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steve ellis

  • CHRONIQUES DE POURPRE 674 :KR'TNT ! 674 : STEVE ELLIS / JOHN DOE / BOB STANLEY / ERRORR / TINA MASON / SETH / GRIFFON

    KR’TNT !

    KEEP ROCKIN’ TIL NEXT TIME

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    LIVRAISON 674

    A ROCKLIT PRODUCTION

    FB : KR’TNT KR’TNT

    23 / 01 / 2025 

     

    STEVE ELLIS / JOHN DOE

    BOB STANLEY / ERRORR

    TINA MASON / SETH / GRIFFON

     

     

    Sur ce site : livraisons 318 – 674

    Livraisons 01 – 317 avec images + 318 – 539 sans images sur :

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    Wizards & True Stars

    - Ellis au pays des merveilles

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             Steve Ellis connaît bien le circuit. Comme Paul McCartney, Keith Richards, Ray Davies, Pete Townshend, et quelques autres survivants, il a vécu quatre ou cinq décennies d’aventures dans le monde plus ou moins magique du rock anglais. Son premier groupe Love Affair piaillait dans la couvée des sixties. Durant les seventies, il multipliait les projets de super-groupes, alors très prisés du public. Il fera sa petite traversée du désert comme tous les autres et entretiendra la flamme de sa légende avec quelques disques épisodiques et bien entendu guettés par ses derniers admirateurs. Bizarrement, ils ne sont pas nombreux dans le Gotha à le citer en référence. Jesse Hector le cite comme l’une de ses influences.

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             Steve Ellis réapparaît dans la presse anglaise une fois tous les dix ans, en moyenne, ce qui ne manque pas de scandaliser ses fans. Car bien sûr, Steve Ellis est une superstar, mais peu de gens sont au courant. Ah les rigueurs de l’underground ! Cette fois, c’est Lois Wilson qui s’y colle dans Record Collector. Trois pages ! Pas grand-chose, mais c’est mieux que rien.

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             Steve Ellis a 17 ans quand il devient célèbre avec Love Affair. Leur manager a l’idée saugrenue de les faire grimper sur la statue d’Eros à Piccadily Circus et les flicards viennent bien sûr les déloger. Ils sont condamnés par le Tribunal de Bow Street à 12 £ d’amende chacun. Steve Ellis tient à préciser qu’ils se sont rendus au tribunal de jour-là dans une Rolls blanche de location.

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             Ils sont devenus célèbres avec la cover d’un hit de Robert Knight, «Everlasting Love». On comparait alors Steve Ellis à Steve Marriott : même «magnificient soul voice». Dès l’âge de 13 ans, il est obsédé par Ray Charles qu’il voit un dimanche soir à la télé et sa mère réussit à lui payer un Best Of avec ses green shield stamps. Puis il fait partie d’un gang de mods - we were little peanuts (slang term for hard mods/suedeheads) - Les kids passent leur temps à aller chez les uns et les autres écouter les Temptations et les Miracles. Il démarre dans un groupe de R&B, The Soul Survivors, dont l’organiste n’est autre que Morgan Fisher, futur Mott. Ils tapent dans Otis Redding, Sam & Dave, Eddie Floyd. Ils jouent partout à Londres, et même au Twisted Wheel à Manchester.

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             Puis leur management veut changer le nom du groupe. Love Affair ? Steve Ellis n’en veut pas. «Not a chance». Mais comme les autres disent oui, il est baisé. Ils enregistrent des démos en 1966 à Abbey Road avec Kenny Lynch, puis Mike Vernon, et font une cover du «She Smiled Sweetly» des Stones que Steve Ellis déteste - I hated it, really hated it - Bien sûr, le single floppe et Decca les droppe. C’est Muff Winwood et CBS qui récupèrent le groupe. Un beau jour, on fit entrer le p’tit Ellis dans un studio où étaient installés quarante musiciens et on lui dit : «Vas-y, gamin, chante !» Le p’tit Steve ne s’est pas déballonné. Un verre de brandy et il a mis «Everlasting Love» en boîte en seulement deux prises. Et puis cet enfoiré de Jonathan King les reçut à la télé et leur fit dire qu’ils n’avaient pas joué sur leur disque. Love Affair était foutu. Dommage, car le groupe était vraiment très bon.

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             Il faut absolument écouter la red Repertoire The Everlasting Love Affair. Sur les 24 titres, la moitié sont de la dynamite. Avec «Everlasting Love», on flaire déjà la star chez Steve Ellis. La voix est là. Dès l’origine des temps. Une voix un peu rentrée et finement fêlée, joliment timbrée. Il chante sa pop sentimentale avec une telle ferveur qu’on tombe vite sous le charme. Il faut voir comme c’est produit : chœurs et cuivres à gogo. Le producteur chargeait bien la barcasse. On trouve aussi à la suite une version faramineuse d’«Hush», secouée à la gratte et nappée d’orgue. Et on va de surprise en surprise, avec des énormités comme «60 Minutes (Of Your Love)», Soul garage de 1968 amenée à coups d’awite et de c’mon. On retrouve cette voix énorme dans «So Sorry», groove acoustique de haut vol. Encore un hit faramineux avec «Rainbow Valley» - The sun always shines down my rainbow valley - un vrai hit sixties qui grimpe haut, très haut. Plus surprenant encore, «A Day Without Love», par sa qualité et son parfum de Soul magique. Steve Ellis s’entoure de chœurs de rêve. Il a le même feeling que Rod The Mod, il traque la note au coin de  l’octave, c’est un fabuleux décideur, hanté par la beauté, il raye sa voix à la griffe d’âme. Il shake un stupéfiant cocktail de Soul et d’anglicisme. Il est dans le vrai, mais de manière assez vertigineuse. Il vise le sempiternel. Puis il tape un heavy «Tobacco Road» et on entend Ian Miller, un guitar slinger hallucinant et pulsatif. Encore de l’acid-rock pulsé à la gratte avec «The Tree». Alors, on se pose la question : pourquoi un groupe de ce niveau est-il passé à la trappe ? Pourquoi ne fait-il pas partie du peloton de tête des groupes de rock anglais ? Ils tapent aussi une cover d’«Handbags And Gladrags». Steve Ellis se frotte à Chris Farlowe. Il en a les moyens. On trouve quelques merveilles dans les bonus, comme ce smash qu’est «I’m Happy». Ou encore «Let Me Know», une monstruosité secouée du bulbe, avec des poux incroyablement sauvages. Et «Bringing On Back The Good Times», haut de gamme orchestré à outrance. Franchement, Steve Ellis a du génie. Mais ça ne suffit pas. Il quitte le groupe en 1969. Love Affair décide néanmoins de continuer avec un autre chanteur, un nommé Gus Eader. Ils enregistrent l’album «New Day», un album de prog assez insupportable, avec des orchestrations ridicules et des structures de morceaux alambiquées. Une flûte persistante vient ruiner tous les efforts du groupe. On a même le Raymond la Science du clavier qui s’y met, alors les choses s’aggravent encore.   

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             En 1972, Steve monte un groupe nommé Ellis avec Zoot Money et d’autres musiciens beaucoup moins connus. Chas Chandler les manage. C’est l’époque des morceaux de cinq minutes à tendance proggy. Leur album Riding On The Crest Of A Slump fait partie des albums qu’on garde sans vraiment savoir pourquoi. Rien d’exceptionnel, mais pour une raison depuis longtemps oubliée, on y reste attaché. Cet album d’Ellis a pour particularité de sonner comme l’album qu’ont rêvé de faire les Faces. Steve Ellis chante «Good To Be Alive» en mode cockney. Il sonne comme Rod The Mod. Il fait partie de cette caste des grands chanteurs classiques anglais dans laquelle entrent aussi Steve Marriott, Chris Farlowe et Mike Harrison. Il sait allier puissance et feeling avec une coloration particulière. «Your Games» sonne comme un cut des Faces, mais c’est bien meilleur que ce qu’on trouve sur les albums des Faces (il faut se souvenir que Rod The Mod gardait les bons cuts pour sa pomme). Boogie-blues à l’Anglaise étonnant et massif, «Your Games» est beaucoup plus rentre-dedans que les boogie-blues des Faces. On apprécie d’autant plus ce cut qu’il survient à la fin d’une face un peu molle du genou. La belle pop énergique de «Morning Paper» rafle aussi la mise. Ce groupe avait un vrai potentiel. Pourquoi les Faces et pas eux ? Steve Ellis est un fauve. Il a la même niaque de baraque foraine que Steve Marriott.

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             Un an plus tard, ils récidivent, avec un album titré Why Not ? Eh oui, pourquoi pas ? On est en droit de se poser la question, après tout. Ils attaquent avec une belle tranche de boogie anglais qui s’appelle «Goodbye Boredom», et qui sonne comme du Marriott de l’entre-deux mers. L’«Opus 173/4» qui suit est vraiment orienté sur le marriottisme exacerbé, mais ils visent le prog avec des ponts liquido-jazzy. Les ponts coulent le Titanic d’Ellis. L’A s’achève sans heurts, et on soupçonne Zoot d’avoir ruiné l’entreprise avec ses compos à la mormoille, comme il l’a fait sur le Love Is d’Eric Burdon. Le pauvre Zoot n’a pas inventé le fil à couper le beurre. Heureusement que Steve Ellis chante bien. Ils reviennent aux Faces avec «Leaving In The Morning» et un joli son à l’Anglaise, bien typique et rythmé par de jolies montées en température. Ces deux albums d’Ellis sont vraiment destinés aux amateurs de rock seventies. Si on aime le gros boogie mal ficelé tel que l’ont joué les Faces, alors on se régalera avec Ellis et «We Need The Money Too», bourré d’une inventivité typique des projets condamnés à l’oubli.

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             Steve Ellis monte Widowmaker en 1976 avec Ariel Bender/Grosvenor, transfuge de Mott The Hoople. Don Arden les manage. Ariel déclare se sentir enfin chez lui, après cinq ans chez Spooky Tooth, un an chez Steeler’s Wheel et quatorze mois chez Mott. Huw Lloyd-Langton d’Hawkwind fait aussi partie de l’aventure. Steve Ellis déclare avoir fini Love Affair avec une armoire remplie de paires de chaussures et un rappel d’impôts énorme. Le batteur Paul Nicholls jouait dans Lindisfarne et le bassiste Bob Daisley jouait dans Chicken Shack. Ils portent tous des pompes à semelles compensées comme ça se faisait à l’époque, en Angleterre. C’est une très grosse équipe et Don Arden mise sur eux, car leur premier album sort sur Jet Records, son label. Ils jouent pas mal de balladifs, la grande maladie de l’époque, et ça se réveille avec «Ain’t Telling You Nothing», un heavy blues à la Grosvenor, bien roulé par la basse, chanté à l’Anglaise avec derrière de gras d’Ariel et d’Huw. On sent l’appétence d’Ariel pour l’heaviness, la vraie, celle des dents fantômes. Et puis t’as «When I Met You» monté sur un riff insistant. Tout est là : joli son de gratte et beau brin de voix. Ils font aussi avec «Shine A Light On Me» une sorte de gospel-rock lévitatif qu’Ariel gratte au gras double.

             Ces albums étaient bien foutus, mais dans les seventies, les albums bien foutus pullulaient. Il fallait vraiment faire des choix drastiques, car on ne pouvait ni tout acheter, ni tout écouter. Il fallait donc se limiter à suivre quelques élus et leur consacrer du temps. Nous savons tous qu’un album livre ses secrets au fil des écoutes successives. Le meilleur exemple est celui du White Album des Beatles. 

             Trop de tension dans Widowmaker. Steve Ellis et Huw rentrent en Angleterre après trois mois de tournée aux États-Unis. Ils n’ont que 5 livres en poche. Fidèle à sa réputation, Don Arden a empoché tout le blé. Steve Ellis est excédé : «Fuck this, Huw, I’m out of it !» Il jette l’éponge. Don Arden le poursuit en justice, mais il perd le procès.

             Steve Ellis reçoit ensuite des tas de propositions. Beaucoup de gens le voulaient comme frontman : Jeff Beck, les Status Quo, et même Mott. Chaque fois, il refuse. No way.

             En 1979, il enregistre The Last Angry Man. Mais l’album ne sort pas. Shelved, comme on dit en Angleterre. Au placard. Il ne paraîtra que 23 ans plus tard, sur un petit label anglais qui veille au grain, Angel Air.

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             Inutile de dire que c’est un big album. On retrouve le géant Ellis au pays des merveilles sur «Hear You Woman», the real cool one, et la descente de guitare qui l’accompagne vaut tout l’Or du Rhin. Avec «Hang On Joey», il se distingue encore du lot. Sur ce terrain du balladif, il reste imbattable. Sa spécialité est le balladif improbable qui s’agrippe aux parois du gouffre. Avec «Rag And Bone», il grimpe au sommet de l’Ararat. Il multiplie les grands écarts et va chercher des pointes à la Rod The Mod. Puis il tape une resucée superbe d’«Everlasting Love». Nouveau balladif de grande ampleur avec «Wind And A Lady». Il se hisse sur des nappes d’orgue. Angel Air propose des bonus délicieux, comme ce «El Doomo» monté sur une mélodie enchanteresse. Vraie merveille et envolée certifiée, avec des climats intermédiaires spectaculaires. Ellis t’mmène au pays des merveilles. Il envoie «Shark Shoes» valser dans ta cervelle. Mais tout ceci n’est rien à côté d’«I Lost My Feelings». Là, il tire sur sa voix. Il transforme un honnête petit balladif en très gros rock anglais. Sa compo tape dans l’œil du cyclope. Avec ce cut, Steve Ellis entre dans la légende du rock anglais. Il a la diction, le râpeux et le son suit. Ce chef-d’œuvre se termine en boogie d’avant-garde - cauz’ I lost my  feelings - Tout aussi puissant, voilà «She’s Leaving». Il déploie ses ailes. On a du gros son anglais pour pas cher. Le carnage se termine avec «Warm Love», encore du gros son à l’Anglaise, le meilleur du monde, surtout quand on a un chanteur comme lui. 

             On comprend que Steve Ellis puisse être assez désillusionné pour se retirer du circuit. Il s’installe à Brighton et devient docker. Une pelle mécanique lui tranche un pied en deux. Suite à cet accident, il va marcher pendant huit ans avec des béquilles. On ne le reverra sur scène qu’en 1997, lors d’une Small Faces Convention.

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             Angel Air réédite en 2011 la bande originale du film «Loot» dans laquelle chante Steve Ellis. Il a derrière lui une grosse équipe (comme d’habitude, pourrait-on ajouter) : Clem Cattini au beurre, Big Jim Sullivan à la guitare et Herbie Flowers à la basse. Mais les cuts ne sont pas très bons. Ce disque est réservé aux inconditionnels de Steve Ellis. L’ambiance générale relève plus du music-hall, et dans les chœurs on retrouve la crème de la crème, c’est-à-dire Madeline Bell et Doris Troy.    

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               En 2011 paraît aussi sur Angel Air Ten Commitments, un album solide. Ça démarre sec avec «Don’t Let Me Be The Only One», une pop de Soul anglaise haut de gamme digne des Supremes, entraînante et vraiment très solide. Avec «Hit The Spot», on retrouve le rock seventies claqué à l’accord et tapé à la cloche de bois. Ça sonne comme du Free ou du Mott. La veine reste exploitable, pourvu qu’il y ait une voix, comme c’est ici le cas. Steve Ellis frise la Stonesy. Belle envolée avec «Perfect Sunday» : grande élégance de la narration, balladif bien construit. Fantastique. Groovy cut avec «Please Please Me». Sacré Steve, il reste sur la brèche. Il continue de faire de bons albums à l’ancienne. Il respecte les traditions, à cheval sur le rock anglais et cette Soul américaine dont se sont nourris tous les kids d’Angleterre. Ce qu’on entend là est du groove de discothèque extrêmement évolué - c’mon please please oh yeah - Évidemment, c’est sexuel, comme tout ce qui touche aux pistes de danse, aux petits pantalons serrés et aux coupes de cheveux soignées. La sexualité est la réalité de la Soul. Quand on dit hot, on parle de sexe, et comme Steve est un romantique, il aime les petites nanas qui acceptent de danser - please please - elles adorent qu’on les supplie de faire des choses. C’est le slow des temps d’antan qu’on entend ici. Il chante comme un white nigger. C’est un dieu du stade de la Soul anglaise. Il ne parle que de plaisir, et par elle, et par lui - I wanna please you so please please me/ Make me blue - On revient toujours au point de départ : la bite. «Thank You Baby For Loving Me» est un vrai hit de r’n’b. Steve Ellis est un meneur. On l’entend à sa voix. «We Got It» est le gros slow de fin de soirée, mais avec de la bravado. Steve Ellis a du génie, ses syllabes s’ébrouent. Il reste bienveillant et grandiose. Il règne sur un royaume invisible. Il chante divinement, mais qui le sait ? Tu ne le verras jamais en couverture des magazines de rock français. Heureusement qu’Angel Air veille sur sa destinée. Il fait monter son «We Got It» très haut. C’est un travailleur de la nuit. Il ne lâche pas sa prise.

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             Un autre petit label anglais nommé Talking Elephant vient tout juste de faire paraître les Lost Demos qu’on croyait vraiment perdues et qui datent de 1969 : Rolling With The 69 Crew. Une fois de plus, la crème de la crème des musiciens anglais l’accompagne. Sur le disk 1 : Clem Cattini, Herbie Flowers, Big Jim Sullivan et d’autres. Sur le disk 2 : Caleb Quaye, Zoot Money, John Steele et d’autres. Steve attaque avec une reprise de Barry Mann et Cynthia Weil, «Good Time Livin’», grosse pièce de Soul-pop. Il ose taper dans le classique de James Brown, «It’s A Man’s Man’s Man’s World» et le prend au shout balama. Il trempe aussi dans l’excellence balladive avec «Lean On Me». On apprécie son caractère, c’est un garçon direct, vif d’esprit qui répond sans détours, qui excelle dans le dépouillé et qui chante d’un beau timbre fêlé. Il prend aussi le «Rainy Night In Georgia» au stade mélodique le plus avancé. Reprise bien orchestrée de l’«Holly Holy» de Neil Diamond. Impérieux ! On sent chez lui un goût affirmé pour la démesure. Il transforme aussi ce petit slow misérable qu’est «Sympathy» en furtif parfait d’interprétation élémentaire. Il tape dans Jimmy Webb avec «Elvis» et là on ne rigole plus. Les choix de Steve Ellis ne sont jamais innocents. Il traverse les ambiances grandioses de Jimmy Webb avec la même aisance que Richard Harris dans «MacArthur Park». Il rejaillit au sommet des gerbes comme Marvin Gaye, et il se laisse glisser dans la poussière d’étoiles. Prodigieuse expressivité, avec derrière des chœurs de folles. Franchement, Steve Ellis peut être fier de son génie. Le disk 2 vaut aussi son pesant d’or. Présence immédiate dès «I Don’t Know Why». Il traite l’âme du groove à la manière forte. Sa version de «Gimme Shelter» est bonne, mais il a oublié l’explosion finale. Il enfile ses classiques de rock seventies comme des perles («Pisces Apple Lady», «Way Up On The Hill», «I Got A Feeling», «Can’t Stop Worryin’» et «Take Me To The Pilot») et on tombe aussitôt après sur une bombe atomique : «Hold On», le jerk des enfers, pure merveille de fusion instrumentale et d’expression vocale chauffée à blanc. Ce mec est dans l’intensité absolue. Il chante avec une ferveur unique au monde. Sa version d’«Hold On» aurait dû exploser à la face du monde.

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             Et puis l’idéal est de voir Steve Ellis chanter. C’est très facile. Angel Air propose un DVD intitulé Last Tango In Bradford. On est frappé par la modestie du personnage. Il arrive sur scène pour chanter «Hush» et il ne semble pas très à l’aise. Il tape dans un tambourin. Il porte une grosse veste claire. Son backing-band tient sacrément bien la route. Il impose une sorte de profond respect. Puis il chante «Handbags and Gladrags» les yeux fermés. Il y a tout ce qu’on aime chez un chanteur de rock : l’extrême acuité du feeling et une allure de star naturelle. Il chante ensuite «Bringing On Back The Good Times», pop sixties des jours heureux, et fait du pur Motown avec «If I Could Only Be Sure». On a sous les yeux l’un des géants du rock anglais. Il tape ensuite dans le Spencer Davis Group avec une reprise de «Gimme Some Lovin’», puis un hit des Temptations, «Ain’t Too Proud To Beg» qui reste pour lui l’un des meilleurs groupes de tous les temps. Il finit évidemment avec «Rainbow Valley», «Everlasting Love» et «Out Of Time». Le DVD propose aussi une interview. Il s’y montre direct, clever et même fascinant. No bullshit. Comme dans ses disques.

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             Joli retour de Steve Ellis en 2018 avec Boom Bang Twang. Paul Weller traîne dans les parages, on s’en doute. On tombe très vite sur un groove de charme intitulé «Sitting In Limbo». Steve Ellis ressort sa plus belle voix de white nigger pour l’occasion. On se croirait chez Malaco, Coco. Ce mec groove son chant au maximum des possibilités. Quelle fantastique présence ! On ne s’étonne plus qu’il soit devenu culte. Avec «Tobacco Ash Sunday», il renoue avec l’esprit des grands balladifs anglais, de type Chris Farlowe et Small Faces. Mais l’ensemble de l’A reste un peu au-dessous du niveau de la mer. Il faut attendre «Lonely No More» en B pour tomber sur un hit. Andy Crofts y joue une bassline de rêve. Il règne dans ce hit l’extrême onction des jours heureux. Steve Ellis s’oriente vers des choses plus musculeuses avec «Cry Me A River». On note la présence d’Andy Lewis au bassmatic et de Steve Craddock à la guitare. Pour des Anglais, ils sonnent très funky. Steve Ellis s’approprie son cut, il en a les moyens physiques et intellectuels. Et on grimpe directement au firmament avec Mike d’Abo et son «Glory Bound». Très grande chanson anglaise, très apaisée et très horizontale. Aussi poignante qu’«Handbags And Gladrags». Mike d’Abo fonctionne exactement comme Jimmy Webb, au fil d’or mélodique - Bless my soul/ I’m glory bound - Et Steve Ellis jette tout son poids de superstar underground dans la balance.

    Signé : Cazengler, Steve Hélas

    Love Affair. The Everlasting Love Affair. Repertoire Records 2005 

    Love Affair. New Day. Repertoire Records 2008

    Ellis. Riding On The Crest Of A Slump. CBS 1972

    Ellis. Why Not ? CBS 1973

    Widowmaker. Widowmaker. Jet Records 1976

    Steve Ellis. The Love Affair Is Over. Angel Air Records 2008

    Steve Ellis. Ten Commitments. Angel Air Records 2011

    Steve Ellis. Loot. Angel Air Records 2011

    Steve Ellis. Last Tango In Bradford. DVD Angel Air

    Steve Ellis. Rolling With The 69 Crew. The Lost Masters. Talking Elephant Records 2013

    Steve Ellis. Boom Bang Twang. Sony Music 2018

    Lois Wilson : Mod almighty. Record Collector # 561 - September 2024

     

     

    L’avenir du rock

     - John a bon Doe (Part Two)

             — Chères téléspectatrices, chers téléspectateurs, bonsoir. Nous avons le plaisir de vous présenter notre invité, la personnalité préférée des Français : l’avenir du rock.

             Bernard Pivert se tourne vers l’avenir du rock :

             — Cher avenir du rock, nous allons vous soumettre au questionnaire de Proust, afin que nos chères téléspectatrices et nos chers téléspectateurs puissent mesurer autant que faire se peut l’envergure de votre voilure. Première question : votre vertu préférée...

             — La Doe-lérance.

             — La qualité que vous préférez chez un homme ?

             — Le Doe-nant-Doe-nant

             — Et chez une femme ?

             — La Doe-cilité.

             — Quel est le principal trait de votre caractère ?

             — Le Doe-Doe-isme. Doe-Doe est mort ! Vive Doe-Doe !

             — Qu’appréciez-vous le plus chez vos amis ?

             — La Doe-lescence.

             — Quel est votre principal défaut ?

             — La Doe-pe.

             — Et votre occupation préférée ?

             — Me Doe-rer la pilule.

             — Quel est votre rêve de bonheur ?

             — Dormir Doe à Doe avec Brigitte Bar-Doe.

             — Quel serait votre plus grand malheur ?

             — Me trouver le Doe au mur.

             — Que voudriez-vous être ?

             — Un Doe-ghnut.

             — Quel est le pays où nous aimeriez vivre ?

             — Les Doe-lomites.

             — Quelle est la couleur que vous préférez ?

             — Le bor-Doe de pérylène.

             — La fleur que vous aimez ?

             — Le bouton Doe.

             — L’oiseau que vous préférez ?

             — Le cor-Doe. Croâ croâ....

             — Quels sont vos auteurs préférés en prose ?

             — Doe-stoïevski.

             — Vos poètes préférés ?

             — Edgar Allan Doe et son tra-Doe-cteur, Doe-delaire.

             — Vos héros dans la fiction ?

             — Doe-nald. Coin coin...

             — Vos héroïnes favorites dans la fiction ?

             — Doe-phélie. Glou glou....

             — Vos compositeurs préférés ?

             — Country Joe McDoe-nald. Gimme a F ! Gimme a U ! Gimme a C ! Gimme a K !

             — Vos peintres favoris ?

             — Doe-natello. Bon, c’est pas bientôt fini ? Je commence à en avoir plein le Doe de toute cette Doe-be !

     

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             Il a raison, l’avenir du rock. On aurait tous craqué avant lui. Le pire, c’est que Bernard Pivert n’a même pas remarqué de l’avenir du rock profitait de l’émission en direct pour faire l’apologie de John Doe.

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             John Doe et Exene claironnent sur tous les toits que Smoke & Fiction sera l’ultime album d’X. On verra bien. En attendant, on est ravi de retrouver le panache d’un X qui savait chanter à deux voix, ils tapent «Sweet Til The Bitter End» comme au temps de «The Have-Nots». Quelle magnifique dégelée royale ! Ils n’ont rien perdu de leur formidable vélocité et de la grande aisance de leurs débuts. On retrouve cette fantastique clameur de chant à deux voix dans «Flipside», pas de problème, ils roulent-ma-pool comme s’ils avaient encore vingt ans. Exene tape dans le dur de «Big Black X», elle ne craint ni le diable ni la mort. Encore une belle attaque en règle avec «Struggle», hey ! L’éclat du power-poppisme d’X est intact, et t’as en guise de cerise sur le gâtö un killer solo de Billy Zoom. Ils parviennent tous les quatre à maintenir leur niveau originel de wild punk-rockers angelinos. Toujours cet effarant punch du chant à deux voix dans «Baby & All». Les X auront été un modèle de cashin’ down et t’as le Billy Zoom qui en rajoute une couche. Alors on peut se demander au sortir de l’écoute : à quoi bon refaire de l’X comme au bon vieux temps, 45 ans plus tard ? Pour la beauté du geste. Ils ont cette bonté d’âme qui leur permet de perpétuer l’X art. T’en reviens pas de les voir à l’œuvre.

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             Comme l’occasion fait le larron, on profite d’Uncut et de sa rubrique ‘Album by album’ pour fondre à nouveau sur X comme l’aigle sur la belette. À propos de Smoke & Fiction, Doe dit qu’il a fait le tour - we had kind of wrapped thing up - Il ajoute qu’il embrasse tout en même temps, «le passé, le présent et le futur all at once.» Il cite d’ailleurs les deux derniers albums de Dylan en référence. Et d’ajouter, en mode Doe motion : «The recording was total punk rock, we did the basic tracks in three days.» Et Exene conclut, mortifère : «If it’s the last record, it’s a good ending.» Doe revient aussi bien sûr sur l’excellent Alphabetland de 2020 - That made us believe that the past was the past and the future could be something great - Doe rappelle dans le paragraphe concernant le premier album d’X, Los Angeles, qu’il est arrivé à Los Angeles en 1976 et qu’il s’intéressait «à la contribution de cette ville au cinéma, à la littérature, mais aussi aux Doors et à Love.» Ray Manzarek repère X au Whisky et Doe dit que Manza est devenu son mentor. C’est d’ailleurs Manza qui produit Los Angeles et les trois albums d’X suivants. Il est aussi important de rappeler que Doe et Exene étaient mariés. Pour Wild Gift, Doe cite Jeffrey Lee Pierce comme influence principale. 

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             On va profiter de l’occasion pour jeter une oreille sur le dernier album solo d’un John qu’a bon Doe, Fables In A Foreign Land. Bon, c’est pas l’album du siècle, mais on passe un bon moment à l’écouter. Il continue de cultiver son sourd power à relents country («Down South») et sort de son chapeau des cuts dont on ne voit pas bien l’intérêt («Guilty Bystander»). Il reste très à l’aise, même à cheval («El Romance-o») et montre qu’il sait gratter dans une cabane en bois («Missouri»). L’album se réveille en sursaut avec «The Cowboy & The Hot Air Balloon», un fast rockab troussé à la hussarde angelinote. Il est tellement à l’aise qu’il fait plaisir à voir. En bon protéiforme, il passe au fast rock manouche angelino avec «After The Fall». Et puis t’as la fantastique allure de «Destroying Angels». John Doe est un bon. Dans tous les cas de figure, ça reste du haut niveau. Quel dépotage ! Back to the bop avec «Travelin’ So Hard». C’est un slap très particulier, mais bien réel. Le bon Doe est capable de tout. Globalement, il reste le solide songwriter que l’on sait. Il sait gratter au long cours («Where The Songbirds Live»). Ses cuts accrochent terriblement.

    Signé : Cazengler, John plein-le-dos

    1. Smoke & Fiction. Fat Possum Records 2024

    John Doe. Fables In A Foreign Land. Fat Possum Records 2022

    Album by album. Uncut # 329 - September 2024

     

     

    Wizards & True Stars

    - Stanley your burden down

     (Part Two)

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             Avant de se re-plonger dans l’univers foisonnant des compiles que fait Bob Stanley pour Ace, il est peut-être opportun de rappeler qu’il est aussi un fantastique écrivain, sans doute l’un des auteurs britanniques les plus complets. À force d’être convainquant, PolyBob devient attachant. Comme Peter Guralnick, il propose des gros books, ces books qu’on appelle des sommes, et il faut s’armer de patience pour en venir à bout, mais on en sort toujours édifié, voire ravi. PolyBob écrit merveilleusement bien, et il excelle dans l’art des portraits.

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             En 2023, la presse anglaise avait ovationné Let’s Do It: The Birth Of Pop. Ce fat book de 500 pages n’est pourtant pas d’un accès évident. Car PolyBob y traite d’une pop qui n’est pas celle qu’on croit, puisqu’il s’agit de la pop américaine du début du XXe siècle, celle qui précède Elvis en 1956 et les Beatles en 1963, c’est-à-dire celle de Bing Crosby, de Judy Garland, de Frank Sinatra, de Glenn Miller, de Nat King Cole, de Peggy Lee, et bien sûr, le fameux Great American Songbook. Autant le dire tout de suite : l’ouvrage est passionnant et donne envie d’écouter tous ces artistes, tous ceux qu’on taxe volontiers d’has-been et dont PolyBob chante merveilleusement les louanges. Les portraits qu’il brosse sont tous spectaculairement bien réussis. Par sa concision et par cette facilité qu’il a d’aller à l’essentiel, PolyBob rejoint Nick Kent dans le peloton de tête des grands stylistes de la rock culture anglaise. L’exploit est d’autant plus remarquable qu’il semble avoir tout écouté. On se demande d’ailleurs comment un auteur peut couvrir une telle surface, connaître autant d’artistes et de disques. Dans son introduction, Polybob indique qu’il n’aborde ni le jazz, ni le rock. Il en  profite pour rappeler qu’il aborde le sujet du rock et du modern pop age dans son Let’s Do It’s sister volume, Yeah Yeah Yeah.

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             L’un des premiers grands portraits qu’il brosse est celui de Duke Ellington. Il a une façon très particulière d’introduire l’objet de sa fascination pour le Duke : «Je connais des gens qui disaient, le plus sérieusement du monde, qu’ils pourraient passer le restant de leurs jours en n’écoutant que Bob Dylan, et que son œuvre était tellement fournie qu’on ne pouvait craindre l’ennui. Mark Perry, fondateur du fanzine Sniffin’ Glue, m’a dit un jour la même chose à propos de Frank Zappa, et je ne crois pas qu’il plaisantait. Je ne crois que je pourrais fonctionner de la même manière, mais si quelqu’un me met un jour un canon sur la tempe et me demande de ne choisir d’une seul twentieth century performer, alors je dirai Duke Ellington.»  Le Duke ne croyait qu’en la musique populaire - Popular music is the good music of tomorrow - Il disait encore : «Jazz is music, swing is business.» En 1933, nous dit PolyBob, les Européens voyaient le Duke comme «an African Stravinsky» et les critiques croyaient que la musique du Duke révélait «the very secret of the cosmos» et contenait «the rhythm of the atom». Apparemment, le Duke proférait des tas de choses intéressantes, du genre : «Art is dangerous. When it ceases to be dangerous, you don’t want it.» Et PolyBob résume magistralement le génie du Duke : «Ellington incarnait l’American style and grace. He was all of American music: personne n’avait comme lui un don pour mélanger le jazz, le blues, le gospel, le ragtime, même le folk et la musique classique.» PolyBob le qualifie même de «sophisticated mystery».

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             Tu découvres Bing Crosby lorsque tu vois Un Jour De Pluie À New York, un Woody Allen sorti en 2019. Pendant le générique d’entrée, Bing Crosby chante «I Got Lucky In The Rain». C’est l’enchantement immédiat. Tu n’oublieras plus cette voix extraordinaire. PolyBob consacre un fiévreux chapitre à ce héros d’un autre temps - Bing had swing, an ear for timing and a voice to articulate it, and that’s something you can’t fake. Son timing était tellement fort que les musiciens le suivaient, ce qui est rare pour un chanteur. And his voice was elegant and effortless, a rich, two-octave baritone that he used like a painter, playing with shades and shadows, colouring the music - PolyBob cite Ralph Gleason qui écrivait en 1953 : «Bing is the personification of the whole jazz movement - the relaxed, casual, naturel and uninhibited approach to art.» C’est Bing la superstar ! PolyBob repart de plus belle - C’est presque obscène de dire à quel point Bing était célèbre en son temps, et de voir qu’aujourd’hui, il n’est presque plus rien - PolyBob se met en pétard et sort les chiffres : 5 ans numéro un au box office, de 1944 à 1948, 400 hit singles, un record que personne n’a jamais égalé, ni Sinatra, ni Elvis. Bizarrement, après Elvis, il cite aussi Beyoncé et Kanye West, on ne sait même pas qui sont ces deux-là. En 1931, Bing était l’«America’s brightest singing star, adoré des hommes, des femmes, et même des musiciens», se marre PolyBob. CBS lui a même filé un radio show qui a duré 25 ans. Bing donnait parfois d’extraordinaires explications : «I am not a crooner. Un crooner est une personne qui chante avec la moitié de sa voix et qui tape les notes perchées au falsetto. I always sing in full voice.» PolyBob ajoute que Bing avait tout appris de Louis Armstrong, et d’ailleurs Louis et Bing s’a-do-raient. Bing disait de Louis qu’il était «le commencement et la fin de la musique en Amérique», et Louis répondait que Bing était un «natural genius the day he was born. Quand Bing a ouvert la bouche pour la première fois, he was the boss of all singers and still is.» Tony Bennett en rajoute une caisse : «There was really no one else. He was like fifteen Beatles.» Bing aimait aussi picoler. Pour clore le chapitre Bing, PolyBob se fend d’une petit coup de génie stylistique : «Everything Bing did fitted together as part of his persona. Everything came easy to him, even dying.» Toute cette érudition passionnée mêlée à de l’humour te donne le vertige. Et bien sûr, tu vas aller écouter Bing.

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             Le book devient une sorte de manège enchanté, tu sautes d’une légende à l’autre comme si de rien n’était, tu passes de Bing à Judy Garland, et PolyBob fait d’elle une reine, il nous raconte la fin tragique de Judy à Londres. PolyBob dit que la comédie musicale s’est éteinte avec elle - What’s left ? Cabaret, starring her daughter, Liza Minnelli - PolyBob oublie de citer New York New York. Il considère les grands hits de Judy comme des «clear high points of twentieth-century culture.» Il dresse aussitôt un parallèle entre les vies tragiques de Judy (qui démarre sa conso de pills à 10 ans, sous la férule de sa mère) et de Billie Holiday, qui fut violée à 10 ans par un voisin, qui a quitté l’école à 12 ans pour aller toute seule à New York et y mener deux carrières de front : servante et pute. En 1946, on qualifie Billie d’«America’s No. 1 Stylist». Elle tourne avec Lester Young qui la baptise Lady Day, et en retour, elle le baptise Prez, c’est-à-dire President. Quand l’instituteur Abel Meeropol présente à Billie «Strange Fruit», la chanson qu’il a écrite, Billie dit à ses musiciens : «Some guy has brought me a hell of a damn song.» C’est là que les ennuis de Billie commencent. On connaît tous l’histoire par cœur, mais PolyBob se fait un devoir de la redire, 9 mois de ballon pour possession d’hero, et à sa sortie, on lui interdit de jouer dans les clubs qui servent de l’alcool - They were cutting off her oxygen - Quand elle se produit à Londres, elle sort du cauchemar - They call me an artist, not just a singer - et là PolyBob se met à délirer : «Que serait-il arrivé si Billie Holiday s’était installée à Londres ? Un album with Tubby Hayes ? Un rôle dans The Roar Of The Greasepaint d’Anthony Newley ? Un duo avec Dusty Springfield dans son TV Show ?»

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             Il faut bien comprendre une chose : tout le book est de ce niveau. PolyBob n’en finit plus de nous donner envie d’explorer ce continent inconnu. En guise de chute au chapitre qu’il consacre à Glenn Miller, voilà ce qu’il écrit : «Glenn Miller doesn’t need jazz history on his side. He left his music frozen in time, like Buddy Holly, Eddie Cochran, Ian Curtis and Kurt Cobain. It is as permanent as stone.» Quelle épitaphe !  

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             Il rend bien sûr hommage au Bebop qui fut en son temps une révolution - Bebop, like Dada, was a silly name given to something of some seriousness - Pur PolyBob ! Il réussit à tout dire en une seule phrase. Une catchphrase. Il re-situe Charlie Parker, Bud Powell et Dizzy Gillespie dans l’Amérique des années 50, celle d’Ernest Hemingway et de Jackson Pollock - The big names included Parker, Gillespie and Thelonious Monk, the second string included a trumpet player - still a teenager in 1945 - called Miles Davis - Comme le punk-rock en Angleterre, le Bebop ne dure qu’un temps. En 1950, c’est fini, Diz est parti faire son Latin-jazz orchestra, Bird va casser sa pipe en bois à 34 ans, en 1955, et Miles part à l’aventure, «always keeping his ‘fuck-you’ attitude intact.»

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             Et puis PolyBob en arrive à Sinatra - Frank Sinatra is the fulcrum of this book - On ne sait pas ce qu’est un fulcrum, mais on imagine qu’il s’agit d’une pierre angulaire, ou d’une clé de voûte - Il a compris et assimilé tout ce qui le précédait. He dictated what would happen in the immediate future, et les différentes époques de sa carrière - pin-up boy vocalist, album-oriented adult singer, late-period duets - are still a blueprint pour les artistes du XXIe siècle - Frankie reconnaît l’influence de Billie : «Billie Holiday, whom I first heard in 52nd Street clubs in the early thirties, was and remains the single greatest influence on me.» PolyBob ajoute que Frankie & Billie ont eu «a short, mad romance in the early 1940s.» Et dans la foulée, il insinue qu’à cause de Frankie, des tas d’Anglais des années 40 et 50 rêvaient d’être américains. Mais à 36 ans, Frankie était rincé. Plus de contrat, endetté et sans avenir. Il va redevenir superstar à 42 ans. Il est sur Capitol, mais il veut quitter Capitol pour monter son propre label, Reprise. Et ça marche ! PolyBob nous dit que la première année, Reprise ramasse 4 millions de dollars, et Frankie signe à tours de bras : Bing Crosby, Count Basie, Duke Ellington, the Hi-Los, Jimmy Witherspoon, Lex Baxter, et puis sa fille Nancy. Et dans son élan, PolyBob nous raconte l’explosion du Frankie-biz : «Au début des années 60, Sinatra pilotait Reprise, mais aussi quatre publishing companies basées au Brill Building, une série de radio stations dans le Pacific North West and a hotel-cum-casino in Reno, Nevada. Il avait aussi des actions dans le Sands Hotel, Las Vegas et une film production company called Essex Productions. He was a big time operator.» Polybob frise l’apoplexie quand il annonce que Frankie a la vision de la télé payante - The way I see it is that pay-TV has got to come - Il raisonne sur la base d’un film par an - Then you show it on colour TV to forty million people at, say, fifty cents a head. Do that three times - pow pow pow - and you’re really in business - Comme PolyBob est un esprit effervescent, il s’extasie devant celui de Frankie. Ces pages sont effervescentes et le book le devient, par la force des choses. PolyBob remet le turbo sur l’effervescence avec The Rat Pack, c’est-à-dire Frankie, Sammy Davis et Dean Martin, et boom, il repart sur Sammy Davis - un performer virtuose qui savait tout faire, singing, tap-dancing, mimicry, comedy -  un homme difficile à cerner car nous révèle PolyBob, il était aussi membre  de l’Anton LaVey Church Of Satan, et membre un groupe radical du Black Power, The Blackstone Rangers. Retour en force sur Frankie qui avec «Strangers In The Night» déloge le «Paint Black» des Stones de la tête des charts anglais, puis déloge le «Paperback Writer» des Beatles de la tête des charts américains. PolyBob est drôlement bien renseigné. Frankie va aussi taper dans «Mrs Robinson» de Paul Simon, et le «Downtown» de Petula, puis «My Way» qui va rester 122 semaines dans le top 50 américain, un record inégalé. On reste dans le grand concert des louanges avec Watertown, «an incredibly bleak but beautiful album» - His voice, the Voice, was reaching the end of the line. Watertown would become a bookend - Et PolyBob chute ainsi : «Frank Sinatra retired in 1971, having just made arguably the greatest album of his career.»

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             En lisant ces pages hautes en couleurs, tu éprouves exactement ce que tu éprouvais en 1973 à la lecture du Rock Dreams de Nick Cohn & Guy Peellaert, une sorte de suffocation extatique continue. PolyBob illustre lui aussi ses portraits, mais avec un souffle, le souffle d’un styliste remarquable doublé d’un érudit passionné. On replonge dans sa Légende des Siècles avec le «loud-talking and fast-living» Wynonie Harris, un mec capable d’entrer dans un bar, de sauter sur une table et de clamer : «The blues is here !». Entre 1945 et 1950, il pond 14 R&B hits, dont «Good Rocking Tonight», l’un des cuts candidats au titre de first rock’n’roll record. PolyBob cite aussi «All She Wants To Do Is Rock» - The rhythm was heavy, square on the beat and irresistible, and the lyrics were often shamelessly filthy - PolyBob décrit encore Wynonie comme «handsome, charismatic, outrageously confident.» Longtemps, le Big Daddy Catalogue de Crypt a proposé une petite bio de Wynonie Harris (Rock Mr. Blues : The Life & Music Of Wynonie Harris, de Tony Collins) : nous allons y revenir prochainement. Mais les hits de Wynonie étaient trop sexués et donc censurés par les radios.

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             Comme PolyBob met le nez dans le blues avec Wynonie, il en vient fatalement à évoquer d’autre pionniers célèbres, les frères Ertegun, et donc il va fatalement flatter leur honnêteté. Ahmet voulait se distinguer des autres businessmen du record biz : «We were people who went to universities.» Quand Ruth Brown devint célèbre, on surnomma Atlantic «The house that Ruth built». PolyBob fouille dans les racines du blues et nous raconte l’histoire de John Lomax lancé à la poursuite de Robert Johnson. Manque de pot, Johnson a dragué la gonzesse qu’il ne fallait pas et trois jours plus tard, il casse sa pipe en bois, empoisonné. Déçu d’avoir raté le coche, Lomax bougonne dans son coin quand un black lui dit qu’il en existe autre «down the street who plays bottleneck and sings high just like Robert Johnson.» Pouf ! Sur qui qu’il tombe le Lomax ? : Muddy ! Un  Muddy qui du coup va devenir le lien entre le «prehistoric Delta blues et the full flowering of the 1960s rock era.» PolyBob dit les choses avec une concision extraordinaire. Son langage est si clair qu’il n’est pas besoin de le traduire. Direction Chicago et Aristocrat qui devient Chess en 1950. On y retrouve Muddy et son gang, c’est-à-dire Jimmy Rogers et Little Walter Jacobs «who fed his instrument through an amplifier so it sounded like a demented train whistle.» PolyBob fait quelques lignes sur Little Walter, un Little Walter «who siphoned Louis Jordan and jazz solos through the harmonica.» Il ne rate pas une si belle occasion de rappeler la fin tragique d’un Little Walter qui avait passé sa vie à chercher l’embrouille et à se battre : «En 1968, il jouait aux dés dans la rue et il reçut un coup de barre à mine sur le crâne alors qu’il essayait de ramasser le blé. He went to bed that night and never woke up.»

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             PolyBob repart de plus belle avec Peggy Lee, il chante les louanges de Black Coffee (cited as a favourite by Joni Mitchell) et l’even better Dream Street, puis de l’«avant-garde folk of Sea Shells», enregistré en 1956. Il se prosterne encore devant «The Folks Who Live On The Hill», disant de ce cut signé Jerome Kern qu’il a une «unreal quality, and it gets me every time.» Et crack, t’as ça dans la foulée : «Twin totems of 1950s vocal jazz, Sinatra and Lee were peers, equals, ans clearly admired the heck out of each other, but their approaches were opposite extremes.» Peggy Lee était une «farm girl from North Dakota» et PolyBob cite Mike Stoller qui la qualifie de «nice bunch of gals.» Nous voilà chez les géants d’un autre temps. PolyBob ajoute que Peg faisait le lien entre le «vocal jazz and modern R&B, it couldn’t be bettered, and Elvis Presley would copy Peg’s version («Fever») almost note for note on his 1960 album Elvis Is Back.» Peg allait taper dans Ray Charles, Leiber & Stoller, Tim Hardin, les Kinks et les Lovin’ Spoonful dans les mid-’60s, mais aussi dans Goffin & King et dans l’«Everyday People» de Sly Stone. Puis PolyBob nous raconte l’épisode «I’m A Woman» que Leiber & Stoller composent en 1963 et qu’ils proposent à Marlene Dietrich qui leur dit : «That is who I am, not what I do.» Ils font ensuite passer une démo à Barbra Streisand qui ne répond même pas, puis une autre à Peggy Lee qui les rappelle une semaine plus tard pour les prévenir que s’ils filent cette chanson à quelqu’un d’autre, elle leur tordra le cou. «This my song. This is the story of my life.» PolyBob parle en effet d’un «first-wave feminist anthem». Et une fois de plus, PolyBob soigne sa chute : «The world’s greatest and most famous songwriters visiting her misty house on the hill, paying their respects, bearing her gifts - it was exactly what she deserved.» PolyBob parle bien sur de Leiber & Stoller («Is That All There Is») et de McCartney («Let’s Love»).

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             PolyBob s’attarde aussi longuement sur les déboires de Nat King Cole avec les racistes, notamment ce concert de Birmingham, Alabama, où des blancs montent sur scène pour lui péter la gueule. «Stage invasion by racist thugs.» Nat : «Man, I love show business, but I don’t want to die for it.» Et PolyBob d’ajouter : «He never went back to Alabama.»

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             Puis il salue Gene Vincent et son «sex-charged ‘Be-Bop-A-Lula’». C’est l’une des plus belles descriptions de l’early Gene : «Vincent looked like a no-goodnick. His hoodlum mates sang in teenage jive speak, and the instrumentation was sparse and harsh.» Des punks ! Puis sur la page en vis-à-vis, PolyBob s’extasie sur Earl Bostic ! -

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    Pretty much everything he did - especially in the 1950s - was great - Il se retrouve avec «Temptation» sur King, le label de Syd Nathan, puis arrive «Flamingo», «chargé de quelque chose d’excitant, d’illicite, même de dangereux, voire de violent, but most definitely modernistic. It was futuristic R&B sound, an early roar of rock.» PolyBob y voit l’ancêtre du «Rock With The Caveman» de Tommy Steele. Et il repart de plus belle, à s’en brûler les ailes : «Earl Bostic is maybe the secret pop-futurist of this book, a half-forgotten hero whose music is full of elements that art music - classical or jazz - can never touch or discover. Only deep R&B diehards seem to treat him with due reverence.» Et quand PolyBob dit ça, il sait de quoi il parle. Un peu plus loin, il salue Barry Mann et le Brill, un Barry Mann qui voulut être un hit recording artist au début des années 60, puis dans le milieu des années 70, mais ça n’a pas marché. C’est vrai que ses albums solo te laissent sur ta faim. Clin d’œil aussi aux rois de l’easy listening, les Swingle Singers de Mobile, Alabama, PolyBob salue leurs da-buh-da harmonies. Puis il s’achemine vers la fin du book avec Tom Jones (Hello Gildas !), «a soul-singing beefcake qui basait son style sur celui du New York baritone Chuck Jackson.» PolyBob invente même des mots pour honorer le power de Tom Jones : il parle d’une «stone-quarrying voice». Il souligne encore un détail éminent : Jones était un vrai music fan, car il tapait dans les chansons d’«underevalued singers like Charlie Rich, Mickey Newbury and Bobby Bare.» Ça a l’air d’un détail insignifiant, mais ce genre de détail parle bien aux connaisseurs. PolyBob salue aussi le come-back kid en Jones, puisqu’il va enregistrer le «Sugar Sugar» des Archies avec Jack White, des cuts d’Hooky avec Booker T., et chanter en première partie de Morrisey. Et PolyBob de conclure sèchement : «In becoming all things to all people, I’m sure he’s had a lot of fun, but he’s no Scott Walker.»

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             Dans un dernier chapitre, PolyBob rappelle qui sont les «most talented musicians in this book» - Armstrong and Crosby, Holiday and Garland, Ellington and Sinatra - Et dans l’épilogue, il salue bien sûr l’héritier de toute cette culture, Nilsson, et notamment A Little Touch, «far ahead of its time.» Parmi les héritiers, il cite aussi ABC et Lexicon Of Love. Et voilà comment il nous fait provisoirement ses adieux : «J’ai écrit ce livre pour célébrer cette époque différente qui nous a donné Frank Sinatra et Sophie Tucker, Sweet Charity et Showboat, Billy May et Count Basie, «Moon River» et «What’ll I Do», et pour établir une chronologie, pour moi et pour tous ceux que cette époque intéresse. Bien que la pop se soit constamment réinventée, le miracle c’est que l’époque évoquée dans ce livre a d’une certaine façon réussi à voyager pour faire partie de notre époque. C’est assez magique, et je ne saurais trop insister pour dire que le plus important, c’est d’écouter cette musique et de l’apprécier tant qu’on peut encore le faire.» Il conclut sur un vers de Jimmy Webb, «And while we are dreaming, time flies.»

             Back to the compiles. Il est essentiel de re-dire l’importance de cette série ‘Bob Stanley presents’. La presse anglaise les salue rituellement et on y finit par s’y intéresser. On découvre alors une collection de compiles thématiques extrêmement riche dans sa diversité, dans son éclectisme, tout est très bien documenté, à l’image de PolyBob qui est un obsédé de la pop devenu par la force des choses un érudit, un acteur de cette culture et donc un auteur. Chaque épisode de cette série te permet de passer une bonne soirée et de découvrir pas mal de choses. Tu te crois toujours évolué dans ce domaine de connaissance, et heureusement des mecs comme PolyBob sont là pour te rappeler qu’au fond tu ne sais pas grand-chose, et qu’il est peut-être temps de jeter enfin ton putain d’orgueil à la poubelle.

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             Pour Tim Peaks (Songs For A Late-Night Dinner), PolyBob choisi d’établir un parallèle entre le Pacific North West des États-Unis et l’English North West lui aussi très pluvieux. Si David Lynch a choisi d’établir son Twin Peaks dans le Pacific North West, PolyBob établit son Tim Peaks dans l’English North West, du côté de Manchester. Pourquoi Tim ? Parce qu’il co-signe cette compile avec Tim Burgess des Charlatans, né dans le coin, près de Manchester. Cette compile est donc la bande son de Tim Peaks. Ambiance musicale très bizarre, cette fois - Order another Tim Peak coffee. There’s no clock on the wall. It’s cold outside. Stay awhile - PolyBob maîtrise parfaitement l’art de planter un décor. Les grandes leçons qu’on va retirer de cette compile sont les Blue Orchids avec «A Year With No Head» (le groupe le l’ex-Fall Martin Branah, avec l’esprit bassmatic de The Fall, foutrement intéressant), The Clientele avec «I Had To Say This» (réelle présence et voix posée, + un brin de psychedelia - Absolute masters of atmospheric reverb, nous dit PolyBob), et bien sûr Galaxie 500 avec «Flowers». On y sent bien le poids du Velvet, à l’instar de l’instinct, au cœur de la solace urbaine, à la corde de la concorde, et là tu dis oui. Coup de cœur encore pour les Stockholm Monsters et «Fairy Tales», joué à l’orgue de barbarie, le mec traîne bien la savate du cut, il multiplie les dissonances, le chant déraille un peu, ça avance cahin-caha. Les nappes d’orgue sont extra-sensorielles. Franchement c’est excellent. Bon, t’as d’autres choses, The Chills avec «House With A Hundred Rooms» une pop qui ne vieillit pas très bien, Durutti Column avec «Lips That Would Kiss», trop weird pour être honnête, et puis t’as toute cette pop anglaise mal à l’aise (The Royal Family & The Poor et «I Love You»), une pop mal nourrie, boudeuse, autistique, qu’en a rien à foutre de toi. Le «Slow Motion» de Jane Weaver qui est assez beau, Birdie avec un «Blue Dress» assez planant et très doux, et tiens, t’as encore une folle du sucre, El Perro Del Mar avec «Dog». Saluons aussi le beau post-punk de Charity Belt («Different Now»), bien chargé de bonnes intentions, mais comme on sait, les bonnes intentions ne suffisent pas.

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             PolyBob sort deux compiles en 2020 : Occasional Rain et 76 In The Shade. Une drôle de baraque en devanture d’Occasional Rain. Le premier jour de 1970, PolyBob ouvre la radio et entend dire que les Beatles vont se séparer. Beaucoup de chansons parlent du manque de direction et de la pluie. Voilà de quelle façon il conclut son texte d’introduction : «Comme la compile English Weather, celle-ci essaye d’illustrer la naissance d’une nouvelle décade, le souvenir d’un samedi après-midi pluvieux passé à fouiller dans les bacs, à se demander si on va acheter le nouveau Tull ou tenter le coup avec l’album de Christine Harwood qui se trouve dans le bac à soldes (go on, you won’t regret it).» Alors on écoute le «Question Of Time» de ladite Christine Harwood : elle est assez perçante, mais pas déterminante. Par contre, Catherine Howe l’est davantage avec «Innocence Of Child». Elle fait sa sirène, avec un joli sens de l’ampleur. Elle est infiniment jazzy. PolyBob adore voir Catherine Howe jazzer. Il la compare à Laura Nyro. Il rappelle aussi qu’elle est orchestrée par Bobby Scott. PolyBob flashe aussi sur Mandy More qu’il compare à Lynsey De Paul. Sur «Come With Me To Jesus», Mandy est divine, diaphane tout le long, et puissante au final. PolyBob a raison de rappeler que Sunbeam a réédité Mandy More. L’autre belle surprise de la compile est l’«Out & In» des Moody Blues. Belle surprise encore avec Pete Brown & Piblokto et «Station Song Platform Two». Ce magnifique interprète se glisse bien dans sa pop. Et la couronne du jour revient à Michael Chapman avec «Postcards of Scarborough». Lui, c’est la superstar de l’ongle sec. Il gratte des poux enchantés. Quant au reste, pas de surprise : Traffic reste Traffic, Duncan Browne reste Duncan Browne, même s’il joue avec le calme et la tempête («Ragged Rain Life»), Keith West reste Keith West, Cressida reste Cressida, même avec un bassmatic dévorant («Home & When I Long To Be»). Et puis Yes se montre explosif de pureté purpurine avec «Sweetness».

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             Pas de baraque sur 76 In The Shade. Juste un couple assis au bord de la route pour picniquer. C’est la canicule. Cette fois, PolyBob évoque l’été 1976, et tape dans la Black avec par exemple Smokey Robinson et «Get Out Of Town» : fast & easy, comme une superstar. Puis t’as David Ruffin avec l’heavy dancing Soul de «Discover Me». Il a su garder tout le power des Tempts. Et puis voilà la révélation du jour : Hollywood Freeway et «You’re The Song (That I Can’t Stop Singing)». C’est nous dit PolyBob l’hamony heavy pop de Tony Rivers, ex-Castaways, un groupe qui enregistra le «Girl Don’t Tell Me» des Beach Boys sur Immediate. Puis les Castaways sont devenus Harmony Grass, et PolyBob nous recommande chaudement This Is Us. Et pour compléter le panorama, PolyBob nous révèle que Frankie Valli a fait une cover de «You’re The Song (That I Can’t Stop Singing)» et que Tony Rivers a écrit ses mémoires (mais le book est intouchable : hors de prix). La Sylvia qu’on croise avec «Not On The Outside» est bien sûr celle de Mickey & Sylvia. C’est tellement excellent ! - an atmospheric, bossa-touched piece of exotica which demands your full attention - Sweet sucre carribéen. T’as aussi le «Stay With Me» de Blue Mink, avec Madeline Bell qui monte au sommet du climaxing pour une apothéose de bliss. On croise aussi The Emotions avec «Flowers», trois blackettes de Chicago, d’abord du Stax, et là, au paradis. C’est à Carmen McRae que revient l’honneur de refermer la marche, avec le «Music» de James Taylor. Puissance immédiate. Là, t’as la vraie voix. So c’mon ! Elle va te swinguer le rock de Soul jusqu’à l’oss de l’ass.

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             Retour au Deep South avec Choctaw Ridge. New Fables Of The American South 1968-1973. Dans son intro soignée, Martin Green rappelle que «le monde de Choctaw Ridge - ses habitants, ses mystères et ses morts tragiques - fut essentiellement bâti par Bobbie Gentry.» «Ode To Billie Joe» fit de Bobbie une superstar. Voilà donc une compile placée sous l’égide de la belle Bobbie. À l’époque, nous dit Green, Tony Joe White et Nancy Sinatra grattaient à la même porte. Il cite aussi Mike Nesmith, via les Monkees. On l’entend Nesmith, avec le First Nationl Band et l’excellent «Joanne». PolyBob est en extase devant le «biggest American hit single» de Nez. Pur genius de country Soul, avec le yodell du diable. On retrouve un autre génie de l’humanité, Jim Ford avec son fameux «Harlan County». Ford qui fut le boyfriend de Bobbie clamait qu’il avait écrit «Ode To Billie Joe». Il a aussi co-écrit «Niki Hoeky» qui allait devenir un hit pour son ami P.J. Proby. PolyBob rappelle aussi que Ford fit partie de la Family Stone et qu’on le voit dans le collage qui orne la pochette de There’s A Riot Goin’ On. Et puis, t’as encore ce copinage avec Bobby Womack. PolyBob n’oublie rien. Avec «Harlan Counry», Ford casse bien la baraque ! Tony Joe White est là avec un «Widow Wimberly» gratté au raw to the bone, et Bobbie Gentry avec «Belinda». Pure Southern Magic, avec un banjo dans le son. C’est à Lee Hazlewood que revient l’honneur d’ouvrir le bal avec «The House Song», et «Alone», avec Suzi Jane Hokom. PolyBob indique que Love And Other Crimes est probablement sa «strongest and most cohesive collection.» Retrouvailles avec le crack Jerry Reed et «Endless Miles Of Highway». Reed est l’auteur des fameux «Guitar Man» et «US Male» qui vont faire le bonheur d’Elvis. Premier petit choc révélatoire avec Jeannie C. Riley et «The Back Side Of Dallas». Elle tranche bien dans le tas. Vraie voix. Pareil pour Hoyt Axton et «Way Before The Time Of Towns» : il tranche lui aussi bien dans le tas. PolyBob qualifie son album My Griffin Is Gone de «country-pop masterpiece». Elvis et Ringo Starr vont même enregistrer ses compos, alors taquavoir. Encore un petit choc révélatoire avec Dolly Parton et «Down From Dover». Sa paire de miche a fait rêver les rednecks, mais ici, c’est sa voix qui fait rêver les becs fins. Son Dover est à la fois prenant et captivant. PolyBob indique que Lee & Nancy ont fait une cover de Dover. Charlie Rich ? Pas de surprise. «Julie 12 1939» sonne comme un groove de round midnite, dont Charlie est l’un des grands spécialistes. Nouvelle découverte : Henson Cargill et «Four Shades Of Love». L’indéniabilité de la choses ! Une vraie merveille de délicatesse country. Grand choc compilatoire avec Kenny Rodgers & The First Edition et «Ruby Don’t Take Your Love To Town». PolyBob indique que Rogers sonnait comme Rod The Mod et que sa principale influence était Sam Cooke. Ça joue au soft ventre à terre avec des faux airs de Fred Neil.  

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             Avec Winter Of Discontent, PolyBob revient sur le DIY britannique d’après le punk. Un genre musical qui s’attaque à tout, au capitalisme, au pacifisme, à l’oppression masculine, PolyBob grouille d’exemples, il parle d’un son «souvent art-school based, a kind of urban British folk inspired by Vivian Stanshall, Syd Barrett & music hall.» Beaucoup de projets privés, homemade, qui dépendaient du Rough Trade shop de Portobello Road ou du John Peel Show. Les plus connus de tous ces groupes DIY sont bien sûr les Television Personalities (ici avec «King & Country», solid TV set), The Raincoats (ici avec «Fairytale In The Supermarket», pure incarnation du post-punk, hirsute etc.), Scritti Politi (ici avec «Confidence», groove délibéré, forcément très intéressant), The Fall (ici avec In My Area (Take 2)», big Fall-out, tout de suite du son, du chant et du Smith), The Mekons (ici avec «Where Were You», cheap & easy, do it ! Pur jus de pop primitive, cockney en diable) et toujours, bien sûr, les Blue Orchids de Martin Barmah et Ura Baines, qui tirent toujours très bien leur épingle du jeu (ici avec «Work», belles nappes d’orgue, chant perçant, très anglais). La découverte : Performing Ferret Band avec «Brow Beaten», très DIY UK bit. Il n’existe rien de plus primitif que ce Brow Beaten. Autre belle surprise avec The Zounds et «Can’t Cheat Karma», un shoot de post-punk cockney du meilleur effet. Joli nom de groupe aussi pour les Fatal Microbes. Elle chante son «Violence Grows» au petit sucre anglais, on comprend pourquoi c’est tombé dans l’oubli. Bien sûr, beaucoup de ces singles sont anecdotiques, c’est peut-être ce qui intéresse PolyBob. The Good Missionaries proposent un «Attitudes» trop tiré par les cheveux. et on accueille à bras ouverts «Exhibit A» et le raw punk d’«In The Night». Pour le reste, laisse tomber. 

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             Avec London A To Z, PolyBob te légifère la legacy. Quelle fantastique compile ! C’est du London town pur jus. Tu te balades dans Londres avec Cat Stevens («Portobello Road»), Linda Lewis («Hampstead Way», sucre suprême, et derrière, elle a un fou des poux), Dana Gillespie (la petite pop bucolique de «London Social Degree», wow, Dana a du coffre), et puis Ralph McTell avec «Kew Gardens». Sans PolyBob, tu te dis que tu passerais à côté de toutes ces merveilles, alors merci PolyBob ! Voilà Nick Drake avec «Mayfair». Lui, on le capte aussitôt. Itou pour Cilla Black et «London Bridge» : pur jus de superstar. Elle éclaire la terre. Puis tu arrives à la vraie dimension du son anglais avec Magna Carta et «Parliament Hill». Big London groove d’excelsior. Davey Johnstone gratte des poux d’une véracité extraordinaire. Et puis t’as Humble Pie avec «Beckton Dumps», Stevie Marriott reste le roi du speed-it on. PolyBob arrache d’autres merveilles à l’oubli : Edwar Bear avec «Edgware Station», Al Stewart avec «Swiss Cottage Manoeuvres», lui c’est un chanteur, un vrai, un enchanteur. Nouvelle aubaine avec Shelagh McDonald et «Richmond» : voix de rêve. Te voilà envoûté, et l’envoûtement se poursuit avec Julie Driscoll, Brian Auger & The Trinity et «Vauxhall To Lambreth Bridge». Jools forever.

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             Et puis t’as ce fantastique hommage au proto-punk britannique : Incident At A Free Festival. PolyBob résume ça en trois lignes : «The sounds were heavy and frequently funky, with a definite scent of danger. Their message was clear and simple: clap your hands, stomp your feet and hold on to your mind.» Pour situer la scène proto-punk des festivals anglais de 1970, PolyBob a la main lourde : Pink Fairies, Edgar Broughton Band et Hawkwind, pour les plus connus. Le «Do It» des Fairies te passe littéralement sur le corps et t’adores ça. Johnny fais-moi mal ! Wild as fucking fuck ! Ils sont à la pointe du progrès. Même chose pour Edgar Broughton avec «Out Demons Out» et l’une des intros du siècle dernier. Wow, comme on a pu adorer ça, et t’as ce départ en solo qui te file encore des frissons. Eh oui, ces freaks britanniques font du Beefheart ! PolyBob a choisi l’«Ejection» d’Hawkwind, tiré de Doremi Fasol Latido, et là t’as tout le protozozo. L’heavy Brock is on fire ! Stupéfiant de power. Parmi les autres cakes, tu retrouves Andwella avec «Hold On To Your Mind», fabuleux David Lewis, et plus loin, Atomic Rooster avec «Tomorrow Night». Du son, oui, mais ça reste du Rooster. Stray est là aussi avec «Taken All The Good Things», mais c’est la voix d’adolescent attardé qui ne va pas. Tu croises aussi May Blitz qui essaye de casser la baraque avec «For Mad Men Only», c’est presque réussi. PolyBob a choisi un mauvais cut de Stack Waddy («Meat Pies ‘Ave Come But Band’s Not ‘Ere Yet»), et puis tu entres dans la zone des découvertes avec James Hogg et «Lovely Lady Rock». Ça joue au gras double. Quelle stature ! Trois singles et puis plus rien. Pareil pour Paladin avec «Third World» - Something to the sound of the Last Poets but given a Phun City tweak, nous dit PolyBob - Superbe et plein de vie. La super-révélation vient avec Slowload et «Big Boobs Boogie». Ils tapent bien dans le protozozo. Ce mec chante comme Johnny Rotten avant Johnny Rotten. Et puis t’as Leaf Hound avec «Freelance Friend». Eux, ce sont les pires. Les plus heavy de la bande. Même si Dave Richardson qui suit avec «Confunktion» se couronne empereur de l’heavyness à la cathédrale de Reims.

    Signé : Cazengler, Stan laid

    Tim Burgess & Bob Stanley. Tim Peaks (Songs For A Late-Night Dinner). Ace Records 2019

    Bob Stanley/Pete Wiggs. Occasional Rain. Ace Records 2020    

    76 In The Shade. Ace Records 2020   

    Bob Stanley/Martin Green Present Choctaw Ridge. New Fables Of The American South 1968-1973. Ace Records 2021

    Bob Stanley/Pete Wiggs. Winter Of Discontent. Ace Records 2023

    Incident At A Free Festival. Ace Records 2023

    Bob Stanley Presents: London A To Z. Ace Records 2024

    Bob Stanley. Let’s Do It: The Birth Of Pop. Pegasus Books 2023

     

     

    Errorr fatal

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             Des Berlinois dans la cave. On ne va pas rater une occasion pareille. Sont quatre, dont un chanteur guitariste que tu connais de vue, mais tu sais plus. Déjà vu, mais zoù ? Bon, bref, les voilà qui grattent leur Kraut dans une semi-obscurité bleutée.

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    Ah pour gratter, ça gratte ! Y grattent à deux. Une petite brune gratte à gauche. Elle est extrêmement sexy dans son petit haut blanc, sa jupe plissée, ses collants filés et ses cuissardes de drag queen. On sait qu’elle s’appelle Olga, car on a papoté avec l’équipe qui la suit partout pour la filmer. Deux caméras et un mec au son avec sa perche. Apparemment, ils montent un docu sur Olga. Comme le mec du zoù déjà vu, Olga gratte ses poux sur une Jaguar. Le début du set n’impressionne pas plus que ça.

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    On connaît ce son par cœur, depuis le temps des shoegazers, ils plombent bien leur atmosphère, ils rament bien dans leurs sargasses, les cuts se succèdent dans les méandres d’une nonchalance berlinoise, franchement tu ne sais pas ce que tu vas pouvoir raconter, et puis tu vois Olga piquer des petites crises d’hystérie pouilleuse du plus bel effet, elle cherche à créer un climat de folie, dommage qu’elle n’ait pas pensé à se rouler par terre comme Carrie Brownstein, la bras-droite de Corin Tucker dans Sleater-Kinney, ça aurait donné un peu plus de caractère à un set qui n’attendait que ça.

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    Voilà qu’ils s’enlisent dans les inévitables morceaux lents, et comme chaque fois, tu constates que ça brise les reins du set, comme ce fut le cas, t’en souvient-il, avec Underground Youth. Et puis, le zoù déjà vu annonce «two more cuts», et bam !, c’est là que tout explose. Soudain, tu n’as plus d’yeux que pour le petit batteur !

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    Il est magnifique de power, c’est lui qui mène la danse, et tu fais aussitôt le lien avec le batteur de Can, Jaki Liebezeit. C’est exactement la même powerhouse, il vole le show, tu vois un grand batteur à l’œuvre, avec des baguettes qui dansent autour de son visage, il fait la loco comme seul Jaki Liebezeit savait la faire. On croit toujours que battre le beurre consiste à taper comme un sourd sur des fûts, mais non, c’est tout un art, il faut du délié de poignets et du power dans les bras, quatre membres indépendants, il faut énergiser le beat pour lui donner des ailes, il faut que le beat vienne danser entre tes reins, et ce mec danse sur son tabouret, tu le vois palpiter en rythme, il bat un beurre faramineux, et bien sûr, tout explose. Te voilà encore fois sur la Piste aux Étoiles.

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             Au merch, quand tu demandes à Olga si le petit CD rouge est le premier album, elle te dit yes, alors qu’en fait c’est le deuxième album, qu’elle vend en vinyle. Comme ils n’ont pas la même pochette, tu prends les deux. Bon, bref, c’est pas grave, l’essentiel est de faire marcher le petit commerce. Et quand, rentré au bercail, tu pars à la pêche aux infos, ta vieille lanterne s’éclaire : le zoù déjà vu s’appelle Leonard Kaage et tu l’as vu récemment sur scène à la gauche de Craig Dyer dans Underground Youth. C’était donc ça ! Son groupe Errorr souffre apparemment du même mal qu’Underground Youth : trop de morceaux lents. Trop de tue-l’amour. Quand on a un batteur comme celui-là, c’est du gâchis que de le faire jouer en bas régime.   

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             L’album s’appelle Self Destruct. Leonard Kaage y joue de tous les instruments, accompagné sur certains cuts par deux autres mecs. Olga signe la photo de pochette, avec un modèle. Self Destruct est un album extrêmement énergique. Belle entrée en matière avec «Innocent», Leonard le renard berlinois se donne les coudées franches. Sa disto en impose. Il part en mode fast drive avec «Just Another». Il se tape une belle cavalcade de Kraut, et ça bat au heavy beat berlinois. C’est d’ailleurs l’un des deux cuts de fin de set. Leonard le renard berlinois sait donner du volume à son son, comme le montre encore «Paranoia», c’est vraiment bien bardé de la bardasse. Il te sature tout de belle disto, il adore foncer dans le tas, comme le montre encore «8 Hours 5 Days». L’«Heroine (Got To Let Go)» qui ouvre le bal de la B des Anges donne bien le change et force l’admiration. Voilà un encore cut qui traîne bien de la savatasse. On se croirait presque chez les Cramps avec «Not Even Bored» et sa basse fuzz. On reste dans le lourd et lent qui n’ira pas au paradis avec «Makeshift Happy». Leonard le renard berlinois transforme le plomb de Self Destruct en or atmospherix, et il emprunte un riff au premier Sabbath pour «With Love From The Grave». En voilà un qui sent bon la tombe.

    Signé : Cazengler, grave errorr

    Errorr. Le Trois Pièces. Rouen (76). 19 décembre 2024

    Errorr. Self Destruct. Atomic Records 2023

     

     

    Inside the goldmine

     - Tina pas cent balles ?

             Baby Tinette ? Ses parents ne l’avaient pas ratée en la baptisant ainsi. Elle était foutue d’avance. Que ce soit à l’école, dans les circuits professionnels ou dans ses relations sentimentales, tout le monde allait prendre un malin plaisir à se foutre de sa gueule. Elle n’avait absolument aucune chance de trouver un jour un équilibre, ou même simplement un moment de répit. Sa scolarité fut un enfer. Les garces dans la classe n’en finissaient de faire «prout prout» derrière elle. Ce fut encore pire en secondaire. Les adolescentes sont d’une cruauté qui dépasse l’entendement. Elles firent semblant de la prendre en affection, manifestèrent même une sorte de compassion, et lui firent un cadeau pour son anniversaire. Elle ouvrit le paquet sans se méfier. C’était bien sûr un balai à chiottes. Elle en fut traumatisée pour le restant de ses jours. Jusqu’au bac, elle n’adressa plus la parole à aucune des filles de la classe, même aux plus gentilles qui n’osaient pas aller vers elle, à cause de sa mine renfrognée. Baby Tinette entra dans sa vie de femme comme tout le monde. Elle rencontra un mec qui paraissait gentil, et même timide. Tout se passa bien tant qu’elle n’avoua pas son secret. Elle louait une chambre de bonne, à proximité du bureau où elle travaillait comme secrétaire, et le mec vint la déflorer chez elle. Ils fumaient la fameuse ‘clope après l’amour’ et il posa la question qu’il ne fallait pas poser :

             — Comment tu t’appelles ?  

             — Embrasse-moi encore...

             Ils s’embrassèrent longtemps, et le désir revenu, ils s’abandonnèrent de plus belle aux plaisirs de la chair. Chaque fois qu’il se réveillait, il lui posait la même question. Alors elle l’embrassait et le serrait dans ses bras de toutes ses forces. Puis, lorsqu’il se fût endormi pour de bon, elle se leva et alla se pendre avec la corde à linge.

     

             Pas de bol pour Tinette. Tina a eu la chance d’avoir des parents moins cons. On dit toujours que la vie ne tient qu’à un fil, et c’est parfois valable même avant la naissance. Tina a eu toutes les chances du monde, et Tinette zéro.

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             C’est David Axelrod, alors jeune producteur chez Capitol, qui repère Tina Mason à Disneyland, où elle chante. Une nuit où Axelrod se balade dans un parc, il est sauvagement agressé par des mecs, prend un coup de couteau dans le bide, et qui vole à son secours ?, H.B. Barnum qui après avoir dégommé les mecs emmène Axelrod à l’hosto où on le recoud vite fait. Ils deviennent potes et rassemblent en 1967 la crème de la crème pour enregistrer l’album de Tina chez Capitol - A somptuous blend of Bacharachian LA soft pop - On voit rarement des albums aussi cultes. Puis elle va partir en tournée avec Paul Revere & The Raiders et épouser le bassman Phil Fang Volk. Elle se retrouve sur scène devant des foules de 50 000 à 80 000 personnes. À l’époque, les Raiders sont extrêmement populaires, dans le Nord des États-Unis et au Canada.

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             Fantastique album que ce Tina Mason Is Something Wonderful, réédité en 2008. Elle attaque au Burt pur avec «Are You There» et là tu piges tout suite : grosse prod d’album culte. Elle tape ensuite une prodigieuse cover de «Cry Me A River». Elle a le sucre et le power du sucre.  Tina, tu la croises aussi dans les parages de Chip Taylor. Elle fait sa Dusty lookalike avec «You Go Your Way», elle explose ses cuts quand ça lui chante. Sa voix porte dans l’espace du Brill. Elle sait aussi taper en plein dans le mille de Motown, comme le montre «Life And Soul Of The Party». Power et sucre, telles sont ses deux mamelles. Elle rentre par la bande dans «Just Say Goodbye», elle chante en biseau à la Judy Garland, et elle t’explose le Brill vite fait. Tina est un phénomène ! Elle est chaude, avenante, fière et dressée. Elle tient bien tête. Non seulement elle a du monde derrière, mais elle a aussi du génie, c’est encore ce que révèle «A Good King Of Hurting». Elle accroche son power au plafond, c’est très spectaculaire. Elle groove son «Crazy He Calls Me» comme Liza Minelli, elle a du sang black dans les veines, ses effluves se mêlent aux humeurs de la Soul. Et voilà «You Can Have Him» soutenu au gimmick de cordes graves. Alors qu’elle swingue comme une black, ça monte en crescendo. Elle met tout son power dans son sucre perçant. Elle tape encore en plein Brill avec «The Way Of Love», c’est orchestré à outrance. T’as H.P. Barnum et Axelrod derrière, alors ça ne rigole pas. Pur genius productiviste ! Dans les bonus, tu vas tomber sur l’«Anyway That You Want Me» de Chip, l’heavy pop par excellence. On trouve aussi sa version du «Lost That Lovin’ Feelin’» enregistrée en 1965. Elle la prend du bas, elle est juste, infernalement juste, et le monte à sa taille. Dans l’interview qui suit, elle dit adorer les Beatles et Nancy Wilson. Fabuleuse poulette !

    Signé : Cazengler, franc Mason

    Tina Mason. Tina Mason Is Something Wonderful. Now Sounds 2008

     

     

    *

    Un, deux, trois, quatre, cinq, six, Seth ! Je ne l’ai pas fait exprès, je me suis stupidement perdu en chemin. Suite à ma chronique sur Rituel dans la livraison précédente, je m’étais dit que ce ne serait pas idiot de chroniquer De Republica de Griffon, mais mon cerveau a tilté, je me rassure en me disant que les Génies Supérieurs de l’Humanité eux aussi sont appelés à commettre ce genre d’erreur, bêtement au lieu de me rendre sur le label griffonesque Les Acteurs de l’Ombre, il devait y avoir de la brume sur le clavier, j’ai tapé sur Season Of  Mist et suis tombé en contemplation sur :

    LA FRANCE DES MAUDITS

    SETH

    (Season of Mist / 14 – 07 – 2024)

    Se revendiquer de Seth pour un groupe de metal tombe sous le sens : un des premiers dieux de l’Egypte dont il magnifie les terres arides et désertiques, un Dieu violent et brutal, chaotique, nous aimons à imaginer qu’il a inspiré Lovecraft lors de la création de la figure de Nyarlathotep dieu du kaos rampant… quelques millénaires plus tard le christianisme obsédé par l’infrangible fossé qui séparait les notions morales du mal et du bien  assimila le personnage de Seth à un équivalent de Satan, l’Adversaire, celui qui avait osé s’opposer à Dieu. Cette filiation imaginaire possédait l’avantage de voiler le souvenir du Lucifer, le révolté porteur de lumière… Cette vision christique et dichotomique occultait l’idée première selon laquelle, n’étant que les symboles des forces autodestructrices ou les ferments régénérateurs qui veillaient à l’équilibre du monde, les dieux des deux bords étaient nécessaires, inséparables de l’équilibre universel de l’univers…

    Fondé en 1995, Seth se fit remarquer dès 1998 par son premier album : Les Blesssures de l’Âme. Le groupe se sépare en 2005. Il renaît de ses braises en 2011, mais ce n’est vraiment qu’en 2021 qu’il entre dans une nouvelle ère avec l’enregistrement de La Morsure du Christ. Mayhem et Rotting Christ se doivent d’être évoqués lorsque l’on essaie de retracer le parcours de Seth.

    La couve est magnifique. En arrière-plan la façade de L’Observatoire de Paris. Fondé en 1667 par Louis XIV, le bâtiment est traversé en quelque sorte par le Méridien de Paris… (A ne pas confondre avec la Rose Ligne de l’Eglise Saint-Sulpice.). Le monument n’a pas été choisi au hasard pour sa beauté intrinsèque mais comme symbole de l’empreinte royale sur le pays de France. Au premier plan Seth nous tourne le dos. Nous ne voyons que les vastes plis de son manteau, de pourpre aux franges d’or, brodé de ses initiatiques armoiries. Il porte une arme redoutable : la faux de la Mort. Instant décisif et menaçant. Seth fait face au pouvoir Royal, ce n’est qu’un avertissement, un défi, ce manteau de sang est le symbole de la Révolution à venir, celle qui mettra à bas de leurs trônes respectifs Dieu et le Roi. ‘’Soleil cou coupé’’ s’écriera plus tard Apollinaire.

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    Helmoth : guitars / Alsvid : drums / EsX : bass / Saint Vincent : vocals / Pierre Le Pape : keyboards / Drakhian : guitars

    Paris des maléfices : entrée en matière noire, la musique extatique des anges abolis, débordements battériques, la mélodie s’installe comme un drapeau rouge qui flotte dans la houle des rues en colères, alternant avec la hargne de la voix de Saint Vincent (il ne prie pas pour nous), nous sommes dans Paris la ville des poëtes et des révoltes populaires. Un Paris qui puise autant à la description hallucinée du Cimetière des Innocents de Victor Hugo que dans la révolte métaphysique de Baudelaire. Ce morceau peut être perçu comme un hymne élevé à l’auteur des Fleurs du Mal. Alchimie de la poésie qui transforme la boue de la misère et du vice en l’or flamboyant de la poésie, amour et haine entremêlés, une marée sonore de fange et de stupre qui gonfle, se soulève, et qui engloutira le monde. Il suffit de prononcer le maléfice. Incroyable, l’orgue  de Pierre Le Pape ne se contente pas, comme souvent dans bon nombre de disque de Metal de combler les vides, il ouvre le bal des Ardents et mène la chasse à courre.  Et que vive le Diable ! : ne regardez pas l’Official Music Video réalisée par Claudio Marino, filez sur son Instagram  vous ne serez pas déçus, vous risquerez la même mésaventure que ma distraite personne tellement accaparée par les images que j’ai oublié d’écouter la bande-son ! :  le moment de la décision, celui où l’on franchit le pas interdit, celui où Faust choisit Méphistophélès, le chant de Saint Vincent implore, non pas le pécheur qui s’enferme dans son cilice mental, plutôt la joie éclatante de Crowley appelant à lui les démons pour une vie exaltante puisque démoniaque, derrière le band bande et sarabande de jouissance, une espèce de valse à dix mille temps endiablée, l’heure est fatidique, mais heureuse, la délivrance d’une âme qui s’incorpore dans le corps mouvant du plaisir, un hymne à la joie, à la délivrance de soi-même, un sulfatage battérial homérique, un mariage de raison avec la déraison du monde, mieux vaut être maudit que bonni, il est des nuits illuminatives. La destruction des reliques : ce n’est plus le cheminement d’une âme seule mais la cohue collective d’une houle ivre, Saint Vincent harangue la foule, une carmagnole, une farandole, la musique atteint à une grandeur lyrique communicative, les guitares lancent des confettis de plomb qui arrivés à terre roulent résonnent et cliquètent comme des pièces d’or, quel bastringue, quel foutoir, nous voici dans cryptes de Saint-Denis à fracasser les cercueils, à briser les sarcophages, à exhumer squelettes en poussières et cadavres momifiés, une pagaille indescriptible on part à la chasse des châsses contenant les restes des Saints, l’on décapite les statues, c’est la grande liesse, la grande recouvrance de la délivrance, une fête qui insulte le passé et qui exulte de ses propres crimes, de ses propres cimes, le grand charivari, la fête de l’âne qui rue et tue les morts…

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    Dans le cœur un poignard : encore une Official Music Video réalisée par  Pierre Raynard, encore une fois les yeux rivés sur le film, mais cette fois vous n’oubliez pas la bande son, elle vous accompagne, elle vous fait cortège, elle vous soutient, elle tient votre âme par la main, puisque vous souffrez trop vous finissez par demander qu’on vous guillotine au plus vite, presque un chant de messe noire ou rouge, une musique d’église, une procession, pas à pas, à l’intérieur de soi-même, nos malheurs sont nos passions, nos tourments sont nos prisons, un poignard dans le cœur équivaut à une dague dans le dos, mais c’est vous-même qui l’avez plantée entre vos omoplates, qui supplie ainsi ?... est-ce un homme, est-ce Seth, est-ce chacun de nous, portons-nous tous l’amour comme une croix fichée en nous comme un poignard empoisonnée qui ne nous quittera jamais, que nous emportons avec nous jusques au fond de la tombe, il y aurait donc quelque chose à l’intérieur de nous qui subsisterait comme un dieu oublié qui refuserait de mourir, serions-nous ainsi plongés au cœur du chaos ad mortem aeternam, la voix de Saint Vincent ne chante pas, elle grouille, elle gargouille, elle souille, même l’aspersion rituelle par le sang ne nous délivrera pas. Marianne : tout serait-il consommé, notes lourdes d’impuissance, instrumental, ce que l’on peut exorciser par la parole ne vaudrait-il pas mieux le taire, ces gouttes de plomb liquide finissent par se teinter d’une étrange transparence, existe-t-il une résilience qui ne serait pas un mensonge, à moins que ce soit juste une introduction à ce qui viendra. Ivre du sang des saints : notre hypothèse était la bonne, il suffit d’écouter les premières notes pour reconnaître le même motif que cette mystérieuse Marianne évoquée au morceau précédent, qui est-elle, son nom ne serait-il que la déformation de Morianne, figure de la Mort, ou alors la prostituée revêtue de cinabre de l’Apocalypse, la putain divine prête à s’offrir aux quatre cavaliers, à moins que ce soit notre Sainte Mère l’Eglise, car l’Eglise elle-même est pécheresse, mais elle est cette simple femme anonyme qui en furie vengeresse, une torche à la main pénètre la première dans les cathédrales honnies pour y bouter le feu de sa haine, ivre du sang des Saints comme si elle se donnait le droit de boire au calice sacré, le morceau tangue comme s’il était atteint d’une ivresse dangereuse, ça part de tous les côtés, une chatte n’y reconnaîtrait pas ses petits, d’ailleurs un homme y reconnaîtrait-il sa femme, à moins que ce ne soit l’Isis primordiale, l’épouse de Seth, qui enfanta Osiris, la protectrice des morts,  elle se perpétua au cours des siècles sous le titre de Grande Déesse, qui au cours des siècles prit bien des noms, Marianne patronne de la République   ne serait-elle que la résurgence de Marie, la sainte immaculée, inoculée diront les esprits facétieux, l’aspect féminin et chaotique de l’être humain. La coupe d’or maudite où tout un chacun et chacune s’en vient boire. Insurrection : une official lyrics Video est disponible. Vidéo c’est vite dit, une mise en image, gâtée par la mise en plein milieu de l’cran de la couve du disque qui bouffe un bon tiers de l’espace, derrière Paris brûle-t-il a-t-on envie de demander, faut attendre la dernière seconde pour un aperçu ultra rapide du tableau La Liberté guidant le peuple ‘’en armes’’ de Delacroix, tous les personnages arborent des faciès de squelettes ricanant, que voulez-vous la liberté a un prix : de l’insurrection tant attendue l’heure est venue, il n’est jamais trop tard pour bien faire, la ligne mélodique comme le lierre qui enserre le tronc du chêne est entièrement liée au galop de la tornade, Saint Vincent ne chante pas il scande la révolte des damnés, cette légion que le Dieu a rejetée et abandonnée, ils sont tous là, les armes à la main, emplis de fureur, ivres de carnages et de démence, prêts à arracher  le poignard tordu que chacun s’est enfoncé dans le cœur pour le planter dans la chair du Christ et l’assassiner, quelle jouissance d’avoir à réaliser ce crime plutôt trois fois qu’une seule.  Tous en groupe, le Diable marche avec eux, la vengeance est un plat qui se mange bouillant de haine. Massacre total et libérateur. Le vin du condamné : ô comme ce titre évoque Baudelaire, comment se fait-il que le chantre du Spleen de Paris n’ait pas songé à l’écrire, le morceau le plus long de l’opus, une courte intro qui  pourrait ne faire accroire que le condamné à mort aurait le vin triste, ce n’est pas tout à fait le cas si l’on s’en rapporte à son accent vindicatif, parfois on a même l’impression que le rythme claudique et titube, point trop mais dans une cellule l’on imagine que les murs doivent être proches, un peu de tristesse, pas trop, pour ces moments perdus à croire en Christ en ses bienfaits, en ses consolations, la batterie d’Alvid y met vite bon ordre et les réduit en poussière, un dernier blasphème à boire le sang du Christ et de la vigne, la sentence du juge hurlée du haut de sa chaire tombe comme un couperet de guillotine, les paroles du condamné n’étaient pas celle du Roi, c’est bien celle d’un insurgé, d’un révolté, qui souhaite et prophétise encore la révolution. Bonus track : Initials B. B. : dans une vidéo ils expliquent qu’ ils voulaient une chanson française, ils ont du mal à en trouver une qui puisse supporter leurs orchestrations, sans être convaincus ils ont essayé ce morceau de Serge Gainsbourg, elle n’est pas tout à fait de lui puisque comme souvent il avait puisé dans le répertoire classique, il s’était inspiré  de Dvorak, n’avait pas fouillé bien loin, juste un motif de la Symphonie du Nouveau monde… en réécoutant le morceau original l’on se rend compte que malgré l’arrangement d’Arthur Greenslade, peut-être à cause de ses trompettes pas assez cuivrées, il a vieilli… la version de Seth est supérieure, en plus elle s’intègre bien à l’album comme un rappel de la figure du triptyque central, une résurgence du motif de la femme écarlate, que l’on ne saurait laisser à l’écart…

             L’opus est magnifique, il m’a donné l’envie de visiter le précédent.

     

    LA MORSURE DU CHRIST

    SETH

    (Season of Mist / 14 – 07 – 2024)

    La couve  est de Leoncio Hamr, magnifique vue de Notre-Dame de Paris en flammes. Originaire de  Bordeaux, tout comme le groupe, il se définit comme un Digital Artist, trois petits tours et puis ne pas s’en aller mais rester sur son site à s’imprégner de ses images d’une évanescence granitique porteuse d’une vision romantique et démiurgique du monde…

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    Qu’un groupe mette son nom sur la pochette de son disque n’est pas en soi une pratique d’identification qui appelle à de longs commentaires, mais sur cette couverture-là il se révèle terriblement significatif. Ce ne serait en rien anodin, Seth a apposé son sceau sur l’incendie de Notre-Dame, il s’agit d’une appropriation politique des plus affirmées, des plus dérangeantes.

    L’incendie de la cathédrale, vite transformée en Notre-Drame, au mois d’avril 2019 suscita une énorme émotion, savamment orchestrée par les pouvoirs publics du pays, récemment amplifiée par sa réouverture en décembre dernier. Nous ne nous étendrons pas ici sur les polémiques qui se sont élevées quant à l’origine du feu dévastateur. Seth n’y va pas par quatre chemins (de croix). Cet acte leur apparaît comme la marque symbolique de la fin de l’ère chrétienne. Le point final de la révolte de Lucifer détruisant une bonne fois pour toute  la terrestre et accueillante demeure de Dieu, le dernier refuge du Christ et la bergerie des Hommes…

    En désignant la borne historiale de la fin du christianisme, Seth remet en question toute une lecture actuelle qualifiée par beaucoup de post-chrétienne – expression qui signifie encore marquée et dépendante de l’idéologie christianophile – de l’histoire de la civilisation occidentale. Position politique d’autant plus courageuse qu’elle place cette terminaison dans notre actualité la plus proche. En pleine place du village planétaire pourrait-on dire. Songez à la rétrograde levée des boucliers mentaux que ce genre d’affirmation péremptoire ne peut que susciter. L’on peut refaire à neuf un bâtiment, effacer la signification d’un symbole est plus difficile.

    Cet opus est davantage qu’un album musical, il est un acte réflexif, mêlant aspects liturgique, orthodoxique, dogmatique, hérésique, philosophique, symbolique et poétique. Une œuvre d’envergure, c’est sans doute pour marquer et ne pas masquer la grandeur de cette noire et illuminative entreprise metallique que son écriture a eu recours au vieil alexandrin gravé dans le marbre des épopées romantiques.

    Helmoth : guitars / Alsvid : drums / EsX : bass / Saint Vincent : vocals / Pierre Le Pape : keyboards / Drakhian : guitars

     La morsure du Christ : l’existe une Official Vizualiser agréable à regarder mis sur YT par Season of Mist : étourdissant, sans répit, un vocal rugissant inextinguible, une rythmique infernale, une chevauchée apocalyptique qui au milieu de ce déluge de feu teinte quelques notes solitaires et espacées d’une beauté cristalline, elles dévoilent un monde de splendeurs sonores ignorées un peu comme les échos nostalgiques d’un enfer perdu. Nous sommes en plein sacrilège, c’est le Tentateur, l’Adversaire résolu, qui s’adjuge le sang du Christ, le sang de Dieu. Transfert d’identité. L’Ange Maudit a pris le sang et la place de Dieu. Il a mordu le Christ tel un vampire assoiffé, que ce rouge baiser se transmette de chacun à chacun, nous ne sommes pas loin des premières assemblées gnostiques, ces échanges cérémoniaux de sang et de sperme, la grande inversion je suis celui que tu croyais qu’Il n’était pas, Dieu est mort, il s’était fait homme, s’est pris à son propre piège, j’ai transmué dans l’athanor de mon corps le sang de ton corps en le sang de mon enthousiasme. Ce n’est pas bien peut-être mais ce n’est pas mal non plus. Métal noir : la musique se pense métal, orichalque noir, elle peint le monde à sa couleur, elle conte la légende noire du disciple, elle expose les étapes de sa vie, une explosion de guitares, un raz-de-marée battérial, tout se déroule si vite, à peine commencé le morceau est terminé, une histoire alchimique qui passe de l’œuvre au rouge à l’œuvre au noir, de la sublimation existentielle par le pacte de sang, au refuge terminal au fond de l’antre obscur, de la dispersion en la chair des femmes, des goules, des magiciennes, des sorcières, des déesses, toutes des Hécates,  entends-tu dans le lointain le tintement du marteau de Siegfried forgeant l’épée noire du trépas, jusqu’au moment où le pendule fatidique s’arrête et te précipite dans le puits sans fond de la mort, qui n’est qu’une non-existence, mais le non-être ne se transforme-t-il en pas en astralité, la mort n’est-elle pas  la continuité de la vie sous une autre forme,  moins par moins égale plus, noir sur noir s’égalise à une lumière illuminescente celle qui sourd et émane sans fin du corps tragique de l’Ange Noir carbonisé, à ton simple regard son âme noire se nimbe d’une irréfragable gloire. Sacrifice de sang : batterie grandiloquente, il est temps que la cérémonie commence, musique allègre, oui c’est une fêté sanglante, toute noire initiation tourne au rouge sanglant, il ne s’agit plus de boire le sang mais de faire couler le sang, seul le maître a pris le droit de le boire, ton assentiment sera sa récompense, frappe, incise exquise, elle est nue et innocente, c’est en la tuant que tu prendras vie, en la supprimant que tu la possèderas, la vierge n’est plus sainte, criminel et féminicide insensés c’est le prix victimaire à payer pour requérir le bandeau de pourpre des initiés, maintenant tu es membre de la légion noire des damnés, tu es digne du bataillon du Reptile Subtil et Sacré ! Tu es devenu l’enseigne du serpent insigne. Satan te sourit. Magnifique morceau. Orgie rouge. Expérience théurgique. Âmes sensibles et modernes s’abstenir. Ex-Cathedral : ce morceau présente la même scène que le précédent. Si celui-ci, tout aussi festif, semble davantage enthousiaste et spectaculaire, c’est que cette fois-ci le Sacrifice de Sang est représenté sous son aspect exotérique et non plus sous sa forme intime et ésotérique vécue en tant qu’individu alors qu’ici il est dépeint sous son aspect collectif, cérémonial, d’où cette structuration théâtrale, l’on assiste à trois tableaux, à l’abomination hargneuse et vengeresse du monument, succède la propagation souveraine des flammes, le vocal s’écroule dans la gorge de Saint Vincent avant qu’il ne proclame la malédiction terminale, enfin l’on assiste à la lente agonie des flammes rouges hautes comme des tours, elle s’achève en un amas calciné de cendres noires

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    . Hymne au vampire. (Acte III) : vous trouverez l’ Acte I et l’Acte  II sur le premier album du groupe Les Blessures de l’Âme sorti en 1998 :  nouvelle donne, le Diable serait-il aussi menteur que le Dieu, une âme crie et demande, reçoit-elle, espère-t-elle encore une réponse, nous sommes après, l’amas de décombres noircis appartient au passé, nous suivons une ombre errante, elle tourne et retourne autour des tombes, elle préfèrerait être morte, mais elle n’a reçu que l’éternité. A errer sans fin. Rien n’est pire qu’un vampire, obligé pour survivre de mordre les jeunes filles, de leur faire subir les plus cruels sévices, n’est-il pas stupide de  se livrer à de telles extrémités afin de continuer à vivre éternellement, cruel dilemme baudelairien par excellence,  son âme harassée tourne en rond dans un cimetière, n’est-ce pas la métaphore d’un esprit qui ne va pas fort, qui tourne doucement à la folie, tant bien que mal la musique essaie de le bercer de réconforter sa marche hésitante alors qu’il crie et se débat contre lui-même et tous les diables, l’orchestre l’accompagne fidèlement mais le chien fidèle c’est lui et le groupe qui le tient en laisse fait entendre son plus doux clavier, des voix célestes venues d’on ne sait où, l’on n’entend plus rien, s’est-il endormi sur une tombe… Les océans du vide : superbe morceau à écouter et à récouter pour en saisir toutes les nuances vocales, musicales et poétiques. Le lecteur y reconnaîtra le Voyage de Baudelaire mais aussi Le Bateau Ivre d’Arthur Rimbaud, j’ose affirmer  que la musique est davantage rimbaldienne que baudelairienne, peut-être aussi les premières pages du Coup de dés de Mallarmé. Si le début de l’opus décrivait l’œuvre au noir comme le stade ultime et ascensionnel de l’alchimie, dans ce titre et le précédent nous refaisons le même chemin mais nous débutons au moment au moment crucial où le rouge vire au noir, et nous terminons lorsque le noir traversé nous pénétrons dans le royaume translucide de l’après-mort. Dormir n’est pas mourir. Le triomphe de Lucifer : chuchotement hurlé sidérant, vient-il du fond des abysses, est-ce le moment où les chaines qui retenaient prisonnier Satan sont brisées, où provient-il du fond des abîmes du ciel d’en haut pour établir son royaume sur les contrées d’en bas, il porte la lumière, la dernière braise arrachée à l’incendie monumental, le tison maléfique que Dieu n’a pas réussi à éteindre,  il est le Lucifer invaincu, le démon prométhéen,  le sol invictus qui appelle à la vie son peuple de bannis, le morceau illuminatif se change en cantate angélique, est-ce le dernier crachat bachique sur le corps mort du Christ… Les océans du vide / Sacrifice de sang : difficile de terminer sur cette fin grandiose. Mais si rapide. Il manque à l’opus une coda d’envergure, longue et peut-être même infinie  est la queue du serpent, il serait dommage qu’elle ne rentre pas dans la photo de fin, alors Seth offre deux morceaux supplémentaires, les infidèles en veulent toujours plus, la reprise instrumentale de deux titres précédents, il nous chaut de les surnommer le Mortceau et le morSceau car ils sont essentiels à la compréhension de cette œuvre de métal noir par dérision, par dévision, par division, quasi saintphonique, seule l’Initiation vous sauve de la Mort. Une suite funèbre et inquiétante pour l’avènement du règne du Porteur de la Lumière, lampadophore… Ne vous recueillez pas, accueillez-là, à la fin sera le logos philosophique.

             Deux œuvres majeures.

    Damie Chad.

     

    *

    Nous quittons le domaine de l’ésotérisme métaphysique  pour celui de la politique. Encore un groupe de metal ! Quel hasard ! Serait-ce le dernier lieu musical dans lequel on se permette de penser !

    DE REPUBLICA

    GRIFFON

    (Les Acteurs de l’Ombre / Février 2024)

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             Encore une fois Notre-Dame de Paris en couverture. En une situation un peu moins critique et désespérée que sur La Morsure du Christ de Seth mais tout de même en pleine ébullition révolutionnaire, en tout cas les couleurs sont clairement affichées, bleu, blanc, rouge ! Même si le bleu est celui du ciel, le rouge composé de  taches sanglantes et si le blanc voisine encore deux étamines blanches. Le blanc, couleur de la Royauté, et le rouge symbole du peuple. Du sang qu’il a dû verser pour la liberté.

             Saluons avant tout le courage de Griffon de s’immiscer dans le dialogue politique. Une source de controverses infinies déploreront certains, une façon comme une autre d’activer le jeu des contradictions dialectiques riposteront d’autres. Les premiers rétorqueront que la paix sociale est bénéfique au commerce et les seconds affirmeront que toute contradiction se doit d’être résolue par la révolutionnaire logique de l’Histoire. Nous ne manquerons pas de nous glisser dans le débat.

             Sinaï : guitars, bass / Kryos : drums / Aharon : harmony, vocals / Antoine : Harmony, vocals.

    Ôtons-nous d’un doute depuis la récupération par Nicolas Sarkozy de la figure de Jaurès, nous devons nous méfier. Que la droite qui coupe allègrement et néanmoins lourdement dans les budgets sociaux et régaliens pour les redistribuer aux affairistes, aux entrepreneurs et aux actionnaires, bref pour accentuer la mainmise d’une ploutocratie libérale sur le pays, l’on s’attend à tout. Rassurons-nous tel n’est pas le propos de Griffon.

    L’Homme du Tarn : ne point se tromper, la canonnade qui se fait entendre au début du morceau n’est point celle d’une  de quelques canons dérobés par une émeute populaire, mais ce gigantesque bruit de fond qui a bercé parfois  durant des mois les troupes levées en 1914. Ce n’est point non plus le Jaurès chanté sur son ultime album par Jacques Brel qui met en avant le leader socialiste dénonçant sans arrêt les conditions épuisantes des travailleurs attachés à leurs tâches, celui qui n’a eu de cesse, jusqu’à son assassinat, de s’opposer à la guerre qui venait. Ce n’est donc pas une surprise que se joint au brouhaha le refrain de la chanson Le Soldat de Marsala écrite en 1860 par Gustave Nadaud, qui connut en 1848 Eugène Pottier qui créa L’Internationale… Enfin survient la tornade que l’on attendait, faut s’accrocher, en seize octosyllabes est résumée l’œuvre politique de Jaurès de ses premiers combats contre les possédants et la réalisation de ses prophéties quant aux carnages qu’il pressentait, le vocal fuse comme des balles de mitraillettes, mais à notre goût l’impact metallique n’est pas à la hauteur de ce à quoi on s’attendait, survient une première rupture, la musique s’amoindrit et Griffon récite quelques phrases d’une déclaration de Jaurès, l’impression d’écouter un professeur d’histoire qui lit un texte, le metal des obus  revient, mais des petits calibres, coupure acoustique encore une lecture, d’une voix moins professorale et davantage altérée que la précédente, déclaration courageuse quant au sens, la France aussi coupable que l’Allemagne et la Russie de la tragédie, et l’on repart au galop d’une charge de cuirassés, le texte est très dense, condamnation de l’Union sacrée, (à part quelques petits groupes d’anarchistes l’on partit la fleur au fusil, nous explique la propagande, Griffon oublie d’expliquer que la Grande Guerre permit avant tout de se débarrasser de toute une génération anarchisante et motivée pour la lutte sociale), le morceau court sur son ère, il ne nous convainct guère… The Ides of March : bizarrement le texte est en anglais et en grec ( serait-il emprunté ou fortement inspiré par Shakespeare) quant au grec il s’explique aisément la noblesse romaine s’exprimait aisément en langue hellène, guitare acoustique, ambiance lourde et soudain le déferlement, les conjurés se regroupent autour de César et c’est l’assassinat, un moment historique qui décide du Destin de Rome et du monde, juste le crime et le silence médusé devant le corps du Dictateur, Griffon a voulu marquer ce jour fatidique d’une pierre rouge, la musique s’apaise… il y a ce que l’on dit et le sens qu’on donne à nos actes, le titre de l’album est sans équivoque, mettre en valeur les principes républicains, les idées sont belles mais la réalité est plus sordide, la noblesse romaine est corrompue, à des hauteurs inimaginables, cent ans de guerre civile, Auguste qui succèdera à César imposera, non pas la monarchie mais le principat auquel se substitua peu à peu le terme désignatoire d’Imperium, mais ceci est une autre Histoire. De l’insurrection : autre épisode les Trois Glorieuses, magnifiées par le tableau La Liberté Guidant le Peuple de Delacroix, Rythme allègre, chaloupé, il est vrai qu’avec 1936 et 1968, 1830 fut une révolution joyeuse, en trois jours le Peuple et ses barricades boutèrent hors de France Charles X, il est dommage que le texte final de Victor Hugo ne soit pas lu avec davantage d’emphase, les journées qui suivirent juin 1930 furent moins triomphales, le peuple floué par la bourgeoisie retrouva très vite sa vie misérable, sans doute Griffon a-t-il choisi cet évènement pour illustrer le texte  de la Déclaration des Droits de l’Homme de la révolution 1789 qui instaure un droit à la violence inaliénable : Contre la tyrannie la révolte est un droit. Remarquez que si aujourd’hui vous tentez de l’exercer vous êtes traités de terroristes…

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    La semaine sanglante : les quarante mille morts de la Commune, encore une insurrection, réprimée dans le sang : une intro funèbre mais très vite un déchaînement de violence survient, la révolution n’est pas un dîner de gala, l’on aimerait que le metal cliquette comme des balles de fusil, il n’en est rien, le jeu se calme trop vite pour la lecture d’un extrait des mémoires d’un communard, la mise en avant des grands principes, vaudrait mieux décrire les combats, dès que l’on discute l’on perd du temps, on laisse l’ennemi prendre de l’avance, bientôt l’on est conduit au supplice,  ce morceau manque de nerf, beaucoup de révolte mais trop d’acceptation, la démocratie n’est qu’un leurre, le gouvernement par excellence de la Bourgeoisie, les années qui suivront et se termineront en 1914 en apporteront la preuve… La Loi de la Nation : en 1793 on aurait accusé Griffon de tiédeur, ce morceau en est la preuve évidente, il est une récupération éhontée de la Loi de séparation de l’Eglise et de l’Etat à laquelle de 1872 à 1905 l’Eglise s’opposa de toutes ses forces, le morceau entre en fureur contre les évènements de la Révolution Française qui mit à mal l’Eglise, principal soutien et inestimable moyen de coercition au service du pouvoir Royal, au pas… cette loi de laïcité est maintenant présentée comme un bienfait qui permet aux chrétiens de pratiquer leur culte en toute liberté, lors de sa préparation et de sa promulgation, au moment de sa promulgation elle n’apparut pas aux chrétiens pour une loi de haute sagesse… De Republica : le texte des lyrics est précédé d’un résumé de la situation actuelle de la prise du pouvoir par de Gaulle à la montée d’un pouvoir présidentiel macroniste, osons le mot, un président qui en 2022 ne possède plus la majorité à l’Assemblée Nationale et n’en continue pas moins à s’accrocher au pouvoir comme un naufragé à sa une planche de salut pourrie… Le peuple gronde. Déjà les Gilets Jaunes en 2018…Il ne se soulève pas encore mais l’on ne sait jamais, cet ultime morceau est le plus réussi, le plus fougueux, il est bâti comme les précédents mais le son est beaucoup plus serré, plus dur. Commence tristement, Bonaparte vient de réussir le coup d’Etat du 18 Brumaire, l’on peut dire sans trop exagérer qu’il détient pratiquement le pouvoir personnel…  la République a abdiqué d’elle-même, elle est tombée sans faire trop de bruit.

             Griffon s’est attaqué à une drôle de gageure : exposer un principe politique en six points, chacun d’eux étant représenté par un évènement historial important. Plus de deux mille ans d’Histoire sont convoqués. Le tout exposé en moins de quarante minutes. Autant vous demander de résumer La Recherche du Temps Perdu en quarante lignes. Encore auriez-vous une chance inespérée car dans De Republica la musique laisse peu de place au texte… Autant parier que vous avez la malchance de vous mettre à dos la grande majorité des auditeurs.  

             Les esprits pinailleurs et férus d’Histoire se régalent, sont aux anges. Apparemment le public ne s’est pas montré récalcitrant à la proposition de Griffon. Cette tentative, malgré ses limites, mérite d’être saluée. Le courage intellectuel, l’audace d’exprimer ses idées est une denrée rare et précieuse.

    Damie Chad.