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  • CHRONIQUES DE POURPRE 222 : KR'TNT ! 341 : KIM FOWLEY / MONTEREY POP / WISEGUYS / ABSTRACT MINDED / INSANECOMP / ROCKABILLY GENERATION 2 / BRUNO BLUM / KERYDA

    KR'TNT !

    KEEP ROCKIN' TILL NEXT TIME

    , Kim Fowley, Monterey Pop, WiseGuys, Abstract Minded / Insanecomp, Rockabilly Generation 2, Bruno Blum, Keryda,

    LIVRAISON 341

    A ROCKLIT PRODUCTION

    LITTERA.INCITATUS@GMAIL.COM

    28 / 09 / 2017

     

    KIM FOWLEY / MONTEREY POP / WISE GUYS

    ABSTRACT MINDED / INSANECOMP

    ROCKABILLY GENERATION N° 2 / BRUNO BLUM

    KERYDA

     

    TRISTE NOUVELLE

    Disparition de Tina Craddock, soeur de Gene Vincent, qui fut toujours au côté de son frère et qui a beaucoup fait pour préserver son souvenir et sa présence on the Rocky Road Blues...

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    Feu Fowley - Part Two

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    Paru voici cinq ans, le premier volet de l’autobiographie de Kim Fowley choque. De plusieurs façons. Un, par le riquiqui de sa taille. On s’attend à un volume de 500 pages et on se retrouve avec un petit recueil de vers et de prose dans les pattes. Deux, par la violence contenue dans le premier tiers du livre qu’il consacre essentiellement à ses souvenirs d’enfance. Et trois, par l’âcre parfum de génie que dégagent les pages et qui vous monte directement au cerveau. Kim Fowley, c’est de l’oxygène à l’état pur, mais ça, on le savait depuis 1972, l’année où on écoutait I’m Bad chaque soir en rentrant du lycée.

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    Alors commence le bal des évidences. Quel est l’auteur américain qui par le un et le trois se rapproche le plus de Kim Fowley ? Dylan, bien sûr. Fabuleux Dylan qui plutôt que de nous assommer avec un gourdin de 500 pages préféra nous glisser un petit ouvrage de prose, le fameux Chronicles, dont on relit les pages avec un plaisir aussi gourmand que celui qu’on prendra à relire les contes rassemblés dans L’Hérésiarque & Cie - De la même façon qu’Apollinaire, Bob Dylan et Kim Fowley auraient pu dire : «Oh mais j’ai la faiblesse de me croire un grand talent de conteur.»

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    D’autres parallèles s’imposent avec des auteurs dont la prose est si pure qu’on qualifie leurs ouvrages de ‘précis littéraires’. On pense à Guy Debord et à Maurice Sachs, et bien entendu à Drieu : Feu Fowley croise le destin d’Alain Leroy dans Le Feu Follet, récit mirifique d’exemplarité crépusculaire. Kim Fowley est mort sans s’être tiré une balle dans la bouche, mais il laisse cette extraordinaire impression d’existence furtive, comme s’il n’avait jamais eu de prise sur la réalité. Il précise d’ailleurs qu’il n’a jamais possédé ni meubles, ni maison, ni famille. Comme Jacques Rigault, dadaïste furtif que Drieu prit comme modèle pour son Feu Follet, Kim Follet traverse la culture d’une époque et se volatilise dans une poussière d’étoiles, laissant derrière lui une poignée de disques et quelques feuilles de prose. Qu’on comprenne bien qu’un personnage comme Kim Fowley n’est pas un gadget, ou pire encore, un objet de spéculation chez les Thénardiers du vinyle. Au même titre que Bob Dylan, Kim Fowley est l’un des artistes les plus brillants, les plus complets et les plus fascinants du XXe siècle.

    S’il est une chose qu’il réussit à merveille, c’est assener des vérités. Il commence son ouvrage ainsi : «Les deux moteurs du rock sont le sexe et la vengeance. Vengeance contre les membres pourris de la famille, les copains retors, les profs sadiques et les ennemis du voisinage, tous ces gens qui pensent que vous n’avez ni talent, ni magie, ni avenir.»

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    Mais le conseil qu’on pourrait donner à ceux et celles qui n’ont pas encore lu ce fatidique livruscule serait de commencer par la fin, car Kim Fowley y salue son lecteur de manière émouvante : «J’en ai bavé pour écrire ça. Je voulais simplement que tu saches que j’ai vécu sur cette planète. Que j’ai cherché une femme, qui soit aussi une amante et une amie. Merci d’être mon amie. On a traversé ensemble les miroirs du passé et du temps présent. Mais il n’y a plus d’avenir pour Kim Fowley. Seulement des ennuis. N’oublie pas de lire les deux volumes à paraître. Ils changeront ta vie. Et maintenant, prie pour moi, cette nuit. Je suis déjà parti, quelque part dans l’obscurité où je cherche un trou pour m’y enfouir. Ce livre est dédié à la fiancée de Frankenstein. Hélas, je ne l’ai jamais rencontrée. Tâche d’être heureuse dans ta vie. Merci de m’avoir consacré ton temps.»

    Nous sommes tous la fiancée de Frankenstein. Dans la mort comme dans la vie, Kim Fowley fonctionne en termes d’universalisme. «Si j’étais mort en 1959 avec Big Bopper, Buddy Holly et Richie Valens, ou mort d’une overdose en 1969, et que j’avais laissé ce livre en souvenir, vous vous seriez tous extasiés. Sauf que le jour de leur mort, je suis allé à Hollywood. Ce que j’essaye de te faire comprendre, c’est que j’ai vécu le rock même après qu’il soit mort avec la mort de Buddy Holly. Je suis encore en vie, sous perfusion, avec l’esprit au bord de l’abîme et quelques derniers éclairs de lucidité. Je traverse tout ça juste pour essayer de produire encore un peu de magie. Je raconte dans ce livre le fond de toute cette histoire qu’on appelle le rock et la façon dont ça fonctionnait. Je ne fais que raconter des anecdotes.»

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    Comme Nietzsche avant lui, Kim Fowley se montre humain trop humain, et de la griserie des rencontres naît une sorte de gai savoir qu’il nous restitue sous la forme d’une pluie d’hommages : «Qui étaient les meilleurs ? J’ai déjà cité leurs noms, John Lennon, Jim Morrison, Jerry Lee lewis, et puis aussi Etta james, Sandy Shaw et Dusty Springfield. Mary Weiss a eu de grands moments, elle aussi, God, quels disques ! Phil Spector : sensational. Encore des noms évidents, Joe Meek et George Martin. Roy Orbinson, c’est Dieu. Quand il ouvre le bec pour chanter, c’est la même chose que le mec des Ink Spots ou celui des Skyliners, Jimmy Beaumont. Je veux dire : wouah ! Lorsqu’ils ouvraient le bec pour chanter, ils te changeaient la vie.» En contrepartie, il ne fait pas de cadeaux aux demi-portions : «Frank Zappa était très doué, mais il n’était peut-être pas aussi doué qu’on le disait. Surestimé. Comme tous ces mecs, Nick Cave, Elvis Costello, Nick Drake, on leur donne le bon dieu sans confession. C’est vrai qu’ils étaient relativement bons, mais pas si bons que ça. Tout le monde a de grands moments, mais aussi des moments ennuyeux, ou pas de moments du tout.»

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    Certaines pages peuvent donner le vertige comme celle qu’il consacre à son vieux camarade PJ Proby : «C’est le meilleur interprète de rock qu’il m’ait été donné de côtoyer dans un studio. On lui montre une chanson et il l’enregistre du premier coup, comme s’il l’avait chantée pendant dix ans. Stupéfiant ! Il n’avait même pas besoin de répéter. Et sur scène, il était aussi bon que Jim Morrison. Aussi bon que James Brown. Il avait l’allure, le son, la présence et en plus, il savait composer.» Et il repart de plus belle avec le drinking side : «PJ savait boire. C’était un homme sensible. Il était extrêmement intelligent. C’était un mec bien, même beaucoup trop bien. Tout en lui était beaucoup trop bien. C’est là que se situait le problème, on ne pouvait absolument rien lui reprocher. Il buvait comme un trou, semblait sortir d’un récit de John Barrymore ou d’Eugene O’Neill, ou de n’importe quelle pièce irlandaise montée à New York. Cet homme savait vraiment boire - This guy was a world-class drinker.»

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    Un jour à Londres, Kim Fowley va rendre visite à Joe Meek. La qualité du portrait qu’il brosse de Joe Meek renvoie bien sûr aux portraits qu’Apollinaire croqua de ses contemporains dans Le Flâneur Des Deux Rives, des gens aussi exotiques qu’Alfred Jarry ou Jean Moreas. «Il m’a payé à bouffer. C’était un sandwich à la dinde, parfaitement appareillé à la peau de dinde de son visage. Un sandwich au pain blanc. Il l’avait préparé lui-même. On s’est assis et on a boulotté nos sandwiches. Je lui disais que c’était génial de le rencontrer et on a échangé des compliments sur nos mérites respectifs. Puis je suis parti. Joe Meek est un type qui analyse les choses. Il portait un sweater Mr Rogers avec des boutons devant. Il s’était gominé les cheveux et ils avait sur la peau une couche aussi translucide que la peau d’une dinde de supermarché.»

    À tout seigneur tout honneur, puisqu’il rend un hommage spectaculaire à Syd Nathan, le boss de King Records : «J’ai passé un après-midi avec lui. Il m’avait accordé une audience. J’avais l’habitude d’aller voir des gens comme lui uniquement pour les entendre me raconter leur histoire. Syd Nathan, quel génie ! James Brown, Hank Ballard and the Midnighters, c’est lui. Starday Records aussi. Je veux dire : wouah !»

    Comme Kim Fowley se dit chien, il bénéficie d’un flair extraordinaire et dès 1959, il multiplie les découvertes : Jan & Dean («Jan Barry est une sale mec, un type vicieux, mais c’était un génie du doo-wop, au sens rock’n’roll du genre. Parce qu’il se savait intelligent et talentueux, il croyait que c’était une bonne raison pour se comporter comme un porc»). Puis Kip Tyler, un type qui venait de l’Est et qui portait du cuir («Il était rockabilly, mais d’adoption. No Southern rockabilly»). Puis Bruce Johnson qui joue encore aujourd’hui dans les Beach Boys. Puis les Rivingtons qui lui chantent «Papa-Oum-Maw-Maw» au téléphone. Puis les N’Betweens, futurs Slade, dont Kim admire le chanteur, Noddy Holder, «qui a la même voix que Little Richard et les Isley Brothers - Gravel and power and poetry.»

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    Les pages qu’ils consacre à Gene Vincent comptent parmi les plus émouvantes de ce recueil. Gene ne voulait pas enregistrer en Californie, mais au studio Malaco, situé à Jackson, dans le Mississippi. Comme le studio se trouvait au bord du fleuve, Gene pensait qu’il aurait pu aller pêcher avec ses copains musiciens entre deux prises de son. Il adorait ça. Il voulait faire ce qu’il avait toujours fait : du Southern rock’n’roll. Mais le label refusa. Clive Selwood n’aimait pas Kim et ne comprenait rien à Gene Vincent. Kim raconte qu’ils furent contraints d’aller enregistrer au studio Elektra, dans une ambiance psychédélique qui n’avait strictement rien à voir avec le gut-bucket-rockabilly/redneck-country-driving rock and roll dont se réclamait Gene. Des gens débarquaient dans le studio, comme John Sebastian et son chien de luxe. Ou encore Paul Rothschild, producteur des Doors, accompagné de two blonde surf beasts, au moment où Gene allait attaquer le «Sexy Ways» d’Hank Ballard. Excédé, Gene demanda qui étaient ces gens qui débarquaient sans prévenir. Kim fit les présentations. Gene se tourna alors vers le Rothschid pour le prévenir qu’il allait sortir le flingue qu’il planquait dans sa botte pour lui mettre une balle dans la tête - Leave my studio ! - Rothschild disparut immédiatement.

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    Et lorsqu’on se rapproche des premiers chapitres, Kim replonge avec une rage indescriptible dans la violence de ses souvenirs d’enfance. Ses parents cherchaient à faire carrière à Hollywood. Quand son père Doug partit faire la guerre, sa mère profita de l’occasion pour filer avec un autre mec. Kim a cinq ans et demande à sa mère ce qu’il va devenir. Elle lui répond : «Tu n’es pas le bienvenu chez mon nouveau mari. Il ne veut pas du fils d’un acteur raté. Il va me faire des gosses meilleurs que toi. Ton père est une merde et mon nouveau mari vaut mille fois plus. Mais je n’ai rien contre toi.» C’est ici que l’auteur prend son envol, car à travers la violence des dialogues qu’il restitue, il met en route l’imparable mécanisme d’un roman tragique. Mais c’est en puisant dans le privilège d’avoir vécu cette horrible situation qu’il établit son pouvoir sur le lecteur. Enfant, Kim Fowley fut à la fois victime de la polio et de l’égocentrisme pathologique de ses parents. Et le même jour, sa mère ajoute : «Je ne te reverrai plus. Ça ne m’intéresse pas de te revoir. Je vais donner d’autres enfants à mon nouveau mari.» On est en Californie, à Beverley Hills, une ville que Kim qualifie dans ses chansons d’usine à rêves.

    À toutes fins utiles, il prend soin de re-situer ses parents dans l’histoire du cinéma : «À l’écran, Doug Fowley était horriblement nul. Ma mère Shelby l’était aussi. Elle jouait le rôle de la vendeuse de cigarettes dans Le Grand Sommeil, avec Humphrey Bogart et Lauren Bacall.» Quand adulte Kim sort de l’hôpital, il entre en poésie et se rend à Venice pour «baiser des vieilles salopes à la façon de Byron, avec une canne.» Comme beaucoup de personnages de romans rescapés d’une enfance cauchemardesque, Kim Fowley verse dans l’immoralité, de la même manière que Monsieur de Phocas ou Moravagine. Il crache le feu et domine le monde. Il baise des tonnes de filles et dort sur des parquets - I’ve lived like an animal and a dog since 1959 - «La plupart des gens en Amérique vivent au dessus de leurs moyens. Ils vivent dans des maisons remplies de meubles, de rideaux et de toute cette merde. Ils sont les esclaves de leurs emprunts. Je ne l’ai jamais été. Je suis tout le contraire de ça. J’ai vécu comme un chien et par conséquent j’ai pu rêver toute ma vie comme un sage.» Il faut comprendre par là que Kim Fowley n’appartient plus à son époque et qu’il est devenu ce que professait Oscar Wilde : une œuvre d’art, mais pas inspirée de la Renaissance italienne ou des paisibles Impressionnistes. Non, Kim Fowley tape dans le cœur de cette culture profondément américaine : le trash. «Je suis à la fois John Waters et Sam Phillips. Je suis le roi des hors-la-loi d’Amérique - The Outlaw King of America.»

    Signé : Cazengler, Kim falot.

     

    Kim Fowley. Lord of garbage. Kick Books Original 2012

     

     

    Il est des choses qu’on peut Monterey sans rougir

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    Tiens, voilà Peter Watts ! Il est de retour dans l’Uncut de June pour un petit coup de projecteur sur Monterey, le premier grand festival pop d’Amérique. Watts tend son micro à Pete Townshend : «Ben c’était mon premier voyage en Californie. Ah ouiche ! Il faisait un temps de rêve et c’était le début d’une aventure. Ah t’aurais vu, dans le backstage, t’avais des tas de beautiful people sous acide qui se regardaient fixement les uns les autres et qui dansaient comme des brêles - dancing like twats.» Monterey symbolisait l’âge d’or de la culture hippie, c’est pourtant la férocité des Who et de Jimi Hendrix qui eut le plus d’impact sur le public. Monterey allait servir de modèle à tout ce qui allait suivre : Woodstock, Glastonbury, Altamont et tout le tintouin. Eric Burdon rappelle que Monterey doit essentiellement son succès aux good ol’ vibes qui régnaient dans le coin, cette année-là.

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    Hormis la qualité de la programmation, l’aspect fascinant de Montery Pop est sa genèse. Un playboy nommé Alan Pariser vit le Monterey Jazz Festival et ça lui donna l’idée d’organiser le Monterey Pop Festival. Il connaissait Derek Taylor, l’attaché de presse des Beatles, qui lui conseilla de programmer les Mamas & the Papas qui étaient alors the hippest local act. Étrange coïncidence : John Phillips, Lou Adler et Paul McCartney venaient juste d’envisager l’organisation d’un festival. Et pouf, Lou et John prirent les rênes du projet. Il décidèrent d’en faire une œuvre de charité, ce qui fut un coup de génie. Lou, John, Terry Melcher, Johnny Rivers et Paul Simon mirent chacun 10.000 livres dans la caisse commune pour financer le projet. D’autres personnalités comme Brian Wilson, Donovan, Roger McGuinn, Smokey Robinson, Andrew Loog Oldham et Jagger apportèrent leurs concours. Oldham fut bombardé International Director. Ça lui permit de quitter l’Angleterre où les Stones avaient des problèmes avec la justice. C’est d’ailleurs ce départ pour la Californie qui lui vaudra d’être accusé de lâcheur et d’être viré des Stones. Lou et John demandèrent à Oldham et à McCartney quels étaient selon eux les groupes anglais les plus indiqués pour Monterey. Ils répondirent d’une seule voix : «The ‘Hoooo and Jimi Hendrix !»

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    Lou et John firent des miracles, en tant qu’organisateurs : Lou dealt with money, John the music. Ils s’entendaient à merveille. John Phillips appelait les groupes pour les convaincre de venir jouer à l’œil. Il était à la fois l’organisateur, le promoteur, le booking agent et la tête d’affiche. Il se trouvait au pinacle de sa gloire. C’est là qu’il écrivit en 20 minutes l’un des plus grands hits de l’époque, «San Francisco (Be Sure To Wear Flowers In Your Hair)». Grâce à ce hit, Scott McKenzie allait entrer dans l’histoire. Ce qui fit la grandeur du team Adler/Phillips, c’est qu’ils voulaient the best of everything, et leur everything comprenait le blues, la musique indienne, la pop, le jazz et l’acid rock. Ils eurent donc Ravi Shankar (qui fut le seul à toucher un cachet), le Dead, Simon & Garfunkel et Paul Butterfield. Ils voulaient aussi absolument Dionne Warwick qui hélas ne put se libérer. Les Beach Boys étaient prévus, mais bon, Brian avait la gueule dans la dope. Sollicités, les Impressions ne répondirent pas à l’invitation. Quant à Donovan et aux Kinks, ils ne réussirent pas à obtenir leurs visas. Une rumeur courait comme le furet : les Beatles envisageaient de venir pour un concert exceptionnel. Captain Beefheart, Love et les Lovin’ Spoonful déclinèrent l’invitation. On oublia par contre d’inviter les Doors. Et si Smoky Robinson ne parut pas, c’est parce que Berry Gordy ne voulait pas que Motown participe à ce truc de blancs.

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    Lou Adler réussit même l’exploit de financer le tournage d’un film qu’il confia à D.A. Pennebaker. Par contre, il n’apprécia pas du tout le carnage des ‘Hoooo : on le voit arriver sur scène à la fin de «My Generation» et ramasser les débris en tirant une gueule d’empeigne. Jimi Hendrix et les ‘Hoooo jouèrent l’ordre des sets - qui passait avant qui - à pile ou face, une idée de Brian Jones. Pete Townshend raconte aussi que Jimi Hendrix était pretty fucked up, very smashed on acid. Eh oui, Owsley lui avait offert 100 mg de STP - A major dose - une demi-heure avant le set qui allait le rendre célèbre dans le monde entier. Jimi baise sa guitare sur scène et la fait cramer. Des mauvaises langues dirent à l’époque que la différence entre les ‘Hoooo et Jim Hendrix, c’est que Pete Townshend violait sa guitare alors qu’Hendrix lui faisait l’amour. Townshend le reconnaît lui-même : «Ben ouiche, quoi qu’il fit, Jimi looked so beautiful. Moi jétais qu’un skinny West London boy avec un gros pif, rien qu’un sale petit branleur qui la ramenait.» Quand Lou Adler envoya un extrait du Set de Jimi Hendrix à la chaîne de télé qui devait faire une émission spéciale sur Monterey, le contrat fut bien sûr aussitôt annulé. Trop sauvage pour la middle-class.

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    Monterey est surtout l’emblème d’un temps qu’il faut bien qualifier de magique, ne craignons pas d’employer les grands mots : un temps où on voyait Brian Jones déambuler dans la foule avec Jimi Hendrix ou avec Nico, un temps où la ronde des talents donnait franchement le vertige. Pour s’envoyer un petit shoot de ce bon vertige, il suffit tout simplement de visionner les 3 DVD du coffret Monterey Pop festival paru en 2002. Attention, c’est un format zoné pour l’Amérique. Seul le lecteur DVD de votre cher ordi acceptera ce format.

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    On connaît tous le Jimi Plays Monterey et l’Otis in Monterey, mais la vraie valeur ajoutée du coffret, c’est the Outtakes Performances, presque deux heures d’extraordinaires prestations d’artistes et de groupes qui en 1967 n’étaient pas encore très connus. L’éclosion de la fameuse scène de San Francisco date d’ailleurs de cette année-là. Ils sont venus, ils sont tous là, comme le dit Charles Aznavour : the Association, fantastique énergie, on voit ces mecs en costards prendre les harmonies vocales d’«Along Comes Mary» à quatre voix, puis Paul Simon - mmmm - «Homeward Bound», ce Paul du diable qui drive sa mélodie dans de juteuses descentes d’octaves mirobolantes - Mmmm/ like emptiness in harmony/ I need someone’s company - C’est puissant, car ils ne sont que deux avec une acou, ils créent de la magie, et ils enchaînent avec the Sounds d’Hello darkness my old friend, et ça décolle au subtil tremblement d’and the vision/ That was planted in my brain/ Still remain - on reprend son souffle, on savoure chaque syllabe de cet imputrescible chef-d’œuvre - Within the sound/ ........./ Of silence - C’est imbattable car si pur, d’une pureté mélodique sans égale, Paul prend ça au tremblé de glotte. Ça relève tout simplement de l’admirabilité des choses de ce monde. Ces deux branleurs affichent dans le faire exprès de véritables dégaines d’anges. La misérable banalité de leurs traits n’a d’égale que la grandeur de leur art vocal. D.A. Pennebaker a le génie des cadres serrés : on est si près d’eux qu’on s’y croirait. Country Joe, c’est une autre énergie. Il s’est peint des fleurs sur les joues et il frotte ses talons au sol comme Otis en 1962. Barry Melton joue le blues sur une bête à cornes. Ils swinguent leur Sweet Lorraine, ils psychoutent le Frisco blues et au passage, Country Joe s’impose comme un homme du futur. N’oublions pas qu’à l’époque, tous ces gens sont encore des embryons. Mais quelle présence ! S’ensuit un Al Kooper pas très bon. Accompagné par Harvey Brooks et toute l’équipe de Butter, il tente le coup du shuffle, mais ça ne marche pas. Pourquoi ? Parce qu’il n’a pas de voix. On passe à travers, et justement, Butter arrive à la suite, avec sa gueule de sale mec de service. Il a de la voix, mais il génère de l’ennui avec son blues de Chicago. Alors, attention, voilà Quicksilver, baby, comme si on y était. Cipo porte une veste trois-quarts à franges et joue à l’onglet de pouce. Gary Duncan chante, soutenu aux chœurs par David Frieberg. Fabuleuse décharge de good-timey jerkoff - All I ever wanted to dooooo - Fascinant spectacle !

     

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    Et pouf, voilà l’Electric Flag, l’un des groupes les plus mythiques de Californie, monté de toutes pièces par un Bloomy qui voulait inventer LE groupe qui n’existait pas encore, à l’époque, un mélange de rock, de blues et de soul, avec Buddy Miles au beurre et Harvey Brooks au bassmatic. Il faut voit Bloomy embarquer cette brochette de blues hoods ! Buddy Miles bat comme un démon, avec sa pompadour de soixante centimètres et sa cravate à fleurs. Wow ! Et paf, on tombe à la suite sur les Byrds, avec un Croz coiffé d’une toque en chinchilla. Les Byrds sont brillants, et ça va bien au-delà des possibilités du langage. Croz gratte sa demi-caisse STP. Qui dira la classe du vieux Croz ? Pas de Gene Clark dans les parages, c’est Roger qui se tape le lead. Il porte un bouc et gratte sa Ricken en picking d’onglets. Le peu qu’on en voit donne la chair de poule. On a là l’absolue perfection des harmonies vocales. Voilà encore un shoot d’émotion à l’état le plus pur. Ils font les vibrer les «Chimes Of Freedom» rien que pour nous. Si ce n’est pas de la veine, alors qu’est-ce que c’est ? Chez les Byrds, tout est saturé d’une clarté d’arpeggio florentin. Croz raconte que JFK a été abattu par plusieurs mecs en même temps et que les témoins have been killed, this is your country, ladies and gentlemen ! Ils retombent dans l’excellence d’«He Was A Friend Of Mine» et puis ils s’encanaillent avec une version sauvage d’«Hey Joe», celle des Leaves, bien sûr. Croz trépigne - What’s chou gonna doo - Il embarque ça à train d’enfer, il entre en transe, il chauffe tout Monterey à lui tout seul. Extraordinaire ! Ça fait partie des choses à voir dans une vie d’amateur, tout comme le clair de lune à Maubeuge.

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    Rien qu’avec cet enchaînement de légendes vivantes, on est déjà sur-saturé d’émotion. Mais ce n’est pas fini, car ça repart de plus belle avec Laura Nyro. Elle nous swingue la nuit californienne. Son «Wedding Bell Blues» sonne bien les cloches, même écourté. Elle enchaîne avec ce groove de la perdition absolue qu’est «Poverty Train». Au moyen-âge, on l’aurait accusée de sorcellerie et brûlée vive. S’ensuit l’Airplane qui, comme tous les autres, est encore en phase de décollage, and you better find somebody to love, baby ! La mauvaise surprise de cette montagne d’Outtakes, c’est le Blues Project. Incompréhensible et étrange. Ils attaquent au solo de flûte et ne s’accordent pas la moindre chance. Janis vient électriser la scène, elle s’impose comme on sait, oh-oh yeah, avec «Combination Of The Two». Ce diable de James Gurley joue dans son coin et part en vrille de garage fuzz. Il joue ça au picking d’onglet sauvage. Entre Cipo, Roger McGuin et lui, on a toute la crème de la crème des picking-Gods du rock californien. On voit aussi le Buffalo Springfield. Croz remplace Neil Young. Stephen Stills a déjà une sacrée allure de rock star, avec ses énormes rouflaquettes rouges et sa grosse demi-caisse.

    Oh on voit aussi les Canned Heat, la vraie formation, avec big Bob au chant, Henri Vestine qui passe son solo excentrique et Al Wilson qui en rajoute un à la slide. Tous les groupes qui ont fait la grandeur de la scène californienne sont au rendez-vous, Lou Adler et John Phillips ont bien bossé. Eric Burdon prend un «Paint It Black» très psyché. Dommage que Moby Grape ait sauté au montage.

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    Maintenant, place aux Anglais. This is the ‘Hoooo ! Moony explose d’entrée de jeu. «Substitute» ! Si tu veux voir un grand batteur anglais, c’est le moment ou jamais. Pas de pire sauvagerie scénique que celle des ‘Hoooo. Pendant que Pete fait des bonds, Moony dynamite le beat. Ils enchaînent avec «Summertimes Blues» et «A Quick One». Si on veut les voir démolir le matos, c’est dans l’autre film, le Monterey Pop complet : Pete y explose sa Strato à la fin de «My Generation» puis Moony démolit son kit à coups de pompes pour faire bonne mesure. Ces sont les Mamas & les Papas qui bouclent cet événement historique. Normal, puisque John Phillips est l’un des organisateurs, avec Lou Adler. John porte sa toque en chinchilla. Entre deux coups de Mamas, Scott McKenzie vient chanter son hit planétaire d’alors, «San Francisco» et paf, les Mamas & les Papas tapent dans «Monday Monday», so good to me, avec l’ami Doherty au lead sensible : ça donne une apothéose de la pop du non-retour. Mama Cass fournit les contre-chants de rêve et elle finit par shaker le shook de «Dancing In The Street», oh oui, la grosse le danse et le ouh-ouhte comme une Tamla Queen.

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    Mais l’épisode le plus dévastateur de Monterey reste bien sûr le set de Jimi Hendrix. Curieusement, Pennebaker glisse un autre extrait de concert en amuse-gueule : Jimi y porte un pantalon de velours bleu clair et fait gicler le jus de «Sergent Pepper’s Lonely Heart Club Band», jambes pliées. Puis Brian Jones arrive sur la scène de Monterey pour annoncer the Jim Hendrix Experience, à la suite des ‘Hooo. Jimi surgit affublé d’un boa rouge et d’un pantalon rouge assez moulant. C’est gagné d’avance - I shoul’ve quit you babe/ A long time ago - Mitch Mitchell tente de battre comme Moony mais c’est impossible. Jimi explose «Killing Floor», puis il enchaîne avec «Foxy Lady» - I want do you no harm/ Hooooo/ Foxy lady - Tout se passe dans une ambiance d’aristocratie à la peau noire, puis le set bascule dans l’enchantement d’How does it feel to feel, «Like A Rolling Stone», wooly groovy d’once upon a time you dressed so fine, didn’t you, c’est dingue comme ces phrases nous collent à la peau, mais soudain, Jimi explose «Rock Me Baby» à coups de power-chords, et il revient à de meilleurs sentiments en interpellant Joe - Where you goin’ with that gun in yer hand - Jimi bouffe ses cordes à la grande mode du Chitlin’ - C’mon wild thing/ You make my heart sing - Jimi fait une calipette au sol avec da guitare - I wanna know for sure - Solo dans le dos, les ‘Hooo peuvent prendre des notes, ils n’atteindront jamais ce degré de sauvagerie intrinsèque, et ça ne s’arrête pas là, car voilà que Jimi fait l’amour à sa guitare allongée au sol, il lui pisse un coup d’essence à la raie et craque une allumette. Oh ce n’est pas fini, il la réduit en miettes qu’il jette dans la foule. Les Américains n’avaient encore jamais vu un carnage pareil.

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    Singé : Cazengler, Monteraie du cul

    D.A. Pennebacker. The Complete Monterey Pop Festival. DVD 2002

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    Peter Watts : Be Sure To Wear Flowers In Your Hair. Uncut #241 - June 2017

     

    TROYES / 22 – 09 – 2017

    3B

    WISEGUYZ

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    Attention ils reviennent, de leur lointaine Ukraine, en tournée en France et bien sûr ils connaissent les bonnes adresses, les voici donc ce soir au 3 B. L'information a dû circuler car passé vingt et une heures le bar est sous pression, z'auriez même du mal à y glisser un malabar.

    WISEGUYZ

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    C'est choquant. Vous le savez, mais vous vous y faites prendre à chaque fois. Au début ils ressemblent à n'importe quel autre groupe de rockab. Quand ils démarrent, l'invraisemblable vous saute dessus. Jouent ensemble. Les esprits forts répondront que c'est la moindre des choses à laquelle l'on puisse s'attendre de la part d'un quatuor. Oui, mais avec les WiseGuyz c'est différent.

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    Prenez Ozzy, on le voit mal, au fond, caché par ses trois acolytes, à la batterie. Ne donne jamais l'impression de marquer la rythmique, l'a une frappe – je ne saurais la qualifier, ni lourde, ni légère, tout ce que l'on comprend c'est qu'elle n'accompagne pas les trois cordiers devant, elle se colle à eux, l'est aussi inséparable de leurs sonores émissions que la carapace ne l'est de la tortue, n'importe où qu'ils aillent, il fait partie du chemin, que ça trotte fort ou ça galope sec – pour le pas de parade faut pas y compter avec les Wise, apparemment n'en ont jamais entendu parler – le pire, lorsque vous apercevez l'Ozzy, c'est que pour un peu vous en crèveriez de jalousie, donne l'impression de ne pas y penser, assure avec une facilité déconcertante, vous ne vous étonneriez pas de le trouver en train de lire le journal.

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    Rebel c'est exactement le contraire. Ozzy assis aussi tranquille qu'un pêcheur à la ligne, Rebel debout l'oeil aux aguets, le chasseur qui ne lâche pas son chien du regard prêt à tirer sur le premier perdreau de l'année. N'a pas de hound dog qui vadrouille devant lui, alors il affûte sa contrebasse, de bois verni, plus haute qu'une horloge comtoise et tout aussi mince. L'on dirait qu'il se cache derrière un arbre, le dos courbé, puis lui saute dessus toutes les six secondes, style intervention commando-parachutiste, et il lui secoue les cordes si vigoureusement que les vibrations vous traversent le coeur comme des coups de feu tirés en rafales. De l'autre côté c'est Gluck. Pourquoi la nature lui a-t-elle donné un corps avec deux jambes et deux bras ? Ne se sert que de sa tête et que de son seul avant-bras droit. Démontez tout le reste. Totalement inutile. Ça le prend par crises. Très fréquentes, de deux sortes. L'approche ses lèvres du micro, esquisse un sourire qui rappelle l'oeil goguenard du serpent prêt à frapper qui sort sa langue fourchue, et hop, vous balance une de de ces onomatopées endiablées qui dans le rockab aident à souligner le lead vocal. Ou alors beaucoup plus grave.

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    L'avant-bras – le droit, je rappelle – ne répond plus aux ordres du cerveau. Devient autonome. Impossible de l'arrêter, fouette les cordes de sa guitare, une fois, dix fois, mille fois, impossibilité de stopper et comme par miracle les trois autres suivent le mouvement, des moments de folie collective qui se propage à l'assistance qui crie et applaudit encore plus vigoureusement. Dans cet état rien ne l'arrêterait. Si clinc ! Une corde en moins. Pas de panique, ravitaillement en plein vol, d'une seule main – les copains ne lui jettent pas un regard – pourquoi s'en feraient-ils ? Il continue à wapdoowapper sur son micro à la seconde exacte, à croire qu'il n'a rien d'autre à faire de toute la soirée. C'est que Chris est à la lead-guitare. Avec un tel dynamitero, z'êtes certains que le boulot sera fait de main de maître. Aux doigts d'or. L'est assez grand pour se suffire à lui tout seul. Je l'ai épié de longues minutes, ne suis pas arrivé comprendre comment il fait apparaître et à disparaître son médiator en une fraction de seconde. De toutes les façons avec ou sans, l'a un touché incroyable d'une précision inimaginable. En plus pour vous mettre encore plus la honte, l'est occupé à autre chose. Au chant.

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    Le rockab, c'est de l'art. Un mouchoir de dentelle. Une maille sautée et tout est foutu. Bancal. Banal. Banque-route. Crack boursier. Crise économique. Civilisation effondrée. Voilà l'effet. L'erreur n'est pas un droit. Ou vous réussissez tout, du premier coup, ou vous êtes un tocard. Et les WiseGuyz, ils osent tout, donnent dans l'arachnéen sauvage. Un premier set éblouissant. Pas une seule bavure sur l'ossature. Du rockab pur et dur. Comme vous avez rarement la chance d'en entendre sur scène. En studio, pouvez vous y reprendre à dix fois et multiplier les alternate takes, mais sur scène, c'est du travail d'orfèvre. Faut polir le diamant sans le casser. Le rockab des WiseGuyz ressemble à un mikado musical. Chacun son tour et tous ensemble. Sont lancés à trois cents kilomètres-heure, s'activent dans tous les coins, courent du four au moulin, se passent les brandons pour attiser l'incendie, toc-toc, tout s'arrête, n'entrez pas, pas le temps, les poings ont frappé deux fois sur les bois de l'instru et l'on repart tous groupés comme si rien ne s'était passé. Chris a le vocal mordant. Et c'est le public qui mord à l'hameçon.

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    Vous le suivriez jusqu'au bout du monde. C'est d'ailleurs-là où il va vous emmener au deuxième set. Trois morceaux d'entrée, encore plus saignants que les quinze du premier tir groupé. Vous les prenez en plein museau, des balafres encore plus longues que les précédentes. Et puis l'on change de voltige. L'on change de fil. L'on ne marche plus sur du barbelé qui vous saccage les petons, l'on repose sur de l'élastique qui s'enfonce dans l'abîme à chaque pression la plus infime, et puis vous propulse vers le haut du ciel à une vitesse inouïe. L'on saute dans le jump, on glougloute dans le swing et l'on agonise dans une pulsation, une puljazzion originelle. Les Guyz vous détendent les ressorts du rockab, l'en devient flagada, l'est la corde de l'arc décrochée qui gît à terre, ne bande pas plus qu'un ver de terre qui ondule sur un gazon humide. Tout est perdu. Et hop ! Bop ! Rock ! comme par miracle, les cordages des voiles abattues vous hissent la voilure jusqu'en haut des mâts. Le vent se déchaîne vous emmène au large et pffuittt ! La comédie recommence. Les Wise s'amusent comme des petits fous.

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    Vous collent la crêpe au plafond et la laissent retomber mollement, pour la shooter encore plus haut en trouant les plafonnettes. C'est le moment des interventions, Rebel pulvérise les accords, Gluck hache menu, Ozzy balaie les cendres, Chris recolle les morceaux en un tour de main. Faut les voir s'activer. Dessinent et découpent, déchirent en petits bouts de rien du tout, et vous ressortent la toile de maître, toute neuve, la peinture à l'huile encore fraîche. Jeu cruel et geste fabuleuse, racontent l'histoire du rockab, sa provenance et ses métamorphoses, toute la saga, sans rien omettre. Ne cachent rien, refusent la création ex-nihilo par le saint-esprit, vous  content par le menu sa germination et vous exposent en pleine tête les plans secrets du sous-marin atomique.

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    Laissent l'auditoire pantois, des gosses à qui l'illusionniste a lacéré, à coups de cuter, et puis rendu tout neufs, encore plus beaux, encore plus doux, leurs doudous chéris, avec le sourire comme si rien ne s'était passé. Trop forts. Magique. L'on se précipite sur les disques et les t-shirts, ça baragouine de tous les côtés en mauvais anglais. Rencontre du troisième type. Le genre de concert dont on se souviendra longtemps.

    Damie Chad.

    ( Photos FB : Béatrice Berlot / Sergueï Störkel / Sergio Kazh )

    BEHIND THE WILL

    ABSTRACT MINDED

    ( Official Music Video )

    ( Visible sur YOUTUBE et le FB : ABSTRACT MINDED )

     

    Dernier single d'Abstract Minded. Sur YouTube, image fixe, grimace de logo sur fond d'infini stellaire, avec les paroles qui défilent. Très bon confort d'écoute, très belle prod. Un must.

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    Un unique morceau construit sur le schéma des tétralogies grecques. Commence par un bourdonnement grondeur de voix qui buterait sur elle-même, une tétraplégique reptation de gorge issu des galeries les plus obscures d'une mine charbonnière, musique qui moutonne noir impassible, un fleuve de cendre volcanique qui progresse et arase les doux paysages des âmes choisies, coup de cymbales comme gong de bronze qui résonne dans les temples désertés par les dieux, colère vocale crispatique, et la marche processionnaire reprend, impassible, mais les mots s'écrasent plus longuement tels ces mouchoirs de papier emplis de morve, de sang et de sperme que vous jetez derrière vous afin de désobstruer vos méningiques cloisons fissurées, lézardes de rage sur le métal stridal, la voix qui bazooke les portes blindées de la sortie du labyrinthe, cris de triomphe afin de fêter l'issue catacombère, long soli lyriques de guitares explosives, émissions spharynxgicoïdales chantent victoire, arrêt brutal. Nous ne sommes qu'à l'orée du chemin de glaise noire.

     

    Le plus difficile c'est d'en sortir. Que vous soyez mort – sachez que cela vous arrive plus souvent que vous ne le pensez – étendu en votre léthargie ou simplement retenu en vous-même. Bref, faut s'extraire. Pas facile. Vous n'avez pas la bonne clef dans votre poche. Sinon vous seriez déjà dehors. Une seule solution : enfoncer la porte. Oui, ça fait du bruit. Vous ne croyiez tout de même pas que ça se passerait dans le silence absolu. Et puis il y a le gardien du seuil. La solution décisive serait de l'abattre. Ce n'est pas l'envie qui vous en manque. C'est qu'il vous ressemble tellement que vous vous apercevez qu'il n'est autre que vous-même. La partie s'avère plus compliquée que prévu. Remarquez c'est une histoire connue et rebattue. Le scénario remonte à l'antiquité. C'est expliqué dans les textes des gnostiques. L'avaient pompé sur les vers dorés de l'orphisme. Suffit de transformer le cercueil de votre chair, lui insuffler l'énergie alchimique de la vie. Parce que vous n'êtes que rarement vivant quand vous y réfléchissez.

    Voilà vous avez le fil de l'action. Un peu compliqué, je le concède. Abstrait, dites-vous ? Emission gutturale de la lettre A. L'aleph prodigieux du point d'inexistence qui contient l'univers.

    Damie Chad.

    OFF THE GRID

    INSANECOMP

     

    1290605 – 1921031119 / DIE ALONE / PARTY OUT OF CONTROL / DRUGS ARE FOR IDIOTS / J'EMMERDE / UNSTABLE / FUURY WALL / DUNRK IM FELL BETERR / GET THE FUCK OUTTA MY WAY / I HATE YOU SO MUCH RIGHT NOW / OFF THE GRID / I KNOW EVERYTHING ABOUT LONELINESS / THE FRIGHT / THAT BELONG TO ME / ANOTHER SONG ABOUT YOU / DEMONS UNDER MY SKIN

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    12090605 – 1921031119 : parade, qui procède de loin, des confins de la grandiloquence des espaces infinis qui se rétrécissent et prennent la forme impitoyable du pas saccadé des hordes de l'ordre du malheur en marche à l'assaut de nos frêles forteresses. Die alone : hurlements de prisonniers derrière les grilles, mordent les barreaux et piquent crises de folie impuissantes, chœur de voix dans le lointain comme prières de moines geôliers, convulsion de musique en écrasement de pulpe d'âme dans un presse purée mental, rythmique sardonique, la mort se réduirait-elle au sourire du squelette ? Party out of control : le grand ordinateur vous parle, prêche dans les sables stériles de votre cerveau, des bottes martèlent vos neurones, l'on tire à la kalachnikov dans les coins, voix d'hôtesse de l'air de l'ère ordinatique qui mesure l'ampleur du désastre, le rythme de votre cœur s'accélère, toute panne se résorbe d'elle-même car elle est le message de sa présence. Drugs are for idiots : inutile de vous enfuir dans les paradis artificiels Big brother vous le répète, les drogues sont à l'usage exclusifs des idiots qui verrouillent eux-mêmes leur camisole de force. J'emmerde : proclamation à la face du monde, Moravagine disait qu'il avait marché sur la moitié de la face de Dieu lorsqu'il posait le pied sur un étron. Aujourd'hui Dieu est mort mais la pègre du pouvoir l'a remplacé. Un monde à détruire, en français dans le texte pour que vous compreniez mieux. Unstable : klaxons de mastodontes routiers percent votre vide mental comme trompettes annonciatrices de catastrophe finale. Le monde est instable. L'oeuf de l'univers flotte à la surface de l'océan du chaos. Furry wall : piétinements de voix compressées, urgence rythmique, une criaillerie de foule se bouscule sur les frontières des finitudes, béton des murs et des mots qui se heurtent en eux-mêmes. Satellite de la conscience en perdition. Dunrk Im fell beterr : vous ne maîtrisez plus rien, rythmique aussi lourde et pesante que pied d'éléphant sur votre nuque, une voix a pris le commandement comme une vapeur qui s'exhale d'un marais délétère. Get the fuck outta my way : ne reste plus qu'à chasser le papillon du désastre qui volette sur les décombres de votre moi intérieur. Ses ailes de fer grincent désagréablement sur vos synapses délabrées. Moteurs qui refusent de se mettre en marche. I hate you so much right now : le mixeur de la haine sera votre arme favorite. Mais contre qui le diriger ? Off the grid : Horrible travail, arc à souder cacophonique et étincelles sonores qui ne devraient pas atteindre vos oreilles. Silence total. La délivrance ne serait-elle qu'une déclinaison de l'angoisse existentielle ? I know everything about loneliness : et maintenant si seul dans le vaste monde ! A croire que le tumulte de votre emprisonnement était préférable à cet état de désolation. Postures shakespeariennes, vous mimez et infatuez votre détresse, la dramatisez en coït masturbatoire avec le néant de l'autre. The fright : miaulements de trop de voix qui s'engouffrent en vous comme train noir dans un tunnel fou. That belong to me : est-ce donc cela le lot du monde que les titans du tumulte m'ont imparti, cette frénésie intérieure qui me porte aux extrémités de la puissance des folies autodestructrices, je défie et je crache ma fierté à la face du monde creux comme l'éponge de mon âme qui aspire toute la saleté extérieure. Voix et musiques prennent d'assaut le kaos et submergent les continents. Another song about you : piste ordalique de clairons de merle moqueur, la voix se tait car comment adresser la parole à ce fantôme en face de moi qui me ressemble trop pour ne pas être. Empilement sonore extatique. Demons under my skin : sous-bois inquiétants, jungles menaçantes, j'erre en moi-même et traverse mes propres autoroutes, convois cliquetant de wagons plombés qui entrent dans les gares de triage sous la pluie qui ruisselle. A moins que je ne sois en train de tirer la chasse de ma merde humaine et de sortir les poubelles orgiaques de mes rêves sur le trottoir. Je reste seul en moi-même. Face à mes démons. Démons-tration du moi qui s'applique à tout un chacun.

     

    Bande sonore filmique. Les morceaux s'enchaînent sur une rythmique d'enfer. S'écoute du début à la fin. Cercle vicieux et vicié dont on ne s'échappe pas. Critique de la déraison pure du sujet placé en des conditions optimales de survie aléatoire. Si vous n'appréciez pas, c'est que vous vivez les yeux fermés. N'est pas plus insupportable que votre propre cécité. Insensé qui crois que ton computer neuronal n'est pas le nôtre, aurait écrit Hugo en préface à ses Dévastations.

    Damie Chad.

     

    ROCKABILLY GENERATION N° 2.

    ( Août / Septembre / Octobre 2017 )

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    Sergio Kazh et son équipe sont en train de gagner leur pari : une revue de Rockabilly qui donne sens au mouvement. Le numéro 1 était une promesse, ce numéro 2 est une réussite. Menée avec intelligence. La galaxie Rockabilly est gigantesque. Légendes du passé et nouvelles pousses du futur s'entrecroisent en une espèce d'éternel présent sans fin. Rockabilly Generation qui entend défendre les groupes d'aujourd'hui a compris qu'il faut aussi fouiller dans les braises chaudes et germinatives des générations précédentes tout en évitant de tomber dans un passéisme désuet. Si les premières pages sont consacrées, cinquantenaire oblige, à Elvis Presley dont la carrière est retracée en son entier, l'on passe vite à l'actualité des plus brûlantes avec le compte-rendu du Festival Viva Poulingue'n'roll qui culmine avec les prestations de Barny and The Rhythm All Stars et les WiseGuys. WiseGuys que nous retrouvons pour une longue interview des plus instructives, suivie par un entretien avec The Hoodoo Tones le groupe du Nord qui monte. Kévin qui faisait partie de la première mouture des Spunyboys partage en commun avec Chris des WiseGuys cet esprit d'ouverture musicale qui envisage le rockabilly comme une musique en évolution. Ne s'agit pas de s'enfermer dans une perpétuelle redite de la déclinaison d'un répertoire figé mille fois recommencée mais d'explorer des voies nouvelles pour exacerber les possibilités latentes des éléments primitifs incontournables. Un délicat chemin entre perpétuation et création. Groupes qui montent et groupes qui entrent en hibernation : dernier concert des Noisy Boys et évocation des Capitols, dont il souhaite le retour, par Didier Delcour. Discographie, Agenda des concerts et Courrier des lecteurs closent ce numéro qui comporte déjà quatre pages de plus que le précédent. Un bon signe. Articles plus étoffés, somptueuses photographies couleur de Sergio Kazh. Generation Rockabilly s'inscrit d'ores et déjà comme la revue maîtresse du mouvement rockabilly de par chez nous.

     

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    Editée par l'Association Rockabilly Generation News ( 7 hameau Saint-Eloi / 35 290 Saint-Méen-Le Grand ), 36 pages, 3, 50 Euros + 3, 40 de frais de port pour 1 ou 2 numéros, abonnement 4 numéros : 25 Euros, chèque à Lecoultre Maryse 1A Avenue du Canal 91 700 Ste Geneviève-des-bois ou paiement Paypal maryse.lecoutre@gmail.com. FB : Rockabilly Generation News. Excusez toutes ces données administratives mais the money ( that's what I want ) étant le nerf de la guerre et de la survie de toutes les revues...

    ( Photo Sergio Kazh / 3B / WiseGuys + Maryse Lecoultre + Brayan Kazh )

    Damie Chad.

    *

    Grave erreur que de ne pas se tenir informé ! Suis pris au dépourvu ! Pourtant les faits sont là, le nouveau gouvernement que j'abhorre sur tous les bords a dû promulguer en vitesse et en catimini un décret d'urgence, indubitable, façon de couper l'herbe sous les pieds des cathos coincés du bec et des babas exacerbés. Politiquement je n'y crois pas mais à vingt-cinq mètres de distance la réalité me déchire les yeux. Et déjà dans un fouillada ! Et pas qu'un peu, une demi-palette entreposée de la façon la plus innocente, impossible de faire semblant de ne pas les voir, à peu près deux cents briquettes à vue de nez un gros kilos, un emballage d'un jaune étincelant et écrit en énormes lettres vertes - pour une fois l'on a eu pité des mal-voyants - agrémentées d'un point d'exclamation, et le prix sur le panneau victorieusement planté au-dessus, 3 euros, SHIT ! Merde alors ! je me précipite ! Profonde déconvenue, mauvais cinéma, ce n'est qu'un bouquin, un énième scripto de plus sur le canabis, je passe dédaigneusement mais le nom de l'auteur clignote dans ma tête, Bruno Blum, le gonzoman qui au dernier siècle a envoyé le premier papier sur les Sex Pistols à Best, cela mérite le respect. Sûr l'a mal tourné, le révélateur punk s'est transformé en chanvre, pardon en chantre du reggae, mais enfin, ce n'est tout de même pas un zéro absolu, et puis n'oublions pas Sex, Drugs and rock'n'roll !

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    SHIT !

    TOUT SUR LE CANABIS

    BRUNO BLUM

    ( First Editions / 2013 )

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    Shit ! Chut ! Chat en berne ! Sujet sensible. Même chez First éditions qui aime les gros coups médiatiques qui font le ramdam. Z'ont pris un spécialiste. Quelqu'un qui sait de quoi il parle. Commence d'ailleurs par se présenter lui-même : Bruno Blum, oui il a été un accro au shit-à-mort. Ne se présente pas sous ses meilleurs jours. Tout jeune déjà voleur ! Honte sur lui ! S'attaquer à la propriété privée ! Ne faut pas y toucher. Extrêmement périlleux. Pierre-Joseph Proudhon nous a résumé le danger en une formule lapidaire : la propriété, c'est le vol. Y porter la main, c'est insérer ses doigts dans un engrenage fatal. Certes il a volé, mais des disques. C'est déjà mieux. De rock'n'roll ! Faute avouée, crime aux trois-quarts pardonné. Surtout qu'il a une théorie qu'il applique aussi bien à la récupération vinylique qu'au shit ou tout autre condiment qui peut faire votre délice, que ce soit l'ingurgitation infinie de crêpes au chocolat ou l'acquisition forcenée de crédences Louis XV. Ce n'est pas l'objet ou le produit qui produit l'addiction, mais votre tendance compulsive individuelle à l'addiction qui se focalise sur un point sensible du réel. Très souvent cela ne va plus loin que les innocentes collections de porte-clefs ou de cartes postales. Parfois la moindre des passions s'empare de vous, vous dévore, vous dépensez des sommes colossales pour l'achat irrépressible d'un tire-bouchon à la mode dans les années trente, la Dass vous confisque les mioches dont vous n'arrivez plus à vous occuper depuis que votre femme découche avec le voisin du-dessus... Bruno Blum a fumé, par plaisir, par manie, par vice, par choix, cochez toutes les cases. Envers et contre tout. Des crises de tachycardie à effondrer un éléphant, les copines qui se barrent, le rédac chef qui le vire, l'impossibilité de continuer à tenir la basse dans son groupe punk, les loyers impayés, le retour honteux chez sa maman... Jusqu'au jour où une nana lui met le contrat clef en mains. L'arrête en trois semaines. Trouve tout de suite d'autres centres d'intérêt, n'est pas spécialement addictif au cannabis, reprend sa vie en main, ses bouquins, ses disques, ses enregistrements... Extrait la morale de l'histoire : s'en est beaucoup mieux tiré que beaucoup de ses copains – paix à leurs âmes, accros à l'héroïne et autre produits farceurs dont on se détache beaucoup moins facilement, osons le mot : addictifs... L'en tire une ( heureuse ! ) conclusion, le cannabis n'est pas addictif. Ne se contente pas de cette assertion définitive. C'est que dans les sociétés modernes cette évidence n'est guère partagée.

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    Deuxième chapitre assez ennuyeux. Voyage dans le temps et l'espace géographique. Remonte au néolithique, explore toute trace cannabique – exemple : les chamans qui s'enfilent des joints aussi épais que les troncs des chênes centenaires pour entrer en contact avec l'esprit de leurs totémiques bestioles – et puis il passe continents et pays un par un, cultures chanvrique, à tout bout de champs, consommé sous diverses forme, fumé, inhalé, cuisiné, l'on se sert de la fibre pour confectionner des vêtements et tresser des cordes pour la marine, et aspect non négligeable est le remède universel de la pharmacopée des temps anciens et modernes... Ne m'attarderai que sur l'introduction du délit en France. Les plus grands esprits, François Rabelais, Charles Baudelaire, Honoré de Balzac, Théophile Gautier, Gérard de Nerval, enthousiasmés par les nouvelles sensations perpétrées par les joies de la fumette, des textes dont les écrits relatifs aux visions oniriques générées par le LSD in the sixties semblent être à un siècle de distance une décalcomanie fidèle...

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    Troisième chapitre : de loin le plus passionnant, musique et cannabis. L'on file tout droit dans les lieux de perdition de la Nouvelle-Orléans, musiciens, filles et clients s'adonnent aux joies du Tiger ( je ne traduis pas ). Passionnant ça vous ouvre le cerveau et les orifices naturels comme pas un, le jazz est issu de ces clandés, les musicos sont des adeptes de ce revitalisant miracle qui vous file un coup de fouet salvateur... Gros plan sur Louis Armstrong et Mezz Mezzrow – ce blanc qui vit comme un noir parmi les noirs ( voir KR'TNT ! 106 du 12 / 07 / 2012 ) – de grands consommateurs, qui ont nettement contribué à ce que le jazz entre dans les oreilles des blancs. Et voici que bientôt la jeunesse caucasienne adopte les déplorables manières des vilains nègres, se contorsionnent comme des sous-civilisés en de sauvages danses et dégradantes contorsions frénétiques dont sont coutumières les sous-races non évoluées... Heureusement le Ku Klux Klan, le FBI, et la presse à scandale de Hearst veillent au grain de folie qui est en train de dégrader cette saine jeunesse en voie de dégénérescence. Hystérie fascisante qui se traduira par l'interdiction absolue du hash en 1937. Prohibitio quod corumpet juventus.

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    L'on quitte à regret le monde des reefers et des vipers pour aborder la partie plus militante du volume. La prohibition américaine qui s'étend très vite au reste du monde fait vite sentir ses méfaits. La pègre et la mafia organisent le trafic. Les prisons sont engorgées tandis qu'au dehors la criminalisation gangrène les quartiers... L'interdiction n'arrête en rien la consommation... Mais délaissons la lointaine démocratie étatsunienne pour aborder nos douces campagnes françaises actuelles. Prisons et tribunaux engorgés par des milliers de petits trafiquants, économie parallèle dans les cités qui aboutirait à une révolte généralisée si elle était de force stoppée net. Les principes du capitalisme s'appliquent aussi à ces réseaux : l'on propose des produits frelatés à la clientèle qui n'est pas satisfaite. Mais l'on a ce qu'il leur faut : toute une gamme de produits qui vous procurent des sensations bien plus fortes, bien sûr c'est plus cher, goûtez-y une fois et vous vous y reviendrez. Toxicité addictive garantie.

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    Face à cette inflation des plus dangereuses, une seule solution, ce n'est pas la révolution, mais la dépénalisation. Bruno Blum nous joint les réponses de ses demandes adressées aux principaux partis politiques. On ne s'empresse pas pour répondre et chacun est dans son rôle. A droite un non franc direct, à gauche une compréhension du problème...

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    Argument massue que l'auteur explore longuement. Pensez ce que vous voulez de la consommation de la drogue, mais quid du cannabis entrevu au point de vue médical ? Vous embrume peut-être la tête mais beaucoup de malades témoignent : ne parlent pas de remède miracle mais d'un anesthésiant des douleurs qui souvent efface les souffrances que provoquent les médicaments qui combattent cancers, sida, maladie de Parkinson, de Crohn et autres saletés du même acabit. Joue petit : propose que dans un premier temps la recherche pharmaceutique pousse ses études... Attention lobbies: sommes colossales en jeu...

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    Le livre s'arrête là. Le débat est vieux comme L'Appel du 18 Joint 1976 lancé par le CIRC ( Centre d'Information et de Recherche Cannabique ) dont la parution dans les pages de Libération avait causé quelques émois dans le Landerneau politicien à l'époque... N'avance que lentement malgré études et apports expérimentaux de certains chercheurs... Perso je pense que c'est un sous-problème à un changement beaucoup plus radical de l'organisation politico-économique auquel il faut s'atteler. Reprendre sa vie en main. Créer des espaces mentaux de redéploiements idéologiques et révolutionnaires. Vaste programme.

    Damie Chad.

    ROSEE DES RÊVES / KERYDA

     

    Rêve / Amijig / Inis Oirr / Humours / Five Fingers / Si Bheag Si Mhor / Balkanik Rose / I Fell in Love with a Breeze / Freilach / Hargalden / Be Love.

    Harpe celtique : Sara Evans / Contrebasse : Damien Papin.

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    Pochette rose comme un rêve de petite fille. Un disque à voix nues si j'ose dire. Deux instruments harpe et contrebasse dans leur nudité. Deux tessiture effarouchées qui essaient de se conjuguer. Rien de plus, rien de moins que ces deux fragilités qui s'inclinent l'une vers l'autre et qui s'approchent, à se toucher, à se fondre l'une dans l'autre, mais de si grand écart sonore que toute étreinte est un voyage en des contrées dangereuses que l'on pressent merveilleuses. Un disque de douceur et de volupté.

     

    Rêve : gouttes de rosée et amplitude de contrebasse bruissante. Pluie de grâces et orage de gravité. Ondée matutinale sur terre desséchée. Ce n'est qu'un rêve. Sans doute est-il déjà trop tard. Que cela ne vous empêche pas d'y croire. Amijig : Main dans la main, corde dans la corde, l'une sautille et l'autre morigène sans gêne. Puis se tait. La vieillesse a beaucoup à apprendre de la jeunesse. Faut savoir, écouter, entre la vieille chatte automnale qui ronchonne au salon et le chaton allègre qui grimpe aux rideaux, le choix n'est pas à faire. Inis Oirr : lourde basse lugubre ne se taira point. Se rendique d'expérience mais gamineries de perles harpiques se mêlent à son vieux discours. Sans qu'elle le sache la gracilté de l'enfant espiègle s'insinue en son âme. Humours : la harpe ricoche et l'aïeule s'essaie à faire des pointes dans des chaussons rose de danse. Pas si difficile que l'on pourrait le croire. Se laisse entraîner s'achève en danses et virevoltes. Rires sous la charmille. Five Fingers : cinq doigts chacune, mais Mamy triche un peu, l'en possède un sixième qui lui sert à taper sur son bois, mais non c'est le coeur d'un poëte qui se cachait dans son cercueil, le voici qui s'extirpe de sa carapace et l'enfant blonde se mue par miracle en jeune fille. Si Bheag Si Mhor : une mélodie – imaginez une walk on the soft side, le big boy se la joue badly, imite les langueurs sales du saxophone et notre jeune première endosse le rôle de la super-guitar-héroïne. Leurs coeurs marchent à l'amble, ils s'amusent, rien ne sert de parler trop tôt. Balkanik Rose : Se dirigent à petits pas timides vers le jardin des roses. Leur parfum ennivrant se confond avec une rhapsodie arabe aussi douce et épineuse que des quatrains d'Omar Khayyam. I Fell in Love with a Breeze : heure exquise des aveux, maintenant le poëte-contrebasse s'amenuise à mi-voix, les résonnances de la demoiselle prennent le dessus, douces paroles deviennent ausi légères que pollens de fleurs que le vent emporte dans les hauteurs béantes du ciel. Freilach : des notes comme brises de printemps, ou fruits d'été, et feuilles d'automne, même flocons de neige, la rencontre de deux êtres contient tout l'univers en gestation. L'instant est grave. Promesse d'unisson résulte d'une partition originelle. Hargalaten : la prescience de l'acte factuel exige une certaine compoction cérémoniale, toute parade nuptiale est aussi le thrène nostalgique d'un passé que l'on va égorger. Noces sanglantes. Be Love : amplitude sonore, la mer du désir submerge toutes les appréhensions, l'appel insistant d'une flûte précède la vague de plénitude qui submerge le monde.

    Damie Chad.