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  • CHRONIQUES DE POURPRE 495 : KR'TNT ! 495: PHIL SPECTOR / RON WOOD / SHELLEY - CROWLEY / SOUL TIME / TONY MARLOW / STEPPENWOLF / ROCKAMBOLESQUES XVIII

    KR'TNT !

    KEEP ROCKIN' TILL NEXT TIME

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    LIVRAISON 495

    A ROCKLIT PRODUCTION

    SINCE 2009

    FB : KR'TNT KR'TNT

    28 / 01 / 2021

     

    PHIL SPECTOR / RON WOOD

    SHELLEY-CROWLEY / SOUL TIME

    TONY MARLOW / STEPPENWOLF

    ROCKAMBOLESQUES XVIII

     

    Spectorculaire - Part One

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    En guise d’adieu à Phil Spector qui vient de casser sa vieille pipe en bois, nous sortons du formol ce vieux conte égyptien. Il fut d’abord conçu en hiéroglyphes, mais vu que les lecteurs de KRTNT ne sont pas tous férus d’égyptologie, il nous a semblé plus prudent de le traduire en langue française. Puis nous nous pencherons sur l’abondante littérature spectorienne dans un Part Two et un Part Three viendra flatter l’œuvre, car c’est bien d’une œuvre dont il s’agir.

    Pharaon fait son entrée dans le temple du son. Les talons de ses Chelsea boots claquent sur le marbre du sol. Haut comme trois pommes et maigre comme un clou, il porte une tiare en or, un pagne fraîchement repassé et des grosses lunettes noires. De longues rouflaquettes encadrent son visage. Sur la tiare en or est épinglé un badge «Back to Mono».

    Le temple s’ouvre sur la vallée des morts. Au fond de la vallée sont rassemblés quelques milliers de musiciens issus de toutes les peuplades de l’empire. Ils attendent en silence, telle est la consigne. De part et d’autre de la vallée, des milliers d’esclaves motivés par le fouet élèvent un mur gigantesque. Ils font rouler des moellons de plusieurs tonnes sur de gros rondins de cèdre lubrifiés. Le mur doit s’élever jusqu’au ciel, car telle est la volonté de Pharaon.

    Il fait construire le wall of sound.

    Pharaon se prépare à entrer dans l’histoire. Il lance un défi aux dieux dont il se dit l’égal. Plutôt que de conquérir le monde pour montrer sa puissance, Pharaon préfère écrire des chansons. Quand les dieux entendront «River Deep Mountain High», ils frémiront.

    Pharaon vient d’écrire «River Deep Mountain High» avec Jeff Barry et Ellie Greenwich. Extraordinairement cultivés, Jeff et Ellie sont ses scribes les plus précieux.

    Pharaon contemple longuement la vallée. Il éprouve de grandes difficultés à dominer son impatience. Il sait qu’il tient un tube éternel. Ses narines palpitent. Sous le pagne, il sent son membre divin se dresser lentement. Il fait signe aux prêtres du temple du son. Il veut entendre les oracles. Les prêtres éventrent les bestiaux prévus à cet effet et accourent les mains pleines d’abats sanguinolents. Ils se bousculent pour offrir à Pharaon l’exclusivité des oracles.

    — Les conditions sont réunies, Pharaon ! Il ne pleuvra pas aujourd’hui !

    Agacé, Pharaon envoie un terrible coup de sa crosse en or sur le crâne du prêtre-météo qui s’agenouille, abasourdi de terreur.

    — Mais il ne pleut jamais dans la région, sombre crétin ! Qu’on le jette aux crocodiles sacrés !

    — Noooon pitié Pharaon ! Nooon !

    Les Turkmènes de la garde rapprochée emmènent le prêtre qui se débat. Pharaon commence toujours par caler ses orchestrations. Lorsqu’elles sont irréprochables, il demande à des interprètes soigneusement sélectionnés de venir s’y fondre. Pharaon vit dans l’obsession de l’osmose : le jour et la nuit, la folie et le génie, les cuivres et les cordes, le ciel et la mer, le chant et l’instrumentation, il mêle les extrêmes en permanence.

    Il se tourne vers l’horizon et lève les bras au ciel. Un immense murmure s’élève de la vallée. Les musiciens s’affairent. Ils vont bientôt devoir jouer selon les règles strictes édictées par Pharaon. Les partitions sont gravées dans des tablettes d’argile. Des milliers de scribes ont travaillé jour et nuit. Les musiciens n’ont que quelques minutes pour s’accorder sous le soleil de plomb. Quand Pharaon donnera le signal, ils devront être prêts à jouer. Pharaon donne ses dernières instructions :

    — Bassistes crétois, vous façonnerez l’épine dorsale d’une grosse bassline et vous fendrez le silence comme la proue d’un navire de guerre ! Quant à vous, guitaristes ibères, je vous demande de jouer le rythme basique ! Ne jouez rien d’autre, pas de flamenco,avez-vous bien compris ?

    Une immense clameur monte de la vallée :

    — Yeahhhhhh Pharaon !

    Puis il s’adresse aux huit mille pianistes :

    — Je vous demande de jouer les octaves de la main droite ! J’exige de vous l’emphase dramaturgique !

    — Got iiiiiiit, Pharaon !

    Pharaon passe sa main dans le dos et ramène le flingue qu’il garde toujours serré sous la ceinture. Il tire un coup en l’air. C’est le signal. Les basses crétoises roulent comme le tonnerre, agrémentées de tampanis congolais. L’immense orchestre joue une petite introduction en escalier. Pharaon lève les bras.

    Silence.

    Puis l’orchestre reprend, des vagues assourdissantes s’en vont se briser contre les murailles et se réverbèrent dans un chaos d’écho d’une profondeur incommensurable. Des nappes de piano s’envolent comme des nuées de sauterelles et s’en vont percuter les roulements des tambours que battent avec pesanteur des milliers de berbères. Pharaon fait jouer l’orchestre des jours durant. Il n’est jamais satisfait.

    Et puis un jour, son visage se détend. Les lèvres tremblantes, il murmure :

    — Oui, c’est ça ! C’est ça !

    La qualité de l’écho atteint la perfection. Pharaon lève les bras au ciel. Les musiciens arrêtent de jouer, mais les deux murailles géantes renvoient encore de l’écho pendant de longues minutes. Jusqu’à ce que le silence s’installe.

    L’orchestration est au point, le moment est venu de choisir un chanteur ou une chanteuse. Pharaon ordonne qu’on fasse venir les cages des candidats. Dix petites cages à roulettes sont installées en demi-cercle sur l’esplanade du temple. Pharaon les passe en revue. Dans la première s’agitent quatre sauvages à la peau blanche. Ils ont les cheveux longs et sales. Ils portent des blousons de cuir et des jeans déchirés.

    Pharaon s’adresse au plus grand :

    — Ton nom !

    — Joey Ramone !

    — Chante-moi quelque chose !

    Joey bombe le torse et chante «Baby I Love You» des Ronettes. Pharaon est agréablement surpris.

    — Hum... Tu as une bonne voix, mais tes amis ne me plaisent pas du tout... Ils ont l’air tellement stupides !

    Celui qui reste allongé dans la paille lance d’une voix rageuse :

    — Je m’appelle Dee Dee et je t’encule, Pharaon tête de con !

    Et Dee Dee crache au sol, juste entre les deux pieds de Pharaon. Silence de mort.

    Pharaon sort son flingue, tire une balle dans le ciel et hurle :

    — Aux crocodiles !

    Dans la deuxième cage se trouve un autre sauvage à la peau blanche. Il porte une barbe et les cheveux longs.

    — Ton nom ?

    — George Harrison !

    — Tu m’as l’air bien mystique... Chante !

    Le pauvre George n’est pas en très bonne santé. Il ravale sa salive et chante «My Sweet Lord».

    — Aux crocodiles !

    Pharaon passe à la cage suivante. Un autre sauvage à la peau blanche et une chinoise sont allongés nus dans la paille.

    — Ton nom !

    — John Lennon et elle, c’est Yoko !

    Pharaon admire les formes un peu lourdes de la chinoise :

    — Vous n’êtes pas là pour forniquer mais pour chanter. Alors chantez !

    John Lennon se lève et entonne «Instant Karma». Yoko joue du tambourin en faisant un sourire qui ressemble à une grimace. Pharaon ne les envoie pas aux crocodiles. Il ne veut pas que ses crocodiles sacrés attrapent une indigestion.

    Dans la cage suivante se trouve encore un blanc.

    — Ton nom ?

    — Dion DiMucci !

    Pharaon ne lui demande même pas de chanter. Trop romantique. «River Deep Mountain High» a besoin de chair fraîche. Pharaon passe en revue cinq autres cages où sont enfermés les Crystals, les Righteous Brothers, Darlene Love, Leonard Cohen, Bobb B Soxx.

    Il se plante devant la dernière cage. Une esclave nubienne plonge son regard de feu dans celui de Pharaon. Elle porte une tunique déchirée qui ne cache pas grand chose de son anatomie pulpeuse. Ses cuisses ressemblent à des colonnes d’albâtre.

    — Ton nom, horrible femelle lascive !

    — Tina, Pharaon, pour te servir...

    Et elle fait glisser la pointe de sa langue sur le pourtour de sa bouche entrouverte. Près d’elle se tient un grand Nubien d’apparence teigneuse.

    — Ton nom !

    — Ike Turner ! Je suis le mari !

    — Faites-la sortir de la cage ! Pas lui ! Qu’il y reste et emmenez-le avec les autres ! Qu’ils disparaissent tous de ma vue ! Mon génie ne les a même pas aveuglés ! Ah les chiens galeux ! Que les descendants de ces immondes barbares soient maudits jusqu’à la septième génération !

    Tina est enchaînée. En marchant, elle râle comme une panthère. Pharaon la présente à l’immense orchestre installé jusqu’au fond de la vallée.

    — Musiciens ! Voici Tina ! Elle portera ma chanson aux nues !

    Un grondement d’acclamations roule dans la vallée. On installe un pupitre devant Tina. Les paroles de la chanson sont gravées sur une tablette d’argile. Pharaon lève les bras au ciel. Le silence se rétablit. Il tire un coup de feu en l’air. L’orchestre joue la petite intro en escalier. Break. Silence. Reprise. Tina ouvre une bouche grande comme un four :

    — Quand j’étais une petite fille, j’avais une poupée de chiffon, la seule poupée que j’aie jamais eue... Maintenant je t’aime comme j’aimais cette poupée de chiffon... Mais maintenant mon amour a grandi !

    Tina chante comme une nymphomane. Elle roule les paroles entre ses muqueuses. Elle est poignante et magnifique. Le son qui monte de la vallée l’enveloppe. Des langues d’écho lèchent la peau luisante de ses cuisses. Les musiciens des premiers rangs voient son sexe béant palpiter.

    Alors Pharaon donne un violent coup de crosse sur le sol et le son explose. L’immense orchestre de la vallée bâtit des montagnes imaginaires, des ponts de cristal suspendus, des murailles de verre, des cavernes enchantées, des falaises de marbre, des gouffres abyssaux et des cascades de son s’écoulent dans des précipices wagnériens, des fumées blanches montent dans l’air saturé d’écho, une féérie grandiose éclate dans le tournoiement des masses d’air. Les tambours et les percussions se fondent dans les basses qui se fondent dans les guitares qui se fondent dans les pianos qui se fondent dans les violons soudanais qui se fondent dans les voix. En transcendant le principe même de l’osmose cosmique, Pharaon crée une fantastique pulsation qui remplit tout l’univers perceptible. Et au sommet de cette pulsation s’empale l’esclave Tina. Chaque molécule de son corps se dissout dans le souffle magique que renvoient les deux murailles géantes.

    Pharaon lève les bras au ciel. L’orchestre s’arrête brusquement. Quel choc ! Un silence vibrant d’écho s’installe. Les dieux ne pardonneront jamais à Pharaon de les avoir ainsi nargués. «River Deep Mountain High» n’aura pas le succès escompté. Profondément vexé, Pharaon fera construire une pyramide avec les moellons de son mur du son et s’y retirera pour l’éternité.

    Signé : Cazengler, Spectordu

    Phil Spector. Disparu le 16 janvier 2021

     

    Knock on Wood

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    Dommage. Vraiment dommage. La petite autobio de Ronnie Wood aurait pu valoir son pesant de rigolade, car Woody a une réputation de joyeux drille. Manque de pot, il tombe avec Ronnie dans le piège que la célébrité tend à tous les parvenus : le pauvre Woody se complaît dans l’étalage de people, c’est même par moments assez abject. N’allons pas salir le blog de Damie Chad en citant les noms de ces horribles célébrités que Woody se targue de fréquenter. Pour une fois qu’on a un blog bien propre, n’allons pas tout gâcher avec du m’as-tu-vu à la mormoille. C’est d’autant plus dommage qu’au départ, Woody ne fréquentait que des gens bien : Jeff Beck, Ronnie Lane & the Faces, et puis fatalement Keef. Manque de discernement ? Allez savoir... Besoin de reconnaissance, sûrement. Dans les dernières pages, il se livre à un délire d’auto-satisfaction. Comment ? En jonglant avec ses multiples talents. On le savait guitariste, peintre (my art), et le voilà qui se projette dans un avenir de romancier, de scénariste et de cinéaste. Il explose de vantardise comme la crapaud de La Fontaine. Cette fin d’autobio est encore pire que celle de Cash qui lui se vantait d’avoir les maladies les plus rares du monde, après s’être vanté d’avoir les gens les plus célèbres du monde comme amis. On entre avec ces recueils de mémoires dans des sphères qui nous dépassent et qui sont celles de l’ultra-célébrité. Elles ne font malheureusement pas rêver. On leur laisse leur pauvre ultra-célébrité, leur train de vie et tout le maudit saint-frusquin qui va avec. Nous ne voyons pas l’aristocratie de la même manière. Syd Barrett, oui, Ron Wood, non. Mais Keef oui. Justement, le gros intérêt du Wood book, c’est Keef, car forcément, Woody le fréquente assidûment. Un jour en 1965, Jag appelle Woody pour lui demander s’il veut bien venir jouer de la guitare en session. Jag produit le duo Rod Stewart/PP Arnold qui enregistre «Come Home Baby» et c’est là, à l’Olympic studio, in Barnes, que Woody voit Keef pour la première fois. Puis Woody achète un maison luxueuse, the Wick, à Richmond, et Keef vient habiter dans le cottage attenant où avait vécu quelques temps Ronnie Lane. Comme Woody a installé un studio à la cave du Wick, Keef et lui passent leur temps à jouer, et pouf, il nous ressort l’histoire de l’ancient art of waving qui, nous rappelle Mike Edison dans son Charlie book, existait du temps de Brian Jones. Woody revient sur cette interaction entre les deux guitaristes qui caractérisait le son des early Stones. Il explique aussi une autre particularité de la Stonesy : «Depuis le début, les Stones ont toujours eu un style particulier. Keef joue un accord, Charlie suit et Bill est légèrement derrière Charlie. Et Brian Jones se situait quelque part au milieu.» Woody raconte aussi que la fréquentation de Keef n’est pas de tout repos. C’est même parfois assez violent. Keef sortait parfois son Bowie knife et posait la lame sur la gorge de Woody en lui disant qu’il allait le tuer. Alors Woody raconte que pour sauver sa peau, il fixait Keef dans le blanc des yeux (a stareout). Il ajoute que l’incident se produisait environ deux fois par an, à la grande époque de la coke. Une autre fois, Keef entra dans la piaule de Woody en brandissant Derringer, alors Woody sortit son Magnum 44 - That was the last time Keith ever drew his gun on me, until the next time - Ah les drogues ! Pour ça, ils sont les champions du monde. Keef déclara un jour qu’il n’avait jamais eu de problème avec les drogues, seulement avec les flics. Et Woody ajoute que si Keef est encore en vie, il doit ça au top quality junk, et jamais il n’a dérogé à ce principe : pas question de prendre n’importe quoi. Woody poursuit en rappelant que Keef a la constitution d’un ox et qu’il a eu beaucoup de chance, notamment d’être tombé sur des juges compréhensifs. Il a en outre toujours veillé à donner aux médias ce qu’ils attendaient. Woody rappelle aussi que Keef est un bourreau de travail. Il cite l’anecdote de l’enregistrement d’Emotional Rescue à Paris : tout le monde est crevé, mais Keef veut continuer à travailler, alors tout le monde doit continuer à travailler. Keef : «Nobody sleeps while I’m awake !». L’épisode le plus rigolo du Keef chapter est celui des retrouvailles avec son père Bert à Redlands. Keef fait venir son père qu’il n’a jamais revu depuis l’enfance et demande à Woody d’aller l’accueillir à sa descente de voiture. C’est la première fois que Woody voit Keef dans cet état de nervosité. La bagnole arrive dans le jardin et Woody va accueillir Bert. Bert est un vieil homme qui fume la pipe et qui a les jambes arquées. Woody lui donne son bras. Ils approchent tous les deux de la maison et soudain Keef apparaît à la fenêtre et lance à Woody : «Tu ne savais pas que j’étais le fils de Popeye ?». L’autre truc qui fait bien marrer Woody, c’est l’histoire des Glimmer twins qui remonte à l’époque où Jag et Keef voyageaient incognito sur un paquebot. Ils intriguaient une vieille qui finit par les coincer sur le pont : «Who are you ? Just give us a glimmer !». Le glimmer vient de là et Keef ajoute : «Mick est ma femme, que ça me plaise ou non. Impossible pour nous de divorcer.» Par contre, l’épisode des décorations royales (équivalent britannique de la légion d’honneur) impressionne Woody : «Quand Mick a obtenu la sienne, Keith aurait dû en obtenir une aussi. Mais si Buckingham Palace avait offert un knighthood à Keith, ça aurait dû être autre chose. Ils savaient qu’il n’accepterait jamais. Ce genre de chose ne signifie rien pour lui. Il me disait : ‘Qu’on m’appelle Sir Keith n’est pas un hommage assez important à mes yeux. Fuck knighthood, give me a peerage.» Vers la fin du book, Woody nous emmène dans les loges des Stones. Chacun la sienne. Keef s’installe devant son miroir. Personne ne lui coupe les cheveux, il prend des ciseaux et le fait lui-même, il taille dans la masse. C’est Keef - Keith only ever wears Keith-clothes - Pas d’habilleuse ni de coiffeuse.

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    Avec Keef, l’autre personnage central de l’autobio c’est bien sûr la dope. Woody explique qu’il passe beaucoup de temps dans la bathroom - a very long journey through freebase, coke, heroin, booze and more freebase - Il évoque aussi le fameux pharmaticals - There was a pill in those days called Destubol, moitié turquoise et moitié orange, and it was half-upper and half-downer. Freddie Sessler en avait à Paris et c’était la meilleure came qu’il ait jamais eue. Ça n’existe plus - C’est Bobby Keys qui fait découvrir la freebase à Woody en 1979, à Mandeville Canyon, en banlieue de Los Angeles - Bobby arriva un soir, tout excité : ‘Hey mec, j’ai découvert ce truc, it’s called freebase. It saves your nose. Tu n’as plus besoin de te servir de ton nez. Ça se fume.’ J’ai démarré avec lui et ça a duré cinq ans. Tu sépares la base de la coke en la faisant cuire dans du soda et tu fumes ça dans une pipe - Même histoire que celle de David Crosby, lui aussi passé à la freebase. D’ailleurs Woody le taille un peu - David Crosby ne savait pas utiliser les drogues correctement. Il mélangeait la coke et l’héro. Je l’ai vu faire ça un soir dans la cuisine d’Alan Pariser et en quelques secondes, il est tombé par terre. J’ai cru qu’il était mort au moins cinq fois dans la nuit. Mais il revenait toujours à lui - Donc Woody et Bobby passent leur vie dans la salle de bains. Ils y restent des journées entières, à freebaser - Keef m’a dit qu’une fois, il est entré dans la salle de bains pendant qu’on freebasait. Il a fait caca et on a rien remarqué - L’un des voisins de Woody à Mandeville Canyon est Sly Stone. Quand Sly entend dire que Woody a une pipe, alors il se pointe chez lui, accompagné de 15 personnes en file indienne derrière lui. Hop, direction la salle de bain, toujours en file indienne, pour tirer une taffe chacun son tour. Puis ils repartent en file indienne. Ce qui est fort dans les histoires de dope que nous raconte Woody, c’est qu’elles sont toutes drôles. Il dit aussi que la toute première taffe est paradisiaque et qu’après, on cherche à retrouver cette sensation, mais c’est impossible - You’re always chasing that first time. It’s a mad drug - Mais l’avantage dit-il c’est qu’elle n’est pas addictive. Tout cela se mélange avec les crises de Keef - We were on tour in the States in the early 1980s, for example, when Keef decided he was going to kill me - Keef ne veut pas entendre parler de freebase : «Nobody does freebase, it’s a waste of time !». Bien évidemment, Woody et Bobby se ruinent à freebaser pendant des jours entiers dans la bathroom. Bobby finit même par mettre son sax au clou. Woody : «On a vécu 5 ans à L.A., alors faites le calcul et vous verrez le blé que j’ai craqué en dope.» Il rend aussi hommage à Freddie Sessler, le dealer officiel des Stones : «Je parle d’un homme qui se pointait avec des bouteilles de lait remplies de high quality Mallencrodt and Merck. He was a sex-fuelled, vodka-charger, coke mountain.» L’autre grand fournisseur des Stones est le fameux Dr Steve, un neurologiste qui fait des ordonnances et qui s’approvisionne directement dans les labos, fournissant à ses clients les meilleures cames, d’où la longévité de Keef. Contrairement à Keef, Woody dit qu’il don’t do needles, il fume l’héro. Ce sont les fameuses DCs, c’est-à-dire dirty cigarettes. Woody parle de tout ça très simplement. La dope faisait partie du rock’n’roll circus des Stones, alors il en parle à sa façon.

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    Autant la fin de l’autobio indispose, autant son début enchante. Car Woody raconte son enfance - Mes frères et moi sommes les premiers dans la famille à être nés sur la terre ferme. Ma mère et mon père sont nés sur des péniches in the Paddington Basin, West London. Ils sont tous les deux des mariniers (water gyspies), comme l’étaient mes grand-parents et leurs parents avant eux - Pas mal, non ? On se croirait dans L’Atalante, avec Michel Simon. Woody brosse de son père un portrait haut en couleurs : il avait tout le temps des weird mates à la maison, «certains étaient mariniers, d’autres des repris de justice, mais tous étaient musiciens, tous étaient bourrés and all of them were fucking nuts.» La famille Wood vivait at Number 8 Whitethorn, pas loin d’Heathrow, a rocking house où tout le monde jouait d’un instrument. Le type qui s’est installé dans cette baraque après le départ de la famille Wood raconte qu’il a découvert 1700 bouteilles de Guiness enterrées dans le jardin. Petit Woody avait beaucoup d’humour. Ses grands frères collectionnaient les œufs d’oiseaux et Woody qui avait trois ans s’amusait à les écraser à coups de marteau. Alors Art et Ted se plaignaient à leur mère : «Ce petit merdeux a écrasé tous nos œufs. Pourquoi l’as-tu acheté ?». Woody raconte aussi que son père se fit un jour couper une patte. Deux jours après l’amputation, il se lève, oubliant qu’il a une patte en moins et se casse la gueule. Il tombe sur le lit du voisin, se retrouve nez à nez avec lui et balance du tac au tac : «Ah bah voilà, comment qu’on va l’appeler notre bébé ?». Humour anglais. Ravageur. Woody aime bien rappeler aussi qu’à une époque il avait un perroquet nommé Sadie. Chaque visiteur était accueilli par une formule de bienvenue, Fuck off, fuck off, ce qui ne manquait pas de faire marrer notre woodpecker.

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    C’est Art qui va se lancer le premier dans le music biz avec les Artwoods. Woody voit son grand frère tomber dingue de Fats Domino et déclarer qu’il veut chanter comme lui. Puis Woody décide à son tour de monter un groupe : «Je n’ai pas eu besoin d’aller chercher loin. Kim Gardner vivait au coin de la rue, Tony Munroe à l’autre bout de la rue et Ali McKenzie dans le quartier voisin. J’ai décidé d’appeler le groupe the Thunderbirds, d’après ‘Jaguar & The Thunderbirds’ de Chuck Berry.» Comme il existe déjà des Thunderbirds (ceux de Chris Farlowe), ils deviennent les Birds et Leo de Klerk devient leur manager. Ils se retrouvent en plein boom du British Beat et tournent sans arrêt. De Klerk les paye 5 livres par concert. Ils réussiront à obtenir une augmentation : 30 livres par concert, mais divisées en 5, et bien sûr, tous les frais à leur charge : nourriture, essence et vêtements. Woody ajoute que ça leur coûtait de l’argent de jouer dans le groupe. Comme la plupart des groupes à l’époque, les Birds se font plumer : «Les Birds ont rapporté énormément de blé à Leo. Grâce à ce blé, il a pu se marier et investir dans une chaîne de magasins d’épicerie.»

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    Ce qui est bien avec les Birds, c’est qu’on a tout de suite du son. Il suffit d’écouter The Collector’s Guide To Rare British Birds pour en avoir le cœur net. Et bien net. Ils font du early British Beat explosion et leur «You’re On My Mind» est excellent. Le singer des Birds s’appelle Ali McKenzie et bien sûr Kim Gardner is on bass. C’est notre Woody national qui passe le solo punk. Si on cherche l’archétype de l’absolute garage punk anglais, il est là et s’appelle «You Don’t Love Me». Pur jus de délinquance juvénile. Ils sont encore plus punkish que les Downliners ou les Pretties, comme si c’était possible ! Outch ! Downhome punk underground, baby. S’ensuit un «Leaving Home» encore plus heavy. Ali est un sérieux client. Si on aime le primitive London garage, c’est les Birds. «No Good Without You» va plus sur la pop, et Ali sonne comme un géant en devenir. Woody repasse l’un de ces solos magiques dont il va se faire une spécialité. Encore une tentative de putsch avec «How Can It Be», cut très pop, très ambitieux, avec des attaques de heavy gimmicking. Incroyable énergie ! Les guitares cassent la baraque. Tout vient des riffs. Woody is on fire. Leur hommage à Bo vaut tout l’or du monde. «You Don’t Love Me» est encore plus fort que le Roquefort. Ils se prennent pour les Who avec «Run Run Run», et toujours cette énergie, rien de plus beau que ce Run Run Run à l’aube des temps bénis. Leur «Good Times» donnera la Poupée Qui Fait Non en français, d’ailleurs on en trouve la version française un peu plus loin sur cette compile.

    C’est l’époque où Woody rencontre Rod The Mod - Un jour en 1965, je traînais à l’Intrepid Fox, un pub sur Wardour Street quand je vis entrer un mec portant une grande veste à carreaux de Coco the Clown et des cheveux en épis sur le sommet du crâne, comme les miens. Il avait aussi un œil au beurre noir. Il s’est approché de moi et m’a dit : ‘Hello, face, comment ça va ? - Rod conduisait une Spitfire à l’époque, mais dès qu’il eut un peu de blé, il s’offrit une Marcos. Jusqu’au moment où «Maggie May» lui permit de se payer une Lamborghini. Ses centres d’intérêt après le foot, nous dit Woody étaient donc les voitures de sport et les femmes, «mais pas nécessairement dans cet ordre».

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    L’autre amateur de fast cars, c’est Jeff Beck - Do you fancy getting a band together ? - Et hop, c’est parti ! Jeff Beck conduit une Corvette Stingray. Vroom !

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    Pendant quelques mois, Woody partage un appart à Londres avec Jimi Hendrix, à Holland Park. On est en 1966. «En fait, c’est la maison de PP Arnold. Elle louait le sous-sol à Jimi et le rez-de-chaussée à bibi. Elle habitait à l’étage in the big flat.» Et là Woody nous fait un prodigieux portrait de Jimi : «Il adorait vivre à Londres. Il adorait aussi son chapeau qu’il ne quittait jamais. Il était défoncé en permanence, beaucoup plus que je ne l’étais. J’avalais un quaalude de temps en temps, mais Jimi n’arrêtait jamais.» Un jour Jimi lui offre deux albums : James Brown Live At The Apollo 1962 et BB King Live At The Regal. Woody avoue que ces deux albums lui ont changé la vie. Au sens où ils l’ont poussé à améliorer sa façon de jouer. «Mais ce ne sont pas les seuls cadeaux qu’il m’ait fait. Un jour il est arrivé avec un basset nommé Loopy. Quand il était en voyage, il me confiait Loopy, puis il a fini par me le donner. Je trouvais ça pretty cool, seulement le problème c’est que Loopy chiait partout dans l’appart. Pat Arnold ne trouvait pas ça cool du tout et donc elle nous a virés Loopy et moi.» Woody adorait passer du temps avec Jimi - J’adorais ses spliffs et ses Quaaludes. Il avait cinq ans de plus que moi, il avait 27 ans quand il est mort, mais il semblait beaucoup plus vieux - Woody se souvient aussi d’avoir rencontré Brian Jones une seule fois à l’Olympic, in Barnes. «Glyn Jones et Nicky Hopkins nous présentèrent, je dis Hi et il murmura quelque chose d’indistinct. Il était dans un autre monde et l’affichait clairement.» Woody ajoute que la dernière chanson sur laquelle il joua fut «Honk Tonk Woman», en mars 1969, «mais Mick et Keith avaient déjà décidé de le remplacer.»

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    En 1968, Woody joue de la basse dans le Jeff Beck Group. Mickie Most produit leur premier album, Truth. On peut bien l’avouer : on est tous tombés de notre chaise à l’époque en entendant ça, surtout le «Shape Of Things» d’ouverture de bal d’A. Le Jeff Beck Group avec Rod The Mod au chant est certainement l’un des meilleurs groupes qui ait jamais existé en Angleterre, et par la modernité de leur attaque, ils ont servi de modèle à Led Zep qui ne parvint jamais à les égaler. Il faut voir Rod the Mod chanter à la revoyure, Beck entrer dans le lard du son au tiguili vénéneux et Woody rôder dans le son comme un maraudeur. L’autre coup de génie est la reprise d’«I Ain’t Superstitious» qui ferme le bal de la B. Beck y invente l’impromptu interventionniste. Il surgit là où personne ne l’attend. Et puis on voit avec «Blues De Luxe» que ce groupe était le British blues band idéal : en matière de blues électrique, tout est monté au sommet de l’art, le chant, la guitare, l’intensité du bassmatic, il faut voir Woody aller chercher des figures de style au bas de son manche. Beck y passe l’un des solos les plus impatients de son temps et Rod se couronne roi du blues en rigolant. Led Zep va d’ailleurs repomper la fin du cut, avec le chant en écho d’une note. Woody se montre encore sacrément musical dans «Let Me Love You». Il joue en solo derrière Beck et multiplie les descentes de gamme, croisant et recroisant celles de Beck. Rod the Mod fait des prodiges avec «Morning Dew» et «Ol Man River» qui sont des morceaux de chanteur et le groupe redéfinit le heavy blues avec «You Shook Me». Joli coup de Beck. Ils rééditent l’exploit avec «Rock My Plimsoul», listen ! Rock me all nite long. Rod ne s’embarrasse pas de scrupules et Woody se balade dans les gammes de blues comme s’il était chez lui. Alors oui, wow !

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    L’année suivante paraît l’encore plus spectaculaire Beck Ola. Oh les fous ! Les deux reprises d’Elvis vont en traumatiser plus d’un, à commencer par «All Shook Up», avec Nicky Hopkins dans le mix, c’est tendu à l’extrême, ils pétrissent un brouet infâme à base de maraudes de Beck et de rumble de Woody. Il est certain que les pirouettes de Beck sont depuis restées inégalées. Face à cette modernité de ton, Led Zep ne faisait pas le poids. Jeff démolit «Jailhouse Rock» d’entrée de jeu à coups de Beck et Rod shakes it hard. Quelle fabuleuse équipe ! Beck fait même la sirène avant d’envoyer un killer solo nous flasher le bulbe. L’autre coup de génie de l’album, c’est bien sûr le fameux «Spanish Boots» - Aw my boots are/ So/ Long - l’un des sommets du rock anglais. Il faut entendre Woody cavaler en contrechamp derrière Beck qui dégringole son killer solo flash. Woody le bombarde littéralement de triplettes de Belleville, alors pour Rod, forcément, c’est du gâteau. On a même un solo de basse demented are go a gogo. La B est hélas un peu faible. C’est là qu’on trouve «Plynth», monté sur l’un des plus beaux riffs de l’histoire du rock, un riff sec et net, mais gras double dans l’esprit. Tony Newman bat ça à la cymbale. Quand on est ado et qu’on tombe là-dessus, on est marqué à vie.

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    Le Jeff Beck Group va faire cinq american tours, mais cette histoire finit par tourner en eau de boudin - Chaque tournée devenait encore plus pénible. J’avais le sentiment qu’on ne pouvait plus travailler avec Jeff - Woody voulait aussi échapper aux griffes de Peter Grant qui manageait le Jeff Beck Group, et quand Ronnie Lane lui propose de venir jammer un soir, Woody saute sur l’occasion. Ils montent les Faces avec les naufragés des Small Faces. D’ailleurs la formation des Faces est un épisode assez cocasse : échaudés par le lâchage de Steve Marriott, Plonk Lane, Mac et Kenney Jones ne sont pas très chauds pour intégrer ce Rod The Mod que leur propose Woody, et de son côté Rod the Mod, échaudé par le comportement de Jeff Beck, n’est pas très chaud pour se remettre en ménage avec un groupe de losers. Mais bon, the deal is done. Woody est assez content de l’opération : «Rod a donné aux Faces une dynamique que nous n’avions pas avec le Jeff Beck Group et que les autres n’avaient pas non plus avec les Small Faces. Mais ce qui était le plus important, c’est qu’on s’amusait beaucoup. It was fun.» Il y a eu nous dit Woody onze tournées américaines des Faces.

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    Leur premier album qui s’appelle The First Step paraît en 1970 sous deux pochettes : Faces et Small Faces. Le groupe va s’organiser autour de deux pôles : Woody/Rod d’un côté et Ronnie Lane de l’autre. Et comme on va pouvoir le constater à l’écoute des albums suivants, c’est Ronnie Lane qui amène les hits, alors que Rod The Mod met les siens de côté pour ses albums solo. Ce premier album est un peu faiblard. Woody et Rod sauvent les meubles avec «Around The Plynth». Woody fait son barouf à coups de bottleneck, et avec le raw de Rod par dessus, ça donne un énorme classique hérissé d’épis. Comme le montre «Stone», Ronnie Lane est déjà très country honk à l’époque. Il est d’une classe écœurante, les autres devaient bien le sentir. Il résume avec «Stone» tout le folk anglais. Le mix Woody/Rod qu’on entend dans «Shake Shudder Shiver» est le mix anglais idéal. On dira la même chose de «Wicked Messenger» joué à l’épaisseur anglaise, et derrière, Ronnie Lane plombe bien le son. C’est aussi lui qui embarque «Looking Out The Window» au bassmatic. Vas-y mon gars ! Mac est derrière avec son shuffle d’orgue Hammond. Cet instro sauve les meubles. Et l’album se termine avec «Three Button Hand Me Down», un boogie facy lancé par la basse de Ronnie Lane. Il règne sans partage sur le son des Faces. Avec Three Buttons, ils font une espèce de resucée de Something Wonderful au big boogie boogah. Dommage que tout l’album ne soit pas de ce niveau. C’est un bonheur que d’entendre Plonk jouer de la basse.

    Au moment où Woody intègre les Faces, les Stones cherchent un guitariste. Un soir Jag téléphone au local de répète et c’est Plonk Lane qui décroche. Jag lui demande si Woody voudrait bien jouer avec les Stones et Plonk lui répond que Woody est bien content avec les Faces thank you very much.

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    Malgré sa pochette ratée, Long Player est l’un des bons albums de 1971, ne serait-ce que par la présence de «Bad ‘N’ Ruin», un groove emmené par l’un des meilleurs chanteurs d’Angleterre, un Rod The Mod au sommet de sa crête, early in the morning. Il chante au meilleur raw de tous les temps, au thing between my legs, Rod The Raw chante au raw de Rod, il fait le show, nobody won’t recognize me now. Rod chante ensuite un cut de Plonk, «Tell Everyone» et dans «Sweet Lady Mary», Woody joue tout ce qu’il peut en contrefort. Mais on dresse l’oreille quand arrive un cut de Plonk comme «Richmond», d’autant qu’il le chante et qu’il le joue au bottleneck. Pure genius. Rod rend un bel hommage à McCartney avec «Baby I’m Amazed» et les Faces décident d’allumer la gueule de leur B avec l’énorme «Had Me A Real Good Time». Quelle rasade de Rod et quel son ! Les Faces sont à leur sommet. Rod is on fire dans la longue version live d’«I Feel So Good», et derrière lui les Faces développent du raw, c’est incroyable de raw, le raw bouffe l’écran, ils sont dans leur délire, alors laissons-les tranquilles.

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    Paru la même année, A Nod’s As Good As A Wink To A Blind Horse pourrait bien être le grand album des Faces. Pour deux raisons signées Ronnie Lane : «You’re So Rude» et «Debris». Il chante Rude à la ferveur de sa fermeté, bien droit devant. Il hisse le rock anglais au sommet de l’art de la matière, le chant taille sa route et Woody se met au service de. Oh you’re so rude ! «Debris» ouvre la bal de la B. C’est là que le génie mélodique de Ronnie Lane devient solide comme le rocher de Gibraltar. On ne se lasse pas de l’entendre chanter sa mélancolie. Admirable promeneur des deux rives du rock anglais ! Son «Last Orders Please» illumine encore l’album et fait certainement de l’ombre à Rod. Sinon, l’album regorge de merveilles du type «Miss Judy’s Farm» : Woody ajoute son raw sur celui de Rod. Voilà encore du rock anglais parfait. Woody explose aussi «Stay With Me» au raw du riff. Raw du riff + raw de Rod, ça donne le melting pot des mighty Faces. Que de son aussi sur «Memphis» ! Le raw des Faces redore le blason du Mississippi Sound. Tiens encore un shoot de raw Woody/Rod avec «Too Bad». Il semble qu’avec tout ce raw, les Faces menaçaient la suprématie des Stones.

    Les Faces s’amusent tellement et font tellement les cons dans les motels américains qu’ils finissent par être interdits dans certains d’entre eux, par exemple dans les Holiday Inn. Alors ils réservent au nom de Fleetwood Mac ou de Grateful Dead.

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    La pochette d’Ooh La La intriguait tout le monde en 1973. D’autant que les yeux d’Arsène Lupin bougeaient, dans la vitrine du disquaire. Questionné sur le phénomène, le disquaire affichait une mine sceptique. T’es sûr ? Ben oui, je les ai vus bouger. La pochette n’est pas la seule à intriguer. Le nombre de coups de génie figurant sur l’album n’est pas banal. Tiens, par exemple ce «Glad And Sorry» signé Plonk Lane. Il ramène sa marchandise au moment où Rod The Mod a démarré sa carrière solo. Plonk remet les pendules à l’heure avec un jeu de basse demented, il joue la mélodie au doigté suprême, can you show me a dream - la mélodie éclot dans la lumière d’un jour d’été et Woody vient le saluer avec un cornaqué de Strato. Plonk chante, alors welcome in paradise. C’est Woody qui chante le morceau titre de fin de B. Pas facile pour lui de prendre le micro dans un groupe comprenant déjà deux fabuleux chanteurs, but he does it right. C’est avec «Silicone Grown» qu’on retrouve le raw des Faces, le raw Rod/Woody. Rien de plus British que ce son. Rod chante à la pointe de sa délinquance et Woody coule l’acier du riff, tout est solide et agressif, comme au temps du Jeff Beck Group. Plonk chante «Flags & Banners», alors bien sûr on crie de nouveau au loup. Il rentre dans le lard des Faces et des nappes d’orgue, c’est stupéfiant. Puis Rod revient au boogie avec «My Fault». C’est lui le boss, il ravage les contrées, rien ne résiste à Rod The Mod. Pur power ! Big hard boogie ! Et l’A se termine en apocalypse avec les sirènes de «Borstal Boys», Woody claque ses riffs et Rod blaste son Borstal, ils font l’histoire du rock anglais, comme les Stones, les Beatles, les Who et tous les autres avant eux, les claqués de beignet de Woody dégoulinent de superberie.

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    On trouve deux très belles covers sur l’album live des Faces, Live Coast To Coast. Ouverture And Beginners paru en 1973 avec de beaux avions sur la pochette : «Angel» et «Jealous Guy». L’Angel est un cut peu connu de Jimi Hendrix qui ne tient que par le chant. Rod le magnifie. Et le «Jealous Guy» qu’il tape en fin de B vaut lui aussi le détour. Pure merveille. Le groupe est à son apogée, il frise la perfection mélodique, the voice + the song + the band, toutes les conditions de l’universalisme sont réunies. Et bien réunies. On note aussi que Ronnie Lane n’est plus dans le groupe, mais que de son dans «It’s All Over Now». Rod is on the run, avec une belle musicalité héritée des Small Faces et que caractérisent les pianotis de Mac et le drumming parfait de Kenney. Rod ultra chante «Too Bad/Every Picture Tells A Story». Il pousse son bouchon comme nobody et sur la belle version de «Stay With Me», Woody fait des miracles avec un son limpide et fouillé à la fois. Comme le montre «I’d Rather Go Blind», c’est sur les balladifs que Rod s’illustre le mieux, avec ses vieux accents à la Sam Cooke. Et puis après avoir joué sa dentelle de blues, Woody revient au heavy riffing pour «Borstal Boy/Amazing Grace». Ces mecs sont bien les rois du boogie d’Angleterre. Ils savent développer une bonne mesure.

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    Et puis un jour, en arrivant à Detroit, Plonk Lane voit écrit en gros sur une affiche : «Rod Stewart & The Faces.» Il giffle le manager Gaff et peu de temps après quitte le groupe, après avoir tenté un «It’s Rod or me», annonçant que de toute façon, Rod allait lâcher le groupe, ce qui ne manqua pas de se produire. Woody n’est pas très clair non plus, car à cette époque il commençait à jouer avec les Stones, et Rod avait prédit aux autres que Woody allait les lâcher. C’est même assez compliqué à une époque car Woody fait une tournée américaine avec les Stones ET une tournée américaine avec les Faces. Ça se termine par un show désastreux à l’Anaheim Stadium, en Californie et chacun part de son côté : «Je sais que Rod m’en voulait d’être allé jouer avec les Stones, mais de son côté il faisait aussi ce qu’il voulait. Il envisageait une carrière solo et tout ce que j’avais à faire de mon côté était de suivre mon destin.»

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    Mais pour entrer dans les Stones après le départ de Mick Taylor, Woody doit passer une audition à Munich. Il se retrouve en compétition avec Marriott, Beck, Clapton, Wayne Perkins et Harvey Mandel. Woody : «Steve Marriott aurait pu faire un excellent Rolling Stone, mais il n’était pas un virtuose à la guitare. Il grattait ses accords, mais il avait besoin d’un lead and rhythm guitar player. Jeff Beck était un grand guitariste, mais c’est lui décidait avec qui il travaillait. Clapton m’a dit à Munich : ‘Je suis bien meilleur guitariste que toi.’ Et je lui ai répondu : ‘Oui, mais il ne faut pas seulement jouer avec les Stones, il faut aussi vivre avec eux. Et tu n’en es pas capable.’ Ce qui est vrai. Il n’aurait jamais survécu dans les Stones.» Quand Keef lui annonce qu’il est choisi pour remplacer Mick Taylor, Woody lui répond qu’il le savait. Alors Keef lui demande de tenir sa langue, ça ne doit pas être officialisé. Pas de problème. «Mon père ne m’a plus jamais appelé Ronnie. Il m’appelait Ronnie Wood of the Rolling Stones.»

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    Après la fin des Faces, Woody attaque sa carrière solo. Un premier album paraît en 1974, le drôlement titré I’ve Got My Own Album To Do. Excellent album car Woody sait s’entourer : Willie Weeks, Andy Newmark, Mac et Keef l’accompagnent et ça monte au cerveau dès «I Can Feel The Fire». Quelle science du son ! Woody et Keef duettent au somment de la vague, c’est d’un niveau inégalable, Woody exubère et Mac keyboarde comme au temps béni des Small Faces. C’est du rock anglais de rêve éveillé. Tout le monde joue énormément dans cette joyeuse pétaudière. Ils jouent tous à gogo, Willie Weeks multiplie les rushy-rushas et Andy Newmark joue un beat aussi idéal qu’un gendre idéal. L’autre coup de génie de l’album se trouve au bout de la B : «Crotch Music», un instro emmené au bassmatic par Willie Weeks et swingué par Andy Newmark, avec en botte fatale le twin guitar attack de Keef & Woody. Stupéfiant ! Encore une bonne pioche en bout d’A avec «Am I Groovin You», un heavy boogie keefy, du pur rampant avec un son à fleur de peau. Keef fait de la Stonesy avec «Shirley». On y retrouve les plus belles guitares d’Angleterre et «Sure The One You Need» frôle le Chucky Chukah. Oh comme Keef chante bien ! Il est beaucoup plus à son aise avec Woody qu’avec les Stones.

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    Pour son deuxième album solo, l’excellent Now Look, Woody s’entoure encore de gens triés sur le volet : Keef, Willie Weeks et Bobby Womack. Dans son autobio, Woody consacre de très belles pages au petit Bobby. Il rappelle que la famille Womack était énorme, Bobby avait une quinzaine de frères et de sœurs. «Tous avaient des noms bizarres, l’un de ses frères s’appelait West et un autre East. Un autre frère s’appelait Friendly.» Woody rappelle aussi que Bobby s’est marié avec la veuve se Sam Cooke et son frère Cecil a épousé la fille de Sam, Linda. Linda et Cecil allaient d’ailleurs former Womack & Womack. Woody poursuit : «J’ai rencontré Bobby à Detroit en 1975 lors d’une tournée des Faces. David Ruffin des Temptations et lui étaient venus sur scène chanter «Losing You» et «I Wish It Would Rain» avec nous. Quand j’ai demandé un coup de main à Bobby pour mon deuxième album solo, il est venu et quand il m’a demandé un coup de main pour son Resurrection, j’y suis allé, accompagné de Rod, Keith et Stevie Wonder.» C’est Bobby qui swingue le hit de l’album, «If You Don’t Want My Love». Belle tranche de Soul fumante. On le sait, Bobby crée de la magie. On entend aussi Willie Weeks dans «I Got Lost When I Found You». Ça sonne et c’est tout le côté sympathique de Woody. Il fait une pop de Soul foisonnante, à son image. Bobby chante cette pièce charmante de rock de Soul qu’est «I Can Say She’s Alright», avec Keef in tow. En B, il propose une version très Stonesy d’«I Can’t Stand The Rain» et montre qu’il n’a pas besoin des Rolling Stones pour faire de bons albums. C’est en tous les cas ce que prouve «Carribean Boogie». Il propose un son à part, très personnel. Il poursuit son petit bonhomme de chemin avec le morceau titre et termine avec «I Got A feeling», un cut de Soul à la Womack, accompagné des Womack sisters et de Willie Weeks on bass.

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    En 1979, Woody retrouve son vieux pote Plonk pour l’enregistrement d’une BO, Mahoney’s Last Stand. Évidemment, c’est Plonk qui rafle la mise avec «Just For A Moment». On sent sa patte dès les premières mesures. Il chante au doux du chant. Woody doit éprouver une grande fierté à accompagner son pote Plonk au dobro. C’est une extraordinaire palanquée de feeling, le feeling le plus doux d’Angleterre avec celui de John Lennon. Ah quelle belle mésaventure et quelle qualité de la limpidité ! Tous les copains sont venus jouer sur la BO : Bobby Keys et Jim Price, Mac et même Pete Townshend. Woody et Plonk s’amusent bien. Ils grattent leurs grattes en bons potos roses. Ils font un superbe numéro de chant à deux sur «Chicken Wired». Cet cut de country honk est très bon esprit, un régal pour les fans de Plonk. En B, Woody pique sa crise de blues avec «Mona The Blues». Il ne faut pas lui en promettre. Ils repiquent une crise de heavy blues du Sommerset avec «Rooster Funeral», en souvenir d’un vieux coq.

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    Gimme Some Neck paraît en 1979 sous une pochette très dessinée. Si on ne savait pas que Woody dessinait, on l’apprend. Bon, l’album n’est pas très spectaculaire. Woody fait de la Stonesy, ce qui semble logique puisqu’à cette époque, il fait partie des Stones. Il ne faut donc pas attendre de cet album plus que ce qu’on y trouve. Avec «Buried Alive», Woody fait beaucoup de battage avec sa Strato. Son «Come To Realise» sort tout droit d’Exile. Woody ne s’embarrasse pas avec les détails. Il sonne exactement comme le Keef d’Exile. Puis il retourne faire un tour du côté des Faces pour ficeler sa Stonesy avec «In Pekshun». C’est le son du rock anglais tel que défini par les gentry kings du borough of Chelsea. Il attaque sa B avec une reprise du «Seven Days» de Bob Dylan. On croit entendre Dylan chanter, c’est dire si Woddy est balèze. Puis il taille une Stonesy sur mesure pour «We All Get Old». On pourrait d’ailleurs très bien lui reprocher de ne pas vouloir réinventer la poudre. Il termine avec un «Don’t Worry» bien charpenté et relativement nerveux. Nous n’en attendions pas moins de lui. Et ses dessins requièrent un minimum d’attention. Woody adore croquer des scènes de la vie quotidienne. Et croquer des nus.

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    Il grimpe sur un chameau pour la pochette de 1234 et balance au dos un bel autoportrait. Bobby Womack et Clydie King font partie de l’aventure «Fountain Of Love», ce qui nous donne un joli shoot de Soul. Woody pique sa petite crise de Stonesy avec «Wind Howlin’ Through». On croirait entendre Keef : même façon de chanter à la petite persiflette.

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    Woody fait aussi du Chuck à la main lourde avec «Outlaws». Il est parfaitement à l’aise, comme d’ailleurs dans tous les autres genres. Nicky Hopkins l’accompagne eu piano et Mac à l’orgue. Quelle belle équipe ! En B, Charlie Watts vient faire des miracles sur «She Never Told Me». Véritable leçon de maintien. Le cut dure longtemps et c’est excellent, à tous les points de vue. Voilà encore un album qui vaut largement le détour.

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    Woody s’acoquine avec Bernard Fowler pour enregistrer Slide On This en 1992. La plupart des cuts ne sortent pas de l’ordinaire. Il faut attendre «Josephine» pour renouer avec le frisson. Sa Josephine est bien remontée du cul, elle chevauche un joli beat prévalent. Woody fait un peu de Stonesy avec «Must Be Love», et même une belle Stonesy bien heavy, qu’il chante au nez pincé, à la Dylan. Il reste très dylanesque avec «Show Me», avec un petit côté Cours Plus Vite Charlie, mais ça n’a bien sûr aucun intérêt. Il reste dans Dylan avec «Always Wanted More». C’est incroyable comme le vieux Woody chante comme le vieux Dylan. Mais de cut en cut, Woody s’enlise. Il devrait écouter les Black Crowes. Le problème de Woody est le problème des gens qui s’endorment sur leurs lauriers. Signalons au passage qu’il aurait pu au moins nous épargner le dernier cut, «Breathe On Me». Ah ces Rolling Stones qui se croient tout permis !

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    On ne comprend pas bien la pochette de Not For Beginners. Woody chez les Huns ? Sûrement l’une de ses toiles. Enfin bref, c’est sûrement indiqué quelque pat dans wikipedia. Bon, nous ne sommes pas là pour parler de wikipedia mais de «Rock N’Roll Star». Woody pulse son Rock N’Roll Star est c’est excellent. On note la qualité du big heavy sound. La clameur impressionne. Il duette ensuite avec Kelly Jones dans «Wadd’Ya Think», puis on le voit voler au secours de sa fille dans «This Little Heart». Woody sort le gros business. Il revient à son cher vieux «Leaving Here». Belle version, il n’a rien perdu de son swagger. Des vieux amis viennent jouer sur «R.U. Behaving Yourself» : Mac, Andy Newmark et Willie Weeks. C’est du vieux guitaring à la Woody. Il faut cependant l’écouter attentivement, car il sait toujours éveiller l’intérêt. C’est pour ça que Keef l’apprécie. Voilà un «Red Hard Rocker» bien secoué de la bonbonnière et chanté en sous-main. Puis il s’en va réveiller les vieux démons avec «Heart Soul & Body». Excellent car claqué à la volée et gavé de son comme une oie. Et voilà la surprise du chef : «King Of Kings» avec Bob Dylan à la guitare. Bon, pas d’affolement, c’est très cousu, Bob gratte son truc, c’est un gentil mec, il adore Woody, comme tout le monde.

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    Album étonnant que cet I Feel Like Playing paru en 2010 et orné d’une toile abstraite de Woody. Ça démarre en trombe avec le très dylanesque «Why You Wanna Go And Do A Thing Like That For». Woody le chante à la voix d’outre-tombe, épaulé par des nappes d’orgue Hammond. Ce mec a toujours été marrant et intéressant, c’est très facile de l’approcher. Il joue pour nous. Il est là tout près, dans une sorte de proximité de ton et de son, comme peu savent le faire. Woody a compris ça : la proximité. Rien de plus enviable. À force de véracité, il sonne presque comme le vieux Dylan. Il nous plonge dans le dedicated, c’est un coup de maître. Woody n’a jamais rien fait par hasard. Il tente le tout pour le tout avec «Lucky Man». C’est assez bon, il faut bien le reconnaître. Big heavy sound. Il parvient à créer un petit événement hors Stonesy, et nous fait le cadeau d’un final fantastique. Pour «Thing About You», il a rassemblé un backing band des enfers : Bobby Womack et Blondie Chaplin. C’est d’autant plus énorme que Billy Gibbons gratte les poux du riff. Bonne pioche, Woody ! Nouvelle merveille avec «Catch You». Par contre il ramène Slash dans «Spoonful» et ça gâche tout. Quelle horreur ! En plus la version est nulle car jouée à la basse funk par le Red Hot Chilli Peppermint. Ça change tout quand Bobby Womack vient jouer dans «I Don’t Think So», She said/ She said, avec Mac on keys. Big Woody ! Il n’est de bonne compagnie qui ne cuite, comme dirait Mr. G. Waddy Watchel entre aussi dans la danse. On retrouve la même équipe dans «100%». Woody veille bien au grain, il prend 5 minutes pour déclarer sa flamme, I’ll be around you 100% at a time. Woody chante «Tell Me Something» aux accents tellement chaleureux que ça devient fabuleux. Big album en vérité.

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    Le dernier album en date de Woody est un hommage à Chucky Chuckah, Mad Lad. A Live Tribute To Chuck Berry. Malheureusement, c’est une catastrophe. Il faut faire gaffe quand on tape dans Chuck, il ne faut pas faire n’importe quoi. Imelda May vient duetter avec Woody sur «Wee Wee Hours» est c’est assez putassier. Pas sûr que Chuck eut apprécié, car elle chante avec une sorte de glaire dans la voix. Ça bascule assez vite dans l’horreur. À partir de là, l’album est grillé. Ces abrutis font n’importe quoi avec «Almost Grown». Comment Woody ose-t-il vouloir commercialiser les vieux hits de Chuck ? Son «Back In The USA» est indigne et insupportable. Tout ce qui suit est ignoble de singerie. Woody réussit même l’exploit de flinguer the record machine dans «Little Queenie». Ses reprises sonnent comme des descentes d’organes. La May revient massacrer «Rock’n’Roll Music». Si l’inquisition existait encore aujourd’hui, elle utiliserait cet album pour torturer les hérétiques. Comme il fait un peu de promo dans l’interview qu’il accorde à Danny Eccleston dans Mojo, il en profite pour glisser une vanne ou deux. Il raconte par exemple qu’un jour, il est en studio avec Chuck et il place un lick de guitare. Chuck lui dit : «Où t’as trouvé ça ?», et Woody lui répond : «From you». Même plan avec Steve Cropper, Woody lui joue un vieux truc que Cropper trouve balèze, «d’où ça sort ?», et Woody répond comme à Chuck : «It’s one of yours». Woody dit aussi qu’il envisage une trilogie de tributes, avec à la suite de Chucky Chuckah Bo Diddley et Jimmy Reed. Ou peut-être Big Bill Broonzy. En espérant qu’il ne leur fera pas subir le même sort qu’au pauvre Chucky Chuckah.

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    L’un des épisodes dont Woody est le plus fier est celui des Barbarians, une sorte de super-groupe monté avec Keef et les plus grosses pointures de l’époque. Comme il existait déjà un groupe qui s’appelait les Barbarians, Woody dut modifier le nom à deux reprises, ce qui a donné The New Barbarians, puis The First Barbarians. Ils ne voulaient pas enregistrer d’album, seulement jouer pour le plaisir de jouer. Heureusement, on trouve des traces de tout ça dans le commerce. En 2006 est sorti un live des New Barbarians, Live In Maryland. Buried Alive. Autour de Woody & Keef jouaient Mac, Zigaboo Modeliste, le beurre-man des Meters, Mac et Bobby Keys. Il réussit aussi à embaucher Stanley Clarke, the best jazz bass player qui, me dit-il plus tard «se mit à jouer de la basse après m’avoir entendu jouer dans le Jeff Beck Group». Là Woody a raison de se vanter, car ses drives de basse dans les deux albums du Jeff Beck Group sont exceptionnels. Et sans avoir d’album à promouvoir, ils remplissent le Madison Square Garden et quinze autres grandes salles en tournée. Buried Alive est un double album live assez fantastique qui démarre sur un «Sweet Litlle Rock’n’Roller» claqué aux accords de non-retour. Ah comme ces mecs adorent Chucky Chuckah ! Cette cover est une vraie preuve d’amour. T’auras jamais ça ailleurs, Keef & Woody dans le feu de l’action. Ils barbotent comme des canards sur la grand mare des canards, c’est leur privilège, il n’y a qu’eux qui puissent se permettre un tel privilège, et Keef vient chanter un couplet. Ils amènent ensuite le morceau titre au big beat des enfers, oh yeah, c’est claqué dans la meilleure tradition. Keef chante et gratte du power d’accords inconnus, un power de sommet d’Olympe, ils vont loin, au-delà de toute imagination, Keef joue en double retourné acrobatique, il claque sa voix dans un micro. Ils sont écœurants, ces Barbarians, et on ne parle même pas de la section rythmique et du shoot de sax que Bobby ramène à la fin. On voit ensuite un phénomène paranormal se produire sous nos yeux : les cuts bougent tout seuls. Avec Stanley Clarke on bass et Zigaboo on drums, le paranormal est normal. On espère encore des miracles et en voilà un qui s’appelle «Infekshun». C’est Woody qui prend le lead, il n’a pas l’aura de Keef mais Keef le laisse faire. Comme à Kilburn, Keef prend «Sure The One You Need» au chant et rallume le brasier de la vieille Stonesy. Il a fallu attendre six cuts pour que ça explose pour de vrai. Keef is the real deal, on ne se lassera jamais de le répéter. C’est bombardé de son et du coup les cuts de Woody comme «Lost And Lonely» font pâle figure. C’est lui qui conclut le disk 1 avec «Breathe On Me». Bon, Woody est un mec rigolo mais un peu m’as-tu vu, une sorte de rabouin devenu riche et qui se paye les services des Zigaboo et de Stanley Clarke. Keef attaque le disk 2 avec «Let’s Go Steady». Il y fait son vieux white nigger de mauvaise pioche, il chante vraiment comme un con. Il enchaîne avec «Apartment N°9», un autre balladif, honey à la ramasse, il chante presque faux. Les Barbarians tapent aussi dans les gros classiques avec un «Honky Tonk Woman» claqué à l’accord fatal. Un seul accord et la messe est dite. Zigaboo fait son Charlie. C’est très spécial, Woody essaye de faire son Jag mais il a tout faux. Il faut s’appeler Jag pour chanter ça. Puis il fait du guttural sur «Worried Life Blues» et se vautre. Tous ses surdoués surjouent énormément, comme le montre encore «I Can Feel The Fire», ils chargent la barque de la mule qui n’en peut plus. Dommage que Woody se mette tellement en avant. On est surtout là pour Keef et Zigaboo. Woody n’a plus de voix quand il attaque la petite pop de «Come To Realize». Mais derrière lui, ça joue à la patate chaude, avec un Bobby Keys qui arrose tout au sax. Il y a comme une puissance compositale, un truc porté par l’accumulation des légendes, ce «Come To Realize» est un passage obligé. S’il fallait rapatrier ce disk, ce serait essentiellement pour «Come To Realize» qui synthétise tout le bien qu’il faut penser des Barbarians. Stanley Clarke vole le show dans «Am I Grooving You». Woody présente ensuite Mister Keith Richards, here, ahhh et paf, Keef claque le bouquet de «Before They Make Me Run», c’est lui le boss, il récupère toute la fournaise de Stanley Clarke et Zigaboo, alors on imagine le travail, il semble prendre le pied de sa vie. Et tout ça se termine avec «Jumping Jack Flash», mais le riff est trop acide, c’est mal chanté, atroce et confus. Massacre à la tronçonneuse. Ne laissez jamais Woody approcher de Jack Flash.

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    L’année suivante est sorti un autre live, celui de The First Barbarians, Live From Kilburn. Woody & Keef s’étaient offert une nouvelle section rythmique : Willie Weeks et Andy Newmark. Le gros avantage de ce live c’est qu’il existe en DVD et là on se régale. On voit Woody la rock star arriver sur scène avec des plumes sur les épaules, comme Eno sur la pochette du premier Roxy. Il porte aussi un gros pantalon blanc et attaque un heavy groove que l’immense Willie Weeks anime au bassmatic de funk. Woody rock super star ! Am I grooving you ? Yessss et Keef monte au micro pour faire les chœurs. Mais il n’est pas très à l’aise pour danser le funk. Ah ces blancs qui veulent danser comme des noirs, c’est toujours le même problème ! Woody et Keef chantent «Cancel Everything» à deux voix. Mais la super star, en fait, c’est Keef, il ne faut pas se tromper d’adresse. Si on veut voir du beau Keef, c’est le moment ou jamais. Il a encore ses dents pourries et sa coiffure d’épis. Rod The Mod vient chanter «If You Gotta Make A Fool Of Somebody» les mains dans les poches de son gros pantalon blanc. Keef fait le sideman. Puis ça redevient les Faces avec «Take A Look At The Guy», bien propulsé par cette section rythmique de rêve. Quel power ! Quand Rod s’en va, Woody et Keef font pas mal de funk de haute voltige, et on entend au passage les accords magiques d’«I’m A Monkey». Mais le moment déterminant est bien celui où Keef prend le chant avec «Sure The One You Need». Pur rock’n’roll drive. Keef forever. Ils finissent avec deux autres merveilles, l’instro «Crotch Music» amené par un fiff de basse atonal de Willie Weeks (un instro sorti tout droit du premier album solo de Woody, I’ve Got My Own Album To Do) suivi de l’excellent «I Can Feel The Fire», sorti lui aussi du même album. Voilà ce qu’on appelle un passage obligé pour tout fan de Keef et des Faces.

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    Dans son autobio, Woody salue deux personnages importants, Margo et Bo. Margo ? Oui, Margo Lewis qui jouait de l’orgue dans Goldie & The Gingerbreads, the first all-girl American rock band : «Il y avait plein de girl groups, comme Diana Ross & the Supremes, Martha & The Vandellas, les Ronettes, mais les Gingerbreads étaient autre chose : c’était quatre blanches qui sonnaient comme des noires, et qui non seulement chantaient, mais jouaient leur propre musique.» C’est Margo qui organise la tournée de Woody et Bo. «Voilà comment c’était organisé : Bo démarrait le set avec 4 ou 5 cuts, avec son groupe dirigé par sa bassiste, Debby Hastings et le guitariste surnommé ‘The Prince of Darkness’, puis c’était mon tour avec quelques cuts, accompagné par Debby et le groupe, et Bo revenait et on faisait quelques cuts ensemble.» Et c’est là qu’ils enregistrent Live At The Ritz - He’s the man and in his uniquely Bo Diddley way, he does whatever he wants to do and doesn’t give a shit about nothing else. La différence entre Bo et moi, c’est que je me considère comme un guitariste consciencieux, alors que Bo veut juste enfourcher son cheval et cavaler, et il se fout de savoir s’il y a une selle ou pas.

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    C’est pour ça qu’il faut écouter ce Live At The Ritz, car Bo se tape tout le bal d’A et ce vieux King of the road attaque avec l’emblème des emblèmes, «Road Runner». Porte ouverte à tous les écarts. Il enchaîne avec «I’m A Man». Tout l’art de Bo est là, dans le heavy riffing. Ce qui frappe dans les vieux hits de Bo, c’est leur incroyable modernité de style. On note qu’Eddie Kendricks et David Ruffin sont dans les backing vocals. Avec «Crackin’ Up», Bo fait son petit coup d’exotica de calypso, you’re crackin’ up yeah yeah et il termine son bal d’A avec «Hey Bo Diddley». C’est Bo qui mène le bal, avec tout le power du Chicagogo. Et ce petit renard de Woody ramène sa fraise en B avec un choix de cuts en forme de panorama : il revisite toute son histoire en commençant par sa période Jeff Beck Group : «Plynth/Water Down The Drain». Il se prend pour Jeff Beck et attaque au bottleneck, mais c’est une erreur et ça devient un exercice de style un peu m’as-tu-vu qui n’a rien à voir avec la flamboyance des coups de Beck. Et dans l’histoire, on perd complètement le Bo. Woody ramène là-dedans du Amazing Grace et ça fout tout par terre. Puis avec «Oh La La», il se prend pour Rod The Mod. C’est n'importe quoi. Woody devient le crapaud de La Fontaine qui veut grossir comme un bœuf. Puis il fait bien évidemment son Keef avec «They Don’t Make Outlaws Like They Used To». Il ne rate aucune occasion de montrer ses petits biscotos. On se doute bien qu’après Keef, il va vouloir faire son Jag, alors voilà «Honky Tonk Woman». Enfin bref, on préfère entendre Bo qui d’ailleurs revient boucler avec «Money To Ronnie». Bo reprend les choses du heavy blues en main.

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    Avec cet album live, Woody rend ainsi le plus somptueux des hommages à l’un des grands héros de la légende du rock : «La guitare qui le rendit célèbre était faite à la main, rectangulaire et incroyablement lourde, heavy as hell, car remplie d’électronique. Dedans il y avait un vibratone et un filtre, ainsi que tous les trucs qui normalement se trouvent dans les pédales d’effets. Il a des cordes incassables et tendues très haut au-dessus du manche. Il joue en open tuning. Pas facile de jouer sur cet engin, croyez-moi.» Et ça continue : «Il trimbalait ce monstre rectangulaire d’un bout à l’autre de la scène. Il installait aussi lui-même ses amplis sur scène, alors il n’est pas surprenant qu’il se soit pété le dos.» Pour Woody, Bo est the absolute master of rhythm guitar, il joue comme une locomotive. «Un journaliste de San Francisco déclara un jour que Bo sonnait comme le diable déplaçant ses meubles.»

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    Et les Stones dans tout ça ? Mis à part Keef, le Rolling Stone qui l’impressionne le plus c’est bien sûr Charlie. Un Charlie qui dessine lui aussi en tournée, parce qu’il s’ennuie. «Il déteste partir en tournée. Il déteste se trouver éloigné de chez lui. Dans son esprit chaque tournée est la dernière, mais il adore jouer de la batterie et vous ne pouvez pas jouer de la batterie dans un groupe si vous restez chez vous.» Woody voit aussi comment se comporte Charlie dans les conférences de presse : «Il reste là, les bras croisés et ne dit rien. Si quelqu’un lui pose une question, il répond qu’il ne sait pas. Pourquoi ? Parce qu’il n’a pas envie de parler. Il préfère laisser les autres répondre à sa place. C’est un homme merveilleux, un pur excentrique britannique.» Et il repart sur le vieux duo de choc : «Charlie et Bill étaient inséparables. Charlie dit que ça lui manque d’entendre Bill dire ‘Cor, I fancy a cuppa tea’ entre deux prises ou, sur scène : ‘Nice pair of tits over there’.»

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    Woody rappelle aussi que Dirty Work fut l’album des Stones le plus difficile, car Keith & Jag ne s’adressaient plus la parole. Bon on revient sur les albums des Stones prochainement, par l’entremise non pas de la tante Artémise, mais par celle de Mike Edison et de Charlie Watts.

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    Oh mais ce n’est pas fini. Woody a rendez-vous avec Mojo pour l’interview, alors le voilà qui se pointe dans une suite du Landmark Hotel de Londres tout de noir vêtu avec a black barnet with a life of its own, c’est-à-dire une grosse coiffure noire qui bouge toute seule. Danny Eccleston le traite de clown prince of rock’n’roll, de true keeper of the flame, de human cartoon et de Face-turned-indispensable Stone qui est miraculeusement soigné à la fois d’un cancer du poumon et d’un emphysème, ce qui ne s’était encore jamais vu. Eccleston ajoute que c’est the lost stroke of good furtune in a long line of similar, son meilleur coup de chance fut d’être déclaré membre officiel des Stones en 1976, the apoptheosis of Wood the jammy jammer. Woody ajoute : «Somebody up there likes me.»

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    C’est aussi ce qu’il déclare dans le film de Mike Figgis qui vient de sortir, non pas dans les salles comme on disait avant, mais sur le site d’Arte. Le doc s’appelle justement Somebody Up There Likes Me. Figgis a du métier, puisqu’il a participé à la série The Blues de Martin Scorsese avec Red White And Blues. Il passe donc en revue la carrière de Woody, et on se régale de vieux plans des Birds, du Jeff Beck Group et des Barbarians. Keef témoigne, Jag aussi, enfin bref, c’est l’illustration visuelle de l’autobio. Avec ses joues creusées de profonds sillons et son regard de rescapé, Woody évoque la dope et sa chance de pendu, il s’étend longuement sur la fin des addictions et se dit sauvé par une opération miraculeuse. Mais le côté m’as-tu-vu remonte vite à la surface, lorsqu’on voit par exemple le peintre à l’œuvre dans son atelier, en train de croquer une ballerine qui n’est même pas à poil. Il peindrait Bambi dans les bois, ça serait la même chose. Il ne peut pas non plus s’empêcher de faire parler Imelda May qui n’a rien d’intéressant à dire, et on échappe de peu à Bono et à Slash, ouf ! Puis vers la fin, voilà qu’apparaît sa femme qui pourrait être sa fille, un vrai canon, et bien sûr Figgis filme les deux jumeaux, encore tout petits sur les genoux de leur père Superman. À un moment, il faut arrêter les conneries de l’éternelle jeunesse : Woody a 74 balais et il n’a pas l’élégance d’un vampire. Mais au fond, c’est peut-être ce besoin désespéré d’incarner son personnage jusqu’au bout qui le rend tellement sympathique.

    Signé : Cazengler, Ronnigaud

    Birds. The Collector’s Guide To Rare British Birds. Deram 1999

    Jeff Beck Group. Truth. Columbia 1968

    Jeff Beck Group. Beck Ola. Columbia 1969

    Faces. The First Step. Warner Bros. Records 1970

    Faces. Long Player. Warner Bros. Records 1971

    Faces. A Nod’s As Good As A Wink To A Blind Horse. Warner Bros. Records 1971

    Faces. Ooh La La. Warner Bros. Records 1973

    Faces. Live Coast To Coast. Ouverture And Beginners. Warner Bros. Records 1973

    The New Barbarians. Live In Maryland. Buried Alive. Wooden Records 2006

    The First Barbarians. Live From Kilburn. Wooden Records 2007

    Ron Wood. I’ve Got My Own Album To Do. Warner Bros. Records 1974

    Ron Wood. Now Look. Warner Bros. Records 1975

    Ron Wood & Ronnie Lane. Mahoney’s Last Stand. Atlantic 1979

    Ron Wood. Gimme Some Neck. CBS 1979

    Ron Wood. 1234. Columbia 1981

    Ronnie Wood & Bo Diddley. Live At The Ritz. Victor 1988

    Ron Wood. Slide On This. Continuum 1992

    Ron Wood. Not For Beginners. SPV 2001

    Ron Wood. I Feel Like Playing. Eagle 2010

    Ron Wood. Mad Lad. A Live Tribute To Chuck Berry. BMG 2019

    Rolling Stones. Black And Blue. Atlantic 1976

    Rolling Stones. Some Girls. Atlantic 1978

    Rolling Stones. Emotional Rescue. Atlantic 1980

    Rolling Stones. Tattoo You. Atlantic 1982

    Rolling Stones. Undercover. Atlantic 1983

    Rolling Stones. Dirty Work. Columbia 1986

    Rolling Stones. Steel Wheels. Columbia 1989

    Rolling Stones. Voodoo Lounge. Virgin 1994

    Rolling Stones. Stripped. Virgin 1995

    Rolling Stones. Bridges To Babylon. Virgin 1997

    Rolling Stones. A Bigger Bang. Virgin 2005

    Rolling Stones. Blue & Lonesome. Polydor 2016

    Ron Wood. Ronnie. Macmillan 2007

    Danny Eccleston. Born Lucky. Mojo # 315 - February 2020

    Mike Figgis. Somebody Up There Likes Me. 2019

    PERCY BYSSHE SHELLEY

    ALEISTER CROWLEY

    Traduction de

    PHILIPPE PISSIER

     

    Pas la première fois que les noms de Percy Bysshe Shelley et d'Aleister Crowley apparaissent dans Kr'tnt ! Dans notre livraison 478 du 01 / 10 / 2020, nous signalions la parution de l'adaptation musicale de Prometheus Unbound – drame de Shelley – par Stupör Mentis, pour rafraîchir les mémoires défaillantes un petit addenda sera consacré à deux nouveaux morceaux de cette version magistrale dévoilés sur Bandcamp à la fin de cette chronique.

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    En attendant penchons-nous sur ce texte de Crowley qui ne dépasse pas les cinq pages. Shelley et Crowley appartiennent tous deux à la légende noire du rock'n'roll. Certains penseront qu'ils y sont entrés par la petite porte, mais les amateurs de blues savent qu'il faut se méfier des backdoormen. Le nom de Crowley est inscrit dans la saga de Led Zeppelin, Jimmy Page féru d'ésotérisme acheta le manoir du Mage... Certains prétendent qu'à partir de cet acte notarié l'éblouissante carrière du Dirigeable battit de l'aile jusqu'à l'écrasement final... Quant à Shelley, c'est un extrait d'un de ses poèmes Adonaïs dédié à John Keats récemment disparu, que, durant le mémorable concert d'Hyde Park, lut Mick Jagger – le chanteur des Stones, vous savez ce groupe qui enregistra Sympathy for the Devil – en l'honneur de Brian Jones, décédé après avoir été débarqué des Rolling...

    Ce qui tombe bien puisque Crowley débute son texte par une longue comparaison entre Keats et Shelley. Cela ne saurait nous étonner, Crowley en sa jeunesse écrivit nombre de recueils de poèmes, or Keats et Shelley sont tous deux les soleils les plus noirs de la poésie romantique anglaise. Que Keats quant à l'extraordinaire et splendide fluidité de ses vers ait été meilleur poëte que Shelley, Crowley veut bien l'entendre. Encore importe-t-il de savoir discerner la différence entre l'acte et le geste. L'acte du poëte peut être assimilé à son œuvre, le geste est d'une nature plus impalpable. L'œuvre se résout aux textes, le geste est cette volonté qui préside à la mise en œuvre de l'œuvre. C'est pareil pour le rock, il y a ceux qui maîtrisent la technique et ceux qui possèdent la hargne. Hargne et Geste ne sont guère mesurables, ce sont des impalpables, Aristote emploierait le mot de dynamis.

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    Ces quelques pages ne sont guère faciles à lire, Aleister Crowley – rappelons qu'il était anglais - est mort en 1947, beaucoup de noms qu'il cite appartiennent à des anglo-saxons qui vécurent dans la première moitié du vingtième siècle ( le texte a dû être rédigé selon nous circa 1922 pour le centenaire de la mort du poëte ) et pour certains leur renommée a malheureusement au cours de ces dernières décennies énormément pâli... Que cela ne nous empêche pas d'avancer.

    La pensée de Crowley est un peu comme les deux serpents du caducée, l'un qui monte et l'autre qui descend. Poésie et Science seraient leur nom. Keats les appelle Beauté et Vérité. Si Beauté = Vérité et si Vérité = Beauté, il est impossible que le mouvement s'éternise, selon Crowley chez Keats la beauté se perd dans sa propre contemplation. Par esprit de contradiction nous remarquerons que si la vérité est belle elle ne peut être vraie, or une vérité qui n'est pas vraie...

    Selon l'avis de Crowley, il n'en n'est pas de même pour Shelley, son œuvre ne reste pas prisonnière de son propre reflet. Elle n'est pas le cygne mallarméen pris dans les glaces de son miroir, la poésie de Shelley est le reflet du monde, n'entendez pas celui-ci par l'extériorité de son apparence, ses forêts, ses rochers, ses rivières... non il est nécessaire de considérer le monde davantage en son êtralité, le reflet du monde ainsi entrevu est ce que Platon nommait l'âme du monde, le fait que le monde en tant qu'être soit conscient de sa propre forme. De sa propre idée pour reprendre une terminologie plus proche de l'étymologie. Cette âme du monde est donc mouvement. Ce que Shelley nommera enthousiasme lorsqu'elle se manifeste chez l'homme, lorsque le poëte prend conscience d'elle.

    Shelley aurait donc été capable de saisir en son esprit cette palpitation respiratoire, cette vibration fondamentale du monde, l'Aum originel des hindoux, ces deux forces antagonistes qui ainsi que l'explique Empédocle tour à tour se rapprochent ( Eros ) et s'éloignent ( Ares ), Nietzsche nomme celle-ci Agon, et pour reprendre les catégories de l'auteur de La naissance de la tragédie, Keats serait apollinien et Shelley dionysiaque.

    L'on serait tenté de dire que Crowley n'apporte rien de bien neuf, que son analyse n'innove en rien par rapport aux anciens grecs, ce serait là une vision à très courte vue aussi ridicule qu'un problème de chronologie littéraire ou philosophique de moindre importance. Là n'est pas la question. Nous la formulerons tout autrement : pourquoi Aleister Crowley prend-il en quelque sorte position en faveur de Shelley et non pour Keats.

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    Les esprits primesautiers répondront parce que sa sensibilité s'accordait davantage avec celle de Shelley qu'avec celle de Keats. Simple tautologie. Description phénoménale doxique empreinte de basse subjectivité individuelle. Crowley, se place sur un tout autre plan : celui de la Science. Ne nous laissons pas intimider dans le texte par les gros mots de Russell et d'Einstein. La notion de science dont il est question ici est d'obédience philosophique, il s'agit de cette revendication chez les anciens grecs – on la retrouve chez Hegel – de fonder un savoir sur ce que nous appellerions une certaine objectivité et que les grecs nommaient vérité – ce concept a été très abîmé par la religiosité chrétienne – il correspond à ce que l'on pourrait cerner par l'expression adéquation de la pensée avec le déploiement du monde. Keats nous décrit le monde en tant que beauté. Vision contemplative qui n'a nul besoin d'action. Incidemment, le paganisme de Keats relève davantage de Plotin que de Platon.

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    Or l'action a été le mot d'ordre de Shelley, le révolté, l'athée, le révolutionnaire. Rien de plus dissemblable que Shelley l'hyper-actif et Keats le souffreteux, le malade, l'agonisant... La vie de Crowley est beaucoup plus proche de celle de Shelley que de Keats, les deux hommes procédaient d'un même tempérament volontariste, mais cela n'explique en rien la revendication shelleyenne de Crowley. Cette dernière est primordiale pour Crowley, le monde contemplatif de Keats exclut l'action et le mouvement, or si le mouvement est exclu de la suprême réalisation de la conscience de l'être, Crowley le magicien n'a plus aucune utilité, pire son action magique se révèle totalement inopérante car paralysée par l'absence de toute efficience mouvementale. Le magicien qui ne peut se servir d'aucune force émanant du monde est réduit au chômage, coincé dans la bulle d'immobilité parfaite de la sphère parménidienne.

    L'enthousiasme dynamique de Shelley est nécessaire à Crowley pour asseoir l'emprise de sa magie rouge sur le monde. Sans mouvement, manipulation ou mise en action de forces, tout Rituel est inopérant. Remarquons que tout à la fin de son texte Crowley remplace le concept d'Âme du monde par celui de Verbe ( d'obédience bien trop chrétienne pour nous ). L'assimilation de Shelley au Verbe du Serpent Ailé ( qu'à son époque l'on nommait Satan ) ressemble à ces apothéoses païennes qui à leur mort transformaient les Héros et les Empereurs en Dieux... De même ce dernier paragraphe donne à la Poésie préséance sur la Science.

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    ( Le lecteur peut se reporter à la lecture des poésies d'Oscar Vladislas de Lubicz Milosz, exact contemporain d'Aleister Crowley quant au rapport Poésie / Science. ). Il ne nous reste plus qu'à remercier Philippe Pissier pour sa traduction et son infatigable et semenciel labeur à faire connaître au public français la geste de la Grande Bête.

    Damie Chad.

    ADDENDA

    PROMETHEUS UNBOUND

    STUPÖR MENTIS

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    Le Prometheus Unbound est une des œuvres non pas les plus difficiles mais les plus mystérieuses de Shelley. Tout comme le Caïn de Lord Byron, elle se présente sous la forme de d'une pièce de théâtre destinée à ne pas être jouée. Ce ne sont pas les difficultés techniques des mises en scène qui ont motivé ces deux prescriptions chez nos deux poëtes, sans doute sentaient-ils qu'il n'existait pas un public assez réceptif pour accueillir leurs drames métaphysiques. Pensons à Victor Hugo qui ne termina jamais La fin de Satan... Le meurtre d'Abel est un geste de révolte et de vengeance contre Dieu qui a crée la mort pour punir les êtres humains de la désobéissance du premier couple, s'il est un héros qui donne sens à l'absurdité de la vie, c'est bien le Caïn de Byron. Caïn joue à jeu égal avec Dieu, certes lui et l'espèce humaine sont condamnés à mort mais en assassinant son frère il prive Dieu de l'amour qu'Abel lui portait, tout comme Dieu a privé l'Homme de son amour en lui offrant la mort... La notion chrétienne d'amour en prend un sacré coup... Contrairement à Caïn, Prométhée ne se contente pas d'un match nul, Dieu est battu, il perd la partie. L'Homme peut enfin naître. Exposée si rapidement, la pièce peut ressembler à une tartinade philohumaniste. Mais Shelley situe ces personnages mythologiques dans la réalité historique de l'échec de la Révolution Française qu'il faudra surmonter par une action révolutionnaire encore plus efficace... Shelley forge le concept de métaphysique révolutionnaire. Karl Marx admirait Shelley, mais il s'est prudemment cantonné à un révolutionarisme matérialiste... En conséquence pour plusieurs générations la compréhension du texte de Shelley en a été obscurci et commence tout juste à se défaire des voiles condamnatifs qui l'ont relégué dans l'ombre.

    Stüpor Mentis ne donne aucune interprétation ( au sens philosophique de ce terme ) du Prométhée délivré, se sont contentés – ce qui est déjà extraordinaire - de présenter des extraits du texte sous forme d'un oratorio à un public qui en grande partie ne l'aurait jamais approché autrement.

    Spirit of keen joy : troisième morceau ( voir in Kr'tnt 478 nos recension de Monarch of Gods, I ask the earth ) : montée de sanglots musicale, la voix de la terre parle comme d'en dessous, elle effleure le souvenir des jours heureux, la voix prend de l'ampleur comme la sève se propulse au printemps aux sommet de l'arbre, toutefois la musique reste oppressante, souffle une bourrasque d'hiver vocale, Zeus a pris le pouvoir, le monde est flamme et catastrophe, le plein-chant vacille en ces horreurs qui ne peuvent être dites mais qui ne sauraient être tues, un trésor dispersé brille et palpite tel l'aile blessée d'un oiseau à la surface de la terre, celle de la naissance prophétique de Prométhée qui hante les souffrances mémorielles de tout être vivant. Peace in the grave : huitième morceau ( voir in Kr'tnt 478 notre recension de The Curse - N° 5 . Les lecteurs qui seraient gênés par cet effeuillage du dévoilement, sont appelés à méditer sur Les disciples à Saïs de Novalis ). La voix d'Erszebeth s'élève telle une plainte dans la nuit, Prométhée en appelle à la mort, les puissances dissolutrices du néant le séduisent, l'orchestration se fait plus forte, la voix est devenue consolation, une bougie dont la flamme vacille, prédominances d'orgue funèbre, jamais si près de la défaite, qui s'instille dans l'âme de Prométhée comme la nielle ronge l'épi de blé pour anéantir l'espoir d'une renaissance. De profundis... ( A suivre... ).

    Damie Chad.

    *

    SOUL TIME

    Livraison 487 : Soul Time / Livraison 488 : Soul Time / Livraison 489 : Soul Time / 490, 491, 492, 493, 494 : pas un sou de Soul Time. 495 : le retour, et pas qu'un peu, deux titres cette fois, vous pouvez en prendre tout votre soûl, pour le premier nous aurions pu le chroniquer en 494, mais le temps nous a manqué, donc cette fois l'horloge sera à l'heure, de la Soul Time !

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    RIGHT TRACK

    BILLY BUTLER

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    Rien à dire ils bossent. Aucun mérite, ils sont dix, nous avec le Cat on n'est que deux, sachez apprécier la différence, mais les groupes de soul qui turbinent par ces temps covidiques, il faut les soultenir. Faut pas qu'ils se sentent seuls dans la soute à Soul. Donc leur quatrième reprise : Right Track de Billy Butler. Se débrouillent toujours chez Soul Time pour mettre leur pas sur les bonnes pistes. Allez faire un tour sur You Tube pour écouter la version originale de Butler. Vous ne perdrez pas votre temps, deux minutes trente secondes et même moins, lorsque vous aurez terminé vous aurez l'impression de n'avoir plus rien à connaître du monde, les gars qui ont enregistré cette monstruosité ( producteurs, musiciens, choristes, Billy ) ils ont dû être piqués par la mouche tsé-tsé du bonheur, quand ils se sont réveillés, se sont aperçus qu'ils avaient pondu un drôle d'œuf, un peu comme l'histoire que raconte Borges dans une nouvelle, celle du gars qui a réussi à tracer un aleph, et comme les alephs sont des nombres qui contiennent davantage d'objets que ne peut en offrir l'univers, si vous arrivez à en visualiser un, vous voyez l'intégralité de l'histoire de l'univers depuis son commencement jusqu'à sa fin... comment de la musique de danse, je crache mon mépris, je fiente dessus, j'écoute par acquis d'inconscience, et c'est parfait, j'ai beau chercher je n'arrive pas à trouver un défaut, le Butler il devait connaître l'âme humaine, à la seconde juste avant celle où vous allez vous ennuyer, il vous propose autre chose, il change la donne, vous ouvre une autre porte et au bout de la septième, lorsque vous vous retrouvez dehors, vous êtes en pleine plénitude zénithale, jamais personne ne pourra vous apportez mieux en ce cul de basse-fosse parfois appelé planète Terre.

    RIGHT TRACK

    SOUL TIME

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    C'est OK, ils ne feront pas mieux que l'équipe d'OKeh, attention chez OKeh il y a du beau monde qui a enregistré, Louis Armstrong, Mamie Smith, Ida Cox, Larry Williams, Little Richard, Screamin Jay Hawkins, Link Wray, Esquerita pour ne citer que quelques noms qui résonnent dans le cœur des rockers, la firme existe depuis plus d'un siècle, spécialisée dans le jazz et les races series, alors les Soul Time ils ne font pas les malins se collent au morceau et vous le reproduisent à la perfection se permettent même une petite effronterie, rajoutent dix secondes à la fin, genre on en a sous la semelle et avec nous les danseurs ont leur pochette surprise. Des gamineries, des broutilles, de l'esbroufe à peu de frais, on peut le comprendre comme cela. Mais si cela n'est rien, c'est que d'abord ils ont osé une suprême insolence. Z'ont sorti l'arme de dissuasion terrible, oui Billy tu chantes comme un dieu, mais nous on a une déesse. Ecoute-la un peu depuis l'autre monde, elle est jeune, elle est mignonne, elle est jolie, elle est belle, mais cela toutes les filles parviennent à le faire, non ce n'est pas ça, dès qu'elle ouvre la bouche c'est une rivière de diamant qui resplendit, ça brille comme de l'or, d'ailleurs elle s'appelle Lucie. Un peu de basse, un broutonnement de batterie et tout de suite elle prend les choses en main, ou plutôt en voix, vous avez la fanfare à vents qui scande le bouillon kub, savent rester discrets et présents en même temps, la suivent à la trace et lui déroulent le tapis rouge, mais elle ne daigne y poser le pied, elle le survole, et quand elle se tait vous ressentez un vide, une absence cruelle, et le pire c'est que vous préférez cette souffrance écarlate, ce manque absolu, ce trou béant dans votre âme, à ce sentiment de plénitude procuré par Billy.

    SOUL TIME / SOUL TIME

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    Enfin ! Quand début novembre je suis allé faire un tour sur le FB de Soul Time, z'avaient mis en épigraphe une citation de Shirley Ellis, et comme Charly Ellis a crée Soul Time j'en avais déduit que Soul Time qui se présentait comme un groupe de reprises de Northern Soul, allait comme impérieux premier devoir de mémoire reprendre Soul Time de Shirley Ellis. Nous ont fait attendre plus de deux mois.

    La carrière de Shirley Ellis ne s'étend guère sur nombre d'années, entre 1963 et 1967, elle se retire en 1968, et disparaît en 2005. Elle débuta avec les Metronomes ce qui lui permit de rencontrer son mari et de s'essayer ( et de réussir ) à la composition. Elle a participé à l'écriture des nombreux hits qui la rendirent célèbre.

    Son interprétation me semble procéder de ce que je nommerai de ce vocable mien : freeme, formé du mot anglais free et du vocable français frime. Frime parce que Shirley joue à la Diva, vous écoutez trois secondes et vous entendez je pourrais faire mieux si je le voulais, mais pour vous c'est déjà trop, une facilité évidente, vous scotche les danseurs sur le dansefloor pour le restant de leur existence, s'amuse, se sent libre et souveraine, je sais je fais un caprice, mais vous adorez.

    Ont-ils senti le danger, toujours est-il que l'orchestre donne l'impression de faire bloc derrière la chanteuse et ( je suppose ) Carla évite de jouer à la donneuse de leçon, c'est que dans le Soul Time original vous avez la professeur Ellis qui montre l'exemple mais après vous avez l'impression que ce sont les élèves les plus douées, qui répètent en chœur les mouvements pour que le vulgus pecum puisse les assimiler, cela fait sûrement partie du jeu de la Reine Shirley, mais chez nos français ( peuple révolutionnaire ) l'on n'ose pas traiter le peuple avec ce dédain aristocratique, la version de nos Soul Time qui est des plus fidèles nous donne une sensation d'humanité que l'american entertainment exile un peu trop au loin.

    Se débrouillent bien chez Soul Time, se font les dents sur des chamallows de granit, une fois qu'ils auront enregistré sept autres covers du même high fidelity acabit pour compléter une cire de 30 centimètres, ils sera temps qu'ils passent à la création d'originaux. Z'ont la carrure pour prendre tous les risques.

    Damie Chad.

    *

    Ce monde est peuplé d'injustices. Non je ne parle pas des gens qui meurent dans la rue, ni des guerres qui dépeuplent le monde des civils aux quatre coins du monde, comparé aux tourments que j'ai endurés entre 1989 et le début de 2001, ceci n'est rien. Figurez-vous que depuis quarante ans, il y avait un trou dans ma collection de disques. Une faille énorme, un scandale d'état, pas d'exemplaire de Tony Marlow poussant la goualante swing ! C'est un peu de ma faute, j'aurais dû prendre une classe de maternelle en otage, ou enclencher le bouton d'une bombe atomique, n'importe quoi, mais je n'ai rien fait. Que voulez-vous, comme tout un chacun je suis un être peuplé d'inconséquences, de toutes les manières j'ai enfin pu m'en procurer un.

    Tiens un lecteur qui ne comprend pas en direct :

    • Allo Damie, tu parles du même Tony Marlow duquel la semaine dernière tu chroniquais son Purple Haze - je n'avais même pas écouté la moitié des titres que ma femme téléphonait à son avocat pour cruauté mentale et tapage rock'n'roll, depuis qu'elle est partie ça va beaucoup mieux entre nous deux – moi qui croyais que depuis les Rockin' Rebels, Marlow n'avait toujours joué que du rock'n'roll.

    • Tout faux cher ami ! Comme tous les rockers Tony Marlow est un esprit curieux et ouvert, s'est renseigné sur ce qui existait en musique avant le rock, tu sais comment sont les cats, quand il n'y mettent pas la patte, ils y plongent dedans jusqu'au menton, et ron et ron da-dou-ronron, l'a monté un groupe Tony Marlow et les privés, se sont bien amusés, difficile de trouver les disques originaux, mais là j'ai dégotté un truc dans la même veine, Marlow avec presque un grand orchestre, et ça flonflone, tu peux me croire, attention c'est du live !

    • Oh, Damie avec toi et le Cat Zengler l'on apprend chaque semaine des tas de choses !

    • Merci du compliment, dear friend, mais pour rester dans une perspective historiale du rock'n'roll français, tu écoutera aussi Big Band d'Eddy Mitchell enregistré en 1995 au Casino de Paris et tu te pencheras  sur le parcours de Victor Leeds, trop ignoré de nos jours !

     

    FLAGRANT DELIT AU SLOW CLUB

    TONY MARLOW

    ( Jazztrade-SL-CD- 7036 / 1989 )

     

    Tony Marlow : vocal / Jean-Marc Tomy : guitare, arrangement / Sylvain d'Almeida : basse / Charlie Malnuit : batterie / Bernard Auger : saxophone ténor / Philippe Slominski : trompette / Jean-Louis Damant : trombone.

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    Caldonia : bonne fanfare au pas de course en entrée, dommage que Tony n'ait pas choisi les paroles désopilantes du grand Schmoll – un des plus belles réussites du père Moine – excellent morceau pour débuter un set, le mieux c'est d'attendre les trois vents qui soufflent en tempête force 10, on se demande comment ils font pour ne pas s'emmêler les lignes, c'est qu'ils ont intérêt à assurer, jute avant la section rythmique vous a débarqué un imbroglio de première catégorie, et là-dessus le Tony se met à japper comme si la chienne de la voisine était en chaleur, à moins que ce ne soit sa chatte. Frénésie : une intro ordonnée, pas un col de trompette ne dépasse, elles attendent leur tour, Tony en dragueur sûr de lui, l'emballe rapide et puis ce sont les autres qui s'emballent, le morceau est assez long pour que chacun puisse se livrer à son exhibition la plus perverse. Buona sera : on n'est pas sorti de l'affaire, le bateau tango et va couler, le Tony fait le gigolo pour grosses dondons, mon dieu jusques à quand vais-je supporter cette infamie, trente secondes, parce que Tony il envoie valser la mémère aux quatre diables et sans préavis il se déchaîne, et derrière l'orchestre le suit dans sa crise de folie. On ne les a pas enfermés, mais ce dut être juste. Pourtant le Tony on aurait dû, ne voila-t-il pas qu'emporté par son délire il hurle ''rock'n'roll'' en plein tutti swing, se rattrape au dernier moment avec sa politesse de crooner rital qui en fait trop. Mademoiselle voulez-vous ? : soyons sérieux, les retraitées de quatre-vingt ans c'est sûrement bien mais enfin vaut mieux papillonner les demoiselles, une leçon de drague pour les timides, Tony vous a la tchatche, suffit de l'imiter, bon quand la zamzelle saute la barrière, l'orchestre frétille de joie. Is you is or is you ain't my baby : là c'est très beau, cette trompette qui aboie sur le velours de Tony, du Louis Jordan comme l'on n'en fait plus, en prime vous avez de ces nappées de cuivres et de ces halètements à la Satchmo, et le Slominsky il skie sur sa trompette et sur le final il est éblouissant. Route 66 : chic un classique du rock, révisez vos leçons, un succès de Nat King Cole que tout le monde a reproduit, même les rockers, ne le reprennent pas carrément rock, mais rondement roll, Tony caracole dessus – prononce misery comme Presley - les cuivres ne jazzifient point, ils le rhtythm-and-bluesent à brouter la pelouse. Belle version. Ain't nobody here but us, chickens : revenons dans l'orthodoxie du swing avec Alexis Kramer et son épouse qui écrivirent pour Jimmy Dorsey et Harry Belafonte, beau spécimen pour visualiser le vocal swing, comme un funambule sur le fil instrumental et en même temps une espèce de Monsieur Loyal pour laisser la place aux numéros des musiciens, tour à tour dans le halo du projecteur et dans l'ombre noire de la clinquance orchestrale, faut savoir ne pas se faire oublier, et avoir le dernier mot, ici cocorico. Tentation sous les tropiques : rien que le titre vous êtes sous les cocotiers englobés dans le rythme des moiteurs latines, une ambiance brésilienne et le Tony nous fait son numéro de gandin rock, très belles intonations à la Dick Rivers, à l'aise partout le Marlou, la batterie a beau faire du bruit, le Tony en complet blanc, pas celui qui danse le mieux, mais celui que les filles remarquent, car il a la classe. Baby want you want me to do / Please don't leave me : sous-marin rock ( Jimmy Reed et Fats Domino ) mais bien camouflé, ça swingue dur, mais le Tony ne peut pas se retenir de se la jouer à la Genre Vincent encourageant Cliff Gallup à montrer comment il se sert de sa guitare, bref si vous êtes un mordu du swing vous criez à la contrefaçon mais si vous êtres rock vous décrypterez tous les signes secrets du vocabulaire rock. Cliché nocturne : un peu de tristesse nostalgique s'il vous plaît en intro car très vite sur ce rythme qui en fait des tonnes ( les Stray Cats s'en souviendront ) une histoire de mauvais garçons, un jeune qui se prend pour un dur neuf et qui n'est qu'un œuf mollet. Pour les danseurs c'est parfait vous pouvez vous frotter sur votre cavalière transformée en motte de beurre fondue, à volonté. Reet petite and gone : après l'intermède sixty, une rythmique jazz s'impose, les gars s'y collent, font même chauffer la colle bellement, le Tony l'essaie de suivre, mais non, l'on sent bien que c'est un amateur de rock qui chante – ça tombe bien, c'est ce que l'on préfère – en tout cas pas un chanteur de jazz n'arrivera à décoller les syllabes avec une telle désinvolture. La vie est une question d'attitude. De phrasé. Hello baby, mademoiselle : un petit peu d'histoire, le jazz emmené par les GI's à Paris... l'on pense à Claude Luter et à tout ce que l'on n'a pas connu, les caves de St Germain, Tony imite l'accent français à la perfection. Don't let the sun catch you cry'in : l'on s'attendait à un feu d'artifice pour le dernier morceau, on aura un slow pour se quitter, dans la pure tradition sixty même que sur la partie parlée Tony imite Presley, derrière l'orchestre larmoie à souhait. On se quitte, mais on y reviendra.

    Inutile de vous suicider si vous n'avez pas le disque, soyez stoïque, une petite indication pour les affamés et les impatients : Frénésie, Mademoiselle voulez-vous ? , Cliché Nocturne, et Hello Baby Mademoiselle sont sur L'Anthologie 1978 – 2018, 40 ans de Rock 'n'Roll. Vous pouvez commander sur Tony Marlow Big Cartel.

     

    FOR LADIES ONLY

    STEPPENWOLF

    ( Novembre 1971 )

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    La pochette sous forme de lettrine moyenâgeuse parsemée de petites fleurs n'est pas la meilleure de Steppenwolf. Pour attirer l'œil il est indéniable qu'elle vous scotche la rétine, je ne voudrais pas critiquer Tom Gundelfinger mais pour un disque de hard-rock j'attends mieux. N'accablez pas ce pauvre guy, l'est comme ces cowboys dans les westerns qui possèdent un holster à droite de leur ceinturon et un autre à gauche, dans les moments cruciaux vous ne savez jamais s'il va dégainer à dextre ou à sénestre. Avec un nom aussi carabiné il faut se méfier de ce gus au doigt sur la gâchette, pas le gars à tirer son coup pour rien. Ouvrez la pochette, quel est donc ce cri d'horreur que pousse le chœur outragé de nos hypocrites ( et baudelairiennes ) lectrices, désolé demoiselles, cet engin phalloïde à roulettes sur le bord du trottoir, vous l'avez reconnu, un sexe d'homme turgescent pointé tel une ogive nucléaire vers votre délicate pudeur. A croire que vous n'auriez jamais vu le loup ( des steppes ).

    Rassurez-vous ce n'est ni grivois, ni paillard, même pas érotique. C'est féministe et politique. Un concept album, d'après une idée de Jerry Edmonton. Un truc pour la défense et l'illustration des dames. Pas celles du temps jadis, celles de leur époque. Les mauvais esprits insinueront que le Loup cède à la montée en puissance de la femelle petite-bourgeoise de l'american way of life qui se désole du si peu de cas que l'autre moitié du monde éprouve pour ses valeurs clitoridiennes. Quant à nous, nous nous contenterons de nous étonner du fait que jusqu'à maintenant aucune pétition n'ait réclamé l'interdiction de cette pochette outrageante.

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    John Kay : vocal, guitar / Kent Henry : lead guitar / Georges Biondo : vocal, bass / Goldy McJohn : organ, piano / Jerry Edmonton : drums

    For ladies only : doux arpèges de guitares tendus comme un bouquet de fleurs, attention le titre manifeste de l'album, dure neuf minutes, l'orgue prédomine vite ( souvenir marial ? ) ensuite le morceau bien appuyé se déroule dans le pur style Steppenwolf réglé comme sur du papier à musique. Pour les paroles rien de bien novateur, reprochent aux hommes de maltraiter psychiquement les femmes, sur le pont la musique devient plus forte pour souligner l'importance du message, et puis un peu de tendresse bordel dans ce monde de machos, ce n'est plus une gerbe que l'on offre mais une brassée monumentale, le temps de moissonner un champ de tulipes multicolores – les rockers s'ennuient un peu parce que ça dure un max, vous avez le piano de Goldy qui se prend pour Bartok, et quand vous croyez que c'est fini il rajoute une flopée de notes à ne plus savoir où les mettre et le band lui emboîte le pas, parfois les trajets en train deviennent un peu longs, lorsque j'ai acheté ce disque je n'ai dû écouter qu'une seule fois cette piste because je ne me souvenais plus de ce passage où le Loup se prend pour le London Symphony Orchestra. Sur la fin ils redeviennent le Loup mais auriez-vous la patience d'attendre si longtemps. I'm asking : entrée mélodramatique, serait-ce un remake de la Tosca, non très vite ils comprennent qu'ils doivent rattraper l'audimat, alors le Kay fonce dans le vocal et derrière ils mordent à mort, un petit coup de grandiloquence mais Goldy se la joue virtuoso-desperado du piano et l'on est parti pour un bon ramonage. Du grand Loup. Schackles and chains : l'alcool n'a jamais fait bon ménage, mais le Loup vous essore la serpillère à la perfection, en tout cas Kent Henry, là où passe sa guitare l'herbe ne repousse pas, mais attention faut bien se comporter avec les filles, c'est sur les ponts que décidément ils ne savent pas quoi inventer pour attirer leur attention, le Goldy il ose le saut à l'élastique, ce qui est sûr c'est que vous ne traînerez pas ce morceau comme un boulet. Plutôt comme un canon. A votre santé. Tenderness : écrit par Mars Bonfire, peut-être pour se faire pardonner Born to be wild, une ballade, Kay prend la voix de Bruce Springsteen ( chronologiquement étrange ) et c'est parti pour les remords, le piano de Goldy pleure derrière lui de toutes ses larmes, pour un peu vous en chialerez aussi, le coup du countryman qui regrette les erreurs de son passé. Bien fait, mais un peu tendre.

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    The night time's for you : on retourne la galette et l'on retombe sur la plume de Bonfire, le titre fait un peu peur, mais Kay ne roucoule pas, le désir le brûle et le feu se communique au morceau, durant les moments nocturnes où il n'est plus besoin de parler Harry vous pousse sa guitare jusque dans les trompes de Fallope, je ne sais pas ce que Goldy fait à son orgue mais il en tire de drôles de couinements. Jaded strumpet : une fille qui a laissé un souvenir impérissable, une intro jazzy mais à la suite ils la ( l'intro pas Jaded ) malmènent sans ménagement, vous avez l'orgue qui s'égosille comme si vous étiez un poisson vivant et que l'on vous écaillait sur le bord de l'évier, vous sentez votre souffrance, et nous notre joie car c'est diablement jouissif d'être maltraité par un Loup en colère. J'ai oublié de préciser la Jadet elle vous mène les hommes à la baguette et ils aiment ça. Sparkle eyes : le Loup il a l'art de vous dynamiter le country ( qui a dit que le hard provenait du blues ? ) et en plus au milieu du morceau vous traversez un pont bizarre avec des arches de toutes les formes pour atterrir dans le pays de la grande nostalgie, n'ayez crainte ça pétarade de tous les côtés et vous en redemandez, alors ils vous en resservent une bonne portion. Black pit : un instrumental pour descendre au fond de l'abîme, l'on ne touchera pas le bout du trou ( allo, doctor Freud ) mais il y a des passages aussi intéressant que Voyage au centre de la terre. Le Loup ne sait pas quoi faire pour vous étonner. Ride with me : une chevauchée macho de Bonfire, suffit de se laisser porter, vous avez l'orchestre qui fuse et qui vire sur l'aile, chante en chœur quand la guitare en flamme vous fait un piquet rase-motte d'hirondelle, le Kay nous fait le coup d'amour toujours, amour d'un jour. In hopes of a garden : retour au jardin de l'éden, un ange passe aux ailes brisées, ce n'est pas aussi beau que l'on l'espérait, mais l'on fait avec ce que l'on a, l'endroit n'est pas mal pour une courte ballade.

    Pas si mal que cela. Le Loup a essayé d'enrichir sa palette musicale – étonnant sur le titre éponyme – l'on pourrait sous-titrer l'album, comment le hard devint prog. Il est parfois difficile de quitter sa steppe natale. Lorsque de loin, chez mon fournisseur toulousain j'ai vu qu'il y avait un 33 que je ne connaissais pas dans le casier Steppenwolf, wouh ! ai-je pensé, un nouveau disque tout juste après quatre mois ! Quand je me suis approché j'ai appris que non, c'était la fin... une espèce de Rest in peace, un best of, par contre une des meilleures couves de Tom Gundelfinger ( je sais, j'ai des goût bizarres et je ne me soigne pas ).

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    This the end de l'Histoire du Loup. Ne pleurez pas, il renaquit de ses cendres pas très longtemps après, mais c'est une autre histoire, peut-être vous la raconterais-je une autre fois. Voilà, c'était For Fans Only.

    Damie Chad.

     

    XVIII

    ROCKAMBOLESQUES

    LES DOSSIERS SECRETS DU SSR

    ( Services secrets du rock 'n' rOll )

    L'AFFAIRE DU CORONADO-VIRUS

    Cette nouvelle est dédiée à Vince Rogers.

    Lecteurs, ne posez pas de questions,

    Voici quelques précisions

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    82

    Il y eut une discussion animée qui dura toute la nuit pour savoir duquel des quatre dangers qui menaçaient le SSR il fallait s'occuper en priorité. Au matin les avis étaient encore partagés, d'un commun accord nous décidâmes de reporter la décision après un petit déjeuner roboratif. Nous étions en train de trempotter nos tartines de confiture dans notre café au lait lorsqu'un flash d'information de la radio annonça la mise en confinement du pays.

    Le Chef poussa un rugissement, bouscula d'un geste ample bols et beurrier qu'il envoya valser sur le plancher – Molossa et Molossito se chargèrent aussitôt de nettoyer cette manne tombée du ciel, un nettoyage tellement parfait que par la suite les filles n'eurent même pas besoin d'essuyer la vaisselle – nous, nous n'avions d'yeux que pour Dieu le Chef qui étalait une carte sur la toile cirée :

      • Nous allons frapper un grand coup, tel Hannibal marchant sur Rome avec ses éléphants, déclara le Chef d'une voix emphatique

      • Mais nous n'avons pas d'éléphants ! le coupa vivement Charline

      • Non, nous avons mieux puisque nous possédons Molossa et Molossito - qui illico tous deux très fiers entamèrent une marche pachydermique autour de la table – et ce sont eux qui enfonceront les défenses avancées de l'ennemi

      • Mais si les ennemis ont des défenses c'est qu'ils ont aussi des éléphants s'écria Charlotte

    Vince prit la parole. Apparemment il s'y connaissait un tout petit peu plus en éléphants et en Hannibal que nos nouvelles recrues féminines. Il fronça les sourcils :

      • Attention, Hannibal a emmené ses grosses bestioles mais elles ont été inopérantes sur le champ de bataille, je m'oppose à ce que Molossa et Molossito soient sacrifiés en vain !

      • Vince tu as totalement raison, je ne suis pas Hannibal, d'abord celui-ci ne fumait pas de Coronado, ensuite l'agent Chad et nos deux jeunes filles seront dès la fin de cette réunion chargés de leur entraînement !

      • Voilà qui est rassurant opina Vince, mais l'exemple d'Hannibal me semble mal venu puisqu'il n'a pas réussi, son entreprise fut un échec !

      • La raison de la défaite d'Hannibal sera le fer de lance de notre victoire, ce général borgne qui n'y voyait que d'un œil, et qui je le rappelle ne fumait pas de Coronado, a commis une terrible erreur, au moment propice il a hésité devant l'énormité de la tâche, il a refusé de prendre Rome, le cœur décisionnel du pouvoir romain, nous SSR ne commettrons pas cette impardonnable et grossière erreur, nous SSR, nous porterons sans faillir notre attaque éclair - plus tard les historiens en qualifieront l'audace de suicidaire – précisément là, et il pointa son Coronado incandescent sur un endroit très précis de la carte.

      • Vertigineusement fou, pratiquement irréaliste, et totalement infaisable, j'en suis ! déclara Vince, j'ai voué ma vie à la défense du rock'n'roll, et tiens à passer au stade supérieur : l'attaque rock'n'roll !

      • Merci Vince, je savais que tu ne nous abandonnerais pas, nous passons immédiatement aux préparatifs, Vince tu t'occuperas de la 2 Chevaux, les filles et l'agent Chad de Molossa et de Molossito, quant à moi je me réserve le plus difficile, le maniement du Coronado, auprès duquel l'ikebana des Japonais se révèle d'une technicité rudimentaire et d'une subtilité de grosse brute hémiplégique. Exécution immédiate. Dans trois jours tout doit être prêt.

    83

    L'on se faisait un monde de l'entraînement de Molossa et Molossito, ce fut une partie de plaisir pour les canidés. Nous avions réquisitionné l'escarpolette de la balançoires que Vince avait installé pour ses petits-enfants, les deux chiens adoraient s'asseoir côte à côte sur la planchette, puis par un jeu de poulies et de cordes nous les hissions jusqu'au sommet  de l'arbre le plus haut du jardin, un magnifique cèdre du Liban qui culminait à plus de quarante mètres puis nous les descendions à des vitesses variables en imprimant de fortes oscillations, Molissito essayait d'attraper la queue de Molossa qui indifférente au tangage et au roulis prenait la pose d'un sage stoïcien ayant depuis longtemps dépassé l'ataraxie.

    Dans les heures qui suivirent l'ensemble de la maison se transforma en fourmilière, Vince et le Chef s'affairèrent autour de la deutcholle qu'ils remisèrent au garage, nous ne savions pas à quelle transformation ils se livraient mais de temps en temps la tête du Chef surgissait de l'entrebâillement du portail et hurlait :

      • Agent Chad, une clef de 12 immédiatement !

    Avec les deux filles nous courions de tous les côtés, Vince avait entreposé dans l'entresol de la bâtisse les réserves de son magasin de brocante '' C'est simple avait-il expliqué, vous trouverez là-dedans tout ce dont vous avez besoin avec en plus tout ce qui ne sert à rien. '' C'était vrai, mais il fallait farfouiller un max... Nous n'arrêtions pas, lorsque les filles découvrirent une centaine de rouleaux de papier crépon une dispute homérique éclata entre elles sur le choix de la couleur nécessaire à la confection de certains ustensiles utiles à la fabrication de leurs costumes spéciaux que le Chef leur avait demandé de confectionner...

    Entre douze et seize heures le Chef exigeait un silence absolu, il s'asseyait sur une chaise en plein soleil et tirait de longues bouffées de quelques Coronado, je remarquai que montre en main, il prenait dans le même temps des notes sur un carnet qu'il surchargeait de calculs frénétiques.

    Le troisième jour, à seize heures pile, Vince, la mine soucieuse, vint le trouver après nous avoir fait signe de nous ( chiens compris ) rapprocher :

      • Je pensais qu'après avoir branché notre compresseur à effet rétro-actif nous aurions résolu le problème, mais il n'en est rien, à moins que l'un de nous ait subitement une idée de génie, la mission s'avèrera impossible.

      • Vince, dès qu'un problème se pose, disons-nous qu'un peu de logique le résoudra, énonça sentencieusement le Chef. Prenons en exemple le cas qui vous préoccupe. Vous avez besoin d'une idée de génie pour le résoudre. Donc il nous faut un génie, or nous en avons justement un, pourquoi l'Agent Chad aurait-il intitulé ses mémoires Mémoires d'un GSH, ce qui signifie Génie Supérieur de l'Humantié s'il n'était pas un génie. Agent Chad, discutez un peu avec Vince, à 16 heures trente précises vous me rapportez l'idée de génie.

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    A 16 heures 30 très précises je me dirigeais en compagnie de Vince tout souriant devant le Chef :

      • Agent Chad, je ne doute pas de vous, aussi vous demanderais-je la permission d'allumer un Coronado avant que vous ne nous fournissiez l'idée géniale nécessaire à la réussite de notre entreprise.

      • Hélas Chef, je n'ai pas l'idée géniale à vous exposer...

    Les yeux des filles s'humidifièrent

      • Oh ! Damie nous qui voulions tant participer à cette aventure extraordinaire !

      • Non Chef, je n'ai pas l'idée géniale, mais j'ai la solution !

      • Excellent, agent Chad, c'est le minimum que j'attendais de vous ! Votre esprit a donc trouvé...

      • Oui Chef, l'idée géniale de téléphoner au Cat Zengler pour lui demander de me fournir la solution, tel un trait de la foudre de Zeus a surgi dans mon cerveau einsténien. Mon idée était la bonne, le Cat a non seulement trouvé la solution, mais il m'a envoyé le fichier adéquat que Vince a recopié via le net sur le CD que voici, il n'y aura plus qu'à glisser dans un lecteur pour la rendre opératoire.

      • Parfait, il est seize heure trente six minutes, je vous donne quartier libre, pensez que nous avons toutes les chances de périr, regroupement à 10 heures trente devant le garage, départ à onze heures tapantes.

    ( A suivre... )

     

  • CHRONIQUES DE POURPRE 494 : KR'TNT ! 494: TONY MARLOW / SYL SYLVAIN / VIVE LE ROCK / MOJO / ABOUT VINCE TAYLOR / UNCUT / STEPPENWOLF / ROCKAMBOLESQUES XVII

    KR'TNT !

    KEEP ROCKIN' TILL NEXT TIME

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    LIVRAISON 494

    A ROCKLIT PRODUCTION

    SINCE 2009

    FB : KR'TNT KR'TNT

    21 / 01 / 2021

     

    TONY MARLOW / SYL SYLVAIN / TIM BOGERT

     VIVE LE ROCK / MOJO / ABOUT VINCE TAYLOR

    UNCUT / STEPPENWOLF

    ROCKAMBOLESQUES XVII

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    Sale temps pour le rock privé de salles. On aurait voulu le tuer que l'on n'aurait pas trouvé mieux. Mais c'est quand l'heure est grave que les résistants sortent de l'ombre. De la mauvaise graine ( de violence ), c'est comme le chiendent, vous en trouverez toujours pour chantonner I want to be your dent de chien. Prenons un exemple au hasard, Tony Marlow, pourrait se prélasser sur ses lauriers, l'a publié voici peu un coffret qui retrace ses quarante ans de carrière au service du rock'n'roll, c'est bien Marlou, tu peux te reposer, tu le mérites, de toutes manières, t'es privé de concert, comme tous les enfants pas sages, rentre à la maison et arrête de faire du bruit avec ta guitare, il serait peut-être temps que tu penses à faire quelque chose de sérieux dans la vie.

    Faut se méfier des rockers, tous des voyous rimbaldiens dans l'âme. Pensez à votre gamin que vous avez enfermé dans sa chambre pour étudier sa leçon de géographie et qui depuis sa fenêtre a balancé un cocktail molotov sur votre voiture stationnée au bas de l'immeuble. Ben le Marlou, il est pareil, vous lui interdisez de se produire sur scène, il ne dit rien, vous croyez qu'il se calme tout seul dans son coin, non il contacte en douce ses amis et hop le temps de deux confinements, il enregistre un disque.

    FIRST RIDE

    MARLOW RIDER

    ( Rock Paradise Records / RPRCD 52 )

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    On les reconnaît tout de suite sur la pochette. Sur la gauche, c'est bien Amine Leroy, je confirme, un si gentil garçon, avec ses lunettes noires et sa chemise hawaïenne rouge ( idéale pour cacher les taches de sang ) une allure de tueur de la mafia qui ne connaît ni le remords ni le regret, à droite c'est peut-être pire, Fred Kolinski, binoclardes noires et longs cheveux blanc, il aborde le sourire inquiétant de celui qui est préposé aux interrogatoires un peu spéciaux, et au centre Marlow le patron, le regard dur, énigmatique, voilé de verres noirs, tourné vers le futur sombre de ses ennemis. Trois oiseaux de proie. Fascinants, évidemment une fille les admire, nous n'entrevoyons que la roue arrière de sa motocyclette mais sur sa cuisse l'on reconnaît Alicia F à son tatouage barbelé. Vous croyez que j'exagère, que je me tourne un film, ouvrez le gatefold cartonné, une fois que vous aurez poussé un cri d'horreur en voyant la rondelle du CD, tirez le livret intérieur, évitez la photo centrale et la crise cardiaque, lisez les petites notes, l'artwork est d'Eric Martin, librement inspiré de Born Losers film ( de bikers ) de Eric Laughlin sorti en 1967.

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    Tony Marlow : vocal & guitar / Amine Leroy : double bass, backing vocals / Fred Kolinski : drums, percussions, backing vocal.

    Alerte mauve, les deux lignes précédentes risquent d'aiguiller le lecteur distrait sur une mauvaise voie, façon de parler parce que le rockabilly est l'une des meilleures qui puissent s'offrir à un amateur de rock'n'roll, oui mais la contrebasse d'Amine Leroy vous indique une fausse piste. Tony Marlow a plus d'une corde à sa guitare. Certes il n'est pas le seul, mais là il exagère, ceci n'est pas un disque de rockabilly, point du tout. Bye-bye les années cinquante, nous voici plongé en pleine révolution électrique, en plein psyché, fuzzée objectif lune mauve, de quoi faire hurler les puritains du rock'n'roll, que voulez-vous il n'y a pas que Cliff Gallup, y'a aussi ( entre autres ) un certain Jimi...

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    Debout ! : si vous n'avez pas compris la guitare du Marlou vous le fait vite entendre, tout de suite des giclées de piment de Cayenne au fond de la marmite en ébullition pour relever le goût, vous arrachent la gueule illico, et Marlou vous refile une seconde surprise, l'on a beau s'y attendre vu le titre, mais c'est du français, ce n'est pas que Marlow choisit la difficulté, mais par ici quand on y pense c'est aussi naturel de chanter le rock en français qu'en anglais, en plus vous avez de ces salmigondis de gratouillis instrumentaux à déguster à grosses louches. The gypsy says : bonjour la bande de gypsis, un peu sur le thème hugolien de la Esmeralda, mais chanté en anglais, faudrait plusieurs oreilles pour se brancher dessus, le galop de la contrebasse d'Amine, lui il mène les hordes mongoles qui cavalent derrière Gengis Khan, vous fournit le métronome, rien ne les arrêtera, du coup le Kolinski en profite pour se prendre le bec avec la l'excalibur de Tony, combat de coqs, ergots, go, go, cats, sur la fin du morceau en sont au sabre-laser, et le Marlow qui mène la danse vocale ne s'en laisse pas compter, ne mettez pas les doigts dans la mécanique, vous finirez par être emportés par ces coups de laminoirs orientaux qui volent en éclats. Shut up ! : z'étaient en forme au titre précédent, là ils deviennent méchants. Au début la section rythmique casse des arbres, juste pour fabriquer des cercueils, Tony ne tarde pas à vous apprendre pour qui ils sont prévus, allongez-vous messieurs les politiciens, comme par miracle voix, guitares et chœurs deviennent doucement ironiques, parfois les moutons mangent les ours, alors ils y vont tous les trois à toute vitesse et ils enfoncent les clous avec une hargne inconcevable. C'est en anglais, oui mais vous pigerez aisément. Hey Joe : un truc à se faire des ennemis, le Marlou se paye tous les risques, et Jimi Hendrix et Johnny Hallyday dans la même voiture. En plus il conduit la bagnole les yeux fermés, vous le prend sur un tempo plus rapide, Amine et Kolinski n'arrêtent pas de jeter des chardons ardents sur l'huile du moteur. Ça roule comme les chutes du Niagara. Au final, ce n'est ni du Jimi ni du Johnny, c'est du Tony Marlow. Jute une autre chanson d'amour : calypso à la mandoline grinçante, l'on quitte Jimi, l'on est plutôt sur la face cachée, l'autre versant de Chuck Berry qui aimait autant caresser les matous grassouillets des rythmes exotiques qu'exciter les chats sauvages du rock'n'roll. Suivez la guitare, pas de trop près, elle grésille et fume à la manière d'un grille-pain tout près de déclencher un court-circuit. Among the zombies : promenade parmi les zombies, toujours agréables qu'ils soient de pacotille ou vrais, alors le trio maléfique s'en donne à cœur joie, l'est comme chez lui, ils y vont à donf, le Marlou n'est pas du genre à louper ses loopings sur les cordes raides, l'Amine envoie la marmelade plein pot, et Kolinski patauge dedans avec cette malignité du gamin barbotant dans une flaque boueuse juste pour entendre crier sa mère vexée et horrifiée qui l'emmène à la messe. Que va dire M. le Curé de cette dépravation caractérisée ? Je ne sais pas, mais vous, vous adorerez. Marlow rides again : pour les esthètes, un instrumental, le plaisir de montrer ce qu'ils savent faire, une chevauchée comme l'on n'en entend plus, un petit parfum de ces instrumentaux que l'on trouvait sur les 45 Tours de années soixante avec le passage obligé du solo de batterie, et ici même de contrebasse, tout le reste pour la guitare, certes les doigts de Marlow savent la mettre en valeur tout seuls, mais c'est comme au restaurant huppé, ce qui compte certes c'est le canapé foie gras / caviar dans votre assiette, mais il y a l'art et la manière des garçons de vous glisser l'assiette sous le coude et de remplir votre verre de champagne, faut reconnaître que l'Amine et le Fredo, ils usent et abusent d' astuces diaboliques pour servir la targui de tous ces apprêts périlleux qui la mettent en évidence. Jimi freedom : un peu de funk en intro, Jimi se dirigeait par là au moment où il a cassé son calumet de la paix, mais voici la guitare qui couine tel un goret que l'on égorge, Amine vous le larde de coups de coutelas dans le dos, et Fredo l'assomme à coups de masses grandiloquentes, ne pleurez pas l'âme du cochon monte au ciel et les anges l'accueillent avec des hosannas de triomphe. Totalement hendrixien dans l'esprit. Sur la route du temps : métaphore motarde, l'occasion pour Tony de s'amuser à tous les dérapages incontrôlés que vous pouvez vous permette sur la Harley du rock'n'roll, de temps en temps ça appuie comme dans Born to be wild mais ce qu'ils aiment ce sont les pirouettes assis sur le guidon avec la mort sur le porte-bagage. Quant aux deux mécanos, le mot frein ne fait pas partie de leur vocabulaire. Mutual appreciation : la camarde en croupe ce n'est pas mal, mais roulez de concert avec Alicia Fiorucci, c'est encore mieux. Duo d'amoureux, le moteur de Tony gronde comme s'il voulait la dévorer toute crue, l'a la Durandal qui imite les grelots du traineau du Père Noël, et la petite futée derrière avec sa voix de lance-flamme, elle ne fait rien pour qu'il se calme. Rowdy : il est terrible le Tony, dès que vous le branchez moto, c'est parti pour toute la nuit. A train d'enfer. Le problème c'est qu'il confond moto et guitare, même que parfois la guitare dépasse la moto, autant dire que le morceau déboule à la manière d'un boulet de canon. Parlez-moi de ses copains, le Leroy et le Kolin' sont sur ses talons et le poussent dans ses ultimes retranchements. Non, il a encore de la marge. Vapeur mauve : un dernier challenge, Purple Haze, en français de surcroit, à faire un sommet de l'Himalaya que ce soit une aiguille anapurnienne, le Tony il est sûr de lui, ses fidèles lieutenants à ses côtés, quand il déploie l'étamine mauve au sommet, vous n'avez plus qu'à dire respect.

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    Un nouveau Marlow, pas de la piquette beaujolaitte, un grand cru enivrant, un arôckme puissant. Qui détraque les pendules des habitudes pour les remettre à l'heure des explosions solaires. Un projet sur lequel il travaillait depuis plusieurs années. Ce disque est un aboutissement. Un régal. Marlow Rider scintille de mille feux. Mauve avec rayonnement ultra-violet. Radiations dangereuses.

    Damie Chad.

     

     

    Syl Sylvain m’était conté

    - Part One

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    Sylvain Sylvain vient tout juste de casser sa pipe en bois et pour lui rendre hommage, nous allons exhumer des archives un texte déjà paru en 2019 dans le dernier numéro de Dig It!. On y saluait la mémoire de Johnny Thunders, via In Cold Blood, l’excellent book de Nina Antonia, et celui de Sylvain Sylvain, qui venait de paraître, arrivait en contrepoint. Fascinant contrepoint, en vérité.

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    Sans vouloir se vanter, Sylvain Sylvain rappelle dans There’s No Bones In Ice Cream qu’il est à l’origine des deux mots clés de la mythologie des poupées : le nom du groupe et celui de Johnny Thunders. C’est en effet Sylvain Sylvain qui embauche Johnny en lui demandant : «Hey man, me and Billy have got a band, do you wanna join ?» Johnny répond qu’il aimerait bien, mais il ne sait pas jouer :

    — I can’t play anything.

    — Mais si, c’est facile, I’ll show you.

    Johnny commence par jouer de la basse, car c’est plus facile. Seulement quatre cordes. Dix pages plus loin, Syl évoque the business that operated across the street, la boutique d’en face et dont l’enseigne au néon allait hanter son imagination pour le restant de sa vie : «It was called the New York Dolls Hospital. It sounded soooooooo good.» Alors il en parle à ses deux potos Billy et Johnny :

    — Pas mal pour un nom de groupe, hein ?

    — What ? The New York Dolls Hospital ?

    — No, the New York Dolls !

    Vous remarquerez ça dans toutes les histoires des groupes de rock, la période de la formation reste la plus passionnante et dans la grande majorité des cas, la plus touchante. C’est la période où le groupe se bricole sa petite réalité. C’est là où les kids s’apprêtent à vivre leur rêve.

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    On a longtemps sous-estimé le rôle de ce kid d’origine égyptienne dans l’histoire des Dolls. Ce livre rééquilibre un peu les comptes. On y découvre un kid extrêmement créatif, bourré d’énergie, plutôt rigolo et là on touche à l’essence même des Dolls qui relevait plus du monde des comics que du caniveau dans lequel la presse voulait absolument les enraciner. Johnny Thunders qui dégueule sur les journalistes à l’aéroport, c’est du pur Vuillemin. Les Dolls secoués dans ce van qui traverse l’Angleterre en 1972, c’est du pur Muppet Show. Syl Sylvain, c’est Charlot avec une Gretsch. Le chaos tragique de Johnny Thunders, c’est Laurel & Hardy Conscrits, avec un Oliver Hardy qui meurt dans l’accident d’avion et qui se réincarne en âne. Ce que corrobore Syl dans sa magistrale introduction. Quand on lui demande de raconter l’histoire des Dolls, il pense tout de suite à Bugs Bunny et Daffy Duck. Eh oui, Bugs est déjà une star, il entre sur scène, lève les bras en l’air et le public l’acclame. Wouahhh ! Par contre, Daffy peut jongler sur scène en pédalant sur un monocycle, personne ne l’applaudit. Que dalle. Bugs revient sur scène, siffle deux notes, et la salle explose à nouveau. Alors Daffy comprend qu’il doit passer à la vitesse supérieure. Il revient sur scène, avale une grosse lampée d’essence et une bouteille de nitroglycérine, quelques bâtons de dynamite et un gros tas de poudre, il ajoute par dessus tout ça de l’uranium 238 et saute sur place pour que ça se mélange bien dans son estomac. Puis il gratte une allumette. Pour la première fois, le public fait attention à lui. Wooow... Daffy prévient les filles : «Accrochez-vous à vos copains !» Et il avale l’allumette. Boum ! Il y a des plumes partout, oui, car pour les ceusses qui ne le sauraient pas, Daffy Duck est un canard. La foule l’ovationne. Même Bugs n’en revient pas ! Il crie «Encore ! Encore !». Mais le fantôme de Daffy flotte dans l’air et murmure : «Oui, oui, je sais, c’est un great show, mais je ne peux le faire qu’une seule fois !». Et Syl ajoute : «That for me is the story of the New York Dolls.» Voilà le niveau auquel navigue ce petit mec né en Égypte. Pour lui, les Dolls ne pouvaient monter sur scène que pour exploser comme Daffy Duck. And that is all you need to know about showbiz : le public veut du sang, alors il faut lui en donner. Les gens veulent voir Daffy Duck exploser. Caligula, note-t-il, aurait adoré les Dolls, comme il aurait adoré Gene Vincent et Vince Taylor. Et en guise de chute, Syl lance : «Comme Daffy Duck, on a triomphé. We wanted to give them a killer show every night.»

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    Comme les Cramps un peu plus tard, les Dolls créèrent en leur temps un univers unique, une théâtralisation du rock inspirée des comics trash. À leur modeste niveau ils produisirent sans même s’en douter de l’art moderne, au sens où l’entendait Joos Swarte. Libre à nous cinquante ans plus tard d’interpréter tout ce bordel comme bon nous semble. Mais une chose est sûre : on va pouvoir se ronger l’os du genou en attendant que réapparaissent des groupes aussi révolutionnaires que les Dolls et les Cramps.

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    Côté influences, Syl cite Gary US Bonds, une dévotion qu’il partage avec David Johansen, et puis aussi Edith Piaf, dont il va retrouver l’expression de la douleur et le goût du scandale chez Johnny Thunders. Piaf comme égérie du chaos tragique, c’est bien vu. Syl parle de Piaf car il a vécu en France durant son adolescence, après que Nasser eût incité la communauté juive à quitter l’Égypte. Syl vit rue Cadet, puis ses parents émigrent aux États-Unis, en quête «d’une vie meilleure». Comme tous les kids de son âge, Syl prend la British Invasion en pleine gueule, à commencer par le Dave Clark Five et les Beatles, bientôt détrônés par les Stones. Mais la plus grosse influence, ce sont les Ventures, un groupe qu’on connaît mal en Europe mais qui est vital pour les New-Yorkais. Syl apprend à jouer avec l’album Play Guitar With The Ventures - That taught you everything - et quand on savait jouer leurs cuts, on pouvait tout jouer. Syl adore tellement l’énergie des Ventures qu’il fait écouter «Pipeline» à Johnny. Il lui apprend à le jouer. Vas-y, regarde, talalalalala talala et là tu montes. Wow ! Johnny l’adore. Il le jouera toute sa vie et en calera une version spectaculaire sur So Alone. Syl adore aussi les Rascals dont le batteur, Gino Danelli, reste son batteur favori, loin devant Jerry Nolan. Il cite aussi Humble Pie comme son groupe préféré.

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    Et comme il vit dans le Queens, il doit apprendre à se battre dans la rue. Un jour, des Portoricains plus âgés et plus baraqués le coincent et lui disent : «Tu vois le mec là-bas, c’est mon frangin. Tu vas te battre avec lui !» Le gang forme un cercle et Syl se retrouve au centre face à un autre kid. «Fight ! Fight ! Fight !» crient les autres. Les filles pleurent parce qu’elles voient bien que ce freluquet de Syl va se faire dégommer vite fait. Mais par miracle, Syl reconnaît son adversaire. Ils ont tous les deux été exclus du cours de gym parce qu’ils n’avaient pas le survêtement adéquat et en guise de punition, ils durent rester debout en slibard dans un coin jusqu’à la fin du cours. Alors ça fait marrer Syl qui lance : «Hey William !». William sourit à son tour et fait : «Hey man !», et pour satisfaire le public, il se mettent à singer les boxeurs qui se tournent autour en décrivant des cercles avec leurs petits poings nus. Le cercle mugit :«Fight ! Fight ! Fight !» Ah tu veux du sang ? Voilà qu’ils se jettent l’un sur l’autre. Non pour s’étriper, mais pour s’étreindre. C’est là nous dit Syl qu’ils deviennent les meilleurs amis du monde et s’en retournent ensemble dans leur quartier en rigolant. And that is how I met Billy Murcia. Syl et Billy vont fonder les New York Dolls. Alors vous imaginez un peu la gueule de Syl quand Billy casse bêtement sa pipe en bois à Londres lors de la première tournée anglaise des Dolls. Il ne s’en remettra jamais.

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    Syl admire plus Johnny qu’il ne l’aime. Avant même de devenir Johnny Thunders, Johnny se comporte comme une rock star. Syl voit cette grâce en lui mais aussi le pouvoir qu’il tire d’un ego surdimentionné. Autre détail capital : quand un jour Mercury octroie une belle somme aux Dolls pour acheter du mathos, Johnny reçoit 800 $ car il est lead et Syl seulement 300 parce qu’il est rythmique. Il est fumace ! Il doit se contenter d’une Les Paul Junior jaune, alors que Johnny se paye une Les Paul Black Beauty. Mais quand il entend le son que Syl sort sur sa Junior, il lui propose immédiatement un troc et Syl récupère la Black Beauty. Johnny va garder ce faible pour la Junior jusqu’au bout. En fait, Syl et Johnny passent leur vie à faire du troc. C’est leur mode de relation, comme dans la cour de l’école, quand on troque des calots ou des petites bagnoles de course. Eux troquent les fringues et les guitares. Un autre jour, Syl tombe amoureux d’une Gretsch White Falcon qu’il croise dans une vitrine sur le 48e rue. Elle coûte 800 $ mais il parvient à se l’offrir. Quand il arrive avec elle en répète, les autres sont impressionnés. «Holy smoke !» «Aw my God !» Évidemment Johnny la voit et la veut : «I’ll trade you for it now ! Syl, je te donne tout ce que je possède en échange !». Mine de rien, avec tous ces petits épisodes, Syl en dit plus sur Johnny que n’en rêve ta philosophie, Horatio.

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    Le book est déjà bien vivant quand Syl entre dans le vif du sujet, c’est-à-dire l’épopée des New York Dolls, déjà mille fois rabâchée. Mais Syl apporte des éclairages nouveaux et intéressants. Qui compose «Frankenstein» ? Lui. C’est en fait l’histoire des Dolls. Syl raconte qu’ils font tout à l’envers dès le départ. Il prend l’exemple des Stones qui ont commencé avec le best rock’n’roll, puis the best drugs et enfin the best chicks. Well guess what ? Les Dolls font la même chose, mais à l’envers : d’abord les plus belles filles, puis les meilleures drogues et enfin the best rock’n’roll. Syl a cette énergie rigolote de la dérision, mais basée sur des faits réels qui relèvent de la flamboyance. You build the legend first, and then justify it - Tu construis ta légende et tu te débrouilles pour que ça tienne la route. Dans Interview, la mythique feuille de chou d’Andy Warhol, on qualifie le rock des Dolls de Subterranean Flash Sleazoid Rock. Malgré tout ça, les Dolls ont peu de chance de réussir aux États-Unis. Syl dit que par contre les Anglais et les Français avaient tout compris. Autre petit détail éclairant : Syl voulait Bowie pour la prod du premier album, car l’Anglais avait déjà produit Lou Reed et Iggy, c’est-à-dire Transformer et Raw Power - Think about it ! - Il aurait complété la trilogie - Classic American Gutter Rock - Malheureusement, Bowie n’est pas disponible car il tourne.

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    Flamboyants les Dolls ? Syl est obligé de relativiser quand il entre dans le monde d’Andy Warhol, via the back-room at Max’s Kansas City. Il y voit Eric Emerson porter le jean en cuir argenté que va lui emprunter Iggy pour Raw Power. Emerson grimpe sur une table, baisse son fute et commencer à se branler devant tout le monde. Syl fréquente aussi Holly Woodlawn, l’une des superstars d’Andy Warhol qui lui explique que si les Dolls se croient flamboyants, c’est une erreur, car selon elle, ils n’ont pas encore commencé à le devenir. Syl qualifie Holly de femme intelligente, créative and what a survivor, une notion capitale dans l’histoire d’un groupe comme les Dolls. Et pourtant, le Killer Kane en tutu flirtait avec la flamboyance. Syl : «Il avait cette expression sur le visage qui semblait dire ‘j’ai mis toute mon âme dans cette note que je viens de jouer, ladies and gentlemen.’ En tutu. Quelques années plus tard, Captain Sensible fera lui aussi une fixette sur le tutu, mais je le jure devant Dieu, le Captain avait l’air d’un enfant de chœur comparé à la full Killer Kane experience.» Syl parle de cette frontière à peine visible qui sépare l’insanité de la flamboyance.

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    Quand le premier album des Dolls paraît en Espagne, le gouvernement de Franco interdit la pochette, mais les spanish kids l’achètent en masse. Syl est ravi de voir qu’en Europe, les kids ont compris l’humour des Dolls, leur côté excitant et toute la sexualité qui va avec. Syl pense que les Dolls auraient dû s’implanter en Europe où le public les recevait cinq sur cinq.

    Et puis avec la pression, les excès arrivent : Arthur a la bloblotte parce qu’il boit comme un trou, et dès qu’il commençait à trembloter, il fallait lui donner une bière. David buvait aussi et pouvait devenir un nasty drunk as well. Johnny was Johnny et Jerry était le seul qui ne semblait pas affecté par sa consommation massive d’héro. «He’s the only person I ever met for whom heroin was the better drug», en gros c’est le seul mec qu’ait connu Syl qui s’entendait bien avec l’héro.

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    Par contre, le deuxième album des Dolls annonce la fin des haricots. Syl dit que ce n’est pas un album des Dolls, car Shadow Morton fait venir des musiciens de session en studio. Pour Syl il s’agit plutôt du premier album solo de David Johansen. Après cet épisode dont personne n’est content, le groupe commence à se désintégrer. Syl essaye de redonner du souffle aux Dolls en composant, car le mal vient de là, de la stagnation. Il pond «Teenage News», certain que c’est un hit. Il organise une répète, mais à part David, personne ne vient. Mercury arrête les frais, le management les lâche pour lancer Kiss et Aerosmith, les ventes chutent et les copines se barrent vers des horizons meilleurs. Tout ça se termine avec un plan délicieusement trash dans un camping de Floride. Syl ramène son lot de détails gratinés, notamment ce voisin qui passe ses journées entières assis à la porte de sa caravane : il démonte son flingue pour le nettoyer et le remonte. Puis il le redémonte et le reremonte. Et ainsi de suite. Syl évoque aussi les beaux-frères de Jerry, qui débarquent régulièrement à l’heure des repas : «Hey, vous êtes tous des pédés ? On sait que vous venez de New York, mais c’est vrai que vous êtes des pédés ?» Du pur Vuillemin.

    Signé : Cazengler, Sylvain est tiré

    Sylvain Sylvain. Disparu le 13 janvier 2021

    Sylvain Sylvain. There’s No Bones In Ice Cream. Sylvain Sylvain’s Story Of The New York Dolls. Omnibus Press 2018

     

    Bogert back (where you one belonged)

    - Part One

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    Tim Bogert vient de casser sa pipe en bois, le même jour que Sylvain Sylvain. Pour rendre hommage à celui qui fut sans doute le plus grand bassman des Amériques, nous ressortons des archives un conte bien con qui célébra en son temps Cactus, le plus piquant des groupes de full blasting power.

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    Thor Fergüsson achève son festin. Il s’essuie les mains dans son énorme barbe rousse.

    — Ah ! comme les viandes étaient grasses !

    Il s’empare du pot d’étain posé devant lui et le vide d’un trait. Rrrrrrrrrrah ! En rotant, il éteint la moitié des chandeliers.

    — Bon, au boulot !

    Il ramène vers lui le gros téléphone rouge qui trône sur la table parmi les victuailles. Il décroche et compose religieusement l’un des numéros tatoués sur son avant-bras gauche.

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    — Allo ? Pourrais-je m’entretenir avec monsieur Carmine Appice ?

    — Lui-même...

    — Permettez-moi de me présenter. Thor Fergüsson ! Mon nom ne vous dira rien mais sachez que j’organise chaque année un concert historique en Scandinavie. J’invite les géants du rock. Les dieux par chez nous en sont très friands. Mais vous savez, les dieux font parfois des caprices, comme les enfants. Et si par malheur on ne cède pas à leurs caprices, ils en prennent ombrage... Gare aux conséquences...

    — Monsieur Fergüsson, mon temps est précieux, venez-en fait, je vous prie !

    — D’accord. Les dieux veulent voir Cactus... Cactus est à leurs yeux le plus grand groupe de speed-rock des seventies...

    — Quoi ? C’est une blague ? Vous feriez mieux d’essayer de me vendre une cuisine, vous auriez plus de chance, hé hé hé...

    Thor Fergüsson déteste qu’on le contrarie. Une rougeur terrible lui monte au front et ses yeux se plissent.

    — Le cœur de Thor Fergüsson est en argent et sa parole est en or, n’oubliez jamais cela, Monsieur Appice !

    Carmine ne comprend rien, mais il sent bien que l’homme ne plaisante pas.

    — Restez en ligne une minute ou deux, monsieur Fergüsson, il faut que j’en glisse un mot à mon associé ! Ce ne sera pas long...

    Carmine met la ligne en attente et se penche vers Tim Bogert qui est vautré dans la banquette, juste à côté.

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    — Hey Timmy, un espèce de cinglé me demande de remonter Cactus pour un festival en Scandinavie...

    Tim qui sirotait un grande goulée de bourbon s’étrangle.

    — Mais on vient de remonter notre vieux Fudge !

    — Oui, mais ce n’est pas le problème ! Tu sais bien qu’on peut jouer dans les deux groupes en même temps, mon p’tit Timmy ! N’oublie pas que nous sommes à nous deux la plus grande section rythmique du monde ! Ha ha ha ha !

    — La plus belle powerhouse station de tous les temps ! Ho ho ho ho !

    — La plus grosse loco d’Amérique ! Hi hi hi hi !

    — Le plus beau bulldozer des temps modernes ! Hé hé hé hé !

    — Et dire que Jeff Beck et tous les autres se prosternaient à nos pieds ! Ha ha ha ha !

    Tim et Carmine hurlent de rire et se tapent sur les cuisses.

    — Bon, qu’est-ce qu’on lui dit, à l’autre allumé du bec benzène ?

    Tim réfléchit un instant.

    — Tu sais bien que la reformation de Cactus pose un sérieux problème... Jim McCarty serait certainement d’accord, mais Rusty est mort...

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    Le regard de Tim se voile instantanément. Il adorait Rusty. Carmine et lui venaient de lâcher le Vanilla Fudge après le bide du second album, The Beat Goes On. Ils montaient Cactus et cherchaient un screamer. Ils finirent par dénicher Rusty Day à Detroit. Rusty chantait dans les Amboy Dukes, l’un des groupes phares de la scène de Detroit. Il avait exactement le profil du fou hurlant que recherchaient Tim et Carmine. Avec ses cheveux longs, sa mauvaise barbe rousse, ses grosses lunettes noires, ses cris d’orfraie et son goût immodéré pour le chaos, Rusty Day allait répondre à toutes les attentes, non seulement celles de Tim et de Carmine, déjà vétérans du circuit de clubs et rois de la débauche, mais aussi celles d’un public américain lassé des groupes précautionneux et prévisibles. Cactus allait servir sur un plateau d’argent un chaos total saupoudré de la démesure qui caractérisait déjà le Vanilla Fudge. Avec leur premier album, ils allaient lâcher deux bombes au napalm : une reprise du fameux «Parchman Farm» de Mose Allison et «Let Me Swim», un boogie aussi endiablé qu’incontrôlable. On pouvait y entendre le solo de Jim McCarty courir comme le furet, Carmine multiplier les breaks acrobatiques,Tim caramboler ses notes de basse et Rusty hurler à s’en arracher les ovaires. Cactus jouait le boogie à la vie à la mort, et ce bassiste fou qu’est Tim Bogert percutait des notes atonales, des résidus de bas de manche, des trilles prohibées et des gimmicks d’une indécente virtuosité.

    — Allo ? Monsieur Fergüsson ? Vous êtes toujours en ligne ?

    — Oui... Alors, dites-moi... Quelle est votre décision ?

    — À priori, Tim Bogert et moi-même sommes d’accord. Vous savez, nous ne vivons que pour le rock. C’est notre destin et nous l’assumons pleinement, yo ! Nous devons cependant contacter notre guitariste Jim McCarty et lui demander son avis, mais nous savons bien qu’il sera fou de joie à l’idée de rejouer dans Cactus. Vous savez, Jim n’est pas n’importe qui. Il est en quelque sorte l’inventeur du power riff. Il faut dire qu’il a eu beaucoup de chance, puisqu’il a joué dans les Detroit Wheels de Mitch Ryder, à Detroit, puis dans le Buddy Miles Express... Ça laisse des traces, comme vous pouvez l’imaginer...

    Thor Fergüsson produit un raclement de gorge. Il sait tout cela, mais ne laisse rien paraître de son agacement. Il sait être en de rares occasions d’une discrétion à toute épreuve. Carmine reprend :

    — Nous allons cependant nous heurter à un gros problème... Rusty Day n’est plus de ce monde...

    — Ah bon ?

    — Voici quelques années, Rusty se trouvait en Floride et vivait du trafic de drogue, comme l’ont toujours fait les rockers de Detroit. Il s’était mis en cheville avec le gang de Scarface et les choses ont mal tourné. Rusty, son fils et deux de ses amis séjournaient dans un motel, à la sortie de la ville. Scarface et son gang de portoricains ont débarqué un soir et ont nettoyé la chambrée à coups de mitraillette. Ta-ta-ta-ta-ta-ta ! Ta-ta-ta-ta-ta-ta-ta-ta-ta-ta-ta ! Vous voyez un peu le genre ?

    — Oui oui...

    — Évidemment, la police n’a jamais retrouvé les coupables. Rusty était criblé de balles, comme Nate Diamond dans The Gates Of Heaven. Inutile d’ajouter que l’avenir de Cactus est compromis... Mais peut-être avez-vous une solution ?

    — Que voulez-vous dire ?

    — J’ai cru comprendre que vous aviez des accointances avec certaines divinités...

    — Je ne vous suis pas bien...

    — Bon, je vais aller droit au but, puisque vous ne semblez pas vouloir me comprendre. Pour que Cactus rejoue un jour sur scène, il faut ressusciter Rusty Day... Cactus sans Rusty Day ne sera jamais Cactus, suis-je assez clair ?

    — Monsieur Appice, vous me demandez de ressusciter Rusty Day, c’est bien cela ?

    — Vous m’avez parfaitement compris !

    — Bon, je vous rappelle dans un heure.

    Carmine raccroche en hurlant de rire. Tim enlève ses lunettes pour s’essuyer les yeux. Il en pleure. Il a suivi la conversation à l’écouteur. Il sert deux grands verres de Jack Daniels. Ils n’avaient pas ri comme ça depuis longtemps. Ils se renversent dans la banquette. Carmine lève les bras au ciel :

    — Thor Fergüsson, le sorcier vaudou du walalah ! Ha ha ha ha !

    — Le White Zombie du cercle polaire ! Ho ho ho ho !

    — Le Vincent Price des fjords ! Hi hi hi hi !

    Tim se tord de rire.

    — Arrête ! J’ai mal au ventre !

    — Thor Fer... Fergüsson, hi hi hi, le ressusciteur du train fantôme ! Ho ho ho ho !

    — Le Fergüsson toujours deux fois ! Hé hé hé hé !

    Carmine se redresse.

    — Sers-m’en un autre Timmy, le rire me dessèche la gorge !

    Tim se lève pour aller chercher une autre bouteille dans la cuisine.

    — Tu crois qu’il va rappeler, notre ami To-Thor ?

    — Ça m’étonnerait... Il doit déjà être en train de rappeler Marky Ramone pour lui proposer de remonter les Ramones avec trois zombies, ha ha ha ha !

    — C’est vrai que ce serait un bonne idée de remonter Cactus... On était quand même les meilleurs. Les Ten Years After se croyaient les plus rapides avec leur fucking Goin’ Home... Comment on les a coiffés sur le poteau avec «Parchman Farm» ! Quelle rigolade !

    — On devrait appeler Jim pour lui raconter cette histoire... Il va bien se marrer...

    — Bonne idée !

    Carmine attrape le téléphone et compose le numéro.

    — Allo Jim ? Carmine à l’appareil...Tu vas bien ? Attends une seconde... Timmy tu n’as pas entendu frapper à la porte ?

    — Non...

    — Vas voir, il me semble qu’on a frappé... Ouais, Jim, excuse-moi, et ta femme, elle a toujours ce joli cul ? Bon. Oui, figure-toi qu’il nous est arrivé une drôle de mésaventure aujourd’hui...

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    Carmine lève la tête et voit Tim revenir dans le salon en titubant. Il est blanc comme un linge.

    — Tim ! Qu’est-ce qui t’arrive ? Excuse-moi, Jim, attends, ne quitte pas, Tim a un problème !

    Crack ! Tim s’écroule d’une pièce, face au sol. Les verres de ses lunettes se brisent.

    Affolé, Carmine se met à beugler :

    — Ho Tim, réveille-toi ! Qu’est-ce que c’est que ce cirque ? Ho Tim, merde, à quoi tu joues, là ?

    Carmine entend des pas très lourds dans le couloir. Il lève la tête et, à la vue de l’apparition, il bondit hors du canapé, comme s’il avait reçu une énorme décharge électrique.

    Rusty Day se tient dans l’encadrement de la porte du salon.

    Tétanisé, Carmine commente d’une voix chevrotante :

    — Oh shit, Jim... Tu ne voudras jamais me croire ! Rusty se pointe à l’instant dans le salon ! Mais si c’est vrai ! Mais c’est quoi ce bordel ?

    Rusty Day semble flotter sur ses jambes. Il avance les bras ballants. Une sorte de glaise parsème ses cheveux et ses vêtements en lambeaux. La couleur de sa chair tire sur le gris vert cadavérique. Son T-shirt est criblé d’impacts de balles. Il fixe Carmine d’un regard bizarre, ouvre lentement la bouche et marmonne d’une voix d’outre-tombe :

    — Hello ! Carmine... T’es toujours aussi con ?

    Signé : Cazengler, Tim Boberk

    Tim Bogert. Disparu le 13 janvier 2021

     

    Le rock est (pas) mort - Vive le rock !

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    L’épidémie de peste noire n’épargnait rien : ni les bourgeois, ni les paysans, ni les larrons, ni les fêtes de fin d’année rituellement consacrées au renversement des réacteurs abdominaux et à l’instigation de liquides sénescences. Alors que l’épidémie faisait rage et qu’on jetait des centaines de milliers de pestiférés dans des bûchers dressés aux carrefours, Dieu eut un geste de miséricorde : il fit parvenir aux lecteurs de Vive Le Rock une petite compile compatissante.

    Elle arriva par courrier séparé. L’enveloppe matelassée ne contenait que le petit objet cartonné. Pas de courrier explicatif, rien. Sur le recto, un père Noël punk brandissait une bouteille de Vive le Grog et trinquait à votre santé : Cheers ! Et il ajoutait : «Thanks for being a Vive le Rocker». Pour être tout à fait franc, nous restâmes un moment béat devant le petit objet carré, ne comprenant ni sa provenance ni sa signification. Ce n’est qu’en le retournant que la lumière se fit. Quatre lignes : «Merci d’être un VLR Subscriber et de votre aide en cette année particulièrement difficile. On espère que vous apprécierez cette petite sélection de morceaux enregistrés par des amis à nous et qu’elle va rocker votre christmas tree !». Il n’y avait aucune trace de l’existence de cette compile dans le canard lui-même, ni dans le # 77 (december) ni dans le # 78 (january). Il s’agissait d’un pur élan de générosité conviviale placé sous l’égide de la miséricorde divine.

    Nous décidâmes de l’écouter aussitôt en coiffant le casque, ce qui permettait de joindre l’utile à l’agréable : les hurlements des guitares allaient enfin couvrir ceux qui provenaient de la rue, c’est-à-dire les hurlements des gens suspectés de porter les germes et qu’on jetait vivants dans les bûchers. Les pouvoirs communautaires n’y allaient pas de main morte et nul n’était censé ignorer la loi de la sélection naturelle. La raison ne faisait plus partie de ce monde.

    Cette compile Cheers tombait à pic, en ce sens qu’elle tisonnait le brasier introspectif. Dès le ska beat de Neville & Sugary Stapple et le punk à l’ancienne d’un groupe nommé Noise, force fut d’admettre que Cheers s’enlisait dans le passé. Cette compile s’ingéniait à rebrousser chemin, alors que celle de Mojo indiquait clairement la direction de l’avenir. Un groupe nommé Southern Ulster s’affairait à réveiller les vieux démons de la guerre civile irlandaise en singeant le Rotten. Tous ces cuts pouvaient très bien dater de 1977, mais ils dataient de 2020. Oh bien sûr l’énergie restait intacte et c’est ainsi que Vive Le Rock affirmait sa position, en tant que bastion d’une punkitude éternelle qui de toute façon n’était pas conçue pour évoluer. Tous ces groupes jouaient au bardus maximalus cubitus, et rien n’aurait pu les détourner de leur entêtement.

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    On tombait un peu plus loin sur quatre écumeuses qui font le buzz, Maid Of Ace, avec «Live Fast Or Die». Bien soutenues par un joli son de batterie, elles besognaient le destroy punk oh boy à l’arrache, ces harpies mettaient en charpie le gaga-punk et l’infra-basse remontait dans les jambes du pantalon. Rien de révolutionnaire, mais la pensée que des groupes pussent encore défier ainsi les règles de bienséance réchauffait le cœur. Avec son «Shadow Of Dreams», Tara Rez provoquait le même genre d’émoi : voix magnifique, présence très toxique, elle se fondait dans le moule comme une tranche de lard dans la poêle. Elle s’ingéniait plus à exploser le doom qu’à l’explorer. Mais en parallèle, la réflexion couvait : tous ces groupes ne devenaient-ils pas inutiles avec l’interdiction des concerts ? Et sous le casque, ne devenaient-ils pas doublement inutiles ? La meilleure illustration de cette petite mort de la pensée fut l’irruption des Ruts DC, avec «Dangerous Minds». Les Ruts sans Malcolm Owen, c’était un peu la même chose que les Doors sans Jimbo : une sinistre arnaque. La compile s’enfonçait ensuite dans l’obscurité avec des luninaries comme Youth, Paul-Ronney Angel, le rock festif de Ferocious Day et les Restarts. Nous dûmes convenir avec Eugene Butcher, la tête pensante de Vive Le Rock, que nous n’avions pas les mêmes goûts. Envoyés eux aussi par Dieu, deux sauveurs allaient arracher cette compile des flammes auxquelles nous la destinions : Nik Turner et Jaz Coleman. Auréolé de légende, le vieux Nik embouchait son saxophone chamanique pour jazzer «The Cracker». Il continuait d’arpenter les cercles magiques, comme au temps d’Hawkwind, il dansait au bord de l’abîme qui est aussi la fin du monde, the edge of time. Et Jaz rallumait les brasiers de «Wardance», magnifique illustration du pandémonium dans lequel nous étions tous précipités. Killing Joke fut l’un des groupes les plus extrêmes de l’histoire du rock, mais en ces temps d’apocalypse, cette version live de «Wardance» tapait en plein dans le mille car elle indiquait clairement qu’avec la raison, l’espoir avait lui aussi abandonné ce monde.

    Signé : Cazengler, Vive le roquefort !

    Compile Vive Le Rock - Cheers ! Thanks For Being A Vive Le Rocker - December 2020

     

    Got my Mojo working

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    Crack ! Crack ! C’est le bruit que font les pipes en bois qui cassent. Deux en même temps, cette fois, Tim Bogert et Sylvain Sylvain. Deux pages d’histoire du rock se tournent d’un coup. Jusque là les défaitistes parlaient de rock de vieux, maintenant ils ne parlent plus que du rock des morts. Tous les héros se font la cerise, bientôt il ne restera plus que nous, les fans. Alors forcément l’horizon s’obscurcit, d’autant plus vite que l’épidémie de peste noire se pose comme un suaire sur la fin des haricots du rock. Que veux-tu faire ? Recommander ton âme à Dieu ? Ha ha ha ! Mais ça ne sert à rien ! Jamais la marge de manœuvre ne fut plus ténue.

    En fait, on s’inquiète pour des prunes, car le rock, c’est Zorro. On le dit mort, pfffff, mais non, il surgit hors de la nuit, il court vers l’aventure. Son nom ? Il le signe à la pointe de l’épée, d’un R qui veut dire Rocko. Rocko est invincible. Bon d’accord, des héros disparaissent mais d’autres arrivent, avec leurs idées, leur énergie, leurs boots et leur fierté de porter cet héritage, sans doute le seul qui vaille, car suprêmement dématérialisé. On parle ici d’héritage culturel, d’hommages rendus avec des guitares, pour que la grande fête païenne se poursuive envers et contre tout. En ce début d’année vérolée, Mojo nous fait le plus beau des cadeaux avec sa compile Psych Ops!. Mojo lâche sa meute, quinze groupes féroces comme des loups, Rocko n’a jamais été aussi carnivore, aussi affamé de chair fraîche. Le fait qu’ils soient lâchés en même temps donne encore plus d’impact à tous ces groupes, ça les rend encore plus brutaux. Il est des compiles qui marquent l’histoire du rock au fer rouge et celle-ci pourrait bien en faire partie. Tim Bogert et Sylvain Sylvain seraient les premiers à s’en repaître.

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    Tiens, rien que pour l’«I Need A Doctor», des Hot Snakes ! Mais oui, le groupe de John Reis qui jadis mit le feu aux poudres avec Rocket From The Crypt. On les connaît les Hots Snakes, on les a vus sur scène, ce sont des barbares. Ils ne savent faire qu’une seule chose : brutaliser les oreilles des chrétiens. Chez eux tout est tendu à se rompre, le beat, le bassmatic, le chant, wow, ce mec a besoin d’un doctor, il gueule tout ce qu’on peut gueuler dans ces cas-là, et nous on danse dans la cuisine, on savoure chaque goutte de cette merveilleuse rincette d’excellence dévastatrice. John Reis forever ! Souviens-toi de ces mecs de San Diego. Ils sont la saveur du rock. Et voilà que revient le temps des géants avec Ty Segall, John Dwyer et Sonic Boom. Mojo a choisi un cut relativement ancien de Ty Segall et Mikal Cronin tiré de Reverse Shark Attack, mais ce «Take Up Thy Stetoscope And Walk» est d’une brûlante actualité, car ils allument la gueule de Dieu qui s’approche trop près, ils jouent avec toute la violence du monde, mais une violence intentionnelle, celle qui fout la trouille, leurs explosions outrepassent celles des Who et du MC5, ils sont dans la brutalité sonique délibérée, leur rentre-dedans pourrait bien sauver l’humanité. Pourquoi ? Parce qu’on sort de là régénéré. John Dwyer tape lui aussi dans la transmutation des gènes du rock avec Thee Oh Sees et «Encrypted Bounce». Comme son pote Ty, il règne sans partage sur le vrai monde, celui qui nous intéresse, le monde du Psych Ops so far out, alors on lui colle au train, car il est à la pointe de la modernité. Dwyer nous rappelle que la sauvagerie est une valeur universelle, sans doute la plus précieuse. Quant à Sonic Boom, on en disait le plus grand bien ici même il n’y a pas si longtemps. Mojo sort «I Can See Light Bend» de son dernier album, All Things Being Equal, et le cut prend dans ce contexte une résonance particulière : il semble tiré comme Moïse tiré d’un panier sacré trouvé dans les roseaux du Nil. L’avenir appartient à ces mecs-là, Segall, Dwyer et Boom. Mais aussi aux Wooden Shjips de Ripley Johnson que Mojo qualifie de benign guitar god. C’est juste, car avec «Golden Flower», Ripley Johnson mixe le dronerock des Spacemen 3 avec le son du early San Francisco freak-out. Ce barbu est un merveilleux driver de circonvolutions, il chante au doux du menton mais il entraîne derrière lui une escadre entière pour une partie d’hypo à faire pâlir d’envie Sister Ray.

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    L’autre légende à roulettes s’appelle Tim Presley. Ce mec a traîné avec Ty Segall et a joué un temps dans the Fall, sur l’album Reformation Post TLC, ce qui lui vaut le respect de tout l’underground. Mais ce qui le grandit encore, c’est sa fascination pour Syd Barrett. Son groupe s’appelle White Fence et Mojo propose «Neighborhood Light». On sent chez Tim Presley une volonté de brouiller les pistes. Il fait son coup de Syd, poussant nous dit Mojo les explorations musicales de Syd dans une direction encore plus étrange. L’autre magnifique prestation est celle des Death Valley Girls, avec «Hypnagogia», tiré de leur dernier album, Under The Spell Of Joy. Mojo parle d’un mélange de sax free et de Ronettes occultes. Alors banco ! On y va les yeux fermés. Elles sont le totem, elles sortent un son puissant, explosif, d’une profondeur insondable. On croise aussi un certain David Vance. Ce mec joue dans les bois. Comment ça dans les bois ? Eh oui, il tire une très très très longue rallonge électrique pour brancher son ampli. Il gratte donc sa gratte au coin du bois et souffle des coups d’harmo. Il vise clairement le striped down et présente son cinquième album. Jouer loin des villes, c’est sa façon de dire que le rock a la peau dure. Wand restera sans doute le plus étonnant de tous ces groupes férus d’avenir : le boss s’appelle Cory Hanson, un mec qui a joué avec Ty Segall et Mikal Cronin, et son «Perfume» permet de constater qu’il en connaît en rayon en matière de freak-out. Il sort un son plein d’espoir, un composé de hardcore angelino et de pop de Brill, bien gorgé d’harmonies vocales, alors on va voir si la rose est éclose et après une fausse fin, Wand explose, les girls sonnent les cloches du cut et naviguent tout là-haut, dans les nuées de l’imparable félicité. Par contre, on a deux ou trois trucs qui ne marchent pas, comme White Denim, la Luz et cette grosse arnaque qu’est King Gizzard. On peut aussi se pencher sur le cas d’Olivia Jean qui nous dit Mojo est descendue de Detroit pour aller lancer les Black Belles à Nashville. Suivie de près par le riffing de la scierie, cette petite égérie fait son élégie. Alors qu’on lui scie les pattes, elle saisit l’esprit mais affiche un mépris total du qu’en dira-t-on. Pendant qu’elle campe son personnage, certaines phases explosent et d’autres captivent.

    Signé : Cazengler, Mojobard

    Psych Ops - 15 new garage rock nuggets. Mojo # 327 - February 2021

     

     

    ABOUT VINCE TAYLOR

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    De Marc Villard nous avons déjà chroniqué dans notre livraison 49 du 22 / 10 / 2011 Sharon Tate ne verra pas Altamont et La vie d'artiste, beau polar-jazz, dans notre livraison 51 du 05 / 11 / 2011, mais ce coup-ci, c'est différent. Il s'agit d'un recueil de courtes nouvelles intitulées Bonjour, je suis ton nouvel ami. Un truc sympathique, publié chez L'Atalante en 2001, marrant, vite écrit, plein de vide et de pages blanches, vite lu, mais dont la lecture est loin d'être nécessaire pour votre survie mentale. Sauf les pages 87 – 89 sobrement intitulées Vince Taylor.

    Elles dénotent dans le book. Un trou noir, dans les mésaventures désopilantes d'un cadre un peu ventripotent, de quarante ans, ce qui signifie rideau pour les filles, qui jette un regard désabusé sur sa vie d'écrivain dont il refuse d'être dupe, au moins autant que de ses existences professionnelle et familiale, mais l'on n'est pas obligé de le croire, aux prise avec l'absurdité du monde contemporain. On aime, parce que dans les flèches qu'il envoie tous azimuts, sur ses proches et ses collègues de travail, il privilégie sa propre cible. Dans la série, vaut mieux en rire pour ne pas pleurer, il ne se fait pas de cadeau.

    Oui mais ces quelques lignes terribles relatent ce que l'on ne peut même pas appeler de véritables rencontres, à quinze années de distance, avec Vince Taylor, elles font froid dans le dos. Tout ce qui sépare la dèche de l'ange de la déchéance.

    Damie Chad.

    *

    L'année dernière, pas besoin de remonter aux calendes grecques, c'était il n'y a pas longtemps, au tout début du mois de décembre, nous évoquions Klone et sa très belle version de The Spy des Doors. Dans la cronic nous en venions à parler de la Klonosphère, cette structure issue d'un collectif artistique regroupant Klone, Hacride et Trepalium, créée en 2001. Vingt ans après comme écrivait Alexandre Dumas, plus de cinquante groupes, rock ( pas mal ), metal ( beaucoup ), et pop ( un peu ), gravitent, tels des électrons libres, et à des degrés divers autour de cette structure qui leur propose aides et services. Régulièrement ils mettent quelques combos en promotion ( le mot n'est pas très bon, il sent un peu trop fort la grande distribution ), nous avons été alertés par Lewis qui présente son premier clip, oui mais dessous, il y en avait un autre avec cette inscription, Bee Blue, lorsque le mot blues s'étale devant nous il agit sur notre imaginaire comme le gruyère sur la souris prise au piège, surtout que la vidéo s'étant déclenchée toute seule, une espèce de bruit s'est fait entendre, cela ressemblait à un crissement de pattes d'alligator sur le carrelage de la cuisine. On se serait cru dans une cabane au cœur du bayou, nous n'en étions pas si loin, puisque Uncut est originaire de Poitiers, et qui dit Poitiers dit marais Poitevin. Nous avons voulu en savoir plus sur ce groupe qui se nomme Uncut.

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    La chance sourit aux audacieux. A peine avions-nous risqué le non d'Uncut sur l'ordi qu'il nous envoie immédiatement chez eux, dans leur local de répétition, à Poitiers, tronches intelligentes, belles étagères d'album vinyles, fauteuils confortables, on aperçoit même Jim Morrison dans sa baignoire en arrière plan, on se croirait chez soi, en trois minutes France 3 Nouvelles Aquitaine, nous file une vision du combo en entremêlant à ses images celles d'un clip du groupe, viennent se sortir leur premier EP, et l'album ne tardera pas... L'on suppose que tout cela a dû être plus ou moins malmené par le covid, mais au final, ils ont tracé leur route, sont arrivés à passer entre les gouttes... Donc on écoute

    Alexy Sertillange : vocal and baritone guitar / Enzo Alfano : guitar / Pablo Fathi : drums

    UNCUT

    FROM BLUE

    ( KLONOSPHERE / 10 / 11 / 2019 )

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    Blue eyes lover : un texte un peu macho destroy qui se la joue romantico-ténébreux, par contre pour le bleu, vous avez plusieurs teintes, un clair au début, genre doucement les basses, on clopine grave, le bleu-blues de base, et brutalement ils le foncent à mort, les guitares se font lourdes et la voix devient enragée, vont nous refaire à plusieurs reprises le coup du ripolin à deux prunelles, et chaque fois ils rajoutent du pigment, un coup je le délaye, un coup je vous le beurre-noircise, n'arrêtent pas d'être inventifs, cinquante nuances du bleu en cinq minutes, un morceau tellement bien foutu que ça crève les yeux des amoureux, des amourocks. Belle carte de visite. Sûr, ces mec ne sont pas des bleus. Bee blues : ( + Paul Brousseau : keyboards ) :majesté du riff, la voix qui s'élève, les guitares qui s'égrènent, la batterie qui tamponote, des chœurs qui ululent, et puis la montée progressive, le riff se déploie, un incendie de forêt dans votre âme, car tout se passe dans la tête, ne suffit pas de jouer le riff le plus beau qui soit, faut encore que ceux qui l'écoutent sachent l'habiter, faut qu'il brûle dans leur imagination, qu'il se déchire aux ronces du vocal, ces coups de boutoirs de la batterie, sont-ce les dieux qui frappent à la porte de la réalité, ne vous étonnez pas des brisures, des cassures, Uncut vous refile le riff, c'est à vous de le transformer en or pur... les paroles osmosiquent la musique, elles apportent un plus, autant que chez Led Zeppe, qui lui aussi procédait du blues, de cette mythologie animale des instincts de survie primale. ( Voir le clip sur You tube ). Deandra : ( + Jean Marie Canoville du groupe Howard : vocal ) : le riff se lève sur Deandra comme le soleil sur la ville, comme le sourire sur les lèvres d'une fille sauvage. La batterie sur toutes les étagères des états de l'être, tout le reste autour, le vocal qui commence à moaner puis à bramer tel le cerf au fond du bois et les guitares qui cassent du bois. Coup de folie, ravages collatéraux, la ménagerie de verre se brise. Snake boogie : le boogie du serpent, un truc vieux comme la Bible, l'histoire du désir qui pointe et siffle. Classique, l'on en profite pour réfléchir à ces temps abrupts de silence qui essaiment dans les morceaux de Uncut, l'instant de se demander comment ils font pour ne pas rompre la force de l'avalanche sonore. Ces gars maîtrisent un max. Blue eyes lover : la preuve, vous pourriez penser qu'avec le volume vous écrasez les détails, alors ils vous refont deux morceaux en acoustique. Pas de tricherie possible. Vous pouvez suivre les pointillés de la guitare, et profiter des dénivelés. Que reste-t-il de votre ampoule lorsque vous la privez d'électricité. L'expérience d'Uncut s'avère positive, elle éclaire tout autant. Bee blues : celui-ci aussi privé de courant et en live comme le précédent. Plus près de l'early blues, peut-être plus beau, plus inquiétant, davantage ramassé tel le serpent sur lequel vous avez marché et qui s'apprête à vous mordre pour vous punir de vivre, une chose que vous savez mal faire. Murmures ululés tout doux, ou brandis tels des brandons de braise folle. Gold digger woman : leur première démo, pour plus tard, pour se rappeler d'où ils sont partis. Déjà Uncut mais pas encore eux-mêmes, trop de citations, un condensé de ce que les autres qui les ont précédés ont mis au point. Toutefois l'on pressentait que les élèves parleraient bientôt d'égal à égal avec les maîtres.

    Pour ceux qui auraient bêtement cru ( j'en fis partie ) que From blue signifiait qu'ils venaient du blues, ce qui n'est pas faux, le titre de l'album qui suit, tout simplement, Blue, ouvre une autre porte, montre que le groupe possédait un coup d'avance, sortait un EP en pensant déjà qu'ils amassaient les pierres d'assise de leur prochain opus.

     

    UNCUT

    BLUE

    ( Novembre 2020 )

    Si le feuillage dionysiaque qui couronnait la tête de nos trois riffeurs sur le premier EP nous renvoyait à une antique mythologie, la couve de l'album procède d'un autre mythos beaucoup plus récent, celui du farwest, Uncut veut-il nous signifier de faire gaffe, qu'ils sont armés, qu'ils ne sont pas uncolt...

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    Family blues : un riff qui rebondit comme sur un billard à douze bandes, et Sertillange qui murmure puis plante ses éclats de voix dans vos oreilles, ne suffit pas d'avoir le blues dans la vie, ce n'est qu'un début, débrouillez-vous pour en faire quelque chose, c'est comme le blues, vous l'asseyez sur une chaise électrique et il fait des étincelles à n'en plus finir. Le morceau en est la preuve évidente. Paul Brousseau et son orgue vous le soulignent au gros feutre rouge dans la cavalcade finale. Highway to Cagne : ça démarre sur les chapeaux de roue, et ça file sec, le combo a le diable au cul – on le rencontre sur toutes les highways to hell du monde – des accélérés de guitare à vous suicider pour en finir au plus vite, Alexy vous hache les mots à l'abordage, un stoner du tonnerre qui court plus vite que son ombre, sur la fin vous n'aboutissez pas, vous emboutissez la violence du rock'n'roll. Deandra : ( + Jean Marie Canoville : au vocal ) : repris de From Blue. Blue eyes lover : repris de From Blue. Bee blues : repris de From Blue. Small steps : intro barytonique et sonore, le riff s'est arrondi, écho sur les voix, celle du dessus, et celles du dessous, la beauté du morceau repose sur la splendeur des sonorités, étrangement le riff est ici moins découpé que sur les autres titres, mais la brillance de l'instrument évoque beaucoup plus le Dirigeable. Idem pour ces écartèlements de notes finales. Snake boogie : repris de From Blue. Display : blues un jour, blues toujours, Sertillange vous prend sa voix la plus cruellement incisive, l'on dirait qu'il sonde la plaie de son âme avec de gros doigts sales, les guitares pleurnichent des accords pour affirmer leur désaccords et l'on monte sur les hauts chevaux du drame, c'est le grand jeu, le drummin' rebondit sur le tronc d'un arbre plus dur que du fer, et l'on entre dans le grand tohu-bohu des passions humaines qui se déchaînent sans répit à la la manière de tronçonneuses dont vous avez perdu le contrôle. Diplodocus : quand on joue à jeu égal avec les dinosaures des ères précédentes, ne soyez pas étonnés de cette arrivée diplodocusive, musique lourde, qui écrase tout sur son passage Sertillange cornaque le monstre de sa voix, c'est sans surprise, mais quel beau spécimen de l'ère jurassique. Un fossile digne des plus grands musées. Mais attention, sur la fin vous avez des toussotements éruptifs et covidiques de saxophone initiés par Pierre Renaud... Le monstre ne serait-il pas en train de s'éveiller ? The trap : long morceau de plus de huit minutes, des larmes qui tombent bientôt recouvertes par d'autres larmes, la voix ne chante pas, elle parle, frissons de cymbales et l'on repart, pas plus fort, plus aigu, plus clairement pointu comme la souffrance qui s'insinue en l'esprit des petites filles dont le papa est mort à la guerre et dont la maman ne survivra pas, alors le murmure devient cri et le blues éclate comme une grenade à l'intérieur de votre tête et communique le feu au monde entier, gouttes de rosée lacrymale pour éteindre l'incendie, le lac débordera, l'orgue de Paul ride la surface salée de l'océan qui déferle et recouvre le monde'univers. Le blues gémit et se tord de douleur. L'est comme un serpent qui se hisse sur l'arbre de Dieu, l'on n'entend plus que le sifflement de ses écailles. L'on ne sait pas lequel aura tué l'autre.

    Uncut fait partie des grands.

    Damie Chad.

     

    STEPPENWOLF

    7

    ( Dunhill Records / Novembre 1970 )

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    La pochette est créditée à Tom Gundelfinger. L'on remarquera que le Live de 1970 offrait au dos sa couve, une fantomatique tête de mort blanchâtre perdue dans un noir absolu, dont les yeux vides vous fixaient étrangement. Etait-ce une simple vanité pour rappeler aux fans de base que nous sommes tous mortels, même les loups issus des steppes de nos désirs, nous ne savons pas, la mort qui ne dit rien interroge toujours les vivants. Un an plus tard sur la pochette de leur second live sorti en octobre 1971, le Grateful Dead nous offrira une sardonique couronne mortuaire à son effigie. Mais sur cette pochette la mise en scène est beaucoup plus grandiose. Deux gigantesques têtes de mort se regardent. L'on ne peut pas dire que tout comme les augures de l'antique Rome ne pouvaient se voir sans éclater de rire nos deux chefs de squelettes incitent à l'humour noir. La pochette est sculpturale, le paysage stérile et la mer immobile sur lesquelles elles reposent évoquent un paysage post-atomique, quant à la photographie du groupe, d'un bleu-vert cadavérique au milieu d'étranges protubérances de lichen végétatifs elle servirait très bien de jaquette au Précis de Décomposition d'Emil Cioran.

    Le 7 de Steppenwolf n'eut pas le succès escompté. Le Loup était peut-être trop en avance. Cinquante ans plus tard l'on ne compte plus les disques de groupes de hard et de metal qui ont emprunté et galvaudé le thème des têtes de mort sur leurs pochettes. Quant au logo de Guns N' Roses formé par Axel Roses, il adopte la forme de la forme de couronne mortuaire du live du Grateful dead, titré Skull and Roses...

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    Changement de décor à l'intérieur du gatefold. L'on retrouve les membres du Loup dans les ocres sables d'un désert impitoyable qui se font face, tels deux tribus qui s'affrontent, déguisés en guerrier improbables qui évoquent autant les peaux-rouges d'Amérique que les cataphractaires perses ou les hordes préhistoriques. Mais ce n'est pas fini, au dos de la pochette, surgissent, plantées, les longues jambes d'un cowboy – une attitude qui rappelle celle de John Kay sur les photos du groupe – pas plus haut que les talons de ses bottes, à ses pieds le groupe ressemble à un peuple de liliputiens. Chacun interprètera cet artwork à sa guise, serait-ce une vision glaçante et pessimiste de l'Humanité qui depuis des millénaires passe son temps à se battre pour finir par mourir, ou alors Tom Gundelfinger qui apparaît au bout de la photographie en minuscule David opposé au géant Goliath en un duel que l'on ne saurait qualifier de mortel car il tient, non pas un revolver, non pas une fronde, mais un appareil photo, preuve que ne subsistent que ceux qu'un artiste par son art a immortalisés.

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    John Kay : lead vocal, rhythm guitar, harmonica / Larry Byrom : lead guitar / Goldy McJohn : organ, piano / George Biondo : bass / Jerry Edmonton : drums

    Ball crusher : ce Byrom à la gratte c'est vraiment un lord. Le Loup n'a jamais été aussi au point, tiré d'équerre, rien ne dépasse et tout est plénitude. S'en sont rendu compte car sur les quatre minutes il y en a deux réservées en fin de route à l'orchestration. Tout commentaire serait superflu. Pour les paroles, cela m'étonnerait qu'à l'époque ils aient reçu les félicitation du MLF, aujourd'hui seraient cloués au pilori. Forty days and forty night : se rattrapent aux petites branches, le Kay chiale comme une madeleine puisque sa baby a fichu le camp depuis quarante jours, genre d'aventure qui est déjà arrivé à Muddy Waters, il ne faut jamais se couper de ses racines alors le Loup bleu plonge dedans comme aux grands jours de Chicago, Kay vous mord à la gueule, Jerry tapote méchant, un harmo porc-épic déchire, tout bouge dans le bouge, essayez de suivre vous deviendrez rouge de honte, car le Loup il ramone grave dans l'authenticité. Le vieux tube de Bernie Roth reprend un coup de jeune. Fat Jack : Chez le Loup on ne tire pas la gueule aux nouveaux arrivants, George Biondo ne peut pas se plaindre, non seulement il compose et il joue de la basse - l'a été embauché pour remplacer Nick Saint Nickolas - mais il se charge aussi du micro. Longue intro pour lui permettre de se lancer, l'on a mixé sa basse tout devant, et il assure, la voix un peu plus pointue que celle de Kay, mais les autres l'enveloppent comme s'ils avaient à déménager la Vénus de Milo, c'est charnu et plein jus, le fat man y perdra sa graisse de patron rondouillard, vous le font tourner en bourrique et tout le monde applaudit. On adore comme ils conduisent sans respecter les limitations de vitesse, ni les feux rouges. Renegade : un des morceaux les plus célèbres du Loup, Kay l'allemand raconte son évasion, son passage de la ligne, de l'Est vers l'Ouest. Car lui et sa mère sont des renégats qui quittent le paradis communiste pour l'enfer capitaliste ( ce qu'il y a de terrible c'est que si vous écrivez qu'ils échangent l'enfer communiste pour le paradis capitaliste, ça ne sonne pas plus rassurant ), certes il ouvre la bouche bien fort et vous découpe les vocables au chalumeau, mais il ne chante pas bien longtemps, laisse la musique parler à sa place et le Loup épouse sa colère, la fait sienne, l'endosse, les notes prennent l'ampleur des mots de Morrison et le flot orchestral devient plus puissant que celui des Doors. La voix de Kay se teinte de fiel et d'ironie. Lorsque le morceau se termine vous avez l'impression d'avoir passé la ligne, d'être un survivant à votre propre histoire. Foggy mental breakdown : retour au blues, après la claque de Renegade qui terminait la face précédente, où pourriez-vous vous retrouver sinon là. Kay et George se partagent le vocal, pas tout à fait dans le jeu originel question / réponse qui structure l'originélité du blues, mais à la manière du binôme des chevaux de tête qui s'entendent et s'entraident pour tirer la diligence encore plus vite, est-ce pour cela que l'harmonica vous colorise et vous countryse l'ambiance, toujours est-il que l'on se laisse transporter par ce tapis volant équipé d'un turbo surdimensionné. Snowblind friend : Kay ne lâche pas son combat contre les drogues dures, de Toyt Axton il avait donné une version démentielle du Pusher, texte anti-dealer, ici il évoque les ravages de l'héroïne, ce morceau ne suit pas par hasard le précédent qui évoquait le brouillard qui s'installe dans votre âme soumise à un coup dur, ce n'est pas une raison pour se laisser tenter par les enfers artificiels semble-t-il nous dire. Guitare acoustique, une ballade pour un ami mort, mais la voix qui se fait douce accuse tout autant que des cris comminatoires. L'âme country de l'Amérique dans cette berceuse qui arrive trop tard. Détone un peu dans l'album jusque là très électrique, mais résonne bien. Who needs Ya : retour à l'électricité, ça fume de tous les côtés, l'on ne quitte pas la mystique country, le gars qui se fait foutre dehors par sa chérie mais qui tient un discours sans fêlure, se mettent à deux – George et Kay - pour les invectives, le morceau roule tout seul, peut-être trop, heureusement qu'à la fin il y a ces touches de piano qui tombent comme des petits pois que vous êtes en train d'écosser et qui ricochent dans la passoire de la dureté du monde. Earschplittenloudenboomer : tradition Steppenwolf, un instrumental, Kay parle en Allemand ( le titre avec ses mots-valise collés l'un à l'autre le laissait prévoir, je ne connais pas la langue de Goethe mais en faisant court cela a l'air de signifier : super-casse-oreille ) alors que le disque n'a pas commencé. Pas vraiment génial, et ses cuivres qui s'en viennent rompre l'ambiance de l'album sont même désagréables. Hippo stomp : la chanson de l'hippopotame, trop gravement humoristique pour être un blues. Une fable sur le comportement humain. Un peu trop didactique, Kay y prend plaisir, nous un peu moins, l'impact sonore sauve le morceau qui s'améliore sur la fin. Gagne à être réécouté, l'est rempli de subtilité. Si les trois derniers morceaux de l'album sont un peu plus faibles que les précédents, le disque en son entier reste solide et vaut le détour.

    Damie Chad.

     

    XVII

    ROCKAMBOLESQUES

    LES DOSSIERS SECRETS DU SSR

    ( Services secrets du rock 'n' rOll )

    L'AFFAIRE DU CORONADO-VIRUS

    Cette nouvelle est dédiée à Vince Rogers.

    Lecteurs, ne posez pas de questions,

    Voici quelques précisions

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    Les filles se révélèrent d'un grand secours. Le Chef et moi-même les attendions prudemment à l'écart dans la voiture, à l'entrée ou à la sortie du village. Charline et Charlotte se chargeaient du ravitaillement dans les épiceries ou les boulangeries locales, tellement mignonnes, souriantes et polies que nul vendeur ne se méfiait d'elles et quand elles s'éloignaient les sacs débordants de victuailles personne ne songeait à leur demander d'où elles venaient, où elles allaient. Vite, elles nous rejoignaient, et je démarrais la vieille deutchole cahotante et nous reprenions notre périple par les routes secondaires et les chemins vicinaux. C'est que les nouvelles dispensées par l'auto-radio n'étaient pas bonnes. Nous étions recherchés, les reporters se rendaient sur les barrages établis par la gendarmerie dans l'espoir d'assister en direct à notre arrestation. Le Chef haussait les épaules et allumait un Coronado.

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    Nous mîmes quinze jours pour arriver près de Nice. Il était temps. Malgré nos chapeaux de paille et nos chemises hawaïennes lorsque nous croisions le citoyen de base sur la route l'on nous décochait des regards furibards. Ce n'est pas que l'on nous reconnaissait mais nos allures décontractées de vacanciers insouciants semblaient ulcérer les gens. Rien n'y faisait, même pas l'attitude pudique qu'adoptaient désormais nos deux passagères. Molossa et Molossito dument chapitrés se terraient sous les sièges, les filles avaient ramené un journal sur laquelle leur photo occupait la première page barrée de la mention '' Chiens Enragés''.

    Ce n'était pas le plus grave. Le troisième jour, apparurent les premiers masques, à chaque flash d'information, l'on annonçait le nombre des morts. Le coronado-virus était devenu l'ennemi N° 1. A chaque fois pour nous remonter le moral le Chef allumait un Coronado. Et nous éclations de rire comme des tordus.

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      • Agent Théodule, l'on s'arrêtera à la Théoule, à la villa des Trois Pins, ordonna le Chef

      • Je croyais que l'on allait à Nice s'exclama Charlotte

      • Trop dangereux ma chérie, Vince Rogers nous attend, il nous a préparé une base secrète depuis laquelle le SSR lancera sa contre-attaque

      • Mais comment sait-il que nous arrivons ?

      • Lorsque je lui ai rendu visite au début de la sombre affaire de l'homme à deux mains, nous avions convenu d'une cache cryptique au cas où... Agent Chad, ce prénom de Théodule vous sied à merveille, qu'en pensez-vous Charline, tournez à gauche, cette bâtisse esseulée sur sa colline, klaxonnez deux fois devant le portail, pas trop fort toutefois, restons discret !

    Le large vantail s'ouvrit pour nous laisser passer et se refermer aussitôt, à peine l'avions-nous franchi que les filles poussèrent des cris de joie en apercevant la vaste piscine. Molossa et Molossito entamèrent une poursuite effrénée entre les massifs du jardin. Vince Rogers nous attendait le sourire aux lèvres.

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    Le repas avait été copieux mais dès que le café fut servi, le conseil de guerre commença :

      • Nous avons quatre problématiques à résoudre exposa le Chef, la première est d'une facilité déconcertante. Il est clair comme de l'eau de roche que tout ce cirque médiatique autour du coronado-virus n'est qu'un prétexte pour se débarrasser définitivement du SSR. L'Elysée profite d'une manifestation épiphénoménale et habituelle d'un épisode grippal pour nous accuser. Les autres pays lui emboîtent le pas, il vaut mieux que le foyer infectieux originel soit en France que chez eux. J'aimerais maintenant que Vince Rogers nous éclaire un tant soit peu sur l'affaire Eddie Crescendo.

      • J'ai beaucoup réfléchi sur le cas Eddie Crescendo. Le destin de ce malheureux, il y a perdu la vie – les filles frissonnèrent de peur – n'est que l'arbre qui cache la forêt. Celle des Réplicants – les filles blêmirent – je suis persuadé que Crescendo s'apprêtait à révéler l'existence des Réplicants, c'est pour cela qu'il a été tué.

      • Les Réplicants sont très méchants l'interrompit Charline

      • Pas du tout, reprit Vince Rogers, ce ne sont pas les Réplicants qui ont fait disparaître Crescendo.

      • Ce sont des extraterrestres qui ont fait le coup assura Charlotte avec un tel aplomb que l'on aurait pu croire qu'elle avait assisté à la scène.

      • Pas tout à fait, répartit Vince, les extraterrestres se moquent de nous, peuvent survoler notre planète de temps en temps, vous avez vu les images de mon film, d'après ce que j'ai compris, au cas où un jour, peut-être dans dix mille ans, ils auraient besoin de notre monde, ils l'ont infiltré avec des Réplicants. Les Réplicants ne sont pas des êtres vivants mais des machines fabriquées à notre ressemblance.

      • Les extraterrestres ont donc ordonné aux Réplicants de faire disparaître Crescendo qui avait découvert leur présence conclut Charline qui aimait bien avoir toujours le dernier mot, c'était là son moindre défaut !

      • Pendant longtemps je l'ai cru, répondit Vince, mais si vous repensez à tous les évènements qui se sont déroulés depuis le début de l'affaire, vous vous apercevez, que quand les Réplicants entrent en jeu, la police n'est jamais loin comme par hasard. Non, voici mes déductions : l'Elysée a passé un accord secret avec les Réplicants, la machine s'est enrayée deux fois, voici quelques années quand Eddie Crescendo a décidé d'avertir, preuves à l'appui, les manigances qui relèvent de la haute trahison au plus haut sommet de l'Etat, et dernièrement quand Alfred le facteur censé espionné le SSR s'est pris d'une passion immodérée pour le rock'n'roll !

      • J'irai jusqu'à dire, cher Vince que tes hypothèses convergent avec les miennes – le Chef prit le temps d'allumer un Coronado – si l'Elysée veut anéantir le SSR, c'est parce qu'il connaît l'attrait d'Alfred pour le rock'n'roll, ils l'ont fait abattre croyant s'en débarrasser, mais les Réplicants sont des machines qui sont capables de s'auto-réparer. A force de vivre avec les humains, et de les imiter pour se fondre dans la masse, les Réplicants ont intégré dans leurs circuits nos habitudes, ils se sont assimilés, pensez à Thérèse la copine d'Alfred qui s'est pris d'amour pour Jean-Pierre !

      • Comme c'est romantique ! s'écrièrent en même temps Charline et Charlotte.

      • Sans aucun doute, mais le SSR ne peut vivre uniquement d'amour et d'eau fraîche, dès demain matin, le SSR se met en chasse, un seul but, neutraliser la tête pensante de ce micmac intolérable, une seule cible l'Elysée !

    Les filles en béaient d'admiration.

      • Sommes-nous assez nombreux, hasarda timidement Charlotte

      • Peuf ! – un nuage de fumée s'éleva du Coronado – si je compte autour de cette table, nous sommes cinq, c'est au moins quatre de trop, déclara péremptoirement le Chef, ayez confiance en moi pour établir le plan idoine et adéquat suffisant pour éliminer ce minuscule problème !

      • Super, on veut en être, s'écrièrent les filles tout excitées.

      • Vous en serez, affirma Vince, mais avant il faudra en finir avec les deux tentacules les plus noirs et les plus mystérieux qui s'en prennent à nous. Mes demoiselles, la mise à néant de l'Elysée, un jeu d'enfant, du pipi de chat, de la roupie de sansonnet, mais au début du conseil nous avons signalé quatre problématiques, et il nous reste à traiter des deux plus difficiles...

      • Ouah ! Ouah ! Ouah ! Ouah !, Molossa et Molossito tournaient comme des fous autour de la table en aboyant sauvagement, et en grognant si fort que l'on croyait entendre le tonnerre...

      • Voilà, demoiselles – tout le monde remarqua que le Coronado du Chef s'était éteint tout seul – nos chiens féroces et fidèles en savent plus que nous sur la nature du danger...

    ( A suivre... ).

  • CHRONIQUES DE POURPRE 493 : KR'TNT ! 493: EXPLORERS CLUB / CHRIS NEEDS / JARS / STEPPENWOLF / ROCKAMBOLESQUES XVI

    KR'TNT !

    KEEP ROCKIN' TILL NEXT TIME

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    LIVRAISON 493

    A ROCKLIT PRODUCTION

    SINCE 2009

    FB : KR'TNT KR'TNT

    14 / 01 / 2021

     

    EXPLORERS CLUB / KRIS NEEDS

    JARS / STEPPENWOLF

    ROCKAMBOLESQUES XVI

     

    Bienvenue au Club - Part One

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    En 2016, ce coquin d’Andy Morten nous mit à la bouche : il demandait à un mec à tête de big baby binoclard nommé Jason Brewer et membre d’un groupe nommé The Explorers Club quels étaient ses disques préférés, alors Brewer citait Friends et Sunflower des Beach Boys, disant que «Busy Doing Nothin’» était musical genius in a way no one but Brian could do it. Il ajoutait que Pet Sounds était son favorite album of all time et que le CD de Sunflower était resté pendant deux ans dans sa bagnole. Il citait aussi Burt Bacharach (Reach Out), The Fifth Dimension, à cause de Jimmy Webb (The Magic Garden. JIMMY WEBB. He’s king among writers and arrangers). À tout cela s’ajoutaient les noms des Simon & Garfunkel (Bookends), McCartney (Ram, qu’il compare à Smile - This is Paul’s Smile), Neil Young (After The Gold Rush), The Carpenters (Close To You) et Dylan (Nashville Skyline).

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    Donc alerte rouge. D’où sortait ce big baby binoclard ? Il faisait l’actu pour la parution du troisième album de The Explorer Club, Together. Donc, il fallait se rendre à la fin du canard, et chercher Together dans la partie Now des chroniques d’albums. C’est une autre Shindiger nommé Richard Allen qui se chargeait de besogner l’éloge. On apprenait en lisant son petit texte que le groupe était américain, originaire de Caroline du Sud. Oh Caroline ! L’Allen parlait de vintage 21st century sunshine pop bursting with craftmanship worthy of major league budgets. C’est vrai.

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    Quand on écoute Together, on est complètement craftmanshippé par la sunshine pop du 21st century, et plutôt deux fois qu’une. Le morceau titre est du pur jus de Brian Wilson, un vrai bouquet d’harmonies vocales speedées dans l’oss de l’ass, écrasé du champignon au bon moment, bardé d’énergie cosmique. Coup de génie avec «Gold Winds», puissamment orchestré dans une magie de piaillements d’oiseaux des plages, avec de la brise dans le son. Ce mec descend dans son lagon d’argent pour chanter sa pop californienne. Il renoue avec la nonchalance de l’ensoleillement dilettante. Avec toutes ces vagues de son et cette onction de la pertinence, on se croirait dans Smiley Smile, ce compagnon des heures sombres de l’adolescence. Il attaque «Perfect Day» en déclarant : «It’s such a perfect day/ To be in love with you», et là tout s’écroule dans le fracas du bonheur, dans le deafening sound dont parle Liza Minnelli. C’est joué dans le clair obscur d’un effondrement des notions temporelles. Ce mec n’en finit plus d’aller éclater au grand jour, les grimpées de son sont dignes de celles de Brian Wilson. Il reste dans le plénitif de taille avec «No Strings Attached», chanté au mieux du désespoir amoureux. Ce mec tient son destin entre ses mains. Il joue la pop de sa compréhension. Ce binoclard inféodé va jusqu’au bout de sa fascination.

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    Trois ans plus tard, Andy Morten récidive, avec un grand portait de Jason Brewer, pour annoncer la parution de deux albums enregistrés au Columbia Studio A de Nashville, endroit rendu célèbre par des gens comme Dylan, Cash ou encore les Byrds - It was an honour to just be in those rooms - some serious magic - Morten nous apprend que Brewer est l’âme de ce groupe informel et qu’il enregistre deux albums, dont un album de covers. Affecté par la disparition de Scott Walker, Brewer annonce qu’il enregistre une reprise du «Sun Ain’t Gonna Shine Anymore». Il cite Scott Walker comme l’une de ses principales influences. Il cite encore comme influences les noms de Spector, des Turtles, d’Astrud Gilberto, de Dusty Springfield et des Byrds.

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    L’album de covers vient de paraître. Il s’appelle To Sing And Be Born Again et contient effectivement deux coups de génie productivistes : «The Sun Ain’t Gonna Shine Anymore» et «This Guy’s In Love With You». Accord de piano magique et on sait tout de suite que c’est Burt avec This Guy - You see this guy/ This guy’s in love with you - Et là Brewer prend de la hauteur, when you smile, la magie de Burt est idéale pour un fan de Brian Wilson, c’est l’une des covers les plus puissantes de la stratosphère, il monte très haut dans le ciel et devient l’une des révélations des temps modernes. Il chante son Scott à la perfe. Brewer est un peu comme le mec de Drugdealer, il repousse les limites de la magie pop. Il rend aussi hommage aux Turtles avec «She’d Rather Be With Me» et en profite pour tirer l’overdrive productiviste. Fantastique hommage à Dylan avec «Quinn The Eskimo (The Mighty Queen)» et il se prosterne ensuite devant les Zombies avec «Maybe After She’s Gone». Autre coup de chapeau remarquable : Lovin’ Spoonful avec «Don’t Want To Have To Do It». Brewer file droit sur le goove comme un requin affamé. John Sebastian a du feeling, mais il reste entre deux eaux, coinçant Brewer dans l’intervalle.

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    Quant à l’autre album, attention, c’est une bombe atomique. Mais ne gagnez pas les abris, car c’est une bonne bombe atomique. The Explorers Club (Original Album) est sans doute l’un des meilleurs albums de notre époque. Brewer démarre avec un hommage a Brian Wilson intitulé «Ruby». Son plein à ras-bord, c’est stupéfiant d’éclat. Il va ensuite enfiler les coups de génie comme des perles, à commencer par «One Drop Of Rain», une pop d’attaque frontale d’extrême violence. Et ça continue avec «Love So Fine», comme s’ils reprenaient les choses là où les avait laissées Brian Wilson. On a du mal à respirer tellement c’est oppressant de puissance. Ils se situent au-delà de tout, mais vraiment au-delà de tout. Chaque fois, ils débarquent dans le cut avec du big bash d’explosion pop nucléaire. Ils mixent Phil Spector et Brian Wilson. Avec «It’s Me», ça vire un brin Brazil. Brewer chante au génie pur, il chante une pulpe de dieu pop et «Dawn» coule comme une fantastique gelée de groove liquide. Brewer transforme le plomb de chaque chanson en or du temps. Avec «Say You Will» il fait la pop des jours heureux. On se pose la question en permanence : mais d’où sortent des gens aussi doués ? Avec «Look To The Horizon», il foncent dans le wall of sound, mais avec des dynamiques de genius all the way. Ces mecs rivalisent de grandeur avec Phil Spector. Ils tapent en plein dans le mille, look to/ The horizon, ils malaxent le heavy genius d’harmonies vocales et Brewer ramène sa voix de belette avariée dans le groove des dieux. On assiste là à l’incroyable réinvention du génie sonique de Phil Spector.

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    Il existe dans le commerce deux autres albums des Explorers, Freedom Wind qui date de 2008 et Grand Hotel paru en 2012. On pourrait presque considérer le premier comme un album des Beach Boys, car oui, ils sont dedans jusqu’au cou - We could last forever/ But baby don’t you cry - Jason sait emmener une équipe d’aspirants Beach Boys jusqu’au firmament. Ils sont en pleine Wilson-mania. Ce n’est que leur premier album et on sent déjà qu’il faut attendre des miracles. Alors justement, en voilà un : «Lost My Head» - I lost my head/ Under the sunshine/ Thinking of you - En plein dans Smiley Smile avec du banjo et ça continue avec «Do You Love Me», véritable flambée de bonheur sonique, Jason y va franco de port, il a tout étudié, il sait exploser au moment opportun avec des tambours noyés dans le wall of sound. Ils repartent en mode Bibi Sound avec «Hold Me Tight», bien rocky avec du smooth de ooh-ooh et des pointes de chant démentes à la Brian Wilson. Power absolu ! Jason s’y croit et il a bien raison de s’y croire. Il reste dans le Bibi Sound avec «Last Kiss» et termine cette cavalcade insolente avec un morceau titre qui n’a plus rien à voir avec le Bibi Sound, puisqu’il s’agit d’une pop brewerienne chantée et jouée à l’outrance de l’outrecuidance.

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    Par contre, Grand Hotel est un album très différent. Jason va plus sur Burt, il propose avec la bossa de «Run Run Run» une leçon d’aisance qu’on apprécie en ces temps atrophiés. Il propose ensuite de la pop de rêve avec «Anticipation». Une certaine Krista Brewer vient mettre son petit grain de sel et «Bluebird» conjugue chaleur et grandeur, avec tout ce qu’on aime en plus, le beat rapide qui vivifie la peau et qui rend amoureux. Jason éclate son «Go For You» au sommet du refrain et plus loin, il chante «It’s You» à la glotte devenue folle - I just want to stay/ Stay by your side - Comme toutes les bites d’ailleurs, elles veulent rester. Jason fait du collant supérieur, un collant doo-woppy digne des Flamingos. Il fait un instro de dream come true avec «Acapulco (Sunset)» et il envoie toute sa sauce dans «Summer Days Summer Nights». Question sauce, il n’a plus rien à apprendre de personne. Il fait du Burt à l’état pur. Et ça se barre en routine de jazz sixties. Il termine cet excellent album avec le Spectorish «Open The Door». Ces mecs ne se refusent aucune grandiloquence. Ça pourrait ressembler à du faux Spector, mais c’est du vrai, pas du toc.

    Signé : Cazengler, Jason Bouilli

    Explorers Club. Freedom Wind. Dead Oceans 2008

    Explorers Club. Grand Hotel. Rock Ridge Music 2012

    Explorers Club. Together. Goldstar Recordings 2016

    Explorers Club. The Explorers Club (Original Album). Goldstar Recordings 2020

    Explorers Club. To Sing And Be Born Again. Goldstar Recordings 2020

    Andy Morten. Old Friends. Shindig # 56 - May 2016

    Andy Morten. Leave no stone unturned. Shindig # 97 - November 2019

     

    Looking for a Kris  

    Part Two

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    Et vrooom badabooom, Kris Needs remet le turbo en route pour le volume 2 de son 1969 Revisited. Même délire, même profusion, même tarif, un nouveau shoot de 200 pages brûlantes de passion et grouillantes d’infos. À tel point qu’on se demande comment il a fait à l’époque pour écouter autant de choses, et ce ne sont pas des petits disques de branleur, jugez-en par vous-mêmes : Sun Ra, Bowie, Roberta Flack, les Stooges, Love, Can, Mott, Van Der Graaf, Tim Buckley, Moon Dog, Albert Ayler, Pearls Before Swine, Spirit, Syd Barrett, les Last Poets, Graham Bond, Buffy Sainte-Marie et les Deviants. Ptooof ! Intello le Kris ? Non il a le rock dans la peau, et qui dit rock dit curiosité. Le rock t’aide à traverser les frontières. Pas de rock sans exploration de terres inconnues, pas de rock sans découvertes révélatoires. Comme le volume 1, ce volume 2 n’est fait que de découvertes révélatoires et d’hommages à sa trilogie suprême : Keef, Syd & Jimi. Une trilogie suivie de près par une autre trilogie toute aussi suprême : Bowie, Bond & Ra. Rien qu’avec les pâtés qu’il fait de ces deux trilogies, on frise l’indigestion.

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    Tous ses lecteurs et toutes ses lectrices vont se poser la même question : qu’est-ce qui fait la force de ce book en deux volumes ? La réponse est simple : l’idée. Son idée consiste à prendre l’une des années les plus prolifiques de l’histoire du rock, à inventorier les albums qui l’ont marqué et à étoffer cette rétrospective de larges pans autobiographiques. Needs ne s’est pas contenté d’écouter les disques et d’aller voir les concerts, il s’est aussi arrangé pour faire de sa passion un métier qui allait lui permettre de rencontrer les gens qu’il admirait tant. C’est aussi simple que ça. Après, la difficulté, c’est de savoir maîtriser le bal des affinités électives pour ne pas fréquenter n’importe qui et écouter n’importe quoi. Ces deux books n’ont d’intérêt que par la qualité des gens et des albums évoqués. Comme tous les gens qui ont grandi avec Hendrix et les Stones, Needs ne s’éparpille pas. En 1969, il réussit l’exploit de ne pas commettre une seule faute de goût. Ce qui ne l’empêchera pas d’en commettre plus tard, en allant patauger dans l’electro et le m’as-tu-vu du sex & drugs d’Ibiza.

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    Avant d’entrer dans le vif du sujet, saluons le styliste qui se cache en Needs. Il est capable de vif-argent. La bonne musique qu’il écoutait le dopait : «Avec le recul, il apparaît qu’un espèce de phénomène planétaire surnaturel tissait à l’époque des liens étranges entre le jazz, Woodstock et le Krautrock. C’est tellement vrai que dans ce chapitre, je vais aborder Love et l’un de mes albums préférés de tous les temps. Attachez vos ceintures, mettez un casque et let’s go !». C’est vrai que certains chapitres frisent l’hystérie. Needs travaille une langue de flash, car comme Nick Kent, il a compris qu’il fallait façonner un langage pour parler du rock. Il reformule à un moment sa vocation : «Mon activité n’a pas été très lucrative, elle a connu des hauts et des bas, mais quelques décennies après avoir quitté un confortable job de journaliste local, je peux reprendre à mon compte la fameuse phrase de Lou Reed : ‘My weak beats your year.’» Dans son hommage aux Deviants et à Mick Farren, Needs brûle aussi la stylistique par les deux bouts : «En remettant en cause l’ordre établi et en établissant les fondations de la contre-culture, les hippies ont plus choqué la société que ne l’ont fait les punks. Ils furent les premiers à incarner la rébellion (en prenant des drogues plus puissantes et plus intelligentes). Dans les années 60, ils innovaient, créant plus de shock horror que n’en créa jamais l’Anarchy tour.» De là, Needs fonce droit sur Ladbroke Grove, le bastion des Deviants : «Pour un teenager comme moi qui bouffait du weekly tabloid et du fanzine, Ladbroke Grove était un quartier chargé de mystique toxique où des créatures exotiques se livraient à des activités inimaginables sur fond de heady psychedelic soundtrack et de harcèlement policier.» Ces quelques phrases résument à merveille le mystère qui entourait l’art subversif des Deviants. C’est vrai qu’on était quelques-uns à être fascinés par les Mystères de Labroke Grove. Needs rivalise ici d’excellence avec Eugène Sue. Il poursuit sur Farren : «Farren était l’agent provocateur de cette scène, il vantait plus les charmes du combat de rue que ceux du peace and love. En août 67, le DJ Jeff Dexter taxa des Deviants de punk rock band.» Needs établit un parallèle entre les Fugs dont il évoque longuement les charmes dans le volume 1 de 69’ Revisited et les Deviants, «qui sortaient de squats insalubres pour monter dans des vans tout pourris», qui organisaient des concerts gratuits pour y insulter ouvertement le pouvoir britannique. Needs ajoute qu’après avoir été viré des Deviants pendant une tournée américaine, Farren enregistra Mona And The Carnovorous Circus, écrivit des chansons pour Motörhead (& Wayne Kramer) et finit par atterrir au NME. C’est là que Needs fit sa connaissance, «trundling about drunk with a seen-it-all smile», c’est-à-dire traînant bourré dans le coin avec le sourire d’un homme qui a tout vu.

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    Bien sûr, ce qui compte le plus pour Needs, c’est de rappeler son appartenance à un monde précis. Alors il affûte son meilleur style pour flasher sa pensée : «N’oublions pas ceci : Rod était là avant Bowie avec ses épis sur le crâne et nous encourageait tous à faire quelque chose d’intéressant de nos coiffures alors abondantes. Les barbes restaient l’apanage des folkeux. Grâce à Rod, les vestes en satin de Kensington devinrent nécessaires. À ce point de ma réflexion, je réalise que tous mes héros sortaient de l’ordinaire : à commencer par Keith, Jimi et Syd, puis Mott et Rod, et bientôt Bowie. C’est la raison pour laquelle je ne pouvais pas faire partie de la foule des anonymes, tous ces gens ordinaires qu’on voit passer dans la rue habillés de vêtements de sport et coiffés comme tout le monde. Même encore aujourd’hui, je ne pourrais pas.»

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    Alors justement, les héros, parlons-en. Tiens à commencer par le héros Syd. Needs rappelle que Syd n’a pas supporté the sudden pop stardom et que bien sûr l’acide n’a rien arrangé, «scorching the inner circuits in his already fragile mind». Needs cite Jenny Fabian, une groupie célèbre : «On ne sait pas ce qui a réellement détruit sa créativité, les drogues ou bien une décision qui l’a stoppé net, car il ne voulait pas faire partie du cirque.» Needs rappelle ensuite que Roky Erickson, Sky Saxon et Skip Spence ont connu le même sort. Dommage qu’il oublie de citer Ace Kefford des Move, qui buvait lui aussi l’acide au goulot. Et comme il l’a déjà fait pour Shindig!, Needs repart en virée dans la légende de Syd, rappelant qu’à l’origine, Roger Waters et lui parcouraient la campagne anglaise en mobylette, partageant «similar interests in rock’n’roll, danger, sex and drugs». Ça ne s’invente pas. À l’été 65, le LSD - the heaven and hell drug - était encore légal et Syd se payait de beaux voyages dans l’inconnu. Il écrivit des choses comme «Arnold Layne» et «See Emily Play» qui fascinaient Pete Brown : «I suddenly saw that I didn’t have to be Transatlantic.» Eh oui, Syd inventait un certain rock anglais. Pour Pete Brown, Syd était un génie : «Lyrically, he was a genius. The rhymes are clever and the technique really fucking good.» La succès arriva et Syd s’installa au fameux 101 Cromwell Road, où l’acide, nous dit Needs, coulait à flots. La première à remarquer un changement chez Syd, ce fut Jenny Spires, une ancienne copine. Mais la machine se mettait en route, rien ne pouvait plus l’arrêter, le Floyd grossissait trop vite et Peter Jenner forçait Syd à entrer en studio, mais Syd résistait et se plaignait : «I don’t want to be a pop star !». Hélas, une tournée américaine s’ensuivit, avec Jimi Hendrix, les Move, Nice et Outer Limits, mais comme certains soirs Syd ne voulait pas ou ne pouvait pas jouer, Davy O’List le remplaçait sur scène. Jenny raconte que cette tournée a complètement ratatiné Syd, physiquement et mentalement. En 68, David Gilmour fut embauché comme roue de secours. C’est en janvier 68 que le Floyd partit jouer en concert en oubliant d’aller prendre Syd chez lui - Floyd elected not to pick Syd up for a gig and embarked on their rise to world domination with a different guitarist - Après on s’étonne qu’on n’aime pas le Floyd post-Syd. En matière de rock, la mentalité est plus importante que la musique. Et Needs ajoute en guise d’épitaphe de fayotage qu’à la différence de Brian Jones qui avait été purement et simplement éradiqué, Syd est toujours resté une sorte de cinquième Floyd. Tu parles Charles.

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    Needs profite d’un coup de projecteur sur la tournée Ya-Ya’s Out des Stones pour rebalancer un sacré portrait de Keef : «C’est là que démarre le culte de Keith. Il semble avoir vieilli de dix ans depuis 67, in a good way. Coiffure en épis, penditif à l’oreille, dents pourries, le regard soit brillant soit éteint d’un mec qui sort du lit pour livrer le plus grand match de sa vie. Le magazine Rolling Stone dit qu’il ressemble à une pute du Bronx. Il porte généralement ce haut rouge de Nudie à paillettes et un T-shirt Marylin Monroe, et il joue sous les lignes de blues bien propres de Mick Taylor ses accords en open tuning, as the ultimate rhythm guitarist.» Dans la partie Records de ce volume 2, il salue Let It Bleed de manière spectaculaire : «Le rock n’a jamais sonné aussi décadent, aussi irrespectueux et en même temps aussi révélateur pour les marginaux, les rebuts de la société et les aspirants freaks en quête de lien spirituel.» Needs dit aussi qu’il a vu les Stones 30 fois en 46 ans et son concert préféré reste celui de Brixton Academy en 1995. Il conclue son hommage aux Stones avec cette belle tirade : «Il existe des modèles bien pires que Keith Richards. En vieillissant, il ne perd rien de sa sagesse, de son humour et de sa passion pour la musique. Il ne perd rien de son côté edgy et de l’impressionnante force de sa personnalité. Les Stones continuent, moi aussi, en dépit de ce que peut nous réserver la vie.»

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    Dans le fourmillement des hommages, voilà qu’apparaît Tom Rapp et ce groupe qui tailla une belle croupière à la postérité, Pearls Before Swine. Needs rappelle qu’il explorait alors les bacs de disques exotiques à Kensington Market. Ces deux albums des Pearls l’intriguèrent car ils sortaient sur le label des Fugs et de Sun Ra. Le seul moyen de savoir comment ils sonnaient était de demander au vendeur une écoute au casque, ce qu’il appelle a headphone blast. «Voilà comment j’ai écouté Pearls Before Swine pour la première fois et ça a bouleversé ma vie. Je n’étais plus le même. C’est là que ce groupe et le label ESP ont occupé une place de choix dans ma cervelle, place qu’ils occupent toujours aujourd’hui, me ramenant chaque fois que nécessaire au temps où je fouinais dans les bacs mystérieux en quête de nouvelle découvertes.» Needs ajoute que les Pearls ont inventé l’acid-folk. Tom Rapp dit qu’à l’époque il venait de lire un article sur les weird groups dans un magazine de cul (dirtier than Playboy) et qu’il avait flashé sur l’histoire des Fugs. Comme les Fugs enregistraient sur ESP-Disk, il pensait qu’il pourrait lui aussi y enregistrer un disque. Ils sont donc montés de Floride à New York, ont dormi chez les parents de Bernard Stollman, dans l’Upper West Side, et ont enregistré leur premier album à Impact Sound avec Richard Alderson en quatre jours. Sans Richard, nous dit Rapp, il n’y aurait jamais eu de Pearls. «Il avait travaillé avec Dylan et avait été son ingé son pour ses tournées anglaises des mid sixties. Quand on est arrivés à New York, il travaillait avec Sun Ra et les Godz, aussi était-ce l’endroit idéal pour faire un album.» Needs ajoute que les albums de Pearls proposaient des balladifs «qui lui tiraient le tapis sous les pieds». Il va même jusqu’à dire que «The Man In The Tree» (sur These Tings Too) lui coupe le souffle, car c’est trop beautiful. Il indique aussi que The Use Of Ashes est l’un des plus beaux albums jamais enregistrés. Needs parle des Pearls comme d’une obsession.

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    Une obsession en engendre toujours une autre, c’est bien connu. Alors il file droit sur Albert Ayler. «Son brûlant silent scream est à mes oreilles aussi vital que les soul-wrenching pyrotechnics de Jimi Henrix, les poignards glaciaux de Miles Davis, les torrents fabuleux de John Fahey ou le puissant grondement de Captain Beefheart.» Pour Needs, le génie d’Albert consiste à injecter dans le même temps la joie et la douleur extrême, selon ce que l’auditeur va entendre. Il fut ajoute-t-il le messager le plus féroce du ghetto et du free, celui qui menait la charge - Et aucun coup de sax n’était aussi puissant que le sien, un honk craqueur de murs qui arrive comme une marée de raw intensity - Needs cite Max Roach : «Politiquement, je vois des gens comme Leroy Jones, on peut qualifier John Coltrane d’esprit révolutionnaire, but Ayler was the man.» Val Wilmer ajoute : «Ayler was the Great Black Music personified.» Needs ose aussi de sacrés parallèles : «En tant que réponse jazz aux Sex Pistols, Ayler a lui aussi subi l’hostilité des critiques qui se plaignaient de son côté agressif et de la violence de sa provocation.» Et là, Needs se fend de l’un ces passages dévastateurs dont il a le secret : «Son jeu n’avait rien perdu de sa force, comme on le voit en janvier 69 lorsqu’il monte sur scène au New York Town Hall avec brother David to unleash fire-storms of rampant cross-currents, swooping around magisterial fanfares like a flock of invading wild birds clutchning the critics’ foreskins in their beaks.» Wow ! Les mots parlent d’eux-mêmes, pas besoin de traduire. Les mots crépitent. Needs crache le feu, au moins autant que son copain Albert.

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    Et hop, il repart de plus belle avec les Groovies, une autre October obsession : le voilà en tournée européenne avec les Groovies et il voit the most excitingly joyous gigs qu’il ait jamais vu, possibly the closest I’ve encoutered to rock’n’roll purest unfettered essence, en gros il dit que les Groovies incarnaient la plus pure des essences du rock’n’roll. Il cite Dickinson s’adressant aux Groovies : «You guys are the real THANG !», au moment bien sûr de l’enregistrement de l’album Teenage Head dont Needs s’éprend à la folie, comme nous tous d’ailleurs, à cette époque. Needs a des bons souvenirs de Cyril : «Quand il me passe un joint qu’il appelle a Thai stick, je tire dessus j’ai aussitôt l’impression de m’écraser dans un cerebral crash barrier, en plein dans l’ovale blanc entouré d’étoiles d’un Dr. Strange comics.» C’est son premier interview, et pendant une demi-heure, il est incapable de sortir un seul mot, tellement il est stoned. Par chance, son ami Peter Frame qui assiste à l’interview vole à son secours et pose les questions. Cyril parle de Shake : «Ce phrasé descendant que je joue dans Shake Some Action est overdubbé six fois. Dave Edmunds aime bien disposer des micros dans le studio, pour étoffer certains passages. Je te le dis mec, le son de cet album knocks me out.» Needs adore voir les Groovies répéter - among the most jaw-dropping musical experiences of my entire life - lorsqu’il entend les guitares monter comme la marée dans «19th Nervous Breakdown» et qu’il voit Cyril conduire l’assaut des Groovies avec un rare plaisir de jouer.

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    Needs flashe aussi sur Moondog, le vieil aveugle coiffé d’un casque viking qu’on voyait chanter à une époque dans les rues de Manhattan. S’il porte un casque viking, c’est surtout pour se protéger le crâne des enseignes métalliques dans lesquelles il se cogne parce qu’il ne les voit pas en marchant. S’il est un personnage légendaire dans l’histoire de la scène new-yorkaise, c’est bien Moondog. Needs ne pouvait pas le rater. D’autant que Moondog est un pote à Charlie Parker qui à une époque s’arrêtait dans la rue pour causer musique avec lui. Moondog a toujours vécu selon ses propres règles, et ce depuis les années 40. Les sixties n’eurent aucune prise sur lui. Il était libre bien avant le free love and drugs and protest qui allait arriver dans les rues avec les sixties. En 69, Needs s’éprend de l’album Epic - Si une chanson me ramène à ma chambrette de 1969 et à mes émotions adolescentes, c’est bien «Symphonique #3 Ode To Venus» - Needs parle d’une vision unique. Alors faut-il se fader l’Epic de Moondog ? Chacun fait ses choix et chacun cherche chon chat.

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    Avec Spirit, Needs entre dans un nouveau monde magique. Spirit, ce n’est pas de la tarte. Comme chez Soft, tout repose sur un jazz genius. Cette fois ce n’est pas Robert, mais Ed Cassidy, un batteur de jazz qui a accompagné Art Pepper, Cannonball Adderley, Zoot Sims, Dexter Gordon, Roland Kirk, Lee Konitz et Gerry Mulligan. Pire encore, il a fait partie des Rising Sons avec Taj Mahal et Ry Cooder, un groupe qui faillit devenir mythique et qu’il dut quitter après s’être cassé le bras. L’autre mamelle de Spirit, c’est bien sûr Randy California. Randy rencontre Jimi Hendrix au Manny’s Music Store, à New York, lors d’un séjour de vacances avec ses parents. C’est la première d’une longue série de connections hendrixiennes dans ce volume 2. En 1966 Randy et Jimi jouent pendant quelques mois ensemble au Café Wha?, jusqu’au mois de septembre, lorsque Chas Chandler embarque Jimi à Londres. C’est Jimi qui baptise Randy Wolfe Randy California. Il veut que Randy vienne avec lui à Londres, mais les parents du petit Randy s’y opposent et Chas Chandler fait la sourde oreille car il a déjà des plans précis concernant Jimi. Quand il rentre chez lui en Californie, Randy monte Spirit avec Ed. Le nom du groupe vient du roman de Khalil Gibran, Spirits Rebellious qu’ils réduisent à Spirit. Le groupe s’installe dans la fameuse Yellow House de Topanga Canyon où vit John Locke. C’est Jan Berry qui les repère et qui met Lou Adler sur le coup. Les voilà signés sur Ode Records, le label d’Adler. Ils enregistrent leur premier album et sont choqués de découvrir qu’Adler a rajouté des violons et des cuivres sans leur demander leur avis. Bientôt Randy commence à se goinfrer de coke et de LSD. Il est assez fragile de constitution mentale, mais ça s’aggrave lorsqu’il tombe un jour de cheval. Pouf sur le crâne. Fracture. Il se réveille à l’hosto et continue de se goinfrer d’acide. Needs nous ressort le fameux épisode de la tournée anglaise, lorsqu’il croise un Randy au regard fou et torse nu dans le hall de Friars. Plus tard dans son Spirit panygeric, Needs salue le fameux double Spirit Of 76, schizophrenic, eccentric and often fried qu’il taxe dans la foulée de one of the great overlooked works of the 70s et il a raison, il parle même d’un epic ‘Like A Rolling Stone’ that shimmers lile a water-rat’s rump romping in the swamp. Randy y rend aussi hommage à son copain Jimi avec «Hey Joe» et à Keef avec «Happy».

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    Nouvel éclat en société avec les Last Poets, formés à Harlem en 68 - Calls for action on bare conga beats - Alan Douglas qui avait entendu parler des Poets les chercha, les trouva et leur proposa d’enregistrer un album, le fameux The Last Poets - Our combined ages were a hundred years so you were listening to a hundred years of oppression, being spat out like a snake spits out venom, Jalal told me - Nouvelle connexion hendrixienne : Jimi vient jouer 13 minutes de liquid funk, ajoute de la basse et Buddy Miles de l’orgue. En fait, Jimi souhaite resserrer ses liens avec la communauté noire de Harlem, mais il n’en aura guère le temps. Jalal Mansur Nurridin of the Last Poets : «Hendrix essayait de renouer avec ses racines. Il devait le faire. Il n’avait plus de contact avec son peuple. Il se l’était aliéné. À cause de sa popularité auprès des blancs. Quand je l’ai rencontré, il m’a dit qu’il appréciait ce que faisaient les Poets, mais il ne voulait pas non plus renoncer à son statut de black rock star. Il se sentait coincé. Son regard criait help. On s’est serré la main comme ça (high five fingers acrobatics), tous les brothers savaient le faire, mais pas lui, alors je lui ai appris à le faire.» Needs entre dans le détail de l’histoire compliquée des Last Poets et jongle avec tous ces noms impossibles à mémoriser. Mais il insiste sur les racines politiques du groupe. C’est un activiste sud-africain nommé Keoraptse Willie Kgositile qui déclara : «Guns and rifles will take the place of poems and essays, therefore we are the last poets of this age.» Le nom du groupe vient de là. Dans une pizzeria, Jalal Mansur Nurridin déclara aussi à Needs que la pizza n’était pas une nourriture pour l’esprit, aussi n’en mangeait-il pas - Ces gens sont dans le show business. Nous ne sommes pas dans le show-business. We show, c’est notre business. Nous éclairons, nous ne divertissons pas (To enlighten, not entertain).

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    Puisqu’on est dans les activistes, restons-y avec Buffy Sainte-Marie et Nina Simone auxquelles Needs rend un fier hommage - En termes d’esprit de 69, personne ne l’a incarné avec autant de férocité que Nina Simone - Il enchaîne directement sur Buffy pour rappeler que son album Illuminations était tellement en avance sur son temps qu’il ne pouvait que flopper. Il rappelle aussi que Buffy était une militante de la cause indienne, ce qu’on a tous tendance à oublier. Au temps du Président Johnson, elle figurait sur la liste noire des gens à éliminer. Mais rassurez-vous, Buffy est toujours là, bien vivante et elle continue de militer et même d’enregistrer. Dommage que Needs ne parle pas de son dernier album Medecine Songs paru en 2017.

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    Et puis on retrouve bien sûr Graham Bond, une autre obsession récurrente. En 68, il est allé enregistrer Love Is The Law aux États-Unis. C’est aussi l’époque où nous dit Needs, «Magick a remplacé le smack en tant qu’obsession de base, mais comme c’est dans sa nature, il pousse son obsession à l’extrême. Il porte des robes et des accessoires cérémoniaux.» Needs cite Peter Brown : «Quand les gens décrochent d’une addiction, ils doivent la remplacer par une autre. Graham était un homme très intelligent, mais sans éducation, et donc il tomba dans certains pièges. Je veux dire qu’en gros, the magic thing ne lui a pas fait de cadeaux.» Needs dit aussi qu’il vit Bond sur scène à Friars lors d’une Christmas Party et que c’est resté l’un de ses meilleurs souvenirs de concerts. Il décrit ensuite le Behemot à l’œuvre, son elemental thunder d’orgue Hammond doublé de brute-force virtuosity, d’alto sax et de powerhouse Ray Charles shout. Pour les ceusses qui ne le connaissent pas, il est vivement conseillé d’écouter le coffret 4 CD intitulé Wade In The Water, paru en 2012. Enormous charisma, authentic R&B, masters’s energy and Hammong onslaughts. Needs a tout dit. Il conclut avec l’épisode de la mort de Bond, sous le métro, à la station Finsbury Park. Suicide ? Pete Brown pense qu’on l’a poussé. Soit des sinister magick acquaintances, soit des drug dealers. Allez savoir.

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    Dans le tourbillon de 69 glougloutent aussi les noms de Van Der Graaf Generator et d’Isaac Hayes, de Can et de Silver Apples. Avec le Graaf, on passe au prog, mais quel prog, baby ! Needs a raison de dire qu’à l’époque ils passaient pour des wild outsider outlaws - One shronk from VdGG could reduce arrogant narcissist Phil Collins to hamster’s genitals dimensions if he wasn’t already - Et pouf, en pleine poire. Needs règle ses comptes. Il entre ensuite dans le vif du sujet avec le songwriting genius of Peter Hammill - le seul homme qui puisse conduire leur thermonuclear assault - Needs parle aussi de rare intensity, de possession, d’un psych-saxist David Jackson qui soufflait dans ses deux sax - alto et tenor - comme son héros Roland Kirk. Alors oui. Needs parle aussi de whirling cataclysm - Certains soirs, Van Der Graaf was heavier than any other group on the planet (et on avait vu the comedy metal of Black Sabbath) - Ainsi commença dit Needs my lifelong love of all things Van Der Graaf, particularly Hammill, qu’il interviewa à plusieurs reprises, au cours de sa carrière solo, alors qu’il enregistrait des albums qu’il qualifie d’emotional diaries or self-exorcising blasts. Là aussi, il y a du boulot, car c’est une discographie tentaculaire. Hammill continue d’enregistrer des albums, année après année, après avoir miraculeusement survécu à un fatal stroke.

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    Pour évoquer le génie d’Isaac, Needs cite les Stones qui transformèrent la black music en white rock et Jimi Hendrix qui emmena ensuite ce white rock à un niveau jamais égalé depuis. Isaac fit exactement la même chose avec la Soul, qu’il retourna upside down avec Hot Buttered Soul. Il créa un truc qui n’existait pas, making the music EPIC, avec son anguished crooning against lush orchestral backdrops. Mais Isaac nous dit Needs fut surtout un loud civil rights figurehead et sut se fabriquer un look de proud macho avec sa superbad image of bald head, shades, hefty gold chains and floor-length furs. Après le succès de son «By The Time I Got To Phoenix», il fit subir au «Walk On By» de Burt le même sort au studio Ardent. Needs ne tarit plus d’éloges sur Isaac : «Along with Roberta Flack, Ike had changed the face of black music et depuis, l’un des mes passe-temps favoris est de m’allonger and let him work his unique brand of magic.»

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    Pour célébrer la grandeur de Can, Needs donne la parole à Irvin Schmidt : «Pour moi, la musique moderne, c’est Stravinsky et Jimi Hendrix. Ils ont créé un nouvel instrument. Pareil avec Can, on a créé un nouvel instrument. Le synthétiseur n’était pas encore un instrument, alors j’ai dû le créer.» Il ajoute que Can était un compositeur fait de quatre ou cinq individus et ils choisirent le nom de Can comme acronyme pour Communism, Anarchism and Nihilism. De Can à Simeon, il n’y a qu’un pas et Needs redit bien haut son admiration pour lui : «Simeon is one of the most important innovators to emerge in the last century.» Et pouf, il annonce qu’il a commencé la rédaction d’une biographie de Simeon Coxe. Donc bientôt des nouvelles des Silver Apples. Chouette !

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    1969 est aussi l’année d’Edgar Broughton Band et du fameux «Out Demons Out» qui a révolutionné plus d’une piaule de collégien. Needs eut la chance de le voir sur scène à l’époque et de crier Out Demons Out en chœur avec eux - up to twenty minutes of unadulterated mayhem - Il salue aussi the quiet revolution of Roberta Flack dont l’album First Take ne fit pas grand bruit à l’époque. Côté disques, ça n’en finit plus de grouiller dans tous les coins : Needs ramène à la surface le Steve Miller Band (Brave New World), les Blossom Toes (If Only For A Moment), Fairport Convention, bien sûr (Unhalfbreaking), le jazz-tinged psychedelic boogie d’Al Wilson et de Canned Heat (Hallelujah). Cette volonté d’embrasser l’extraordinaire profusion d’albums parus cette année-là fait de Needs une sorte de Victor Hugo du rock, il y a quelque chose de tutélaire et d’irrépressible en lui, on peut même parler d’un prodigieux état de possession. Il brasse encore d’autres chefs-d’œuvre comme le Blues Obituary des Groundhogs, le New York Tendaberry de Laura Nyro, le Volume Two de Soft Machine, le Caravan de Caravan, le Green River de Creedence. Mais il y aussi This Was de Jethro Tull, Nice et Peter Green, on n’imagine pas cette avalanche d’albums passionnants, tiens comme le premier King Crimson que salue Needs - rampant guitar solos scream all over you - les Charlatans de Mike Wilhelm, le Renaissance de Keith Relf et l’implacable Hot Rats de Frank Zappa où se niche le «Willie The Pimp» du old mucker Beefhart on scabrous vocals. Needs cite aussi Doris Duke, le Paul Butterfied Blues Band et l’excellentissime Monster de Steppenwolf. Arrggh ! N’en jetez plus, mais si, Kevin Ayers (Joy Of A Toy), Manfred Mann Chapter Three (like Dr John hoodoo meets Graham Bond), le Ballad Of Easy Rider des Byrds, le Scott 4 de Scott Walker, Led Zep 2 et le Volunteers de l’Airplane. Rien qu’avec tous ces disques, on a la discothèque idéale de 1969. Le pire, c’est qu’il en cite encore d’autres, alors on fait comme on peut pour suivre.

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    Needs consacre aussi pas mal de place à Tim Buckley. Il parle de lui en termes d’unmatched musical spontaneity, de freedom organically structured from within by creative brillance, de fluid and flexible rhythms, de vivid sonic tapestries, de fierce emotional climates, de rushing river-rage of inspired creative energy. Tout le langage du feeling et de l’élégiaque y passe. Neels met la pression en permanence. Dans le feu de l’action, il cite Bruce Botnick qui dut interrompre son travail avec Love et les Doors pour enregistrer les trois albums Elektra de Tim Buckley : «Le talent de Tim était incontrôlable.» Needs reprend la barre dans la tempête des élégies : «Sur ‘Lorca’, Tim utilise ses cinq octaves pour franchir des limites du freedom catharsis (inspiré par le travail de Luciano Berio et de la cantatrice Cathy Berberian), sur fond du sinistre pianotis à la Herbie Hancock de Ian Underwood et de l’encore plus sinistre pipe organ de Balkin.» Incapable de se calmer, il ajoute que «Cafe» (sur Blue Afeternoon) est certainement le plus beau balladif de tous les temps - Je l’ai écouté des centaines de fois, généralement le matin très tôt et chaque fois je flotte dans la rêverie intemporelle de Tim - Flotte mon gars ! On flotte avec toi. Alors il nous sort la botte de Nervers en nous rappelant - et il a raison de le faire - la connexion Buckley/Rotten : en 1977, Johnny Rotten créa la sensation lorsqu’il fut invité par Tommy Vance sur Capital Radio pour présenter les disques qu’il aimait bien. Il proposa «Sweet Surrender» de Tim Buckey, mais aussi des cuts de Peter Hammill, Can et Captain Beefheart. Ça éclaira pas mal de lanternes à l’époque.

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    Pas de 1969 sans les Stooges, forcément. On s’étonnait de ne pas les voir dans le volume 1. Pas de problème, le gars, les voilà. Les Stooges arrivent en August, c’est-à-dire au chapter eight, it’s 1969 Okay, c’est d’ailleurs le mois où il recommande d’attacher sa ceinture. Il sort son meilleur vocabulaire pour les saluer : basic, bludgeonning and nihilisitic, il parle ensuite d’une obvious influence sur les Sex Pistols, de punk rock prototype, hell yeah - À la différence de leur big brother band le MC5, les Stooges n’avaient pas l’intention de démarrer une révolution sauf peut-être dans leurs futals - Et vroarrrrrr, il fout le turbo : «Les Stooges n’ont fait que ce qui leur venait naturellement, Iggy lâchait le dirty dog sur les inhibitions, Ron Asheton injectait son amour du raw agressive slash des Who dans son merciless behemot churn, la matraquage de son frangin Scott avait remplacé ses tambours du bronx et Dave Alexander complétait le chaos avec son malovelant rumble.» Needs s’encanaille avec les Stooges, il doit se montrer à la hauteur des deux chantres éternels de la stoogerie que sont Yves Adrien et Nick Kent, alors il redouble de violence syntaxique. Mais il en fait peut-être un peu trop lorsqu’il traite les Stooges d’adultes lobotomisés qui auraient enregistré une relique intouchable, a primitive blast from the teenage underbelly. Mais il a raison d’affirmer que ce premier album des Stooges out-rockait tout ce qui était sorti cette année là.

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    Il démarre ce volume 2 en rappelant qu’il fête ses quinze ans le 3 juillet 1969. C’est le jour que choisit Brian Jones pour casser sa pipe en bois. À cet âge, Needs n’a encore aucune idée de ce que signifie la mort, death is a stranger, dit-il. Mais il va vite apprendre : Jimi Hendrix allait casser sa pipe en bois peu de temps après son 16e anniversaire, et corne de bouc, Jim Morrison allait casser la sienne de pipe en bois le jour de son 17e anniversaire. En guise d’épitaphe, Needs déclare : «The death of a Rolling Stone was a tough one to handle.» C’est vrai que pas mal de petits mecs au lycée ont porté le deuil aux trois époques. Un peu plus tard, on est même allés avec le frangin se recueillir au Père Lachaise sur la tombe de Jimbo qu’on vénérait à en perdre haleine. Needs rappelle aussi l’infamie du concert gratuit de Hyde Park, où Jag lut un poème de Shelley en mémoire du pauvre Brian Jones tout juste éradiqué du groupe qu’il avait fondé, et symboliquement, les papillons lâchés à ce moment-là tombèrent comme des mouches dans le public. Needs appuie encore là où ça fait mal en épinglant les percussionnistes africains qui transformèrent «Sympathy For The Devil» en pantomime d’Uncle Tom - There was Marianne, looking like a ghost - Oui, on se souvient que Marianne Faithfull était une proche de Brian Jones et qu’elle n’avait pas une très haute idée de Jag qui fut aussi son fiancé.

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    Alors Jimbo le voici - Qu’est-il donc arrivé aux Doors qui semblaient être le groupe parfait quand ils apparurent, avec ce jazz impulse on acid alors qu’ils emmenaient le rock’n’roll dans des régions imaginaires inexplorées et mystérieuses, guidés par leur beautiful shaman charismatique. Les Doors furent les premiers à incarner les profonds changements de société aux États-Unis et le volatile mood qui régnait dans les rues, tout en se faisant passer pour des cool pop stars - Needs voit le premier album des Doors comme un bond en avant, avec ses paroles évocatrices, les pop songs intelligentes et ce qu’il appelle the studio-combusted sonic expression. Needs donne la parole à Ray Manzarek pour décrire ce phénomène unique que furent les Doors : «Oui, il est possible qu’on soit tombés du ciel. Robby Krieger joue aussi bien le flamenco que le rock’n’roll avec ses doigts. Il peut aussi jouer du bottleneck comme il le fit au temps de son jug-band. Puis tu as ce keyboard player qui vient de Chicago, avec des blues roots mais qui a aussi étudié la musique classique et qui est fan de jazz. Tu mélanges cette sombre âme slave au jeu vipérin de Robby Krieger et tu ajoutes à ça John Densmore, un batteur de jazz. Pour finir, tu injectes un Beat-French symbolist, southern gothic poet capable de chanter des textes très très très intéressants et voilà le travail. Comment a-t-on sorti ce son ? Y’know sometimes magic does happen.» Ray y croit dur comme fer à la magie. Au début, Les Doors n’avaient pour seule ambition que d’entrer en concurrence avec Love qui régnait sur Sunset Strip. Needs rappelle aussi que «The End» a récupéré son monologue œdipien un soir d’août après de Jimbo eut ingéré quarante fois la dose normale d’Owsley acid. Les Doors furent virés du Whisky A Go Go mais signé par Jac Holzman sur Elektra, sous la pression d’Arthur Lee. Le destin des Doors est aussi inséparable de celui de l’ingé-son Bruce Botnick qui avait travaillé avec Jack Nitzsche, mais aussi avec Brian Wilson sur Pet Sounds. Holzman l’engagea pour produire les premiers gros coups d’Elektra : les deux premiers albums de Love, puis le premier Tim Buckey et donc le premier Doors. Quand Krieger compose «Light My Fire», il décide d’y mettre tous les accords qu’il connaît - Let’s do it like Coltrane - De pur classique pop, le cut va évoluer naturellement vers des versions longues et organiques. Jimbo se retrouva bien vite à endosser un rôle qui ne lui plaisait pas, celui d’une icône de la contre-culture doublé d’une teen idol. Plus le groupe grossissait et plus il se réfugiait dans l’alcool. Jim ? Are you here ? lui demandait Ray - Oh my God it’s not Jim at all, it’s Jim-bo, that was weird, man. On était rattrapés par les Strande Days - Et puis c’est la catastrophe avec The Soft Parade qui déçoit les fans. Pire que les amères désillusions de Lucien de Rubempré.

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    Needs se dit encore plus impressionné par le chant hanté d’Arthur Lee. Pour situer l’art musical de Love, il invente des formules du genre ectoplasmic vapour trail et indique que leur musique semble parfois descendre des dieux, notamment the supremely evocative luminescence de «The Castle», sur Da Capo. Il ajoute que le rampant poetic genius d’Arthur Lee atteint son sommet avec Forever Changes. On apprend aussi au passage qu’Arthur Lee travaillait à son autobiographie mais la mort le surprit en 2006, à Memphis, l’empêchant de la mener à son terme. Il faut donc de contenter du big book de John Einarson, qui est basé sur l’autobio inachevée. On y reviendra, pour l’instant c’est pas l’heure. L’artisan de Forever Changes est en fait David Angel, un arrangeur de métier qui s’entendit comme cul et chemise avec Arthur Lee et qui passa trois semaines chez lui à Lookout Mountain, à transposer sur le papier les trucs qu’Arthur lui jouait au piano et les parties de cuivres et de cordes qu’il avait en tête et qu’il chantait - Angel écrivit les arrangements, Arthur le crédita comme arrangeur sur l’album alors qu’il était plutôt orchestrateur - Autre particularité essentielle de Forever Changes : Arthur ne voulait pas d’overdubs, comme en font tous les autres groupes de rock, il voulait une musique organique, avec l’orchestration dans le groove. Et puis il y avait aussi les textes qui fascinaient Angel. Botnick dit aussi que ses deux poètes préférés sont Jim Morrison et Arthur Lee. Mais 69 est surtout l’année de Four Sail qui pour beaucoup est le big album de Love. Needs ne s’y trompe pas, il a repéré le cataclysmic «August», le hoodoo shuffling de «Singing Cowboy», le complex guitar ballad de «Robert Montgomery» et le desperate «Always See Your Face». En fait, ces cuts sont mille fois plus géniaux que ce qu’en dit Needs. Four Sail pourrait bien être l’un des dix meilleurs albums de rock de tous les temps, tous mots bien pesés.

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    Bien sûr, l’autre mamelle du mythe Arthur Lee c’est la connexion hendrixienne. Nous y voilà. Oh ils se connaissaient depuis longtemps, car ils avaient enregistré «My Diary» ensemble au Gold Star Studio de Los Angles, en 1964. Leurs chemins se sont séparés quand Arthur est resté en Californie alors que Jimi partait à New York. Arthur ne savait pas que le petit blackos qu’il avait connu et celui qui cassait la baraque à Londres étaient le même Jimi. C’est Leon, le frère de Jimi, qui lui apprend ça un jour, lui expliquant que Jimi avait emprunté le look black hippie d’Arthur. Quand ils se retrouvent à Londres en 1970, Arthur est horrifié de voir Jimi se faire plumer vivant. Ils vont ensuite enregistrer ensemble «The Everlasting Love» à l’Olympic studio de Barnes, un cut qu’on trouve sur False Start, un autre album exceptionnel. C’est à ce moment-là que Jimi, au cœur du désespoir le plus noir, montre à Arthur sa strato blanche posée sur l’étui à guitare et déclare : «C’est tout ce que je possède.» Allez-y les gars achetez des disques !

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    La connexion hendrixienne semble courir comme un fil rouge sur la peau du book. Elle revient par Juma Sultan : Studio We était le «Communauty Music Project du Lower East Side où traînait Martin Rev et où il joua. Le trompettiste James DuBoise et le percussionniste Juma Sultan avaient ouvert l’endroit en 69. Sultan avait fait partie de Gypsy Sun and Rainbows qu’avait monté Hendrix.» Juma Sultan était donc à Woodstock. Needs en profite pour rappeler qu’avec les poings levés de Tommie Smith et John Carlos aux jeux Olympiques de Mexico en 68, le «Star Sprangled Banner» joué à Woodstock fut la plus belle manifestation du black power as pure physical presence. C’est l’époque où Jimi cherche à renouer ses liens avec la communauté noire de Harlem, comme on l’a vu avec l’épisode Last Poets. Needs dit que si Jimi avait vécu, il aurait travaillé avec Juma et emmené l’electric jazz impulse bien plus loin que n’avait su le faire Miles. Jimi dut monter Gypsy Sun and Rainbow après que Noel Redding ait quitté l’Experience, ce qui fait bien marrer Needs - Ça doit être un effet secondaire de la cocaïne qui a poussé Redding à quitter le meilleur groupe du monde, au lieu de savourer la chance qu’il avait d’accompagner cet extra-terrestrial genius qui jouait de la guitare - Jimi se sentit libre, il voulait échapper à la routine des tournées incessantes et voulait se consacrer à cette «sky church» dont il parlait avec son poto blackos Juma. Jimi voulait tellement secouer ses chaînes qu’il organisa dix jours après Woodstock un concert gratuit à Harlem, sans en informer le manager Jeffery. Et puis bien sûr, il y a le fameux réveillon du jour de l’an 1970 et le concert du Band Of Gypsys avec lequel Needs termine son book. Pour ça, Needs sort le Grand Jeu : «Jimi déploie tout son arsenal de Vox wah wah, Roger Mayer Axis fuzz, Fuzzface, Univibe and Mayer’s Octavia harmoniser, et il ajoute encore d’autres courants et fait monter de sa black strato une énorme marée d’incandescent supernatural power. Après quelques couplets, l’Octavia lâche un grondement océanique qui nous jette dans les killing fields du Vietnam, avec des hélicoptères, des langues de napalm, des rafales de mitrailleuses et des plaintes de mourants. Pendant ces quelques minutes, Hendrix ne joue pas vraiment de guitare, il illustre plutôt musicalement ce que le poète Wendell Berry appelle ‘des millions de petites morts’. Alors Buddy Miles reprend le chant pour ramener le cut sur terre, la guitare de Jimi gémit comme un animal blessé, juste avant la salve fatale.» C’est vrai, s’il est un album qui pousse vraiment au délire verbal, c’est bien celui du Band Of Gypsys. Mais Jeffery ne supporte pas ce projet. Il le voit comme un manque à gagner. Un autre concert du Band of Gypsys fut organisé le 28 janvier au Madison Square Garden. Le groupe ne monta sur scène qu’à 3 h du matin et Jimi était complètement stoned. Jeffery lui avait filé des acides. Jimi réussit néanmoins à jouer deux cuts avant de poser sa guitare et de quitter la scène en déclarant : «That’s what happen when one fucks with space.» Fin du Band of Gypsys. Buddy Miles accusa Jeffery d’avoir filé deux tablettes d’Owsley acid à Jimi et Jeffery le vira sur le champ - This trip is over - Avant de disparaître, Jimi Hendrix aura réussi nous dit Needs à donner une sacrée allure au black power, initiant un fabuleux courant musical : «conscious lyrics, raging guitars powered by big amps, as picked up early by Funkadelic, then Miles Davis, Sly & the Family Stone, Detroit’s Black Merda, the Chambers Brothers and Undisputed Truth.» Bien vu Needsy. On l’adore quand il fait des listes aussi délicieusement somptueuses.

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    Dans la liste, on retrouve Miles Davis, et ça tombe bien, car Needs se fend d’un beau chapitre Betty Davis. Comme tout le monde, il a lu le Harlem 69 de Stuart Cosgrove et vu le fameux docu de Phil Cox consacré à Betty, They Say I’m Different. Le premier à reconnaître l’importance de Betty Davis, c’est Miles - She was really into new, avant-garde pop music - Alors en bon fin limier, Needs repasse au peigne fin le rôle capital que joua Betty Davis au cœur de cette révolution du black Power, en composant «I’m Going Uptown To Harlem» pour les Chambers Brothers puis en connectant son mari Miles avec Sly & the Family Stone, Otis Redding, Cream et bien sûr Jimi Hendrix. C’est Betty qui emmène Miles se saper chez Stella, la femme d’Alan Douglas : vestes à franges et liquettes en satin. C’est un petit cercle d’initiés que Jimi aime bien fréquenter, nous dit Needs, quand il est à New York et principalement Alan Douglas qui vient de monter le fameux label portant son nom. Il sort les albums de The Last Poets, Richie Havens, Etric Dolphy, Lenny Bruce et Malcolm X. Pardonnez du peu. Partout où il met le nez, Needs met la gomme. Il est en quelque sort de roi des listes révélatoires. Son côté Rouletabille fait mouche à tous les coups. Et puis voilà le fameux épisode des sessions Columbia. Miles essaye de lancer la carrière de Betty et rassemble une équipe de surdoués : McLaughin, Wayne Shorter, Herbie Hancock, Mitch Mitchell, Larry Young, Billy Cox et Harvey Brooks. Ils tapent dans des trucs comme le «Politician» de Jack Bruce et «Born On The Bayou» de Creedence. Mais Columbia rejette le projet. Atlantic itou. Il faudra attendre 2016 pour enfin entendre ces sessions mythiques. Dans les notes de pochette, Harvey Brooks dit de Betty qu’elle était the real deal. Après s’être séparée de Miles et de sa jalousie, Betty entama sa carrière solo et tenta sa chance à Londres, aidée par Marc Bolan, avant de retourner aux États-Unis. Mais on a déjà dit en mai 2018 tout le bien qu’on pensait de Betty Davis sur KRTNT.

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    La valse des monstres sacrés se poursuit avec Bowie. July, c’est le décollage de Ziggy Stardust, dont l’impact d’image sur la société est comme celui des Stones, plus profond que celui de la musique. Il a raison de dire ça, le petit Needsy Needsy petit bikiny, d’une part parce que c’est vrai et d’autre part parce qu’il y croit dur comme fer et cette croyance fait la foi du pâté de foie. Ziggy a révolutionné les espaces culturels et les tabous sociaux, rendant les beaufs et les homophobics encore plus enragés qu’ils ne l’étaient. Needsy rappelle aussi que les traditional rock fans ne réagissaient pas très bien face au délire de Ziggy (who I’ve found to be among the most conservative stick-in-the-muds over the decades). Ziggy arrivait en plein âge d’or du denim et préparait l’avènement du punk-rock - Pop music was being invaded by a vision from the future and rock’n’roll was about to changer forever - Alors il y va, Needsy, avec le nuclear reactor brain de Bowie qui lâche sur l’Angleterre un flash flood of brillance, oui, c’est exactement ça, il parle d’un Bowie-phénomène qui a épongé toutes les influences comme a crazed sponge, après que Lindsay Kemp eût ouvert les vannes. Les Spiders deviennent cet extraordinaire edgy proto-metal band qui allait explorer the Nietzschean paranoia, genetic engineering and cataclysmic insanity avec The Man Who Sold The World, l’un des albums les plus délicieusement heavy jamais enregistrées en Angleterre. C’est à Friars que Bowie confie à Needs qu’il va devenir Ziggy Stardust et devenir a huge rock star. Il avait déjà tout en tête à Haddon Hall, il savait qu’il devait mourir pour renaître en Ziggy Stardust, un personnage de son invention, un composite du kamikaze nihilism d’Iggy, du Legendary Stardust Cowboy, de Marc Bolan - Needs précise que Weird and Gilly sort d’un poème que Bolan avait écrit pour Jimi Hendrix, ‘who played it left hand’ - et puis bien sûr Vince Taylor que Bowie rencontra un jour dans la rue et qui lui affirma être un Jesus Christ reincarned from the outer space. Ziggy Stardust est comme Elvis et Vince Taylor : la parfaite synthèse d’un mythe contemporain qu’on appelle le rock’n’roll. Bowie complète le panorama avec des costumes directement inspirés de Clockwork Orange, des wrestling boots de Russell and Bromley et une coupe de cheveux post-Rod Stewart, qui anticipe le punk et qui lance une révolution dans les chambrettes adolescentes. En Angleterre, filles et garçons se coiffaient comme Ziggy. Et boom, glam, punk tout ça va couler de source - Here was the future - Il a raison Needsy, on l’a clairement senti à l’époque. Un futur enraciné dans le showbiz à la Judy Garland, l’underground new-yorkais d’Andy Warhol, Lou Reed et Stanley Kubrick. Le nuclear brain de Bowie surchauffe le temps qu’il faut. Wham bam thank you mam, Ziggy adresse un beau clin d’œil à Little Richard. Needs dit qu’il régnait aux concerts de Ziggy Stardust une ambiance géniale qu’il n’allait revoir qu’avec la vague punk quatre ans plus tard.

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    September démarre en trombe avec Mott et Guy Stevens. Nouveau shoot violent d’overdrive car Mott est avec les Stones le groupe chouchou de notre héros. Dans son regard égaré de fan transi, Mott reste le groupe des high extremes, des loudest amps, longest hair and highest platform boots, tout ça organisé par un mec que Needs considère comme un visionnaire, Guy Stevens, qui déclara un jour : «Il n’y a que deux Phil Spector dans le monde et je suis l’un d’eux.» Big portait du Guy, qui entre dans le biz dès 1963, président du fan club de Chuck Berry, tête de pont Chess en Europe, puis artisan du succès de Sue Records, il lance en Angleterre les premier singles d’Ike & Tina Turner, Rufus Thomas, Elmore James, Lee Dorsey, Bob & Earl et quatre volume de The Sun Story. Puis, il s’acoquine avec Chris Blackwell et commence à produire des gens comme Alex Harvey. Et c’est là que commence l’extraordinaire parcours du découvreur Stevens. Il signe les VIPs sur Island, change leur nom, les baptise Art, puis après leur avoir adjoint l’organiste américain Gary Wright, ils deviennent les Spooky Tooth. Tout va bien jusqu’au jour où Keith Moon file à Guy sa première pill d’amphète et, nous dit Needs, the passionate musical evangelist devint le mad-eyed firecracker of popular legend que l’on sait. Boom ! Il rencontre ensuite Gary Brooker et les Paramounts et les rebaptise Procol Harum, d’après le nom du chat siamois d’un pote à lui, mais le groupe n’intéresse pas Blackwell et s’en va signer chez Decca. Guy continue néanmoins à flairer les talents et finit par faire d’Island le label de pointe des early seventies. Après avoir essayé de ramener Creedence, il ramène Free, Heavy Jelly et Mighty Baby, rien que des gros trucs - Son enthousiasme dévastateur tournait systématiquement en mayhem - Il devait produire Traffic, mais invité à la ferme, il préféra se piquer la ruche en vidant leurs bouteilles. Puis il décide de monter un groupe qui n’existe pas : un mélange de Dylan et de Stones. C’est Mott. Il monte le groupe de toutes pièces, il est le seul à repérer le charisme de Ian Hunter que les autres ne voient pas. Puis il les produit. Hunter lui rend hommage en tant que producteur. Pour évoquer le son de Mott, Needs parle d’infernal alchemy et d’elemental monster. Hagard, il n’a plus de mots pour célébrer la grandeur du early Mott. Il parle d’un Guy en studio complètement incontrôlable qui hurle, qui jette des chaises dans le mur et qui pousse les Mott à se surpasser - You are the Rolling Stones ! You are Bob Dylan ! You’re better than them ! - Mais oui, c’est ça, t’as raison, mon gars. Les Mott font ce qu’ils peuvent. Alors Guy les force à picoler, et ils se mettent à mal jouer, mais Guy trouve ça génial, il crée du chaos, il les pousse en permanence dans leurs retranchements, ils testent leur résistance, du chaos naît la vie, c’est bien connu. Il agit en mad-ass rock’n’roll maniac. Pendant l’enregistrement de Brain Capers, Guy se fout en pétard, fracasse des chaises dans le mur, puis il réduit l’horloge du studio en miettes, arrose tout ça de ketchup et finit par y mettre le feu. Tous les fans de Mott savent que Brian Capers est L’Album clé du groupe. On a passé à l’époque un an à fantasmer sur cet album, avec Jean-Yves. Ian Hunter dit qu’avec Brian Capers, ils étaient le premier groupe punk anglais. Merci nutcase Guy. Pete Frame raconte que lors des réunions chez Island, Guy s’amusait à balancer les téléphones dans la gueule des gens assis autour de la grande table - Island Records was the coolest label by far at that time - Needs a raison de rappeler que Mott allait devenir en 1970 the UK’s wildest live rock’n’roll act, préparant le terrain for glam & punk.

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    Et puis pour finir en apothéose, voici l’hommage le plus fulgurant d’un book déjà bien secoué du cocotier, celui que ce démon de Needs rend à Sun Ra. Needs parle tout de suite d’apocalyptic Mardi Gras style of the time, ça résume bien la situation. Il dit aussi que le roaring organ de Sun Ra dans l’insane 68 Ra set from New York’s Electric Circus ressemble à celui de John Cale dans «Sister Ray». Needs sait faire bander son lecteur. Il découvre Ra en 1969 avec The Heliocentric Worlds Of Sun Ra Volume Two. Il parle de cet album en termes d’unearthly intergalactic onslaught qui ont transformé sa cervelle adolescente en dancing globules, renvoyant l’«Interstaller Overdrive» du Pink Floyd au vestiaire. Et hop ça continue à coup de space chords blowouts, chamber space jazz & lonely planet serenades. Tout le vocabulaire du rock s’est donné rendez-vous chez Needsy, comme jadis chez Nick Kent. C’est du jour où il découvrit The Heliocentric Worlds Of Sun Ra Volume Two nous dit Needs que date sa passion pour Sun Ra, une passion qui n’a jamais voulu voir se calmer. Il dit aussi avoir passé des décades à traquer les albums de Sun Ra dans les record emporiums du monde entier et dans les rues de New York. Il parle d’impossibly-rare albums achetés 1 dollar sur les trottoirs de New York, de quoi faire baver n’importe quel spécialiste. À ce petit jeu, Needs est très fort. Il dit posséder des centaines de disques de Ra et a même fait sa compile de Ra en 2012, A Space Odissey, From Birmingham To The Big Apple pour le label Fantastic Voyage. Il considère Ra comme l’un des principaux innovateurs du XXe siècle - Sun Ra was the ultimate outsider, poursuivant son propre chemin vers des mondes fantastiques de son invention, le premier musicien à déclarer space is the place et créant une musique pour décrire sa vision. Il fut aussi le premier à promouvoir l’improvisation au sein d’un big band, à utiliser le piano électronique en jazz, et fut à la fois le pionnier de la psychedelia et de l’Afrocentrisme, utilisant des danseurs, des costumes exotiques et des effets multi-média pour illustrer ses concepts - Un spécialiste de Ra nommé D. Anderson prétend qu’il est aussi important qu’Hendrix ou les Beatles. Needs cite bien sûr ses albums de Ra préférés, car c’est une jungle, mais il a des boussoles pour s’y retrouver. L’épisode le plus marquant de cette wild Ra Saga qu’orchestre Needs est celui du concert commun de Ra et du MC5 à Detroit en 1967, suivi deux ans plus tard d’un séjour d’un mois à Detroit. Ra et son Arkestra sont invités par John Sinclair. Wayne Kramer et le MC5 étaient des major fans de Ra, au point d’utiliser son poème ‘There’ pour ce sommet du space-trash rock qu’est «Starship». Needs cite alors Ben Edmunds : «MC5 et Sun Ra étaient des frères d’armes visionnaires, des explorateurs de territoires inconnus.» Ra & the Arkestra se retrouvèrent à l’affiche du grande Ballroom, blowing Led Zeppelin off the stage. Voilà, on sort épuisé et excité à la fois de ce book, avec des tas de choses à écouter ou à réécouter, à la lumière de tous ces feux. Il faut remercier Needs pour cette fantastique virée à travers le monde magique des disques et des légendes. Dommage qu’il ait oublié l’un des symboles les plus importants de cette année-là : «69 Année Érotique».

    Signé : Cazengler, Krise de nerfs

    Kris Needs. Just A Shot Away. 1969 Revisited Part. 2. New Haven Publishing Ltd 2020.

    Betty Davis: voir livraison 373 DU 10 / 05 / 2018

    JARS III

    ( Pogo Records 150 / Décembre 2020 )

     

    Dans les livraisons 486 et 487 je vous entretenais de Jars, notamment de ce chef-d'œuvre ( oreilles sensibles s'abstenir ) qu'est leur premier disque. Or deux semaines plus tard sortait le troisième album du groupe. Du moins le troisième album à couverture noire qui s'en vient compléter la série Jars I et Jars II. La discographie de Jars comporte à l'heure actuelle dix-huit pièces, mais Anton Obrazeena qui est l'épine dorsale du groupe, combien cette expression est bien choisie quand on se souvient que le I et II portent sur leur couve le dessin d'une rose carnivore, pense que ces opus présentent les moments décisifs de l'ensemble des productions de Jars.

    L'Artwork est de Peter Psymuline. L'aigle impérial n'est pas au mieux de sa forme. N'est plus qu'une espèce de double-plumeau squelettique. Est-ce pour signifier comme l'indique une courte notice que Jars se détourne sur cet album de l'épouvantail du politique pour aborder des thématiques davantage intimistes car il faut se battre autant au plus près qu'au plus loin de sa propre implantation dans le monde.

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    Alexander Seleznev et Vladilir Veselik ont aussi participé à la mise en place des titres suivis du signe ° lorsqu'ils faisaient partie de Jars.

    Anton Obrazeena : guitar, vocals / Pavel Orlov : bass / Mickail Rakaev : drums

    Sick : c'est vrai que le mur du son ne vous écrase pas, vous avez une guitare qui klaxonne comme une file de voitures à elle toute seule, pour l'édulcoration politique, nous entrons en relativité restreinte, un constat implacable sur la situation sociale. Tout ce que propose la société capitaliste est une grosse flaque de caca boudin, plus on avance dans le morceau, plus la condamnation est sans équivoque, la basse orlovienne ne vous laisse aucun doute sur la nocivité du système, au volant de son poids-lourd battériel Rakaev ne respecte pas le feu rouge et roule sur les limousines sans regret, comme quoi il y a une solution à tout pour avancer dans la vie. Anton vous le scande, désormais ce sera survivance autonomiale. Mr Visionary° : on devrait avoir le droit de porter plainte pour agression sonore après l'écoute d'une telle diarrhée sonique. Obrazzena vous chie carrément dans les oreilles, ça rentre par l'une et ça ne ressort pas par l'autre, jugez de l'état de vos synapses, et ses deux compères en rajoutent un max, en plus c'est tromperie sur la marchandise, notre visionnaire ne nous parle que de son passé de soumission. A l'énergie qu'ils déploient, si intense que le morceau dépasse à peine la ( dernière ) minute, celle qui vous reste à vivre, l'on espère de tout cœur qu'ils vont trouver une solution, parce que Victor Hugo nous l'a dit à peu près en ces mots dans la préface des Contemplations : ô insensé qui crois qu' Obrazeena ne parle pas de lui. Curse, curse, curse° : la musique tombe sur vous comme une malédiction, grandiloquente et obèse, reflets de guitare, le scalde Obrazeena prononce les mauvaises paroles, la batterie roule avec la volupté d'une division blindée, tout est noir, le passé et l'avenir, mais d'un noir anarchie, étamine noire du désordre qui doit flotter sur le monde, la musique touche à la folie pure, régression vers un ahan de bûcheron abattant tous les arbres des forêts mentales. Quand ça s'arrête vous vous demandez par quelle chance inouïe vous vous en êtes sorti. Wich empire are you : démarrage de la batterie à la manivelle, et lorsque le moteur commence à tourner, c'est si brutal, si violent, si rapide que vous en êtes effrayé, les instruments font la course entre eux, ont un sacré souffle, subito silence cristallisé, tombe un rideau de plomb, une fois, deux fois, trois fois, minuterie en marche, quatre fois, mais ce coup-ci les dégâts sont énormes et les débris roulent de tous les côtés, s'agit de rompre les ponts qui nous relient avec le passé, de les concasser en petites pierres tombales, jetez un regard derrière vous, la sainte Russie est morte, n'existe plus, rire de schizophrène qui vient de couper un des deux bouts de la queue de sa folie qui l'amarrait au vieux monde. Ultramarathon° : courir contre soi-même, au travers des hurlements comprendre sa paranoïa, ce n'est pas que l'on m'en veuille, c'est que le monde entier est dans le même état que moi. Anton récite les mantra de la déculpabilisation individuelle, comment voudriez vous que la musique ne soit pas violente puisque c'est le monde entier qui brûle et se consume, et qu'elle n'est que le reflet d'une terreur libératrice. Mechanism : au sax tromblon Anton Ponomarev, retour sur soi-même identification des coupables, morceau à facture rock davantage prononcée, la batterie d'Orlov montée en mécanisme d'horlogerie du désastre, guitares lyriques, Anton Obrazeena psalmodie, il nomme tous les ustensiles de la modernité un par un, de son portable à sa machine à laver, tous le même rôle, l'aseptiser de lui-même, lui arracher toutes ses particularités, le transformer, d'ailleurs à la fin il crie comme un zombie et plus personne ne contrôle la musique qui s'engloutit en son tourbillon. Cascade de cacophonie extrémiste. I need ennemies° : l'impersonnalisation ne suffit pas, lorsque l'on n'est plus ce que l'on a été, ce n'est pas pour cela que l'on est déjà ce que l'on aurait dû être, voix pratiquement suppliante au début qui s'emplit en un second moment d'une exigence pratiquement auto-mutilatoire, les instruments en rajoutent une couche arasante, a-t-on vraiment besoin du regard de l'autre pour être, ne peut-on se reconnaître que sous la torture. Dramaturgie du désir d'être soi poussé jusqu'à l'expérimentation de son propre non-être. Théâtre de l'auto-cruauté aurait dit Artaud. Grandiloquence paroxistique. Speedcop° : accord funèbre, traversée des miroirs de la folie, ne plus être soi, devenir ce que l'on n'est pas, être l'incarnation du mal qui vous empêche d'être. Morceau court et ultra violent. Tout vole en éclats. Moscow do not believe in tears° : quincaillerie des cymbales, Anton récite un poème d'amour sur un groove très vite remplacé par des clinquances de joints  qui pètent une culasse, ensuite la musique couvre la chanson comme on recouvre un cadavre d'un drap de lit pas très propre, Anton revient en force, on l'entend mal, mais qu'il parle d'une fille ou d'une ville, vous sentez bien que cela finira mal, l'on sabre les guitares comme des bouteilles de champagne pour fêter le prochain suicide programmé. Long passage instrumental, invraisemblable tunnel, la machine halète comme le corps de Gérard de Nerval se balançait dans la rue de la Vieille lanterne. Maintenant Anton s'égosille, il est trop tard, la vieille locomotive ralentit, et finit par s'arrêter, interminables crissements de freins, si j'étais vous je ne descendrais pas, cette gare d'outre-tombe ne me dit rien du tout. Un mort peut en cacher un autre.

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    Certes le son a changé, un peu moins assourdissant, moins franchement noise, mais sans plus, l'on sort de cette écoute un peu tourneboulé, commotionné, griffé d'émotions difficiles à analyser. Tout va trop vite, trop fort. Jars ne vous laisse pas le temps de réfléchir, ni même de sentir, Ce n'est qu'après que vous mesurez la force de l'impact, que le trou s'agrandit en vous.

    Damie Chad.

    MONSTER

    STEPPENWOLF

    ( ABC Dunhill / 1969 )

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    Pochette de Gary Burden, une des dernières qu'il effectuera pour Steppenwolf. Dans la continuité de celle d'At Your Birhday Party, le même principe qui mêle photographie couleur et une masse grise à laquelle l'on serait au premier regard tenté de ne prêter aucune attention, ce surplomb grisâtre de la photo prend l'apparence de la voûte d'une caverne, l'effet est d'autant plus renforcé que nos quatre héros torses nus semblent poser à l'intérieur d'un boyau. Encore faut-il réaliser lorsque l'on a retourné le disque que ces quelques centimètres supérieurs dans lesquels on a fini par discerner des personnages entassés les uns sur les autres ne sont que le bas du dessin qui occupe tout l'espace du dos de la couve dépourvu de toute indication que l'on s'attendrait à trouver quant aux titres des morceaux, noms des compositeurs et des participants à l'enregistrement.

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    L'on comprend facilement pourquoi l'on n'a voulu surcharger le dessin de notes malvenues. Il s'agit d'une œuvre de Rick Griffin. Le nom ne vous dira peut-être rien mais l'artiste est loin d'être un inconnu pour les amateurs de surfin' et de Gratefull Dead. Sans doute avez-vous aussi, sans le savoir, admiré ces affiches pour promouvoir les concerts du Fillmore de San Francisco. Le maître du dessin psychédélique, un coloriste hors-pair, son influence est immense, avec Crumb il renouvela l'art du comix américain. Il suffit de taper son nom sur le net pour en prendre plein les mirettes. Griffin est un visionnaire, imaginez un Edgar Poe hippie, son œuvre oscille entre délire et épouvante, entre les fissures mentales éclaircissantes provoquées par le LSD et la remontée des monstres intérieurs. Pas étonnant qu'elle se soit retrouvée sur la pochette de Monster. Ce dessin se retrouve dans Man From Utopia ( 1972 ) , méfiez-vous, la couverture est digne d'un comix bas de gamme, l'intérieur est une série de planches que l'on pourrait comparer pour l'impact sur vos neurones imaginatives aux célèbres escaliers de Piranèse, Griffin est un des des maîtres de la phantasmatique rock. Une vie californienne à la hauteur de ses exigences. Tout comme Gabriel Mekler producteur des premiers albums de Steppenwolf, il meurt, à l'âge de 47 ans, d'un accident de moto. Son dernier dessin représente un artiste attendant l'ouverture des portes du Paradis. Three steps to heaven, knocking on heaven's door...

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    Pour la pochette elle-même je vous laisse seul juge, vraisemblablement inspirée par l'imagerie Born to be wild – je ne suis pas sans me demander si elle n'a pas influencé quelque peu le Snaggletooth de Motörhead – tapant aussi bien dans l'imaginaire Biker que dans la légende du vaisseau fantôme, totalement en accord avec la thématique politique de l'album.

    John Kay : lead vocal, harmonica, guitar / Larry Byrom : lead guitar / Nick St. Nicholas : bass / Goldy Mc John : Hammond organ, piano / Jerry Edmonton : drums

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    Monster : tout doux presque une introduction de musique classique, des images de menuet dans un beau salon vous passent par la tête, trois coups de boutoir fracassent les murs, la comédie peut commencer, John Kay vous conte une histoire, d'une voix cérémonieuse, derrière la vipère noire du rock'n'roll ondule et ses anneaux virevoltent lourdement, le morceau est construit sur cette ambivalence, tantôt le coup du charme, tantôt les coups de poing sur la gueule, si la musique sourde et violente ne mâche ses notes, Kay ne marmonne pas ses lyrics, droit au but, c'est l'histoire des Etats-Unis qu'il raconte, ces hommes qui fuient l'oppression politique et religieuse, on les comprend, on les soutient, on les porte dans notre cœur, ne sont pas des enfants de chœur, pour gagner de l'argent ce sera l'esclavage, pour s'emparer de terre l'on tuera des indiens, vous avez beau énoncer les choses le plus délicatement possible, les mots percent vos illusions comme des balles, pas bien beau tout cela, l'on comprend que parfois la musique s'aggrave et pèse des tonnes, de regrettables erreurs, de toutes les manières l'on ne peut revenir sur le passé, mais maintenant c'est à un monstre que nous sommes confrontés. Le drame peut commencer. Suicide : tout devient noir, un rythme qui fait écho à Perchman, cette fois Kay dégobille les mots qui font mal, vous comprenez pourquoi par la suite Le Loup n'est pratiquement plus entré dans les charts, ce n'est plus une attaque en règle mais une entreprise de démolition, le genre de lyrics qui poussent les démocrates au suicide, le Loup accuse sans retenue et ne respecte rien, le monstre est aussi le produit de nos veuleries, l'américain moyen gros et gras qui vote tous les quatre ans en prend pour son grade, le gouvernement compte sur la police pour que les gens réagissent comme des moutons, ne lèvent même pas la tête quand on envoie les fils se battre – pas besoin de préciser que c'est au Vietnam - musique de plus en plus violente à la mesure de l'état policier oppresseur. America : pour clôturer l'on revient aux sources du rock'n'roll voici les chœurs du gospel qui en appelle à l'Amérique, pas celle de Dieu, celle des citoyens endormis qui refusent de s'éveiller, là où il y a tyrannie, il y a esclaves disait La Boétie, Kay ne lance pas un appel p aux armes mais la logique de ses paroles y conduit. Ces trois premiers morceaux n'en forment qu'un, une suite, un oratorio ponctué de passage musical de grande expressivité. Un véritable chef d'œuvre de grande violence mais si subtilement déployée qu'elle ne porte en elle aucune brutalité. Draft resister : splendeurs d'orgues, trot de batterie, une charge légère, attention l'ennemi n'est pas des plus faibles ce sont les institutions les plus puissantes que vous puissiez trouver, l'(in)Justice et l'Armée, Kay s'en prend au Pentagone et offre le titre de résistant à ceux qui refusent la conscription. Honneur à ceux qui se battent du fond de leur prison pour notre liberté. Très beau morceau chatoyant et étincelant tel un insaisissable mirage du désert, qui passe et ne vous laisse que des regrets. Power play : un vieux morceau qui date des Sparrow, preuve que la révolte couve depuis longtemps. Un blues de colère dans lequel Kay mord à pleines dents, musique compressée comme le Loup sait si bien le faire, une acerbe réflexion sur les relations de l'individu et de l'état. La guitare de Byrom est terriblement efficace. Bouche les trous de la trame musicale. Titre idéal pour se rendre compte des multiples séquences entrecroisées qui fonde la musique du Loup. L'on entre dans une boucle musicale que pour en sortir. Non pas pour s'en évader mais pour en créer une autre qui elle-même laissera la place à une autre. La couleur des instruments jouent le rôle des leitmotivs wagnériens qui permettent de construire la carcasse des morceaux, c'est pour cela que la voix de Kay n'a pas plus d'importance que le son du clavier, le Loup construit une musique fondamentalement unitaire qui n'appartient qu'à lui.

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    Move over : piano enjoué, finesses de guitares, casse-toi mon vieux, l'a une manière peu diplomatique de traiter du conflit des générations le Loup, faut entendre comment Edmonton vous enfonce les croulants dépassés dans les poubelles des vieilles lunes qui ont fait leur temps à coups renforcés de baguettes sur le crâne, et Kay vous les hache menu par la seule manière dont il cravache les lyrics. Je ne connais pas de sociologues qui se soient penchés sur ce texte. Pourtant dans les universités américaines les étudiants ont dû l'écouter en boucle. Fag : instrumental. Retour au blues. Un des secrets du Loup d'inclure dans ses albums, des morceaux purement musicaux, avec la plupart du temps un goût d'inachevé. Peut-être pour nous signifier qu'il ne faut pas céder aux vertiges de la musique. Qu'il faut garder son esprit critique... What would you do ( if I did that to you ) : un morceau qui sonne plus rhythm and blues que les autres, normal il est composé par Nolan Porter un des rois de la Northern soul, est-ce un hasard si l'on peut facilement discerner dans les premiers couplets une remise en cause de la ségrégation même si la deuxième partie passe à une situation plus classique, le gars qui se fait congédier car un plus riche a pris sa place auprès de sa bébé, le chœur féminin qui accompagne la fin du morceau a l'air de se délecter de la situation. From here to there eventually : c'est Jerry qui gère le vocal, au casse-pipe sociétal une cible avait été épargnée, à peine un peu évoquée par ci par là, alors là le loup y fait sa fête, joyeusement, allègrement, la religion passe un mauvais quart d'heure, orgue + chœurs féminins, l'on se croirait dans une église, rien de mieux pour tuer un ennemi que de le faire avec ses propres armes, que l'on retourne avec délectation contre lui, en plus dans un long intermède musical l'on est plongé dans une séance sado-maso et une voix féminine en pleine crise d'hystérie en appelle à Jésus, l'on se doute qu'il ne s'en tirera pas uniquement avec des paroles apaisantes, l'imposition des mains et plus puisque affinités sur la victime consentante s'impose.

    Avec un tel album le Loup n'a pas dû se faire que des amis. Il est resté très longtemps non-réédité. C'est pourtant un des meilleurs du Loup. Ignoré de nos jours par beaucoup. Le Loup est sur ce disque aux antipodes de bien de groupes de rock qui crient bien fort, retenez-moi, je vais faire un malheur. Et ils vous pondent un bonheur de belle musique brillante à l'excès mais qui très souvent sonne creux. Le Loup ne dit rien mais il commet le sacrilège de s'attaquer aux valeurs morales de la bonne conscience.

    Damie Chad.

    STEPPENWOLF LIVE

    ( ABC / Dunhill Records / 1970 )

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    Changement de style de pochette. Garry Burden laisse place entière à Tom Gundelfinger. Ce n'est pas un inconnu, il a déjà fourni les photos à partir desquelles Gary Burden a effectué son boulot de designer. Souvent l'on peut se demander qui du design ou de la photo tire profit de l'autre... Tous deux sont des connaissances de Mekler qui produit les albums, comme il faut s'y attendre notre photographe a aussi travaillé sur les couves de Nolan Porter. Tom Gundelfinger réalisera une cinquantaine de couvertures de disques. Il s'est fait remarquer par ses portraits backstage des vedettes du Festival de Monterey Pop en 1967. Ses photos d'artistes les plus célèbres sont celles de Joni Mitchell. Il triche un peu, avec une fille si belle il faudrait être un sous-doué congénital pour parvenir à rater un cliché. Il a aussi réalisé la légendaire photographie ( avec le chien, non prévu, du voisin qui s'en est venu prendre la pose de son propre chef ) de Déjà Vu de Crosby, Still, Nash and Young. Si vous faites un tour sur son site n'oubliez pas de zieuter ses paysages, sont magnifiques et d'après ma modeste personne bien supérieures à ses photos rock. Qui ne sont pas de la gazoline éventée.

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    Steppenwolf, Gundelfinger n'a pas cherché à finasser, qui dit loup des steppes, dit loup. Pour la steppe vous repasserez. Les loups sont de charmantes bestioles qui ont l'habitude de mordre leur proie. Inutile de chercher plus loin. Voici un loup gueule ouverte, les crocs bien en vue. Fond bleu-noir, pelage blanc, langue rouge sang ( bien frais ). Pas du tout une représentation hyperréaliste. La réalité suffit. La force de l'image se situe exactement entre l'idée de la réalité et la réalité de l'idée. Simple mais efficace. N'a même pas l'air méchant, presque un gros chien affectueux. Mais l'on ne s'y fie pas. Dangereux. Vous le voyez et illico vous mettez votre finger sur la gâchette de votre gun.

    Il existe une version de ce disque qui ne comporte qu'un seule galette. C'était le projet initial du Loup. La maison de disques ne l'a pas voulu ainsi. L'on gagne davantage lorsque l'on double la mise. Surtout si le groupe a le vent en poupe. Ce sera donc un double-album. Quand on l'écoute avant ou après l'Absolutely Live des Doors sorti la même année vous avez l'impression que gang morrisonien a rajouté une cinquième face tant le timing du Live des Loups est ridiculement court... Et encore, aux dix morceaux enregistrés en public ont été rajoutés trois autres peaufinés en studio... Les cadences imposées au Loup sont trop fortes, deux disques par an, à chaque fois chacun précédé et puis suivi d'une tournée. Le Loup n'a plus le temps de composer et ce Live n'apporte rien de nouveau et même pas d'original.

    John Kay : lead vocal, harmonica, guitar / Larry Byrom : lead guitar / Nick St. Nicholas : bass / Goldy Mc John : Hammond organ, piano / Jerry Edmonton : drums

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    Sookie, Sookie : beaucoup plus sale que la version sur le premier album, beaucoup plus rock, un son et une ambiance, Byrom assure comme une bête à la guitare, l'est partout comme le diable sur la terre promise, ce qui est étrange c'est comment la deuxième partie du morceau se range sans prévenir sous les auspices épicés du rhythmn 'n' blues, alors que le début est très rock'n'roll, avec des éclats traînants de voix de Kay qui semblent de lointaines interventions de Wilson Pickett. Don't step on the grass, Sam : extrait de the Second, une entrée en marchant sur la pointe des pieds puis tout le groupe appuie pour laisser de vastes empreintes sur la terre grasse. Le Loup marche d'un pas lourd. Prend son temps, faudrait pas que tout s'en aille et se perde en fumée, ce qui est primordial, c'est cette force cohésive du groupe, terriblement en place, avec cette guitare qui mange l'orgue et ne se tait que lorsqu'il faut marquer l'articulation du morceau, titre assez long pour que l'on puisse s'apercevoir du travail de Nick à la basse. Public enthousiaste. Tighten up your wig : un vieux morceau qui était déjà au menu des Sparrow, que l'on retrouve sur le Earlier Steppenwolf et sur le Second, le Loup recycle sans désemparer les vieilleries. John Kay vous la descend à toute allure et derrière ça suit sans problème, un petit solo d'harmo niqué pas piqué des hannetons, le combo joue sur du velours. Ceux qui l'entendent pour la première fois doivent trouver le truc au poil. C'est vrai qu'il y a une cohérence harmonique dans le découpage et Byrom et Goldy se payent non pas un solo mais un binôme guitar / organ comme l'on en a rarement entendu. Ce qui est sûr c'est que le groupe est fabuleusement en place et n'a besoin de mise au point de la part de personne. Mais la face 1 est déjà terminée. Monster : trois morceaux issus de Monster pour la face 2. Petit laïus de Kay qui espère que tout le monde sera d'accord avec lui pour assurer que le pays aurait besoin de quelques changements. Met de la hargne sur le vocal qu'il débite plus rapidement que sur l'album éponyme, volonté de persuasion et nécessité de marquer les esprits. Le groupe le suit, plus franc, plus direct, effets de batteries insistantes pour faire monter l'attente, la voix s'enroue comme un python réticulé s'enroule autour de vous pour vous convaincre de sa morsure, Byrom repeint sa guitare en bleu enfoncé, et le Loup remue galamment sa queue comme s'il invitait une demoiselle à entrer dans la danse. Celle des morts. L'orgue vous emporte sur l'hymne d'America que vous ne confondrez pas avec la star spangled banner même si derrière le groupe se permet autant de grabuge ( et même plus vu l'épaisseur du son ) que la version d'Hendrix l'année précédente à Woodstock, mise sous-tension organique, final d'éclaboussance. Draft Resister : le moment d'envoyer un des meilleurs boomerangs de l'album, rien n'arrêtera le Loup, les images défilent, vous galopez au milieu de la horde et vous savez que vous portez le sort du monde au bout de vos pattes comme John Kay sur ses cordes vocales et c'est toute la musique qui hurle avec vous, Jerry galope le rythme et lorsque vous croyez que tout va s'arrêter, vous êtes propulsé dans une accélération prodigieuse, quinze secondes qui vous arrachent de votre raison orbitale. Power play : posent les pieds dans le blues pour reprendre terre, la vieille rythmique bancale que l'homme adopte dès qu'il a un problème à régler avec le monde. Jouent le morceau à l' échauffourée, crocs dehors et le sang qui scintille sur les notes de la guitare qui pointille et vous troue la peau. A mi-morceau ils rajoutent une couche de colère, dramatisation de la haine tisonnée jusqu'à ce qu'elle s'enflamme et vous brûle jusqu'à l'os. Cette deuxième face est enthousiasmante.

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    Corina, Corina : morceau déjà présent sur Early Steppenwolf mais qu'ils ré-enregistrent en studio, z' auraient pu faire un effort, les caves du rock'n'roll sont emplies de trésors oubliés qui ne demandent qu'à être exhumés. C'est le moment de douceur et de mélancolie country qui jure avec tout ce qui précède. L'effet d'un joueur de foot qui marque un but homologué avec la main. Allumez les briquets et faites la vague. Avec un peu de chance elle vous emportera et ne rendra pas votre cadavre bouffé par les crabes. Twisted : deuxième morceaux enregistré en studio, l'ont déniché chez les Sparrow, fait moins tache que le précédent, notamment grâce à ce solo d'harmonica que Kay fulgure au cyanure comme si l'on était en train de l'étrangler, sinon c'est beau, c'est propre, mais il manque la rusticité sauvage d'un chalet de haute montagne construit au bord d'un glacier qui s'apprête à le pousser vers l'abîme. From here to there eventually : après ce double intermède nous informons nos auditeurs que nous reprenons notre programme malencontreusement coupé par un incident indépendant de notre volonté, voici donc le quatrième mouvement de la Symphonie Monstrueuse de l'ensemble à cordes steppenwolfien, et splouf l'on retombe dans la même hargne mais teintée d'une ironie encore plus méchante, un véritable blasphème, le rock'n'roll qui crache sur la sainte vierge du gospel qui l'a engendré, et sur la fin c'est funky sur le kiki. Hennit soit celui qui chevauche. Le Loup ne respecte rien. Hey Lawdy Mama : troisième morceau studio pour ouvrir la face 4, remarquable guitare de Byrom et original clapotement toussoté de Jerry, tous deux se sont gâtés, normal ils ont cosigné le morceau avec Kay, sympathique, mais entre nous j'eusse préféré une version revolverisée de Lawdy miss Clawdy, celle d'Elvis plutôt que celle de Lloyd Price, sans quoi le morceau est un peu passe-partout. Genre d'ouvre-boîte qui ne force jamais le coffre au trésor du capitaine pirate. Magic Carpet Ride : finissent sur les titres qui ont bâti leur renommée. Ce tapis volant m'a toujours fait l'impression de ces filles pas très jolies et pas très intelligentes mais qui vous accrochent, vous ne savez pas pourquoi. Elles ont du chien, elles dégagent et vous aimeriez bien partager leur niche. Un truc un peu insignifiant, mais qui marche encore. Je viens d'en faire l'expérience. The pusher : le combat anti-drogues dures de John Kay, courageux à l'époque, déjà présent avec les Sparrow, vous le servent sur un plateau d'orgue envoûtant, mais sur le Early Steppenwolf le vocal est beaucoup plus rugueux et accrocheur. Si c'était un recueil de poèmes, ce serait La mort viendra et elle aura tes yeux de Pavese. Ici jeté comme un pavé dans la mare. Born to be wild : ne pouvaient pas ne pas terminer sur celui-ci, quoique le titre ne se trouvait pas sur le premier tirage monodisque. Cette version est bien meilleure que l'originale de leur first album. N'empêche qu'il en existe de beaucoup plus violentes que celle produite par le Loup. Ici vous avez cette particularité d'une guitare pointue comme celle d'Al Casey.

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    Quoi qu'il en soit, ce devait être un spectacle envoûtant le Loup, rodé, soudé, puissant.

    Damie Chad.

     

    XVI

    ROCKAMBOLESQUES

    LES DOSSIERS SECRETS DU SSR

    ( Services secrets du rock 'n' rOll )

    L'AFFAIRE DU CORONADO-VIRUS

    Cette nouvelle est dédiée à Vince Rogers.

    Lecteurs, ne posez pas de questions,

    Voici quelques précisions

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    J'allumai mon Coronado. J'avais besoin de reprendre mes esprits. Quel être humain aurait-il pu supporter la terrible révélation auquel le Chef venait de se livrer. Imaginez-vous à ma place, venant d'apprendre que vous êtes l'homme à deux mains, celui-la même que le Service Secret du Rock'n'roll recherchait depuis le début de cette hallucinante enquête, qu'auriez-vous fait si vous étiez le récipiendaire de cette terrible assertion ? Dix minutes de relaxation ne seraient pas de trop. Pourquoi durant ce moment de répit, alors que la suave fumée du Coronado emplissait ma cage thoracique, ne pas laisser ma vaste intelligence vagabonder en parcourant d'un œil distrait les nouvelles du matin. Pourquoi pas même, me lancer dans un article sérieux, difficile et touffu, Damie me dis-je en piochant dans le tas de brochures que le SSR recevait chaque matin, pourquoi ne pas étudier mon horoscope, que pourrait-il m'arriver de pire que la nouvelle de ce début de journée. D'une main ragaillardie je déchirai la bande d'abonnement du Figaro, et dépliai le journal. Au cri d'horreur que je poussais le Chef en laissa choir de ses lèvres d'acier le Coronado sur le bureau :

      • Diable, agent Chad, y aurait-il une mygale facétieuse qui se serait fourrée entre les pages de ce quotidien !

    J'eusse préféré une myriade d'araignées venimeuses, il était désormais clair que la journée se terminerait mal, jugez-en par vous-mêmes, en première page :

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    L E F I G A R O

    Depuis quelques jours de nombreux lecteurs nous ont signalé avoir remarqué dans leur voisinage et jusqu'au sein de leur famille des cas de fièvres aigües, subites et inexplicables... Nous n'y aurions prêté que peu d'attention si hier en fin d'après-midi ne s'étaient produits plusieurs décès dus à des fièvres aigües et inexplicables dans pratiquement tous les hôpitaux parisiens.

    Le gouvernement s'est réuni de toute urgence. Dans la nuit des cas similaires se sont produits en plusieurs pays du monde. Tous les continents sont touchés. Hélas notre pays est au cœur de la tourmente. Toutes les enquêtes menées par les autorités médicales de toutes les nations du monde convergent vers une source unique : toutes les personnes malades ou un de leurs proches ont ces derniers jours visité notre capitale. Il ne fait aucun doute que l'épidémie se soit manifestée pour la première fois à Paris. Sans doute s'agit-il d'un virus encore non identifié mais tous les services de l'Etat travaillent à localiser le lieu précis de l'apparition de ce fléau.

    DERNIERE NOUVELLE

    Nous mettions sous presse lorsqu' une dépêche provenant de l'Elysée, nous est parvenue, la voici telle quelle, nous n'avons pas le temps nécessaire pour l'expliciter ou la commenter :

    '' Nos services de police et de santé sont parvenus à remonter à l'origine du virus qui a déjà causé plusieurs centaines de morts dans la population mondiale. Nous sommes en mesure d'affirmer que celui-ci a été criminellement et gratuitement distribué sous forme de cigares de la marque CORONADO lors d'une manifestation festive organisée sous la Tour Eiffel par une organisation secrète et terroriste surnommée le Service Secret du Rock'n'roll. Les coupables sont identifiés, ils ont été repérés pour la dernière fois roulant à toute allure sur la bande d'arrêt d'urgence de l'autoroute Normandie – Paris. Leur arrestation est une question d'heures.''

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    Le Chef alluma un nouveau Coronado :

      • Agent Chad, je crois qu'il est temps de prendre des vacances.

      • Excellente idée Chef, je propose un repli stratégique chez le Cat Zengler, son Bourgogne n'est pas mauvais et il possède une excellente collection de disques de rock'n'roll, nous pourrions attendre tranquillement, le temps que l'évidence de notre innocence éclate au grand jour et que nous réintégrions nos bureaux en grande pompe !

      • Ne rêvez pas Agent Chad, un piège tentaculaire est en passe de se refermer sur nous, nous ne ferions pas long feu en Normandie, non, prenez les chiens et débrouillez-vous pour réquisitionner une 2 CH, si possible avec un aspect un tantinet délabrée, mais un moulin du tonnerre, prenez quelques sandwiches, un filet à papillons, deux cannes à pêche, une épuisette, deux chapeaux de paille, deux chemises bariolées, dans une heure tapante, je vous veux place de la Bastille, stationnée au bas de la colonne.

      • Une heure Chef , c'est un peu juste !

      • Bon alors prenez soixante minutes, mais pas une de plus la survie de rock'n'roll est en jeu !

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    Je n'aime pas me vanter mais j'accomplis ma mission sans encombre. Les chiens m'aidèrent beaucoup. Cavalèrent à toute vitesse le long des trottoirs, lorsque Molossito aboya joyeusement et leva la patte sur la roue avant d'un véhicule stationné à une cinquantaine de mètres je sus qu'il avait trouvé la perle rare. C'est Molossa qui dénicha le fouillada dans lequel par miracle je trouvai les divers effets et ustensiles dictés par le Chef. Le magasin était désert à part les deux caissières qui avaient l'air de s'ennuyer. Molossito sauta sur le tapis roulant de la caisse, ce qui lui valut force caresses, Molossa eut aussi sa part.

      • Comme ils sont beaux !

      • Oui, nous partons en vacances, ils ont besoin de changer d'air.

      • Comme ils ont de la chance ! Et nous pauvres étudiantes obligées de rester à Paris pour travailler à gagner des clopinettes !

    Une intuition géniale traversa mon esprit.

      • Avec mon ami, nous ne possédons qu'une modeste 2 CH, mais si vous voulez profiter de l'occasion, elle est garée devant le magasin !

      • Pourquoi pas ! Super ! Le temps de faucher deux maillots de bains et quelques rechanges, on arrive !

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    Nous étions depuis trente secondes au pied de la Colonne lorsque le Chef surgit une lourde valise à chaque bras. Son sourire s'illumina en apercevant Charline et Charlotte.

      • Agent Chad, félicitations pour votre initiative. Plus on est de fous plus on rit, je vous remercie d'avoir fait un si beau choix.

    Charlotte se précipita – dès les premières secondes il fut clair qu'elle en pinçait pour le Chef - elle voulut l'aider à disposer ses bagages dans la malle, non non celui-ci reste avec moi à mes pieds, celle-là pas de problème elle ne contient que des choses sans importance, tout juste de quoi alimenter la gamelle de nos deux canidés, et pour bien montrer de quoi il s'agissait il souleva le couvercle. Lorsque les filles virent les liasses de billet, elles comprirent qu'elles venaient de rencontrer leurs amoureux de l'été.

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    • Où allons-nous ? demanda Charline

    • A Nice répondit le Chef, en passant par les petites routes, l'agent Chad aime beaucoup la Nature.

    • Moi j'aime beaucoup l'argent Chad répondit Charline, et nous éclatâmes de rire tous les quatre.

    ( A suivre... )