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ronnie hawkins

  • CHRONIQUES DE POURPRE 561 : KR'TNT 561 : RONNIE HAWKINS / MICHAEL DES BARRES / SPIRITUALIZED / TYN COLLINS / THE TRUE DUKES / C' KOI Z' BORDEL / TELESTERION / FALLS OF RAUROS

    KR'TNT !

    KEEP ROCKIN’ TIL NEXT TIME

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    LIVRAISON 561

    A ROCKLIT PRODUCTION

    SINCE 2009

    FB : KR’TNT KR’TNT

    27 / 06 / 2022

      RONNIE HAWKINS / MICHAEL DES BARRES

    SPIRITUALIZED / TYN COLLINS

    THE TRUE DUKES / C’ KOI Z’ BORDEL

     TELESTERION / FALLS OF RAUROS

     

    Sur ce site : livraisons 318 – 561

    Livraisons 01 – 317 avec images + 318 – 539 sans images sur :

      http://krtnt.hautetfort.com/

     

      Hawkins of rock’n’roll

     

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             L’un des derniers pionniers du rock vient de tirer sa révérence, aussi allons-nous lui rendre un modeste hommage. Le Canadien Ronnie Hawkins fut un personnage assez haut en couleurs. Jim Dickinson l’évoque dans ses mémoires : «Ronnie Hawkins ? Ah, the Hawk. C’était le roi de la boutade. Il y en a certaines que je n’ai toujours pas compris ! (He has the greatest one liner I ever heard. I could work the rest of my life and not come up with the line !). En 1971, Dickinson et les Dixie Flyers accompagnent Ronnie Hawkins sur l’album The Hawk. Dans l’équipe, on trouve Duck Dunn et Duane Allman (They called him Skydog, reflecting his concious state). Ça joue fabuleusement. Mais on n’en finirait plus avec ces mecs-là. D’ailleurs, on n’en finit pas. Comme les Envahisseurs que traque David Vincent, ils sont partout. Dickinson nous décrit l’arrivée de Ronnie Hawkins à l’aéroport de Muscle Shoals : «Il descendit de l’avion avec un carton rempli de bouteilles d’alcool et accompagné d’une femme qui était un mélange de Playboy bunny et de serial killer. Elle avait une gueule à faire tourner le lait. On aurait dit qu’elle avait le pare-choc d’une ‘49 Cadillac sous son sweater. Ses seins pointaient comme des obus. Cette femme était une lesbienne hardcore, une ancienne Miss Toronto et une star du roller-derby. Ronnie préférait ça aux groupies et aux road whores. Il portait un vieux stetson fatigué. Il lança à Wexler : ‘I got the pills, pot and pussy. I’m ready to rock’n’roll.’»

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             Cet album paru sur Cotillon est certainement le meilleur moyen d’entrer dans l’univers du Canadien. Les gens rassemblés par Dickinson swinguent «Sick & Tired» au pur Memphis Beat, avec les Memphis Horns dans le studio. Ils font aussi une fantastique version du «Drinkin’ Wine Spo-Dee-O-Dee». Ça swingue, mais à un point que tu ne peux pas imaginer, avec Sammy Creason au beurre. Les autres cuts sont plus classiques, comme par exemple cette version de «Red Rooster» amenée au boogie-rock de rockin’ tonite. Encore un brin de Memphis Beat dans le «Lonely Weekends» de Charlie Rich. Franchement, l’Hawk a du pot d’être entouré de cette équipe de diables. Le «Don’t Tell Me Your Troubles» d’ouverture de balda vaut aussi le détour, car voilà du wild country rock du Tennessee, tu as tous ces vieux baroudeurs qui sortent du sous-bois, Charlie Freeman, Duane Allman, Duck Dunn, méchante congrégation ! Et comme Ronnie se fait appeler The Hawk, tout le monde chevauche derrière lui. Sur «Ooby Dooby», il chante comme Gene Vincent, ce qui nous le rend éminemment sympathique. En B, tu te régaleras d’un «Patricia» plein de jus et de la romantica d’«Odessa».

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             Il existe un deuxième album de l’Hawk paru sur Cotillon, l’année précédente. C’est un album sans titre avec un beau portrait de l’Hawk cigare au bec et Stetson vissé sur le crâne. Jerry Wexler et Tom Dowd produisent cet album à Muscle Shoals. On retrouve une partie de la fine équipe citée plus haut, Duane Allman, mais aussi toute l’équipe des Swampers, Eddie Hinton, Jimmy Johnson, David Hood et Roger Hawkins, mais pas Dickinson ni aucun des Dixies Flyers et c’est toute la différence. On a là une good time music de gros mec à cigare et zéro hit. L’Hawk fait un peu de country bien grasse («One More Night») et du gospel («Will The Circle Be Unbroken»). Il sauve les meubles du balda avec une version de «Matchbox», l’Hawk does it right, il est dans le bain, mais c’est trop délayé dans les coups d’harmo. En B, il fait une version un peu conventionnelle de «Forty Days». Son clin d’œil à Chuck est moins percutant que la version qu’il en fit en 1959 sur son premier album. Il a des chœurs de filles bien propres. Incroyable que Wexler et Dowd aient pu flinguer un album pareil. «Down In The Alley» sauve les meubles de la B des cochons. Cet album dont on attendait à l’époque des miracles peine à jouir. C’est une prod très bizarre, trop propre, comme ces gens qui se lavent tous les jours. C’est encore avec les hommages à Bo que l’Hawk est le meilleur. Il a toujours adoré Bo. Il fait une version cha-cha-cha de «Who Do You Love», mais encore une fois, le son de Muscle Shoals est trop polissé pour du Bo, ces mecs sont bons pour la Soul, mais ni pour le rockab, ni pour du Bo. On perd toute la niaque.

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             L’Hawk a bâti toute sa réputation de wild man sur ses deux premiers albums Roulette, l’album sans titre paru en 1959 et Mister Dynamo, paru l’année suivante. C’est là, sur le premier album Roulette qu’on trouve son excellente cover de «Forty Day», excellente parce que wild as fuck, battue à la folie, une vraie mascarade de mavericks malovelents, l’Hawk swingue son «Forty Days à la folie Méricourt. Nouveau coup de Jarnac avec une version de «Ruby Baby», l’Hawk a tout bon, fantastique allure. Il devient même un peu hystérique en B sur «Dizzy Miss Lizzy» et il rend un superbe hommage au grand Billy Lee Riley avec «My Gal Is Red Hot», c’est claqué au gratté de clairette, pur jus de vif argent. On entend aussi un solo de sax épouvantablement bon dans «Odessa». L’Hawk est bon à l’époque, il sait chanter. Il a encore le feu au cul dans «Wild Little Willy». C’est même assez explosif.

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             Et puis voilà Mr Dynamo avec l’une des meilleures versions d’«Honey Don’t», fabuleux clin d’œil à Carl, un cover complètement délinquante avec un solo qui s’écroule, ahhh ahhh, et Robertson revient à la pisse froide dans le couplet. On a une belle ouverture de balda avec «Clara», jouée au Diddley Beat, oh-oho ! Le son s’étoffe par rapport au premier album, on le voit avec «Hey Boba Lou». L’Hawk chante «You Cheated You Lied» à l’insistance panaméenne, la pire de toutes. Robbie Robertson passe un wild killer solo flash dans «Baby Jean», ah il sait fouiller sa viande ! Ils terminent en beauté avec «Southern Love», du vieux kitschy kitschy petit bikini de Southern Georgia, allumé au what’s you gonna do, ça swingue, l’Hawk sait y faire.

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             Après Roulette et Atlantic/Cotillon, l’Hawk arrive en 1972 sur Monument, chez Fred Foster. On change encore une fois de son, puisqu’après New York et Muscle Shoals, voilà le son de Nashville. Rock And Roll Resurrection est un bon album, même avec son côté conventionnel. L’Hawk s’en sort toujours avec des covers, comme le montre encore sa version de «Memphis Tennessee». Ils ont l’attaque, ils ont le son et l’Hawk in tow, il ne manque rien, wow, le génie de Chucky Chuckah n’en rebondit que de plus belle. Ils sacrent leur ouverture de balda avec une belle version de «Lawdy Miss Clawdy», salée et poivrée au sax free. Tout est bien joué et bien cuivré sur cet album, les Nashville cats ne font pas n’importe quoi. On les voit à l’intérieur du gatefold avec leurs chapeaux de cowboys. Par contre, l’Hawk porte un manteau de fourrure. Il y a du Victor Koramovsky en lui - Remember Dotor Jivago ? - Bel hommage à Fatsy avec une cover d’«Ain’t That A Shame» et en B, ils tapent dans Bo avec un «Diddley Daddy» absolument parfait. C’est avec Bo que l’Hawk est le plus à l’aise, il est tout de suite dessus au mah pretty babhy she tried in vain. Par contre, leur cover de «Maybellene» est trop nashvillaise.

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             Le deuxième album Monument s’appelle The Giant Of Rock’n’Roll et il s’y niche une belle cover de «Bo Diddley». Fantastique swagger, nappes de cuivres et chœurs tourbillonnaires. On retrouve dans le backing-band tous les transfuges d’American, le studio de Chips. Pour gagner leur croûte après la fermeture d’American à Memphis, Reggie Young, Bobby Woods et Bobby Emmons sont allés s’installer à Nashville. Le reste de l’album est aussi passe-partout. Tu ne risques pas de tomber de ta chaise. Comme l’Hawk est à Nashville, il fait un peu de country («Home From The Forest») et en B, tu vas trouver une petite reprise d’El Cramped, «Lonesome Town».

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             Produit par Keith Allison, The Hawk est très certainement le meilleur album de l’Hawk. Que de son, my son ! Dès «South In New Orleans», ils ont du son et l’Hawk chante à l’admirabilité des choses. Il revient à son vieux forever my dhaling avec «Pledging My Love» et au vieux «Sick & Tired» de Fatsy, qu’il reprend depuis le début. En B, l’Hawk nous fait un gros shoot d’Americana avec «Blue Moon Of Kentucky», c’est un paradis, avec les coups de slide, l’entrain, le violon. On retrouve la fantastique présence de l’Hawk dans «Ain’t That Loving You Baby», encore un cut boosté au big sound. L’Hawk ne fait qu’une bouchée du «My Babe» de Big Dix. C’est l’une des meilleures versions de ce vieux hit séculé par tant d’abus. Cet album est une vraie bénédiction, en tous les cas, celui que tous les fans de l’Hawk doivent serrer contre leur cœur.

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             On croisait aussi à une époque le Rrrracket Time de Ronnie Hawkins & The Hawks, paru sur Charly. L’Hawk y proposait un beau «Diddley Daddy» trashé par un wild solo de Terry Bush. C’est en B que l’affaire se corsait avec un «Little Red Rooster» chauffé à l’harp par James Cotton, et ils partaient ensuite en mode rockab avec «Going To The River». Bobby Starr volait le show avec sa clairette dans «Ain’t That Just Like A Woman» et un autre lead, Don Triano, transperçait en plein cœur l’excellente cover de «Let The Good Times Roll». L’Hawk tapait aussi une fantastique cover d’«Ooby Dooby» et finissait en beauté avec le beau «Hey Bo Diddley», son cheval de bataille. 

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             Fantastique pochette que celle de Making It Again, un Epic de 1984 : l’Hawk y sourit, barbu et Stetson vissé sur le crâne, une vieille habitude. C’est enregistré à Toronto et c’est hélas pas un big album. Il tape son morceau titre à la nostalgia et ressort son vieux «Patricia». Il a une sacrée présence, comme tous les vieux crabes de son acabit. Il passe à la heavy country avec «Everybody Knows». Toujours cette belle présence de la prestance. Rien de tel qu’un vieil Hawk. Il attaque sa B avec «Hit Record», un joli shoot de boogie rock, et puis tout finit par glisser dans le néant, un destin faut-il le rappeler, commun à tous.

    Signé : Cazengler, Ronnie Rognon

    Ronnie Hawkins. Disparu le 29 mai 2022

    Ronnie Hawkins. Ronnie Hawkins. Roulette 1959

    Ronnie Hawkins. Mister Dynamo. Roulette 1960

    Ronnie Hawkins. Ronnie Hawkins. Cotillon 1970

    Ronnie Hawkins. The Hawk. Cotillon 1971

    Ronnie Hawkins. Rock And Roll Resurrection. Monument 1972

    Ronnie Hawkins. The Giant Of Rock’n’Roll. Monument 1974

    Ronnie Hawkins. The Hawk. United Artist Records 1979

    Ronnie Hawkins & The Hawks. Rrrracket Time. Charly Records 1979

    Ronnie Hawkins. Making It Again. Epic 1984

     

     

    De l’or en Des Barres - Part Two

             

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    Pendant que Michael Des Barres s’agitait pour faire décoller Silverhead en Angleterre, une petite coquine prenait du bon temps en Californie. Pamela Miller adorait les bites. Surtout celle de Captain Beefheart qu’elle branlait avec toute la candeur de sa jeunesse. Puis elle passa de la branlette au romantisme en tombant follement amoureuse de bassistes célèbres comme Chris Hillman (Byrds), Nick St Nicholas (Steppenwolf) ou Noel Redding (Jimi Hendrix Experience). Elle s’amouracha aussi de Duncan Sanderson (Pink Fairies - «a sensitive prince in search of Sleeping Beauty»), au cours d’un voyage à Londres. Ce qui ne l’empêcha pas d’avoir des relations groupiques avec McCartney, Jagger, Marlon Brando, Jim Morrison (elle ne posa les mains qu’une seule fois sur lui, car il était dit-elle un «one-woman man»). Elle entretint des relations beaucoup plus suivies avec Jimmy Page et Keith Moon, qui d’une certaine façon s’attachèrent à elle et à ce qu’elle incarnait : sex, drugs and rock’n’roll, comme le disait si bien Ian Dury. Puis vint le moment où elle ressentit un violent besoin de stabilité. Coucher avec des rock stars, ça va bien cinq minutes, on s’éclate au Sénégal avec sa copine de cheval, c’est vrai, mais quand on a vingt-trois ans, on aspire à rencontrer le prince charmant. Le destin fit admirablement bien les choses, puisqu’en 1974, Michael Des Barres tournait aux États-Unis avec Silverhead. Alors ce fut le coup de foudre et elle tomba dans les bras du divin marquis. «He was a degenerate drug-taking sex-dog toting two bottles of Southern Comfort, wearing two dozen silver bracelets on each arm. He even wore his sunglasses at night.» (C’était une bête de sexe dégénérée et camée qui descendait deux bouteilles de Southern Comfort dans la journée et qui portait deux douzaines de bracelets en argent à chaque bras. La nuit, il portait ses lunettes noires). Puis elle ajoute qu’il ne s’est rien passé la première nuit «because his dick was about to fall off from some ununterable thing he had caught in Japan» (sa queue était toute pourrie, à cause d’une maladie vénérienne chopée au Japon).

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             Les souvenirs de Pamela Miller jettent une lumière crue sur Silverhead qui fut l’un des groupes glam les plus excitants de son temps. Ils enregistrèrent deux albums, Silverhead et 16 And Savaged, très appréciés de ces becs fins qu’on appelle les glamsters. Un vrai glam-stomper, aux puissantes épaules - «Long Legged Lisa» - ouvrait le balda du premier album. On trouvait aussi sur cet album des morceaux comme «Rolling With My Baby» qui roulait sa bosse sur le pourtour, un peu comme chez Alice Cooper. L’un des chefs-d’œuvre du glam anglais se trouve sur cet album. Il s’agit de «Sold Me Down The River», avec ses gros accords hachés et son chant maniéré, joué avec la retenue qui fait le charme fatal du glam. Dans «Rock’n’Roll Band», on entend l’extraordinaire bassiste Nigel Harrison se livrer à quelques acrobaties. Il va d’ailleurs rester l’un des fidèles compagnons du divin marquis.

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             16 And Savaged propose aussi son lot de gros boogies des seventies. Il faut rappeler qu’à l’époque, 99% des groupes de rock voulaient sonner comme les Stones. Il faut attendre «Bright Light» pour retrouver le pur glam, celui qui s’empale sur des syncopes émancipées. Dans «Cartoon Princess», Michael Des Barres pousse bien sa voix et ce sera d’ailleurs l’un de ses signes distinctifs. Nigel Harrison fait des ravages et Pete Thompson bat le beurre comme un barbare. Avec son chant perverti et son boogie apesanti, «This Ain’t A Parody» sonne comme du pur jus. Au dos de la pochette, on voit les cinq musiciens poser torse nu : un petit côté MC5, mais sans les cartouchières.

             Pour des raisons qui nous échappent, Silverhead ne marche pas. Qu’importe. Le divin marquis remonte Detective avec Michael Monarch (Steppenwolf) et signe sur Swan Song, le label de Led Zep. Normalement, ça devrait faire un carton. D’autant que Creem Magazine soigne sa réputation de wild rocker : Michael Des Barres fait sensation, au moins autant que toutes les rock stars dévoyées qui à l’époque hantent the Sunset Strip by night.

             L’un des atouts majeurs de Detective est son bassman black, Bobby Pickett. Sur le premier album paru en 1977, il se distingue dès le «Recognition» d’ouverture de balda. Pickett groove autant que James Jamerson, le bassman légendaire de Motown. L’autre atout de Detective, c’est Jon Hyde, batteur-compositeur coiffé d’un buisson de cheveux blonds qu’on dirait taillé par Le Nôtre. Ce mec frappe sec et ça donne tout suite du caractère aux morceaux. On sent une volonté très nette de prédominance sonique, une volonté de son massif et percutant qu’on ne trouvera pas forcément ailleurs. Sauvagement syncopé et bourré de soul-shaking, «Grim Reaper» ouvre une voie royale. Plus tard, Bowie avec les frères Sales s’y engouffreront et ça donnera le fantastique premier album de Tin Machine.

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             Sur cet album de Detective, la surprise vient d’un instru, «Deep Down», une compo de Michael Monarch qui sonne exactement comme un classique de Bernard Herrmann. On entend ça et on s’alarme, car on croit voir glisser l’aile d’un taxi jaune dans la nuit pluvieuse. Voilà une étonnante pièce de qualité supérieure, urbaine en diable. La présence de cet instru évoque, par l’incongruité de sa présence ici, le fabuleux «Serenade To A Sweet Lady» qui se trouve sur Every One Of Us d’Eric Burdon & The Animals. Ils passent ensuite au funk avec «Wild Hot Summer Nights» et reviennent au bon vieux stomp avec «One More Heartache». Michael Monarch riffe comme au temps béni de Steppenwolf. C’est lourd et bon comme les seins de la bonne du curé. Solide et convaincu comme une bite en rut. Admirable et bienvenu comme la main de Pamela Miller.

             Quand Michael rencontre Pamela, il est déjà marié. Il tombe amoureux d’elle et rentre en Angleterre pour demander le divorce. Il quitte ensuite l’Angleterre pour venir s’installer en Californie et vivre avec Pamela. Elle vient le chercher à l’aéroport. Il n’a que cinq dollars en poche et son séchoir à cheveux dans un sac en papier. Il a laissé tout le reste. Leur fils Nicky Dean Des Barres voit le jour onze mois plus tard.

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             Le second album de Detective s’appelle It Takes One To Know One. On y retrouve le son bien musclé des seventies et la voix du divin marquis. Il peut sonner comme Rod Stewart. Avec «Competition», il élargit son cercle de poètes disparus, car ce heavy blues est un véritable festival de prouesses techniques : Michael Monarch joue comme un dieu, Jon Hyde bat toujours aussi sec et Bobby Pickett tricote des gammes aussi démentes que celles de Ronnie Wood dans «The Hangman’s Knee» (Beck Ola/Jeff Beck Group). Cet album est d’une rare densité. On retrouve le gras double et le son plein comme un œuf dans «Are You Talkin’ To Me» : production d’époque et chant perché, mais il y a chez Detective le petit quelque chose en plus qu’on ne retrouvait pas chez les autres groupes : un vrai son, une vraie voix et un certain parfum de légende. Michael Monarch place dans «Are You Talkin’ To Me» un solo en suspension et l’autre archange du groupe reprend le chant à la suite, très haut dans les cieux. Bobby Pickett embarque «Dynamite» à la basse. On assiste à un festival de syncopes, de glissés de notes, de vibrillons et de roulements inusités. On voulait à l’époque comparer Detective à Led Zep. Grave erreur. Detective avait un son plus lourd et un bassman noir surdoué qui amenait un bassmatic de Soul. Le chanteur avait une voix plus chaude et plus colorée que celle de Robert Plant et le drumming de Jon Hyde s’apparentait aussi à un feeling Soul. Michael Monarch liait tout ça avec un son purement américain. «Warm Love» est un joli mid-tempo d’une incomparable élégance. Le divin marquis sonne cette fois comme le Rod Stewart de l’époque Mercury. C’est le quatrième album de Michael Des Barres, et on note qu’à chaque fois, il s’y passe des choses intéressantes. L’album s’achève avec «Tear Jerker», un heavy rock bien fagoté. Même recette à base : voix perchée et section rythmique rutilante. On entend jouer des surdoués du break et de la syncope. Ils flirtent même avec le funk. Michael Monarch s’octroie une passade jazzy et on sent une fois de plus l’influence du Jeff Beck Group. À part l’Electric Flag, peu de groupes pouvaient prétendre jouer à ce niveau, à l’époque. Curieusement, on trouve les deux albums de Detective dans les bacs des disquaires d’occasion à des prix ridiculement bas, alors que ce sont deux albums fantastiques. À côté de ça, les collectionneurs sont prêts à sortir un ou deux billets de cent euros pour les pires déchets du prog anglais (et quand ils n’ont pas les billets, on les voit chez les disquaires signer des chèques sans provisions). Spectacle hilarant.

             Mais le succès ne pointe toujours pas le bout de son nez. Michael Des Barres tentera une dernière fois le diable en montant un super-groupe avec Steve Jones, Clem Burke (l’un des grands batteurs américains, ex-Blondie), Nigel Harrison (ancien Silverhead) et Tony Sales (qui avec son frère Hunt accompagnait Todd Rundgren sur ses premiers albums solo et qui fera partie de Tin Machine un peu plus tard). Cinq playboys. On les voit sur la pochette, avec les coupes de cheveux ridicules de l’époque. Sauf Michael Des Barres, teint en blond et maquillé. Le groupe s’appelle Chequered Past et l’album subit le même sort que ceux de Detective : on peut l’avoir pour une bouchée de pain, comme dirait Jean Valjean.

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             On retrouve pourtant dans cet album tout ce qui faisait le charme de Silverhead et de Detective : le son, la voix et un certain style enraciné dans le glam. Ils font une reprise musclée d’«Are You Sure Hank Did It This Way», cut signé Waylon Jennings (que Pamela a croisé dans une chambre de motel et qu’elle qualifie de vrai mâle américain, «with lots of hair on the chest»). Avec «Let Me Rock», ils reviennent aux sources du stomp, celui du gros glam à la Gary Glitter, le glam-candy que suçaient tous les gamins d’Angleterre, y compris Steve Jones. Il est là-dedans comme un poisson dans l’eau. Pour corser l’affaire, un solo californien incendie le poulailler et tout s’écroule dans la réverb. Comme on le voit dans le cut suivant qui s’appelle «Never A Million Years», Steve Jones est en grande forme. Il sort la cisaille qui l’a rendu célèbre. On reconnaîtrait sa façon de jouer entre mille. Ils repompent le «Start Me Up» des Stones pour jouer le très nietzschéeen «Only The Strong (Will Survive)» et réussissent une incroyable osmose, ce qui les disculpe du délit de repompage. Le reste de l’album semble assez moyen, mais ces gens-là vivaient la nuit, consommaient énormément de drogues et d’alcool et la qualité du travail en studio en pâtissait. Pamela finit par vraiment s’inquiéter pour la santé de son prince charmant et elle réussit à le convaincre de reprendre sa vie en main, ce qu’il fit en acceptant de se désintoxiquer. Michael Des Barres est aujourd’hui membre actif d’un collectif d’aide aux jeunes sans domicile fixe.

             Comme les ventes de disques de ses groupes successifs ne décollaient pas, il fit ce que tout le monde faisait à cette époque : il entama une carrière solo. Son premier album solo parut en 1980, à la pire époque, celle où on synthétisait le son et où on vidait les chansons de tout contenu, comme on vide les poissons sur les marchés. Le rock devenait un produit de consommation au sens cru de l’expression et les gens étaient assez bêtes pour se jeter dessus. Quand on entendait les chansons des groupes à synthés à la radio, on vomissait.

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             Malheureusement, on entend des synthés sur I’m Only Human, le premier album solo de Michael Des Barres. Un producteur véreux lui a certainement expliqué que c’était le seul moyen de vendre des disques et, entre deux crises de vomissement, le divin marquis a dû accepter. Ce que n’aurait jamais fait Hasil Adkins, par exemple. Mais on pardonne tout au divin marquis. On pousse même la compassion très loin, puisqu’on écoute cet album foutu d’avance. Heureusement, Nigel Harrison a survécu aux naufrages antérieurs et il ramène un peu de verdeur avec son jeu de basse. Il fallait attendre la B pour voir se réveiller les vieux démons du glam. Eh oui, «Boy Meet Car» pouvait très bien dater de 1972, avec sa belle intro heavy. On y voyait la tentation d’un Saint-Antoine glam posée sur un bon drumbeat d’antho à Toto. Avec «Bullfighter (I’m Not)», c’est le seul spasme silverheadien de l’album. La pochette du vinyle sorti en 1980 mentionne les noms des musiciens. Sur une réédition CD parue récemment, toutes les informations ont disparu, comme si personne n’avait jamais accompagné le divin marquis. C’est dire si certains labels se foutent de la gueule du monde.

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             L’autre album solo de Michael Des Barres paru dans les années 80 s’appelle Somebody Up There Likes Me. Comme Steve Jones faisait partie de l’aventure, on nourrissait les plus grands espoirs. On entendait bien son cocotage caractéristique sur deux cuts, mais ça restait hélas très conventionnel.

             Il est arrivé à Steve Jones exactement le même problème qu’à Keef : une perte subite d’inspiration. À une certaine époque de leur vie, ils se sont retrouvés comme deux ronds de flan avec leurs guitares dans les mains et aucune idée en tête. On peut passer des journées entières à gratter sa gratte et ne rien sortir de propre. Les guitaristes à gros nez rouges savent de quoi on parle. Alors, Keef et Steve Jones se sont contentés de reproduire année après année, décennie après décennie, leurs vieux plans usés jusqu’à la corde. 

             Même les fans les plus endurants finissent par décrocher. Un bon copain, qui a passé sa vie à idolâtrer les Stones, vient de se séparer de sa collection de bootlegs auxquels il tenait tant, les oreilles usées par l’inlassable travail des réécoutes inutiles. Comme il fallait essayer de tourner la page en rigolant, on a eu cette conversation digne de Pétrus Borel :

             —  Bon maintenant, tu vas pouvoir te pendre, comme ta vie ne sert plus à rien.

             —  J’attends quand même un peu. Keef ne va pas tarder à crever et là, c’est vrai, je n’aurai plus aucune raison de continuer à me faire chier sur cette terre en compagnie d’imbéciles de ton espèce.

             — Fais gaffe ! Keef risque de durer encore un bon bout de temps. À mon avis, tu ne tiendras pas. Si j’étais toi, j’anticiperais. Essaye de voir le bon côté des choses ! La mort est souvent une délivrance : plus de grosses épouses réactionnaires qui te pourrissent la vie, plus de factures à payer, plus de caillantes en hiver, plus de bagnole qui tombe en panne, plus de corvée de super-marché, plus de coups de fil de l’autre enfoiré de banquier qui veut que tu bouches le trou...

             — Dommage que la connerie ne soit pas reconnue d’utilité publique. T’aurais pu te présenter aux élections cantonales et t’aurais gagné haut la main.

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             Figurez-vous que Michael Des Barres est toujours en activité. Il a le cheveu blanc et la tête de son âge vénérable. Il monte encore sur scène avec un tatouage à l’épaule et une Gibson Les Paul à la main. Son troisième album solo s’appelle Carnaby Street, clin d’œil au Swingin’ London de sa jeunesse enfuie. Il pose pour la pochette sur fond d’Union Jack. Terminé la rigolade et les concepts photographiques à la con. Terminé les synthés et les errances californiennes à la mormoille. Le glam de Silverhead était peut-être moins bon que celui de Slade ou des Jook, mais il était quand même costaud. Michael Des Barres revient aux sources avec le gros son de «You’re My Painkiller». Il retrouve le raunchy de sa voix et frise une fois de plus le Rod Stewart de la grande époque. Il remonte le moral des fans de la première heure, même si avec ce genre de morceau, il n’invente pas le fil à couper le beurre. Par contre, «Carnaby Street» sonne comme un hit, bardé de chœurs dollsy - J’avais 19 ans en 1967/ Dans les rues de Londres/ Je planais, j’étais Oscar Wilde en jeans de velours ! - Tout ça sur un riff purement stoogien. Voilà le vrai Michael Des Barres, le rock’n’roll animal qui écumait les ballrooms d’Angleterre en 1972. Eric Shermerhorn qui accompagnait Iggy sur l’album American Caesar accompagne le divin marquis. Il vrille «Carnaby Street» d’un solo névrotique. Michael Des Barres rallume la chaudière de la nostalgie, la pire, celle du Londres de ces années-là, rendez-vous à Carnaby Street, oh yeah et il part en screaming contrôlé. C’est un coup de maître. Les autres cuts de l’album sont plus ordinaires, on va de structure classique en structure classique, ça joue, c’est sûr, mais on ne retrouve pas le panache de «Carnaby Street». Dommage. «Little Latin Lover» sort du lot, avec sa grosse efficacité et on retrouve cette belle spécificité du son plein, à laquelle le divin marquis est resté attaché depuis le début de sa «carrière». Il évoque dans cette chanson son passé de baiseur fou. Mais il tombe aussi dans des panneaux pénibles, avec «Hot And Sticky», par exemple, qui sonne comme du Tina Turner, avec cette voix rauque des vieux de la vieille qui ont encore des choses à dire ou à chanter alors que personne ne les écoute. Comme on ne trouve l’album nulle part, il faut aller le chercher sur Internet. Merci Internet ! 

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             Même chose pour l’album live Hot N Sticky. Il n’est disponible qu’en ligne. Les fans du divin marquis se régaleront, car l’album est bon. Version live de «Carnaby Street» sur coussin de riffs stoogiens chantée avec une haine de la médiocrité qui en dit long sur son pedigree. Derrière, on a des chœurs dignes de ceux des Dolls. Grosse pièce de Stonesy avec «Hot N Sticky». On sent la puissance du vétéran qui fut un grand seigneur du glam. Version dévastatrice de «Stop In The Name Of Love». Il en fait un aligot de type Vanilla Fudge. Il a compris le principe de la mécanique quantique. Il suffit juste d’entertainer et de lâcher une bombe au moment du refrain et la ville explose. Il devient Hercule Thanatos. Retour au glam avec un «Detective Man» somptueux. Le divin marquis est intouchable. C’est un glamster légendaire. Avec «Little Latin Lover», on revient aux Stooges et aux puissances des ténèbres. Ça joue dans la fournaise. Michael Des Barres dépasse les bornes de la bienséance. Il emmène tout à la voix rauque. Ce mec est au soir de sa vie, mais comme Iggy, il brandit bien haut l’étendard sanglant. Il n’a vécu toute sa vie que pour le rock. C’est un fabuleux personnage, vraiment digne de notre confiance. On ressent une sorte d’étrange fierté à l’avoir suivi à travers toutes ces décennies. Il finit le disque avec un medley où il chante «I Don’t Need No Doctor» comme Steve Marriott et il balance une version infernale de «Get It On», histoire de boucler la boucle.

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             Pendant que Michel Des Barres remonte sur scène, Pamela publie. On ne peut plus l’arrêter, depuis le succès de son premier recueil de souvenirs (I’m With The Band. Confessions Of A Groupie). Mais ses deux autres livres ne valent pas un clou. On ne les lit que par acquis de conscience, et elle ne fait que nous montrer le degré zéro de sa vie intellectuelle. Avec Let’s Spend The Night Together, elle propose une galerie de portraits de groupies qu’elle connaît, et qui ont sensiblement le même problème qu’elle : pas grand chose à raconter. Le book s’avère effarant de platitude. Elles dressent toutes des inventaires des nuits passées avec des musiciens pour la plupart californiens, et forcément, ça ne vole pas haut, quand on connaît la réputation des musiciens en question. Tout l’aspect détestable de la scène rock californienne se retrouve dans ce livre. C’est le néant absolu, à l’image des disques de groupes comme les Guns’n’Roses ou Motley Crüe. Et tout ce joli monde fabrique de l’imagerie «sex and drugs and rock’n’roll» qui est tellement mauvaise qu’on ne comprend pas que ça puisse se vendre. Et comme Pamela, ces musiciens californiens vont même jusqu’à publier leurs mémoires dans des livres dont les titres donnent la nausée. On comprend que Michael Des Barres ait fini par s’éloigner de cette femme et de tout ce qu’elle représente. Leurs mondes respectifs étaient beaucoup trop disparates. Et c’est souvent ce qui détruit les couples : l’incompatibilité intellectuelle. Le décalage culturel ne fait généralement pas de cadeaux. Essayez de vivre avec une femme qui regarde TF1, vous allez voir que c’est compliqué. Même la libido finit par passer à la casserole. Pamela Des Barres se prend pour une star du rock parce qu’elle a réussi à approcher quelques personnages légendaires, mais quand on lit ses pages qui n’en finissent pas, on réalise que ça s’arrête là. Il n’y a rien ni avant, ni pendant, ni après. Ses portraits de Jimmy Page et de Keith Moon sont vides, complètement superficiels. Et c’est normal, puisqu’en plus, elle ne sait pas écrire. Dommage, car elle fréquentait Frank Zappa, et des gens intéressants comme Captain Beefheart ou Chris Hillman.  

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             Les seuls portraits intéressants de Let’s Spend The Night Together sont ceux de Tura Satana et de Cynthia Plaster Caster - qui vient tout juste de casser sa pipe en bois - On a droit à une magnifique photo de Tura Satana pleine page offrant au regard gourmand du lecteur une magnifique paire de seins : «I was unique on the Burlesque circuit. Orientals weren’t supposed to be busty like I was.» (J’étais unique dans le monde du Burlesque. Les Orientales n’étaient pas censées avoir des seins aussi gros que les miens). Puis elle raconte qu’Elvis vint la voir à Biloxi, Mississippi. Il était fasciné par sa façon de bouger et voulut savoir comment elle avait appris à bouger comme ça. Tura lui expliqua qu’elle pratiquait les arts martiaux. Et elle proposa de lui donner des cours. Non seulement Tura lui apprit à danser et à remuer les hanches, mais elle lui apprit aussi - et surtout - à baiser.  

             Cynthia Plaster Caster raconte dans le détail le moulage de la bite de Jimi Hendrix : «Il plongea sa queue dans la mixture du moule - on leur enduisait la queue de vaseline ou d’huile Kama Sutra, mais je n’en avais pas mis assez - et ses poils pubiens furent pris dans le moule. Il resta très longtemps dans le moule, beaucoup plus longtemps que prévu. Il restait calme et très coopératif. Il ne se plaignait pas. Il baisait le moule pendant qu’on attendait.» Les exploits des Plaster Casters ont fait le tour du monde, depuis cet épisode connu comme le loup blanc. Cynthia a continué de collectionner les moulages de bites (comme celle de Danny Doll Rod) et elle a eu la brillante idée de développer son business en ajoutant les moulages de seins. Ses premières clientes ont été Margaret Doll Rod et sa sœur Christine, Karen la chanteuse des Yeah Yeah Yeahs et Laeticia de Stereolab.  

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             Dans Take Another Piece Of My Heart, Pamela nous raconte sa vie insipide de nantie californienne qui n’a rien à dire, mais qui réussit une fois de plus à noircir trois cents pages. Certains pourraient y voir un prodige. Nombreux sont en effet ceux qui rêvent de pouvoir remplir trois cents pages, car c’est déjà une fin en soi. Elle nous raconte en long en large et en travers sa vie conjugale, son accouchement, ses exploits d’actrice et finalement le naufrage de sa vie de couple. On ne retire que deux informations de ce livre pathétique. Voici la première. Un soir, Michael Des Barres rentra bouleversé chez lui. Il rentrait de San Francisco et avait vu les Sex Pistols au Winterland. Bien sûr, il ne savait pas que c’était le dernier concert du groupe, et il déclara que les Sex Pistols allaient conquérir le monde. Il ne se trompait pas. (Curieusement, Rory Gallagher était lui aussi au Winterland ce soi-là et il fut lui aussi tellement secoué par le set des Pistols qu’il revint à un son plus punk). Des Barres fasciné par les Sex Pistols ? Rien de surprenant quand on sait que Steve Jones vient du glam. Si on lit ce livre, c’est dans l’espoir d’y trouver de l’info sur Detective et Chequered Past, mais il n’y a rien, absolument rien, à part de désespérantes banalités. L’auteuse reste en surface, comme si la musique ne l’intéressait pas. On trouve à peine deux lignes sur Tony Sales (qu’elle s’empresse d’ajouter à son tableau de chasse), mais rien ni sur les disques ni sur les concerts. Rien. Le vide abyssal. On ne sait même pas comment Michael Des Barres et Steve Jones se sont rencontrés pour monter leur groupe. Rien. Comme si ça ne l’avait jamais intéressée. Et pouf, elle finit par nous dire que Steve Jones est venu vivre six semaines chez les Des Barres, et elle en fait le portrait d’un ancien voyou («a thief convicted sixteen times», s’empresse-t-elle de préciser) devenu respectable, presque un beauf, l’animal de foire qu’on accueille le dimanche et qui raconte à table ses souvenirs de junkie roublard avec un accent cokney qui fait bien rire les convives, tous aussi bronzés et cons les uns que les autres. Pamela se dit très fière d’avoir un Sex Pistol chez elle. C’est pour elle une façon de rester dans le bain en continuant de fréquenter la crème de la crème. On se demande vraiment ce que Steve Jones est allé foutre dans ce bordel, et comment Michael Des Barres a pu tolérer ça.

             Michael Des Barres a heureusement retrouvé sa liberté, peut-être pas au sens philosophique où l’entend Apollinaire quand il rend hommage au divin marquis, le vrai, mais ce n’est pas si grave, après tout. De retour à Londres, notre vieux libertin s’est jeté à corps perdu dans le carrousel des nostalgies et c’est tant mieux.

    Signé : Cazengler, complètement barré

    Silverhead. Silverhead. Signpost 1972

    Silverhead. 16 And Savaged. EMI Records 1973

    Detective. Detective. Swan Song 1977

    Detective. It Takes One To Know One. Swan Song 1977

    Michael Des Barres. I’m Only Human. RSO 1980

    Chequered Past. Chequered Past. EMI 1984

     Michael Des Barres. Somebody Up There Likes Me. MCA Records 1986

    Michael Des Barres. Carnaby Street. Gonzo Multimedia 2012

    Michael Des Barres. Hot N Sticky Live. Immedia 2013

    Pamela Des Barres. I’m With The Band. Confessions Of A Groupie. Beech Tree Book 1987

    Pamela Des Barres. Let’s Spend The Night Together. Chicago Review Press 2007

    Pamela Des Barres. Take Another Piece Of My Heart. Chicago Review Press 2008

     

     

    L’avenir du rock

    - La voie Spiritualized (Part Two)

     

             Allez hop ! C’est décidé. L’avenir du rock part en pèlerinage. Il sent qu’il doit se ressourcer spirituellement, car sa passion pour le rock le rend de plus en plus frivole et donc superficiel. Bon, un pèlerinage, c’est bien gentil, mais lequel choisir ? Il hésite entre La Mecque, Compostelle, Graceland, le Tibet et Lourdes. Il a un faible pour Stonehenge à cause d’un vieil album des Ten Years After, mais le voyagiste qui réserve les billets d’avion lui dit que ça n’existe plus depuis des siècles. Le Tibet, non, ça caille trop, éliminé d’office. Finalement, le moins compliqué, c’est encore Compostelle. Alors il va faire ses courses au Vieux Campeur, rue des Écoles. Il a préparé une liste : un couteau suisse, une boussole, une lampe torche, un K-way, un pantalon avec plein de poches hermétiques pour quand il pleut, un bouchon pour l’anus en cas de colique, un chapeau d’Indiana Jones qui s’attache avec une ficelle sous le menton, des lunettes étanches d’explorateur pour marcher dans les tempêtes de sable, des barres vitaminées, une montre d’aviateur qui indique l’altitude, un ciré de marin breton, et des grosses pompes bien laides de rando, vendues généralement avec le tube de pommade pour les ampoules. Et puis une boîte de vaseline, au cas où un curé voudrait l’enfiler. Le vendeur lui recommande en plus le grand bâton sculpté qu’utilisent tous les pèlerins. L’avenir du rock sort de la boutique chargé comme une mule. Il ne s’est jamais senti aussi con. Mais bon, il faut parfois essayer d’aller au bout de ses idées. Comme tout le monde, il a un GPS sur son smartphone et il n’a pas oublié le tube de gel pour les coups de soleil sur le pif. Le lendemain, lorsqu’il sort du métro déguisé en pèlerin pour se rendre au point de rendez-vous, il sent bien qu’un truc ne va pas. Il démarre une petite crise de parano : et s’il rentrait de pèlerinage encore plus con qu’il ne l’était en partant ? La vue des autres pèlerins qui l’attendent au point de rendez-vous achève de le déstabiliser : ils paraissent encore plus grotesques que lui, avec leurs équipements chamarrés et leurs grands bâtons sculptés. Moyenne d’âge : soixante-dix ans. L’avenir du rock sait qu’il ne va pas pouvoir supporter d’entendre leurs conversations plus de cinq minutes, alors il prend la première rue à gauche et décide de rentrer chez lui. En passant boulevard Saint-Michel, il entre chez le grand spécialiste des nouveautés et résout le problème spirituel en s’offrant le nouvel album de Spiritualized.

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             — Comment diable n’y avais-je pas pensé plus tôt ?

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             Effectivement, Everything Was Beautiful est un album capable de résoudre tous les problèmes, tellement il est génial. Dès «Always Together With You», Jason Pierce fait de son embarquement pour l’hosto une œuvre d’art. La pureté de cette pop anglaise est absolue. Il ré-instaure sa grandeur, il s’insinue dans la mélodie du drug craze. C’est un peu comme si tu réapprenais tout ce que tu dois savoir sur la grandeur du rock anglais. Il n’existe rien d’aussi précis dans l’exercice de cette fonction. Jason Pierce reprend les choses à l’endroit exact où Syd Barrett les laissa jadis, Always together with you/ If you’ve got a lonely heart too. Noyé de voix et so fucking great. Cette pluie de son et les échos à la Spector sont de l’ordre de l’inespérabilité des choses. Ça décroche dans les montagnes. Si le rock anglais est une bénédiction pour le genre humain, l’apôtre de cette bénédiction porte aujourd’hui le nom de Jason Pierce. Ce que montre «Best Thing You Never Had (The D Son)», il revient vers nous avec un cut plus musclé mais fabuleusement inspiré, un son bardé de guitares vives et de réverbérations, il mène ça de front et il n’existe pas en cet instant de meilleur front, il te descend sur le râble, tel une belle coulure de London lave, il te joue le double jeu de l’hyperdisto d’hypercondo nappé de cuivres ensuqués, jamais tu ne verras ça ailleurs, il ne se contente pas de ré-instaurer la grandeur du rock anglais, il la chamarre, il l’aristocratise, il l’anoblit, il est le dernier descendant d’une lignée britannique qui remonte à Keith Richards et à Syd Barrett, il tape dans l’immensité des couches supérieures et envoie un sax, ou plutôt des sax nettoyer les écuries d’Augias, car enfin, il faut bien nettoyer cette crasse de l’humanité qu’on appelle la médiocrité des télévisions, fuck quel album, t’es dedans, tu ne peux pas échapper à cette emprise, il ramène tout le ramshakle du monde et des cuivres d’or. C’est Jason, my friend, le roi des Argonautes. Il reste dans l’excellence du groove électrique pour envoyer un clin d’œil à Iggy avec «Let It Bleed». Pour rendre son hommage aux Stooges, il sort le heavy Spiritualized, comme au temps des Spacemen 3, il monte son cut en neige blanche, c’mon c’mon, il élève un Kilimandjaro de gospel blanc, pour mieux t’aider à entrer en religion. Retour aux puissances telluriques avec «The Mainline Song». Il semble reprendre vie après la mort, il adore danser sur le shuffle de Lazare. On croit que c’est un instro, mais non, il revient au micro sur le tard avec sa voix de dandy angulaire. On se prosterne jusqu’à terre devant ce prodigieux magicien. Sa spécialité est de monter les cuts en neige. Il est le seul avec Martin Carr à savoir le faire en Angleterre. Jason Pierce est un génie du show must go on. S’il a survécu, c’est uniquement pour pouvoir enregistrer cet album. On retombe dans un océan de grandeur totémique avec «The A Song (Laid In Your Arms)». Il plombe son rock avec des cuivres, il est le seul encore une fois à savoir le faire en Angleterre, il pousse son bouchon toujours plus loin, il y a un prodigieux écrivain en Jason Pierce car il a du souffle, il pulse l’extrême heavyness de la psychedelia, Jason la recrée et ça revient au creux de ton oreille, c’est irréel de verdeur tentaculaire. Il tape ça au heavy beat, il ramène dans le son le souvenir de nuées oubliées, il redevient le roi de la mad psychedelia anglaise, comme au temps béni des Spacemen 3. C’est d’une violence hors normes. Il met vraiment le paquet. Et voilà, cet album s’achève avec «I’m Coming Home Again». Jason Pierce revient toujours. Il n’a plus la même voix. Il chante d’une voix légèrement abîmée. Mais il te chante ça aux petits oignons. Jason Pierce est l’une des dernières superstars de notre époque, il est là avec un nouvel album, tu vas pouvoir y savourer son inexorable présence doublée d’une incroyable proximité.

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             Du coup, la presse anglaise se prosterne devant le roi des Argonautes. Andrew Male lui consacre le fameux Mojo Interview et Johnnie Johnstone lui consacre huit pages dans Shindig!. Par les temps qui courent, ce sont des pages qui comptent, car on y parle beaucoup des Stooges et des Spacemen 3. Johnstone n’y va pas de main morte, il chapôte à coups de «sonic innovation and re-invention». C’est exactement de cela dont il s’agit. Johnstone le présente aussi comme un survivor qui a tout surmonté pendant 40 ans : «band breakups, drug dependancy, desintegrating personal relationships and battles with ill heath» et à travers tout ça, «he has been responsible», ajoute Johnstone, «for creating some of the most extraordinary records of our time, or indeed any time». Jason Pierce commence par évoquer le Velvet qu’il dit avoir écouté obsessionnellement pendant un temps, tout le Velvet, «bootlegs, demos, everything, all of it endlessly informative, endlessly played», il n’écoutait rien d’autre. Il se souvient aussi du Raw Power des Stooges - Buying the Stooges’ Raw Power when I was 14 really changed my life - Puis c’est Nuggets et la découverte du 13th Floor Elevator, puis il découvre comme nous tous qu’il n’y a pas qu’un seul cut du 13th, il existe «four albums of their stuff» - The adrenaline rush of it ! - Il dit aussi avoir essayé d’écouter le Grateful Dead sur les conseils de Lenny Kaye, mais il ne s’est rien passé, il dit n’y avoir trouvé aucune psychedelia alors qu’ils sont censés être LE groupe psychédélique. Il n’y trouve pas le rush qu’il trouve dans le Velvet ou les Elevators. Il embraye ensuite sur le break-up des Spacemen 3 et le démarrage de Spiritualized. C’est avec le premier album Lazer Guided Melodies qu’il s’éprend du son et du travail en studio. Il dit qu’à l’époque My Bloody Valentine fut une révélation. Pour lui, l’album qu’on enregistre en studio est un jeu, ça se construit et il dit que ça vaut mille fois le son live sur scène, il cite les exemples des Beach Boys, de Lee Hazlewood et de Lee Perry - It’s the sound that is important - Il comprend aussi que se détacher des autres scènes lui permet de devenir timeless. Johnstone pense que la grande influence de Lazer Guided Melodies est le troisième album du Velvet, mais le roi des Argonautes lui dit non, car il ne voulait pas se contenter de faire un beautifully simple record, il voulait au contraire «épuiser toutes les possibilités». Il se dit fier de Pure Phase, l’album suivant, sur lequel on va passer, si vous le voulez bien, et boom voilà qu’arrive Ladies And Gentlemen We’re Floating In Space, «and the blend of metronomic sonics with avant-garde noise and earthly Stooges riffing». C’est l’un des grands albums des temps modernes, Jason dit qu’il est allé travailler sur «Cop Shoot Cop» - a 17-minute voodoo incantation - avec Mac Rebennack  - It was an amazing experience. Il flew to New York to work with Mac and then flew to Memphis to work with Jim Dickinson - Puis arrive la double pneumonie et l’hosto, en 2005, une near-death experience à la Lanegan. Et il évoque the devil, sa petite black guitar - I found it in a little cage in Cincinatti. It’s a 1926/27 black Gibson. It was relatively cheap - about $1,000 - but it seemed like it came with the songs already in it - Il pensait aussi qu’en ressuscitant après sa near-death experience, il allait changer, mais non, «I came out of it all the same disappointing person I was before».  

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             Andrew Male repart du même point pour Mojoter le roi des Argonautes, «from the edge of heaven to the brink of death». Le roi dit que «the songs always seem precient». Il ajoute que ça l’inquiète. Puis au fil des questions, il ressort un peu ce qu’il dit dans Shindig!, par exemple qu’il n’a jamais perçu de royalties, même avec les albums de Spiritualized, il redit aussi que son premier album fut Raw Power, «99p at Boots». Quand Male lui dit qu’avec les Spacemen 3, Sonic Boom et lui voulaient sonner comme les Stones, mais qu’ils n’avaient pas la voix, Jason lui répond qu’il a raison : «Definitely. That’s all that American garage music is. On peut être les Stones, mais nourri par notre propre culture et notre inaptitude, ça devient quelque chose d’autre, de greater, something beyond that.» Avec ses questions, Male remue pas mal de mauvais souvenirs, le break-up du groupe à cause d’une question de crédits, le départ de la copine Kate qui s’en va se marier avec un autre mec, et puis la double pneumonie que Jason Pierce n’a pas vu venir, petit malaise, docteur et hosto, de l’eau dans les poumon, «one breath a second pendant neuf jours» et d’immenses difficultés à reconnecter avec le rock en sortant de cette épreuve. Il avoue aussi avoir chopé une petite hépatite C, d’où les rumeurs de chimio. Puis il met les choses au clair sur le nouvel album : les chansons datent du précédent, Nothing Hurts, Jason voulait faire un double album, mais Matthew Johnson de Fat Possum ne voulait pas. Il pensait que c’était trop de boulot pour les gens d’écouter un double album. Bon alors d’accord, Nothing Hurts sort et quatre ans plus tard arrive dans les bacs Everything Was Beautiful. Maintenant, Jason est convaincu que Johnson avait raison : «Finishing one album, then making the other one, was the smartest thing to do.»

    Signé : Cazengler, Jason pisse

    Spiritualized. Everything Was Beautiful. Fat Possum 2022

    Johnnie Johnstone : Brought to heal. Shindig! # 123 - January 2022

    Andrew Male : The Mojo Interview. Mojo # 338 - January 2022

     

    Inside the goldmine - Down the Lyn

     

             Ses yeux verts et la lithographie de Miro qu’elle avait accrochée au mur de son salon faisaient tout le charme de Baby Doc. Sinon, rien de spécial. Cette femme extrêmement intelligente parlait d’une voix anormalement grave qu’on aurait dit masculine. De petite taille, brune et d’origine espagnole, elle ne portait que des pantalons. Baby Doc était médecin chef dans un hôpital de grande banlieue. Elle ne donnait son avis que sur ce qu’on voulait bien lui dire, comme le font les psychologues, mais elle le faisait avec ce côté maternel qui instaure un climat de confiance. En fait, c’est elle qui menait le bal et il suffisait de se laisser porter. Plus besoin de veiller à la qualité des échanges, c’est elle qui s’en chargeait. Un propos insignifiant pouvait déclencher des ricochets en forme de traits d’esprit, et rester sur le qui-vive devenait une forme de jouissance. Baby Doc était la reine de l’interaction. C’était toujours un plaisir que de la retrouver dans Paris pour boire un verre du côté de Bastille ou aller faire un tour dans une galerie du Quartier Latin, où elle achetait parfois une œuvre d’art contemporain. Elle habitait un petit pavillon en banlieue Sud. Au premier étage se trouvait sa chambre et la pièce voisine était ce qu’elle appelait son bureau. Tous ses livres se trouvaient là, sans doute des milliers de livres, les quatre murs de la pièce en étaient couverts. Beaucoup de littérature classique en langue française et espagnole, mais aussi des ouvrages scientifiques en grande quantité. Elle devait faire de la recherche mais elle ne s’en vantait pas. Elle veillait à rester sur le terrain de ses interlocuteurs. Sans doute n’aimait-elle pas qu’on fasse semblant de s’intéresser à elle, comme c’est généralement le cas dans les jeux de séduction. Ce mode de relation finit forcément par créer un attachement. Rien à voir avec la passion, c’est encore autre chose. Une affinité élective. Le type de relation dont il faut savoir se montrer digne. Et puis un soir, alors qu’elle avait un peu bu, elle voulut baiser. Elle sortit de la douche et vint s’allonger sur le lit. Elle avait un corps magnifique, presque un corps de jeune garçon. Elle changea complètement de discours et devint funky. Elle était du booty. Première surprise. La deuxième surprise coupa court à tout : ses seins n’étaient pas des seins mais des petites prothèses en forme de tue-l’amour.  

     

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             On sait bien que le funk est le sel de la terre. Alors que Baby Doc shakait son booty dans son pavillon de banlieue, Lyn Collins shakait le sien sur trois des meilleurs albums de funk qu’on puisse trouver ici bas, en banlieue comme ailleurs. 

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             C’est à Jessica Lipsky, à son Daptone book, et donc à la compile James Brown’s Funky People qu’on doit la découverte de celle qui se fait appeler The Female Preacher. Lyn Collins fait partie du cercle rapproché de James Brown, un Mister Dynamite qu’on peut d’ailleurs entendre sur Check Me Out If You Don’t Know Me By Now, le deuxième album de The Female Preacher paru en 1975.

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    Fantastique pochette, avec une Lyn Collins rayonnante de black power et en B, elle duette avec James Brown, promu Minister of New New Super Heavy Funk au dos de la pochette. On les entend tous les deux fracasser «Backstabbers» et funker comme des cracks «Rock Me Again & Again & Again & Again & Again & Again» yeah yeah, cut mythique entre tous, take the time/ To make me loving good, James Brown fait du vrai c’mon here, ils tapent le booty du meilleur funk du paradis, on comprend que James Brown l’ait prise sous son aile, il la double au chant d’again & again & again sur un beat funk minimaliste, ah il faut l’entendre chanter sa plainte en parallèle ! Elle enchaîne avec une reprise de «Try A Little Tenderness» extrêmement orchestrée, servie par des chœurs de rêve, elle y navigue au long cours, mais elle ne va pas l’exploser au final. Dommage. James Brown traîne aussi dans les parages de «Baby Don’t Do It» qui ouvre le bal de la B. Pur funk genius ! Elle ouvre son balda avec «A Foggy Day», un heavy groove des jours heureux qu’elle chante à l’Aretha. Elle est capable d’aller chercher la clameur de la Soul par dessus les toits, comme le montre encore «To Each His Own». Avec «Mr Big Stuff», elle fait du good time funk fabuleusement bien envoyé.

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             Son premier album s’appelle Think (About It) et sort comme le précédent sur People, le label de James Brown, en 1972. Dès le morceau-titre, elle est dans le real deal, dans le funk des reins, elle fait du pur James Brown. En fait, elle navigue entre deux pôles, James Brown et Aretha, comme le montre encore «Wheels Of Life», elle s’y révèle fantastique de présence perçante, elle shake son heavy groove avec la poigne d’une big sister. Elle replonge en plein dans James Brown avec «Things Got To Get Better». Exactement la même moelle ! En B, elle monte son «Never Gonna Give You Up» là-haut sur la montagne, servie par des chœurs de filles frivoles et dévouées. La B est une extraordinaire face lente, Lyn Collins vise avec «Women’s Lib» la supra-intensité, l’hyper-perçant de la Soul, elle ne parvient pas à égaler le perçant d’Aretha mais le sien épaterait la galerie des glaces. Elle nous goinfre d’intensité, elle vise l’éplorée définitive. Elle termine avec cet extraordinaire groove des jours heureux qu’est «Fly Me To The Moon». Elle le bouffe tout cru ! Ah elle veut qu’on l’envoie sur la lune ? Aw yeah yeah, elle est wild et belle, elle envoie des awite et des c’mon/c’mon qui en disent long sur ses appétits.

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             Il existe un troisième album plus récent de Lyn Collins, Mama Feelgood, paru en 2006. Si on en pince pour le funk, c’est l’album de rêve. «You Don’t Work» est un petit chef-d’œuvre de heavy funk - Now/ You don’t work/ Ah ! - Elle explose littéralement le booty du funk, ça chante à deux voix, ça pulse dans l’ultimate et à coups de trompettes, et comme les standards du funk, ça dure douze minutes. Elle reprend son vieux «Think (About It)» avec Martha High, Marva Whitney et Guen McCrae. Après une longue intro, elle se barre en mode funk demented - I don’t need no honey/ Think ! - Elle est extrêmement balèze - Get on down ! - Elle ramène tout le funk du monde - This is the right time to think/ Baby / I’ve got to think/ Thinh about it ! - Nous voilà tous prévenus. Elle repart pour douze minutes de funk des enfers du paradis avec le morceau titre. Elle cultive la violence du funk, elle suit la voie tracée par son mentor James Brown. On est là dans le fondamental du funk gratté à l’attaque perpétuelle d’everybody. Dans «Rock Me», elle invite everybody to get funky. Entre chaque cut, on entend un extrait d’interview et bien sûr elle relate ses souvenirs de James Brown. Elle indique que son meilleur souvenir de lui est l’enregistrement de Payback. Sur «Summertime», elle duette avec Martha High - Lyn/ Yes Martha/ The next song we are gonna do - C’est un fantastique hommage à James Brown. Martha évoque les cotton picking songs, the love songs, the songs of pain. Awite now.

    Signé : Cazengler, Lyn Colique

    Lyn Collins. Think (About It). People 1972

    Lyn Collins. Check Me Out If You Don’t Know Me By Now. People 1975

    Lyn Collins. Mama Feelgood. Hi & Fly records 2006

     

     

    L’ ECORCHE

    THE TRUE DUKES

    ( Sortie : 24 / 06 / 2022 )

    Jean-Yves Bassinot : voix / Christian Kikaï : guitare rythmik / Eric Chartier : lead guitar / Jean-Luc Vinot : Bass / Michel Dutot : drums

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    L’objet n’est pas encore sorti, mais Kr’tnt ! prend ses quartiers d’été, la semaine prochaine, on n’a pas pu attendre jusqu’à la fin août, donc on chronique sans avoir jeté un coup d’œil sur la pochette intérieure.  Huit titres, dont quatre pas tout à fait inédits mais une seconde écoute ne gâte pas le plaisir au contraire ! 

    Les esprits chagrins grimacent, huit titres, ces trouducs ne seraient-ils pas un ramassis de feignasses, je concède qu’ils auraient pu pousser jusqu’à douze, comme sur les bons vieux vinyles, mais il faut le reconnaître les True Dukes sont des grands seigneurs – de grands saigneurs aussi – l’opus fonctionne un peu sur le principe de la table ouverte, entrée gratuite : le monde s’est précipité…  Au final l’on croirait lire les Caractères de Théophraste, hélas, depuis la haute Antiquité la race humaine ne s’est guère améliorée, les Trouducs nous ont pondu une espèce de comédie à la Balzac mais inhumaine, en plus ils ont poussé le vice jusqu’à chanter en français, ainsi si par hasard vous vous reconnaissiez dans un des personnages représentés vous ne pourrez pas faire semblant de n’avoir pas compris. Arrêtons de blablater, il est temps de nous plonger dans cette galerie de portraits contemporains. 

    Le cafard : ça canarde dur, sont sans pitié pour les cafards, ce n’est pas qu’ils soient pour la sixième extinction des insectes, n’ont rien contre les cancrelats et diverses autres espèces, ne nous trompons pas de sujet, The True Dukes n’ont peur de rien, ouvrent leur album par un texte éminemment politique, tant pis pour ceux qui cachent leurs idées sous un mouchoir, eux ils les agitent comme des banderoles de mise en garde. Ne mâchent pas leurs mots, un texte de combat contre les racistes, les fascistes et tout autre individu du même acabit. Ce n’est pas tout, il y a le fond mais aussi la forme, percutent sec, le morceau équivaut à une rafale de mitraillette, court mais efficace, le JYB ne chante pas, il stigmatise sec, défilent les mots percutants, pas de pitié, pas de regret, derrière les copains catapultent la zique à fond de train, vous avez une envolée de guitares propulsées par une batterie nucléaire, lorsque vous reprenez vos esprits c’est terminé depuis longtemps. Mais qu’est-ce que ça fait du bien ! Ou du mal. Tout dépend de quel côté de la barricade où vous vous placez. L’écorché : on peut frapper ceux qu’on n’aime pas, on peut aussi tendre la main à ceux qui sont au fond du trou, les True Dukes sont gentils mais pas gnangnan la praline au trou du cucul, faut que les blessés de la vie saisissent aussi leur vie à pleines mains, pour les consolations vous repasserez, les Duke ne vous dorent pas la pilule, le plus dur est toujours devant soi, compter sur ses propres forces telle est la loi que les faibles doivent s’appliquer à eux-mêmes, encore un morceau à cent à l’heure, un solo de guitare démentiel au milieu, avant et après ça castagne dur, rien de tel qu’une volée d’horions pour vous insuffler l’énergie nécessaire pour survivre.  Le couperet : un fond de rythmique bluesy qui n’empêche pas les guitares de partir en fusée,  les psychologues vous expliqueront que les True Dukes évoquent un problème difficile, ne les écoutez pas, ne portent aucun jugement, ne racontent pas le pourquoi et le comment, juste l’émotion du gars sur qui tombe le couperet de la justice, qu’a-t-il fait, on ne sait pas, est-il coupable, est-il innocent, là n’est pas la question, juste le moment où le gars enquille sa privation de liberté,  tout ce qui se bouscule dans sa tête, du doute envers soi-même à la haine envers la société, tout y est, les guitares tournoient, le JYB répète ses paroles intérieures à plusieurs reprises, sur tous les tons, le constat est simple, la vie ne fait pas de cadeau, les True Dukes non plus. La rage : ce n’est pas bien d’écrire des mensonges alors je ne dirais pas que c’est un instrumental, mais l’est sûr qu’ici le frontground musical emporte le morceau. L’écrase aussi un peu le vocal qui a compris qu’il valait mieux se faire discret et laisser les copains nous écorcher à satiété les oreilles, ce n’est pas que la rage soit mauvaise conseillère, c’est qu’il est nécessaire de la maîtriser et de ne pas retourner cette arme contre soi-même. L’ennemi est partout. Même à l’intérieur de soi.

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    Politiclowns : après les deux introspections précédentes retour à la politique, avec un ‘’ p’’ minuscule, un titre prophétique quand on l’écoute en ces lendemains de cirque électoral,   les True Dukes n’y croient  pas, sont du côté des déviants qui mènent leur vie à la lumière de leurs rêves d’enfants, dénoncent la farce mais se revendiquent de cette attitude anarchisante qui refuse de prendre part à cette mascarade éhontée. Le titre est joliment envoyé, se termine brutalement, pas de temps à perdre, ont mieux à faire de leur vie. Black out : guitares grondantes, les Trouducs ont aussi des trous noirs, z’en sont tout fiers, ne savent pas ce qu’ils ont fait la veille, mais la vraie vie c’est ainsi (rien à voir avec un bulletin de vote glissé dans l’urne, voir le morceau précédent) joyeux, jouissif, roboratif, la vie à l’emporte-pièce, totalement assumée. Marie : comment messieurs les True Dukes, vous ne seriez pas pour la parité, seriez-vous d’immondes mâles blancs phallocrates, enfin une femme dans votre disque, on n’y croyait plus, vous vous rattrapez de justesse, en plus ils lui font une belle entrée riffique, plus un solo de basse, plus plein d’autres trucs musicalement extra, l’acclament tous en chœur, vous la couvrent de compliments (c’est moins cher que les diamants ), c’est vrai qu’elle leur ressemble un peu, qu’elle mène le même style de vie…  Dans ma rue : tiens, cèdent à leur mauvaise habitude, encore un texte politique, les esprits timorés parleront d’un douloureux problème social, s’agit de toute autre chose, de ceux qui dans la société de consommation ont une maison en carton… le groove cartonne à mort, que voulez-vous de plus, à chacun son destin… implacable.

             The True Dukes, z’ont un son plein, rond, l’a l’air de rouler tout seul, vous entraînerait au bout du monde, idem pour le vocal qui coule et vous emporte au loin, n’ont pas comme beaucoup le punk décharné, ne cherchent pas l’outrance, posent juste un regard juste sur la réalité de notre époque, tout de suite cela fait mal.

    Damie Chad.

      

    SUBVERSIF

    C’KOI Z’ BORDEL

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     Stéphane : basse & chœurs / Olivier : batterie & chant / Cyril : guitare & chant.

    La macronie : intro qui débourre sec, trois coups de cymbales et c’est parti au triple galop, bienvenue en macronie, remarquez je vous laisse ma place, suis comme C’ Koi Z’ Bordel cette dictature poigne d’acier dans des gants de gluances molles me déplaît fort, les vocaux n’oublient rien les LBD, les rues barrées par les milices policières, le fric pris aux pauvres, la couverture vaccinale obligatoire, j’en passe et des pires, le clament haut et fort, sont des anarchistes, sont contre la dictature de la valeur travail et la dictature de l’ acquiescement, n’y vont pas mollo, guitare, basse et batterie engagées dans une course contre la mort programmée des libertés individuelles et sociales, un titre qui met les poings sur le I de macronie. Ce morceau est agité comme l’étamine noire qui flotte en tête des manifestations violentes. Le kepon et le psylo : ne confondez pas psylo et psycho, ce dernier est un souvent un fonctionnaire qui fait office de régulateur social, Antonin Artaud lui appréciait les champignons magiques, ceci dit même si le titre évoque les titres des fables de La Fontaine, la morale du punk qui se prépare une omelette d’eukaryota risque de blesser les esprits tempérés, en tout cas le groupe en a tiré une énergie folle et inépuisable, Olivier barate à s’en dilater la rate, la guitare de Cyril prend feu avant, pendant et après le solo, mais ce dernier mot est-il vraiment adapté à cette torrentielle cavalcade collective- surtout lorsque la basse de Stéphane se transforme en coulée de lave noire. Je ne voudrais pas les dénoncer mais je pense que l’enregistrement de ce morceau a dû impacter le taux de carbone de notre planète bien aimée et accélérer la dégradation climatique.

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    Face contre terre : pas de repos possible, c’est que l’on appelle une soirée arrosée, la météo n’y pour rien, une habitude partagée par bien des ethnies, le vieux fond gaulois qui remonte, boire un petit coup est agréable mais dégueuler dans sa chaussure c’est plus sûr, c’est là que l’on s’aperçoit que le nom du groupe n’est pas uniquement une critique de la société libérale, mais une expression qu’ils ont conçue spécialement pour se décrire. Un gros défaut à ce morceau, je vous mets au défi de liquider un magnum de djack avant que ne s’éteigne la dernière note. L’est trop court. Le bourreau : ralentissent le rythme sur ce morceau, bon ils ont remplacé la  guitare, elle se prend pour une scie sauteuse, le morceau mérite  l’attention, un personnage de choix, l’exécuteur des basses œuvres, donne un spectacle public, l’a le tract mais il assure, pas question d’exécuter le travail à la va-vite, faut que le patient souffre longtemps, c’est C’ Koi Z’ Bordel qui pique une crise de nerf, tous ensemble, eux qui avait adopté un rythme modéré foncent maintenant tout droit, n’en peuvent plus, lancent des anathèmes contre ce pourvoyeur de la douleur et de la mort. C’est tout ce qu’ils peuvent faire pour se soulager de leur colère et de leur haine. Le mal est déjà fait. Allez vous faire enculer bande de bâtards : déjà l’on subodore qu’ils n’ont pas piqué le titre dans une lettre de Mme de Sévigné, belle intro de guitare, la batterie prend le pas de l’éléphant, et le vocal se déploie en oriflamme de colère, c’est la vie des petites mains celles qui sont chargées des gros travaux ou des tâches fastidieuses qu’ils racontent et qui suscitent leur ire, toutes les existences étriquées des mal-payés, le morceau n’est pas bien long mais tout est dit. L’on sent que le bâton est prêt et qu’il ne manque plus que l’étincelle pour qu’il explose. Weekend punk / Quand est-ce qu’on picole ? : c’est le weekend, la musique se précipite, pas question d’en laisser perdre un milliardième de seconde, soirée punk dans les grandes largeurs, ce morceau bourrin est à entendre comme une phénoménologie de l’alcool punk, soyons sérieux, le sens de la fête est une option métaphysique.

             Dans les hautes sphères ce genre de groupe punk sera catalogué d’extrémiste. Pour une fois que nos élites énonceront une vérité nous n’allons pas les détromper. D’ailleurs avec leur pochette noire au lettrage d’un rouge subversif, ce n’est pas C’ Koi Z’ Bordel qui se fendront d’une lettre de protestation. Nous non plus, ce CD est trop bon. Excellent.

    Damie Chad.

     

     

                      AN EAR OF GRAIN IN SILENCE REAPED

    TELESTERION

    ( Juin 2022 / YT / Bandcamp)

     

    Aucune autre indication. Il existe ( ou il a existé ) un autre groupe nommé Telesterion qui en 1998 a sorti un CD intitulé Hall of the Mysteries qui arbore sur sa pochette une image qui provient de la même série que celles qui ornent le CD du groupe qui nous préoccupe. C’est justement la couve de leur EP qui a sauté aux yeux du grand admirateur de l’Antiquité gréco-moderne qui, telle la chouette d’Athéna, ne ferme jamais l’œil en moi.

    Deuxième étonnement : le Télestérion était un des endroits les plus importants du sanctuaire d’Eleusis, la grande salle où les participants recevaient un ‘’enseignement’’ dispensé sous forme d’exécution de rites d’initiation. Les mystères d’Eleusis sont d’autant plus mystérieux que quiconque était accusé de les dévoiler encourrait la peine de mort. Pour la petite histoire qui rejoint la grande c’est durant ces mystères que Philippe de Macédoine rencontra Olympias – le culte était ouvert aux hommes et aux femmes – Alexandre le Grand naquit de cette union. Or l’iconographie est empruntée à la Villa des Mystères, qui fut ensevelie sous les cendres du Vésuve à Pompéi. Si mythologie grecque et romaine se rejoignent la manière de les appréhender n’a jamais été similaire. La réflexion grecque n’hésitait pas à s’orienter vers la recherche de principes originels, celle des romains se concentrait davantage sur les applications sensibles.

    Il est de troublantes accointances entre ce nous décryptons de la fresque de la Villa et de ce que nous supposons être la signification d’Eleusis. Ainsi il est facile de remarquer que la Villa représente des scènes liées à la vie de Bacchus alors qu’Eleusis évoque Dionysos. Or le Bacchus romain n’étant que l’incarnation nationale du Dionysos grec, un partout, balle au centre.

    Il est pourtant une différence essentielle, le culte d’Eleusis trouve son origine dans Hades le dieu des morts, celui de la Villa culmine dans la proclamation de la germination vitale, entrevue dans ses applications sexuelles.

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    Things done : les choses accomplies : l’on retrouve le mot chose dans les trois premiers titres. C’est un vocable utile, puisque nos connaissances d’Eleusis sont en majeures parties hypothétiques il permet de nommer sans précision. Les grecs l’utilisaient aussi. Nous dirons qu’ici Things signifie actes. Le morceau se déploie majestueusement, une rythmique de marche lente mais affirmée, s’élève bientôt une mélodie qui serpente longuement jusqu’au moment où des choeurs la remplacent, l’on imagine facilement la foule des processionnaires qui partaient à pied d’Athènes vers Eleusis, les voix indistinctes qui psalmodient donnent une idée de la ferveur religieuse et la mélodie keyboardiste qui reprend marque l’élan spirituel qui poussaient nos impétrants vers le sanctuaire. Mais tout se calme, le bruit cesse, un coup sec impose le silence. Things shown : les choses montrées : c’est dans ce deuxième titre que le mot chose prend sa dimension la plus objective. Lors des mystères d’Eleusis l’on présentait aux initiés un panier dans lequel se trouvait la révélation ultime : un épi de blé. Car le grain enfoui dans la terre éclate et disparaît ( mort) pour donner naissance à un épi ( vie ). Au cours des cérémonies il semble que l’on dévoilait un autre objet, un olisbos, lecteurs et lectrices ne dites pas que vous n'avez pas de dictionnaire de grec, cet engin n’était autre qu’un phallus fièrement dressé symbole du principe germinatif de la vie. Rythmes d’entrée saccadés, qui prend aux tripes, des chœurs cette fois-ci à dominante féminine s’élèvent, nous sommes aux moments les plus importants ceux de la révélation, la musique devient plus large, l’on entend comme le bruit des vagues de la mer amère qui frange d’écume la terre, la voix d’une prêtresse s’élève et prononce des mots que nous ne comprenons pas, le son s’éloigne comme s’il tournait autour de lui-même, il revient plus fort, nous sommes aux instants cruciaux du dévoilement, une sorte d’écho tente de traduire le choc révélatif qui doit se passer dans les neurones des prosélytes, ce saut qualitatif qui permet de passer de la vision d’objets usuels à la force opératoire de leur compréhension symbolique. Things said : choses dites : autrement dit les paroles sacrées, sans doute des formules relativement courtes qui résumaient en quelques mots subtilement et euphoniquement agencés – un peu comme les mantras indiens – l’enseignement révélé. Malheur à celui qui les prononcerait en public. Ces formules ne nous sont pas parvenues… Des sons comme des ondes qui se déplacent, volent au loin, à l’intérieur de vous car ils ne sont pas fait pour voyager dans le monde mais pour raisonner, et la machine se met en route, l’on n’entend pas les mots mais l’instrumentalité les propage, sont des diamants irradiants auxquels l’écrin maintenant ajouté des chœurs ne fait pas écran mais accentue leur luminosité, le morceau file vers son apogée, l’en devient grandiloquente, le rythme de la batterie s’accélère tout en gardant une solennité  mystique, illimitée vers les confins du silence. The Rharian field : le champ rharian : sur l’injonction de Déméter ce champ situé à Eleusis fut le premier à être ensemencé de grains de blé et à donner la première récolte. C’est ainsi que l’agriculture fut enseignée aux hommes par Déméter déesse de la terre et des moissons. Hades séduit par la beauté de Koré la fille de Déméter l’enleva et l’emmena pour épouse dans le royaume souterrain des Enfers où elle prit le nom de Perséphone. Déméter se plaignit à Zeus qui décréta que Koré passerait les mois d’hiver avec son mari sous la terre et le reste de l’année sur la terre en compagnie de sa maman. L’analogie avec le grain de blé est évidente…des notes en giclées de grêles que relaie une orchestration luxuriante, les principes sont acquis, le triomphe de l’âme est assuré les chœurs chantent la délivrance de l’angoisse, une joie incoercible chasse les peurs inutiles, la musique par sa beauté étincelante tente de traduire le confort d’esprit que procure l’initiation, rien n’a changé, mais l’individu s’est assimilé le cycle de la vie et la mort. Clarté et apaisement prennent le pouvoir, la musique baisse et disparaît il n’en n’est plus besoin. Elle n’a été qu’une démarche vers la plénitude d’une plus grande transparence. An ear of grain in silence reaped, nous traduirons un épi de blé dans le silence de la moisson.

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             Les mystères ne se livrent pas facilement. Telesterion nous en a offert une interprétation – un commentaire préfèreraient dire les anciens Grecs  - musicale, ils nous en offrent une autre qui n’est pas de leur cru en reprenant sur leur CD quatre images issues de la fresque de la Villa des Mystères de Pompéi. Quel rapport existe-t-il entre la Déméter d’Eleusis et le Bacchus romain. Le trait d’union c’est évidemment Dionysos ( = Bacchus ). Dionysos fils de Zeus et de la mortelle Sémélé sera par ordre d’Héra l’épouse jalouse de Zeus déchiré en lambeaux sanglants par les géants. Zeus recollera les morceaux (c’est le cas de le dire) et lui confèrera l’immortalité. Le lecteur fera de lui-même la relation avec le grain de blé dont l’enfouissement et la décomposition dans la terre provoquera la naissance de l’épi, la mort du héros a engendré l’apparition du dieu.   

              La fresque est comme une bande dessinée dont on aurait supprimé les bulles et dont on ignore l’ordre de lecture des images. Très prosaïquement on peut la décrire comme le récit de la vie d’une femme, qui commencerait par les préparatifs du mariage, la fête (présence du vin et de Dionysos ) la défloration ( très symbolique ), la maîtresse de maison souveraine en sa demeure, la fierté de la mère devant les progrès ‘’scolaires’’ de son enfant.

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             D’autres interprétations existent. Elle se chevauchent, oscillent entre la précédente très terre à terre et une représentation de l’histoire de Dionysos. Aucune n’est totalement pertinente. Je profite de l’occasion pour présenter très rapidement la mienne, très fragile, renforcée par la présence de la statue de Livie sur le site. Si la fresque est si difficile à interpréter c’est parce qu’elle est codée et que les dessins ne représentent pas les scènes qu’ils illustrent. La statue de Livie, la femme d’Auguste n’est pas là par hasard. Sans doute marmorérait-elle une toute autre personne. La tête de Livie a été rajoutée après coup, un peu comme un paratonnerre pour éviter non pas la foudre de Zeus, mais celle beaucoup plus dangereuse d’Auguste. Se mettre sous la protection de l’épouse de l’Empereur pouvait se révéler une sage précaution, surtout lorsque Auguste s’en est pris aux cultes orientaux qui florissaient dans Rome, par exemple celui d’Isis. Ainsi toute une partie des motifs de la décoration du reste de la villa est inspirée par l’Egypte. Une des hypothèses retenues pour expliquer l’exil du poëte Ovide à l’autre bout de l’Empire serait sa participation à une célébration orphique.  Je me demande si sous le couvert d’une représentation d’Homère (avec la lyre) le sujet initial n’était pas destiné au travers de certains poëtes comme Sapho une espèce d’évocation de la poésie sous laquelle se profilait le personnage d’Orphée. Il se peut que lors de la proclamation des édits augustéens la fresque en cours d’élaboration ait été prudemment modifiée. Il se trouve que les quatre vues choisies par Telesterion sont celles qui corroborent le mieux mon hypothèse…   ( Image 1 : le vin de la poésie, Image 2 : Sappho, Image 3 : lecture de la poésie, Image 4 : Homère ). Poésie et musique ne naissent-elles pas du silence. Comme l’épi du grain.

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    Damie Chad.

     

    *

    Lorsque l’on tient un groupe américain qui parle et même chante  en français, on ne le lâche pas des yeux, souvent je fais un tour sur le FB de Forêt Endormie ( non, je n’ai pas traduit leur nom ), vont bien, donnent quelques concerts, mais n’ont pas forniqué un petit frère à leur album Une voile déchirée que nous avions chroniqué le 06 / 05 /2021 dans notre livraison 509 + autre chronique in livraison 515 le 17 06 / 2021  ne les accusez pas de paresse, Jordan Guerette qui a formé Forêt Endormie, participe aussi à Falls of Raucos qui a sorti un nouvel opus, que je décide aussi sec de chroniquer, mais – dans les plus belles histoires il y a toujours un mais – me rendant sur leur Bandcamp, je m’aperçois qu’ils ont déjà à leur actif une dizaine d’albums, dont un, l’avant-dernier, dont le titre tilte en moi, vous trouverez donc d’abord la chronique de celui-ci.

     PATTERNS IN MYTHOLOGIE

    FALLS OF RAUROS

    ( Juillet 2019 )

     Evan Lovely : basse / Jordan Guerette : vocal, guitars, keyboard / Ray Capizzo : drums / Aaron Charles : vocal, guitars.

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    Détournements : instrumental. Ouverture wagnérienne, écroulements de guitare et surgissement du leitmotiv de la tristesse ou de la nostalgie ou de l’impuissance de l’esprit devant le cours et l’effondrement des choses. Le morceau se finit en queue de poisson on attend un final grandiose, mais non une espèce de grincement qui s’étire non pas pour s’éteindre mais pour culminer dans la violence déchaînée de Weapons of refusal : les dieux sont morts depuis longtemps, Falls of Rauros ne fait allusion à aucune des anciennes mythologies, il y a longtemps que les hommes les ont troquées contre de nouveaux modèles, vous les connaissez tous, ils ne reposent sur aucun récit antérieur, ce sont les chaînes mentales qui régissent notre présent qui correspondent aux comportements de tout un chacun englué dans notre sinistre modernité, c’est pour cela que le leitmotiv du désespoir inéluctable et du regret impossible interrompt parfois l’éruption de colère intransigeante portée par  le vocal, le côté black death metal se marie à merveille à la présence obsédante de cette mélodie du désenchantement qui puise ses racines aussi bien dans la ténuité d’une guitare folk que dans des arrangements à caractère symphonique, n’empêche que le chant se déploie telle une prophétie de haine et de destruction, il n’y aura ni repos ni pitié, les temps ne sont pas à la contemplation. New inertia : une guitare seule, méfiez-vous, elle chantonne doucement et derrière elle monte un blues balladif qui retient votre attention, vous vous arrêtez pour l’écouter, la voix grogne, elle vous explique que ce n’est que du faux-semblant, que le présent possède aussi un visage que l’on aime contempler, il dit calme, luxe et beauté, ils parle d’intelligence mais si vous tentez de gratter l’écaille le système sera sans pitié, vous mettra hors d’état de lui nuire, et dès que la voix se tait les notes douces et ensorcelantes reprennent le dessus et vous mènent par la main, ça scintille, ça miroite, le poignard du vocal se plante en vous pour vous réveiller, le piège renaît sans cesse, autant de fois vous le briserez, et la musique se fait vague destructrice pour vous aider, mais les remparts qu’elle essaie d’abattre tiennent bon, vous n’êtes pas encore sorti de l’auberge du désespoir… Renouvellement : en plein dans la mouise, roulements implacables de la batterie, c’est pourtant ce qu’Heidegger appelait le retournement, l’instant où la route de la pensée tourne pour emprunter une direction opposée à celle qu’elle semblait avoir choisie, l’accompagnement prend une ampleur nouvelle, ce qui n’empêche pas que la joie est absente, que nous sommes au point crucial, mais que rien n’est gagné. Le vocal est en français. Last empty tradition : l’ampleur de la tâche, qui nous nargue, plus on s’approche pour briser les cadres de l’actuelle mythologie qui nous emprisonne, plus elle paraît invincible, détient mille ruses pour nous réduire à l’impuissance, le vocal fronce la voix comme un taureau qui croise ses cornes avec son ennemi, longtemps le combat reste indécis, la musique piétine, fait du surplace, ondes vibratoires pour relancer la machine, toute mythologie renferme une autre mythologie, la forteresse possède une autre enceinte et ainsi de suite, c’est l’assaut, celui qui doit emporter le morceau, impulsion ultime celle de la dernière chance, il semble que l’ennemi recule, qu’il cède, que la place est libre. Memory at night : était-ce un rêve ou un épisode du cauchemar, quelque chose a-t-il changé, comme la plus belle fille du monde le groupe donne tout ce qu’il peut, n'empêche qu’il est rongé par le doute, et si la mythologie oppressive n’était pas au-dehors mais au-dedans, que c’est l’homme qui la sécrète comme l’escargot sa bave, peut-être est-ce déjà une victoire de s’en être aperçu, peut-être le doute est-il un hymne à la joie, la seule délivrance possible, peut-être ne ferons-nous pas mieux, maintenant au moins nous savons, ce qui est terrible c’est que la perte de l’ignorance ne débouche que sur une incertaine vérité à laquelle on se refuse déjà de croire. L’on n’en est pas plus avancé pour autant, tout ce l’on a appris c’est que nous appartenons à une espèce précaire dont l’esprit vacille.

    KEY TO A VANISHING  FUTURE

    FALLS OF RAUROS

    ( Mars 2022 /

    La différence entre les deux pochettes est éloquente. Celle de Patterns of mythologie dégage une certaine puissance, même si ces vagues qui se brisent sur le rivage en des tourbillons d’écume insistent sur l’inéluctabilité du phénomène, une deuxième lame est là pour la remplacer, et une fois écroulée une autre surgira encore et encore, vous ne brisez les chaînes d’une mythologie que pour vous retrouver dans les fers d’une autre, et votre malheur se répètera ad vitam aeternam. Mais ce recommencement éternel laisse subsister l’espoir insensé qu’une fois il serait possible que vous échapperiez à cette prison perpétuelle. A croire qu’un autre futur est possible…

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    La couve de Key to a vanishing future dont le titre laisse déjà présager que le futur est incertain, ne vous laisse pas un seul d’espoir. Nous sommes au sommet d’une montagne enneigée, seuls poussent ces sapins sempervirens que l’on plante dans les cimetières (quelle ironie funèbre) pour symboliser l’éternité alors que leur bois sont tirées les planches de nos cercueils… brrr !, quant à la clef on vous l’offre au premier plan, tordue, cassée, incapable d’ouvrir la porte du futur évanoui que l’on ne vous promet pas…

    Clarity : l’on ne s’attend pas à quelque chose de gai, de fait l’ambiance est plutôt lugubre, l’album a été composé durant le confinement, le moral n’était pas au beau fixe et la prospective peu engageante, la clarté évoquée n’est pas celle du soleil levant, c’est celle de la lucidité du désespoir, une vision nihiliste du monde et de l’être humain, la voix éraillée, la musique semble courir à sa propre fin, à sa propre perte, pratiquement en apesanteur, légère et comme en train de se désagréger, vocal désenchanté de loup enrhumé qui ne parvient pas à hurler à la lune, gorge en extinction. Silence brutal. Que dire de plus. Rien. Desert of heart : ce n’est pas fini, puisque la promesse du monde s’amenuise, le riff tourne en boucle, la basse tressaute comme un vinyle écorché, la voix glapit et vaticine sur la seule dimension accessible à sa connaissance, la désespérance des hommes, leur esprit tari, la sécheresse des sentiments, le titre s’épanche se transforme en hymne de défaite, lorsque l’on a tout perdu, il ne reste que l’orgueil d’avoir été vaincu, peut-être est-cela la débâcle totale de l’être humain, la nullité de la vanité, l’ortie de la médiocrité pullule dans notre cœur, pas de quoi en être fier, mais l’on se doit de faire avec ce que l’on a. Qui équivaut à ce que l’on n’a pas.  Survival poem : quand on n’a rien  pour vivre, comme dit Rilke qui m’entendrait parmi les anges si je criais, il reste à survivre, un background qui essaie de donner l’apparence qu’il ne rampe dans la boue des désillusions que pour donner l’illusion de monter vers les sphères célestes, pour le vocal il ressemble plutôt aux vomissures excrémentielles de Satan au fond de l’abîme, alors les guitares et tout le bataclan essaient de repeindre la guimbarde sans moteur de couleurs flashantes, il faut bien donner rendez-vous à l’improbable si vous voulez qu’il survienne, certes ce n’est pas la carmagnole mais pas non plus la torgnole pour éteindre la bougie de l’être. Known world narrows : ce n’est pas parce que l’on est parvenu à rester vivant que le monde est devenu beau et grand, les cordes chantonnent le clavier carillonne en cachette, mais pas pour  longtemps, nous voici, le vocal nous prévient, face à l’étendue du désastre, s’il est une échappée possible peut-être réside-telle dans ces parties du monde que nous ne percevons pas, un peu comme si nous regardions que la face obscure de la lune et que nous ignorions son envers lumineux, la basse riffe plus grave pour nous avertir que ces sortes de raisonnements constituent ce que l’on appelle la consolation du pauvre, n’empêche que le background devient lyrique, pas optimiste, ni festif, mais enfin un tout petit peu entraînant. La clef est cassée mais l’on a récupéré les deux morceaux. Ce n’est pas si mal. On a déjà traversé pire. Daggers in floodlight : changement de rythme, plus marqué, davantage affirmé, avec des suspensions, c’est que si vous éteignez la lumière, vous êtes dans le noir, mais au moins vous êtes surs qu’elle existe quelque part, c’est cette bivalence, cette ambivalence que nous conte Falls of Rauros, belle prestation vocale l’on dirait qu’elle se bat avec elle-même et que la batterie lui flagelle la langue, soit pour l’arrêter de trop  parler, soit pour qu’elle se presse d’annoncer la bonne nouvelle, l’on ne sait pas trop, l’on reste un peu le cul entre deux chaises inconfortables, parfois l’on croirait déceler un sentiment de joie allègre et parfois la batterie imite la démarche titubante du dromadaire perdu dans le désert, qui meurt de soif et entre en agonie, manque de chance le voici couché dans le sable, qui s’infiltre dans ses naseaux, derniers spasmes de guitare. Poverty hymn : hymne de la pauvreté, nous parlions tout à l’heure de Rilke, n’a-t-il pas écrit Le livre de la pauvreté et de la mort qui est à comprendre comme un idéal, un effort de vie, la musique triomphe, elle devient hymne à la douleur, un peu retenue mais d’autant plus altière qu’elle vient de très bas, certes la clef cassée est inutilisable mais qui nous dit que la porte est fermée à clef, et qu’il n'est pas interdit  d' enfoncer les portes ouvertes, et que si le futur n’existe pas, il reste l’ éternel présent du vouloir survivre. Sans illusion, avec ce que l’on n’aura jamais. (Très belle vidéo sur YT ).

             Magnifique !

    Damie Chad.