise des limiteurs et des compresseurs qui lui donnent un signal sonore plus fort. Il est passionné d’électronique et teste des idées en permanence. Il est surtout fasciné par l’écho, alors il en rajoute dans ses prises de son, il sait installer un micro près d’un instrument et sait contrôler la prise de son. Il en joue comme le peintre joue des nuances. Il fait du lard à partir du lard. Il construit une mystérieuse chambre d’écho chez lui à Holloway Road. Il utilise aussi la salle de bain pour la qualité de l’écho. Mais sa passion pour le rock va beaucoup plus loin : il veut contrôler tous les aspects du biz : découvrir les artistes, composer les chansons, manager ses poulains, enregistrer et produire leurs disques, les distribuer sur son propre label et en prime, leur servir le thé et les biscuits. Il fait exactement ce que fait Totor aux États-Unis. L’un de ses premiers coups fumants est le «With This Kiss» de la jazzeuse Yolanda : tout est déjà là : «heavy beat, angelic choir, piano, strings and tons of echo.»

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             Meeky Meek ne se plaint que d’une chose : il n’atteint jamais la perfection qu’il recherche, mais chaque fois qu’il écoute l’un de ses disques pour la première fois, il ressent une grande excitation. John Repsch épingle un autre trait de caractère fondamental chez Meeky Meek : «Aussi étrange que ça puisse paraître, il a fini par se convaincre que le monde entier s’était ligué contre lui et que le seul moyen de survivre était de se battre et de montrer à quel point il était brillant et à quel point ses ennemis étaient stupides.» On appelle ça de la mégalomanie, mais dans le cas de Meeky Meek, c’est autre chose. On est dans le domaine de l’art, et ces énergies sont sacrées, car même si elles sont considérées comme des tares, elles alimentent un précieux moteur : la créativité. Si tu n’es pas complètement dingue, tu ne peux pas comprendre ce que ça signifie. Autrement dit, ça vaut le coup d’être complètement dingue. Pendant un temps, Meeky Meek réussit à canaliser cette prodigieuse énergie de la surchauffe. Par contre, c’est souvent compliqué pour les groupes qui viennent enregistrer à Holloway Road : comment va-t-il réagir ? Va-t-il plaisanter ou tout détruire en pleine session ? Meeky Meek se bagarre souvent avec ses branchements et il prend des coups de jus, ce qui fait rigoler les gens présents. 

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             Personne d’autre que Meeky Meek ne pouvait enregistrer «Night Of The Vampire» avec les Moontrekkers. Un hit bien sûr banni par la BBC - as unsuitable for people of a nervous disposition - Et c’est avec Screaming Lord Sutch que le génie de Meeky Meek va exploser à la face du monde. Lord Sutch, nous rappelle John Repsch, démarre en 1958, à l’époque où tous les beaux gosses d’Angleterre prennent comme modèles «Elvis, Buddy Holly and the fresh-faced wave of American idols», alors pour faire la différence, Lord Sutch a pris comme modèle «the American horror man Screamin’ Jay Hawkins», avec tout le saint-fruquin, le cercueil et le crâne - He was giving British audiences their first taste of rock’n’blood. It was the most macabre act Britain had seen and Joe loved it - Et bien sûr, Meeky Meek veut l’enregistrer. Boom ! «‘Til The Following Night», «a gruesome graveyard piece, totally outrageous for its day.» C’est la rencontre de deux génies, de deux visionnaires pareillement excentriques. John Repsch ajoute qu’à l’origine, le cut s’appelait  «My Big Black Coffin», mais les distributeurs grelottaient de peur, alors il a fallu revenir à un titre moins craignos. Avec Lord Sutch, on est au cœur du Meeky mythe. Il faut entendre l’intro de «Jack The Ripper». C’est du pur Meeky Meek, bruits de pas sur les pavés, la respiration d’une femme et soudain le cri et les rires de Jack. Comme Meeky Meek, Lord Sutch bouillonne d’idées, il fonde le National Teenage Party, qui demande le vote à 18 ans. S’il ne récupère que 208 voix, nous dit Repsch, c’est parce que les jeunes qu’il représente n’ont pas le droit de vote. Meeky Meek a une autre idée. Comme le Ministère de la Guerre vend les sous-marins qui ne servent plus à rien, Meeky Meek propose à Lord Sutch d’en acheter un, de remonter la Tamise «and treathen to blow up the House of Parliament» - It’ll get publicity, even if it sinks! - Le manque d’argent coule ce beau projet. Cette association d’excentriques n’est possible qu’en Angleterre. Meeky Meek hait profondément les gens conventionnels et c’est la raison pour laquelle il finit par se fâcher avec Dick Rowe, Major Banks, Robert Stigwood et Larry Parnes.

             Meeky Meek est fier de son studio. Il a le meilleur équipement - Mon studio était à l’origine une grande chambre dans laquelle j’ai enregistré beaucoup de hit records - Il est obligé d’expliquer ça car un gros malin critique dans la presse le principe du home recording : pas sérieux, comparé aux studios professionnels. Alors Meeky Meek indique que bon nombre de studios étaient à l’origine des caves ou des chambres dans des maisons - My studio is just that - Et comme il est en colère et qu’il ne supporte pas les cons, il ajoute : «J’enregistre des disques pour divertir le public, certainement pas pour des square connoisseurs, c’est-à-dire des beaufs, qui n’y connaissent rien.»

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             John Repsch revient longuement sur la genèse de «Telstar», «his gratest work», précise-t-il. Une nuit, Meeky Meek entend des sons venus de l’espace. Ça le réveille, alors il se lève et descend au studio à l’étage en dessous. Il la-la-la-la-late l’air qu’il a en tête et l’enregistre. Puis pendant une heure, il le triture dans un cathedral-like echo et le colle sur une mélodie qu’il avait commencé à travailler avec Geoff Goddard, loo-oo-la-da-dee-da-deedle-ah, John Repsch s’amuse bien, on est assis avec lui, juste à côté de Meekey Meek en pyjama, en train de bidouiller l’un des plus grands hits du siècle dernier. Comme l’air lui vient d’un satellite, il baptise le cut «The Theme Of Telstar». Au breakfast, il traduit son idée musicale à la clavioline. Puis c’est la séance d’enregistrement avec Clem Cattini. Pour lui donner plus de punch, Meeky Meek speede son enregistrement d’un demi-ton, puis il ajoute des effets de son invention pour interloquer l’auditeur. Il fait un acétate et va le faire écouter à l’un de ses clients distributeurs, Roy Berry, chez Ivy Music. Berry trouve que le titre est trop long. Il propose «Telstar» - Meeky Meek trouve que ce n’est pas une mauvaise idée. Puis il va faire écouter «Telstar» à Dick Rowe, chez Decca, qui adore. On connaît la suite de l’histoire - He had put together a classic which nowadays ranks as one of the finest pop records ever made - À 33 ans, Meeky Meek est un producteur et un ingé-son sans égal en Angleterre. Et il le sait, ajoute Repsch. Il le sait depuis des années - There was no one in Britain to touch him - Ce qui fait sa force, c’est qu’il peut créer un son immédiatement identifiable et original qui ne coûte rien  car enregistré dans un «dirty hole over a leather bag shop» - Comment pourraient-ils faire la même chose avec leurs studios coûteux ? Impossible, nous dit John Repsch. Meeky Meek a ses secrets - No rotten pig could thieve them off him - Il appelle ses ennemis les rotten pigs.

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             Puis Repsch fait un petit comparatif entre Totor et Meeky Meek : point commun, thick and meaty records, mais Totor utilise moins de compression, car il joue sur les contrastes entre le calme et la tempête. Meeky Meek place ses micros tout près alors que Totor éloigne les siens, ce qui lui donne, avec l’écho, un bigger sound. Totor prépare tout minutieusement, alors que Meeky Meek superpose les couches et n’en finit plus d’expérimenter ad infinitum. Il peut se le permettre, en tant qu’ingé-son, ce que n’est pas Totor. Deux autres points communs : leur complexe de persécution et le fait d’être un one-man-army : ils dénichent les talents, choisissent les cuts ou les composent, supervisent les arrangements, ils font de la direction d’artistes et supervisent tout le processus d’enregistrement. Pas besoin des gros labels. Ils sont autonomes. C’est leur vision du son qui va faire le succès des artistes qu’ils prennent tous les deux en charge. Pour Meeky Meek, comme pour Totor, les chanteurs et les chanteuses sont interchangeables. Ils savent tous les deux ce qu’ils veulent. Aux yeux de Meeky Meek, Totor est la réponse américaine à lui-même. Pour lui, le Wall of Sound de Totor n’est qu’une variation du sien. Il reconnaît les effets qu’utilise Totor. C’est pourquoi il éteint la radio chaque fois qu’il entend un Totor hit. Repsch poursuit le comparatif : en trois ans et demi, Totor a produit 24 singles sur son label, alors que pendant la même période, Meeky Meek a produit 141 singles, dont 25 British Top Forty hits. Vroom vroom !     

             La seule faute que commet Repsch est d’attaquer son book par la fin, c’est-à-dire le jour où Meeky Meek perd les pédales, tire un coup de fusil dans le dos de sa logeuse et se tire ensuite une balle dans la tête. Son assistant Patrick Pink assiste à la scène et décrit tout le tremblement. C’est un peu la même histoire que celle de la piscine de Brian Jones : on ne voit plus qu’elle et on oublie ce qui est important. On appelle ça une distorsion du réel.

             Un jour, alors qu’il cherche un endroit où s’installer, Meeky Meek flashe sur le 304 Holloway Road, a three floor flat au loyer modéré. Il installe son studio dans la pièce la plus grande, au deuxième étage. On y accède par un escalier étroit, pas l’idéal quand il faut monter une batterie. Au premier étage, c’est l’accueil, avec une kitchinette. Meeky Meek y reçoit ses invités et leur sert le thé. Le sol du studio est recouvert d’un fouillis inextricable de câbles. Meeky Meek est le seul à pouvoir s’y retrouver. Avec sa technologie dernier cri et sa passion pour l’ingénierie, il pense qu’il est «the best A&R man in the world» - That’ll show ‘em. I’m still the bloody governor! - Les gens bien informés savent qu’il est très en avance sur son temps. Il rêve cependant d’un endroit plus spacieux - J’aimerais bien avoir un grand studio en rez-de-chaussée, de sorte que les artistes ne soient pas obligés de monter et descendre des escaliers. But then again, I like it here. Meeky Meek enregistre chez lui et vend ses productions sous licence à des gros labels : d’abord Decca, puis Pye.

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             Il enregistre son premier hit «Bad Penny Blues» en 1956, «the first jazz record to hit the Top Twenty in Britain», nous dit Repsch. C’est la première fois qu’il utilise un compresseur. Il enregistre aussi le «Green Door» de Frankie Vaughan. Quand il s’installe à son compte à Holloway Road, il reçoit pas mal de petites vedettes : Petula Clark, Lonnie Donegan et Johnny Duncan & The Blues Grass Boys qui enregistrent l’excellent «Last Train To San Fernando». Dans une interview, Meeky Meek indique que ses artistes préférés sont «Judy Garland, Les Paul & Mary Ford, some of Ella’s work and modern jazz.»

             Meeky Meek est un homme très coquet. Il passe son temps à se repeigner et se rase au moins douze fois par jour pour garder la peau lisse. Et il se poudre le nez pour lui éviter de briller.  On le dit efféminé. C’est vrai qu’il a une drôle d’allure. Mais il s’agit de Meeky Meek, after all. Son trait de caractère le plus saillant est son manque de patience. Il pique des crises à tout bout de champ. Repsch en dévoile une belle collection. Si tu lui dis un truc qui ne lui plaît pas, Meeky Meek attrape le premier objet qui lui tombe la main et te le balance en pleine gueule. Le guitariste des Outlaws Bill Kuy vient lui réclamer des sous, alors Meeky Meek attrape des ciseaux et lui court après. La colère transfigure Meeky Meek, les yeux lui sortent de la tête, il écume de rage, les gens ont peur de lui. Il peut jeter un gros carton de bandes enregistrées à travers la pièce. La rage, nous dit Repsch, décuple ses forces. Cliff Bennet évoque lui aussi ses crises. Un jour, ils sont à Holloway Road pour une session et Meeky Meek leur chante un truc, dee-dee-dee-dee, mais il chante si bizarrement - that terrible strangulated way - que ça fait rigoler les Rebel Rousers. Vexé, Meeky Meek dit qu’il ne supportera pas longtemps ces rires stupides et quitte la pièce en claquant la porte. Il descend se faire un thé et remonte une demi-heure plus tard. Il demande aux Rebel Rousers s’ils sont calmés et leur rechante son dee-dee-dee-dee. Les Rousers font des efforts surhumains pour ne pas exploser de rire. Ils fixent le mur en tentant de penser à autre chose. Mais ils explosent de rire, de ce rire qui finit par faire mal au ventre. Angry Meek les observe. Et plus il est en colère, plus les Rousers se marrent. L’hilarant de l’histoire, c’est que Meeky Meek finit lui aussi par se marrer. Au bout de vingt minutes, ils retrouvent le calme, mais Meeky Meek annule la session : «You might as well go home now. You’re a real bunch of bastards.» Repsch évoque aussi une petite shoote avec Dave Dee, Dozy, Beaky, Mick & Tich. Meeky Meek ne supporte pas l’attitude rebelle de Tich et lui balance le plateau avec les tasses pleines dans la gueule, alors Dozy attrape un pied de micro et menace de lui péter les couilles, comme on dit en France chez les habitués du PMU, alors Meeky Meek sort de la pièce en claquant la porte, ce qui met fin à la session d’enregistrement. Il ne faut pas lui courir sur l’haricot.

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             L’un des grands talents de Meeky Meek est de savoir flairer des talents et fabriquer des artistes. Premier coup d’essai avec John Leyton, un acteur âgé de 21 ans. La voix compte, bien sûr, mais aussi et surtout le physique - Good looks - La voix, ça se travaille, Meeky Meek peut rajouter des effets dessus, si besoin est. Repsch indique que l’album The Two Sides Of John Leyton «is one of the best things Joe ever did.» John Leyton décroche un hit avec «Johnny Remember Me» - half a million sales - Bingo !  Il tente aussi de lancer Ricky Wayne, un futur Monsieur Monde qui fait du bodybuilding. Il conseille à ses poulains de porter des chaussures légères, des mocassins, des pantalons serrés, and no underwear - Joe was a punk, dit Ricky. Meeky Meek tente aussi de lancer Michael Cox, un protégé de Jack Good. Bonne voix, mais pas de chansons. Dans un Part Two, on reviendra sur tous ces artistes enregistrés par Meeky Meek. Il y a à boire et à manger. Pour lancer les Outlaws, il leur fait conduire une diligence dans Londres - Publicity stunt, the Western image -  Puis c’est «Night Of The Vampire» avec les Moontrekkers et Screaming Lord Sutch dans la foulée. Il commence à se méfier de Stigwood qui lui barbote ses artistes un par un, comme par exemple Billie Davis ou Mike Berry. Meeky Meek déteste cette fourbasse de Stigwood qui fait ses coups par derrière. À Holloway Road, il reçoit aussi Tom Jones et louche sur ses tight pants, lui fait des avances, mais le Gallois l’envoie se faire voir chez les Grecs, alors Meeky Meek sort un flingue et tire sur Tom Jones qui se croit mort. C’est un pistolet d’alarme ! Quand il commence à bosser avec Pye, Meeky Meek tente de lancer la nouvelle sensation, Tony Dangerfield. Il jouait de la basse dans le groupe de Lord Sutch, the Savages. Repsch en fait une belle tartine : «Impressionné par sa Black Country arrogance et ses fringues en cuir, ses cowboy boots et se cheveux teints avec des mèches vertes et roses, Joe started grooming him for the big time.» Puis il tente de lancer The Riot Squad, les Honeycombs, les Cryin’ Shames, tous ces groupes intéressants qu’on retrouve sur les volumes de The Joe Meek Story - The Pye Years. Meeky Meek a eu dans son studio des gens qui ont contribué largement à la légende du rock anglais : Chas Hodges, du «cockney singalong duo Chas & Dave», Clem Cattini, le batteur des Tornados, «one of Britain’s top session drummers», le pianiste Roger LaVern, et bien sûr, Richie Blackmore qui jouait avec Tony Dangerfield dans les Savages. 

             Les deux gros morceaux restent cependant Heinz et Billy Fury. Un Billy qu’on situe comme «the nearest thing to Elvis that Britain ever had». Billy est accompagné sur scène par les Tornados, dont le bassman n’est autre qu’Heinz. Le problème c’est que Meeky Meek est le boss des Tornados, et Larry Parnes celui de Billy Fury. Ils ont donc passé un accord. Meeky Meek espère récupérer Billy en studio. C’est la raison pour laquelle il a donné son accord à Parnes. Mais ils vont se fâcher, car Meeky Meek refuse de laisser partir ses Tornados en tournée américaine.

             Meeky Meek s’éprend d’Heinz. Il lui demande de se teindre en blond, en référence au Village Of The Damned et à ses douze enfants blonds. Meeky Meek en pince tellement pour lui qu’il tente de lancer sa carrière. Heinz se retrouve en tournée avec Jerry Lee Lewis et Gene Vincent. Il ne passe pas, il n’est pas assez rock’n’roll. Le public mâle le siffle. Des Teds veulent même lui casser la gueule. Par contre, Gene Vincent lui reconnaît un certain courage pour avoir osé monter sur scène : «You’ve got some bloody guts. I would have walked off after one number.» Un Gene Vincent qui d’ailleurs viendra enregistrer un cut chez Meeky Meek, «Temptation Baby». Mais Gene sera étonné de devoir enregistrer dans une maison au milieu d’un fouillis de câbles inextricable.

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             Meeky Meek tente désespérément de booster la carrière d’Heinz. Il le booke sur des tournées anglaises. Les disques d’Heinz ne se vendent pas. Meeky Meek sait qu’il peut vendre Heinz s’il chope la bonne chanson. Il veut faire d’Heinz une star. Ça tourne à l’obsession. Dommage que  Repsch n’évoque pas l’excellent Tribute To Eddie d’Heinz. Puis Meeky Meek envisage de faire teindre les cheveux d’Heinz en rouge et de le faire entrer sur scène en moto. Heinz finira par se barrer et par fréquenter des gonzesses.

             Côté cul, Meeky Meek aime bien les mecs, mais son infidélité chronique rend impossible toute relation sentimentale. Et puis un jour, il a l’idée de se marier avec l’une de ses pouliches, Glenda Collins. Glenda idolâtre Meeky Meek qui est triste de voir qu’après 8 singles, elle ne perce toujours pas - Sadly they were not in love.

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             L’un des personnages clés de la saga Meek est le compositeur Geoff Goddard. Il est nous dit Repsch très proche de Meeky Meek. Ils composent ensemble et vouent le même culte à Buddy Holly. Et là, on entre dans le cœur battant du mythy Meek. Un soir où il interroge les cartes du tarot, un ami nommé Faud écrit trois choses sur un bout de papier : une date, le 3 février, suivi du nom de Buddy et du mot «dies». La scène se déroule bien sûr un peu avant l’accident d’avion qui va emporter Buddy, Ritchie Valens et The Big Bopper. Buddy arrive en tournée en Angleterre et Meeky Meek réussit à lui dire de se méfier du 3 février. Mais Buddy casse sa pipe un 3 février, l’année suivante. Les cartes n’avaient pas menti. Alors Meeky Meek et Geoff tentent d’entrer en contact avec l’esprit de Buddy, leur idole. Geoff Goddard affirme que Buddy l’a directement inspiré pour composer «Johnny Remember Me». Puis il écrit «Tribute To Buddy Holly» et demande à l’esprit de Buddy ce qu’il en pense. L’esprit de Buddy le remercie de cet honneur et lui dit : «See you in the charts». Pendant les séances de spiritisme, il se produit des phénomènes étranges au 304 Holloway Road : un orgue qui joue tout seul à l’étage, une corde de guitare qui se met à tawnguer.

             Meeky Meek commet aussi la même erreur que Dick Rowe : il décline l’offre que lui fait Brian Epstein d’enregistrer les Beatles - Guitar groups are on the way out, Mr. Epstein - Le pauvre Meeky Meek se fout le doigt dans l’œil. Il n’est d’ailleurs pas le seul. Avec lui et Decca, Pye, Phillips, Columbia et HMV disent non aux Beatles. Néanmoins, Repsch imagine qu’étant donné les caractères de John Lennon et de Meeky Meek, il y aurait eu des étincelles au 304.

             Puis Meeky Meek commence à perdre sérieusement les pédales. Il se croit espionné en permanence, il croit qu’il y a des micros chez lui. Il dit un jour à son assistant Patrick Pink qu’il ne va plus être là très longtemps. Il ajoute qu’il va faire un testament. Patrick Pink se marre. Il ne comprend pas que Meeky Meek est en train de lâcher prise : trop de pression, le biz qui part en sucette. La pire déconvenue vient sans doute de Sir Joseph Lockwood qui pour remplacer George Martin chez EMI avait songé à Meeky Meek - Joe was the man to help fill it - Mais ça signifiait la fin de l’indépendance, et donc, ce n’était pas possible. La perte des pédales est un truc terrible, tu sais que tu ne vas pas t’en sortir, alors c’est une sorte de panique interne, mais il faut essayer de sauver les apparences, et c’est un peu comme si tu avais déjà cassé ta pipe en bois avant de la casser pour de vrai. L’impératif tambourine à la porte : il faut en finir.

             Dans les derniers jours, Meeky Meek n’a plus un rond. C’est Patrick Pink qui ramène de la bouffe qu’il carotte chez sa mère : «du pain, du beurre, des steaks et des tomates». Meeky Meek prend en plus des barbituriques, mais beaucoup trop. Il est obsédé, il croit qu’on l’épie et qu’il y a des micros partout. Il dit enfin à Patrick Pink «qu’il y a quelqu’un en lui et qu’il ne peut pas s’en débarrasser» - Parfois, je sens que je ne suis pas moi. I’m talking but it’s not my voice - Puis ses enregistrements sont rejetés par EMI. Il comptait là-dessus pour se renflouer. Il est baisé. Il craint en plus de se faire virer du 304. Évidemment, il choisit un 3 février pour en finir.

             Vers la fin, Repsch fait le compte des disparus : avec Meeky Meek sont partis tous ses proches, plus les mecs qu’il a croisé, Larry Parnes, Brian Epstein, Dick Rowe, Ivor Raymonde, Sir Joseph Lockwood et même Screaming Lord Sutch dont a pris la pendaison, nous dit Repsch, pour l’un de ses gags publicitaires de mauvais goût, mais en vérité, Lord Sutch n’avait pas surmonté la disparition de sa mère et il s’est pendu chez lui. Bon la mort rôde sur ce book, mais la modernité lui survit. L’incroyable modernité de Meeky Meek.

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             L’un de ses plus grands admirateurs est Liam Watson, le boss de Toe Rag Studios. Il utilise en gros le même matos que celui de Meeky Meek, amplis, speakers, cabinets et aussi «an Altec compressor». Watson joue dans les Bristols qu’il décrit comme «the most Joe Meek sounding band around». D’autres groupes nous dit Repsch revendiquent leur Meeky influence : Stereolab, Teenage Fanclub, St. Etienne et puis il y a pas mal de cuts en hommage à Joe Meek. Repsch en cite une petite palanquée.

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             Si tu entres dans Joe Meek Freakbeat (You’re Holding Me Down), tu n’auras pas froid cet hiver. C’est même l’une des pires compiles Freakbeat jamais imaginées, 30 Joe Meek records, à commencer par l’archétype du proto-punk, le «Crawdaddy Simone» des Syndicats de l’early Steve Howe, l’he’s got no friends, wild as fuck, chaos complet, en plein dans l’œil du cyclope, Meeky Meek all over the forever ! Tu veux encore te goinfrer de proto-punk ? Tiens, voilà David John & The Mood avec «Diggin’ For Gold», le Mood est le roi du proto-punk. David John & The Mood ? Trois singles entre 1964 et 1965, dont une version demented de «Bring It To Jerome», demented et même définitive, ces mecs te bouffent tout cru et Bo avec. Ils ont un troisième cut sur la compile, «I Love To See You Strut», encore du big heavy proto-punk protozoaire, tu as le son des Pretties avec une incarnation du diable, David John. Incroyable que ces mecs soient passés à l’as. L’autre grosse équipe, ce sont les Blues Rondos avec «Baby I Go For You», joué à la va-vite de wild London boys, ils sont bien wild dans leurs petits pantalons serrés et Roger Hall te passe vite fait un joli killer solo flash. On les retrouve plus loin avec «Little Baby», plus poppy, ils entrent en vainqueurs dans le Swingin’ London, ils ont tellement de son, oh merci Meeky Meek ! Quelle prod ! Leur «What Can I Do» vire plus Brill, c’est dire le génie de Meeky Meek ! The London Brill ! Les riffs mordent le trait. Plus connus, tu as les Cryin’ Shames avec un «What’s New Pussycat» dylanex, mais le beat reste heavy, quasi «Maggie’s Farm». Ils tapent aussi un «Let Me In» en mode heavy proto-punk. C’est d’une rare violence, grattée au somment du lard wild, hey hey hey ! On les retrouve une troisième fois dans la mouture Paul & Ritchie & The Cryin’ Shames avec «Come On Back», aussi effarant que tout ce qui précède, en plein dans le mille du freak, avec des voix paumées dans le you-oouuhh yeah. Encore une fois, c’est d’une violence peu banale. Et puis tu as tous les inconnus au bataillon, à commencer par les Puppets avec «Shake With Me», fast pop rock de c’mon joué aux fluorescences de c’mon, avec un guitariste génial en embuscade. Meeky Meek apporte de l’overall dans le son. Même choc tectonique avec The Buzz et «You’re Holding Me Down», extraordinaire giclée de wild frekbeat, mais avec de la profondeur de champ. Infortunate d’unbelievable, ça résonne dans l’écho du temps. Wild as Meek, juste un cran au dessus du wild as fuck. D’où sortent The Saxons ? De nulle part, et pourtant l’«I Ain’t Right» semble tomber du ciel, Meeky Meek le prend par dessus la jambe, il leur donne une énergie démesurée. Tiens voilà Jason Eddie & The Centremen avec «Come On Baby», encore de l’inexpected qui devient du hautement expected dans les pattes de Meeky Meek. C’est eux qui referment la marche avec un «Singing The Blues» bien incendiaire. Meeky Meek n’oublie pas son chouchou, Heinz qui, avec les Wild Boys et «Big Fat Spider», tente de créer la sensation. Pas facile d’être aussi flamboyant que les autres. Meeky met le paquet et tu as tout le son dont tu peux rêver. On retrouve aussi les Tornados 66 avec un «No More You & Me» balayé par le vent du Nord.

    Signé : Cazengler, Jo la mite

    Joe Meek Freakbeat (You’re Holding Me Down). Castle Music 2006

    John Repsch. The Legendary Joe Meek: The Telstar Man . Woodford House Publishing Ltd 1989

     

     

    L’avenir du rock –

     Le loup des Steppes

    (Part Two)

             Comme bon nombre d’adeptes de la paix de l’esprit, l’avenir du rock nourrit pour les débats le plus profond mépris. Il ne supporte tout simplement pas le spectacle d’imbéciles qui s’étripent pour avoir le dernier mot. De nature politique ou «d’idées», ces débats ont lieu pour la plupart dans les médias et nourrissent le limon fertile des cornichons rassemblés devant leurs récepteurs de télévision. L’avenir du rock s’honore de ne pas appartenir à cette catégorie sociale. Malgré toutes ses précautions, il est parfois rattrapé par la réalité. Il recevait l’autre jour Japee et son père, et lorsque le verre de trop eut atteint les cervelles, un bouillant débat enflamma l’atmosphère. Japee reprochait à son médiocre pédagogue de père ses errements catastrophiques et le traitait ouvertement de démon, ce qui faisait hennir le-dit père de rire, un rire dont les stridences perçaient les tympans. Ne pouvant en supporter davantage, l’avenir du rock prit appui sur l’ineffable semelle de sa sagesse et lança d’un ton qu’il voulait bienveillant :

             — Fallon Fallon les enfants, n’avez-vous pas honte de vous comporter ainsi ?

             Hébétés, ils se calmèrent aussitôt et redoublèrent d’efforts pour dissimuler leur honte.    Une autre fois, toujours à table, l’avenir du rock fut confronté à un débat de la pire engeance, le débat rock. Il pensa d’abord s’enfuir pour échapper à ça, mais la curiosité l’emporta sur le risque de vomir. Il assista plus que médusé à l’échange qui opposa Boule et Bill, deux vieux crabes déplumés, qui, comme bon nombre de vieux crabes déplumés, se prenaient pour des aristocrates du rock. Le verre de trop atteignit la cervelle de Boule qui lança à Bill :

             — Les groupes dont tu parles si doctement, les Purple, les Sabbath, tous ces groupes choochootent sur les rails de mon indifférence et s’arrêtent à la gare de mon mépris intersidéral.

             — Môsieur le pauvre con, faites-vous greffer une cervelle, ce qui vous permettra de comprendre qu’on ne fait pas l’impasse sur les architectes du rock britannique des seventies.

             — Ma main ne va pas faire l’impasse sur ta gueule.

             C’est le moment que choisit l’avenir du rock pour intervenir :

             — Fallon Fallon les enfants, croyez-vous que le jeu en vaille la chandelle verte ?

     

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             Bon, il faut bien que le nom de Fallon serve à quelque chose. Le voilà employé à bon escient. John Fallon est un esprit lumineux qui doit apprécier les petits contes immoraux. Qui oserait en douter ?

             Quand on voit le Fallon en photo, on le prendrait presque pour un débutant, avec ses lunettes à verres teintés. Pourtant, c’est un vétéran de toutes les guerres. Il enregistrait déjà des albums superbes dans les années 80 avec les Steppes, dont on a dit dans un Part One, quelque part en 2021, tout le bien qu’il fallait en penser. Après la fin des Steppes, il est passé au step suivant avec The Laissez Fairs, comme s’il suivait le chemin d’une évolution, mais il s’agit d’une évolution sidérale, une sorte d’accélération subsonique qui relève des phénomènes spatiaux inexpliqués. Comment, quarante ans après ses débuts, un homme peut-il développer de tels flash-booms énergétiques ?

             Cette affabulation s’appuie sur deux preuves matérielles : Curiosity Killed The Laissez Fairs? paru en 2021 et Singing In Your Head paru l’année suivante. Dans un cas comme dans l’autre, on peut parler de bingo. Signalons au passage que ces albums fantastiques sont affreusement mal distribués. Si tu veux les choper, lève-toi de bonne heure et compte sur la chance.

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             Quatre coups de semonce sur Curiosity Killed The Laissez Fairs?, à commencer par le terrific «Image», gorgé jusqu’à la nausée d’English freakbeat. Ça t’explose la cervelle en mille morceaux. Tu y entends des accords des early Who et toute la grandeur tentaculaire du freakbeat. Et ça continue avec un «Sunshine Tuff» d’une grandeur à peine croyable, c’est de l’update d’uptown, ça joue au-dessus de tes moyens, c’est tellement noyé de son que tu n’entends plus rien. Et John Fallon taille son solo dans le sucre. Les Laissez Fairs réinventent le son anglais, le son des Who et tout le reste. On ne va pas les énumérer. Et comme si tout cela ne suffisait pas, voilà le coup du lapin, «Tell You What It Means». John Fallon est un démon qui adore plonger dans les entrailles de l’enfer. En plus, il grouille de puces. Son énergie est un modèle du genre. Et tu as le solo en contrebas, explosif de retenue mal retenue. Comme sabré dans le dos. Quatrième coup du sort : «Drydenseek», un hit monumental éclaté au solo d’arpèges, dressé dans une clameur chatoyante d’ardeur suprématiste. Ça monte tellement que tu as du mal à redescendre. Et puis il reste des tas de choses passionnantes à découvrir sur cet album, la belle fête au village de «Somewhere Man», la fuzz et le chant fatal d’un «Sad Girl Of The High Country» bien claqué du portillon. Dans «Two Sides Of The Same Coin», on ne sait pas comment il fait, mais il y va. John Fallon est un coriace. Il revient au heavy Fallon avec «Everything (I Ever Wanted)». Sa voix chuinte un peu, mais pas sa vision du son. Que d’avenir, my friend, que d’avenir !

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             La pochette de Singing In Your Head ne laisse aucune chance au hasard : tu sais que tu es dans le futur, c’est-à-dire l’avenir du rock. Rien de plus spatial que ce visuel de pochette. D’ailleurs, «Real Good Time In 1969» te met aussitôt au parfum, avec tout le rebondi du heavy Mod craze. C’est pulsé à l’occiput. John Fallon voit les choses ainsi : pulser le beat, avec en embuscade, le solo broyeur de gorge. Il sait rester cohérent. Il en remet une couche avec «Kathleen Coffeine», un shoot de heavy psyché visité par des vents incertains, des grattés de poux demented, ah il faut entendre les entourloupes du loup des steppes, il est le roi des échappées belles, sa Kathleen se fond dans la clameur de Dieu, c’est un instant magique. On retrouve cette clameur insolente dans le dernier cut, «Laughing Boy». Avec «A Wildeforce», il sonne comme les Byrds, il est en plein dedans. Il rend un autre hommage, cette fois au Velvet, avec «Goodbye To Samantha». C’est plombé dans l’or. John Fallon caresse toutes les chimères su rock. Chaque fois, il tape en plein dans le mille. Il maîtrise aussi l’art de la Beautiful Song, comme le montre «Fields Of Yesterday». Il fabrique de la mythologie, il vise la pureté du son, il propose là une chanson parfaite, comme le fit en son temps Lou Reed avec «Pale Blue Eyes». John Fallon connaît toutes les ficelles de l’émotion. Il crée un univers de rêve. Puis il va regorger «Pretty Penny» de clameurs. Il est à la fois spongieux et supérieur. Drôle de mélange diront les sceptiques. Mais comme c’est du pur jus, tu tombes dans ses bas.

    Signé : Cazengler, le loup des stop.

    The Laissez Fairs. Curiosity Killed The Laissez Fairs? RUM BAR Records 2021

    The Laissez Fairs. Singing In Your Head. RUM BAR Records 2022

     

     

    Inside the goldmine

    Veni, vidi, Vicki

             Tout le monde louchait sur les seins de Baby Sof. Elle le savait. Elle arrivait en cours correctement vêtue, mais dès qu’il commençait à faire un peu chaud, elle se mettait à l’aise et se rendait bien compte que son décolleté captait tous les regards. La grande majorité des stagiaires étaient des mecs, alors forcément, Baby Sof en profitait. Il faut ajouter à son crédit qu’elle avait aussi une certaine classe. Elle ne cachait pas ses origines bourgeoises. Brune, lunettée, dans la trentaine, elle avait en outre une bouche qui appelait les baisers les moins platoniques. Dans la cervelle de tous les stagiaires présents dans la salle, elle incarnait certainement l’épouse idéale. Elle intervenait toujours de manière pertinente et bien sûr, lors de l’attribution des places pour ce stage pro qui allait durer un an, elle se retrouva à ma droite. Nous sympathisâmes. Nous eûmes vite fait de former une petite bande pour aller traîner le soir en ville après les cours, deux mecs et deux gonzesses, une sorte de formule idéale. Nous allions casser la croûte dans des restos exotiques de Montmartre. Baby Sof et sa copine eurent un jour l’idée d’un voyage à Amsterdam pour aller admirer La Ronde De Nuit au Musée Rembrandt. Et bien sûr, pour des raisons de budget, nous ne louâmes qu’une seule chambre à deux lits. Baby Sof dormait avec sa copine dans l’un des deux lits. Ce fut une nuit interminable, car bien sûr il ne se passa rien, hormis les chuchotements de Baby Sof et de sa copine jusqu’à l’aube. Une nuit que nous traînions tous les deux en ville, Baby Sof proposa l’hospitalité. L’heure du dernier RER venait de passer. Elle habitait un superbe appartement à Levallois, cadeau d’un précédent mari richissime. En voyant sa fille adolescente, il était facile de comprendre que le père était arabe, probablement originaire des Émirats. Comme sa fille apprenait à jouer de la guitare électrique, il fallut subir la corvée consistant à lui montrer quelques accords. Puis Baby Sof l’envoya se coucher et vint s’installer à ma droite sur le petit canapé. Elle portait un débardeur qui ne cachait plus grand chose de sa poitrine exubérante. La discussion s’éternisa, elle monologua pendant des heures, le jour se leva et un gigantesque ciel d’Île de France embrasa la baie vitrée. Alors que j’essayais de surmonter un mélange de fatigue et d’extrême frustration, Baby Sof m’apparut telle qu’elle était en réalité : elle cultivait le désir jusqu’au délire pour mieux le tuer dans l’œuf.  

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             Vicki Anderson cultive elle aussi le désir jusqu’au délire, mais pas de la même façon. Alors que Baby Sof joue de ses appâts, Vicki chaloupe des hanches et chante le funk. Enfin, il faudrait parler au passé, car elle vient tout juste de casser sa pipe en bois.

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             Autant l’avouer franchement : Hot Pants - I’m Coming Coming Coming de Bobby Byrd & Vicki Anderson est un gros foutoir de funk, mais pas du petit funk, du hard funk d’éjaculation, et ce dès le morceau titre. Fantastique élément perturbateur d’I’m comin’ ! Bobby jouit ! Et ça repart de plus belle avec «Keep On Doin’ What You’re Doin’», du pur jus de JeeBee, joué au squelette de funk. Hard funk toujours avec «I Need Help (I Can’t Do It)» - I need help ! Now ! - Bobby en rajoute, I need to feel it ! Il est encore assez magique avec «If You Got A Love (You Better Hold On To It)», bien gratté aux petites guitares funky métalliques, Bobby passe en force à chaque fois. Puis Vicki chope le micro et fait son show. Elle démarre avec «I’m Too Tough For Mr Big Stuff», elle tape elle aussi dans le heavy funk, elle funke littéralement sa Soul, petite Vicki deviendra grande. Puis elle tape dans l’un des plus beaux hits de l’univers, «In The Land Of Milk And Honey», elle crève le ciel comme d’autres crèvent l’écran, elle chante au pire perçant d’empire persan et puis elle prévient : «Don’t Throw Your Love In The Garbage Can», tout ce qu’elle fait est énorme, elle est supérieure en tout et elle nous fait le coup du duo d’enfer avec «You’re Welcome Stop On By», véritable coup de génie. N’oublions pas de nous prosterner devant «Once You Get Started», car Vicki y bat tous les records de classe.

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             Bien belle anthologie que ce Mother Popcorn (Vicki Anderson Anthology). Si tu aimes le heavy funk, c’est pour ta pomme, et ce dès «The Message From The Soul Sister (1&2)». Elle monte tout de suite au créneau, yeah eh eh, she shakes it hard, elle est dedans, aw my Gawd ! On reste dans le move avec «Super Good (Answer To The Super Bad)», encore du heavy hush, elle appuie là où il faut. On est dans le hard funk de James Brown, wait a minute, James Brown fait les retours d’Hold on, mais sous le boisseau. Undervover Genius avec the Big Funk Sister. Hallucinant ! S’ensuivent quatre coups de génie : «I’m Too Tough For Mr Big Stuff», «Answer To Mother Popcorn», «I Want To Be In The Land Of Milk And Honey» et «If You Don’t Give Me What I Want». Pur funky business. Vicki est une bonne, elle négocie le beat avec un tact unique, yeah open my door. C’est une authentique lady. Et ça continue avec «Answer To Mother Popcorn», back to the heavy groove du funk moite, the real deal, elle s’y love avec une voix de reine de Saba. Elle revient à l’univers magique de James Brown avec «I Want To Be In The Land Of Milk And Honey», power à l’état pur, soutenu par des tempêtes orchestrales. Elle tient bien son rang et shoute comme une folle. Il n’existe pas beaucoup de poules qui te sonnent aussi bien les cloches. Avec «If You Don’t Give Me What I Want», elle lève l’enfer sur la terre, yeah yeah, elle est dans l’excelsior définitif, elle monte son r’n’b au chat perché. Tout est bien sur cette antho, elle prend son «Baby Don’t You Know» sous le boisseau, elle tient le son par la barbichette, elle est exemplaire. Et voilà qu’elle duette avec James Brown sur «Think». Ça tourne à la magie. Il faut avoir entendu ça au moins une fois dans sa vie si on ne veut pas mourir idiot. Sur «Once You Get Started», elle est littéralement emportée par des vagues de heavy funk. Toutes les funky guitares sont là. C’est encore du funk genius à l’état pur. Elle explose le chant et s’en va screamer au sommet du lard. Elle reduette un coup sur «You’re So Welcome Stop On By», mais pas avec James Brown. Cette fois, elle duette avec Bobby Byrd. Top niveau, évidemment. Bobby monte le niveau très haut. On a là deux artistes exceptionnels avec une prod magique à la Marvin Gaye. Retour au froti avec «I’ll Work It Out» elle le travaille à la grosse arrache, peu de gonzesses s’éclatent autant au froti. Elle revient duetter avec son mentor James Brown sur «You’ve Got The Power». C’est lui qui ouvre la bal d’I need you darling, il pave le chemin de bonnes intentions - Ouuh-ouuh I want you to try me - Elle arrive, et comme elle s’appelle Vicki, elle le remet en place - Oh little darling you’ve got the power - Et ça prend des allures intemporelles - You’ve got the power in your hand/ You’ve got the power to make understand - Et James Brown : «Say it one more time !». C’est une œuvre d’art sexuelle. Elle termine son antho à Toto avec le «What The World Needs Now Is Love» de Burt, elle y va au now sweet love, c’est une combinaison suprême : Burt + Vicki, ça vaut bien le Burt + Dionne la Lionne, même si elle n’est pas aussi racée que Dionne la Lionne, mais Vicki y va avec tout le chien de sa petite chienne et elle t’éclate tout le Sénégal. Stupéfiante Vicki !

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             Avec Wide Awake In A Dream on tient entre les pattes l’un des albums les plus parfaits de l’histoire de la Soul. Vicki shake de toute évidence le meilleur r’n’b de son époque avec «I Love You», elle sait pousser à la roue, elle y revient à chaque couplet, Vicki est une vainqueuse, plus petit gabarit qu’Aretha mais même niveau de niaque. Son «Never Never Let You Go» développe une fantastique énergie, c’est même bien supérieur à Stax, elle est fabuleusement active dans la fournaise et pouf, gros solo de trompette ! T’es content du voyage ! Même quand on la croit calmée, elle pousse des pointes («I Won’t Be Back»). Elle chante ses slowahs à pleine gueule et fait ramper sa Soul quand il le faut («Nobody Cares»). Elle se planque dans l’énormité du son pour aligner «Don’t Mess With Bill», un vrai délire d’excelsior, elle ne connaît qu’une seule chose dans la vie : le power inexorable. Elle est la reine des insistances et un solo de sax vient la couronner de notes de diamant, c’est là où la Soul te monte au cerveau. Elle fait un gros clin d’œil à Martha Reeves avec une cover de «Nowhere To Run». Elle la prend de plein fouet. Vicki forever ! Et pouf, alors qu’on avait du mal à retrouver du souffle, elle duette avec James Brown sur une version de «Think», about the right thing, Vicki hurle tout ce qu’elle peut - Think baby about the right thing - Comme tu es tombé de ta chaise, tu dois vite te relever pour la suite. Elle plonge son «Tears Of Joy» dans le slowah de classe supérieure. Même les nappes de violons s’émancipent, ça violonne encore jusqu’à l’horizon avec «All In My Mind», pur genius, elle allume son cut avec le grain des violons. Bobby Byrd vient duetter avec elle sur «He’s My Everything». Elle redevient la shouteuse exceptionnelle que l’on sait avec «No More Heartaches No More Pain» et comme si tout cela ne suffisait pas, voilà qu’elle tape dans Burt avec «What The World Needs Now Is Love». Elle navigue exactement au même niveau que Dionne la lionne et Jackie De Shannon, elle est déterminante, belle dans sa grandeur et elle se bat là-haut sur la montagne avec les éléments. Elle est titanesque. Elle reduette avec JeeBee sur «Let It Be Me». JeeBee feule si bien qu’il féminise sa race. Ces deux fantastiques artistes font la paire, let it be me one more time, fait le Godfather, say it ! C’est de la haute voltige, JeeBe fout le feu. Elle revient au heavy groove de r’n’b avec «Don’t Play That Song». Vicki vaincra. Elle est très spectaculaire, une vraie gladiatore. Elle entre dans l’arène et se bat comme Russell Crowe. Mais ce n’est pas fini ! Voilà qu’elle tape une version d’«In The Land Of Milk & Honey», elle chante à l’éperdue infinitésimale, dans une fantastique débauche de moyens glottaux, elle jette ses ovaires par-dessus l’Ararat, alors t’as qu’à voir ! Même un mec blasé comme Moïse est scié. Vicki est la reine des outrances.

    Signé : Cazengler, venu, vidé, vaincu (aka le loser)

    Vicki Anderson. Disparue le 3 juillet 2023

    Bobby Byrd And Vicki Anderson. Hot Pants - I’m Coming Coming Coming. Polydor 1989  

    Vicki Anderson. Mother Popcorn (Vicki Anderson Anthology). Soul Brother Records 2004

    Vicki Anderson. Wide Awake In A Dream. BGP Records 2010

     

    *

    WILD DEUCES

    3 B

    (Troyes - 23 / 10 / 2023)

    Retour aux 3 B. Béatrice la patronne a décidé d’ouvrir un nouveau cycle de concerts rockabilly. Pas de chance pour moi, une avant-première le 7 juillet avec Jacke Calypso, un méga must, hélas de pressantes affaires familiales m’empêchent d’y assister, mais pour ce coup-ci, quitte à produire un milliard de tonnes de carbone j’ai promis que j’y serai. Qu’importe la planète, ne serait-ce pas un honneur pour cette bonne vieille terre de périr pour un concert un rockabilly !

             Une nouvelle formule, un Paf d’entrée de 5 €, et la possibilité de manger ( miam-miam la plancha charcutaille-fromageous ), surprise pour le dessert : The Wild Deuces, venus tout droit de Belgique.

    THE WILD DEUCES

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    Sont quatre, croyez-moi sur parole, la foule est si dense que je n’ai pu entrevoir que fugitivement, le bassman et le cou de girafe de sa big mama qui dépassait. Bart a profité du premier morceau très swing pour installer son velouté. Attention pas un truc tiédasse peu ragoûtant, une saveur onctueuse, un potage crémeux aussi épais qu’une moquette laineuse, aussi dense qu’un épéda multi-spire pour reprendre une ancienne publicité, mais aussi rapide et flexible que le tapis volant d’Aladin, z’avez l’impression d’être au volant d’une luxueuse berline de 400 chevaux montés sur coussins d’air. Pourtant ça vibre à foison, pire ça se colle au rockab le plus sauvage à la manière de vos pieds boueux qui n’arrivent pas à se dépêcher du paillasson à ventouses sur lequel vous avez marché par mégarde.

    Je pressens votre inquiétude, avec un tel turbo-réacteur à ses côtés que peut faire un batteur pour s’imposer ? Moi je donnerais ma démission. Mais là il accomplit sa mission périlleuse sans ciller. Un groupe de rockab sans batteur c’est comme la bataille de Valmy sans les canons. Faut avoir l’œil partout à la fois, tirer au moment précis, réduire sa cible en poussière, recommencer illico, pulvériser et fracasser les oreilles des auditeurs sans les effrayer. Du tact et de la force. Être dans le temps tout en donnant l’impression d’être toujours un tantinet en avance sur les évènements.

    L’est certain qu’avec une section rythmique de cet acabit vous pouvez vous reposer sur vos deux oreilles. Oui mais le Gretschman ne l’entend pas ainsi. Waouh ! Quel guitariste. Une précision redoutable. L’est totalement intégré à la section rythmique, à trois une véritable machine de guerre. Le rockab, c’est quoi ? C’est une musique qui s’arrête au millionième de seconde près, quinze secondes de boucan homérique, et hop plus rien du tout. Pas le temps de souffler qu’une dégelée de notes vous retombent dessus sans vous prévenir, pour dix secondes plus tard s’arrêter sans préavis et hop vous êtes assailli d’une mini-tornade de grêlons sonores gros comme des boulles de pétanque. Tout est dans le son de la guitare. Ou elle vous convainc de l’urgence de la situation ou elle se traîne péniblement dans ses pantoufles, Stevens ne vous laisse aucune chance. Vous tue sans rémission et vous refile la vie tout de suite, chaque fois qu’il touche ses cordes vous revivez, votre cœur bat à cent à l’heure et quand il arrête vous êtes en manque, irrémédiablement perdu pour la société, mais il vous regonfle à bloc aussitôt. J’ai passé le concert à le regarder.

    Maintenant vous oubliez tout. Eclipse totale, la lune occulte les trois soleils derrière elle. Elle : Manon. Dans un long fourreau noir.  Qui descend jusques aux pieds. Qui ne laisse voir que les tatoos de ses épaules. Un tiers blonde. Deux tiers rousse. Une présence indéniable. Elle attire. Elle focalise les regards. Sûre d’elle, tout sourire. Elégante et joueuse. Elle use et abuse de son charme et de sa facilité à établir le contact. Elle parle mal le français, tout le monde la comprend. La reine du show. Se poste devant le micro. C’est parti à l’arrache, un vocal qui bouscule tout sur son passage. Pas de quartier. Pas de pitié. Des morceaux courts qui vous jettent au tapis. Une aisance déconcertante. Comment une voix si rauque peut-elle sortir d’un corps si mince. Entre deux morceaux, elle s’amuse, elle minaude, fait applaudir ses musicos, semble penser à tout autre chose qu’au concert et elle démarre à fond les gamelles sans prévenir, derrière le trio la suit comme le bouchon épouse les caprices de l’onde qui le porte. Elle parle Flamand nous avertit-elle, est-ce l’influence espagnole sur les Flandres, mais voici qu’armée d’un éventail elle se réfugie par trois fois au fond de la scène pour laisser chanter son batteur. Ce dernier tout en continuant à battre frénétiquement le beurre dévoile sa belle voix, pas tout à fait rockab, pas tout à fait Sinatra dans la manière d’articuler mais il recueille un franc succès. Tout comme l’ensemble des Wild Deuces qui joueront leur deuxième set et leurs rappels sous les interjections et les clameurs de la foule dont certains membres malgré la presse n’hésitent pas à danser. Une belle soirée.

    Merci Béatrice.

    Damie Chad.

     

     

    GUMBO CARNIVAL EXTRAVAGANZA

    BIG DADDY’S BREAKFAST VOODOO

                                        (Piste Numérique / Août 2023Bandcamp)     

    Je voulais chroniquer voici longtemps leur album Snake Oil  paru en 2017, puis j’ai flashé sur le suivant Black Cat Bone Spell, sorti en 2020, je n’en ai rien fait alors je ne laisse pas passer le tout nouveau paru en août ! Le groupe s’est formé en 2010 à Amsterdam. La ville devrait m’offrir une rente à vie pour tous les paquets d’Amsterdamer que j’ai fumés, mais ceci est une autre histoire. Sont trois : Mick : guitar, vocal / Peter : bass / Bart : drums.

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    Au titre l’on pourrait se croire à la Nouvelle Orleans, y’a bien un alligator sur la pochette, et maintes allusions aux titres de l’opus que nous allons écouter. En fait la pochette ressemble à son contenu, un joyeux charivari, tout de suite l’on devine que ces trois lurons ne se posent pas de problèmes métaphysiques. Se définissent comme un groupe de blues, et revendiquent des influences stoner,  disons pour faire simple qu’ils ont le désert luxuriant et qu’ils ont exilé tout sentiment de tristesse de leurs racines bleues.

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    Reno : z’ont cassé l’anatole du coquetier et vous servent le jaune de l’œuf avec le croco qui nage dedans, Bart vous refile le rythme, ni exactement binaire, ni justement ternaire, tape entre les coups de queue précipités de la bestiole toute heureuse de voir enfin le monde.  S’y mettent tous les trois autour comme les pieds nikelés préparant un mauvais coup, Peter marche le frein à main de sa basse non enlevé, du coup le moulin de la guitare broute le riff et parfois sur le vocal il nous semble que Mick n’hésite pas à miauler. Soyons franc question paroles ce n’est pas le velouté de Verlaine, sacré tintouin terminal. Parked my car into the water : non ce n’est pas l’histoire de Keith Moon qui bazarde ses voitures dans la piscine, c’est pire, pour nous petit frenchies ça fait penser à J’ai jeté ma clef dans un tonneau de goudron de Mac Kac, pour l’esprit parce que musicalement vous les suivriez jusqu’au bout de la mer quitte à transformer votre chiotte en sous-marin nucléaire, d’ailleurs ça se finit en apocalypse nucléaire, le Bart vous a une voix de supporter de foot, vous conduit son équipe à la victoire les doigts dans le nez et quand c’est fini vous vous rendez compte que vous êtes planté au milieu de la pelouse, avec les vôtres dans le cul. Trip safari : encore une histoire de piscine avec des castors dedans, puis toute une ménagerie, une section rythmique qui vous fout le sbeul, une guitare qui découpe un cuissot d’éléphant avec le couteau électrique de sa grand-mère, un vocal qui pointe sa tête de girafe par-dessus le ramdam et des espèces de chœurs psalmodiés comme jamais vous n’en entendrez dans un disque de gospel. Non, ce n’est pas du prog. Entre nous c’est hyper chiadé. La guitare ronronne, vous avez un tigre royal mangeur d’hommes qui dort sur le canapé de votre salon. I am the broom : rythme insidieux, guitare menaçante, batterie coup de marteaux, fini la plaisanterie, l’on entre dans la sociologie moderne, pas du bon côté, le Bert en oublie presque de chanter, l’articule méchant va exploser, cette fois la guitare vous file une castagne dont vous vous souviendrez, la tension monte, sifflement dans vos oreilles, il explose, il ne se retient plus, il jacte comme un somnambule prêt à passer à l’acte. N’a pas tort, l’en a marre de faire le ménage, le drame se précise, le mec a le blues méchant, on le comprend, on le soutient. Vu la violence terminale on se doute que… Mount Jacobi Shack : en tout cas il ne le dit pas, l’enchaîne directement sur le morceau suivant, à toute blinde, la guitare de Mick pique un sprint, ça pue un peu la cabane du trappeur qui ne s’est pas lavé depuis six mois, jusque-là tout va bien mais le morceau déraille, une vague sauvage sous emporte, ne savent plus où ils sont, dans la chanson ou sur le Mont Jacobi, carburent au kérozène, sont dans un tel état qu’ils vont finir à l’asile. Au moins ils n’auront pas le loyer à payer. Doomed to fail :  la fêlure, ils ont craqué, la guitare pleure à chaudes larmes, l’irrémédiable réalité de leurs existences leur saute aux yeux, échec et mat, ils ont perdu. Sont accablés par le malheur de vivre. Oui mais ils mettent une telle énergie à le proclamer que vous comprenez qu’ils en ont encore sous le pied. Sous le désespoir la lave bouillonne, des gosses punis de récréation qui prendront leur revanche à la fin de la journée. L’instrumentation muselée est en train de broyer sa chaîne avec ses dents. Til the lights go out : que disait-on ! des enfants de chœur, ils agitent la clochette du sacristain, se foutent des paroissiens, vous ont adopté un rythme perversement candide, s’amusent, vont se masturber dans les coins sombres, jolie prouesse vocale de Mick, jamais je n’ai entendu une musique qui ment si sympathiquement, avec eux la nature reprend ses droits, en plus si l’on y réfléchit un peu sont en train de se foutre du blues lui-même, même pas la musique du diable, ni celle du bon dieu, dans les deux cas ce serait de l’hypocrisie heureuse. Netflix Lockdown : pas tout à fait un morceau sur l’addiction à Netflix, ne confondez pas la cause avec la conséquence, ce serait dommage, parfois faut savoir crier au loup pour égarer le chasseur, un régal, un trio parfaitement en place et en classe, une instrumentation équilibré à merveille, tous ensemble et pas un qui marche sur l’autre, un vocal omniprésent qui n’accapare pas la part du lion, une batterie si présente qu’on ne l’entend pas, une basse qui passe en courant d’air, et une guitare qui guette sur la crête. Suis resté bloqué longtemps sur ce Netflix. Black burned cupcake : pour le dernier morceau vous avez droit à un gâteau. Je ne suis pas pâtissier et je ne me prononcerai pas sur la recette, toutefois ce colorant rose me paraît peu écologique et ce mystérieux ingrédient X, c’est peut-être à cause de lui qu’ils jouent si speed. Sur la fin, ils sont carrément en manque, ils se disputeraient presque pour être servis en premier. Il ne faut pas exagérer non plus, à la maternelle au goûter jamais un de mes camarades n’a proclamé qu’il préférait les gâteaux au sexe. Enfin c’est du blues alors on pardonne.

    En tout cas je ne m’attendais pas à que ce soit si bon. Non pas le gâteau. Ni le sexe. Je parle du groupe. Cet opus est une splendeur.

    Damie Chad.

     

    *

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    A plusieurs reprises sur KR’TNT nous avons présenté le travail pictural de Manuel Martinez. L’annonce d’une exposition Avec la peinture et la sculpture à Ostrava, Orchard Gallery, in Tchéquie, du 13 / 09 / 2023 au 10 / 10 / 2023 nous a donné envie de nous pencher encore une fois sur son œuvre foisonnante. Si dans notre chronique Angels in Disguise du 02 / 20 / 2020 nous avions exploré l’aspect mythique de son chemin de peinture, cette fois-ci nous découvrons une autre face de cette œuvre, que nous nommerons :

    LES GENS D’AUJOURD’HUI

    1

    TRANSFERT

    Diptyque - Acryl / Toile 162 x 60 x 2 - ( Août 2023 )

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    La peinture nous regarde davantage que nous la regardons. Nous sommes souvent les derniers à nous en rendre compte. Nous avons été sympas, nous inspirant du titre de carnets graphiques de Manuel Martinez nous aurions pu intituler cet article Nos Contempourris, comme nous sommes les contemporains de nos contemporains, nous n’avons pas osé. Nul besoin de décrire la scène. Inutile de remonter au diptyque Adam et Eve d’Albert Dürer, contentons-nous de suivre les pointillés. Ils ne disent rien mais ils révèlent tout. Dans la vie tout est question de visée. Il suffit de savoir d’où part la flèche et de connaître la cible qu’elle désigne ou rate. Manuel Martinez est gentil, il trace la ligne mathématique (donc imaginaire, songez que ce mot est formé sur image) de son parcours. Remarquons que sur les vêtements aux couleurs uniformes, deux flèches partent en des directions opposées. Les anciens grecs nous expliqueraient qu’Apollon est un archer redoutable.

    2

    TIR TENDU

      Acrylique – toile 120 x 120 (Mars 2020)

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    Parfois la visée est si nette qu’elle se transforme en trajectoire. Si vous voulez un adjectif pour qualifier le jaune du gilet, je propose dramatique ou colérique. Si Transfert est un fait de société, Tir Tendu est un méfait gouvernemental. La peinture est aussi un acte politique. La flèche est tracée sur l’asphalte. Vous ne pouvez y échapper. Le sujet, ici grammaticalement parlant, celui qui subit l’action, ne touche plus le sol, il n’est pas touché en plein vol, c’est la balle qui l’envole, grâce à l’ombre tournoyante de ses bras il devient multiple. Ses bras font signe. II devient symbole. Une seule image suffit pour retracer un destin, collectif. La couleur pour transcrire une colère noire.

    3

    REGLE DE CINQ

    Acrylique – toile 120 x 120

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    Regarder les autres se faire tirer dessus comme des lapins ne veut pas dire que l’on est en-dehors du danger. Ici les pointillés sont évidents. Ils ont grossi, ils sont peinturlurés. Celui qui ne les reconnaît pas devrait se faire des soucis. Reste à expliciter cette mystérieuse règle de cinq, bien plus énigmatique à première vue que la fameuse règle de trois. Il suffit de regarder le tableau pour comprendre. Aucun besoin de connaissances ésotériques. Qui tire au juste ? Le peintre. Qui reçoit les balles ? Le tableau. Ce n’est pas un suicide, le peintre est toujours vivant, juste une projection (révisez vos leçons de sixième sur les couleurs primaires et complémentaires). Vous avez toujours le choix. Mais les conséquences. 

    4

    ULYSSE

      Acrylique – toile 120 x 120

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    Il y en a toujours qui se prennent pour celui qu’ils ne sont pas. Leur désir est si fort qu’il se solidifie, se transforme en lance, et maintenant avec leur costume cravate, leur chemise blanche sans tache, ils se prennent pour Ulysse – bien sûr ils ont la caution de Joyce – ils ne sont que des Tartarins de Tarascon (09), qu’importe ils ont vaincu et transpercé la diabolique tarasque, la bête infâme, la bête infemme pour emprunter la langue des oiseaux. Songez davantage à la langue qu’aux oiseaux. Notre héros l’a clouée sur place. Elle agonise. Petite mort. Elle = Peinture.

    5

    BRUNE EXTRALIGHT

    Acrylique – toile 70 x 70

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    Vous pourriez accuser Manuel Martinez, el picador de la pintura, d’exprimer le désir du mâle blanc de plus de cinquante ans. Tout à fait son portrait. L’est comme Apollon qui a plusieurs flèches dans son carquois, il a plusieurs pinceaux sur sa palette. Beaucoup de jeunes filles sur ses toiles. Des corps adorables, des postures attirantes, des attitudes énigmatiques, c’est oublier que tout se passe dans la tête. Pas nécessairement de celui qui est regardé mais dans le chef de celle qui regarde. Lors des sacrifices antiques la fumée qui montait vers le ciel était la part des Dieux, les chairs qui restaient étaient dévolues aux hommes… Si cette jeune fille fume trop elle n’en pense pas moins. Pour ceux ou celles qui préfèrent les blondes, se reporter dans la même série au tableau Virginia.

    6

    DISTANCIATION

     Acrylique– toile 80 x 80

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    Elle l’a vu. Elle le tient à distance. Peut-être est-ce cette distance qui le tient à elle. Que les pensées sont noires. Nous ne voyons que ses épaules recouvertes de nudité. Sommes-nous au plus près de l’intimité des rêves érotiques. Il n’est qu’une ombre, une marionnette accrochée à la paroi d’un sombre rocher. Peut-être en surgit-il et s’apprête-t-il à l’escalader, peut-être un simple coup d’œil précipitera sa chute. Il est dans le viseur. S’en doute-t-il seulement. Peu importe il n’a pas voix au chapitre.

    7

    MISE EN REGARD

     Acrylique– toile 50 x 50

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    La même scène. La pendule a tourné. C’était la nuit voici le jour. L’œil a accroché un œil à son hameçon oculaire. Souvenons-nos que dans la peinture tout est question de regard. Ici nous n’avons que le regard. Le sujet regardé est hors-champs. Est-il vraiment si important en lui-même. N’est-ce pas le désir qui prime. Son objet ne dépend-il pas de lui. Une autre flèche part en un sens opposé. N’existe-t-il pas une autre possibilité, et pourquoi pas un champ des possibles illimités. Œil de lynx et ruse de sioux, elle regarde de l’autre côté.

    8

    VA SAVOIR

     Acrylique– toile

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    Tout se passe dans la tête. Mais aussi dans un monde réel empli de gravité. Parfois il est difficile de choisir à quelle force de son propre désir on cèdera. La paume des mains levées vers le ciel, c’est ainsi que les grecs invoquaient les Dieux, ici on s’en remettra à la puissance du hasard. A l’aune du désir l’un ne vaut-il pas l’autre, toute chose étant égale, autant que la décision dépende des circonstances, la flèche monte haut vers les étoiles mais c’est à la base de sa trajectoire que tout se décidera. L’arc n’est-il pas aussi nécessaire que la flèche.

    9

    SIGNES

     Acrylique– toile ( 50 x 50)

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    Titre d’une ambiguïté parfaite. Toutefois elle est la cible désignée de la flèche. Le regard suffit-il ? Sous l’œil inquisiteur elle est déjà quelque peu dégrafée, la situation est claire, elle sait que si la flèche la transperce déjà c’est parce que son attitude de proie débusquée et consentante a attiré le regard. Qui a tiré le premier ? Les pensées moites du désir se bousculent dans sa tête. Tout est dit. En quelques virevoltes de pinceau. Les signes ne trompent personne. Même pas elle.

    10

    SUSPENSION

    Acrylique– toile ( 80 x 80)

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    Nous étions dans les états d’âmes, dans les états dames aussi. Dans les observations phénoménologiques quant à l’expression du désir féminin par Manuel Martinez. Nous assistons maintenant à l’irruption de la modernité technologique dans le sentiment amoureux. Encore une histoire de transfert. Le medium s’introduit dans l’histoire. Ne plus parler à l’objet du désir mais au désir de l’objet. Nous terminerons ce commentaire par des points de suspension…

    11

    QUAND ELLE DOUTE

    Acrylique– toile 60 x 50

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    Titre explicite. Ce n’est pas qu’elle doute de quelque chose ou de quelqu’un. Elle doute du doute. Quand la quadrature du cercle prend la tangente. Ceux qui hésitent entre ceci et cela se mentent à eux-mêmes. Tout comme quand vous doutez de vous-même. Le doute est le vecteur. Le doute est le média. Technologique en quelque sorte. La seule manière d’appréhender le monde qui soit à notre portée. La partition est simple. Ou l’on s’ouvre au monde, Ou l’on reste enfermé en soi-même.

    12

    DEVIANCE

    Acrylique– toile 70 x 100

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    Du regard sur le désir féminin, l’on passe au regard masculin. Peut-on entrevoir n’importe lequel de nos regards comme une déviance, vers quelque chose qui n’est pas nous, qui nous est totalement étranger, à tel point qu’il est loisible de penser que ce que nous regardons nous cannibalise, s’installe en nous, nous éjecte de nous-même. Le regard serait-il la matière noire de notre autodestruction. L’ailleurs nous tue-t-il ? Si notre esprit n’est plus d’équerre avec le monde, retournons-nous au stade animalier. Est-ce pour cela qu’une queue s’échappe de notre postérieur. N’avons-nous pas déclenché notre propre folie.

    13

    BLEU SYNCHRO

    Acrylique– toile 70 x 100

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    Merveilleuse toile. Retour à soi-même. Manuel Martinez est peintre. Il se retrouve en lui-même tel que la couleur l’institue. Désormais tout est synchro. Il hisse le grand-pavois bleu. La petite pastille océane des boîtes de peinture à l’eau de l’enfance. La bille de verre des récrés. Les deux pieds plantés sur sa propre terre. L’objectivité du regard intérieur s’équalise à l’extériorité du monde. Il est peintre. Retour à la peinture. Admirez la finesse des motifs du sweat-shirt.

    14

    Acrylique– toile 70 x 100

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    Retour au peintre. C’est de lui que tout est parti. Suivez les lignes, vous remonterez à l’origine, aux pointillés initiaux du pinceau. Le peintre tient son pinceau capable de recréer l’univers à sa propre image. Mentale. Tout dans le geste, tout dans la tête. C’est ainsi que Zeus détient la foudre et Pharaon son sceptre. Artifex.

    15

    A L’ATELIER

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    Manuel Martinez vit en Ariège. Peintre le jour, peintre la nuit ainsi se définit-il. Nous n’avons fait que peinturlurer quelques mots au bas de ses toiles. Pour ceux qui veulent en savoir plus, nous conseillons de passer par son FB : Manuel Martinez Peintre. (Surtout n’oubliez pas ‘’Peintre’’ sans quoi vous aurez l’impression que la moitié de la planète s’appelle Manuel Martinez). Vous aurez ainsi accès à plusieurs centaines de photos de ses œuvres. Nous reviendrons sur d’autres chemins parcourus en de futures livraisons. Manuel Martinez a aussi été chanteur du groupe de rock : Les Maîtres du Monde.

    Damie Chad.

    P. S. : Nous parlerons de Michèle Duchêne qui expose souvent avec Manuel Martinez dans une prochaine livraison.

     

    ROCKAMBOLESQUES

    LES DOSSIERS SECRETS DU SSR

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    (Services secrets du rock 'n' roll)

    Death, Sex and Rock’n’roll !

                                                             

    EPISODE 40 ( Administratif ) :

    207

    La suite ! La suite ! La suite !

    Sont maintenant plus de cinq cents personnes regroupées autour de nous. Elles se sont assises pour que chaque spectateur puisse voir. Une fois que la Mort a fait signe qu’elle va répondre, s’installe un silence qu’il me faut bien qualifier de mort. Elle est montée sur un tombeau un peu surélevé, il faut avouer qu’elle a une fière allure drapée dans les haillons de sa houppelande rapiécée, de sa main gauche lorsqu’elle a enfoncé sans effort le manche de sa longue faulx d’au moins vingt centimètres dans le granit de la dalle depuis laquelle elle domine le monde un frisson d’incrédulité et de méfiance a parcouru la foule.

              _ Mon enfant puisque tu veux tout savoir, tu sauras !

              _ Merci Madame !

              _ Gabriel, votre femme était ce que l’on appelle une mort vivante. Oecila est morte dans un accident de voiture quelques mois avant votre arrivée en Russie, elle était jeune et jolie, je l’ai prise en pitié, je l’ai laissée rejoindre le monde des vivants, sous le nom d’Ecila, elle vous a rencontré, elle vous a aimé, je l’ai laissée partir avec vous en France, voilà l’histoire est assez simple… Au bout de quelques années je l’ai rappelée sans quoi elle serait devenue immortelle en quelque sorte puisque les morts ne peuvent plus mourir.

               _ Mais cette tombe et ce cercueil dans lequel j’ai ramené la soi-disant dépouille de la sœur de ma femme ?

               _ Ce n’est pas votre femme qui était dans le cercueil mais moi, un moyen de transport très commode, encore plus confortable qu’une couchette de train de nuit. Songez que je dois être partout à la fois, aux quatre coins du monde, dans à peu tous les cimetières de cette planète j’ai un cercueil qui m’attend pour me reposer au moins quelques secondes, un travail de fou, sans aucune rétribution, je suis sûr que dans cette assistance personne ne lèverait la main pour prendre ma place !

    Les applaudissements crépitent. La camarade camarde a remporté un franc succès, d’un geste auguste elle donne congé à la foule :

              _ Je vous donne congé, je n’ai pas le temps de m’occuper de vous aujourd’hui, ce sera pour une autre fois, je vous souhaite une bonne fin de semaine. Au revoir et à bientôt !

    L’assemblée se disperse le sourire aux lèvres conquise par cette comédienne hors-pair et pressée d’aller raconter cette étrange scène à tous les amis qui voudront bien l’écouter. Gabriel et Alice serrés l’un contre l’autre les suivent à petits pas

              _ Tu sais papa ce n’est pas très grave que Maman ait été une mort vivante, regarde, nous avons Alicia et elle est vivante elle !

              _ Tu as raison, nous allons tout de suite lui acheter un collier rose avec son nom gravé dessus et un numéro de téléphone pour ne pas la perdre !

              _ Oui Papa, comme c’est une princesse un collier avec des diamants…

    208

    Le Chef allume un Coronado, Carlos et moi nous nous occupons à refermer le cercueil vide et à remettre la dalle en place. Molossa et Molossito assis côte à côte sages comme des images ne bougent pas, leurs yeux ne quittent pas la Mort comme s’ils ne voulaient pas la laisser partir.

              _ Ces braves chiens sont d’après moi les membres les plus intelligents du SSR, ils ne sont pas comme vous, ils attendent, je ne sais pas quoi, mais ils ne passent pas leur temps à se poser des questions sans réponse.

    Le Chef allume un nouveau cigare.

              _ Chère amie, ne vous méprenez pas, ici seuls les deux chiens et l’Agent Chad ont une dernière question, je vois à leur mine qu’ils n’osent pas, alors je le fais à leur place : l’Agent Chad retrouvera-t-il un jour cette jolie péronnelle qui répond au doux prénom d’Alice ?

              _ Jamais ! Maintenant je vous laisse, il y a tant de gens qui m’attendent pour mourir ! A croire qu’ils sont pressés ! Je vous dis à demain à 9 heures tapantes, j’aurai quelque chose à vous révéler.

    209

    Sur le bureau le Chef a installé une assiette de petits gâteaux pour ma part j’ai posé deux bouteilles de moonschine. Elle n’a même pas frappé, elle est apparue à neuf heures précises sur le fauteuil que j’avais avancé.

              _ Votre exactitude m’enchante Madame, je vois que vous n’avez pas la déplorable attitude de l’Agent Chad d’arriver en retard. J’ose espérer que vous avez passé une bonne nuit.

              _ Pas du tout il a fallu que j’aille mettre un peu d’ordre à Woodstock !

              _ A Woodstock ? Un festival ?

              _ Oui, les morts s’ennuient un peu, alors de temps en temps je leur permets de sortir, pas à tous. Je choisis. Mais là c’était mon chouchou, je lui passe tout ce qu’il veut, de son vivant Edgar Poe est l’être humain qui a le mieux compris le monde de la mort. Je lui en sais gré. Je lui ai permis de continuer à écrire, bref il a réuni près de trois millions d’admirateurs, des morts évidemment, venus l’écouter, il a lu sa dernière nouvelle Souvenirs du Monde des Vivants, une histoire horrible, les morts n’ont pas supporté le rappel des turpitudes qu’ils ont vécues, cela a déclenché une panique générale certains tentaient d’organiser un suicide collectif pour échapper à l’enfer du récit. Bref j’ai dû intervenir pour renvoyer tout le monde se coucher dans son cercueil. Je suis très fière d’avoir pu donner à Edgar Allan Poe dans le monde des morts le succès que le monde des vivants lui a refusé.

              _ Ah ! comme j’aurais aimé y être !

              _ Agent Chad arrêtez de dire des âneries, je pense que Madame est venue nous parler de géopolitique.

              _ En effet, je commencerai par corriger quelque peu ce que ce gros bêta de Gabriel a raconté hier, sa femme Ecila était une agente secrète russe retournée par les français. Les services français voulaient rapatrier des documents explosifs, de véritables bombes sur les agissements de leur gouvernement, ils m’ont demandé de les aider, vous comprenez la suite… Pour la petite histoire j’ajoute que les services russes ont au dernier moment rempli le cercueil d’annuaires téléphoniques… Ecila est restée en France mariée à ce gros benêt de Gabriel. Entre parenthèses sa fille tient de sa mère, à douze ans elle mène son père par le bout du nez, ce pauvre papa a de quoi s’inquiéter…

    Je voulus ajouter mon grain de ciel :

              _ Ainsi donc vous collaborez avec l’Etat français !

              _ Avec tous les états du monde. Les gouvernements sont de gros producteurs de morts, ils ont toujours une petite guerre à faire, je passe des accords avec eux, je trucide quelques opposants politiques, en échange ils activent un petit conflit à l’autre bout du monde. C’est du donnant-donnant, de la bonne politique.

    Le Chef alluma un Coronado, à son air je compris qu’il allait poser une question sensible :

              _ Et parmi les petits services entre amis, on vous a demandé de les débarrasser du SSR ?

              _ Oui, dans leur ensemble les présidents français n’aiment pas le rock’n’roll, ils voudraient même éradiquer le SSR qu’un de leurs lointains prédécesseurs a eu l’imprudence d’instituer pour s’attirer le vote des jeunes, ils jugent que c’est là un ferment d’anarchie et de déliquescence du pays, ils n’ont pas tout à fait tort, vous m’avez prise par surprise lorsque dans un épisode précédent de vos aventures vous avez envoyé un exocet sur la résidence de l’un d’entre eux, ce qui je vous le rappelle lui a ôté la vie. Méfiez-vous ils ne vous lâcheront pas. Voilà j’ai tout dit.

              _ Madame je vous remercie de vos informations, avant de nous quitter l’agent Chad aimerait vous offrir un verre de Moonshine.

    La fin de l’entrevue fut agréable. Nous parlâmes de tout et de rien, je dus rajouter deux bouteilles de Moonshine, la Mort tenait très bien l’alcool, ce whisky au venin de crotale de contrebande à quatre-vingt-quinze degrés, lui plut énormément. Alors qu’elle s’apprêtait à partir je lui en offris deux autres :

              _ Agent Chad je vous remercie de votre prévenance, en échange je vais vous faire un cadeau, non ne rêvez pas je ne vous rendrai pas votre Alice, juste une confidence. Je vous avoue que le rock ‘n’ roll est ma musique préférée, vos chanteurs sont toujours en train de convoquer la mort, ils portent des bagues à tête de mort, l’on en trouve sur pratiquement tous les pochettes. Voilà j’en ai trop dit.

    Elle s’apprêtait à se lever, le Chef ouvrit le tiroir de son bureau et prit la parole :

    • Madame, au nom du Rock’N’Roll je vous remercie, moi aussi Madame je tiens à vous offrir une babiole, je vous en prie restez assise quelques minutes et veuillez accepter ce cigare, un Mortalado N° 4, un délice, croyez-en un connaisseur.

    Et la Mort alluma un Coronado.

    Fin de l’épisode.