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  • CHRONIQUES DE POURPRE 608: KR'TNT 608 : THIN LIZZY / PM WARSON / THE REVEREND PEYTON'S BIG DAMN BAND / O.C. TOLBERT / LOU REED / ROCKABILLY GENERATION NEWS / ALAIN COURAUD / GENE VINCENT / DEMONIO / MELT / MY DEATH BELONGS TO YOU / AMER'THUNE / ROCKAMBOLE

    KR’TNT !

    KEEP ROCKIN’ TIL NEXT TIME

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    LIVRAISON 608

    A ROCKLIT PRODUCTION

    FB : KR’TNT KR’TNT

    06 / 07 / 2023

     

    THIN LIZZY / PM WARSON

    THE REVEREND PEYTON’S BIG DAMN BAND

    O.C. TOLBERT / LOU REED  

    ROCKABILLY GENERATION NEWS 

     ALAIN COURAUD / GENE VINCENT / DEMONIO

      MELT / MY DEATH BELONGS TO YOU

     AMER’THUNE / ROCKAMBOLESQUES

     

     

    Sur ce site : livraisons 318 – 608

    Livraisons 01 – 317 avec images + 318 – 539 sans images sur :

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    IRREMPLACABLES ADMIRATRICES

    &

    FOLDINGUES ADMIRATEURS

    NE CROYEZ SURTOUT PAS

    QUE NOUS PRENONS DES VACANCES,

    PAS DU TOUT

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    AFIN QUE LE  31 AOÛT 2023

    VOUS PUISSIEZ ENFIN VOUS REPAÎTRE

    DE CES CHRONIQUES SANS LESQUELLES

    VOTRE VIE MANQUERAIT

    D’UNE INJECTION HEBDOMADAIRE

    DE ROCK’N’ROLL !

     

     

    Tête de Lynott

    - Part Two

     

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             Chacun de nous a eu sa dose, et même son overdose, de Lizzy, surtout les ceusses qui dévorent la presse anglaise, une presse toujours aussi friande du rise and fall of the Lizzy King, Phil Lynott. On voit même encore paraître des numéros spéciaux de Classic Rock consacrés à Lizzy. Oui, Lizzy fait vendre, mais pour de bonnes raisons, ce qui est rare, alors autant le signaler.

             Phil Lynott reste un cas unique dans l’histoire du rock anglais. Black, il n’avait aucune chance. De la même façon que Jimi Hendrix, il doit tout à son immense talent. Sur les 13 albums de Lizzy, tu vas trouver une série de hits qui comptent parmi les joyaux de la couronne. On considérait jadis les albums de Lizzy comme des huîtres, tu les ouvrais et tu pouvais trouver une perle, parfois deux. Et pas des petites perles, ces grosses perles noires qui embrasent ton imagination. 

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             Il existe une petite bio du Lizzy King, signée Mark Putterford : Phil Lynott: The Rocker. Putterford n’est pas Nick Kent. Il propose néanmoins un bon book, un book sans prétention, dont la discographie constitue l’épine dorsale. Putterford ne s’est pas cassé la tête, il avance par petites étapes, comme un pèlerin sur le chemin de Compostelle, et s’arrête à chaque album pour s’extasier et sombrer dans une sorte de béatification. Quand on connaît la qualité des albums, on sait qu’il n’y a rien de choquant dans cette posture. 

             Dans son intro, Putterford met le doigt sur ceux faits essentiels : Lizzy est «the first internationally successful Irish rock band», et Phil est devenu «the biggest rock star since Jimi Hendrix». Putterford cite aussi son «astonishing capacity for drinks and drugs». Il a raison de chanter les louanges de Phil qu’il qualifie de first real Irish rock star - A musician, a poet, a performer, a leader, a Lothario, a Casanova, a fighter, a charmer, a gambler, a gyspsy, a rogue, a cowboy, a renegade, a hellraiser, a hero... he was unique in every way - Pas mal comme hommage, non ? Il le qualifie plus bas d’Hollywood Romeo avec son œil caché et sa fine moustache, ses longues jambes gainées de cuir noir, style and charisma, Putterford n’en finit plus de s’extasier, et il a raison. Phil est un très beau mec. Il cite encore son cheeky grin, son sourire assassin. Et ça continue avec le côté proud, «the proud man, l’homme fier de sa mère, Philomena, et de ses deux filles, fier de sa couleur de peau et fier de sa patrie, l’Irlande.» Réciproquement, Dublin est une ville qui se montre toujours fière de lui. L’Irlande, nous dit Putterford, c’est aussi «James Joyce, Oscar Wilde, George Bernard Shaw, W.B. Yeats, Sir Thomas Moore, Brendan Behan, Oliver Goldsmith, Jonathan Swift and more.» 

             Smiley Bolger rappelle tout de même qu’avant Phil, il y avait Van Morrison - But he was a more cool-headed kind of guy - et Rory Gallagher - Tout ce qu’il voulait c’était rester en 65, still playing the guitar - Phillip was different. He was the party man. He was into the grace of a black man, the cool dude - Et il ajoute : «He had the looks. He had the style. He had the ideas. He used to say, ‘Give me half an idea and I’m away.’» Bolger le voit comme a natural rock-star. Phil qualifiait sa facette rock star de ‘me act’. Parfois, il admettait qu’il était «sick of himself». Phil devenait trop Phil. Geldorf ajoute que Phil fut the only true Irish rock star : «Van Morrison ne fut jamais considéré comme une rock star, parce qu’il ne ressemblait pas à une rock star, d’une part, et d’autre part, il ne voulait surtout pas ressembler à une rock star.» Phil va vivre the mythical rock star existence jusqu’au bout, et selon Geldorf, ce qui causera sa perte.

             Au début, Phil est fan de Jimi Hendrix. Il se passionne aussi pour Astral Weeks et Beck-Ola. Il flashe en plus sur l’Hang Me Dang Me d’Heads Hands And Feet, et notamment sur le bassman Chas Hodges, qu’on retrouve dans Chas & Dave - One of his main bass playing influences - Phil flashe aussi sur There’s A Riot Goin’ On de Sly & the Family Stone, et of course, sur le White Album. Wow ! On comprend mieux d’où sort de génie de Phil Lynott. Il adore aussi Humble Pie.

             L’homme clé dans le destin de Lizzy n’est autre que Ted Carroll, le futur Ace man. Il s’occupe d’eux quand le groupe s’appelle encore the Black Eagles. Phil et Brian Downey tapent des covers des Yardbirds et des Small Faces. Puis Phil chante dans Skid Row, avec Brush Shiels, and a kid from Belfast called Gary Moore. Mais Shiels vire Phil qui est pourtant son meilleur ami. En dédommagement, il lui apprend à jouer de la basse. Skid Row va continuer de son côté et fera une petite carrière riquiqui. C’est Phil qui va percer.

             Il apprend vite. Il montre une détermination à toute épreuve. Il monte Orphanage avec son copain d’école Brian Downey, puis rencontre Eric Bell, qui jouait alors dans John Farrell & The Dreams. Bell propose de monter un groupe. Phil pose ses deux conditions : jouer ses compos et jouer de la basse. Bell : «Well let’s give it a go.» Par sa détermination, Phil impressionne Bell Bell Bell et Brian Downey - he worked hard to achieve that distinctive Lizzy sound - C’est Bell Bell Bell qui trouve le nom du groupe dans un comics nommé Dandy : un personnage robot nommé Tin Lizzy, «the Mecanichal Maid», qu’ils transforment en Thin Lizzy. Et pouf c’est parti ! Ted Carroll les co-manage. Ils jouent en Angleterre avec notamment les Flirtations, ou encore l’Edgar Broughton Band.

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             Frank Rogers signe l’early Lizzy à Dublin et les envoie enregistrer leur premier album sans titre au studio Decca de West Hampstead, à Londres, là où les Stones et Mayall ont enregistré. Dès Thin Lizzy, Phil montre les prédispositions d’une superstar. La qualité des compos ne trompe pas, surtout quand il s’agit d’«Honesty Is No Excuse». Il est là, épique épique et colegram, troubadour d’afro Irish roots, précoce expert du big fat deepy deep mélodique. Il met un certain temps à poser les éléments, accompagné par Bell Bell Bell le bien nommé, et soudain le Phil à la patte déploie ses ailes immenses - And now I know/ I see the light/ And honesty was my only excuse - On tombe plus loin sur un «Ray Gun» quasi hendrixien que nous wahte le Bell Bell Bell comme le jour. Il faut entendre Phil chanter «Look What The Wind Blew In» à l’éclat de la revoyure. Il se situe déjà à l’extrême pointe du progrès. On le sent intimement déterminé à vaincre. Il dubline tout sur son passage. Il ramène déjà la notion de Dublin Cowboys, l’Americana irlandaise selon le Phil en aiguille. Une autre perle noire se niche en B : «Return Of The Farmer’s Son», fabuleux shake d’heavy jam. C’est le pinacle du power trio, avec le Brian qui bat son beurre et le Phil qui rôde dans ses basses œuvres. Le voilà lancé, rien ne l’arrêtera plus. Il termine ce très bel album avec «Remembering» qu’il attaque à l’éplorée, mais avec une réelle assise. Il bâtira son vaste empire sur cette assise. Lizzy se barre en mode jam power, c’est leur petit apanage, Phil adore taquiner la bête, et il redémarre au keep remembering

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             Tout aussi impressionnant, Shades Of A Blue Orphanage paraît l’année suivante. Le titre s’inspire des deux formations précédentes : le Shades of Blue de Bell Bell Bell et l’Orphanage de Phil & Brian Downey. Tu as trois perles noires dans cette huître : «Buffalo Gal», «Chanting Today» et le morceau titre. Phil y fait son retour de mélodiste magique, il affabule sa Buffalo Gal dans le vestibule, c’est un homme fin et doux, et derrière, Bell Bell Bell le bien nommé joue liquide. Lizzy, c’est déjà une affaire sérieuse. Ils vont tourner pendant dix ans avec une moyenne de trois perles par huître. Avec Chanting, Phil pose sa tension mélodique en appui sur les espagnolades de Bell Bell Bell. Phil chante à la merveilleuse arrache. Il y a du Lord Byron en lui, une sorte d’élan naturel vers l’absolu marmoréen. Et puis il peuple son morceau titre de personnages, the clever con, the good Samaritan, the ras claut man, the loaded gun, the charlatan et plus loin, the laughing cavaliero, the wise old commanchero, the desperate desperado, the gigolo from Glasgow, the good looking Randolph Valentino & the female Buffalo. Comme Dylan, il pose les fondations de sa mythologie.

             Pendant l’enregistrement de Shades Of A Blue Orphanage, Blackmore fait de l’œil à Phil. Il essaye de le débaucher pour monter un super-groupe nommé Baby Face avec Ian Paice et Paul Rogers. Quelques répètes, mais Phil préfère rester avec Lizzy plutôt que de tenter l’aventure avec le big name Blackmore. Fin de Baby Face. Blackmore rentre à la maison, chez Purple.

             C’est l’époque de la fameuse tournée avec Slade et Suzi Quatro, et Lizzy en première partie. À Liverpool, Lizzy se fait jeter au bout de deux cuts à coups de canettes. Mais c’est en voyant Noddy Holder driver son public que Phil pige tout. Il apprend littéralement son métier de performer lors de cette tournée. Chas Chandler vient même trouver Lizzy dans la loge : «Soit vous faites un effort, soit vous dégagez de la tournée. Vous êtes là pour chauffer le public, pas pour l’endormir !» Chas s’énerve, il a raison, «Sort yourselves out!». Ce sera la grande leçon. Mais le public anglais est féroce. Un mec lance à Phil : «Get off yer black arse - get back to Africa!». Phil garde son calme et répond : «Look pal, just give us a chance, eh?». Putterford restitue bien le style vocal de Phil, ce slang irlandais aux tonalités descendantes - Gigantic pair of legs and thick Irish accent.

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             Troisième et dernier album de l’époque Bell Bell Bell, Vagabonds Of The Western World. L’huître propose trois nouvelles perles noires : «Whisky In The Jar», «The Rocker» et «Song For While I’m Away». Le Whisky est sans doute le hit le plus connu de Lizzy, Phil le prend à la bonne arrache. Ils sont tous les trois parfaitement à l’aise dans leur bel univers mélodique. C’est monté au petit beurre du brillant Brian. Bell Bell Bell te claque la grosse intro de «The Rocker». L’énergie est purement hendrixienne - I’m a rocker/ I’m a roller too baby ! - Saluons aussi le heavy boogie blues de «Mama Nature Said» en B. Phil grimpe directement au sommet de son chat perché, il est toujours très héroïque, très élancé, très brillant et derrière, Bell Bell Bell te claque des riffs au bottleneck. Comme on l’a vu dans l’hommage qu’on lui rendait ici même en 2019, Eric Bell est un fiévreux virtuoso, un tisseur de toiles faméliques. Le clou du spectacle est bien sûr «A Song For While I’m Away», qui donnera son titre au docu consacré à Phil - You are my life/ You are my everything/ You are all I have - Fantastique orchestration, bien nappée de violons, c’est une merveille intimidante, Phil chante un fondu de tendresse chaude. Impossible de se lasser de ce mec. L’autre grande particularité de l’album est sa pochette. C’est la première que dessine Jim Fitzpatrick pour Lizzy. Comme Petagno avec Motörhead, Fitzpatrick va signer quasiment toutes les pochettes de Lizzy.

             Bell Bell Bell craque. Il ne tient pas la pression - I was losing my mind and I couldn’t handle it - Pour finir la tournée, Phil fait appel à Gary Moore qu’il connaît depuis le temps de Skid Row.  Phil aimerait bien continuer Lizzy avec Gary Moore, mais Moore est incontrôlable. En quelques mois, il fait un burn-out. Et il y a une petite rivalité entre Phil et lui. Moore capte l’attention et ça ne plaît pas trop à Phil. Moore se barre. De toute façon, il n’allait pas tenir. Phil teste ensuite John Du Cann pour une tournée en Allemagne, mais ça se passe mal entre Phil et lui. Du Cann se prend pour Blackmore. Encore des problèmes d’ego - He expected to be treated like a superstar - Frank Murray raconte qu’en arrivant en Allemagne, Du Cann a posé sa valise par terre, attendant que quelqu’un la porte, et Murray lui dit : «Look pal, in this band you carry your own fucking case!». Fin des haricots.

             Puis Phil remonte le groupe avec deux guitaristes. Il entre dans une ère nouvelle, celle du twin guitar attack de Scott Gorham/Brian Robertson. Gorham est un Californien installé à Londres, et Robbo vient d’Écosse. C’est à ce moment-là que Ted Carroll arrête de manager Lizzy pour se consacrer à son Rock On stall. Il va ensuite monter Chiswick Records et signer Motörhead.

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             Premier album du quatuor flambant neuf : Nightlife. Lizzy décroche une belle avance de Phonogram et Fitzpatrick dessine la pochette. Par contre, la relation avec le producteur Nevison tourne au cauchemar. Phil compose à bras raccourcis, toujours au sommet du lard. Ah il faut l’entendre groover son morceau titre sur sa basse, c’est d’une classe invraisemblable, un vrai tour de force melodico-bassmatique. En B, tu tombes sur «Philomena», c’est-à-dire sa mère. Cut mélodiquement pur, monté sur un brave petit mid-tempo. Pas trop de twin guitar attack sur cet album, sauf ici, à la fin du solo de «Philomena». Phil renoue avec l’Hendrixité des choses sur «Sha La La». Gorham et Robbo jouent au puissant délié de twin guitar, avec le buzz buzz de Phil. Brian Downey se tape la part du lion, c’est lui qui claque le beignet du cut. L’album s’achève avec «Dear Heart», une nouvelle merveille d’harmonie mélodique, doucement violonnée. Le bassmatic de Phil transparaît bien dans le mix, on ne le perd jamais de vue. Globalement, Nightlife est un album élégant. Ce «Dear Heart» te va droit au cœur.

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             Ils jouent les gros durs des Batignolles sur la pochette de Fighting. Ils sont marrants, car pas crédibles. Il y eut même, nous dit Putterford, une photo de Lizzy avec les pifs sanguinolents, mais le label l’a refusée. Comme Nevison a laissé un très mauvais souvenir, Lizzy s’auto-produit. Le «Rosalie» d’ouverture de balda tape dans la Stonesy. C’est quasiment «Happy», même sens de l’envol et de l’insistance. L’album est très classique, très boogie rock. Phil y va au ya ya ya sur «Suicide» et on retrouve le twin guitar attack en contrefort de «Wild One». On les voit essayer d’exprimer la violence dans «Fighting My Way Back», en exacerbant le riff et le beurre. C’est assez marrant. Ça pourrait presque marcher. On se régale aussi du «King’s Vengeance» en B. Il y a toujours du flourish et du blooming dans l’univers musical du grand Phil à la patte. Les morceaux pauvres de l’album sont ceux des autres (Robbo signe «Silver Dollar»). Retour au vrai son de Lizzy avec «Freedom Song» qui préfigure «Boys Are Back In Town».

             Phil flashe pas mal sur l’Amérique, comme le rappelle Putterford, «un pays où les hommes sont des cats et les femmes des chicks, la police des cops, et les barmen des bartenders, les autoroutes des highways et les trottoirs des sidewalks.» Il est fasciné par la culture américaine, par cette loi de la jungle qu’on retrouve bien sûr dans ses lyrics.

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             On parlait du loup, le voilà : «The Boys Are Back In Town» ouvre de bal de B de Jailbreak, un Vertigo sorti en pleine aube punk, en 1976. C’est le hit définitif de Lizzy. Tout le town est là, merveilleusement là. C’est balancé, chaloupé au bassmatic. Retour du Dublin Cowboy dans «Cowboy Song», Phil y ramène son Buffalo et son Romeo. Le morceau titre de l’album est bien gratté, mais il peine à jouir. Par contre, «Running Back» ne paye pas de mine au premier abord, mais ça devient du pur Lizzy. C’est avec cet album que le twin guitar attack entre en full bloom.  Gorham avoue que Wishbone Ash l’utilisait déjà avant eux, mais en moins agressif. Le twin va devenir «the Lizzy sound». Après la catastrophe graphique de Fighting, Fitzpatrick est de retour.

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             Pendant qu’il est à l’hosto pour une petite hépatite, Phil compose les cuts de l’album suivant, Johnny The Fox. Tu vas y trouver deux inexorables Beautiful Songs : «Borderline» et «Old Flame». Phil épouse la mélodie de Borderline, une véritable merveille d’élégance. On retrouvera cette qualité mélodique chez Midlake. Et en B, «Old Flame» sonne comme l’idéal Lizzy : chant mélodique enduit de Twin. C’est un son unique dans l’histoire du rock anglais. Dans «Johnny The Fox Meets Johnny The Weed», Phil travaille à l’insidieuse, avec un riff têtu comme une mule. Et avec «Massacre», il revient à ses chers Buffalos. C’est une obsession. On entend une belle mélasse de twin dans «Rocky». Ces mecs savent s’entremettre. Phil chante son «Fools Gold» sous l’alizé d’un twin douceâtre et il boucle cet album avec un «Boogie Woogie Dance» percé en plein cœur par un solo liquide. Lizzy reste sur des charbons ardents jusqu’au bout du Fox. Pour l’anecdote, il faut savoir qu’on a demandé à Fitzpatrick de dessiner la pochette de l’album alors que Lizzy n’avait pas encore choisi le titre. Il insiste auprès de Phil, «Just think of any title», alors Phil répond : «Ah call it Johnny The Fox, that’ll do.»

             Mais Phil a des problèmes avec Robbo, qui est incontrôlable. Robbo cogne. Phil demande à Gary Moore de partir en tournée américaine avec Lizzy. Robbo sait que Moore ne va pas rester avec Lizzy, il n’est pas trop inquiet.

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             Bad Reputation restera dans l’histoire du rock pour «Southbound», un chef-d’œuvre de ghost town mélodique, sucré au twin de rêve. Phil est dans son élément, c’est une merveille de contrôle des mesures, il sait driver une extra-balle de southbound. On retrouve ici le magicien, le fantastique pourvoyeur de chansons parfaites. Alors évidement, les autres cuts ont du mal à rester au même niveau. On trouve du twin bien moelleux, et même délicieux, dans «Soldier Of Fortune», et dans le morceau titre, joué nettement plus sous le boisseau. Scott Gorham joue tous les shoots de twin tout seul. Phil boucle avec un «Dear Lord» qu’il prend à l’éplorée, comme il sait si bien le faire, bien lubrifié par une lampée de twin. Pas de Robbo sur la pochette. Lizzy a voulu lui donner une leçon. Pas de Fitzpatrick non plus.

             Pendant la tournée américaine, Phil sniffe des tonnes de coke et prends des downers pour essayer de dormir un peu, mais il faut se réveiller de bonne heure pour monter dans le bus en partance pour la prochaine ville, alors Phil est de mauvaise humeur. Il cherche la bagarre.

             Puis Robbo revient dans Lizzy. Gorham est content, même si Robbo «is a fucking nutcase». Phil le tient à distance. Terrie Doherty : «Le problème de Robbo est qu’il était trop agressif. Il était toujours prêt à se battre avec quelqu’un, il m’a même menacé de me casser la gueule.» Dans les bars, Robbo, «completely out of it», cherche tout le temps la cogne. Quand on essaye de le calmer, il s’énerve encore plus. Alors Phil le chope et lui demande de s’excuser, ce qu’il ne fait pas. Robbo finit par être viré pour de bon - I was really just out of control, a complete asshole - Il boit comme un trou et prend du speed, ce qui n’arrange rien. Il se sent en permanence comme un bâton de dynamite, prêt à exploser. Il dit siffler à cette époque deux bouteilles de Johnny Walker Black Label par jour : «une demi-bouteille au soundcheck, une demi-bouteille juste avant de monter sur scène et une autre bouteille pendant le gig.» Maintenant, il sait qu’il s’est comporté comme un con - I now know what a prat I was. And we all know what a prat Phil was, parce qu’il n’est plus avec nous aujourd’hui - Pas mal, le Robbo. Il conclut ainsi : «Mais tu ne vois tes erreurs qu’une fois commises. Et alors, c’est trop tard.» Gary Moore le remplace. C’est son troisième stage en temps que «full time member» dans Lizzy en quatre ans.

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             C’est l’année suivante que paraît Live And Dangerous, considéré avec No Sleep Till Hammersmith comme l’un des meilleurs albums live de l’histoire du rock anglais. Facile pour Phil : il n’a que des hits. Comme Lemmy, d’ailleurs. Le balda est irrésistible. La marée commence à monter avec un «Emerald» gorgé de twin, et ils enchaînent avec «Southbound». Ah il faut le voir, le Phil, entrer dans son lagon d’’argent, suivi du twin le plus mélodique du monde. S’ensuit un medley «Rosalie/Cowgirl’s Song», heavy boogie de Bob Seger, idéal pour des blasters comme Lizzy. Avec les deux cocottes, ils ramènent tout le sel de la terre. La brutalité du riffing restera dans les anales. La B retombe complètement à plat et il faut attendre «The Boys Are Back In Town» en C pour reprendre de l’altitude. C’est le hit, pas de problème. On peut en dire autant de «Don’t Believe A Word». L’exercice du pouvoir doublé au twin, voilà le grand art de Lizzy, voilà sur quoi repose leur extrême crédibilité. Putterford rapporte une anecdote délicieuse. Chris O’Donnell évoque avec Bernie Rhodes la possibilité d’une double affiche Lizzy/Clash at the Roundhouse et Rhodes lui dit : «We don’t just do gigs, we make political statements. Everything has to be dangerous, do you understand?». Ça fait bien marrer O’Donnell qui appelle Phil pour lui suggérer un titre pour ce double album live : «How about Live and Dangerous?»

             Lizzy est l’un des rares groupes qui a su échapper à la purge punk. Phil a su garder sa street credibilty. Lizzy ne fait pas partie de ce qu’on appelle alors les dinosaurs. Phil est fin, il a tout compris : keep in the move. Il reçoit les punks chez lui. Sid & Nancy in the toilet - That fucking Sid he comes round here shooting up, il pose la seringue par terre, la ramasse et vlahhh straight back in his arm, it’s fucking terrible - Même si Phil en a vu d’autre, le Sid & Nancy in the toilet, c’est quelque chose ! Chez Phil, c’est porte ouverte et table ouverte - He was an open house, 24 hours a day - Phil est bien pote avec les London punks. Il monte une première mouture des Greedy Bastards avec Steve Jones, Paul Cook, Gary Moore, Scott Gorham, Brian Downey et Chris Spedding. Vient jouer qui veut. Les voilà sur scène à l’Electric Ballroom, «a few Lizzy songs, a few Pistols songs, le «Morotbiking» de Chris Spedding, le «My Way» de Sid Vicious and whatever.» Cette année-là, Phil joue aussi sur le So Alone de Johnny Thunders.

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             L’année suivante, Lizzy enregistre Black Rose à Paris avec Tony Visconti. Un Visconti qui sa plaint du Phil trop méticuleux : il peut passer en effet six ou sept heures sur un cut avant qu’il ne soit content de sa partie chant. Il a raison le Phil à la patte d’être méticuleux : ça engendre des coups de génie. Tu as deux perles dans l’huître : «Do Anything You Want To» et «Waiting For An Alibi». Gary Moore remplace Robbo. Le twin guitar attack est encore plus virulent qu’avant, et Phil y va à coups de compromise you, c’est plein de vagues de twin, Lizzy est au sommet du lard. Encore une chanson parfaite de Phil Lynott. «Waiting For An Alibi» sonne bien les cloches, avec la fantastique résonance de l’Alabaï dans les ponts de basse. Phil drive sa pop rock comme s’il drivait l’attelage d’une diligence et c’est couronné de fabuleux shoots de virtuosité signés Gary Moore et Scott Gorham. Leurs tours de twin donnent le tournis. «Toughest Street In Town» est plus poppy, mais Phil crée quand même l’événement, il produit du blossom et du blooming anthemic en permanence. Ses chansons sonnent pour la plupart comme des hits immémoriaux. On s’extasie encore à l’écoute de «Get Out Of Here», en B, car c’est chanté à la clameur sur de belles brisures de rythme et des relances mélodiques extraordinaires. Fitzpatrick se dit fier d’avoir dessiné les quatre Lizzy, surtout Phil : «Je lui ai mis les cheveux sur l’œil pour lui donner un petit air de Max la Menace, et un petit air de Little Richard avec la fine moustache (un look que va pomper Prince plus tard).»

             C’est pendant le séjour parisien que l’héro fait son entrée dans Lizzy, même si Gorham en prenait déjà quand il vivait encore en Californie. À partir de ce moment, ça ne s’arrêtera plus. Gorham : «It was always right there on the table, right in front of his face, all the time.» Mais Lizzy ne tape pas que l’hero, Lizzy tape tout - It was the real downfall of Thin Lizzy - Gorham ajoute : «We were living the image of the rock’n’roll band to the full, and it has to be said that we loved every minute of it.»

              Bob Geldorf rapporte une anecdote pas très glorieuse pour Phil. Geldorf vit alors avec une certaine Paula Yates. Un soir, Phil débarque chez eux et propose un rail à Bob qui sniffe sans savoir que c’est de l’hero. Il se retrouve aussitôt aux gogues en train de vomir ses tripes, et pendant ce temps, Phil file dans la piaule pour aller baiser Paula qui est couchée. Phil sort sa bite et dit à Paula : «This is my biggest gun, darling» !», ce qui ne la fait pas rire : «For fuck’s sake, don’t be so ridiculous, Phillip!». Geldorf : «Pour aller tirer ma poule, il m’a fait un rail d’hero qui m’a presque tué.» Mais au fond, il n’arrive pas à en vouloir à Phil. «Il tentait le coup, c’est tout. Comme il l’avait toujours fait. C’était pour rire. Et tu finis par en rire aussi.» Ces mecs-là ont un sacré savoir-vivre.

             Phil est donc un curieux mélange «de diamond geezer et de complete bastard, d’easy-going drinking pal et de moody ogre, the joker, the sulker», Putterford voit clair dans le jeu de cette superstar, «ce simple Irish boy qui regarde la télé avec sa grand-mère, et qui est aussi the international Playboy raging around the world in a chemically-induced frenzy.» C’est vraiment très bien senti et très bien écrit. 

             Chris O’Donnell rappelle que la vie de rock star est essentiellement constituée d’attente : avant les concerts, pendant les sessions d’enregistrement, d’où les drogues. Et puis après le rush d’adrénaline du concert, aller au lit ? Impossible ! Drugs ! 

             Mais ça reste tendu entre Phil et Gary Moore. Sur scène, ils s’insultent. Fuck you ! Pire encore : Don Arden fait de l’œil à Gary Moore. Il aimerait bien le signer en tant qu’artiste solo sur son label, Jet Records. En plus, sa girlfriend lui dit qu’il est trop bon pour Lizzy et qu’il devrait entamer une carrière solo. C’est à San Francisco que l’orage éclate entre Phil et Gary Moore. Scott Gorham doit jouer seul sur scène. Lizzy redevient brièvement un trio. C’est là que le manager Chris Morrison fait appel à Midge Ure pour rejoindre Lizzy en tournée. Ure joue dans Ultravox et accepte de dépanner Lizzy. Il prend l’avion pour l’Amérique. Phil compare Ure à Steve Marriott.

             Puis Phil embauche Snowy White, un mec réputé qui a joué avec «Peter Green, Linda Lewis, Al Stewart, Cockney Rebel et d’autres», nous dit Putterford.

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             Chinatown pourrait bien être le meilleur album de Lizzy. En B, tu as une nouvelle preuve du génie mélodique de Phil Lynott : «Don’t I». Il ramène de la mélodie dans le twin, et là, il atteint des sommets. Ce merveilleux artiste utilise le balladif pour prolonger sa vision. Cet homme est un ardent perfectionniste, un amoureux inconditionnel de la beauté. Il a su mettre le pouvoir mirifique du twin au service de la mélodie. Lizzy attaque «We Will Be Strong» au full twin guitar attack. Phil arrive à point nommé pour poser avec aplomb son will be strong. Le morceau titre sonne encore comme une fantastique machine, Brian Downey bat le beurre affreusement bien, il tape au beat rebondi. Cette fois, le twin se compose de Scott Gorham et Snowy White. Encore du classic Lizzy avec «Sweetheart». Phil a toujours un peu la même attaque au chant, son Sweetheart est beau comme un cœur, on ne se lasse pas de ce son gorgé de chœurs de lads et de twin. On se goinfre aussi de «Killer On The Loose» et de sa fantastique tension. Tu as là tout l’Irish power. L’«Having A Good Time» qui ouvre le bal de la B est encore une rock song à thème mélodique suspensif, l’une des grandes spécialités compositales du Phil à la patte. Pour l’anecdote, Fitzpatrick raconte que pour la première fois, on lui a donné un bon délai et un titre d’album - Je ne comprenais pas ce qui déconnait, car pour la première fois Lizzy semblait well-organized - Mais finalement ça finit par déconner pour de bon, car Lizzy a choisi le mauvais visuel pour le recto et le bon pour le verso. Mais Phil, qui se savait déjà iconique, préférait laisser planer le mystère sur la pochette, ce qui, de sa part, était extrêmement avisé.

             Sur scène, Snowy White n’est ni Robbo et encore moins Gary Moore. Il ne bouge pas. Bill Cayley, qui fait partie de l’équipe de tournée, raconte que les mecs du road crew se planquaient derrière le rideau avec des manches à balais pour le titiller et l’inciter à bouger sur scène.

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             Snowy White est encore là pour Renegade, paru en 1981, l’année de l’élection de François Mitterrand. Les perles sont en B : «No One Told Him» sonne comme un hit intemporel, un de plus à l’actif du grand Phil Lynott. Il sonne comme le roi du without you baby. Nouvelle rock-song parfaite, enveloppée au chaud dans la magnifique interprétation du Phil à la patte. Il termine Renegade en prenant son envol avec «It’s Getting Dangerous» - When we were young - C’est encore une fois du très grand art, du big Phil out, il développe sa mélodie, lui donne de l’air et des moyens, c’est assez fascinant de le voir à l’œuvre, de le voir s’élever dans son espace mélodique, il le fait en douceur, sans jamais forcer, when we were small, pur genius. Phil Lynott est le tenant de l’aboutissement. Snowy White est fier d’avoir joué sur cet album. Il estime que Lizzy «was a lot more song-oriented than most heavy bands.» Mais l’album connaît un retentissant échec commercial. Lizzy perd de la puissance. Lizzy runs out of steam.

             Snowy White se désintéresse de Lizzy. Il a pourtant adoré la première année de tournées, mais l’ambiance se dégrade, «Lizzy being Lizzy, repeating the same things over and over, c’est le problème de tous les groupes à succès, liés à une certaine image, à certaines chansons et à une façon de jouer sur scène.» Et puis Phil tient mal la pression du succès. Il picole et prend de l’hero - L’hero lui a permis de se relaxer avec l’idée de se retrouver au sommet - Même Chris O’Donnell en a marre de voir Phil et Lizzy se détériorer sous ses yeux - A once brillant band was turning into a pile of crap before my very eyes - Fin des haricots. Même Scott Gorham en a marre. Il dit à Phil qu’il se barre mais Phil réussit à le convaincre de faire encore un album et une tournée.

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             Phil embauche John Sykes pour enregistrer le dernier album de Lizzy, Thunder And Lightning. Malgré son titre prometteur, l’album retombe comme un soufflé. Le morceau titre est un peu metal. On sent une légère dérive. On perd complètement le Phil à la patte. Même les solos sont bizarres. On perd aussi le twin. On perd tout. En fait, lorsqu’on lit les crédits, on s’aperçoit que ça ne marche pas, lorsque Phil co-signe. Il retrouve sa veine avec «The Holy War», mais c’est trop tard, l’album est plombé. En B, ils sonnent comme un mauvais groupe de metal avec «Cold Sweat», et «Baby Please Don’t Go», qu’on trouve plus loin, est tout de suite plus lumineux, car signé Phil. Plus vivant, plus élégant, plus awsome, plus select. L’album et la carrière de Lizzy s’achèvent brutalement avec «Heart Attack». Adios amigos, thanks for the ride.

             Lizzy a gagné beaucoup de blé, nous dit Putterford, Jailbreak s’est vendu à 1,5 million d’exemplaires, mais tout a été dépensé : Phil voulait des avions et des limousines, pour les tournées américaines, il voulait des hôtels de luxe - He would insist on the rock star lifestyle - Chris Morrison lui dit que ça coûte cher, mais Phil s’en fout. Il indique que Lizzy coûtait à l’époque £500,000 a year, Phil veut que toute l’équipe soit salariée. Morrison ajoute qu’aujourd’hui, un groupe coûte £50,000 par an, alors on voit la différence. À la fin, il ne reste pas un rond.

             Le split de Lizzy est insupportable pour Phil. Il commence à déprimer, ce qui ne lui arrivait jamais. Fitzpatrick le voit prendre du poids, ce qui pour Phil est terrible, car il était très fier de son apparence. Rien n’empêche la dérive, tout part à vau-l’eau, son mariage, le groupe - Phil was so popular. Coke, speed, joints, champagne, anything you wanted, you could have it, dit Mark Stanway. Comme Phil ne supporte pas d’être seul, des tas de gens zonent chez lui, at the Ken Road house, jour et nuit. Porte ouverte, table ouverte, des gens dorment là pendant des mois. Robbo débarque en pleine nuit, John Sykes a sa chambre à l’étage, nous dit Sue Peters. 

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             Juste avant Thunder And Lightning, Phil enregistrait The Phil Lynott Album. Le problème c’est qu’on y entend de la diskö. Il rend hommage à sa fille Cathleen avec «Cathleen», a beautiful Irish girl, et il faut attendre «Ode To Liberty» en B pour renouer avec la bonne vieille heavy pop. C’est excellent. Il montre qu’il peut encore composer des hits. Il termine avec «Don’t Talk About Me Baby», un beau hit qui te réchauffe le cœur.

             On retrouve Phil inanimé chez lui le jour de Noël 1985. Il casse sa pipe en bois à l’hosto une semaine plus tard. On dit que c’est le «prolonged drug abuse» qui a eu sa peau. 36 ans, ça fait quand même un peu jeune. «Philip could eat and drink and do everything more than everyone else. He liked it like that», indique Smiley Bolger. Il était paraît-il solide comme un bœuf.

    Signé : Cazengler, Phil Gnognote

    Thin Lizzy. Thin Lizzy. Decca 1971

    Thin Lizzy. Shades Of A Blue Orphanage. Decca 1972

    Thin Lizzy. Vagabonds Of The Western World. Decca 1973

    Thin Lizzy. Nightlife. Vertigo 1974

    Thin Lizzy. Fighting. Vertigo 1975

    Thin Lizzy. Jailbreak. Vertigo 1976

    Thin Lizzy. Johnny The Fox. Vertigo 1976

    Thin Lizzy. Bad Reputation. Vertigo 1977

    Thin Lizzy. Live And Dangerous. Vertigo 1978

    Thin Lizzy. Black Rose. Vertigo 1979

    Thin Lizzy. Chinatown. Vertigo 1980

    Thin Lizzy. Renegade. Vertigo 1981

    Thin Lizzy. Thunder And Lightning. Vertigo 1983

    Phil Lynott. The Phil Lynott Album. Vertigo 1982

    Mark Putterford. Phil Lynott: The Rocker. Omnibus Press 2002

     

     

    PM at six p.m.

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             Il régnait sur ce parc d’attraction un tenace parfum d’ennui, qu’amollissait en le réchauffant un soleil ardent. Les esprits dylanesques appellent ça the Desolation Row caniculaire. On se souvient que Mark E. Smith haïssait l’été et préférait rester chez lui au frais - J’adore l’été, parce qu’en été je ne sors pas. Quand arrive le mois d’avril, les gens sortent comme des chiens, aussi je reste chez moi. Summer is hell - L’organisation du festival avait réussi l’exploit de dresser une petite scène en plein cagnard, ce qui semblait convenir parfaitement aux festivaliers appâtés par la gratuité de l’événement. Cette période de l’année marque l’apogée du fameux pantacourt, une coquetterie à laquelle le caveman moyen ne se prête guère.

             Histoire de varier les plaisirs, la prog cultivait l’éclectisme. Trois groupes étalés sur l’après-midi. Nous n’étions pas là pour les fruits de l’éclectisme, mais plutôt pour un certain PM Warson. Il devait être six p.m. lorsque PM est monté sur scène. 18 h en français.

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             Pour être tout à fait franc, PM en plein cagnard, ce n’était vraiment pas idéal. Ce jeune groover de London town propose une Soul-jazz très sophistiquée, qui conviendrait plutôt à un club de style round midnite, certainement pas au contexte décrit plus haut. En comme un cours d’eau longeait le parc, on entendait en plus glouglouter les petits flots bleus et quelques rires d’enfants occupés à s’éclabousser. Mélangez ça aux odeurs que dégageait le camion à pizza garé tout près et vous aurez une idée du malaise que dut éprouver PM sur scène. Pour corser l’affaire, il dut jouer devant une assistance réduite à portion congrue, le gros des festivaliers ayant préféré rester à bonne distance, à l’ombre des jeunes filles en fleur et des tamariniers. Par miracle, PM est un artiste passionnant, ce qui nous permit de tolérer des conditions aussi peu propices à l’éclosion de l’art. Alors il enfila ses perles, une par une, il joua softy-softah, accompagné d’une petite gonzesse à l’orgue, d’un excellent beurreman et d’un bassman jazzy qui groovait tout au doigt sur sa bonne vieille Fender. PM portait un chapeau de mover-shaker du jazz world et des lunettes noires. Il semblait sortir tout droit de Mo’ Better Blues, le chef-d’œuvre de Spike Lee. Et pour compléter ce tableau presque idyllique, PM sonnait exactement comme Nick Waterhouse. Il évoluait dans ce son, cet élégant groove de Soul Jazz que promotionne Eddie Piller sur son label Acid Jazz. Profitons de l’occasion qui nous est donnée pour rappeler qu’Acid Jazz et Daptone sont devenus les deux pôles de la modernité, et donc arbitres des élégances. Leur enfant caché s’appelle Colemine.

             Donc pas de problème. PM jouait sa carte avec brio. Il claqua une belle cover d’«I Don’t Need No Doctor». Il tapa même un bref instro de surf. Sur la plupart de ses cuts, il passait des solos flash extrêmement bien ficelés. Il boucla son set avec une autre cover, «The Letter», qu’il groova admirablement. Ce ravissant clin d’œil aux Box Tops fit danser la maigre assistance. On était vraiment ravi de l’avoir vu jouer, même dans ces conditions exotiques. Comme la scène était ouverte aux quatre vents, le groupe dut en plus surmonter le handicap d’une extrême déperdition du son. Quelques mots échangés après coup avec PM permirent de découvrir un personnage éminemment sympathique, comme éclairé de l’intérieur par un regard d’un bleu très vif. À tout hasard, on lui demanda s’il connaissait James Hunter. Pouf ! En plein pot aux roses : c’est son idole. Pas surprenant, quand on y réfléchit. Tous ces artistes fantastiques, James Hunter, Nick Waterhouse et PM Warson ont un sacré point commun : l’avenir leur appartient.        

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             PM a déjà enregistrés deux albums. Coup de pot, ils sont au merch. Le premier date de 2021 et s’appelle True Story. On y retrouve la cover d’«I Don’t Need No Doctor». Il en fait une cover qu’il faut bien qualifier d’évolutive. Le hit de l’album est une merveille nichée au bout de la B, «(Just) Call My Name», c’est un groove magique, qui se faufile comme une couleuvre de printemps, PM chante ça au coin du menton, à l’accent sinueux des nuits chaudes de Soho. Par contre, le «Losing & Winning» d’ouverture de balda va plus sur une ambiance à la «Fever», c’est un heavy groove de London town joué à pas feutrés dans la chaleur de la nuit. PM joue à fond sa carte de dark groover blanc, exactement comme le fait Nick Waterhouse. Avec «In Conversation», il force un peu la main du groove, il vise la fournaise sous le boisseau. Il fait du Waterhouse à l’Anglaise, et au fil des cuts, lui et ses musiciens semblent avoir de plus en plus de son. PM est un mec très fin, c’est l’image qu’on retient, celle d’un groover qui se faufile et qui place des petits solos bien ciblés.

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              Dig Deep Repeat date de l’an passé. On y trouve une nouvelle cover évolutive en deux parties, le fameux «Leaving Here» signé HDH, qu’enregistra en son temps Eddie Holland, puis repris par les Birds de Ron Wood et aussi - et surtout - Motörhead. PM tape sa version au wild groove de jazz et c’est excellent, comme réinventé. Il y revient pour un Pt 2 travaillé au shuffle d’orgue et au sax. C’est incroyable comme il le groove bien - Caught the right train/ Found the right place - C’est du pur London jive, tu ne saurais espérer plus jivy. Ce deuxième album est un festin de groove, et ce dès «Insider», pur jus de Waterhouse, c’est le même déballonnage de déballage, et des filles couinent «insider» derrière. C’est smoothé à l’orgue, très fin, très Mod Jazz. Jean-Yves aurait adoré cet album. PM retrouve son terrain de prédilection avec «Game Of Change», il tape ça de plein fouet avec une réelle élégance. Il se glisse encore partout avec «Never In Doubt», il est le gendre parfait, celui auquel on souhaite la bienvenue avec sincérité. Tout est bien lisse et bien foutu, pas d’histoire, ça coule de source. Voici son petit shoot de surf, «Dig Deep», puis retour au groove avec «Out Of Mind», puissant car bien balancé des reins, il joue un peu en crabe, il a des chœurs épisodiques qui entrent quand il faut, sa structure semble dessinée par Le Corbusier, un peu oblique, mais solide. Il s’enfonce dans l’excellence à la Waterhouse avec «Nowhere To Go». Ça finit par devenir envahissant. Disons que c’est le petit privilège du groove : il finit toujours par conquérir l’Asie mineure.

    Signé : Cazengler, PM enrayé

    PM Warson. Festival Rush. Union B. Malaunay (76). 25 juin 2023

    PM Warson. True Story. Légère Recordings 2021

    PM Warson. Dig Deep Repeat. Légère Recordings 2022

     

     

    L’avenir du rock

    Peyton c’est du beyton

    (Part One)

     

             Quand on demande à l’avenir du rock s’il va à l’église, il hausse les épaules. Mais il ne s’en va pas. Ça l’intrigue qu’on puisse lui poser une telle question. Oh ce n’est pas le fait qu’elle soit indiscrète, il s’inquiète plutôt de savoir pourquoi c’est resté un critère de jugement. À une autre époque, oui, mais aujourd’hui ? Les Révolutions sont passées par là, et les bouffeurs de curés ont dératisé les villes et les campagnes, en exterminant cette faune ecclésiastique qui pendant des siècles avait réussi à maintenir les populations dans la peur la plus abjecte. Comme tous les gens qui réfléchissent un peu, l’avenir du rock sait que la spiritualité ne se trouve pas dans le sein de l’église catholique. Elle se trouve dans chaque être, comme le voulait, à l’aube des temps, la gnose. Connais-toi toi-même. Si l’avenir du rock admire tant Tommy Hall, c’est justement parce qu’il professait la gnose à son petit auditoire de freaks psychédéliques. C’est la raison pour laquelle la musique du Thirteen Floor est tellement spirituelle, tellement révélatrice. Depuis, d’autres saints sont venus prêcher la bonne parole gnostique parmi nous. L’avenir du rock s’agenouille volontiers devant le Reverend Horton Heat qui professe à coups de Gretsch les principes gnostiques du rockab sauvage. Chacun trouve sa voie, le Reverend Horton Heat indique la direction. Viens par là, mon gars. 400 Bucks ! Tu y vas en courant. Un autre saint homme montre aussi la voie, le Reverend Beat-Man, plus austère parce que suisse, mais diablement œcuménique, il bat sa coulpe en mode binaire et parcourt le monde avec sa gratte et son big bass drum. Les adeptes du Reverend Beat-Man se comptent désormais par centaines, dit-on, dans les campagnes. C’est ce que les Catholiques n’ont jamais compris : si les curés avaient pensé à jouer du rockab, les églises seraient pleines à craquer. Au moins, les afro-américains sont moins cons, car ils savent rocker leurs églises en bois avec du gospel batch. L’avenir du rock est tombé en adoration pour un autre saint homme, le Reverend Peyton. Avec ses grattes et des doigts en or, il t’engnose dès le premier coup de bottleneck, et offre à chacun de ses adeptes d’un petit paradis personnel.

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             Si tu as la chance d’assister au soundcheck du Reverend Peyton’s Big Damn Band, tu sais que la soirée va être torride. Hot as hell. Car le Reverend est une bête de Gévaudan, mais pas le Gévaudan d’ici, le Gévaudan de l’Indiana. Son fury blues sort des bois les plus sauvages d’Amérique. Et quand on a dit ça, on n’a rien dit. Son expertise du roots punk-blues dépasse l’entendement. Il s’enracine dans Charlie Patton et Bukka White, mais joue avec le gusto d’un hard punkster. On cherche à le comparer, mais il est incomparable. Le seul qui s’en rapproche est sans doute Fred «Joe» Evans IV, le slinger fou de Left Lane Cruiser, mais force est de constater que le Reverend sort du lot.

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    L’homme est assez massif, large d’épaules, une sorte de gros dur des Batignolles de l’Indiana, il porte une barbe noire et une casquette de marlou, des beaux tatouages sur les épaules, un marcel blanc dans la journée, un noir dans la soirée, et une vraie salopette de farmer des backwoods. Son éthique est la même que celle d’Hasil Adkins, Sur scène il utilise sept guitares, bien rangées près de lui, des instruments chargés d’histoire, il se branche sur un petit rack de ricks et sort sur un ampli Silvertone. C’est l’enfer qui sort de son ampli. Il vise le loud. Il carillonne des quatre doigts et joue les basses à l’onglet du pouce. Cet homme a les allures d’une superstar, au bon sens du terme. Jamais le blues électrique ne s’est aussi bien porté.

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    Le voir à l’œuvre te permet de réaliser à quel point ce son reste essentiel. Tout vient de là et du gospel, et tout repart de là. Il attaque le set avec «My Old Man Boogie», tiré d’un album assez ancien, Big Damn Nation, mais c’est «Ways And Means» qu’on attend au virage, car c’est le cut qu’il sound-checkait, et là, mon gars, tu as l’un des hits du siècle, dans le genre descente au barbu, t’as pas mieux, il carillonne ses accords dans un délire de slide et joue un petit motif de basse à l’onglet de pouce. C’est un peu la même dynamique que le «Milk Cow Blues» des North Mississippi Allstars, mais en plus Peyton, c’est-à-dire ravageur. D’ailleurs, il annonce le cut en précisant qu’il en est très fier - Wayssss ‘n means, pour que tout le monde comprenne bien - Il lève tout simplement un véritable vent de folie.

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    Sa femme Washboard Breezy l’accompagne au washboard, un washboard qu’elle porte accroché autour du cou, et qu’elle gratte avec des gants rouges équipés de griffes d’acier. Et pour compléter cette piste aux étoiles, tu as un mec au beurre derrière qui bat son ass off, il est très spectaculaire et s’appelle Max Senteney. Beurreman américain, diabolique d’efficacité, qui ne ménage pas ses efforts. Il va souvent battre son beurre au bord de la Méricourt.

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    Comment peux-tu faire autrement, quand tu accompagnes le Tornado Peyton, l’un des plus grands guitaristes d’Amérique ? Il faut le voir balayer son manche de gestes larges et lâcher de véritables rafales d’accords, c’est à la fois violent et magnifique.

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    Le show est explosif. Bim bam boom du début à la fin. Ils tapent aussi le morceau titre de Poor Till Today et font bien le train avec l’imparable «Train Song». Rien à jeter chez le Reverend Peyton, il est bel et bien l’aw my Gawd du blues moderne. 

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             Tu plonges dans l’œuvre du Rev comme dans un lagon d’argent : chacun de ses albums sonne comme une bénédiction. Tiens, prends Big Damn Nation, au hasard. Six coups de génie. Tu découvres en plus que c’est produit par Jimbo Mathus. Le Rev attaque avec «My Old Man Boogie» qu’il reprenait sur scène. Il ramène tout le flux et tout l’influx du peuple noir. C’est chargé à ras-bord. Il gratte des frivolités dans l’enfer du beat. C’est puissant et sans pitié pour les canards boiteux. Le Rev joue le boogie des bois. Autre splendeur tentaculaire : «Worrying Kind». Il se fond avec ça dans un prodigieux heavy groove de black blues. Et ça continue avec «Left Hand George». Fatal ! Fantastiquement inspiré ! Il porte son chant à la force du poignet. Avec «Long Gone», il sonne encore plus black que les blacks, il joue à la syncope des trois notes. Tout est somptueux sur cet album. Il s’immerge dans l’excellence du big damn blues, le Rev est fou de black genius, comme le montre encore «Mud». «Plainfield Blues» sonne comme le blues le plus lumineux du fleuve. Il finit par échapper à toutes les catégories. Le Rev détient le power du fleuve. Il y a dans «Plainfield Blues» une énergie fondamentale. Il te repeint tout Dockery. Il ramène du punk dans le blues.

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             Chaque album du Rev sonne comme un passage obligé. The Wages n’échappe pas à la règle. Beau visuel, qu’on dirait peint par Wes Freed, le mec qui faisait les pochettes des Drive-By Truckers. Mais non, ce n’est pas Wes Freed, il s’agit d’un certain Shelby Kelley. Le coup de génie de l’album s’appelle «Clap Your Hands», qu’il reprend sur scène. C’est avec ça qu’il chauffe la salle. Il veut le clap your hands et le stomp your feet. Il peut déclencher l’enfer sur la terre. Il propose trois shoots d’Americana, à commencer par «Born Bred Corn Fed», qu’il prend au wild bottleneck. Toute l’Amérique résonne en lui. On dira la même chose de «Sugar Creek» - Take my baby back/ To Sugar Creek - C’est une Americana bien wild, bien poilue. Il ramène son immense talent dans «Just Getting By». Il fait l’une des meilleures Americanas de son temps, bien drivée et fluide. Son «Two Bottles Of Wine» est wild as superfuck, et puis avec «Train Song», il fait le train. C’est en plein dans le mille. Il redevient le white nigger de rêve. Il module toutes les substances, tous les jus informels. Le Rev est si bon que tu finis par écouter tous les cuts de tous ses albums mécaniquement. Ce mec te balaye tout, même le devant de ta porte.

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             So Delicious reste dans la même lignée : ça grouille de son et de génie révérentiel. Il attaque en mode colonne infernale avec «Let’s Jump A Train». La niaque est là, dès la première mesure. Il gratte sa National, et derrière, ça bat le tribal des sous-bois. Il shoote du punk dans son hard-blues rural. Quelle barbarie et quelle bravado ! Il enchaîne avec l’aussi énorme «Pot Roast & Kisses». Il tient la dragée haute à l’Americana. Il claque un thème ambivalent et s’appuie sur le hard beat. Que de musicalité ! Il amène un gratté de poux ardent et coloré, unique en son genre, un gratté multi-facettes. Un enchantement. Il joue encore son «Dirt» dans d’effroyables règles du lard. Il n’en finit plus d’enfoncer son clou dans la paume du blues messianique. Avec «Raise Hell», il fait exactement ce qu’il annonce : il raise hell. Il joue le punk-blues des origines de l’humanité, bien wild as cro-magnon. Plus loin, «Front Porch Trained» sonne comme un fantastique jump d’Indiana gratté au washboard et au bottleneck délibéré, il ramène toute l’énergie white trash et toute la Méricourt des bois. Il devient le white nigger le plus pur avec «Pickin’ Pawpaws». Il ne fournit aucun effort. Tu vas encore tomber de ta chaise avec «We Live Dangerous», il drive ça vite fait, fast and wild. Il mène sa barque en enfer. Il est all over the place, jusqu’au bout de la nuit, et il finit en beauté avec le mirifique «Music & Friends.

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             Comme le montre encore Front Porch Sessions, le Rev crée sa mythologie tout seul. Il n’a besoin de personne en Harley Davidson. Il n’en finit plus de défoncer la rondelle des annales. C’est un vieux bouc. Il ne rencontre aucune résistance. Avec «We Deserve A Happy Ending», il rentre dans les annales comme dans du beurre. Il profite de «When My Baby Left Me» pour faire son heavy white nigger, c’est puissant, ouvert sur l’univers, la force du Rev est d’ouvrir de nouvelles portes. Il tape «What You Did To The Boy Ain’t Right» au stomp des backwoods. Power du diable ! Il gueule dans sa cabane, c’est du pulsatif primitif, avec un écho terrifique, le Rev t’aplatit tout ça vite fait. Il couvre tous les domaines du genre, avec le souffle de sa voix chaude. Le solo de slide qu’il passe dans «One Bad Shoe» est une merveille apocalyptique. Tu suivrais le Rev jusqu’en enfer. Il fait encore tournoyer son bottleneck ad nauseum dans «It’s All Night Long». C’est la Méricourt du rodéo. Le Rev est un effarant virtuose. Puis il s’en va te shaker le gospel blanc de «Let Your Light Shine» au stomp du fleuve. Il gueule tout du fond du cut, le Rev est une bête, sans doute la meilleure bête du monde. Il repart à l’aventure avec «Cornbread & Butterbeans», accompagné de Breezy au washboard. Il reste égal à lui-même, c’est-à-dire effarant de wild présence, saturé de sous-bois. Il t’explose l’Americana en plein vol. Il porte tous ses atouts au sommet du lard. Il est à la fois un éminent spécialiste de l’Americana et un gratteur de poux hors normes. Il va bien au-delà de toutes les expectitudes.

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             Quand on les voit tous les trois sur la pochette de Poor Until Payday, on comprend bien que ça va chauffer. Et c’est exactement ce qui se passe. Boom dès «Dirty Swerve», slab de wild boogie blues. Embarqué sur le beat du diable. Le Rev secoue toutes les parties molles des cuts. Pendant que Breezy fait des chœurs sataniques, le Rev descend au barbu avec des doigts crochus. Te voilà transporté dans un Conte d’Andersen, dans l’âtre du diable, c’est l’apothéose de tous les apanages. Le Rev conduit le bal des vampires. Et ça continue avec «So Good», il va chercher le meilleur wild punk blues, c’est à la fois explosif et contenu, ça vaut tout le JSBX, avec toute l’énergie du genre, mais magnifiée. Comme le montre encore «Church Clothes», il surmonte tous ses cuts au chant pur. Le Rev est intrinsèquement black, l’éclat de sa voix ne trompe pas. Encore un coup de génie avec «Get The Family Together», c’est tout simplement l’heavy enfer sur la terre, le Rev cultive les menaces définitives, il intra-utérine les intérims, il ramène toute l’urgence du beat black, il fait du wild as Rev. Diable, comme sa pulsion est pure ! Sa barbarie l’est encore plus. Il harangue encore les harengs avec «I Suffer I Get Together», c’est l’Apollinaire du punk-blues, avec une barbe. Il termine cet album superbe avec «It Is Or It Ain’t». Tu retrouves tout le gaga du monde dans le boogie du Rev. Il finit par t’assommer à coups d’heavy slide. Il parvient toujours à ses fins. Ce saint homme est un démon.

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             Voilà encore un album qu’il faut bien qualifier de génial : Dance Songs For Hard Times. Il date de 2021, le dernier en date. C’est là que tu retrouves le cut magique joué sur scène, «Ways & Means», monté sur un riff obsédant, ces quatre notes grattées à l’onglet du pouce. Le Rev maintient une pression hors normes, il maîtrise l’excellence du hot rod blues, il faut le voir riffer à blanc, avec le thème qui revient. Il devient à moitié fou avec «Rattle Can», comme s’il chantait au dessus de ses moyens, puis il retourne écumer les archipels avec «Dirty Hustlin’». Oh le Rev est un pirate ! Il coule tous les vaisseaux qu’il croise. Que dire d’une abomination comme «I’ll Pick You Up» ? C’est sa façon de te tomber dessus avec une barbarie indescriptible. Tous ses cuts sont des idées géniales, tout est bourré d’énergie, chanté à pleins poumons et mené à train d’enfer. Que demande le peuple ? Ce Rev de rêve peut même taper un cut en mode fast jazz, comme le montre «Too Cool To Dance». Quel que soit le format, le Rev est à l’aise. Comme il t’aime bien, il te groove le jazz vite fait. Puis on le voit tenir «Sad Songs» par les cornes. Le Rev est le roi du hard punk-blues. Tu as là tout ce que pu peux désirer en la matière : c’est d’une rare puissance et chanté d’en haut. Le Rev condescend. Il relance et Breezy fait les chœurs. Un petit coup de stomp d’Indiana avec «Crime To Be Poor», et il repart en mode heavy blues avec «Til We Die». Le Rev reste un fervent cognoscente, et son chant une merveille d’authenticité. On le sent concerné à la vie à la mort. Il boucle avec un «Come Down Angels» des enfers, tu as le big Rev, le washboard et le fou au beurre - Come down angels/ Please come down - Il arrose tous ses cuts de prodigieuses giclées de blues électrique. Tout ce qu’il entreprend est visité par la grâce du power pur. Si tu aimes l’action, alors écoute le Rev, l’ultimate punk des bois.

    Signé : Cazengler, Reverend Péteux

    The Reverend Peyton’s Big Damn Band. The Backstage. Montrouge (92). 22 juin 2023

    The Reverend Peyton’s Big Damn Band. Big Damn Nation. Family Owned Records 2006

    The Reverend Peyton’s Big Damn Band. The Wages. SideOneDummy Records 2010

    The Reverend Peyton’s Big Damn Band. So Delicious. Shanachie 2015

    The Reverend Peyton’s Big Damn Band. Front Porch Sessions. Family Owned Records 2017

    The Reverend Peyton’s Big Damn Band. Poor Until Payday. Family Owned Records 2018

    The Reverend Peyton’s Big Damn Band. Dance Songs For hard Times. Family Owned Records 2021

     

     

    Inside the goldmine  

    Tolbert nique

             Nous formions en ce temps là un joyeux conglomérat. Tous un peu paumés, un peu peintres, un peu poètes. Si un mec comme Talbin faisait partie de cette fine équipe, c’est uniquement parce qu’il savait conduire une machine offset. Et l’offset constituait le cœur de notre activité. Sans cette bécane et son conducteur, nous n’existions pas. La revue tournait bien, on tirait à 5 000, on diffusait sur abonnements et on parvenait à assurer les équilibres vitaux, c’est-à-dire la croûte, les encres et le papier. On tirait en A3+ et on façonnait à la sortie : assemblage, pliage, piqure deux points, massicotage et routage. Talbin était beaucoup plus âgé que nous. Il portait en permanence une veste à carreaux. Physiquement, il se tenait encore bien. Il avait encore ses cheveux qu’il peignait soigneusement, les traits du visage assez fins, toujours rasé de frais, avec un léger soupçon de malice dans le regard. Une sorte de vieux beau. Talbin avait dû beaucoup plaire aux femmes. Il restait très solennel dans ses propos et n’aimait pas les questions trop personnelles. Alors évidemment, on passait notre temps à l’asticoter. Il s’arrangeait toujours pour paraître plus con qu’il ne l’était. C’était son système de défense. Il ne risquait pas de se voir entraîné dans une conversation sérieuse. Il savait aussi que les petites vannes s’arrêtaient d’elles-mêmes. Chacun sait que les charrieurs n’ont guère d’imagination. Talbin se contentait de charger ses rames, de monter ses plaques et de préparer ses encres. Lorsqu’il préparait ses couleurs Pantone, il utilisait une petite balance pour peser ses mélanges et ça nous épatait de le voir faire, car on croyait vraiment qu’il faisait n’importe quoi. Il participait à toutes les fêtes, notamment les fêtes de parution, car ça faisait partie des usages. Il aurait préféré rentrer chez lui s’occuper de son chat, mais il savait qu’il devait rester parmi nous. Ces fêtes étaient toujours des moments d’extrême dissolution. Nous avions initié Talbin aux agapes d’alcool, d’herbe et d’acides. Ce soir-là, nos moyens nous permirent de tester le speedball. Confiant et même jovial, Talbin inhala en singeant les autres, et comme il avait coutume de le faire, il se leva pour déclarer que la dope ne produisait aucun effet. Soudain il s’écroula à la renverse. Son crâne heurta le carrelage de l’atelier. Il venait de faire sa première overdose. 

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             Il n’existe bien sûr aucun lien de parenté entre Talbin et Tolbert, mais on se demandait à une époque s’il existait un lien entre Colbert et Tolbert. Des fouilles approfondies permettraient certainement d’y voir plus clair, mais en attendant, contentons-nous d’affirmer que Tolbert en impose, à la différence de Colbert qui imposait le peuple de France. Mieux vaut en imposer que d’imposer, comme chacun sait.

             Dans le booklet de la compile Black Diamond, Andy Croasdell rappelle qu’O.C. Tolbert n’a pas fait long feu : cassage de pipe en bois à 52 ans. C’est grâce aux gens d’Ace qui ont racheté les archives du producteur Dave Hamilton qu’on peut découvrir cet immense Soul Brother qu’est O.C. Tolbert. Parcours classique : fils de pasteur en Alabama. Bambin, l’O.C. chante à l’église. Comme les prêches ne rapportent pas gros, le père d’O.C. doit conduire le tracteur et cueillir du coton pour arrondir les fins de mois. L’O.C. cueille donc le coton. Quand Daddy Tolbert casse sa pipe en bois en 1966, l’O.C. monte dans le Nord et s’installe avec sa femme à Detroit. Il tape à la porte d’un gros label black qui lui dit de revenir dans un an. Vexé, l’O.C. se met à haïr les gros labels. C’est là qu’il se maque avec Dave Hamilton. L’histoire d’O.C. est classique, mais Croasdell la raconte très bien. Son récit est passionnant. Puis un certain Fat Man Jack Taylor entre dans le circuit avec son label Rojac. Sur son label, il a Big Maybelle. Croasdell insinue que Big Maybelle ne dépend pas de Jack Taylor que pour les royalties. Il parle bien sûr de dope. Comme Jack Taylor opère à New York, l’O.C. s’y installe, laissant sa femme Velma et ses deux fils à Detroit. Et comme Velma finit par en avoir marre de Detroit et de la violence urbaine, elle retourne s’installer à Selma, Alabama. Le couple tient le choc. L’O.C. descend régulièrement passer du temps en famille. À un moment, Croasdell insinue qu’O.C. fut garde du corps de Jack Taylor, ce que Velma réfute catégoriquement, arguant qu’O.C. était un homme bien élevé.

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             Black Diamond grouille littéralement de coups de génie, tiens, on va en prendre un au hasard : «Fix It». L’O.C. y va au hard drive de hard funk liquide, c’est dire si l’O.C. est bon, si l’O.C. a la niaque ! Il y va au scream de fix it, il prend feu, c’est exceptionnel de sauvagerie et derrière, ça joue à contretemps. Ah il faut entendre l’O.C. hurler ! Il t’invite plus loin à monter à bord du Gopsel Train dans «Ride The Gospel Train», c’mon get on board, il chante à la silicose de pur genius. Et pris en sandwich entre ces deux hits de rêve, tu as deux autres énormités, «Everybody Wants To Do Their Own Thing» et «Along Came A Woman». Derrière lui, ça joue à la folie, les petites guitares funky fuient dans la brousse, l’O.C. est un dur à cuire, il chante tout à la grosse arrache, il fait mal, tellement il martyrise sa glotte, il chante son gloomy r’n’b dans des lueurs de néon. Là, tu as une Soul hors du commun. Autre énormité digne de ce nom : «Hard Times» - Since my baby’s been gone - Il en bave, avec du woke up this morning. Ah comme il est raw ! Il gère le heavy groove comme on gère l’amour physique : avec un tact purement organique. Pas la peine de faire un dessin. Il tombe toujours sur le râble de son r’n’b avec une extrême violence. Avec «That’s Enough», il ramène le groove en enfer. Il y va l’O.C., c’est un vrai black de combat, il s’arrache encore la glotte sur «You Gotta Hold On Me». Ne commets pas l’erreur de prendre l’O.C. pour un branleur. Il passe par tous les états de la grande Soul de son temps, «You Got Me Turn Around» sonne comme un hit de r’n’b, et quand il rend hommage aux blackettes dans «Message To The Black Woman», il le fait avec une réelle profondeur d’intention. Fantastique Soul Brother ! Il t’en met encore plein la vue avec «Goodness», il fond sa niaque dans le groove, l’O.C. est un géant, Hello Goodness ! La séance d’électrochocs révélatoires se poursuit avec «Message To Mankind». L’O.C. est un scorcher extraordinaire. Tiens, encore une merveille avec «Rough Side Of The Montain», monté sur un heavy bassmatic. Si tu aimes la Soul, te voilà au paradis, amigo. Comme elle n’est pas rentrée cette nuit, l’O.C. lui demande : «Where Were You?». Il revient au gospel batch de son enfance avec «Somebody Is Here With Me», un mood vertueux de presbytérien dédié à Jésus. Il finit avec «All I Want Is You», du heavy O.C. de diamond ring qu’il tartine au baby baby baby ! Il remonte le courant à coups d’all I want is you, les cuivres pouettent comme des fanfarons à une table de banquet, pouet pouet, et l’O.C. navigue, comme on dit, dans la semoule, il avance, vaille que vaille, oh babe ! 

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             Pour les ceusses qui ne le sauraient pas, Dave Hamilton est un ancien guitariste de session pour Motown. De là à aller choper Dave Hamilton’s Detroit Funk (Rare And Unreleased Twisted Funk 1967-1975), il n’y a qu’un pas qu’on franchit allègrement. Car oui, quelle compile ! On y retrouve bien sûr l’O.C. avec «The Grown Folk Thing», shoot de hard funk, et «Message To Mankind», gros paté de pathos. On se prosterne devant les Barrino Brothers et «Just A Mistake», un fantastique shoot de r’n’b soufflé à l’énergie pure. Ils sont sur Invictus. Belle presta aussi de The Future Kind avec «The Devil Is Gonna Get You», un drive à la Screamin’ Jay. Mais le crack de la compile s’appelle Billy Garner, avec quatre bombes, à commencer par «Brand New Girl Part 1», un shoot de funk à la James Brown, il y va à la tête cognée, il t’emmène au cœur de la fournaise, c’est le hard funk de Detroit. Même topo avec «You’re Wasting My Time», Billy Garner rivalise directement avec James Brown - You make me so mad/ You’re wasting my time - Il y revient avec un Part 2, il y va le Billy, il charge la barcasse du relentless. Et puis voilà «I Got Some Part 1», suivi du Part 2, montés tous les deux sur un real deal de riff de funk. Dave Hamilton est un sacré point de repère.

    Signé : Cazengler, Tolbec dans l’eau

    O.C. Tolbert. Black Diamond. Kent Soul 2011

    Dave Hamilton’s Detroit Funk (Rare And Unreleased Twisted Funk 1967-1975). BGP Records 2006

     

     

    Wizards & True Stars

    - Le grand méchant Lou

    (Part One)

     

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             Mick Wall s’est bien amusé à épingler le côté tordu du grand méchant Lou. Le petit book qu’il lui consacre (Lou Reed The Life) est un véritable précis de décomposition, comme dirait Cioran, un mode d’emploi à l’usage des anti-carriéristes et des amateurs de néant, une ode à l’amer, une exégèse des pieux communs, un vrai Necronomicon. Eh oui, Mick Wall a très bien compris que Lou Reed ne supportait pas les cons, c’est-à-dire ceux qui ne comprennent rien. Comme Léon Bloy en son temps, il rêvait de les anéantir.

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             Lou Reed en a bavé. Pas facile d’être un artiste visionnaire incompris - A complete one-off, utterly misunderstood in his lifetime, poorly treated and ignorantly underevalued - Le mépris qu’affichait la critique rock pour Lou Reed ne date pas d’hier, elle remonte au temps du Velvet. Ne va pas croire que le Velvet était un groupe célèbre aux États-Unis, oh la la la, pas du tout. Lou Reed a créé un monde que le grand public ne comprenait pas, ne pouvait pas comprendre - La vérité, c’est que Lou Reed commence là où le rock s’arrête. Avant lui, le rock était de l’entertainment, avec lui, le rock devenait littéraire, dark, disturbing et incroyablement honnête. Son œuvre a plus à voir avec William S. Burroughs, Hubert Selby Jr., Andy Warhol et le brillant Delmore Schwartz, son mentor, qu’avec les Beatles et les Stones - Et Mick Wall conclut son introduction avec l’une de ces chutes spectaculaires dont il s’est fait une spécialité : «Voici donc mon hommage, sincère, écrit au speed, taché de sang, torché d’une façon que Lou, qui avait enregistré le premier album du Velvet Underground en quatre jours, aurait appréciée.»

             Et pouf, il attaque violemment - A jew. A fag. A junkie - Avec Mick Wall, on n’en finit plus de se marrer. Juif, pédé, junkie - À 17 ans, il avait atteint deux de ces objectifs, et ses parents l’envoyèrent subir des séances d’électrochocs, une thérapie en vogue dans l’Amérique des années 50, utilisée pour soigner les délinquants en herbe. Grâce à cette thérapie, Lou Reed allait rapidement atteindre le troisième objectif, junkie - C’est merveilleusement bien amené. Mick Wall le fait mieux qu’on ne le fera jamais. 

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             Un peu plus tard, quand Lou compose à la chaîne pour le compte de l’éditeur musical Pickwick, il se sent tellement frustré qu’il propose un jour «The Ostrich», a new dance-craze tune. Pour jouer, ça, nous dit Wally, Lou accorde ses six cordes sur la même note. Il s’en explique : «J’ai fait ça parce que j’ai vu un mec qui s’appelle Jerry Vance le faire. Il n’était pas vraiment un artiste d’avant-garde. Il bricolait. Il ne se doutait pas qu’il avait un truc, mais je l’ai vu.» Lou fait une parodie des cuts dansants de l’époque, «The Twist», «It’s Pony Time», mais il y fout son grain de sel - Take a step forward/ Step on your face - et, nous dit Wally, il remplace le refrain par un hurlement terrifiant. Ça va loin cette histoire, car Lou Reed se servira de ce modèle pour «Sister Ray». Avec «The Ostrich», il ouvre une porte. Deux ans plus tard, il joue de l’Ostrich guitar sur le premier album du Velvet. Pour Lou, ce n’est pas le son qui compte, c’est l’idée de la subversion. C’est la raison pour laquelle il va bien s’entendre avec John Cale, «jumeau intellectuel et provocateur d’instinct». Tous les deux, ils allaient créer «something new and possibly even dangerous.»

             Il faut bien comprendre que Lou Reed & John Cale, au même titre que les Stooges et Bob Dylan - et avant eux Elvis, Little Richard, Jerry Lee et Chucky Chuckah - sont les pionniers sans lesquels rien de ce qu’on aime aujourd’hui n’aurait pu exister.

             Mick Wall consacre pas moins de la moitié de son petit book au Velvet. Lou Reed & John Cale, oui, mais aussi Andy et Nico. C’est un tourbillon de légendes qui n’a rien perdu de sa fraîcheur, depuis l’époque de la découverte, via un article d’Actuel. Le Velvet de Lou Reed & John Cale s’appelle d’abord, comme chacun sait, The Primitives. Quand John Cale revient d’un voyage à Londres avec une pile de 45 tours des Who, des Small Faces et des Kinks, il demande à Lou Reed de laisser tomber son Dylan twang et d’évoluer sur un autre son, c’est-à-dire le sien, «ostinato piano and droning repetitive-to-the-point-of-screaming viola.» L’impulsion de John Cale est fondamentale. John Cale vient de l’avant-garde, et Lou Reed du rock. Lorsqu’elle est bien racontée, on se délecte chaque fois de la genèse du Velvet qu’on croit bêtement connaître par cœur. Mick Wall ramène son énergie dans ce qui est déjà une énergie. Il faut en effet comparer la genèse du Velvet à celle de Dada à Paris en 1919, lorsque Tristan Tzara vient retrouver Picabia qui vit alors chez Germaine Everling. C’est exactement le même Krakatoa de créativité, l’invention du fameux something new. Comme Tzara et Picabia en leur temps, John Cale & Lou Reed créent un monde. Mick Wall charge bien sa chaudière, ça y est, le Velvet avance, Sterling Morrison : «The path suddenly became clear. We could work on music that was different from ordinary rock’n’roll.» Le Velvet commence à jouer à la Cinémathèque, lors de la projection du Scorpio Rising de Kenneth Anger et là, Wally se régale : «Scorpio Rising mixait des thèmes occultes avec l’imagerie des bikers, le catholicisme, le nazisme et tout ce que les spectateurs camés à outrance pouvaient y lire.» Et boom, il fait entrer en scène Al Aronowitz, un hip American rock writer qui traînait en 1965 avec Brian Jones et qui manageait un groupe nommé The Mydle Class. Aronowitz propose 75 $ au Velvet pour jouer dans un lycée du New Jersey. Puis ils recrutent Moe Tucker qui ne touche pas aux drogues, une Moe qui bat debout, sans cymbales ni charley ni caisse claire, boom boom, metronomic, sur le tom bass, un son qui va devenir la signature du Velvet avec le crazed viola de John Cale et la deadpan voice de Lou Reed. Lou déclare en 2003 : «I think Maureen Tucker is a genius drummer.» Il dit même qu’elle a inventé cette façon de jouer. Toujours en 1965, le Velvet joue au Café Bizarre sur Bleeker Street. John Cale se marre, il rappelle que les seules personnes qui restaient pour les écouter jouer étaient ceux «qui étaient too drunk to leave.» Pas grave, on avance. S’ils sont pas contents, qu’ils se cassent. «Black Angel’s Death Song» est fait pour ça, pour que les gens se cassent, surtout que John Cale l’arrose d’un «distordant sonic hailstorm of manic electric viola.» Quand le patron du Café Bizarre chope Sterling pour lui dire que s’ils rejouent encore une fois ce «Black Angel’s Death Song», le groupe est viré. Pouf, ils le rejouent immédiatement, deux fois plus long et beaucoup plus fort. Virés ! Mais Barbara Rubin les a vus jouer au Café Bizarre et elle parle d’eux à Andy. Elle insiste. Viens les voir ! Bon d’accord. Andy rapplique avec elle et Gerard Malanga. Andy flashe !

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             Andy, c’est déjà un monde magique, le monde que chante Bowie sur Hunky Dory. La Factory, les portraits, et puis les personnages que cite Wally, Edie Sedgwick («le plus beau papillon dont on allait bientôt arracher les ailes»), Brigid Polk, et puis les drag queens venues de la rue comme Jackie Curtis et Candy Darling, et puis aussi la transgenre Holly Woodlawn. Et puis les superstars d’Andy, Ultra Violet et Baby Jane Holzer, et bien sûr d’autres superstars se pointent à la Factory, Wally les cite, Dylan, Jimbo, Leonard Cohen. Quand Lou voit Andy rappliquer au café Bizarre, il flashe. Et c’est réciproque. Lou ne sait pas qui est ce mec, mais il sait qu’il est one of us - And so smart with charisma to spare - Lou ajoute une remarque fondamentale : «But really so smart, and a, quote, ‘passive’ guy, he took over everything. He was the leader.» Lou sait tout de suite que ça va fonctionner, c’est hallucinant comme il le sent bien : «Bingo. Interest? The same. Vision? Equivalent. Un monde différent et il nous a intégrés. It was mazing. I mean, if you think in retrospect how does something like that happens? C’est incroyable. J’étais avec Delmore Schwartz qui m’a appris à écrire, et me voilà avec Andy where you get all the rest of it.» Mais Andy va encore plus loin que Lou Reed : il veut le remplacer au chant par Nico. L’idée est d’avoir sur scène «something beautiful» pour «contrebalancer the screeching ugliness they were trying to sell.»  

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             Nico ? Elle arrive en 1965 à la Factory au bras de qui ? Brian Jones, bien sûr. L’érudit Wall fait feu de tous bois : «Nico qui avait pris des cours chez Lee Straberg apparaissait sur la pochette de Moon Beams de Bill Evans paru en 1962 et avait joué deux ans plus tôt dans un film de Jean Poitrenaud, Strip-Tease, dont elle chantait le morceau titre composé par Serge Gainsbourg.» Andy demande deux choses à Lou : composer des chansons pour elle, et la laisser chanter sur scène. Lou est scié, Quoi ? «Comment aurait réagi John Lennon si Brian Epstein lui avait demandé de céder sa place au chant à Cilla Black ?» Wally se paye un petit délire avec ce comparatif, mais c’est exactement ça. Lou est le boss du Velvet et il s’offusque, mais il compose quand même «Femme Fatale» et «I’ll Be Your Mirror» pour Nico. Il lui file aussi «All Tomorrow’s Parties», «another post Ostrich wig-out». Nico ramène sur scène ce que Wally appelle le «monochrome European avant-gardism.» Et hop, on avance ! Andy invente le concept du show multimédia, «plus spectaculaire, plus innovant, more of a real art happening» que celui de Piero Heliczer, le show s’appelle Andy Warhol Uptight, qui va devenir The Exploding Plastic Inevitable.

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             C’est encore Andy qui pilote l’enregistrement de ce qu’on appelle tous «le premier Velvet». Quatre jour au Scepter Studio sur West 54th Street. Andy co-finance avec Columbia, mais à l’écoute des bandes, Columbia rejette le projet. Pareil pour ceux que Wally appelle «the A&R geniuses at Atlantic Records and Elektra Records» : ils n’en veulent pas. Berk. Andy réussit à passer un deal avec Verve qui fait partie d’MGM. Verve vient de signer les Mothers Of Invention. Andy négocie avec Tom Wilson qui a produit cinq albums de Dylan et le Freak Out des Mothers. Andy produit tout l’album sauf «Sunday Morning» que produit Tom Wilson. Ouf, le Velvet est entre de bonnes mains. Comme quoi ! Ça tient parfois à peu de choses. Lou reconnaît qu’Andy est leur protecteur - We were nothing. Qui pouvait nous critiquer ? Personne ne nous avait entendus. Comme ils ne pouvaient pas nous critiquer, ils ont critiqué Andy. C’était le cadet de ses soucis - Et il ajoute, au sommet de son dégoût pour la critique rock : «(Ils disaient :) comment peut-il produire un album ? Il n’est pas musicien.» Et Wally opte une fois encore pour une chute fantastique : «People were stupid. How many times did Lou have to tell ‘em?».

             Le Velvet va jouer sur la côte Ouest, mais leur son ne passe pas - These Velvet Underground motherfuckers looked like a bunch of junkies and fags - Lou Reed en a autant à leur service : «Well, we were also really, really smart and the (West Coast hippy) stuff was really, really stupid.» Et il croasse pour conclure : «It was purely a matter of brains.» Par contre, Jimbo flashe sur le Velvet, et notamment la danse du fouet de Gerard Malanga, dont il va s’inspirer pour sa danse shamanique. Il va aussi récupérer Nico. Et puis, «The End» s’inscrit comme chacun sait dans le prolongement d’«Heroin».

             Le Velvet est lancé, mais Lou envisage de se débarrasser d’Andy, de Nico et du «seemingly more calm, self-assured John Cale.» Le grand méchant Lou veut rester le seul maître à bord du Velvet. Rupture avec Andy. C’est la raison pour laquelle il n’existe pas de sérigraphie de Lou Reed. Rupture avec Nico qui enregistre en 1967 Chelsea Girls avec Tom Wilson. En juillet de cette année-là, elle se pointe au Monterey Pop Festival au bras de qui ? De Brian Jones.

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             Le Velvet enregistre son deuxième album au Mayfair avec Tom Wilson. Boom, «White Light/White Heat» ! Boom, «I Heard Her Call My Name» - another methedrine-spike of feedback and hollow backing vocals - Boom ! Wally consacre une page - UNE PAGE - à «Sister Ray» - an unheard of confluence of the male and the female - et Wally tire l’overdrive, c’est pour ça qu’on est là, pour le voir injecter son énergie dans l’high enegy du Velvet, et là ça devient de la littérature, tu comprends, tu n’es plus dans R&F - to its woozy, falling-out-of-your-seat fairground ride of crunching, whinning guitars, brutal, face-slapping drums and truly nightmarish pantom-of-the-opera keyboards, supplied by Cale by running the organ through a distorted guitar amp, c’est une étrange et terrifiante nouvelle forme de rock, dont personne ne soupçonnait l’existence, et que personne n’avait essayé d’explorer - Et là Wally délire complètement, la page est sublime, tout fan du Velvet devrait la lire et s’en repaître, car il parvient à dire avec des mots ce qu’on éprouve quand on écoute «Sister Ray», même cinquante ans après sa découverte.

             Le plus gros morceau reste à évacuer : John Cale. Cale sent bien venir le truc, il résiste. Il se bat pour préserver «the very soul of the Velvet Underground». Lou se bat pour «son rêve de rock stardom, pure and simple.» Alors Lou convoque Sterling et Moe dans une réunion pour leur annoncer que John est viré. Ils acceptent, mais nous dit Wally, Sterling n’a jamais pardonné à Lou. D’autant plus qu’il est chargé s’aller porter la bonne nouvelle à John Cale qui est écœuré par ce coup fourré. Il crie à la trahison. Pour aggraver les choses, le manager Sesnick publie un communiqué de presse annonçant le départ de John Cale, dans lequel Lou déclare : «Espérons qu’un jour John sera reconnu comme the Beethoven of his day.» C’est du pur grand méchant Lou, son cynisme dépasse les bornes. Mais Lou ne vit que pour ça : dépasser les bornes. C’est l’essence même du Velvet. Alors il ne faut s’étonner de rien. 

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             Le Velvet enregistre son troisième album sans titre. Et là, tu as «Pale Blue Eyes». Le Velvet perd son avant-gardisme et gagne en pureté pop. Puis c’est Loaded. Comme les mecs d’Atlantic voulaient que l’album soit «loaded with hits», Lou le baptise Loaded. Il se sent enfin libre - Free to sit down and actually write a song called «Rock And Roll». Free at last to be a star, goddammit, motherfucker - Lou engage Doug Yule et là, on commence à laisser tomber, parce que le Velvet n’a plus d’intérêt. Sterling se barre en 1971 et retourne enseigner à la fac. Pour le remplacer, Yule embauche en CDD Willie Alexander. Le problème, c’est que Yule se prend pour Lou. Il finira par le bouffer tout cru, et Lou quittera le groupe. Mort du Velvet et naissance d’un mythe. Voilà le genre d’épisode qui nous occupe la cervelle depuis cinquante ans : vie et mort du Velvet, vie et mort de Brian Jones, vie et mort de Jimi Hendrix, vie et mort d’Elvis et de Gene Vincent. Et tous les autres, ceux dont on parle ici. On a de quoi s’occuper. 

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             S’ensuit un sérieux passage à vide. Lou rentre chez ses parents et prend un job de typist. Puis, sous l’impulsion de Richard Robinson, il entame une carrière solo. Autant le dire tout de suite : le Lou Reed solo doit tout à David Bowie. C’est Robinson qui négocie un deal chez RCA pour Lou. Wally s’empresse de préciser que sans l’intervention de David Bowie, il est certain que Lou Reed n’aurait jamais pu poursuivre sa carrière solo, à la suite du two-album deal chez RCA, signé en 1971. Bowie est alors dans sa phase «Lauren Bacall», c’est-à-dire Hunky Dory. À ce moment-là, Lou Reed ressemble à un plombier. Il porte du denim et une coupe de l’armée - His air cut almost army short - En 1972, Lou va travailler un nouveau look et «s’habiller chez Hernando, sur Christopher Street, là où Andy Warhol achetait ses cuirs.» Il va se farder le visage de blanc et se barbouiller les yeux de mascara, comme on le voit sur la pochette de Transformer. 1972 ? Mais oui, le glam ! Lou a toujours vécu dans l’ombre de mentors : Delmore Schwartz, Andy, maintenant, c’est Bowie, le sauveur d’idoles en danger. Il vient de sauver Mott The Hoople, il va sauver Iggy, et maintenant, il propose de sauver Lou Reed. Mais il faut agit vite, car son calendrier est chargé. Si tu veux emmener Lou en studio, mon gars, c’est maintenant ! Early 1972. Direction le Trident, à Londres, le studio où Bowie a enregistré Hunky Dory et Ziggy Stardust, avec bien sûr Ken Scott qui a produit les deux albums. Ronno fait des arrangements qui stupéfient Lou. Un Lou qui se goinfre de downers et que Ronno trouve «laid-back». Il le voit s’asseoir et gratter sa gratte, oublieux du fait qu’il «was way out of tune». Ostrich guitar ? Paul Trynka ajoute que Lou «was extremely messed up. Like a parody of a drug fiend.» Mais bon, on avance. Bowie est de la partie, alors c’est comme avec Andy, il faut que ça avance. No time to lose. Trois backing tracks dans la journée, Ronno et Bowie font des chœurs déments. Bowie explose «Stallite Of Love», un vieux leftover du Velvet. De toute façon, Transformer grouille de hits. On n’avait encore jamais vu un album de cette qualité - The whole album was a hit from start to finish - Wally n’en finit plus de s’extasier. C’est bien qu’un mec comme lui s’extasie : «The songs were simply so good.» Il cite «Walk On The Wild Side» et «Perfect Day» comme faisant partie des meilleures qu’il ait jamais écrites. Ça crève les yeux. Et pouf, comme il l’a fait avec «Sister Ray», il part en délire sur le walking upright bass d’Herbie Flowers, les doo-doo-doo des Thunderhighs, les violons de Ronno lifted up, comme suspendus dans le ciel, et puis alors que le cake n’en pouvait plus de toute cette crème, nous dit Wally en proie à la pire extase, on fait entrer le sax de Ronnie Ross, le vieux prof de sax de Bowie, comme une sorte d’apothéose de la mort lente. Au dos de la pochette, on voit un mec avec une trique énorme. C’est Ernie Thormahlem, un pote à Lou, un Lou qui ajoute, goguenard : «We just put a banana down there.»

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             Mais Lou étant Lou, il ne supporte pas longtemps d’être le protégé de Bowie. Il va tout faire pour saborder le succès de Transformer, et à la première occasion, il va agresser violemment Bowie, auquel il doit tout, mais Lou étant Lou, il ne veut rien devoir à personne. Ce n’est pourtant pas difficile à comprendre ?

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             Pendant quelques années, Lou vit avec Rachel. Wally marche sur des œufs : «Rachel était-il un transsexuel ? Probablement pas. La rumeur disait que Rachel haïssait sa bite, mais rien n’indique qu’il s’est fait opérer. Lou adorait la bite de Rachel. Et alors ? Ça ne regarde personne. C’était le New York des années 70. Lou se battait tout le temps avec tout le monde.» Et Wally te refait le coup de la chute du siècle : «L’essentiel est de savoir que Rachel a rendu Lou heureux à cette période de sa vie, alors que le bonheur était devenu un concept inventé par les beaufs pour écarter les gens comme Lou et Rachel d’un monde auquel ils ne souhaitaient d’ailleurs pas participer.» Avant Rachel, Lou avait épousé Bettye, puis avait divorcé. Après Rachel, il épousera Sylvia, puis Laurie Anderson. Et puis, il reste les albums qui vont faire l’objet d’un Part Two. Un vrai continent. Saluons encore une fois l’extraordinaire écrivain rock qu’est Mick Wall, avec cette perle chopée dans l’huître  : «Like, hey man, a cat like Don Cherry ain’t gonna put up with no fag junkie shit, better getcha ass up there and wail, bro. Which, pleasingly, is exactly what Lou Reed now did.»

    Signé : Cazengler, Lou Ridé

    Mick Wall. Lou Reed: The Life. Orion 2014

     

     

    Talking ‘Bout My Generation –

    Part Seven

     

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             Alors tu ouvres le nouveau numéro de Rockabilly Generation et pouf, patapouf, aussitôt après le dossier Cash salué bien bas par Damie Chad la semaine dernière, sur qui tombes-tu ? Wild ! Pas le wild as fuck qu’on croise ici à tous les coins de rue, mais Wild tout court, le label rockab de Reb Kennedy, basé en Californie.

             Pour tous les fans de rockab, Wild est devenu en vingt ans the function at the juction, le real deal du ding-a-ding, le Rockamadour du Rockab, le phare dans la nuit, comme le fut In The Red Recordings au temps béni du raw gara-punk. Mis à part les singles, Wild ne sort pas trop de vinyles, essentiellement des CDs, des petits objets vendus au compte-gouttes par quelques disquaires TRÈS spécialisés. Quand tu arrivais sur le stand de ton disquaire préféré à Béthune, la petite box Wild était déjà dévalisée. Rentré à Paris, tu en trouvais quelques-uns chez Born Bad, mais c’était la croix et la bannière. Le mieux était encore le merch des groupes, quand par bonheur Béthune Rétro en programmait.

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             Rockabilly Generation consacre onze pages au Wildest Weekender qui s’est tenu en Hollade au mois de mars, avec vingt groupes. C’est à la fois un vrai festin d’images et une machine à remonter le temps, car on retrouve de vieilles connaissances, à commencer par Little Victor qu’on eut le privilège de voir stormer le Vintage Weekender de Roubaix en 2016. Little Victor porte toujours son fez. Il reste assez souple pour son âge, car une photo nous le montre à genoux avec sa gratte. Comme on a déjà salué en 2018 son excellent album, Deluxe Lo-fi, on ne va pas le re-saluer, mais on peut en profiter pour rappeler que cet album est un passage obligé pour tout fan de rockab averti. Signalons aussi les deux albums demented qu’il a mis en boîte avec Louisiana Red sur Ruf. Pareil, on a épluché tout ça en 2016, après que ce démon de Little Victor nous eût sonné les cloches au Weekender roubelaisien. Depuis, il n’a rien enregistré et c’est dommage. Le fait qu’il soit invité au Wildest Weekender préfigure peut-être l’imminence d’une actualité discographique. Little Victor de retour sur Wild ? On peut toujours rêver, ça ne coûte rien, comme dirait Jo-le-pingre.

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             Au rayon des vieilles connaissances, voilà Roy Dee & The Spitfires, un groupe qu’on avait découvert au Rétro 2017. Ils venaient tout juste de signer sur Wild, mais leur album ne parut que l’année suivante. Sur scène, Roy Dee et ses Portugais cassaient bien la baraque, ils portaient des casquettes de Gavroches et d’immenses anneaux de pirates aux oreilles. Leur look de gouapes des faubourgs tenait sacrément bien la route. À droite de Roy Dee, le slappeur fou volait le show. On savait en les voyant qu’ils allaient devenir énormes. En tous les cas, ils faisaient bien la différence, en 2017, dans une affiche extrêmement chargée. Ils étaient à l’exact opposé du rockab professoral qu’on devait parfois subir.

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             On retrouve aussi les Desperados, qui furent la révélation du Rétro 2015, quatre Chicanos toqués de rockab sauvage comme on l’aime. Diable comme ils étaient bons ! Ces Chicanos shootaient une grosse bouffée d’air frais dans le vieux rockab et lui redonnaient une nouvelle jeunesse. On avait salué bien bas leur album Won’t Be Broken. Wild, c’est d’abord un son, les fans ne s’y trompent pas. On devient accro et on finit par guetter tout ce qui sort sur Wild. Tiens, voilà Gizelle, qui fut tête d’affiche du Rétro 2013, mais ce n’était pas du rockab. Autre chose. Il faudrait peut-être réécouter, voir ce que c’est devenu.

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             Ce n’est pas fini ! Voilà Barny & The Rhythm All Stars, qu’on avait chopé au Rétro 2017, la même année que Wildfire Willie qui porte bien son nom, mais qui n’est pas sur Wild. Ils avaient un album sur Lenox, le légendaire disquaire de la rue Legendre. Par contre, Barny l’est, sur Wild, comme le fut son père Carl, sans doute le meilleur rockab français, un pionnier, puisqu’après avoir démarré sur Sfax, il est allé enregistrer trois fan-tas-tiques albums sur Wild, et là, mon gars, si tu veux entendre du real deal, c’est lui. Drunk But Thirsty ? Pochette démente, album dément, on a salué tout ça plus bas que terre ici-même en 2013. On avait vu Carl sur scène à Crépy et ce fut la révélation. C’est assez rare de voir un rockab français piquer une vraie crise d’épilepsie et se rouler par terre avec sa gratte et la bave rockab aux lèvres. Il vendait à l’époque de la main à la main son single Wild, «I’m Gone» qui est du même niveau que les classiques de Charlie Feathers. Wild as fucking fuck ! Carl reste un héros du rockab, et son fils Barny a pris la relève, avec la même formation. Pour une fois qu’on a une lignée digne de ce nom, profitons-en. D’ailleurs, l’une des deux photos de Barny dans le dossier Wild nous le montre à terre avec sa gratte. En 2017, on a aussi salué le premier album de Barny sur Wild, Young And Wild. Tous les albums évoqués ici sont des classiques du genre, tu peux y aller les yeux fermés. Surtout Carl.

             Pas mal de nouveaux noms dans les pages Wild, donc des découvertes en perspective. Miam Miam. Par contre, les anciennes têtes de gondole semblent avoir disparu : pas de Delta Bombers, ni de Stompin’ Riffraffs, ni de Pat Capocci, ni de Luis & The Wildfires, ni d’Omar Romero.

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             Alors l’occasion est trop belle : on va sortir l’Hog Wild d’Omar pour dire à quel point Wild est un label révolutionnaire. L’Hog Wild est l’un des albums les plus sauvages de l’Ouest. Pareil que pour Carl : pochette démente, album dément. Sur la pochette de l’édition spéciale, Omar les cheveux dans les yeux ! Et le sooooooon ! C’est du hard Wild ! On comprend que des mecs se fassent tatouer le logo Wild sur le bras. Pas de plus belle allégeance. Kaboom dès le morceau titre, Omar ramène l’énergie punk dans le rockab, c’est d’une beauté ultraïque, du magnifico de Chicano, coulent dans les veines d’Omar tout le génie de Charlie Feathers et tout le ramdam du proto-punk, il te claque le beignet de la praline, il violente le cul rose du slap, il pète et il clique en montant chez Kate. T’es sonné en deux minutes, dès le premier round. Mais tu y retournes. Le deuxième punch-up s’appelle «Step Back Baby», monté sur un riff fatal de Johnny Kidd, c’est quasi-Please Don’t Touch délinquant avec dans la glissade le super killer solo flash. Dire qu’il y a des gens qui croient que le rockab est un truc de vieux. Vazy Archibald prends ta gratte et essaye de sonner comme ça. À la fin du deuxième cut, on espère sincèrement qu’Omar va se calmer. Mais derrière lui joue un démon nommé Santiago Bermudez qui va clouer «You May Run» comme une chouette à la porte de l’église. Pire que ça : il te carillonne tout le beffroi d’effroi de pâté de foi. Chez Wild, les chicanos font la loi. Si tu es guitariste, écoute ce que fait Santiago Bermudez. Un autre Chicano accompagne Omar sur «That’s Fine». Il s’appelle Danny Angelo, il est fin et puissant, précis et présent. Avec «I’m Gone», Omar fait du Wild as chicano fuck. Big brawl ! Tout est bien sur cet album, le truc d’Omar, c’est le pur jus d’unstoppable. Il remet la pression plus loin avec «Gypsy Woman», il te carbonise ça vite fait à la calamine chicanotte et au put a spell on me ! Il repart sur des charbons ardents avec «Gonna Find You». C’est complètement ravagé de la façade et en prime, tu as un killer solo flash d’Angelo.

             Comme c’est une limited edition, tu as un deuxième CD d’outtakes et de démos, alors on ne va pas cracher dessus, d’autant qu’il attaque avec un «My Baby Don’t Breathe» tapé au déboîté de slap sans clignotant. Pure madness, la craze de la craze. Omar est un bon. Il est le meilleur indicateur de Wild, avec Carl. Plus loin, «Rock To It To My Baby» va t’envoyer au tapis, fais gaffe. Encore un vieux relent de Johnny Kidd dans «Put The Blame On Me» et nouveau coup de génie avec une démo d’«Everybody’s Trying To Be My Baby», tapé au pur slap, avec une gratte au fond du son. Omar devant, tout seul avec le slap, c’est quelque chose !   

             Alors merci Rockabilly Generation pour des onze pages en forme de bouffée d’air frais. 

    Signé : Cazengler, wild as phoque

    Omar Romero. Hog Wild. Wild Records 2007

     

    *

    Non ce n’est pas pour rien que j’ai mis la chro du Cat Zengler sur la présentation du label Wild dans Rockabilly Generation News ( 26 ) et que je l’ai faite suivre par une autre consacrée à Gene Vincent, c’est pour glisser entre les deux la photo d’Alain, il aurait préféré un papier sur Eddie Cochran, mais entre Wild et Gene Vincent, je sais qu’il se sent bien.

    Alain Couraud

    nous a quittés ce 02 juillet 2023

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    ( Si vous lisez KR’TNT ! c’est grâce à lui ! )

     

    *

    Vendredi 30 juin, aux alentours de 10 heures, je rentre les chiens dans la voiture, je démarre et roule la galère, la radio se met en route, sur France Inter, facile à deviner, Provins étant dans un trou, seules quelques grandes stations peuvent être écoutées, pour une fois le hasard fait bien les choses, Bruce Springteen cause dans le poste, dernière émission de l’année, Rebecca Manzoni qui présente Totemic livre en best-of de courtes séquences, lorsque Bruce Springteen a fini de parler résonnent les premières notes de

    BE BOP A LULA

    GENE VINCENT

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                    C’est Hervé Guibert qui parle, je connais un peu, voici quelques années j’ai chroniqué dans le mensuel Alexandre le premier tome de Le Photographe qui raconte les aventures du photographe Didier Lefèvre en Afghanistan… aucun rapport avec Gene Vincent mais Hervé Guibert raconte que ses parents possédaient le disque acheté à sa parution, c’est à l’âge de huit / neuf ans qu’il l’entend pour la première fois. Commotion immédiate il a l’impression d’entendre la voix d’un enfant comme lui, débordant de désirs comprimés et de vitalité débordante. Cela n’est pas étonnant, lorsque en 1967, dans sa séquence rock de 23 heures du Pop Club de José Arthur, Pierre Latttès interviewe Gene Vincent, je constate à ma grande surprise que Gene, le rocker sauvage, possède un timbre de jeune fille… les années passent mais Hervé Guibert n’en a pas fini avec Gene Vincent, il grandit, il entre au collège, il doit être en troisième lorsqu’ en français il étudie le mouvement poétique de La Pléiade cornaqué par Du Bellay et Ronsard. S’impose à lui comme une évidence que les vers du célèbre poème de Ronsard Mignonne, allons voir si la rose présentent la même facture octosyllabique que les lyrics de Gene Vincent… je vous laisse juge de cette assertion versificatrice, toujours est-il qu’il interprètera avec ses premiers groupes de rock cette littéraire adaptation. Preuve à l’appui il se lance en direct dans un frénétique Be Bop Lula ronsardien, ce n’est pas mal du tout et il reçoit les applaudissements du public.

             Nous l’en remercions, d’autant plus chaleureusement que Rock’n’Roll et Poésie sont les deux mamelles auxquelles nous nous abreuvons.

    Damie Chad.

     

     *

    Etrange comme les choses sont faites, en règle générale ceux qui proclament rechercher la lumière sont le plus souvent attirés par  l’obscurité, un peu comme nos lecteurs vous leur montrez en premier plan un cimetière ils ne regardent que le corps nu de la jeune femme relégué sur le côté, au moins avec Demonio vous êtes tranquilles, affichent leur objet de prédilection, le côté obscur de la force, dès leur dénomination, leur démonination suis-je tenté de dire, de surcroît je rassure les curieux, nous écoutons leur quatrième opus, les pochettes de leurs deux premiers parutions sont fémininement très suggestives.

    SEARCHING FOR THE LIGHT

    DEMONIO

    ( Piste numérique Bandcamp / Juin 2023)

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    Viennent d’Italie. Sont trois : Anthony :  stratocasters, vocals / Paolo : drums / Matteo : bass, production.

    La pochette est de ZZ Corpse, son Instagram est fort instructif quant à ses zones érogènes, elles se réduisent pratiquement à deux, éros et thanatos, il n’est pas le seul en ce bas monde, mais avec une force expressive attachante. A son actif : nombreuses pochettes, t-shirts, posters… Il est aussi membre du groupe argentin The  Black Furs, appellation très évocatrice.

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    Heavy dose : généralement dans les notes des pochettes les guitaristes sont annoncés comme des joueurs de guitars, parfois sans ‘’S’’ terminal, plus rares sont ceux qui se revendiquent d’une marque ou d’un modèle précis, pas pour rien qu’Anthony mentionne qu’il joue sur stratocaster, la strato il en use et en abuse pour notre plus grand plaisir, rien de plus râlant que le tigre dans sa cage qui ne pousse pas un seul rugissement et dédaigne de feuler, ici la strato gronde de la première à la dernière note de l’opus. Anthony n’a pas trop le temps de faire autre chose, or comme c’est lui qui se charge des lyrics, il évite les longues tirades, petits ruisseaux, entre sept et douze lignes. De l’éloquence spartiate, c’est un avantage, vous recevez le message en une seule dose, effet remède de cheval administré avec le coup de sabot qui va avec. A vous de vous débrouiller avec les effets secondaires qui ne sont pas répertoriés sur la boîte. Y-a-t-il une intro dans ce morceau ? Non vous êtes projeté dans un fleuve torrentueux qui vous emporte sans préavis, c’est sûr que tous les trois assurent le job sans discontinuer. Une basse trémoussante qui se niche dans le creux de votre oreille et qui ne le quitte plus sinon de temps en temps pour d’étranges circonvolutions dans votre conduit auditif, Paolo joue deux rôles en même temps, il fuse ses fûts comme l’on roulait les tonneaux de poudre et de rhum sur les bateaux pirates, comment fait-il pour ne pas oublier un millième de seconde de frapper ses cymbales qui claquent comme le vent dans la voile de misaine et gonflent le clin-foc à l’arracher. Anthony ne joue pas de la guitare, il la fait parler, courir, sonner, raisonner, frétiller, tirebouchonner, je crois qu’il y a douze mille verbes dans la langue française, vous comprenez que je ne vais pas vous recopier la liste, surtout que parfois elle se laisse aller à d’étranges sonorités venues de nulle part et d’ailleurs qui vous éblouissent et vous inquiètent… Question vocal, l’est fondu dans la masse sonore, se marie avec et ne se fait pas trop remarquer. Une ruse démoniaque, le démon vous parle tout bas pour que vous ouvriez tout grand vos oreilles, et hop il en profite pour s’introduire dans votre esprit. Ne vous étonnez pas si vos amis disent de vous que vous êtes habité par le démon. Fire guru : davantage bruissant, c’est le mystère des incarnations stonériennes, parfois vous écoutez et vous restez à l’extérieur, et parfois vous êtes dans la musique, elle s’installe en vous et vous êtes prisonnier de cette chaîne répétitive qui ne se répète jamais, c’est illogique certes mais c’est ainsi et la strato d’Anthony vous imite le vol du papillon qui s’envole plus haut que le ciel et qui déclenche en vous un tsunami d’émotions extatiques que vous ne pouvez contenir, un peu comme si vous étiez noyé dans votre propre sperme. Par-dessus le marché alors que vous vous prenez pour le roi tout puissant de l’univers, Demonio vous fait le coup du morceau-baisser-de-rideau-terminal, avec coup de frein brutal, chuintement instrumental et coup de baguette magique. I’m free : attention le morceau de la toute puissance, pire que l’anarchiste déclaration stirnérienne du Moi absolu, se moquent de vous, la strato dans un simili groove qui vous perce l’ouïe, la basse qui poinçonne les billets du concert commencé avant l’heure à toute vitesse, Paolo qui court à fond les caisses, relax max, je suis libre donc j’y vais tout doux, pas tout à fait un rythme d’enterrement, juste de belles sonorités planantes qui vous coupent en deux à la manière des chars à faux de Darius à Gaugamèles. Et ça s’arrête, pourquoi continueraient-ils puisqu’ils vous ont découpé en tranches de saucisson pour accompagner les apéritif-cubes. Shiva’s dance : vous devriez arrêter les substances illicites, vous devenez totalement fou, avec la rythmique vous êtes Nyarlathotep le dieu du chaos rampant qui agonise sur le sable du désert parmi les étrons des serpents, et de l’autre la strato vous ouvre les cercles divins et vous dansez le jerk avec Shiva la croqueuse d’hommes, et vous remuez vos jambes jusqu’à ce qu’elles soient usées, vous êtes devenu un cul-de-jatte, ce n’est pas grave la voix d’Anthony vous dévoile les secrets de l’univers et vous n’êtes plus qu’un tourbillon de sarabandes, de vous maintenant ne reste plus que votre tête, aussi le rythme diminue-t-il un peu, la strato hallucinante vous poignarde les yeux, elle vous emporte en un délire hendrixien vers la planère Mars rouge de votre sang. Death trip : trop beau, ça ne pouvait que bien finir, psychez-moi le camp de cette vie d’ici, ça roule et ça rolle plein rock avec ces strates de stratos que vous suivriez les yeux fermés de l’autre côté juste pour l’entendre vagir dans le désert, Matteo   passe le rouleau compresseur de sa basse sur les herbes du sentier du Paradis, mais la Strato nous fait le coup de la trompette de Jéricho qui vous réveillerait un mort, reprenez votre esprit. Reaching for the ligth : c’est le réveil, vous recouvrez vos esprits, l’est sûr que vous avez avalez la maxi-dose ce qui n’empêche pas cette diablesse de strato et  ses deux gardes du corps de foncer à la vitesse interplanétaire, descente sur le parachute ventral, ce qui souffle à Anthony l’envie de se taper un petit solo d’anthologie, juste pour montrer qu’il sait le faire, alors qu’il joue comme s’il baisait les étoiles, d’ailleurs les deux autres adoptent le background de croisière pour qu’on puisse admirer comment il s’envole haut très haut… quand il a dépassé les limites de l’univers on ne l’a plus entendu.

             On ne lutte pas contre un démon. Socrate se vantait d’en avoir un. Moi aussi, je peux vous donner son nom Demonio. Je vous le prête, n’oubliez pas de me le rendre.

    Damie Chad.

     

    A BAND CALLED MELT

    Ils sont trois et ils s’appellent Melt, ce qui m’a attiré c’est leur façon de titrer leur FB, c’est tout simple, tout bête, une formule à la Just Call Me Blue Berry, suffisant pour retenir l’attention. Z’et puis dans la courte définition du premier single qu’ils ont sorti ce mois de juin 2023ils se revendiquent de Led Zeppelin, pourquoi pas, Gérard de Nerval ne prétendait-il pas qu’il descendait de l’empereur romain Nerva…

    MELT

    PROBLEM CHILD

    ( Juin 2023 )

    Proviennent de Pittsburgh en Pennsylvanie, cité qui s’enorgueillit de posséder le plus grand musée américain consacré à un seul artiste, les fans de Lou Reed ne manqueront pas de le visiter puisqu’il s’agit d’Andy Warhol.Joey Troupe : guitar / James May : bass, vocals / J. J. Young : drums, vocals.  

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              La pochette pose tout de suite problème, elle est signée d’Emily Woodell, apparemment l’enfant a grandi, l’est devenu adulte, l’est au cœur de cible de quatre cercles colorés, s’affiche sur un fond cosmologique noir, l’est assez inquiétant avec ses lunettes noires. Une entrée classique, un groove s’installe, il peut mériter l’épithète zéplinesque. Dès qu’arrive le vocal ce n’est pas Robert Plant, mais le gars a la prudence de se cantonner dans le cercle de ses possibilités, question accompagnement manque un peu la pesanteur, la force de gravitation, du Dirigeable, ce sont les lyrics qui emportent le morceau, émanent d’eux un attrait mystérieux qui vous donne envie de comprendre l’incompréhensible. L’ensemble reste problématique. N’est-ce pas la preuve qu’ils sont parvenus à leurs fins ?

    DIVINER

    ( Juin 2023 )

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                Le problème s’éclaircit avec un deuxième single sorti quelques jours après le précédent. Une pochette moins inquiétante mais tout aussi curieuse. Cette fois ils sont deux, enfin un seul en duplicata dupliqué, toujours ses lunettes noires, une barbe plus fournie, toujours sces mêmes insignes sur son sweat-shirt blanc, à moins que ce ne soit un uniforme,  l’est comme le Dieu Janus regarde des deux côtés, mais une des faces de Janus donnait l’impression de voir le passé du monde et l’autre son avenir, ici notre enfant problématique semble s’interroger sur sa propre situation en notre monde. Bye-bye Led Zeppelin, du moins fuzz en pédale douce, une nonchalance rythmique typiquement américaine, sur laquelle se pose la voix, ça se corse bientôt, c’est que la situation est grave, au début le gars faisant semblant d’être comme tout le monde, arborait le visage souriant de l’américain moyen plein de bonne volonté. Dans sa tête il barjote méchamment, l’est un enfant des étoiles, abandonné sur la terre on ne sait dans quel but, l’aurait bien besoin d’un devin pour connaître son avenir, le chant et l’accompagnement imposent, la guitare ne fuzze plus elle fuse comme un engin interplanétaire… Splendide.           

              Pour nous aider à comprendre ils ont sorti an official video : Nos extra-terrestres sont des terrestres extra, des maris reconstruits pour les féministes – l’on ne dira jamais assez de mal de nos philosophes déconstructivistes – ils nettoient le parquet et ils repassent le linge, en ce bas-monde rien n’étant parfait il y a un résistant, une forte tête qui bouquine une canette à la main,  un chien se repose sur le canapé et brusquement tout change, des zébrures colorées parcourent l’écran, c’est la fête dans l’appartement, z’ont organisé une party dans l’appartement avec un mec déjanté déguisé en chat, rassurez-vous, les filles sont là et éclusent en rigolant les boissons, y a juste un gars dans ce charivari qui n’est pas à place, l’est protégé de l’ambiance collective par une ouate de solitude qui lui embrume le cerveau et le met hors-circuit, une copine compatissante mélanges quelques cristaux dans un verre  et en offre à l’assistance, le chat de la maison devient fou, transe collective bientôt tout un chacun vomit une espèce de mousse verdâtre et gluante, nos trois compères sortent dans nuit et portent leur regard vers le ciel noir, sont tous les trois tout seuls et  eux aussi commencent à vomir. Je vous laisse apprécier l’avant-dernière image, par contre la toute dernière est essentielle, c’est la couve de leur nouvel album à paraître le 07 / 07 / 2023 : Replica Man dont les trois derniers singles viennent de sortir.

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    SIGHT TO SEE

    ( Mai 2023 )

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                Evidemment on écoute illico, le lecteur intelligent les remettra dans l’ordre vinylique. Couve toujours d’Emily Woodell. Gros plan sur le bustier de notre problème maintenant enfantin, l’on voit entièrement le emblèmes qui ornent sa combinaison spatiale, Astronaut est-il écrit dessus. Vient juste d’arriver, déjà les curieux le photographient. Rires bruyants, intro élastique, la basse de James May est à la fête, la guitare de Joey Troupz s’attroupe autour de ces grondements bassmatiques, la batterie de J.J. Young les précipite dans leurs retranchements, ainsi se permettent-ils d’expliciter le pourquoi du comment de cet ‘’enfant’’ beaucoup plus perdu que l’homme qui tombait des étoiles de Bowie, ne comprend rien à rien, ni aux questions qu’on lui pose, font entendre un bruit d’engin spatial qui décolle et s’évanouit dans l’espace. On s’y croirait, on monterait dedans si ce n’était ce magnifique vocal désespéré qui pour un peu nous tirerait des larmes de crocodile.              L’histoire complète de cet E. T. adulte est-elle une métaphore pour décrire notre extra moderne solitude, la lecture de la phrase d’introduction sur le FB de Melt apporte une réponse glaçante : ‘’ a future we desserve’’ : le futur que nous méritons.

    Damie Chad.

     

    *

    THE WORLD SEEMS TO BE FADINGMY

    DEATH BELONGS TO YOU

    ( Funere / Octobre 2020)            

    Drôle de nom pour un groupe, vous n’avez pas tort ce n’est pas un groupe mais un homme seul. Enfin pas si seul que cela, l’a ses propres hétéronymes comme Pessoa le poëte portugais à la différence près que ces hétéronymes ne sont pas des personnages poétiques mais des effulgences musicales. Chacun de ses opus correspond à un état d’âme particulier, ou à une expérience dirigée, une espèce de rassemblement de forces élémentales en vue d’explorer des aspects du monde dont le commun des mortels préfère se détourner. C’est que beaucoup de gens sont davantage à l’aise pour explorer leur part communautaire que mortelle.           

              Bornyhake Ormenos, disons que c’est son nom d’artiste, mène de front plusieurs projets depuis 2010 à aujourd’hui, ainsi Ancient Moon, Astral Silence, Borgne, Décomposition, Diurnal, Enoid, Excreta, Lypectomy, Moisissure, Nivatakanachas, Pure, Porifice, Serpens Lumini, Snorre, de lui jusqu’à ce soir je n’avais croisé que The Two Boys Sandwich Club croyant avoir affaire à un groupe de rockabilly, aux premières notes je m’étais aperçu de mon erreur et n’avais pas poursuivi… Le lecteur aura remarqué que notre multiplex one man band emploie beaucoup de vocables français, une explication toute logique : Bornyhake est suisse. Attention en plus de ces hétéronymes il utilise aussi certains pseudonymes. N’entrevoyez aucune ironie dans l’adage suivant : pourquoi faire simple quand on sait faire compliqué. Le monde est vraisemblablement beaucoup plus complexe qu’on ne le suppute, alors pourquoi ne pas diversifier les moyens d’approche. Sur certains projets, Bornyhake peut être accompagné par d’autres musiciens.  

                 Toujours est-il que la phrase My death belongs to you a attiré mon attention, j’ai d’abord cru que c’était le titre d’un morceau, mais non, c’est celui du groupe, groupe réduit à une seule unité : celle de Bornyhake.

              Avant même d’écouter l’on peut s’interroger sur la manière d’interpréter le nom du ‘’groupe’’. Si l’on tient compte de l’image qui l’accompagne, elle est d’Ekahyn Rob, on peut facilement la comprendre comme une modulation ultra-romantique, selon laquelle l’on est prêt à mourir pour quelqu’un d’autre, peut-être déjà mort, peut-être vivant. Les esprits plus pondérés ou moins exaltés diront que tout un chacun fait ou fera la même expérience de la mort que quiconque. En ce cas la mort ne peut être mienne, elle est interchangeable avec toutes les autres, déjà réalisées ou à venir.

                Quant au titre, le monde semble s’affadir, signifie-t-il que le monde perd de son intérêt car la seule existence de la mort qui nous attend en atténue violemment les saveurs, ou au contraire que c’est l’attrait de la mort qui pourvoie le monde d’une fadeur décevante. Dans la première postulation la mort gâche le plaisir de vivre, selon la seconde la mort nous procure l’infini et suprême plaisir de mourir, auprès duquel la vivacité mondéenne perd tout éclat.

                Une courte note nous apprend que le projet My death belongs to you commence à 2013, sept longues années seront nécessaires à l’élaboration de l’opus composé à partir de nombreuses bandes enregistrées qui laissèrent à Bornyhake un goût amer de profonde insatisfaction… Il lui aura fallu retirer tous les éléments dont elles regorgeaient et les réorganiser d’une telle manière qu’ils deviennent significatifs. Si la mort lui paraissait obscure c’est parce que l’obscurité par laquelle il l’appréhendait n’était pas en elle mais en lui. La mort se brûle elle-même et se réduit en cendres blanches et volatiles – il ne donne aucune explication – et Bornyhake la considérait comme une œuvre au noir.

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    The morning after death : funèbre combien de fois devrai-je répéter cet adjectif pour qualifier cette musique auprès de laquelle le Requiem de Mozart manque de densité, coups de butoirs, une frayeur insondable, celle de l’inéluctable, déjà réalisé dont les pas lourds ébranlent les fondations de la raison humaine, une voix sourde parle, le sens des mots est inutile, ils éclatent comme des bulles de non-savoir et de piètre consolation, tumulte grumeleux, après la catastrophe la catastrophe est encore là, elle ne s’achèvera jamais, elle ne marche pas, elle n’avance pas, elle piétine, tout se délite, se fragmente, se désosse, terrible fatigue, hurlements de loups dans les tuyaux des grandes orgues sépulchrales, il faudrait que cela s’arrête, l’on ne stoppe pas la mort, elle est immobile, elle occupe le monde et le transforme en le monde de la mort. Tout est consumé. Tomorrow is the last day : notes aigrelettes, demain ne sera pas un autre jour, la musique revient encore plus violente, encore plus écrasante, le jour d’après est semblable au jour d’avant, il n’y en aura pas d’autres car il n’est plus possible qu’il existe d’autres jours, le son s’amplifie, il s’accroît et accapare tous les espaces temporel s du monde, la mort souffle dans sa trompette et lance sa malédiction aux hommes effondrés de son pouvoir unilatéral. Rien ne saurait résister, une grande fatigue encore une fois celle de l’assaut de ces vagues géantes et grondeuses qui envahissent le monde. Le jour d’après est pire que le jour d’avant, il est parti pour durer une éternité. Ce qui est répété deux fois procure un plaisir doublement victorieux. Des feuilles se détachent de l’arbre du monde. Mon tombeau : retour à soi-même, l’art du tombeau est un art total qui apporte une certaine autosatisfaction non négligeable, il est un cri de triomphe, un hululement grandiose qui perturbe les assises du monde, car ce qui croît, s’élève et se dresse est ce qui est le plus prêt de tomber, si je suis tombeau, le monde est mon tombeau et je suis le monde, le monde mort ou le monde vif, le son déborde et s’empare de l’entièreté de la terre.  Un dernier fracas, juste avant de reprendre la route, ton beau tombeau si beau. Tourne autour afin de… Your dark embrace : est-ce toi,  est-ce le noir, toujours la même lourdeur, où que tu ailles le pas de la mort m’accompagnera, une plainte, un hurlement, ce qui entre ou ce qui jaillit, le bruit devient assourdissant, est-ce normal que la mort reprenne encore des forces, elle semble détruire ce qui déjà n’existe plus, très grand excitation destructrice, noce de ce qui existe encore avec ce qui n’existe plus, folie submergeante, tout est arasé, réduit en pierres, en cendres, en poussières, rien ne saurait résister à cette étreinte sauvage, beuglements de bête ardente et du sacrificateur , tout dérape, tout s’emmêle, s’entrechoque, s’entredéchire, j’égrène les égrégores, de plus en plus gores. Tout est consommé. The world seems to be fading : résonnances de notes calmitudes, la marche reprend, un peu moins forte, est-ce ainsi que le monde s’érode, à moins que ce ne soit la mort qui brille maintenant de mille éclats de joie, dans ma poitrine, sur le monde, partout et ailleurs, des degrés d’intensité en moins, la bête deviendrait-elle civilisée, est-ce seulement une impression, quelque chose a-t-il voulu avoir lieu, un soupçon de fatigue, serait-ce le signe de la vieillesse du monde, pourquoi pas de la vieillesse de la mort, si vieille que l’on commence à s’y habituer, que rien n’est commencé, n'a commencé pour décréter un changement quelconque dans l’ordre immuable de l’apparence des choses. De celles qui sont vivantes. De celles qui sont mortes. Une cloche sonne. Sont-ce les marteaux désormais qui donnent l’heure. L’on ne pire qu’ils veulent nous réveiller. Peut-être juste nous dire au revoir. Une sonate d’adieu éternel. 

               Lugubre. Magnifique.

    Damie Chad.  

     

     LA MONNAIE DE LEURS PIECES AMER’THUNE

    ( Autoproduit  / 2012 )

     Sébastien Fournier, Mathieu Relin et Mickaël Denis

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              Ce qui frappe l’auditeur au premier abord, dès la première écoute, c’est l’humanisme, l’humanité des trois artistes.      

                Tout au long des sept titres de cet album se déploie le cri de révolte contre un monde qui cherche à faire passer les profits des puissants avant l’existence des hommes. Il ne s’agit pas là d’une indignation à bon compte, pour se donner bonne conscience, mais bien d’une condamnation sans appel de la destruction de ce qui est au cœur de l’existence humaine, de l’esprit humain. La recherche des profits pour leur accumulation et non pour permettre à la vie de se déployer dans toutes ses dimensions, la recherche des profits comme fin et non comme moyen est la négation même de ce qu’est, de ce que doit être la vie d’êtres de chair. 

               L’argent, non celui qui, fruit du travail, est nécessaire pour vivre, mais celui qui s’accumule dans les poches boursouflées de quelques uns, peut rendre amer, mais cette amertume est de celles qui font ressortir la richesse des saveurs du monde. Elle permet de lutter contre les tentatives d’adoucir les volontés de révolte, d’édulcorer les pensées, autrement dit elle est l’instrument qui appelle au réveil face aux discours mielleux et lénifiants dont nous sommes abondamment abreuvés, dans lesquels d’aucuns voudraient bien que l’on se noie avec la complicité de ceux qui devraient au contraire sonner le réveil. Le titre, La Monnaie de leurs pièces, montre bien que nous sommes plongés dans une lutte entre deux classes, deux visions de la société, deux conceptions du monde.

                Les compositions des trois compères permettent de mettre en valeur les mots de Mathieu Relin tout en laissant toute sa place à la musique. Cette recherche de l’équilibre entre ces deux pôles de la chanson contribue à donner plus de poids à cet engagement dont la présentation des trois membres du groupe, que l’on découvre à l’intérieur de la pochette, témoigne de manière exemplaire. Avec cette mesure au service de l’humanité, nous voyons encore la dénonciation de la démesure financière, de l’hybris de ceux qui veulent dépouiller le peuple de son pouvoir.

                Cet album est un appel à se souvenir que notre liberté ne se négocie pas, que l’Histoire de France est avant tout une histoire de lutte, lutte pour la liberté, lutte pour l’humanité, lutte pour l’humanité libre !

    Philippe Guérin (28/06/2023)

     

    ROCKAMBOLESQUES

    LES DOSSIERS SECRETS DU SSR

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    (Services secrets du rock 'n' roll)

    Death, Sex and Rock’n’roll !

                                                             

    EPISODE 32 ( Exterminatif  ) :

    179

    Le père d’Alice s’approche de nous. Il m’adresse un regard haineux, je comprends qu’il n’a pas aimé mon entrée fracassante dans son bureau.

    _ C’est Alice qui a tenu à ce que ce livre vous soit remis, parce que vous étiez beau m’a-t-elle avoué – en moi-même je me dis que cette jeune Alice a du goût, un véritable sens esthétique développé – comme toujours depuis que sa mère est morte je cède à toutes ses lubies, j’ai retrouvé  ce volume dernièrement dans ses affaires de jeune fille que ma femme avait remisées dans une vieille valise au fond d’un placard, je ne savais même pas qu’il existait, il était dans une enveloppe sur laquelle elle avait tracé quelques mots : A remettre à celui qui viendra le chercher. Alice a décidé que c’était vous, je lui obéis, si ça ne tenait qu’à moi vous auriez été la dernière personne à qui j’aurais permis de le lire.

    Le directeur de la Bibliothèque Nationale attrape la main de sa fille et l’entraîne à grands pas. Ils n’ont pas fait vingt mètres qu’Alice lui échappe et court vers nous en criant :

    _ Papa, attends-moi, je fais un bisou aux chiens et on s’en va !

    Elle est déjà à genoux devant Molossa et Molossito qui l’accueillent en sautant de joie. Elles les caresse, elle ne nous regarde pas, mais entre deux ‘’ braves toutous’’ elle glisse à voix basse : ‘’ c’est moi qui l’ai mis dans la valise, maman me l’a donné la dernière fois que je l’ai vue à l’hôpital’’, elle rejoint son père excédé qui l’attendait : ‘’ Dépêche-toi papa, on va à Disney !’’. Tous deux s’éloignent main dans la main.

    180

    Carlos nous ramène au local. Il paraît soucieux. Comme il arrête la voiture pour nous permettre de descendre :

              _ Je suis peut-être un peu curieux mais qui de vous deux lira le livre en premier ?

    Le Chef qui a déjà entrouvert sa portière, allume un Coronado avant de répondre :

              _ Aucun des deux Carlos, seul l’Agent Chad le lira, c’est à lui qu’Alice l’a tendu, ce n’est pas un cadeau pour faire plaisir ou être gentil, c’est une transmission, quelque chose d’important, de sacré, d’une morte à un vivant.

              _ Chef, songez à ce livre que vous étiez en train de lire lorsque j’ai pénétré en rêve dans votre mental, je ne suis peut-être que l’un des maillons de la chaîne.

              _ Agent Chad s’il en était ainsi vous vous en apercevrez et vous me le ramènerez demain matin, laissez-moi avec Carlos nous trouverons bien un bon resto où nous pourrons inviter sa nouvelle Alice, rentrez chez vous Agent Chad et plongez-vous dans cette lecture que je pressens fort instructive.

    181

    Ils m’ont laissé avec les deux chiens. Ils passèrent une excellente soirée. L’Alice avait eu l’excellente idée d’amener avec elle une de ses amies, oui chers lecteurs, vous commencez à comprendre, elle se prénommait aussi Alice…

    Rentrés à Provins, après le repas Molossito et Molossa s’installèrent sur le sofa et fermèrent les yeux. J’ouvris une bouteille de Moonshine, m’installai à ma table de travail et me saisis du livre.

    182

    Je m’appelle Ecila, je suis née dans un pays de vastes forêts, c’est tout ce que je sais de moi, je suis incapable d’en savoir plus. Mon enfance fut solitaire, mes premiers souvenirs résident des courses vagabondes sous les cimes majestueuses d’arbres centenaires… Je me suis enfoncé avec Ecila sous le dôme majestueux de ces épaisses frondaisons, j’ai essayé de la suivre dans ces errements, plus j’ai avancé dans ma lecture plus je l’ai perdue de vue. Au bout d’une vingtaine de pages Ecila avait disparu, certes elle disait toujours ‘’je’’, c’était bien elle qui racontait son histoire, mais elle n’était plus là. Il était indubitable que c’était elle qui errait dans une vaste sylve, mais elle n’existait plus. Etrange sensation de lecture, la narratrice n’est plus là mais elle continue son récit.

    A la fin de ce premier chapitre, j’ai décidé une pause réflexive, je me suis versé deux grandes rasades de moonshine, peut-être la suite me permettrait de mieux comprendre. J’ai sursauté aux premières lignes du deuxième chapitre : Je m’appelle Ecila, je suis née dans un pays de vastes forêts, c’est tout ce que je sais de moi, je suis incapable d’en savoir plus… Je n’en croyais pas mes yeux le deuxième chapitre se révéla du début à la fin identique au premier.

    Je n’étais pas au bout de mes surprises, après trois rasades de moonshine j’attaquai le troisième chapitre qui était la simple répétition du premier et du deuxième. Peut-être d’infimes variations me permettraient-elles de comprendre, j’ai comparé minutieusement les trois textes, c’étaient bien les mêmes, je me suis même amusé de mesurer le blanc qui séparaient les mots, non les trois versions étaient identiques.

    Je le reconnais, oui j’ai bu quatre rasades de moonshine avant d’aborder le quatrième chapitre, cinq avant le cinquième, six pour le sixième. Je vous rassure il n’y avait pas de septième chapitre. Quel intérêt de recopier six fois la même chose ? 

    Etais-je bête, pas besoin de recopier, il suffit d’imprimer six cahiers identiques et de les relier, mais dans quel but ?

    A cinq heures du matin, je me suis endormi entre mes deux chiens…

    183

    Le Chef fumait un Coronado lorsque j’ouvris la porte du local. A son regard interrogatif j’ai compris qu’il avait dû se lever tôt pressé de recueillir mes impressions de lecture. Je lui ai tout de suite résumé le satané bouquin :

              _ C’est simple Chef, c’est une fille qui s’appelle Ecila qui se promène dans une forêt ensuite c’est une fille qui s’appelle Ecila qui se promène dans une forêt, après c’est une fille qui s’appelle Ecila qui se promène dans une forêt, c’est encore une fille qui s’appelle Ecila qui se promène dans une forêt, puis c’est une fille qui s’appelle Ecila qui se promène dans une forêt, enfin c’est une fille qui s’appelle Ecila qui se promène dans une forêt.

            _ Agent Chad je vous remercie pour ce résumé qui m’a si bien tenu en haleine que j’ai laissé s’éteindre ce Coronado, un roman passionnant, vous avez dû passer une soirée fertile en émotions, quand je pense qu’avec Carlos nous nous sommes contentés d’un bon repas qui s’est terminé par une petite sauterie avec sa nouvelle copine qui d’ailleurs avait emmené une de ses copines à elle. De la roupie de sansonnet si je compare à votre soirée.

              _ Chef permettez-moi de modérer vos ardeurs, lire vingt pages qui n’apportent rien à notre enquête s’avère un peu décevant, mais les lire six fois de suite c’est carrément ennuyeux…

              _ Agent Chad, je vous connais, vous avez dû agrémenter votre lecture de trois ou quatre bouteilles de moonshine, votre esprit trop embrumé n’a pas été capable de saisir le sens de ce roman aussi évident qu’un troupeau de pachydermes dans un couloir.

              _ Chef, à part de dire que le livre raconte six fois la même histoire, je ne vois point poindre le moindre éléphant significatif !

              _ Agent Chad pas d’éléphant je le concède puisqu’il s’agit d’un éléphant femelle, une éléphante si vous préférez !

             _ Chef, je ne comprends rien à vos chinoiseries !

             _ Agent Chad je vous trouve un tantinet obtus ce matin, laissez-moi éclairer votre lanterne.

    Le Chef allume un Coronado. Il prend son temps je le soupçonne de faire durer le plaisir :

               _ Agent Chad, je n’ai pas lu le livre, mais vous l’avez si bien résumé que j’ai tout compris. Il faudra aussi que vous fassiez un stage de perfectionnement CP pour que vous appreniez au moins à compter jusqu’à dix ! Voyez-vous Chad…

    Le Chef écrase son Coronado dans le cendrier, il en choisit un autre dans le tiroir de son bureau, le soupèse délicatement, le repose, en saisit un autre, ce doit être le bon puisqu’il l’allume :

              _ Non Chad, il n’y a pas six fois la même histoire dans ce livre, vous avez mal compris, il y a six Ecila !

    Je reçois une décharge électrique de six mille volts, mon cerveau tourne six fois sur lui-même dans ma boîte crânienne, illumination transcendantale, je viens de comprendre :

             _ Chef vous voulez dire que dans ce livre on ne voit que des filles qui s’appellent Ecila comme dans notre vie toutes celles que l’on rencontre s’appellent Alice !

              _ Bravo Chad vous progressez, toutefois dans votre bouquin vous avez trouvé six Ecila, rajoutez celle du titre vous en avez sept…

              _ Chef, votre lecture nous ouvre des perspectives infinies, serions-nous sur une application physique de la théorie de alephs de Cantor !

               _ Au fait Chad, sur le chemin du resto, j’ai passé quelques coups de téléphone, savez-vous que la mère de notre jeune Alice s’appelait Ecila ?

    A suivre…

  • CHRONIQUES DE POURPRE 596: KR'TNT 596 : TELEVISION / HOUSE OF LOVE / IGGY POP / RUBY JOHNSON / THE FALL / DIVORCE FINANCE / VERITI RITUS / SWAMP DUKES / AMER'THUNE / ROCKAMBOLESQUES

    KR’TNT !

    KEEP ROCKIN’ TIL NEXT TIME

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    LIVRAISON 596

    A ROCKLIT PRODUCTION

    FB : KR’TNT KR’TNT

    13 / 04 / 2023

    TELEVISION / HOUSE OF LOVE

    IGGY POP / RUBY JOHNSON

    THE FALL / DIVORCE FINANCE

    VERITI RITUS / SWAMP DUKES

    AMER’THUNE / ROCKAMBOLESQUES

     

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    Television Personality

     - Part Two

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             Après le flash planétaire de Marquee Moon, Television va rester allumé le temps de deux albums, Adventure en 1978, et un album sans titre, en 1992.

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    Tu vas trouver en ouverture du balda d’Adventure un «Glory» qui semble tout droit sorti de Marquee Moon, tellement c’est taillé sec dans le lard télévisuel, avec un chant de sale petit décadent. Verlaine en joue jusqu’à la nausée, ça fait partie du jeu, il revient au Marquee avec la même volonté de ne pas en découdre, même volonté de corrompre la formule. Il sait rester expressif et donc convainquant, Verlaine continue de faire son Rimbaud. On trouve encore tous les travers de Marquee Moon dans «Days», Verlaine continuer d’exploiter son petit filon de florentin malingre aux veines saillantes. Il joue les victimes désignées, il se sacrifie sur l’autel des dieux, pas besoin de prêtres. Tout l’album reste dans le même acabit, même balancement, même sens aigu de la mauvaise santé. Ce vieux Verlaine n’en démord pas, il campe dans sa déliquescence avec le chant qui sied. On sent bien que Verlaine se prend pour un poète dans «Carried Away», il a du répondant et fait l’effronté. Retour à Marquee Moon avec «Ain’t That Nothing», Verlaine ressort le riff de Johnny Jewel, il sent qu’il faut sauver les meubles, alors il tarpouine sa vieille recette et bascule dans l’«Happy» de Keef. Quel mélange ! Le voilà en plein Exile, avec une belle descente au barbu d’electrak. Au final ça donne un cut inexorable.

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             On trouve encore deux ou trois belles choses sur l’album sans titre paru en 1992, à commencer par «In World», un beau funk blanc, c’est sec et net, et même intraitable, serti d’un solo hirsute de clairette maladive signé Richard Lloyd. C’est encore lui le petit Richard qui allume «Call Me Lee», son solo est un vrai festin d’entrailles, il joue à l’outrance carnassière. Avec «Beauty Trip», ils passent au wild TV groove d’Hoochie Coocha, Verlaine taille sa route au señor, il y va, c’est monté sur un bassmatic de Fred Smith, ils te groovent l’Empire State Building, et ça donne une merveille absolue. Verlaine fait le fanfaron sur «Shame She Wrote This». Il adore rebondir sur le vieux beat en bois poli. L’air de rien, avec son air fourbe, il passe son Television en douce. Il donne encore une suite à Marquee Moon avec «Rhyme». Tu peux considérer Verlaine comme un grand parnassien. De la même façon que Lou Reed, il a une vision très spéciale du rock, il voit le rock à travers les binoculaires de New York. Il déploie toujours les mêmes draps de satin âpre. Ça va te gratter le cul, mais derrière il y a beaucoup de travail aux guitares. Il tape «The Tube» à la réserve, sur des accords d’acier bleu. Tout reste acéré chez Verlaine, même la Television. Surtout la Television. Il touille sa salade avec des airs compassés de martyr, il est même assez rigolo dans son rôle d’archange déchu, il s’en sort avec un groove de baskets aux pieds, il swingue sa carcasse en fer blanc, Verlaine est un mec très débrouillard. Tous ses cuts sentent un peu la débrouille. Il crée en quelque sorte les conditions de sa perte, il adore s’écrouler dans les immeubles, alors il peut hurler comme un con, comme il le fait dans «Mars», il va même essayer de se faire passer pour un génie. On ne sait jamais, ça peut marcher.

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             Si tu veux entendre de belles guitares, écoute The Blow-Up, le fameux bootleg officialisé paru sur ROIR en 1982. On y trouve des belles versions à rallonges de «Little Johnny Jewel» et de «Marquee Moon». À force d’être solotées, ces versions finissent par te fendre le cœur. C’est monté en neiges du Kilimandjaro, elles bénéficient quasiment du même beat indolent. On retrouve dans ces enregistrements de fortune tout ce qui fait le charme malsain de Television : le chant à l’efflanquée et les molles torpeurs envenimées. Ils font aussi une très belle version de «Knockin’ On Heavens Door», ils prennent le temps d’y développer leurs conjonctions d’entrelacements congénitaux. Leur côté ambiancier reste décidément du meilleur goût.

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             Puisqu’on trempe dans les sources aléatoires, on peut écouter Arrow, un bootleg tombé des nues au son très convenable. Cool a fuck et hot as hell. C’est comme on s’y attend ultra-joué aux guitares et la version de 15 minutes de «Johnny Jewel» emporte bien la bouche. On sait exactement ce qui va se passer, mais on se régale de ce long solo excédé d’exemplarité symboliste. En B, «Prove It» tient en haleine, car Verlaine y passe un beau solo liquide d’une qualité irréprochable. Toute l’énergie riffique du groupe est de retour avec «Friction». Ces gens-là savaient honorer un contrat. Même la version de «Satisfaction» passe bien, car infestée de solos razor sharp. On a là une véritable dégoulinade de sonic hell excédé. Sur scène, Television reste un groupe fascinant.

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             Tom Verlaine attaque sa carrière solo avec un album sans titre paru sur Elektra en 1979.  Il fait bien sûr du Television. C’est tout ce qu’il sait faire. Oh, ce n’est pas un reproche, au contraire. «Red Leaves» est du pur jus de Television. Verlaine reste dans le même son, il tente de recréer l’excelsior. D’ailleurs, il a tout Television derrière lui, sauf le petit Richard. Encore du TV pop avec «Breakin’ In My Heart». On se croirait sur Marquee Moon. Même voix, même son. Il deviendrait presque une caricature du TV show, à tortiller ainsi son chant maladif. Il finit par sonner comme une superstar. Verlaine a vraiment inventé un style de rock, un rock excuriating de zombie exacerbé, repoussante créature parcourue de veines saillantes et dotée d’une voix d’asperge mal fleurie. Verlaine continue de faire son Television sans Rimbaud, il garde son lard dans sa poche, il gratte ses accords de 1977. Pour tous les fans de Television, cet album sonne comme le gendre idéal. Il repart en mode bien maladif avec «Kingdom Come». Il twiste ses guiboles de zombie et n’en finit plus de larmoyer. Franchement, a-t-on besoin d’une nouvelle «Venus De Milo» ? En attendant, Verlaine connaît sa Jaguar par cœur. 

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             Son deuxième album solo s’appelle Dreamtime. Ça reste du big TV sound apoplectique. Rien n’a changé dans la culotte de Verlaine, ni les veines saillantes ni les vieux jus. Il abuse de sa vieille recette. Les deux gros cuts de l’album sont «Always» et «Mr Blur» : son de tape-dur et psaumes d’exacerbation, acid guitars et beat d’acier, tu es à New York, mon gars, c’est du rock-solid, admirable à bien des égards. Les accords de Mr Blur sont ceux du premier TV, ce gros gratté de poux infectueux, vite contaminé par un chant encore plus infectueux. So Mr Blur ! Verlaine moissonne le va-pas-bien. Il n’a jamais éteint sa télé. «Without A Word» sonne comme de l’early TV motion, Verlaine est encore plus décadent qu’au temps de Marquee Moon, il colle au papier comme un gros bonbon périmé, dans ses veines saillantes coule toute la décadence de l’avant-siècle, sa glotte vibre maladivement. Il y a du Des Esseintes dans Verlaine. Il revient encore à ses vieilles amours transies pour les fièvres avec «A Future In Noise», Verlaine sait piquer des crises d’apoplexie, il connaît le secret des veilles convulsions de la 42e Rue, il faut voir comme ça pulse dans l’ass du percuteur. Cet album est aussi balèze que Marquee Moon. Même poids dans la balance de l’imbalance. Verlaine secoue bien les circuits de son vieux récepteur. Il jette un regard tellement torve sur le rock qu’il frise en permanence la modernité.

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             Pour Words From The Front, son troisième album solo, Verlaine s’offre un beau portrait pour sa pochette. Il dégage une sorte de sainteté. Sur cet album, il renoue avec le beat tourmenté et les éclats de voix qui firent la réputation de Television. Il n’en finit plus de jeter l’ancre dans les eaux noires de la vieille psychose new-yorkaise. C’est en B que se trouve toute la viande, à commencer par un morceau titre très atmosphérique, faux récit de guerre un peu macabre, avec un John died last night/ he had no chance/ beneath the surgeon’s drunken hands, et on le voit même partir en solo de dérive abdominale. Ça se veut beau et ça l’est. Tom Verlaine s’inscrit dans le domaine de la mélancolie sinueuse. Encore mieux, voici «Coming Apart» où il dit se sentir mal, il part en morceaux, I’m coming apart, il ne sait pas ce que ça signifie, mais ça lui permet de renouer avec la fantastique pulsion new-yorkaise, celle des gens qui décidément n’iront jamais bien. Il termine avec l’excellent «Days Of The Mountain», joué au long cours d’un solo délicat et entreprenant. Verlaine finit toujours par emporter la partie.

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             Paru deux ans plus tard, Cover est un album qui laisse sur sa faim. Verlaine revient au funk télévisé avec «Travelling». Son vieux pote Fred Smith joue le drive de basse intermittent. Fred a l’habitude, Verlaine peut compter sur lui, c’est un brave mec. On retrouve aussi du TV Sound en B avec un «Miss Emily» chanté au when the sun goes down. Verlaine n’en finit plus de montrer qu’il maîtrise bien son art et qu’il sait créer des ambiances. Comme s’il n’avait fait que ça toute sa vie. Pire encore : comme s’il ne savait faire que ça. Il faut dire que ce mélange de grattes clairvoyantes et de voix aux abois est unique en Amérique. Si on garde un bon souvenir de «Little Johnny Jewel», alors «Rotation» passe comme une lettre à la poste. Oui, c’est le même son, exactement le même beat décharné et le même faux funk pas très franc du collier.     

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            On trouve une belle énormité sur Flash Light. Elle s’intitule «Song». Verlaine chante sa Song de manière épique, avec une espèce de petite démesure à la clé de Sol, et ça devient beau très vite - When you wait/ It is not hours/ But forgotten sense of time - C’est bien déstructuré au chant et secondé par une gratte brillante. Mais c’est le texte qui force l’admiration - It’s very kind of all those powers/ To feature love without design - Cette merveille est d’une grande élégance littéraire. Par contre, si on va chercher l’«At 4 AM» en B, c’est la qualité du chant qui va emporter tous les suffrages. Verlaine est un prodigieux décadent - Rosie rosie/ The violets bloom - Fantastique hommage rendu à Rosie - At 4 am I’ll be back/ In San/ Antone - On tombe plus loin sur un «Annie’s Telling Me» monté sur le beat du vieux «Friction». C’est beau, une fois de plus - It’s like a factory/ Cranking out them part - Belle musicalité latente, hantée par des éclairs de virtuosité. On s’attache à Verlaine. On s’amourache.

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             Puis on va le voir commencer à tourner en rond avec The Wonder, qui paraît en 1990. On y sauve le «Kaleidescopin’» d’ouverture de balda. Verlaine y joue sa très vieille carte de TV funk blanc. C’est toujours le même son et Verlaine chante du fond d’un gosier parcheminé. Il tortille bien son astro-funk groovytal. Il refait le cirque de Johnny Jewel dans «August» qui n’a rien d’auguste. Il drive sa chique, mais loin du Quartier Latin et des Zutiques. Il n’en finit plus de reproduire son vieux modèle maladif. Le white funk d’«Ancient Egypt» finit par indisposer. Ce no-wave sound frise le Talking Heads. On perd le hard-talk de TV. Il n’empêche que derrière le rideau, les grattes sont voraces. Ça dégénère même en gratté de poux épileptique. Verlaine fait bien son biz. Mais il peut indisposer, il faut le savoir. De toute évidence, il n’entre pas dans l’histoire de la fameuse bataille avec «Stalingrad». Il y perd un peu de sa crédibilité. Mais on l’écoute car, d’une certaine façon, ça reste puissant. Verlaine finit par s’inscrire dans le heavy balladif, son «Pillow» est solide, on sent le vrai songwriter, il s’inscrit dans le marbre de la télé - A bluebird in a tree - Il travaille encore son «Storm» au corps à coups de love me up a storm, c’est-à-dire au heavy funk drop. Il reste dans son style et dans son beat. Peut-on parler d’une œuvre ? Pas vraiment. C’est juste un style, mais un style unique qui s’affirme, album après album, un style qui le sort du troupeau des moutons de Panurge. Ça l’arrange bien Verlaine d’avoir un style unique, ça lui permet de s’imposer comme un artiste. Il finit son album en mode petite pop avec «Cooleridge», il joue de ses charmes frelatés et sonne comme une vieille pute, puis «Payer», plus bossa nova à la mormoille, limite new wave. Il fait n’importe quoi pour remplir son album. C’est dur de voir un si bel altiste se griller en prenant les gens pour des cons.    

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             La belle ampoule qui éclaire la pochette de Warm And Cool est censée indiquer la présence d’idées. Tintin pour les idées ! C’est un album d’instros. Billy Fica bat toujours le beurre et un certain Patrick A Derivaz bassmatique. Si tu veux t’ennuyer, c’est l’album idéal. Zyva copain, elle t’attend ton idole des jeunes ! Verlaine se prend pour Peter Green dans «The Deep Dark Clouds», c’est agaçant. On perd vite patience avec ces mauvais tours de passe-passe. Pour «Saucer Crash», Verlaine y va au Saucer. On a envie de lui dire : «Laisse tomber poto, tu nous les tarabustes.» On attend de la viande et il ne nous ramène que le squelette. Mine de rien, il réussit presque à t’entraîner dans son délire. C’est tout de même incroyable qu’on en vienne à écouter des albums qui n’apportent rien. Méfie-toi des ampoules ! C’est souvent l’arbre qui cache la forêt. Quel gâchis cet «Harley Quinn». C’est pas beau. Tu as besoin de choses plus solides pour ton équilibre mental.      

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             Rebelote avec Around. Encore un album d’instros paumés. Il faut boire le calice jusqu’à la lie, sinon, on ne sait pas. Disons que Verlaine expérimente. Il fait de l’exotica de gratte paumée. Alors tu suis ou tu suis pas. C’est ton problème, pas celui de Verlaine. Si tu es fan, on va dire inconditionnel, et que tu es curieux, tu suis. Tu marches sur des œufs. Verlaine flirte en permanence avec le discrédit. Et pourtant il semble continuer de créer son monde. Il a l’air sûr de lui. Il gratte pour des prunes, comme dirait Gide. Avec «Balcony», il revient à son vieux TV sound. Il ne fait que suggérer, c’est tout le propos de cet album. Mais il reste très directif. Sa gratte chante pour lui. Avec «Eighty Eights», il fait un cirque assez pur, presque mélodique, par contre, il devient malencontreux avec «Wheel Broke», un heavy boogie grossier, atrocement dérisoire. Il termine en mode prévisible avec «Rings», une vieille jam de fin de non-recevoir, bien travaillée dans la couenne du lard, du pur Verlaine.   

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                 Et puis en 2006 tombe du ciel un album quasiment parfait : Songs And Other Things. Il renoue avec son funk d’agonisant dès «Heavenly Charm», en plein dans la veine de Johnny Jewel, et ce n’est pas une métaphore. Ça redevient bougrement captivant. Verlaine chante ses cuts dégueulasses avec une sorte de dégoût profond, on s’essuie les doigts tellement ça pue. On le voit éructer dans la valse des étrons de «Blue Light», il n’a plus aucun espoir. Back to New York City avec «From Her Fingers», Verlaine y va au fa fa fa, le côté diskö est inadmissible, c’est d’ailleurs cette tendance qui a coulé Blondie et les Talking Heads, leur attirance pour le dollar diskö, mais le fa fa fa de Verlaine passe comme une lettre à la poste. Rien de plus insidieux que le «Nice Actress» qui suit, Well I got you come, il cueille la rose à la bouche de la décadence. Et boom ! Les heavy chords de «The Earth In The Sky» éclatent, c’est très spectaculaire, ça se passe au meilleur niveau tremblant, tu as vraiment le Verlaine des temps modernes, il écrit des vers, de la prose, en attendant le jour qui vient, te voilà en pleine magie. Il développe ensuite des langueurs pas monotones, il se meut dans le groove frappé sec de «Lovebird Asylum Seeker» et travaille sa défaite dans le détail avec «Documentary». Ce genre de mecs n’aiment pas qu’on les embête quand ils scient la branche sur laquelle ils sont assis. Pour eux, c’est important de pouvoir creuser sa propre tombe. Le poète doit toujours se noyer dans le jus de sa déliquescence. Ce qui fait très bien Verlaine. Il gratte son «Singalong» dans le free d’un funk de no way out. C’est sa vision de la modernité. Il déconstruit le funk à la plaintive. Il provoque les savants. Il leur rit au nez. Il salomonte ses clavicules et force sa langue à danser le jerk. Verlaine te propose ici un album atrocement inventif, un album sans peur et sans reproche, il gratte fabuleusement dans la couenne du lard et se plaint en permanence. Il revient à son cher vieux TV rock avec «All Weirded Out», bien claqué au sommet du crâne, c’est effarant de much better, Verlaine n’a jamais fait couler autant de bave de rock, il est fabuleux d’éclat terni. Et puis voilà le coup de génie : «The Day On You», tu ne sais pas d’où ça sort et boom ! Ça tombe du ciel, là tu peux y aller, c’est solide, la pop scintille et le chant danse le mambo avec la muse, Verlaine te harponne comme si au fond tu n’étais rien d’autre qu’un vieux cachalot blanc.

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             Tom Verlaine n’est pas le seul ex-Television à mener une carrière solo. Richard Lloyd compte à son actif une petite ribambelle d’albums solo. Si on les écoute, c’est forcément par curiosité, d’autant que le premier est paru sur Elektra en 1979, alors que le label était encore en vogue. Mais hélas, Alchemy n’est pas ce qu’on pourrait appeler un bon album. Le pauvre Richard y joue une pop gentillette et toute la tension de Television a disparu. C’est le genre d’album qu’on va renvoyer dans le circuit aussitôt après l’avoir écouté. On s’y ennuie légèrement. La pop gentillette ne mène nulle part. Il paraît même bizarre que cet album si faible soit sorti sur Elektra. Le pauvre Richard n’a pas de voix. On retrouve ça et là des bribes de TV Sound, comme dans «Should Have Known Better», mais il manque l’essentiel, le côté tourmenté. Le jeune Richard est trop gentil. 

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             Il se fâche un tout petit peu sur Field of Fire paru en 1985. On sent dès l’ouverture une belle détermination à vaincre. Le jeune Richard n’a toujours pas de voix, mais il tente quand même le coup. On le voit même beefer son son dans «Losin Anna». Du coup, il retrouve sa crédibilité de TV man. Mais c’est en B que se joue le destin de l’album, avec un «Pleading» joué sur les accords de «Friction». Le jeune Richard renoue enfin avec le TV Sound. Il ressort son vieux son Fender lancinant et tellement new-yorkais. Encore mieux : le morceau titre, paré d’une admirable ambiance. Comme son compère Verlaine, le jeune Richard peut jouer de très beaux solos entreprenants. Il vise lui aussi le firmament. Ce cut pourrait très bien figurer sur le premier album de Television, rien que par la lancinance du beat et la qualité des échappées belles.

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             Deux ans plus tard, le jeune Richard se fait peindre avec une guitare rouge pour la pochette de Real Time. C’est un album live qui démarre sur une cover assez médiocre de «Fire Engine», un vieux hit du 13th Floor. On note au fil des cuts une absence tragique de viande. On observe un petit sursaut avec «Lost Child», joli slab de rock insistant mais difficile à cerner dans l’océan de médiocrité qu’est hélas cet album. Le jeune Richard n’a définitivement pas de voix. Tout repose sur son passé de TV man. On n’écoute la B que par conscience professionnelle. Quelques relents de TV s’échappent de «The Only Feeling». On y retrouve en effet la froideur du beat et l’alchimie solotique, ces chapelets de notes cristallines égrenées dans la lumière des matins blêmes. Il tape plus loin dans le «Field Of Fire» de l’album précédent et on le voit visiter les couches supérieures des mondes aléatoires. Les luttes s’y font très intestines, le jeune Richard va vers la beauté, c’est indéniable. Il ressort aussi son beau «Pleading» et là, il remporte une sorte de petite victoire : il réussit à convaincre. Ce mec n’a pas de voix, mais il amène autre chose, une présence, un certain ton guitaristique, un parfum de pop-rock new-yorkaise, c’est très spécial et très communicatif. «Pleading» est un joli cut. 

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             Sur la pochette de The Cover Doesn’t Matter, le jeune Richard s’emmitoufle. Il démarre sur une belle énormité nommée «The Knockdown». Oh le petit démon ! Il déballe un heavy sludge d’heavy as hell, il combine la grosse attaque et la folle énergie. Il a tout in tow. C’est pas compliqué : il te fait du real deal de wild as fuck. L’autre belle énormité s’appelle «Strange Strange», il chante ça au funk TV. Le jeune Richard est comme son pote Verlaine, un immense artiste. Il ne joue que des solos miraculeux. Il revient dans le giron du TV sound avec «Torn Shirt». C’est du pur NYC blues punk, un vrai pulsatif de bad funk. On reste dans le pur TV sound avec «Raising The Serpent», il fait de l’excelsior télévisuel, il osmose à outrance. Tu ne perds pas ton temps à écouter les albums de ce mec-là. Ses solos voltigent, il ne vit que pour le wild as fuck. Ça sent bon le Marquee Moon. Il passe au fast TV sound avec «Submarine». Il voyage dans son cut comme un fantôme du Bengale, de liane en liane, le jeune Richard perce bien ses boutons de pus, il incube de jolis éclats d’excelsior, tu n’en reviens pas d’entendre un mec aussi doué, il embobine tout avec ses solos, il cavale sur la crête du son comme un Hendrix blanc, il traverse le son de part en part. Le jeune Richard est un homme qui a du son, énormément de son. Sur «Ain’t It Time», il est capable de sonner comme les Byrds. «She Loves To Fly» est encore plein de son, plein d’accords, avec le killer solo flash à la clé. Les relances pop qu’il fait dans «I Thought» sont absolument somptueuses. Il finit sur une note intense avec «Cortege», comme le fait Gene Clark sur ses albums.  

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             Allez, tiens, encore un superbe album du jeune Richard : The Radiant Monkey. Tu y trouves encore deux cuts dignes de Marquee Moon : «Only Friend» et «One For The Road». Il est dans le bain, il nappe sec, avec des accords crades, il fait du TV shot, il réinvente l’énergie maladive de son pote Verlaine et finit même par chanter comme lui - Yeah gimme one for the road ! - L’énormité de l’album s’appelle «Big Hole», il sort ses chops hendrixiens, il reste le fabuleux mover & shaker que l’on sait, il pulse son suppo dans la rondelle des annales, il fait du real deal inverti, il huile ça pour que ça coule dans les bas fonds, fabuleux Richard Cœur de Lion, il hendrixifie jusqu’au bout de la nuit célinienne. Le «Monkey» qu’il claque en ouverture de bal est heavy as hell. Il se sert du TV sound pour aller sucrer les fraises de sa heavyness. On se croirait chez Blue Cheer. Il arrache le foie du Monkey. Il frise l’«I’m a Monkey» de Jag. Il ramène les accords de Verlaine dans «Glurp» et va vite en besogne avec «Swipe It». Il vise naturellement le pandémonium. Il revient aux racines du TV set avec «Kalpa Tree» et on voit bien qu’avec «Amnesia», il ne baisse pas d’un seul cran. Chez lui, le TV sound devient une obsession. Le pire c’est que tout ce bordel est bon, au-delà de toute expectitude. Nouveau shoot d’heavy groove avec «Carousel» - C’mon girl/ Let’s go for a ride - Il s’énerve avec «Wicked Sun», il en a les moyens. Il bricole une sorte de fast heavy dumping, tu te régales, il pique une belle crise et échappe au TV Set à coups d’ooouh yeah.  

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             Comme chacun sait, Richard Lloyd fréquentait Velvert Turner. Ils étaient très liés et partageaient la même fascination pour Jimi Hendrix, un Hendrix qui prit un temps le jeune Velvert sous son aile. Alors il faut écouter ce spectaculaire album nommé The Jamie Neverts Story, Jamie Neverts étant le pseudo inventé par Richard et Velvert pour parler de Jimi. C’est l’un des plus beaux hommages jamais rendus à Jimi Hendrix. Dès «Purple Haze», tu es au paradis. Le jeune Richard joue la rockalama hendrixienne au power de spell on me, il groove entre tes reins, tu peux en être certain. C’est une révélation, comme le fut d’ailleurs le «Puple Haze» que joue Jeffrey Lee Pierce dans l’Hardtimes Killin’ Floor Blues d’Henri-Jean Debon. Sur cet album, le jeune Richard est accompagné par Keith Hartel (bass) et Chris Purdy (beurre). Dans les liners de l’album, le jeune Richard raconte l’histoire de son amitié avec Velvert qui allait chez Jimi on West 12th Street prendre des leçons d’Hendrixité et qui revenait chez Richard lui transmettre le précieux savoir. C’est en souvenir de cette amitié triangulaire que le jeune Richard a voulu enregistrer cet album - So here you hold in your hands the payment of my debt to Jimi and Velvert - Puis le jeune Richard tape «Ain’t No Telling» avec toute l’énergie de l’Hendrixité tentaculaire, tout le guitarring mythique est là, just around the corner. Stupéfiant ! Et ça repart de plus belle avec «Spanish Castle Magic», il se fond dans l’art supérieur du hang on my darling, il recrée tout le flush de l’Hendrixité, ça bombarde au Spanish Castel Magic, c’est effarant de véracité, look out ! Il est dessus, à la mesure près, le Castle vibre de toutes ses pierres caoutchouteuses. Il tape ensuite «I Don’t Live Today» au punk new-yorkais, il négocie bien l’accès au génie suprême, une note, I don’t/ note/ Live today, c’est tendu et boudu sauvé des eaux, no no no. Le jeune Richard joue comme un dieu, il attaque «Little Music Lover» à la dure et pique sa crise. Il fait ses choix. Ses choix lui appartiennent. Billy Fica bat le beurre. «Wait Until Tomorrow» n’est pas la plus évidente des Hendrixités, mais le jeune Richard en fait ses choux gras, until tomorrow/ Good night yeah. Il tape aussi «Bold As Love» et boucle avec «Are You Experienced», l’ultimate de l’Hendrixité, la vieille question qu’il te posait, petit branleur, en 1967 : Are you experienced ? Comme si toute ta vie se déroulait à partir de cette chanson. Richard la joue à la purée mortelle de la mortadelle.

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             Il ne faut surtout pas s’empêcher d’aller écouter Live New York 1979, car le jeune Richard y fait comme on s’en doute des étincelles. Tu veux entendre jouer l’un des meilleurs guitaristes américains ? Alors écoute «Pretend > Should Have Known Better». Pur TV power, saturé de heavy guitars : ils sont trois, James Maslon, Matthew Mackenzie et Richard, ça joue à la sature des saturnales, au perçant de heavy TV set, c’est le guitah cut par excellence, outrancier, sonique, impavide, le jeune Richard s’envole dans la démesure du gratté de poux. Avec «Number Nine», il sonne comme Verlaine. Il chante exactement avec la voix de son maître. Il est marrant et si powerful. C’est Fred Smith qui bassmatique. Avec «Misty Eyes», il lance la curée du curé de Camaret, il joue à la folie du crève-cœur, il tisse des toiles à l’infini, on sent bien la Television, il creuse un tunnel dans l’underground et la qualité de sa disto épate la sauce tomate. Il fuite en permanence. Avec «Alchemy», il se prend encore pour le TV set, il essaie de reconstituer l’ancienne magie de Marquee Moon. Du son, rien que du son et des grosses veines saillantes, le tout balayé par de violentes bourrasques d’accords.

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             Et puis voilà de quoi refermer le chapitre Richard Lloyd en beauté : The Countdown, paru en 2018. Très bel album, bien hendrixien dès le «Wind In The Rain» d’ouverture de bal. Il y propose un mix d’hendrixité et de TV. Ce mec est bon - C’mon little darling/ let me hold you close - Il est fabuleusement rock’n’roll, il a tous les réflexes du c’mon little darling et là tu te régales, car voilà un très beau shoot de heavy TV show. Il a des descentes de manche superbes, il va au contact, il t’hendrixifie les choses jusqu’à plus soif. Il reste dans son mélange toxique d’hendrixité et de TV, il devient d’une certaine façon the king of New York, un Christopher Walken sonique, il tape son heavy groove aux notes montantes, il swingue son manche - Just like smoke/ It tends to disappear/ That’s the way/ That it goes - Tu le prends encore plus au sérieux avec «So Sad», il coule son heavy TV sound dans le so sad, il te sature toutes les itérations, c’est un fabuleux guitariste d’adventisme killer-sharp. Il joue dans l’œuf du serpent. En fait, c’est lui l’infectueux dans Television. Plus loin, il opte pour la power pop avec «Something Remains» et c’est excellent, comme s’il tapait du poing sur la table. Il tricote une fantastique trame de notes sur ses couplets et il stoppe soudain le tempo pour mieux repartir. Effet superbe, puis il passe bien sûr un solo d’excelsior. Richard ne serait pas Richard sans ce type de solo de très haut niveau. Il passe au heavy down the drain avec «Down The Train». Retour fulgurant à l’hendrixité, cut parfaitement génial, doté d’un vrai pouls battant. Richard Lloyd est un géant, qu’on se le dise. Il a tellement de son qu’il balaye tout Verlaine et tout TV. Il termine cet album subjuguant avec le morceau titre, il y va même franco de port, c’est littéralement bardé de son. 

    Signé : Cazengler, télé pasteurisé

    Television. Adventure. Elektra 1978

    Television. The Blow-Up. ROIR 1982

    Television. Television. Capitol Records 1992

    Television. Arrow. Boot

    Tom Verlaine. Tom Verlaine. Elektra 1979

    Tom Verlaine. Dreamtime. Warner Bros. Records 1981

    Tom Verlaine. Words From The Front. Virgin 1982

    Tom Verlaine. Cover. Warner Bros. Records 1984                            

    Tom Verlaine. Flash Light. IRS Records 1987

    Tom Verlaine. The Wonder. Fontana 1990   

    Tom Verlaine. Warm And Cool. Rykodisc 1992        

    Tom Verlaine. Around. Thrill Jockey 2006                    

    Tom Verlaine. Songs And Other Things. Thrill Jockey 2006

    Richard Lloyd. Alchemy. Elektra 1979

    Richard Lloyd. Field of Fire. Mistlur 1985

    Richard Lloyd. Real Time. Celluloid 1987

    Richard Lloyd. The Cover Doesn’t Matter. Evangeline Recorded Works 2001 

    Richard Lloyd. The Radiant Monkey. Parasol Records 2009   

    Richard Lloyd. The Jamie Neverts Story. Parasol Records 2016  

    Richard Lloyd. Live New York 1979. Air Cuts 2017

    Richard Lloyd. The Countdown. Plowboy Records 2018

     

     

    House Of Love sort de sa housse

     

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             Tous les fans de rock ses souviennent de Guy Chadwick et d’House Of Love, qui fit sensation dans l’Angleterre poppy/popette des années 80. Pour les ceusses qui ne le sauraient pas, House Of Love est le petit nom charmant du vagin féminin. Quand une dame accueille une grosse bite chez elle, elle lui dit : «Welcome in my house of love». Bizarrement, il n’y a rien de sexuel chez Guy Chadwick et ses collègues. Ils sont même un peu austères. On sent les Anglicans, et les vieux fonds de protestantisme et d’habits noirs.

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             Leur premier album sans titre n’avait pas laissé de grands souvenirs, même s’il paraissait sur Creation. Il s’agissait essentiellement de petite pop, mais ça restait décent, car House Of Love était ce qu’on appelait alors un groupe à guitares. Toute la réputation du groupe de Guy Chadwick repose sur deux cuts : «Christine» qui se trouve sur ce premier album, et «The Beatles And The Stones» qui se trouve sur le suivant, non rapatrié à l’époque, le premier House ayant été jugé trop faible en Conseil d’Administration. C’est vrai qu’à part «Christine», il n’y a pas grand-chose à se mettre sous la dent, sur le premier House. C’est encore pire à la réécoute. L’album fait partie de ceux qui vieillissent très mal. Ces albums englués dans les maniérismes d’un temps reculé. Sur «Christine», Guy Chadwick et Terry Bickers taillaient pourtant leur route aux accords d’essaim magique. C’est de la pop bien enfoncée du clou. Bickers était l’un des enfants prodiges de la pop anglaise, il naviguait un peu au même niveau que Johnny Marr. Puis après, ça commence à se déliter. On sent une certaine forme de carence compositale. Un manque d’appétence pour l’avenir. Un côté pop trop conventionnel. «Sulphur» est d’un ennui mortel. On décroche. «Man To Child» ne marche pas non plus. Un coup pour rien. Le pauvre Guy Chadwick essaye de récupérer des suffrages, en vain. C’est d’autant plus désespérant que le son est soigné. Sur «Love In A car», il sonne comme U2, ce qui d’une certaine façon sonne le glas. Il revient à de meilleurs sentiments avec «Happy», comme s’il voulait déplacer des montagnes. Et ça se termine en beauté relative avec «Touch Me», et une belle partie de wild guitars signée Bickers, et bien combinée aux ambiances poppy/poppah.

             En fait, on ressortait l’House de l’étagère pour préparer une réunion du Conseil d’Administration. Il s’agissait de mettre au vote le financement d’une place de concert : House Of Love à Rouen. Du moins la reformation d’House. Comme il n’y a qu’une personne au Conseil d’Administration, le oui l’a emporté à l’unanimité. Budget voté.

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             Voilà comme on se retrouve dans une salle de concert aux pieds de Guy Chadwick qui comme tout le monde a pris un sacré coup de vieux. 67 balais. Ça va encore. Il est encore plus austère qu’on ne l’imaginait, mais ça fait du bien de voir des Anglais sur scène. On dit toujours que le groupe anglais le moins bon sera toujours meilleur que le meilleur groupe français, ce qui n’est pas tout à fait vrai, ni tout à fait faux. Ça dépend de la façon dont on s’est réveillé le matin, et donc de la façon dont on est luné. Enfin bref, voilà des Anglais avec leur petit biz poppy/popette. Guy Chadwick et son guitariste, un certain Keith Osborne, jouent sur des fringantes demi-caisses, et aussitôt après le cut d’intro, ils tapent une fiévreuse mouture de «Christine». C’est incroyable comme la Christine tient bien la route, elle doit avoir une belle house of love sous sa jupe, car elle n’a rien perdu de sa verdeur carabinée. Puis après, il faudra attendre «The Beatles And The Stones» pour sentir un naseau frémir, car oui, quelle belle approche de la nostalgie - The Beatles and the Stones/ Made it good to be alone - Diable, comme on a pu adorer ce balladif en filigrane, comme on a pu s’identifier à cette dentelle de Calais faussement psychédélique et doucement caressante. Et puis l’autre hit d’House c’est le fameux «Shine On», mais le charme finit par s’évanouir, chassé par trop de chansons monotones.

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    Alors on reporte toute l’attention sur cet extraordinaire guitariste qu’est Keith Osborne, un petit homme d’un certain âge, aux joues dévorées par des belles rouflaquettes de rockab, et le mec joue avec une posture de main gauche superbe, au poignet cassé et au pouce avancé, il faut le voir gratter ses incursions sélectives, il amène dans l’House une science diffuse, il joue en retrait mais avec une connaissance parfaite des secrets de la persistance insidieuse, il joue des bribes de filets et parfois il part en blossom de freakout le temps d’un killer sharpy fulgurant, on réalise petit à petit qu’Osborne est un guitariste magnifique, l’un de ces petits soldats de l’ombre du rock anglais qui ramène sa science guitaristique pour recréer la magie évanouie d’un groupe qui connut son heure de pâle gloire voici trente ou quarante ans, on arrondit pour aller plus vite, il n’empêche que ce mec vole le show, il est dans tous les coups fourrés, il monte sur tous les bracos, il tinte ses sinusoïdes, il contourne ses filocheries, il tactile et il tisse, il trame ses tournicotis, il est fabuleusement industrieux sans l’être, c’est d’une certaine façon l’apanage des grands sbires. Tout le prestige de l’empire repose sur leurs épaules. Osborne, c’est exactement ça, la cheville ouvrière d’un son perdu dans les méandres du passé. Mais il le fait avec un brio qui force l’admiration. Et le diable sait si l’admiration aime à être forcée. Elle n’est jamais la dernière à monter son cul.

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    Signé : Cazengler, housse-toi de là !

    House Of Love. Le 106. Rouen (76). 22 mars 2023

    House Of Love. The House Of Love. Creation Records 1988

     

     

    L’avenir du rock - Pop art (Part Three)

     

             S’il est une chose que l’avenir du rock apprécie particulièrement, c’est bien d’aller flâner la nuit au bord du marécage. Il tient cette manie de son vieil ami Monsieur Quintron qui, comme chacun sait, allait la nuit enregistrer le chant des grenouilles. Son album Frog Tapes n’est jamais entré dans aucun hit-parade, mais il a fait le bonheur d’une poignée d’excentriques. L’avenir du rock se réjouit d’en faire partie. On a les tribus qu’on peut, pas vrai ? N’étant jamais en panne d’imagination, l’avenir du rock s’enfonce dans le swamp, rêvant d’y croiser le fantôme de Tony Joe White, ou peut-être un albinos échappé du Petit Arpent Du Bon Dieu d’Erskine Caldwell, ou encore les trois taulards psychédéliques évadés de l’O’Brother des frères Coen. Car oui, tout est là, dans ces petites mythologies marécageuses, si propices aux fièvres imaginaires. Aux yeux de l’avenir du rock, chaque œuf de têtard est un mythe en devenir, alors, il ouvre bien grand les yeux en avançant dans les ténèbres. Le marais vit la nuit. Les créatures sont de sortie, soit pour casser la croûte, soit pour tirer un coup, il en est ainsi depuis l’origine des temps. On fait tous exactement la même chose. On ne vit que pour béqueter et forniquer. La seule différence avec les créatures du marais, c’est qu’on dort la nuit. L’avenir du rock continue d’avancer, éclairé par la lune. Les créatures font un raffut terrible. Et puis soudain, trois silhouettes apparaissent, assises au bord d’une grande mare. L’avenir du rock se rapproche sans faire de bruit pour mieux les observer. Leur peau humide luit faiblement. Elles portent toutes les trois des bijoux très anciens. Au centre, se tient une créature hybride à corps de grenouille et à tête d’homme. L’avenir du rock se frotte les yeux. Il n’en revient pas. Il croit reconnaître ce visage outrageusement fardé et comme entraîné vers le bas par des paupières lourdes et une épaisse moustache roussâtre. Serait-ce Jean Lorrain qui dit-on vouait un culte séraphique aux grenouilles ? Pas de doute, c’est bien Monsieur de Phocas, consignateur des dégoûts et des vices que lui inspirèrent son époque ! À sa droite se tient une autre créature hybride, un lézard à tête d’homme. L’avenir du rock le reconnaît immédiatement : Jimbo, le Roi Lézard, beau comme un dieu, couvert d’écailles, les bras chargés de bracelets d’ivoire et d’or massif. Et bien sûr de l’autre côté, se tient l’Iguane, tout droit sorti de la pochette de Lust For Life, et dont la longue queue écaillée de camaïeu trempe dans l’eau noire.

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             Cette rencontre était assez prévisible. Iggy Pop et Jim Morrison ont su créer leurs légendes respectives et rejoindre l’immense Jean Lorrain dans sa vénération des créatures amphibiennes.

             On papotait l’autre soir après un concert. De choses et d’autres, comme toujours dans ces cas-là. Blih blih blah blah. Oh oui blah blah ! Blih blah ? Oh la la blih blih ! Il demande à un moment si j’ai écouté «le nouveau Iggy».

             — Patencore... Comment quilé ?

             — Mmmmhummmuhhggrrrhjjr...

             — Avec Iggy, faut jamais taffier aux premières zimpressions...

             — Ouhhuais mais mmmhhmmmuhhggrrrhjjr...

             Si un chipoteur comme ce mec-là réagissait ainsi, ça signifiait en clair que «le nouveau Iggy» ne pouvait être que bon. Ce que les gens n’ont jamais compris, c’est que chaque «nouveau Iggy» te donne un accès direct à Iggy qui est depuis nineteen and sixty nine baby ton meilleur ami. On ne peut pas avoir d’avis mitigé sur les «nouveaux albums» de son meilleur ami. Les gens ne se rendent pas compte à quel point ça doit être compliqué de rester génial pendant cinquante ans. Un autre incident du même type s’est produit lors de la parution d’Après, l’album sur lequel Iggy chante «La Javanese», «Syracuse» et d’autres merveilles du même acabit. Un autre mec, un ami qui avait encore alors pignon sur rue, pestait, il ne décolérait pas, il traitait «Jim» de tous les noms, parce qu’il avait «trahi» l’esprit des Stooges en voulant jouer les crooners et chanter en français. Il n’avait pas compris qu’Iggy est un crooner de choc et que son hommage à Gainsbarre est en soi un véritable coup de génie.

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             «Le nouveau Iggy» s’appelle Every Loser. On avait bien raison de le supputer : c’est une bombe. La bombe d’un vieux schnoque de 76 balais. Boom dès «Frenzy». Si tu l’écoutes au casque, ton casque saute, tellement c’est saturé de son. Iggy opte cette fois pour le blast de frenzy, il y va comme au premier jour, il tape dans le ventre du wild punk as fuck, et au loin, tu as des mecs qui gueulent «frenzy !». Un shoot pareil, ça te tétanise un tétanos, il pleut des apo, des apo, oui mais des apocalypses, tu twistes sous un déluge de feu et Iggy sonne une fois de plus comme le cœur du problème. Il passe au deepy deep avec «Strung Out Johnny», Iggy t’enrobe, il t’emmène une fois de plus au paradis du Passenger, ça joue dans tous les coins, ça te sature les saturnales, Iggy sonne comme le roi de Babylone, il est le Nabuchodonosor du XXIe siècle, le puissant seigneur de la cité construite en briques émaillées. Puis il redevient le fantôme de feu que l’on sait avec «Modern Day Ripp-Off» attaqué au riff stoogy. Andrew Watt joue comme Ron Asheton, alors tu reviens à la source du big heavy Stoog-fuck off. Même pulsion. C’est noyé de son. Il faut ensuite attendre «All The Way Down» pour le voir renouer avec le heavy groove, son vieux fonds de commerce. Pure hell ! C’est plein d’esprit et de stoogerie. Come down ! Il repique aussi la veine du Passenger dans «Comments», avec une classe écœurante - Show my face to Hollywood - Il termine avec «The Regency». C’est Dave Navarro qui monte au brac sur ce coup-là. Iggy dérive au mieux de son baryton déviant. Impressionné par les tattoos du Navarin, Iggy vire hardcore, il fait son cirque, du haut de sa grandeur, fuck your regency, il a raison, il ampoule son propos, il cale son carré dans Cicéron et couaque des cliques dans des claques, tu es dans l’univers d’un artiste qui te dépasse depuis toujours, un artiste espiègle et profond à la fois, tu te prosternes à ses pieds, même s’il ne te le demande pas, fuck the regency, on espère seulement que ce ne sera pas le dernier «nouveau Iggy».  

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             Dans la presse anglaise, Iggy est à l’honneur. Le voilà en couverture de Record Collector. C’est un événement considérable, une sorte de consécration. Iggy en couve d’un magazine, remember «Five Foot One» ? - And I wish life could be/ Swedish magazines - Il accorde une interview fleuve à Chris Roberts, 10 pages, de l’encore jamais vu ! Avec dans la double d’ouverture un shoot du vieux pépère de 76 balais. Une classe épouvantable. Peau fripée mais classe d’Iguane. Comme d’ailleurs la couve, où il sourit faiblement, cheveux filasses, barbichette blanchie et regard bleu d’eau. On comprend que des milliards de gonzesses à travers le monde soient encore folles de lui. On adore l’idée que des vieux crabes comme Croz et Iggy aient pu vieillir aussi dignement. Ils emblasonnent ce qui est pour nous le plus précieux : la légende du real deal.

             Roberts présente Iggy comme «the most intelligent, articulate rock star you could hope to meet.» Et il ajoute plus loin : «He has in abundance what Bowie called ‘the power to charm’.» Roberts fait d’Iggy la plus belle présentation qu’on ait vu dans la presse anglaise depuis celles de Nick Kent. Pas de révélations dans l’interview fleuve. Iggy répond aux questions pointues de Roberts en balançant quelques évidences, disant par exemple, quand il entre en studio pour enregistrer, «I want it to be really good», ou lorsque Roberts évoque la parution du «nouveau Iggy», «the classic rock albums usually have three ou four that rock out, then the rest tend to be a little more slow or... mirrored.» Il explique aussi qu’il a rencontré son nouveau producteur Andrew Wattt lorsque Morrisey l’a invité à venir chanter avec lui sur l’un des cuts d’un album à paraître (Bonfire Of Teenagers) - He’s mentioned me that his producer was extraordinary. So that’s how I became acquainted with Andrew - C’est vrai que Watt est bon, il suffit d’écouter «Frenzy». L’ig dit aussi qu’Andrew Watt est un grand chanteur. Il fait tous les backings sur Every Loser. Iggy dit pour rire qu’Andrew aurait pu chanter dans les Four Seasons - He’s that fabulous a singer - Iggy rappelle aussi qu’il connaît Duff McKagan (bassman sur Every Loser) depuis Brick By Brick, enregistré en 1990. Il avoue qu’ils ont fait les 400 coups ensemble - we’ve discussed Playboy models, done cocaine together, swilled vodka, chased a rainbow together, stolen a truck - Il raconte aussi le mal qu’il a eu à arrêter de fumer, dans sa petite maison de Miami. Il indique que le 3e jour est le jour clé. Quand il évoque l’époque de Kill City en 1977, il rappelle qu’il était all over the place - There was no fixed address. There was no income. There was no affiliation. There was no... sense. Nothing. And I was as stoned as possible at all times. And yet, the lyrics and the delivery are very orderly. I was still orderly. That’s the dream. For all musical artists - Ordonné ? C’est le moins qu’on puisse dire, car quel fantastique album, paru à l’époque sur Bomp!. Alors Roberts revient sur le dream et demande à Iggy ce qu’il entend par the dream. La réponse ne se fait pas attendre : «The dream is what’s important here is The Work. And my Art. And it should have life to it. It should have truth to it. Il devrait y avoir aussi une partie de moi là-dedans. Mais aussi une partie des gens, tu veux que les gens l’acceptent et y croient. Ils doivent y croire. Ces choses-là sont d’une importance capitale (of paramount importance).» Iggy revient aussi longuement sur l’extraordinaire Fuck The Regency qui clôt Every Loser : c’est une réponse à Bono qui lui reprochait de jeter sa couronne en se jetant dans le public. Iggy dit n’avoir pas très bien compris l’ensemble de cette «lettre ouverte», mais ça le fait marrer - Again, only an idiot would throw away his crown, ah-ah - Iggy et John Lydon même combat ? Eh oui ! Fuck The Regency ! Et quand Roberts lui demande s’il est encore le même mec que l’Ig de Raw Power, l’Ig répond sans ambiguïté : «C’est moi, mais c’est vrai que je suis aussi une autre personne aujourd’hui. I’m under a whole repertoire of constraints now, qui m’ont permis d’avancer dans la vie. Et de continuer à vivre. Given the limitations I work with, including the limitations of a talent which everybody has, you should have to do what you need to do.» Iggy dit aussi que son album de l’année 2022 et l’Everything Is Beautiful de Spiritualized. C’est l’info la plus importante de l’interview, clin d’œil d’un géant à un autre géant. Ça devient hilarant quand il indique qu’il se calme un peu sur scène et qu’il arrête par exemple de sauter dans la foule - I did 38 shows last year and I didn’t stage-dive at all. (...) I’m too rickety - Qui ira lui reprocher de ne pas sauter dans la foule à 76 balais ? Qu’il soit encore sur scène, c’est un miracle.

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             Dans Mojo, il papote avec Tom Doyle. Il raconte sa journée à Miami : réveil avec un triple expresso au lit, un coup de jacuzzi, puis la piscine, il se peigne ensuite sur la terrasse, joue un peu avec Biggy Pop le cacatoès, puis 20 minutes d’exercices respiratoires (Qigong), 20 génuflexions pour chasser le début d’«happiness belly», et un breakfast à base de yogourt, de pistaches et de macadamia (beurre de cacahuètes). Puis il s’en va nager à la plage, un endroit précise-t-il inconnu des touristes. Il prépare ensuite son émission pour BBC Radio 6 (Iggy Confidential) et hop, il est prêt pour l’interview. Mais l’interview n’est pas terrible, trop axée sur les clichés, les excès dont la fucking presse spécialisée a fait ses choux gras. Iggy continue à jouer le jeu, mais on est aux antipodes de l’échange qu’il a avec Roberts dans Record Collector. C’est dingue comme ça peut changer d’un support à l’autre. Quand on demande à Iggy quelles sont les qualités qu’il attend de ses collaborateurs, il répond : «They must be lifelike. That’s the number one condition.» Il ne veut ni des gens raides ni de ceux qui poussent à la roue - Try to avoid, like, full professionals. I don’t like them - Il cite en exemple les frères Asheton comme ses collaborateurs les plus importants, avec David Bowie («The greatest single collaborator»). The Ashetons number one and Bowie number two. L’Ig conclut le chapitre Bowie en saluant Dark Star - Woah it’s very very very strong music - Et puis il reparle de sa limite d’âge et du fait qu’il ne plonge plus dans le public, il redit qu’il est too rickety, mais il affirme qu’à ses concerts, le public est génial. Pour illustrer son propos, il raconte les quatre âges de Wanna Be Your Dog : «Vous savez, je chantais I Wanna Be Your Dog et les gens me regardaient horrifiés. Puis je chantais I Wanna Be You Dog et les gens se contentaient de boire leur bière et de me regarder d’un air amusé. Puis j’ai chanté I Wanna Be You Dog et les gens groovaient. Quand je le chante aujourd’hui, les gens connaissent toutes les paroles des couplets par cœur. So that’s a beautiful thing.» Il a raison d’être fier, Iggy. Pour le repas du soir, il a fait décanter une bouteille de Château Haut-Brion, un «highly expansive Grand Cru Bordeaux», comme l’écrit le pathétique qui l’interroge. Au programme de la soirée, manger et boire en contemplant la rivière, et en écoutant chanter les grenouilles.

    Signé : Cazengler, Guy Pot (de chambre)

    Iggy Pop. Every Loser. Atlantic 2023

    Tom Doyle : Lust never sleeps. Mojo # 351 - February 2023

    Chris Roberts interview : I can take a punch. Record Collector # 540 - January 2023

     

     

    Inside the goldmine - Ruby sur l’ongle

     

             Passe, passe le temps, t’en souvient-il de Baby Cam ? Passent les jours et passent les semaines, comme le scandait si bien Apollinaire, rien ne revient, ni le temps et encore moins les amours, car sous le Pont Mirabeau coule la Seine et elle coulera encore longtemps après que les poètes auront disparu. Baby Cam fut l’un de ces merveilleux amours de jeunesse, l’un de ces antiques amours junéviles qui se résumaient au simple bonheur d’être ensemble. Oh un tout petit peu de sexe, mais surtout une insatiable faim de la présence de l’autre. Un amour de cour d’école, où l’on se jure de ne jamais se quitter en se coupant les pouces pour sceller cette union dans le sang. Elle était haute et maigre, des cheveux noirs de jais extrêmement soyeux lui couvraient les épaules. Elle ressemblait de façon troublante à June Millington, la guitariste de Fanny. Elle compensait l’obstacle de sa maigreur par l’éclat de son sourire. Il y avait dans son attachement quelque chose qui relevait de l’appartenance, une qualité d’attachement qu’on passe sa vie à rechercher ensuite chez d’autres femmes, en vain. Elle vivait dans la grande banlieue de Lille et ce qui fascinait le plus chez elle, c’était cette impression qu’elle pouvait se donner au premier venu, tellement elle incarnait cette insoutenable légèreté de l’être si chère à Kundera. Lui tenir la main devenait alors une façon de l’arrimer à la vie, et surtout de ne pas la perdre. Un soir de réveillon du Jour de l’An, nous décidâmes de partir en stop à l’aventure en Belgique. Il neigeait. Nous découvrîmes ce que l’on appelait alors une boîte, et nous nous installâmes confortablement dans une grande banquette. Nous passâmes la nuit à boire et à écouter de la musique. À cette époque, les DJs passaient encore du rock et nous fûmes gâtés car nous entendîmes l’intégralité de Let It Bleed. Et bien d’autres choses. Ce fut notre plus beau Jour de l’An. La boîte ferma au lever du jour et nous nous retrouvâmes tous les deux frigorifiés sur une petite route de campagne. Évidemment il n’y avait personne. On claquait des dents et ça nous faisait rire. Soudain une bagnole apparut dans le brouillard. Le mec, un barbu, accepta de nous ramener en France. Nous n’habitions pas ensemble, le barbu me déposa d’abord à Roubaix, puis il proposa d’emmener Baby Cam jusqu’à Lille. Un peu plus tard, elle m’avoua que le barbu l’avait violée. Une chape s’abattit soudain sur le souvenir de cette nuit magique et notre histoire mourut sur le coup.       

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             Plutôt que de monter dans la bagnole d’un barbu, Ruby Johnson est allée enregistrer chez Stax à la grande époque. Elle eut la chance de chanter du r’n’b accompagné par le team de choc : Isaac, Steve Cropper, Duck Dunn et Al Jackson. I’ll Run Your Heart Away est une compile qui rassemble ses singles Stax et Volt. Ruby Johnson ne fait pas partie des plus connues, mais elle vaut largement le détour. Lee Hildebrand qui signe les liners estime que cette compile équivaut à l’album jamais sorti de Ruby Johnson et qu’il rivalise directement ceux de Carla Thomas (Carla Thomas), d’Irma Thomas (Something Good/The Muscle Shoals Sessions), d’Etta James (Tell Mama), et des premiers albums de Candi Staton et d’Ann Peebles. Elle fut repérée dans un club de Washington DC par Never Duncan, le manager de Bobby Parker. Duncan produisit les premiers singles de Ruby sur son petit label, Nebs, et un disc-jokey local nommé Al Bell les passa sur une station locale nommée WLOK. Et quand Al Bell s’installa à Memphis pour co-diriger Stax avec Jim Stewart, il rapatria aussi sec Ruby. Malgré la présence d’Isaac et de David Porter, les singles de Ruby flippèrent et floppèrent.

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             Incompréhensible, car Ruby Johnson est, comme ses consœurs, capable de coups de génie, tiens comme ce «Weak Spot» de fin de compile, une énormité de Stax Sound. Avec «Come To Me My Darling», elle plonge dans le sexe pur d’I’m so lonely, elle souffre de la solitude du blues, elle fait de la Soul de need you. Avec «What More Can A Woman Do», elle tape dans le heavy slowah, wow, elle est bonne dans sa robe serrée, avec ses gouttes de sueur, elle chante au petit raw d’ultra proximité, elle fait l’Otis au féminin. Elle se donne encore les moyens du raw pour «I’d Rather Fight Than Switch», mais ce sont les moyens du bord, tu t’en doutes bien. Elle s’engage pour de vrai, alors il faut l’encourager. Ruby est une vraie bête de Stax du Gévaudan. Quand elle accompagne un cut, c’est au big raw, comme le montre encore «Won’t Be Long». Il y a quelque chose d’exemplaire en Ruby, elle crée très vite un réel attachement. Elle entre dans une sorte de clameur de gospel avec «Why Not Give Me A Choice», elle le fait avec une classe effarante, tout en douceur, c’est nappé d’orgue au why not, elle cueille la cerise du give me a chance. Elle est fine et tellement belle. Elle rentre dans le chou des cuts avec une facilité déconcertante. Hildebrand rappelle dans ses liners qu’elle surprenait tout le monde en studio et sur scène. Encore un vieux groove de Stax avec «It’s Better To Give Than Receive». Elle chante son r’n’b à l’accent cassé, comme une grande artiste. Nouveau coup de Jarnac avec «Keep On Keeping On», c’est énorme et elle est dessus. Elle chante le heavy blues de «Need Your Love So Bad» avec une niaque phénoménale. Elle monte sur tous les coups, avec un égal bonheur. Même en heavy blues de Stax, elle est géniale - I hope you need me too - Cropper nous gratte «I’d Better Check On Myself» à la réverb et on reste dans le heavy boom de Stax avec «No No No». Pur Stax genius. 

    Signé : Cazengler, Ruby à XV

    Ruby Johnson. I’ll Run Your Heart Away. Stax 1993

     

     

    Wizards & True Stars

    - Fall de toi (Part Five)

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             C’est en janvier 2018 que Mark E. Smith a cassé sa vieille pipe en bois. Dans la foulée de sa disparition est paru un étrange petit livre, Messing Up The Paintwork - The Wit And Wisdom Of Mark E. Smith. Ce Messing Up est un hommage (A celebration), un petit format qui s’avale d’un trait. Pas d’auteur. Messing Up propose une sélection d’extraits d’interviews, de petites histoires, d’hommages rendus par des fans et quelques photos. En couverture, on voit Mark E. Smith tirer sur sa clope. C’est l’une des plus belles images de cet inconditionnel du no sell-out. Ici, on adore les gens qui ne vendent pas leur cul.

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             Pour gagner du temps et de la place, on va faire comme les Anglais : on va appeler Mark E. Smith MES. MES ne nous parlait pas de rock mais d’art. Bon d’accord, on pouvait se contenter d’écouter les albums, mais les ceusses qui se sont aguerris en explorant l’histoire littéraire ont très vite compris que MES se situait à un autre niveau, celui des artistes visionnaires qui, consciemment ou pas, font de leur vie une œuvre d’art. Pour illustrer cette affabulation, traçons un parallèle entre la vie d’Arthur Rimbaud et celle de MES : ils surent tous les deux allier talent visionnaire et jusqu’au-boutisme. On pourrait aussi citer Oscar Wilde, bien que brisé, ou encore William Burroughs, magnifique spécimen de no sell-out. Ou encore Wyndham Lewis. Ou encore Van Gogh. Comme Van Gogh, MES n’est jamais content. Il vire les gens. Il leur tape dessus. Il boit comme un trou. Il travaille sans relâche. C’est à l’échelle d’une vie. On se demande comment il fait pour tenir aussi longtemps en buvant autant. Des pintes et des pintes et des shoots de Jameson, c’est ce que rapportent les interwievers. Et glou et glou. Stuart Maconie brosse en intro un portrait de trois pages du MES, et commence par rappeler que The Fall n’est jamais passé à Top Of The Pops et qu’aucun Fall cut n’est jamais grimpé dans aucun hit-parade. MES n’a jamais garé de Maserati devant une résidence à Knightbridge. Et boom, Maconie s’emballe : «MES était irascible, distant, drôle, belligérant, rebelle, fuyant, complexe et smart. Il était beaucoup plus qu’un personnage haut en couleurs. Ce esprit brillant a créé l’une des formes de British modern art : the music of the Fall.» Oui irascible, agressif, drôle, comme le fut Van Gogh, enfin, le Van Gogh que nous montre Maurice Pialat dans son film qui, faut-il vraiment le préciser ?, est extrêmement bien documenté. Pialat ne prend jamais aucune liberté avec la vérité. Alors quand on voit MES, on pense à Dutronc/Van Gogh qui tape sur son frère. Qui boit trop. Qui détruit ses toiles. Dans un extrait de son autobio Renegade, MES déclare : «Je suis incapable de regarder en arrière, comme le font les fans. I can’t get beyond the fact that most of it was shit.» MES détruit ses toiles comme Van Gogh détruit ses disques. MES voit l’avenir du rock comme Rimbaud voit des soleils bas tâchés d’horreurs mystiques.

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             Maconie trace lui aussi des parallèles, pas avec Van Gogh, Rimbaud ou Burroughs, mais avec le vorticiste Wyndham Lewis et Kafka - a bitter, diamond-hard Modernism, or Vonnegut and Phillip K. Dick, the amphetamine clarity of a hyperactive, restless mind - On n’imagine pas Rimbaud autrement que sous cet angle : «the amphetamine clarity of a hyperactive, restless mind.» C’est exactement ça, que ce soit dans les bras de Paul Verlaine, au long des fleuves impassibles ou sur les pistes d’Éthiopie. Là, nous sommes sur les pistes de Manchester, et plus précisément Prestwich, le Charleville working-class de ‘Chester. Ce démon de Maconie creuse encore, il va chercher le Dada en MES : «En fait MES était suprêmement convaincu que l’essence même du Modernisme consistait à choquer le bourgeois (giving offence to the comfortable) et que c’était un devoir pour l’artiste que de choquer le bourgeois. Il a développé un mépris total pour l’establishment, allant jusqu’à qualifier l’industrie du disque de middle-class executive business like the police force.» Et paf, l’industrie, prends ça dans ta gueule.

             Maconie raconte que pendant l’interview, MES a en permanence quatre pintes sur la table et qu’à la fin de la journée, l’addition est de £1000 - Pendant toute sa carrière, MES a eu une relation très compliquée avec la presse. Il pouvait être charmant ou explosif, mais le résultat était toujours fascinant - Un petit exemple : Dans Q en 2001, on demande à MES s’il vote aux élections : «Je vote toujours pour le nom de parti le plus stupide. Non, je n’ai pas voté pour Raving Loony - You don’t fucking get Raving Loony candidates in Salford. You get things like Orthodox Jews For More Pavements In The Area. Je vote toujours pour eux.» Pur Dada strut. Here we go !

             MES n’en finit plus de fasciner. On cueille des éclats ici et là, et chaque fois, on croit entendre sa voix. Écoute-le parler de musique - Si tu joues out of tune, alors joue out of tune properly - ou de The Fall - The Fall est la honte de ma vie et en même temps the best thing in it - Il détruit ses toiles, il a raison. MES est un homme libre, comme le fut Rimbaud. Rien ne pouvait le dominer, rien ne pouvait l’entraver, ni un groupe ni aucune de ses épouses successives. Il n’existe pas de liberté sans brutalité. Alors évidemment, la presse s’est régalée avec MES qui, sur scène, tapait sur ses collègues. Dans un docu de BBC4 datant de 2004 (The Wonderful And Frightening World Of Mark E. Smith), il déclare : «Mon grand-père attendait à la sortie des prisons et quand des gens sortaient, il leur disait ‘come and work for me’. Je fais un peu la même chose avec le groupe.» Alors effectivement, quand on lit les mémoires de Brix Smith (qui, comme Tina Turner et Pat Arnold, a conservé le nom du mari après le divorce), on ressent un certain malaise car cette Américaine n’est pas tendre avec son ex, et c’est d’autant plus choquant qu’elle ne lui arrive même pas à la cheville. Elle le voit comme «un sorcier, un psychic, un warlock» qui hypnotisait les membres du groupe. Ce que ces imbéciles n’avaient pas compris, c’est que la tension qui régnait à l’intérieur du groupe rendait le groupe plus fort. MES ne supportait pas de voir des musiciens de rock craquer et chialer à cause de la pression. Il avait compris très tôt que ça allait être dur, surtout les tournées américaines, et donc pour pouvoir tenir, il fallait s’endurcir. The Chester way. À coups de poings dans la gueule. Un nommé Dave Simpson voit MES comme un patron d’usine à l’ancienne : il recrute et vire les ouvriers. Il surveille leur rendement. Dans le Melody Maker, Dave Jennings va encore plus loin : il compare les méthodes de MES à celle de Thatcher qui virait les gens de son cabinet dès qu’ils avaient un peu trop de caractère. Heureusement, John Peel vole au secours de son chouchou MES en déclarant dans le docu BBC4 évoqué plus haut : «C’est devenu un sujet de plaisanterie, sauf bien sûr pour les gens concernés. En gros, les gens disparaissent sans laisser de traces. Peut-être qu’il les a tués, va-t’en savoir...» Humour anglais. Quasi Monty Python. C’est pas loin de la chorale du Golgotha, à la fin de La Vie De Brian - «Always Look On The Bright Side Of Life», chantent en chœur les crucifiés. Pied de nez suprême. Encore plus fort que l’«on est plus célèbres que le Christ» de John Lennon.

             Et puis, il y a ces sorties très poétiques dont on raffole depuis quarante ans, depuis qu’on lit ses interviews dans la presse anglaise : «J’adore l’été, parce qu’en été je ne sors pas. Quand arrive le mois d’avril, les gens sortent comme des chiens, aussi je reste chez moi. Summer is hell.» Quand il mord, il mord, c’est tout un art que de mordre. En 1998, un mec du NME lui demande ce qu’il pense du film Titanic : «Titanic ? What a load of crap. C’est comme de regarder une PlayStation. The fucking boat coule. I mean, you know how it ends, don’t you ?». De toute façon, MES ne supporte pas le passé. Quand c’est coulé, c’est coulé, à quoi bon bavacher ? Il ne voit que l’avenir. Dans le même canard, il déclarait en 1996 : «Maintenant tout est rétro, innit ? C’est pour ça qu’on a un canard comme Mojo. Je balance ça à la poubelle. Je m’en sers pour la litière du chat.» On l’interroge aussi pas mal sur la scène anglaise et MES n’est pas tendre. En 1993, dans Alternative Press, il scelle le destin de U2 : «Si Jésus avait vu U2, ça l’aurait rendu malade. Jésus aurait lancé des bouteilles à U2.»

             On interroge aussi l’auteur. MES est un parolier de génie. Et voilà comment il met les choses au point : «Qu’entends-tu par love ? Pour moi, love is the love of life. Tu vois the love chaque jour : un père avec son gosse, une mère avec le sien. La question est de savoir de quelle façon tu mets ça sur le papier.»

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             Et puis tu peux aller au pub, grâce au DVD Perverted By Langage, c’est là que tu vas trouver MES adossé contre le mur, sssson ! Atroce papier peint et Brix assise à côté qui tire la gueule pour les besoins du post-punk de Wingsssshhh - Day by day/ The moon came towardsssh me/ By sssuch thingssshhh - British oh so Britissshhh et Brix annonce «Totally Wired», my favourite, obsédant, totally wiredssshh ! Avec des lignes de basse à la John Cale, I’m totally wiredsshhh/ Can’t you see?/ I’m totally wiredssshhh, et les chœurs décousus font totally wired, il sort ses quatre vérités - You don’t have to be weirdssh to be wiredsshhh/ You don’t have to be an American to be shhtrange/ You don’t have to be shhtrange to be strange-shhh/ You don’t have to be weirdshh to be weirdshhh - et les chœurs décousus font totally wired, c’est à la fois le Velvet, Captain Beefheart et il n’existe rien de plus British oh so Britissshhh que ce décousu des chœurs de société branlante, MES et ses deux batteurs cultivent l’art désuet de la déconstruction pentatonique-ssshhh.

             Pour finir, on va se régaler avec une petite histoire. Stuart Maconie vient de poser son small magnéto sur la table du pub pour l’interview, et MES lui demande : «Où t’as trouvé ça ? J’en cherche un comme celui-là. Suis allé dans un petit bouclard asiatique de Prestwich pour acheter un magnéto comme le tien. J’en avais besoin pour enregistrer mes idées. Le mec m’a dit : ‘Voilà ce qu’il vous faut, sir, a little mini cassette recorder, un dictaphone.’ Alors je lui ai dit, no, mate, j’en veux un qui prend les cassettes C60 ordinaires. Si je suis à Oslo, à Naples ou a Chicago, je veux pas être obligé de galérer pour trouver tes mini-cassettes. Alors il me dit : ‘Vous vivez dans le passé, sir. Tout le monde les utilise aujourd’hui. Et on trouve les mini-cassettes partout.’ Bon. Je lui dis, alors vas-y, file-moi l’un de tes recorders... Et avec ça, t’as intérêt à me filer une dizaine de tes mini-cassettes. Et tu sais pas ce qu’il m’a répondu ? Sorry sir, je ne vends pas de cassettes.»

    Signé : Cazengler, (a real) Mess

    Messing Up The Paintwork - The Wit And Wisdom Of Mark E. Smith. Ebury Digital 2018

    The Fall. Perverted By Language. DVD Cherry Red 1984

     

     

    *

    Un groupe anglais. De la région de Leeds. Z’ont eu quatre dates en France en ce début d’avril. Ne se contentent pas de faire de la musique. Essaient de réfléchir. Z’aimeraient avoir une vision du monde, mais celle-ci est floue. L’est vrai que la période actuelle bla-bla-bla… Ce n’est pas tout à fait cela. Ne jouent pas les stratèges métapolitiques en chambre, jettent simplement un coup d’œil sur la réalité qui les entoure. Un peu comme les Pistols à leur époque. En ces temps bénis, tout allait mal, on avait au moins des certitudes, on était convaincu qu’il n’y aurait pas de futur. Hélas nous y sommes en plein dedans.

    Divorce Finance, c’est leur nom, pour la petite histoire nous rappelons que ces deux mots qui sont si français appartiennent tout autant à la langue anglaise, pourraient signifier que notre groupe se désolidarise de cette financiérisation économique et libérale du monde qui nous accable, ils proviennent d’une conversation entendue par Mr Discipline dans un train, un chemineau ( non pas celui qui conduit une locomotive, ce terme désignait au temps de la jeunesse de Jean Giono, ceux que l’on appelle aujourd’hui les Sans Domicile Fixe ) et un jeune cadre de la city se racontaient leurs malheurs, vous imaginez très bien les difficultés rencontrées par notre nomade, le cadre aussi avait les siennes, en instance de divorce il parlait des déboires relatifs au financement de cette séparation…

    Finance Divorce évoque une toute autre sorte de divorce, qu’ils jugent beaucoup plus grave, ils estiment que les gens d’aujourd’hui sont séparés de la réalité, ils emploient le terme de déréalisation, ne vivent plus tout à fait dans leur époque, normal puisqu’ils passent leur existence dans un futur qui n’existe pas, où peuvent-ils donc être ? Dans la nostalgie du passé. Ce qui entraîne chez eux mal-être et frustration. Ils emploient un nouveau terme pour désigner cet état de fait : haunthology. Un mot valise formé à partir d’anthology, car à vivre dans le passé autant choisir les meilleurs moments, et haunted qui signifie être hanté. Nous serions donc comme des fantômes qui ne cessent dans leurs pensées, leurs affects, de vivre dans des représentations idéalisées du passé d’autant plus prégnantes que les jeunes générations n’ont pas connu les années de l’après-guerre. La deuxième. La période qu’en France l’on surnomme les trente glorieuses et les anglo-saxons la guerre froide.  

    DIVORCE FINANCE

     ( single numérique / Bandcamp / Juillet 2022  )

    Mr Discipline / Dr Fuck / Kylie Monoxide / Hugh Jass / Quick Lewinsky.

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    Django vous pensez à Reinhardt le gitan, vous avez raison, rajoutez-y le Django héros des westerns spaghetti de Sergio Corbucci, définissez le premier comme un grand artiste, et le second comme être violent assoiffé de justice vengeance, là n’est pas le problème, d’abord l’on ne vous demande pas votre avis… j’aurais pu classer ce titre ma rubrique Rockabilly Rules, disons que c’est une parfaite ballade country avec une guitare pro-rockabilly, un petit rythme tapoté – puisque l’on parlait de western italien allez écouter Addio a Cheyenne d’Ennio Morricone – ici les sifflets typiques del maestro  remplacés par les interventions d’une douce voix féminine qui contraste avec le timbre rêche de Mr Discipline aussi sec que la winchester sur la pochette…

    Django et Django sont bien des idoles de Mr Discipline, mais il faut se méfier les héros modernes ne sont souvent que des héros de papier, nul besoin de se réfugier derrière eux, ne vivez pas procuration, soyez vous-même, aussi complexe que le jeu de la Maccaferri de l’un et aussi définitif que le colt de l’autre.

    C’est en ce même mois caniculaire de juillet 2022 qu’enfermé dans un ancien abri atomique désaffecté que Divorce Finance a enregistré son premier EP : 

    LIVE FROM THE BUNKER

    ( EP numérique / Bandcamp / 01 – 04 - 2023  )

    Matt Heuck / Louisa McClure / Jacob Wardie / Benjamin Parry / George Chadwick.

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    Auto-communist dream girl : sur les premières notes vous retrouvez le même son de guitare que sur Django, surviennent des sifflements mal-appropriés pour des oreilles sensibles, sur le balancement de base vient se poser la voix de Mr Discipline, un peu comme s’il chantait dans un mégaphone, le rêve de la fille auto-communiste tourne au cauchemar, le morceau vire au noise, tout en respectant la cadence initiale, une espèce de voyage au bout de la nuit de l’utopie assez monstrueux, un cauchemar sonore que vous ne manquerez pas de revisiter, ne serait-ce que pour retrouver ces courts mirages rockabillyens de la voix éparpillés dans le morceau. Loneliest twink on the ranch : n’imaginez pas Elvis mais le Colonel haranguant la foule au porte-voix dans le brouhaha de l’entrée d’un cirque, un truc circulaire qui vous scie les neurones et vous éclate les synapses, un barnum innommable, voire inécoutable pour beaucoup, mais l’ouïe des rockers auront reconnu à la base de cette calamité le balancier tournant du roll and rock. Il ne leur en faut pas plus pour être heureux.

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     Director’s cut : (ci-dessus la couve du single paru en mars  2023 ) : beaux bruits de guitares country survitaminée, le réalisator parle, il s’énerve, il gueule, l’on sent qu’il a l’habitude de se faire obéir et qu’il n’est pas content, nous refont le coup de la ballade country explosée à la dynamite, vous avez des cordes à l’uranium enrichi, faut pas lésiner sur les moyens, le cinéma est le principal pourvoyeur de vos rêves héroïques, ici l’on vous montre l’envers du décor. 10 years with Lisa : le slow que vous attendiez tous, dépareillé, tortueux, interminable, Lisa Ann est une actrice célèbre, ce qu’elle a fait de mieux en tant qu’artiste, d’après moi c’est le titre de ses mémoires, Ce qui est arrivé de mieux à mon cul c’est qu’il soit resté derrière moi, ce qui tranche avec ses rôles sentimentaux à la noix de coco, z’oui mais lorsqu’il était gamin notre chanteur adorait… L’a dû par la suite comprendre que la vie ne suivait pas toujours les bons sentiments enseignés par la Bible, ce qui explique que le slow oscille entre moiteurs contenues et fureurs irréversibles. Bitchkrieg : démarrage battérial, encore le Colonel Parker au mégaphone, mais les chevaux galopent parmi les spectateurs enchantés, les tigres sont sortis de leurs cages et vous avalent le dompteur en moins de deux, la foule applaudit à tout rompre. Une trombe de deux minutes paillarde et jouissive. Cauchemardesque. 

             L’on pense aux Cramps, des Cramps davantage désespérés et qui n’y croient plus vraiment. Divorce Finance a ressorti le vieux rockab rouillé de l’ancien temps, l’ont trempé dans un bain de psychobilly pour lui refiler quelques couleurs, l’ont requinqué comme ils ont pu à leur manière, le résultat est là, exposé sur la place publique, tout cabossé et cisaillant. C’est aussi beau que de l’art contempourri. Cela pourrait s’intituler : La perte de l’innocence.

    Cet EP est un miroir aux alouettes, il attire, certains le décrieront et le traiteront de grotesque, beaucoup adoreront. Un opus qui ne laisse pas indifférent.

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    Il existe une vidéo sur YT : Anti-communist dream girl, Live at Wharf Chambers : sont tous les cinq sur scène : batteur, trois guitares, une basse, un beau son électrique, moderne dans lequel les racines rockab sont absentes, ce qui est un peu décevant. 

    Un groupe à suivre.

    Damie Chad.

     

     

    DEFIXIONES

    VERITI RITUS

    ( Bandcamp  / 29 - 03 - 2023 )

    Tout chaud. Tout beau. Comme renseignements je ne peux vous donner que les maigres éléments fournis par Bandcamp et leur FB n’est pas vieux. Sont de Silésie région du sud de la Pologne.

    Smyg : lead guitar / Aro : rhythm guitar / Tymon : drums / Sagittarius :  vocals, bass.

    Etrange couve qui tient des bustes antiques mais ici le chef est couronné d’une espèce d’engrenage métallique, un mécanisme d’horlogerie implacable, la roue de fer du destin.  L’on ne peut s’empêcher de penser aux auréoles qui entourent les têtes des saints et des empereurs des mosaïques et des icones byzantines. Evidemment ces Malédictions ( Defixiones ) ne font pas référence au même Dieu mais à une autre entité. Du côté sombre de la force pour employer une expression consacrée.

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    Devotion to the entity : en plein dans la tempête, le sol tremble sous des milliers de sabots de milliers de chevaux, la voix du sagittaire lance la horde, le temps de reprendre ses esprits, il est trop tard, Veriti Ritus nous transporte ailleurs, peut-être faudra-t-il abattre nos montures pour apaiser la terrible entité vers laquelle nous nous dirigeons, déjà des flots de sang noirs se transforment en torrents, une force nous propulse vers un point fixe pivot immobile autour duquel le globe terrestre se met à tourner à une vitesse folle sur lui-même, nous ne savons plus rien, sinon que la terrible énergie qui se dégage de la chose enfouie est en train de prendre possession du monde devenu un immense tourbillon. Odpływam w nicość : (Je dérive vers le néant ) : vibrations de cordes, véritable baume sur les blessures auditives provoquées par le premier morceau, une batterie marque la marche, mais la voix du Sagittaire nous tire de notre bien-être, nous sommes au bout du monde, un pas de plus et nous tomberons dans l’abîme, intermède musical sous-tension, le rythme s’accélère trébuche sur lui-même, se catapulte sur ses propres contrepoints, peut-être ne saisissons-nous pas la portée du drame qui se joue, des notes s’espacent, un roulement de batterie lance le moteur du rotor retors qui nous ventile des atomes de néant sur le visage, comme des pierres qui effacent les contours des statues sur lesquelles elles rebondissent , la musique s’appesantit, nous courbe à même la terre, prend toute la place, envahit le vide au fur et à mesure qu’elle le crée… Levers : avez-vous déjà entendu des guitares rugir comme cela, une fusée interplanétaire s’envole vers l’espace.  Jak wygląda nic ? (Hallucination) : le Sagittaire récitent les litanies qui tétanisent les reptiles, la batterie roule d’un côté et de l’autre ralentit le rythme, des vibrations vibraphoniques  nous berceraient si ce sommeil ne traversait pas un mer écumeuse, Smyg nous réveille de sa guitare perçante, émotions, le Sagittaire nous réconcilie avec la vie, Tymon crée des merveilles roucoulantes, brusquement tout se précipite, nous sommes entre les branches d’un hachoir géant, tout le monde se presse, ceux qui passeront survivront, le morceau devient urgence démentielle, normalement il devrait se terminer au plus vite. Ce qu’il fait en accélérant.  ZWID :: ( à quoi ça ressemble ? ) : un temps de réflexion sur un tempo sans pitié, nous accédons enfin à la pensée pour poser les interrogations essentielles, sans doute notre cerveau ne raisonne pas assez vite, nous passons sous les fourches caudines du martèlement de notre impuissance. Court ? Certes ! mais une aire de repos bienvenue sur l’autoroute du désespoir. Noce : ( nuits ) : cristal de roches résonnantes dans les oreilles, coups de marteaux sur les enclumes de la pénombre, le Sagittaire hurle, l’est devenu un cauchemar ambulant, il avance lourdement, il crie, il met en garde, la musique mène l’attaque, vague irrésistible sous laquelle tout redevient poussière, violence déchaînée, concassage de l’esprit, tout doit être liquidé, rien ne doit subsister, le drumming s’acharne à arraser tout ce voudrait manifester une volonté de vivre, les guitares fauchent les espérances, n’espérez plus rien, même pas en l’espoir du désespoir, la monstruosité réveillée montre sa gueule nécronomiconencielle, un déluge de noirceur s’écroule sur vous. Apocalypse sonore. La comédie est terminée. Les plis du rideau qui tombe ensevelissent le monde. Blind and helpless : le vent souffle, Tymon mène le bal, feulements exclamatifs du Sagittaire, votre esprit n’est plus qu’une canne blanche titubante, vous avez voulu savoir, vous avez voulu voir, vous n’avez pas réfléchi aux dangers de l’Innommable, vous ne saurez jamais rien et vous ne voyez rien, tant pis pour vous, les oiseaux noirs du malheurs tournent sans fin dans la vacance de votre âme, une ronde incessante sur les ailes du néant, inutile de vous plaindre et d’exciter la pitié, la partie est jouée et vous avez perdu, définitivement jusqu’au plus profond de votre mort. Les prêtres entament l’hymne sacrificiel de remerciement. Tout est bien, qui finit mal.

    Magnifique. Si vous n’aimez ni le metal, ni le stonner, ni le doom, abstenez-vous.

    Damie Chad.

     

    SWAMP DUKES 

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    Encore des inconnus. N’ont sorti que deux singles sur Bandcamp, en mars et avril de cette année décidément maudite. Il nous plaît de savoir que d’ici quelques mois ils seront réunis sur un EP intitulé Living Nightmares. Cueillir des fleurs vénéneuses à leur naissance n’est pas interdit, comment connaître le goût d’un prochain poison si l’on n’y goûte pas.

    Proviennent de deux groupes : Stevan Fujto de Concrete Sun, de Serbie, qui sortit en 2011 l’album Sky is High, Bora Jovanovic et Ilija Stevanovic  et Sangre Eterna dont on trouve sur Bandcamp une seule piste : Dead Man’s Tale, Les contes de l’homme mort, nous irons écouter prochainement car de ce titre se dégage un léger parfum d’Edgar Poe. Evidemment ce sont aussi des serbes.

    Une seule phrase suffit à Swamp Dukes pour définir son projet : ‘’ Des profondeurs des marais surgissent les Dukes pour vous lapider la cervelle dans une autre direction ‘’ Rien à redire d’un tel programme.

    DEATH HOUSE RESCUE

    ( Bandcamp / 09 – 03 – 2023)

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    Kitch and chic, un dessin qui ne déparerait pas sur une couve des romans d’épouvante des années cinquante, tout comme Vince ‘’ L’Invincible’’ Rogers activiste rock niçois j’adore cet art populaire, ah ! ce vert excessif, et cette tête de mort prête à mordre la vie à pleines dents, à défaut de plonger la tête première dans le marais, écoutons ce premier opus :

    Une voix peu encourageante vous avertit, inutile d’avoir peur elle est vite remplacée par un superbe déferlement rock ‘n’roll, une tornade qui passe et qui ne repousse pas. Inutile, en deux minutes les songes miraculeux dont  votre âme se plaisaient à se bercer se sont évanouis, se sont enfoncés dans une vase qui glougloute sinistrement. 

    Percutant et définitif.

    DIG DEEPER

    ( Bandcamp / 01 – 04 – 2023)

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    Une couve plus classique. Le noir est inquiétant. La verdeur du single précédent est horrifique. Ici nous sommes en paysage connu. Avec cette croix perdue au milieu des marécage et l’œil insistant de cette lune blanche, nous sommes en pays connu, presque une version semi-aquatique du crossroad de Robert Johnson, Nouvelle Orléans et vaudou. Presque chez nous.

    Un gros solo de basse pour vous mettre dans l’ambiance et le rock’n’roll des guitares décoiffe les décapotables, un vocal moins rapide, le rythme s’assouplit, pour mieux repartir par la suite, l’est sûr que Baron Samedi s’est assis à vos côtés, moins affriolant qu’une blonde pulpeuse, mais il s’amuse avec les vitesses d’une manière démentielle. Attention, freinez à temps si au prochain virage vous ne désirez pas virevolter dans le marais gluant.

    Le rock comme on l’aime !

    Vivement l’Ep !

    Damie Chad.

     

    *

    Un groupe français pour changer. De ceux que l’on classe ces temps-ci parmi les gaulois réfractaires. L’album date pourtant de 2012, ont beaucoup tourné, se sont ensuite un peu reposés, ont envie de reprendre le collier, l’époque s’y prête.  La couve du CD représente un porte-monnaie, vous comprendrez vite pourquoi.

    LA MONNAIE DE LEURS PIECES

    AMER’THUNE

    ( Auto-produit / 2012 )

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    Sébastien Fournier : compositeur, ( contre)bassiste, claviste / Mathieu Relin : auteur, compositeur, guitariste, chanteur / Mickael Denis : compositeur, batteur, percussionniste.

    Jusques là tout est normal, font suivre leur nom, non pas de leur plat préféré ou de leur émission télévisée favorite mais, ce qui est plus rare, de leurs délits commis : je vous livre un package global : incitation au mouvement insurrectionnel, conduite en état de stupéfaction, outrage au président, incitation à la rébellion, détournement de train, filouterie, refus d’obtempérer, abus d’état d’ignorance et de faiblesse, complot, dégradation volontaire des idées d’autrui… comme quoi ils ont plusieurs cordes à leur violon d’Ingres, une véritable instrumentation symphonique !

    Ce test (réussi) d’accréditation personnelle nous permet d’entrevoir un groupe de rock aux convictions solidement charpentées qui ne met pas son mouchoir, je vous laisse deviner la couleur, dans sa poche.

    Ludivine : étonnant au vu de leur passé je subodorais une diatribe politique, ben non une chanson d’amour, enfin de sexe, le gars enflammé qui ne s’occupe plus des affaires du monde, avec un son qui décolle, bon elle est un peu bizarre avec sa petite corne belzébutine, en tout cas ils lui tressent une de ces fanfares rutilantes avec leurs guitares, pas très malin de s’accrocher à la fille de Satan, son désir est si chaud qu’on lui pardonne. La crise secondaire : attention on change de registre, une basse presque mortuaire accompagnée de chœurs d’enterrement, le monde d’en bas, le monde d’en haut, ceux qui triment et  payent, ceux qui exploitent et se gavent, quelques notes de pianos toute claires et le titre bascule dans un tsunami de révolte, l’on désigne le coupable, en lettres capitales, l’on se calme l’on revient au monde des gagne-petit, à la vie étriquée, prisonniers de ces crises si fréquentes qu’elles en deviennent secondaires… Histoire de France : le genre de texte sans langue de bois, l’on ne risque pas de l’entendre sur les radios d’état, dommage car musicalement c’est aussi chaud et aussi rock qu’une barricade, c’est que parfois la démocratie est l’ennemie de l’insurrection, le système est à mettre à bas, le beau monde en prend pour son compte, certes le peuple a perdu le pouvoir, malmené par la droite, trahi par la gauche, cette histoire de France gronde comme une menace. Encore un effort companeros. Ravis au lit : le jeu de mot est connu, n’y a que les nouilles qui ne comprennent pas, dans la vie tout est question d’écriture, soit l’on file le KO, soit l’on file la métaphore, c’est ici que l’on s’aperçoit que les textes sont écrits, super chiadés même. Nous la font à l’espagnole avec l’entrée du torero dans l’arène, plus groove concassé, ne nous laissons pas prendre par l’ambiance, les comédies érotiques tournent souvent au vinaigre. En silence : au début l’on se croirait dans une déception amoureuse, mais non, n’en veulent pas à leur copine, mais à ce peuple avachi, endormi devant sa télé, apathique et dépité, qui n’y croit plus, qui refuse de prendre ses responsabilités, ce qui précède c’est pour l’idée générale, faut écouter c’est goupillé comme un chapelet de grenades, on lance, elles explosent, on attend un peu et on en relance, le tout appuyé sur une orchestration imaginative et colorée. Un bijou. Le héros de pixel : petits bruits électroniques, chic on va pouvoir jouer au jeu-vidéo, la basse jazotte et fait ses gammes, quand on ne se bat plus dans le monde extérieur l’on joue au héros sur l’écran, l’orchestration vous construit une bande-son triomphale, ça console, le pire c’est quand on prend conscience que l’on n’est pas un héros mais un zéro. Apocalypse : entre geste musicale et fable ironique, ce qui est sûr c’est que pendant l’apocalypse c’est comme la vente pendant les travaux, la lutte de classe continue, groove, valse, piano, bruits, lenteurs, clavier, voix, se succèdent, à chaque épisode sa partition, personne n’y a gagné, mais certains y ont perdu davantage. A méditer.

             Très original. Des textes, de la musique, de la révolte. Un petit côté chanson française dans l’écriture des textes. L’on a l’impression que la musique s’adapte au texte, les américains de Chuck Berry à Jim Morrison en passant par Dylan nous ont appris que texte et musique ne doivent former qu’un.  Une belle tentative.

    Damie Chad.

     

    ROCKAMBOLESQUES

    LES DOSSIERS SECRETS DU SSR

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    (Services secrets du rock 'n' roll)

    Death, Sex and Rock’n’roll !

                                                             

    EPISODE 23 ( Corn beef  ) :

    126

    Le Chef allume un Coronado pour mieux m’écouter :

              _ Oui Chef, deux indices de première importance. Je résume : je marche dans une forêt, une sensation étrange s’empare de moi, au bout d’un certain temps je réalise que je ne suis pas dans une forêt mais dans la description d’une forêt dans un livre que vous êtes en train de lire.

              _ Vous me décevez beaucoup agent Chad, je m’attendais à quelque chose de faramineux, d’obscur, de calamiteux, de je ne sais quoi comme si lire un livre était en soi le genre d’acte dont mon subconscient m’interdirait la connaissance, à quatre ans je lisais déjà l’Anabase de Xénophon, dans le texte grec bien sûr ! J’étais même capable de le réciter in extenso à mon institutrice de maternelle qui n’y comprenait rien. C’est tout ce que vous avez à me rapporter ?

              _ Non Chef, excusez cette question à brûle-pourpoint, elle est essentielle pour la compréhension de la suite, pourriez-vous me dire avec quoi se prépare une omelette ?

              _ Agent Chad, auriez-vous subi une lobotomie depuis hier soir ! Avec des œufs, non d’un Coronado abandonné sous la pluie !

              _ Non chef, c’est ainsi que s’annonce le titre du livre que vous étiez en train de lire.

              _ Par une omelette ! Agent Chad, sauf votre respect, vous commencez par me briser la coquille.

              _ Non Chef pas par une omelette, par la moitié d’un œuf !

    Le Chef éprouve le besoin impérieux d’allumer un Coronado :

              _ Oui Chef par la moitié d’un œuf, avec E dans l’O !   

              _ Comme Œuvres Complètes d’Honoré de Balzac par exemple si je ne m’abuse Agent Chad !

              _   Comme Oecila !  Maintenant nous savons que Ecila se prononce Eucila et non écila !

              _ Vous avez pu lire le récit ?

              _ Hélas non, le rêve s’est brutalement terminé par contre j’ai pu déchiffrer le nom de l’auteur. Vous êtes concerné en premier chef, Daniel Lechef !

              _ Vous plaisantez Agent Chad, si certains m’appellent Lechef parce qu’ils vous entendent m’appeler Chef, n’oubliez pas que je m’appelle Alexandre Legrand. Partez-moi plutôt à la recherche de ce satané bouquin. J’en veux au plus vite un exemplaire sur mon bureau !

    127

    J’ai saisi le paltoquet par le colbac et lui ai collé mon Rafalos sur la tempe. Je suis énervé, j’ai passé ma matinée à farfouiller sur internet et à courir les plus grandes librairies, les bouquineries et les marchands de livres anciens, personne n’a jamais lu, vu ni même entendu parler du roman Oecila et encore moins de Daniel Lechef, quand le clampin a refusé de m’emmener voir son directeur, je me suis fâché tout noir. Je préfère ne pas vous dire comment. Me mène tout droit sans broncher au septième étage de la Bibliothèque Nationale François Mitterrand. Sans même lui laisser le temps de frapper à la porte je l’ouvre et nous déboulons. Par politesse j’ai remis mon Rafalos dans la poche.

             _ Mon-Monsieur le Di-directeur, un client un peu particulier !

    Rien qu’à voir sa moue dépréciative qu’il jette sur mon perfecto, la haine m’envahit, je ressors illico mon Rafalos et lui tire un bastos juste au-dessus de sa tête.

              _ Ecoute moi bien, vermine, la prochaine fois je t’en tire une dans la bouche et l’autre dans le trou du cul  !

    L’est pas directeur pour rien, l’a vite compris la situation, l’est prêt à collaborer les yeux fermés.

    • C’est simple tu appliques les consignes d’évacuation du public, tu lances le plan alerte noire et tu donnes rendez-vous à ton personnel dans la grande salle de réunion.

    Pour une fois je suis fier de l’Administration Française. Quelle célérité ! Quelle efficacité ! En trois minutes des hordes de CRS déboulent de leurs véhicules d’intervention rapide, ils expulsent manu militari à coups de matraques lecteurs et chercheurs qui n’ont même pas le droit de prendre leurs affaires personnelles, les plus récalcitrants sont visés au LBD, et tout le monde se retrouve dehors chassés par des nuages de lacrymo. Sont sur le champ emmenés en garde à vue.

    Dans la grande salle tous les bibliothécaires écoutent religieusement le bref discours de leur Directeur :

              _ Mesdames, messieurs, vous me ramenez illico tous les exemplaires d’Oecila de Daniel Lechef, vérifiez tous les fichiers, explorez tous les rayonnages, n’oubliez pas les réserves, je compte sur vous. Vous avez compris, c’est grave et urgent.

    Ça court de tous les côtés, une   véritable fourmilière, les employés mettent du cœur aux ouvrages, l’on en voit passer en courant les bras surchargés de piles de bouquins, pendant que d’autres penchés sur leurs écrans consultent les fichiers des grandes bibliothèques internationales et des universités américaines.   

    Les heures passent, le Directeur essaie de faire bonne contenance en riant jaune citron (pourri), il est dix heures du soir lorsque des clameurs de triomphe montent des plus profondes réserves souterraines, des galopades surexcitées se dirigent vers la grande salle de réunion, le personnel enfin réuni entonne La Marseillaise d’une vois voix vibrante, d’un geste souverain le Directeur les arrête alors qu’ils s’apprêtent à continuer avec L’Internationale. Dans le silence une voix fluette glapit :

              _ C’est moi, c’est moi, je l’ai trouvé, dans la section mathématique, à la lettre L, mal rangé entre Lèche et L’échelle, c’est bien Daniel Lechef, le titre n’est pas sur la couverture mais sur la première page !

    Le Directeur sourit avec orgueil :

              _ C’est ma fille Alice, elle est venue faire son stage d’entreprise de classe de troisième ! Ma fille, je suis très fier de toi, tu marches dans les traces de ton père, un jour tu me remplaceras, je…

    Je ne l’écoute plus j’ai arraché le livre des mains d’Alice la jeune collégienne, je descends les escaliers en courant, saute dans ma voiture et je fonce vers le local.

    128

    Je pousse la porte. Molossa et Molossito sautent et hurlent de joie, le Chef est en train d’allumer un Coronado.

              _ Agent Chad, je souhaite que vous ayez fait bonne chasse, pour ma part…

    Je ne le laisse pas terminer, j’exhibe victorieusement mon livre que je dépose sur le bureau avec précaution :

              _ Tenez Chef, je ne l’ai pas ouvert, j’étais trop pressé de vous le ramener, pas facile d’y mettre la main dessus, le Directeur de la Bibliothèque Nationale a été très obligeant, le personnel a eu du mal à le trouver, il était mal classé, enfin on l’a, regardez Daniel Lechef est écrit en gros sur la couverture.

    Le Chef s’empare du bouquin, le soupèse et le repose avec une moue dubitative.

              _ Vous avez bien travaillé Agent Chad, toutefois je me demande si vous n’avez pas perdu votre temps. Examinons quand même l’objet, dans cette étrange affaire aucune piste ne doit être négligée.

    Le Chef ouvre le livre, tourne quelques pages sans prendre le temps de lire et le repousse d’un air dégoûté :

              _ Non Agent Chad, il vous faudrait apprendre la méticulosité, rien ne sert de s’emballer, oui sur la couverture il est bien écrit Daniel Lechef, pour le titre si je lis à haute voix je prononce bien Ecila mais si je lis avec mes yeux : Et Si Là, ce qui paraît bizarre pour un titre, tout s’éclaire lorsque je lis la page suivante : Pas Ailleurs. Je récapitule : Et Si Là Pas Ailleurs, ce qui à première vue semble un peu une lapalissade, quand je tourne les pages je tombe sur des colonnes de chiffres.

              _ Le texte est codé ?

              _ Pas du tout Agent Chad, nous sommes face à une vulgaire table de logarithmes, quant au titre, c’est une plaisanterie, si vous voulez calculer la longitude et la latitude d’un point précis sur la mer, vous avez besoin d’utiliser une table de logarithmes pour savoir que vous êtes là et pas ailleurs !

    Je suis mortifié. Echec sur toute la ligne. Je m’attends à ce que le Chef me sermonne grave. A mon grand étonnement il est tout sourire. Il m’offre même un Coronado avant d’en allumer un.

              _ Agent Chad, j’ai passé toute cette après-midi à penser au récit de votre rêve. J’avais l’intuition que quelque chose clochait. Après une douzaine de Coronados, une déchirure s’est produite en mon esprit. Maintenant je reconnais un de mes rêves, il vient me visiter assez souvent même si je n’en garde aucun souvenir au réveil. Votre récit a permis d’ouvrir une brèche dans mon subconscient, tout ce que vous avez raconté est juste mais votre interprétation est fausse. Vous avez cru que le lecteur c’était moi, par contre ce n’est pas vous qui cherchez en traversant le texte le titre et l’auteur du livre. C’est moi.

    Je commence à comprendre. C’est comme si j’avais confondu le négatif  blanc et noir d’une photo avec le résultat de son développement, j’ai inversé le blanc et le noir, quand j’ai cru reconnaître le Chef en train de lire, le lecteur n’était que Moi ! Ainsi cette mystérieuse Ecila n’a rien à voir avec le passé du Chef, c’est moi qui détiens la clef du mystère ! Enfouie au fond de moi !

    A suivre…