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hank's jalopy demons

  • CHRONIQUES DE POURPRE 428 : KR'TNT ! 428 : DON CAVALLI / DONNIE FRITTS / ROCKABILLY GENERATION / BENNY & THE FLYBYNITERS / HANK'S JALOPY DEMONS / GAËL MEVEL + MICHAËL ATTIAS / TOM WOODS / SO LUNE / EDREDON SENSIBLE

    KR'TNT !

    KEEP ROCKIN' TILL NEXT TIME

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    LIVRAISON 428

    A ROCKLIT PRODUCTION

    LITTERA.INCITATUS@GMAIL.COM

    05 / 09 / 2019

     

    DON CAVALLI / DONNIE FRITTS

    ROCKABILLY GENERATION NEWS # 9

    BENNY & THE FLYBYNITERS

    HANK'S JALOPY DEMONS

    GAËL MEVEL + MICHAËL ATTIAS

    TOM WOODS / SO LUNE / EDREDON SENSIBLE

     

    Un bon Cavalli n'est jamais le dernier

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    Voir arriver Don Cavalli sur la petite scène de la Place du 73e, c’est un peu inespéré. L’air de rien, le voilà devenu légendaire, sur la base de quelques albums et de quelques interviews de ci de là. Mais surtout sur la base d’une voix. Et quelle voix ! L’homme paraît modeste, on pourrait même presque dire timide, en tous les cas, il ne la ramène pas. Il est là pour le purisme et c’est exactement ce qu’on est venu chercher à Béthune : un brin de purisme.

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    Don Cavalli nous en sert une heure entière sur un plateau d’argent. Il gratte ses coups d’acou du pouce et ses amis siciliens jouent le bop le plus délié qu’ait jamais imaginé la Cosa Nostra. Fantastique conglomérat d’attitude, de mesure, de véracité et de Cavallisme. Il fait tellement la différence qu’il sonne comme un vieux requin du rockab sur le retour. Il a pris un petit coup de vieux, c’est vrai, mais quelle présence !

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    Il porte du blanc et attache sa gratte avec une ficelle, comme on savait le faire dans les mines de cuivre du Kentucky, au début du siècle d’avant. Don Cavalli ne pointe pas sa gratte vers le sol comme tous les autres, mais vers le ciel. Il fait la différence, mais n’en fait pas exprès. Chez lui, le purisme est quelque chose de naturel.

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    Son batteur sicilien porte une casquette de capitaine à la Humphrey Bogart et joue comme un dieu, tout en retenue et au fil d’un swing-along qui en dit long sur sa baie d’Along. Quand Don le présente au public, il dit de lui qu’il est passé du grade de capitano à celui de commandante. Touché par le compliment, le commandante hoche la tête respectueusement.

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    Il règne dans cette équipe quelque chose de particulier, une atmosphère de frères de la côte à la Mac Orlan. D’ailleurs, le guitariste haut et sec comme un cep de vigne semble sortir d’un bar mal famé de Marsala, avec ses faux airs de Robert Mitchum, ses boucles d’oreilles et sa clope au bec. Don indique que le slappeur des Banjeras vient d’Australie, mais il ressemble vraiment à l’un des bras droits de Toto Riina.

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    Comme il s’adresse à un public de fans, Don Cavalli se fend d’une belle reprise du «Bottle To The Baby» de Charlie Feathers. Dans l’interview qu’il accordait à Dig It en 2016, Don explique qu’il a enregistré des reprises de Charlie Feathers au moment de sa disparition en 1998 («Cold Dark Night», «Early In The Morning» et «Let’s Live A Little»). Du coup, on l’a catalogué comme le ‘nouveau Charlie Feathers’ alors qu’il n’aimait pas trop se voir cataloguer. Des albums comme Cryland et Temperamental nous montrent à quel point Don Cavalli est un esprit libre, donc pas question de se retrouver au fond d’un bocal. Il insiste beaucoup sur cette notion de liberté. Comme il ne vit pas de sa musique, il bosse comme jardinier. Don Cavalli se moque du look fifties et des clichés. Ne l’intéresse que le feeling et ce que doit ressentir un chanteur derrière son micro, qu’il s’agisse d’un sentiment d’amour ou de désespoir. Et c’est exactement ce qu’on voit sur scène.

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    Don Cavalli ne se contente pas d’interpréter, il hante ses chansons, donne de la voix quand il le faut, mais descend aussi chercher ses vieilles tonalités rocailleuses, telles qu’on les trouve dans De Profundis. Il est avec Jake Calypso le plus américain des Européens. Cette extrême rigueur - on pourrait presque parler d’austérité dilettante - fait sa singularité. Ce set de rêve se termine vers minuit. Il revient en rappel chanter son nouveau single, un cut tellement hot qu’il s’étrangle presque de rage.

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    À la façon dont il coince sa clope au bec sur la pochette d’Odd & Mystic, on voit que Don Cavalli ne plaisante pas. On sent dès «Cursed Day Stomp» un énorme souffle rockab. On croirait entendre Sandford Clark. Quel admirable rootser d’Americana ! Il enchaîne avec un fantastique jump roll de honky-tonk intitulé «Hard Working Blues», bien pulsé par le hot slap de Kalle Victor. Mais c’est avec «Yellow Moon Is Risin’» que tout explose, Don Cavalli chante ça dans l’âme de l’essence, c’est battu à la sourde et bardé du meilleur bop. Ce Don est un don du ciel. Il tape plus loin un «Railroad Special» au hot on heels, il choo-choote sa gratte et passe au croack de crocro pour «Don Cavalli’s Blues». Il presse sa voix comme une boule de pus et ça gicle dans le micro. Ce mec crée de l’événement en permanence. Il va droit au but avec «Morphine», il chante à la bonne défonce, à l’elastic du roots ethic. Il chante d’une voix toujours pleine, il croone son croak de crac dans «Life’s Too Long» et va chercher ses meilleurs accents pour évoquer God dans «God Said No».

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    De Profundis est un album qui a nous a tous laissé le souvenir d’une grande âpreté. Sur la pochette, Don Cavalli porte un bleu de chauffe et il nous gratte dix cuts à l’ongle sec sur sa douze d’hobo rider. Il chante en plus dans un micro de guimbarde, alors forcément, il bat tous les records de dépenaille. Il joue son «Row And Ruck» au claqué de Mathusalem avec un délié de travailleur des champs. On pourrait qualifier ça de backwood jive florentin. Il se tape en toute impunité un bon coup de boogie blues avec «Myriam». Don Cavalli se montre une fois encore digne des hillbillys les plus obscurs des Orzak Mountains. Mais trop de véracité peut jeter le trouble en eau trouble. Il passe en B au country blues de derrière les fagots du delta avec «Arguments And Alibis» et réussit presque à nous tétaniser avec «King Jesus (Of Nazareth)» : il gratte sa mandoline de gondole à l’extrapole de roosty rootsah. Il envoie là le plus fantastique shoot d’agnostic shuffle de douze qui se puisse imaginer. On le voit ensuite gratter «I Ain’t Jealous» comme s’il sortait d’un coin paumé de l’Arkansas, un de ces coins à la ramasse de la pire rascasse, du type de ceux où sont nés Johnny Cash et Al Green. Au dos de la pochette, on retrouve des faux airs du Michel Bouquet jeune dans le portrait de Don Cavalli. Il dégage la même impression de puritanisme exacerbé. Et dans l’interview pour Dig It, il indique qu’il a enregistré l’album sur deux magnéto-cassettes, «sans écho, sans son à la Sun», il dit vouloir aller vers le dark rockabilly, «là où blues, rockabilly et Soul ne font qu’un». Ce mec a tout compris, il nous ramène aux origines du mythe, à l’époque où Obie Patterson enseignait la guitare à un jeune blanc-bec nommé Charlie Feathers.

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    C’est Lenox, label de la mythique boutique de la rue Legendre, qui fit paraître Carmela en 2003. Cet album est un véritable classique du rockab. On trouve à l’intérieur du boîtier une petite photo en noir et blanc de Don Cavalli sur scène, tout seul avec sa gratte. Quel album ! Il chante «The Creature Returns» avec l’art de la manière. Il va chercher le meilleur gras de ton. Il n’en finit plus de sonner juste. Le coup de génie de l’album s’appelle «Claustrophia Blues». Il hoquette à merveille, comme Charlie Feathers. Il chante comme un hippocampe, fier et droit, et sort les meilleurs effets du genre. Il fait la fête avec «Make Her Mine», poussé dans le dos par le meilleur beat de bop buté. Il tape «Hey Hey Baby» à l’insistance du Tennessee, avec le slap au ventre. Rockab forever ! Tout ce qu’il fait sonne juste. En fait, il est comme Saint-Just, il ne pardonne pas. Il fait avec «You Never Can Vie With My Baby» une véritable dentelle de véracité agnostique. Le voilà à la gare avec «Standing On The Platform». Il s’y montre effarant de patience américaine, il gratte en attendant le freightrain. Puis il nous embarque à fond de freightrain dans cette valse de non-hésitation qu’est «Two Timer». Un vrai délire de hey go man, pulsé au petit bonheur la chance du pur wild rockab. Il chante son «Coffee Baby» comme un crac, il y ramène toute l’exaspération des géants du rockab. Il reste dans l’excellence du hiccup avec «Crazy Blues». On peut lui faire confiance pour le going crazy, il sait de quoi il parle. «Curtain Call» sonne comme un honnête shuffle de country jive, ce diable de Don does it right. Il est de toutes les combines, le western swing de mad redneck comme le blues de cabane branlante. Il sait mélanger les genres. Il tape «Swing Duck And Uppercut» au laid-back du Tennessee avec un épouvantable swagger. Ça se corse encore avec «Who’s Baby Are You Baby» gratté au meilleur avenant, sévère et bien secoué au who’s baby. Hit de juke idéal ! Il avale le rockab à la goulée. Il allume autant que Carl Perkins. Toute la fin de l’album est hot on heels. «Hey Charmin’» vaut tous les classiques du genre et il bat encore des records de sauvagerie avec «Your Brands On Me». Hot as hell !

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    Ne vous fiez pas au psychédélisme de la pochette de Cryland. C’est un album d’une incroyable modernité. «Gloom Uprising» commence par dérouter, avec un son extrêmement original, mais on sent toute l’énergie rockab dans le fond du son. Une wah pouette dans le jardin magique de la pochette. Il chante à la tension du Tennessee. Le son captive et déroute en même temps. Nous voilà donc conquis. Dans le Dig It Interview, Don Cavalli dit avoir découvert un jour la wah en studio. Wah ? Wow ! Il revient à son cher boogie de cabane branlante avec «I’m Going To A River». C’est tout simplement terrifiant de véracité. Il chante «Aggression» d’une voix ferme et grasse qui rappelle celle d’Elvis. Même genre de swagger. Avec en plus le bouquet des enfers du vieux guitar man. Plus loin, il fait son bal Cajun du 14 juillet avec «Vengeance». Il chante au décalé du beat et ça couake à l’harmo. Stupéfiant de fraîcheur mentholée ! Don sort sa wah pour le bal. Il bouffe à tous les râteliers d’Amérique avec un égal bonheur. Il reste chez les Cajuns avec «Cherie De Mon Cœur». Il le fait à l’effrénée, il sait le faire, mon cœur est malade, il se traîne dans le crouilli-crouillah du bayou - Chérie de mon cœur/ Come back to me - Tout l’album tape en plein dans le mille. Il passe au heavy blues avec «Here Sat I (Off Jumps The Don)», avec de la wah à gogo et redescend au fond du galimatias mississipif avec «Vitamin A». Il est dessus systématiquement. Il fait du morceau titre un royaume de wah en réverb et crée de nouveau la surprise avec «New Hollywood Babylon». Il sort sa meilleure cocotte pour l’occasion. C’est frais et léger comme un bonbon de Saint-Hubert. On croirait entendre chanter un black blanc. Il chante du groin comme Bobby Blue Bland dans «Wonder Chairman» et attaque le boogie rock de «Casual Worker» à la racine. Il sort là le meilleur rumble des bois du Bible Belt. Il termine avec un «Summetrime» qu’il prend par dessus la jambe et nous gratifie au passage d’un killer solo qui nous laisse tous pantelants. Encore un album qui va tout seul sur l’île déserte. Même si comme le rappelle Don Cavalli, des soit-disant puristes ont détesté l’album au point d’aller lui cracher à la gueule.

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    Il continue d’expérimenter des sons avec Temperamental paru en 2012. Comme l’album précédent, celui-ci fourmille de surprises, à commencer par le morceau titre d’ouverture, une sorte de heavy funk de wah. On sent un appétit vorace d’innovation. Don Cavalli jour son va-tout avec un sens aigu du claqué de wah exacerbé. Il ne tient plus en place, il fait son funkster et lance des oh yeah d’antho à Toto. Pendant quelques cut, on commence à douter de Don. Il reste dans le Soul-funk pour «Garden Of Love» et passe à l’exotica chinoise avec «Me And My Baby». Un certain Vincent Talpaert bassmatique comme Bootsy Collins. Attention à «Santa Rita» ! Don charge sa barque de synthé chinois et ça porte à confusion. Il rétablit la confiance avec «The Greatest» et ses grands coups d’harmo. Une chinoise chante et ça prend soudain du sens : Chinese Rocks avec du banjo, pas de mélange plus explosif ! Il chante ensuite «Voice Of The Voiceless» à marche forcée. Il agit en rock star, il entre sans ménagement dans ses chansons, c’est ultra-orchestré et il devient héroïque. Il faut vraiment écouter Don Cavalli, car rien de ce qu’il fait ne laisse indifférent. Il revient au Cajun de kazoo avec «You And My Zundapp». Fantastique retour aux sources, il remonte dans la légende des siècles, c’est tout le génie de Don Cavalli, la capacité d’évocation. Il ramène du passé un son perdu. Avec «Birthday Suit», il passe en mode heavy country, mais vraiment heavy. Ce mec fait tout à l’envers, avec un bassmatic infernal qui démolit tout. Le voilà qui s’amuse à démolir la country. Un vrai gosse. Il chante avec une candeur désarmante. Quel coup de génie ! Rosemary Standely vient duetter avec lui sur «Say Little Girl». C’est assez demented, d’autant que Don lui déroule une sorte de tapis rouge, alors ça vire au duo des enfers. Rien d’aussi merveilleusement weird sur cette terre. Comme il aime bien ramer, Don boucle avec «Raw My Boat». Il y fait un peu n’import quoi, comme s’il voulait ruiner son album.

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    Pour se remonter le moral, on peut revenir un instant au Dig It Interview, car Don Cavalli évoque ses disques préférés. Il commence par recommander les Stanley Brothers, un duo de bluegrass américain, puis Bill Monroe et les Delmore Brothers que chouchoutent aussi les fans de country. Il saute du coq à l’âne avec Burning Spear, en expliquant que les racines du blues et du reggae sont identiques. Il cite ensuite les Staple Singers, O.V. Wright. On sent le bec fin. Il se prosterne aussi devant le premier single de Jerry Lee, «Crazy Arms», allant jusqu’à dire que c’est le meilleur et rend un bel hommage à Django Reinhardt. Il aimerait bien aussi parler de Bo Diddley et de Son House, mais comme il le dit si bien, ça ira pour l’instant !

    Signé : Cazengler, Don Casanis

    Don Cavalli & His Banjaras. Béthune Retro. Béthune (62). 24 août 2019

    Don Cavalli. Odd & Mystic. Tail Records 2001

    Don Cavalli. De Profundis. White Heat 2003

    Don Cavalli. Carmela. Lenox Records 2003

    Don Cavalli. Cryland. A Rag 2007

    Don Cavalli. Temperamental. Because Music 2012

    Interview Don Cavalli par Philippe Migrenne. Dig It # 67 - Mai 2016

     

    Donnie a la fritte

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    Donnie Fritts a longtemps écumé la frontière. Il porte des vêtements éculés par la routine des bivouacs et rapiécés à cause des trous de balles. Une cartouchière lui barre la poitrine et ses bottes n’ont plus des bottes que le nom. Assis sur un banc, il fume son cigarillo en scrutant l’horizon. C’est ainsi qu’on le découvre sur la pochette de Prone To Learn, un album Atlantic paru en 1974. Très bel album, aussi solide que son poney apache et son fusil Springfield à huit coups. Il ne perd pas son temps à palabrer et attaque aussi sec avec un rock d’Alabama intitulé «Three Hundred Pounds Of Hongry». C’est du pur jus de Southern rock finement cuivré. Que de son et que de beat ! Jimmy Johnson et Eddie Hinton font partie du gang, donc ca donne la fritte à Donnie. David Hood et Roger Hawkins sont aussi de la partie. Tous les amigos sont là, y compris Rita Coolidge, Billy Swann, Dan Penn, Jerry Wexler et Kris Kristofferson. Il règne ici une très chaude ambiance. S’ensuit un «Winner Take All» co-écrit avec Dan Penn. On sent sa patte, on sent cette magie finement teintée d’orgue. «You’re Gonna Love Yourself» sonne comme le balladif idéal, car très décontracté. Donnie Fritts joue la carte du soft Southern drawl, celui du petit matin en lisière du bois. Cette équipe de desperados a suffisamment de talent pour pouvoir capter les moments magiques de la journée. En B, Tony Joe White radine sa fraise sur «Sumpin’ Funky Going On». Nous voilà plongés dans la torpeur du swamp, Tony Joe joue lead sur ce boogie-funk vermoulu, bien spongieux sous les pas. Ils duettent à un certain moment, with a smile on my face. S’ensuit un heavy country-funk d’Eddie Hinton, «Jesse Cawley Sings The Blues», bardé de steel guitar et de piano, admirable brouet de bastringue de saloon alabamien. Le morceau titre est un cut de Kris, c’est-à-dire un folk-rock solidement enraciné dans le Muscle Shoals Sound. Ah comme ces mecs sont bons avec leur big sound. Et toute cette belle aventure se termine évidemment avec «Rainbow Road», le hit de Dan & Donnie, the absolute beginners.

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    Encore un coup de Jarnac avec cet Eveybody’s Got A Song paru en 1997 ! Dan Penn fait partie de l’aventure. Il chante avec son vieux poto Donnie «Hello Memphis» et on peut bien dire qu’ils chantent comme des cracs. Lee Roll Parnell passe un sacré solo de slide. Quel swagger ! Ils sont les rois du monde le temps d’une chanson. Donnie duette ensuite avec Tony Joe White sur «Shot End Of The Stick». Derrière, Dan gratte ses coups d’acou et Eddie Hinton se joint à la fête. On sent très vite qu’on entre dans un cercle magique. Waylon Jennings et Reggie Young viennent accompagner Donnie sur «A Damn Good Country Song». Waylon prend le lead. Quel duo de rêve ! Il faut se souvenir que Donnie et Eddie Hinton ont co-écrit «Breakfast In Bed». Lucinda Williams vient le chanter. Royal ! Elle est dessus, avec son swagger demented. Elle reste la meilleure sugar babe du Deep South. Elle swingue sa dégoulinure avec beaucoup d’allure. Lucinda est encore à cette époque une chanteuse de rêve. Mais avec le temps, elle perdra le sucre de sa voix. Encore du Donnie/Eddie avec «Ten Foot Pole» tapé au big heavy Soutnern Sound. Eddie chante avec Donnie, ils s’entendent comme larrons en foire. C’est inespéré. Ces blancs jouent le Southern spirit à la manière des blackos, et en prime, on a des solos de rêve. Donnie tape dans la nostalgie avec «We Had It All», il pense au temps béni des jours heureux. C’est l’un des slowahs les plus destructeurs de l’histoire du rock. On ne se remet jamais d’une histoire extraordinaire avec une femme. Jamais. Puissant Donnie Fritts. Il pousse bien le bouchon dans la rondelle des annales. S’ensuit un «Better Him Than Me» joué à la slide féroce et gratté aux accords de deep deepy. Donnie Fritts chante tout à l’inspiratoire patentée. Il termine avec le morceau titre et le vieux Kris Kristofferson vient duetter. Les vieux cowboys mélangent leurs voix comme dans Brokeback Mountain.

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    On se souviendra d’Oh My Godness pour sa profondeur. Donnie démarre son album avec «Errol Flynn», un joli groove de vieux crabe du marigot. Il nous plonge dans une ambiance de cabane branlante. Il chante son «It’s Really Gotta Be The Way» d’une voix de mineur cacochyme et c’est très impressionnant, au sens rootsy de la chose. David Hood allume «Memphis Women & Children» avec l’une de ces basslines dont il a le secret. Ça vibre sous le casque. Ces mecs sont des fous. Nous voilà au cœur du Memphis beat et Donnie chante comme un white niggah. Il revient au heavy groove de Southern guy avec «Tuscaloosa 1962». Les mecs qui accompagnent Donnie jouent comme des rois du bayou et Donnie chante avec une niaque incomparable. On sent chez lui le vieux cowboy bourré de talent. Il passe par des country-grooves et enfonce ses clous dans le Golgotha. Il faut le voir faire son Doctor John dans «Good As New» - I must confess I was a mess - Fantastiques clameurs ! C’est fouetté du beat, étonnante ambiance, aux confins du fantastique de la Nouvelle Orleans. Ce diable de Donnie explose l’art majeur de Doctor John à coups de clameurs de chœurs et de solos métalliques. Ah il faut avoir entendu ça au moins une fois dans sa vie. Il fait aussi une version surprenante de «Choo Choo Train». Il la groove et David Hood la dévore toute crue avec sa bassline. Version monstrueuse - But you see my baby/ Is waiting at the station - Il joue ça à l’admirabilité des choses - So give me a mittle more acceleration - Southern genius ! Il l’explose, eh oui. Il revient faire son Doctor John dans «Oh My Goodness», avec un appétit d’alligator. Il n’en finit plus de mâcher ses chansons.

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    Pour la petite histoire, sachez que Donnie est un vieil admirateur d’Arthur Alexander et qu’il veillait sur sa carrière au temps béni des années soixante-dix. Il vient juste d’enregistrer un hommage à Arthur qu’il appelle June : June (A Tribute To Arthur Alexander). C’est un album délicat et sensible, à l’image du «June» d’ouverture de bal. Donnie y raconte toute l’histoire de June, dans un bel esprit intimiste - He was my brother/ Oh what a blessing/ That good friendship/ Oh how I miss my good friend June - Avec «All The Time» (co-écrit avec Arthur), Donnie passe à la Beautiful Song. C’est d’une beauté fantastique, le doo-idley-doo bat tous les records de prestance sculpturale, c’est à la fois admirable et humain, un truc de beaux mecs, on sent venir une apothéose. C’est quasiment la même magie que celle de Dan Penn. Même veine. Tiens, quand on parle du loup : voilà «I’d Do It Over Again», co-écrit avec Dan Penn. Ça se sent dans l’immédiateté du coulis de chèvrefeuille. Les senteurs enivrent. Encore un hit co-écrit avec Arthur : «Thank God He Came». Cette fois, Donnie tape dans la ferveur du gospel batch. C’est à la fois puissant et bienvenu, complètement descendu du piédestal. On assiste en fin de cut à une belle explosion, les filles sont folles. Donnie finit l’album avec «Adios Amigo». On reste dans l’esprit des grands cuts de Deepers inspirés du gospel. On est chez ces blancs fascinés par le peuple noir et conscients de ce que les malheureux nègres ont pu endurer dans les états du Sud. Aw Lawd, comme les blancs ont été odieux avec tous ces pauvres nègres ! Donnie reprend bien sûr l’énorme hit d’Arthur, «You Better Move On» dont s’étaient repus les Stones. Donnie frise un peu le Tom Waits, mais heureusement, il ramène son petit deep southern drawl dans le fond du still you beg me to set her free. «Come Along With Me» vaut aussi pour un cut d’une fantastique ampleur catégorique, c’est du deep Southern Soul de la pire espèce, solid as hell. Et puis on croise aussi ce «Lonely Just Like Me» d’Arthur qui sonne un peu comme «You Better Move On». Toute la grâce alexanderienne est là : il tourneboule le mambo africain dans l’été de la pop américaine. Mine de rien, ce diable d’Arthur fit remonter tous les remugles du bonheur africain datant d’avant les blancs.

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    Comme il a failli mourir à cause d’un kidney malade, Donnie s’est fendu d’un One Foot In The Groove. Il joue sur les mots. Il fait du foot in the grave un foot in the groove et c’est tout à son honneur. D’ailleurs Tony Joe White l’accompagne sur le morceau titre. D’autres copains sont là : David Hood on bass et Spooner on keys. Et petite cerise sur la gâteau, Dan Penn produit l’album. Alors on y va les yeux fermés. C’est d’ailleurs Dan qui signe «She’s Got A Crush On Me», un balladif inspiratoire nappé d’orgue par Spooner. Il co-signe aussi «Chicken Drippings», mais on revient aux choses extrêmement sérieuses avec «Across The Pontchartrain» : Tony Joe White et Wayne Jackson radinent leurs fraises pour un coup d’épée dans l’eau du lac. Le vieux Wayne envoie ces coups de trompette dont il a le secret. Atmosphère pesante et Tony Joe claque ses notes magiques. Donnie nous refait le coup du white nigger dans «Don’t Beat Around The Bush». Ça sonne comme un vieux hit de Wilson Pickett, oui, on se croirait au temps de Muscle Shoals, tellement c’est bien foutu. Clayton Ivy vient jouer du B3 sur «Robin In The Rain». Donnie en impose encore, avec sa religion de la Soul fêlée. Clayton joue comme au temps béni de Percy Sledge. Quelle puissance ! Donnie nous propose plus loin un très beau balladif d’Americana avec «My Friend», c’est noyé d’orgue et signé Spooner. Mais c’est avec «Huevos Rancheros» que tout explose. Wayne Jackson y fait son mariachi. On entend Billy Swann dans le background. Quel fabuleux shake d’Americana de la frontière ! Avec Doug Sahm, ces mecs sont les plus habilités à jouer de l’Americana. No problemo hombre ! On se croirait dans le Pat Garrett de Sam Peckinpah, dans lequel Donnie a d’ailleurs tenu un petit rôle. Il finit cet excellent album avec un «Nothing Stays The Same» bien salé de cuivres. Toute la bande est là et encore une fois, on se croirait à Muscle Shoals. Donnie chante ça de main de maître.

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    Il a fini par casser sa vieille pipe en bois. Il faisait partie de la vieille garde de Muscle Shoals du temps de Rick Hall, l’époque des pionniers du son, pourrait-on dire. Un temps où dans ce modeste studio d’Alabama, des petits culs blancs lançaient les carrières d’Arthur Alexander, de Candi Staton et de Clarence Carter, pour n’en citer que trois. Dan Penn et lui composaient ensemble, puis à un moment donné, Donnie s’est tiré à Nashville, avant de devenir pendant quarante ans le keyboardist de Kris Kristofferson. Il ne reste plus grand monde aujourd’hui de cette vieille garde mythologique, seulement Dan Penn et Spooner Oldham, c’est-à-dire les chouchous des amateurs éclairés.

    Signé : Cazengler, fritte-saucisse

    Donnie Fritts. Disparu le 27 août 2019

    Donnie Fritts. Prone To Learn. Atlantic 1974

    Donnie Fritts. Eveybody’s Got A Song. Repertoire Records 1997

    Donnie Fritts. One Foot In The Groove. Leaning Man Records 2008

    Donnie Fritts. Oh My Godness. Single Lock Records 2015

    Donnie Fritts. June (A Tribute To Arthur Alexander). Single Lock Records 2018

    ROCKABILLY GENERATION NEWS N°9

    AVRIL-MAI-JUIN 2019

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    L'est sorti en retard, est arrivé à la maison en juillet alors que j'étais parti en vacances, ce qui explique que le N° 11 devrait survenir très vite en ce début de mois de septembre. Sa couverture flamboyante est déjà visible sur le FB Rockabilly Generation News.

    Génération pionniers : ce coup-ci c'est Ritchie Valens qui ouvre le bal, hélas funèbre. L'on peut se demander qui se souviendrait de Ritchie aujourd'hui s'il n'avait pas disparu dans l'avion qui emporta Buddy Holly et le Big Bopper. Interrogation insidieuse qui risque de me valoir quelques ennemis. Pour me dédouaner j'ajoute que lorsque je suis parti de la maison parentale, mon père en a profité pour faire main basse sur mon 33 Tours de Ritchie que j'ai retrouvé bien plus tard dans sa collection. M'avait aussi chouravé In The Ghetto d'Elvis, mais ceci est une autre histoire.

    Belle gueule de Johnny Fox sur la couve. Mais le meilleur c'est la longue interview opérée par Bryan Katz qui permet à Johnny Fox de retracer cinquante années de carrière au service du rock'n'roll. Le pire c'est que l'on ne voit pas défiler les pages et nous sommes à la moitié du numéro lorsqu'elle se termine. Pas de regret, Johnny Fox épanche ses souvenirs de vieux renard qui a écumé les meilleurs poulaillers de Grande Bretagne ( et d'ailleurs ). Fut avec Cavan un des piliers du revival Ted des années soixante et soixante-dix. Sa formation, the Riot Rockers est légendaire. Mais ce n'est pas fini, nous les retrouvons, de nouveau réunis au St Gordon Festival de novembre 1918. Remarquez la date, il faudra qu'un jour RGN double ses pages pour suivre au plus près l'actualité du rockab par chez nous.

    Deuxième partie de l'article du numéro 8 de la séquence New Generation, suite de l'interview du jeune Alexandre Lucet qui a apporté le sang neuf de sa jeunesse aux Vinyls, comme quoi le premier rock français des années 60 suscite encore des frissons.

    Thoury reste un rendez-vous incontournable du mouvement Ted français, Rought Boys en ouverture, les Southerners restent fidèles à leur grandeur, Graham Fenton met le feu avec sa Matchbox originale, les Teencats clôturent la fête mais Stig Rune Reiten gravement malade n'est pas au mieux de sa forme.

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    Fabrice Birin n'est pas chanteur mais pyrograveur. Grave sur bois les portraits des idoles rock. A lire et à admirer. Les dernières nouveautés disques et déjà la fin du groupe de Miss Victoria Crown. Nous rajoutons l'annonce du split des Wise Guyz qui firent la couve d'un des premiers numéros de Rockabilly Generation. Cette neuvième mouture - très agréable à lire – se termine par un lot de photos de Sergio Katz. Avec un peu de chance nous chroniquerons le N° 10, dans notre 429° livraison.

    Damie Chad.

     

    Editée par l'Association Rockabilly Generation News ( 1A Avenue du Canal / 91 700 Sainte Geneviève des Bois), 4, 50 Euros + 3,52 de frais de port soit 8, 02 E pour 1 numéro. Abonnement 4 numéros : 32, 40 Euros ( Port Compris ), chèque bancaire à l'ordre de Rockabilly Genaration News, à Rockabilly Generation / 1A Avenue du Canal / 91700 Sainte Geneviève-des-Bois / ou paiement Paypal ( cochez : Envoyer de l'argent à des proches ) maryse.lecoutre@gmail.com. FB : Rockabilly Generation News. Excusez toutes ces données administratives mais the money ( that's what I want ) étant le nerf de la guerre et de la survie de toutes les revues... Et puis la collectionnite et l'archivage étant les moindres défauts des rockers, ne faites pas l'impasse sur ce numéro. Ni sur les précédents.

    30 / 08 / 2019 - TROYES

    3B

    BENNY & THE FLYBYNITERS

    HANK'S JALOPY DEMONS

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    Dernière ligne droite avant le 3B, le moteur de la teuf-teuf rugit, mais quels sont ces zigotos qui débarquent d'une camionnette et entreprennent de barrer la route à l'aide de grosses briques plastifiées, serait-ce un concert surprise du Pink Floyd ? caramba ! j'improvise un 90 degrés sur la droite, coupe direct la file de tacots qui foncent sur moi et atterris sur le parking salvateur, me reste plus qu'à rejoindre le 3B à pieds. Caramba bis ! Y mettent du leur, j'ai affaire à de méchants obstinés, sont maintenant une cinquantaine à bloquer le rond-point, plus des gros engins de chantier et des camions mastodontes qui squattent tous les embranchements. Refont la chaussée, l'accès au 3B est coupé de toutes parts jusqu'à six heures du matin !

    Z'en tout cas le monde afflue au 3 B, à pattes ou en empruntant les sens interdits, en marche arrière pour les plus vicieux, la vaste terrasse se remplit d'habitués, motos, belles américaines et même un superbe hot-rod envahissent les trottoirs, la soirée sera chaude, deux groupes venus d'Australie, et pastèque sur le clafoutis, Béatrice la patronne annonce que ce soir, c'est le centième concert du 3 B !

    BENNY AND THE FLYBYNITERS

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    L'est imposant Benny, d'autant plus qu'à ses côtés ses acolytes n'arborent pas non plus des silhouettes fils de fer, pour le moment il se contente de parler en cet idiome anglais que tout le monde adore mais que personne ne comprend, finit par déclarer que les Flybyniters sont un groupe de Rhythm'n'blues. Hop ils enchaînent sec sur un instrumental, true fine swing avec des senteurs jazzy assez fortes, le truc par excellence qui ne supporte pas le moindre faux pas, ou ça balance, ou ça casse, mais les Niters vous prennent en douceur et en souplesse, vous entraînent dans la danse en moins de deux, une double-bass élastique, un drumin' aussi léger qu'une aile d'oiseau, une Fender qui court sur son aile et un saxophone en pluie d'automne. Faut vous y faire. Tell Me Pretty Baby, l'on change de tempo, l'on est en plein bluesshouter, Benny Peters lâche les grandes orgues de ses vocalises, le sax de Dean Hilson mord à pleines dents dans la plus grande part du gâteau qu'il s'adjuge sans complexe. La section rythmique change d'allure comme une escadre qui se prépare au combat. Difficile d'apercevoir Andrew Linsey, mais il produit une frappe flegmatique qui va se jouer fort allègrement de toutes les nuances stylistiques du combo, colle la voile du beat au plus près des sautes des vents tournants. Tel Vox snappe en osmose, batifole sur la crête des vagues, dum-dum-dum, il entre ses doigts dans les cordes avec la même placidité avec laquelle vous enfoncez votre couteau dans la tablette de beurre au petit déjeuner, et ma foi jamais vous ne goûterez de tels toast si finement briochés. Ejecte les notes bien chaudes – mais d'une précision absolue – comme ces grille-pains qui satellisent les tartines hors de leurs fournaises brûlantes.

    Benny and the Flybyniters c'est du rockab au temps où le rockab n'existait pas. Campent dans cet espace d'après-guerre où le blues est sorti du Delta et s'en est parti partouser avec les grandes formations, une esthétique de pirate, le couteau entre les dents, faire davantage de bruit avec moins de musiciens. Moins d'étalements riffiques démonstratifs, plus de nerfs et d'entrain. L'on ne s'écoute plus jouer, l'on joue. Point à la ligne. Efficacité avant tout. L'on s'arrête juste avant Bill Haley, l'on ne jumpe point à pieds joints dans le rock sauvage, mais l'on s'y approche de si près que l'on ressent la même intensité. Y en a un qui question aspiration n'est pas à la fête – qui normalement ne devrait pas l'être - mais il se charge du boulot sans rechigner une seconde. Dean Hilson hisse l'art du sax dans le registre de la facilité, vous donne l'impression de fournir autant d'efforts que s'il était assis à une table de bridge, ne relâche jamais son souffle ni son attention, si parfois un peu, le temps que Benny fasse monter la mayonnaise d'un court solo sur sa guitare moutarde, sinon l'est de ces chevaux qui font la course en tête du début à la fin, et qui franchisent la ligne d'arrivée aussi frais et alertes que s'ils venaient d'avaler leur picotin.

    Ce n'est un secret pour personne, qui dit rythm'n'blues, dit blues. Blues is a Feeling, certes mais chez nos Niters ce n'est jamais une tragédie, n'ont pas le blues suicidaire, l'ont même étonnamment roboratif, un blues pêchu et juteux comme pas deux, vous le construisent en béton armé avec renforts et arc-boutants, certes il y a toujours, pour qui prête l'oreille, cette démarche de guingois si caractéristique de canard malade, mais inutile de sortir vos mouchoirs pour éponger des larmes de sang, le volatile fonce droit devant, ne perd pas son temps à se lamenter, l'a volé quelques étincelles aux fournaises du diable et cela vous réchauffe et vous énergise le palpitant de bien belle manière. Après un R. M. Blues ils termineront par un Two Dollars Woman qui bastringue dur, l'on a déjà un pied dans le rockab le plus pur, mais le set s'arrête. Hélas.

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    Benny et ses Flybyniters, ont remporté la mise. De sacrés cambrioleurs, qui entrent par effraction et qui vous squattent la maison avec tant d'élégance que quand ils mettent les bouts vous notez leur numéro de portable pur leur demander de revenir au plus vite. Méfiez-vous d'eux, des carrures de boxeurs et dès qu'ils commencent à turbiner, vous entraînent dans un tourbillon ascendant de grâce et de légèreté mais d'une précision rythmique meurtrière. Nuits festives embrumées d'alcool et d'étreintes sauvages. Au petit matin vous vous dites que la vie mérite d'être vécue.

    HANK'S JALOPY DEMONS

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    Tiens on prend les mêmes et l'on recommence. Normal quand on a une section rythmique de cet acabit on la garde. Donc Tel Vox, sa barbichette, ses anneaux aux oreilles et ce sourire épanoui de Père Noël, sûr de son coup à l'avance, vous allez adorer le chien de sa chienne qu'il vous réserve dans sa hotte. Vous avez demandé un ouah-ouah en peluche, ce sera un véritable houndog frétillant qui va transformer votre appartement en champs de ruines, intenable mais si attachant. Me faudra me démonter le cou pour apercevoir Andrew le drummer.

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    L'est comme ces employés horripilants qui ont toujours réponse à tout, traitent votre cas avec une facilité déconcertante quasi humiliante, sont en train de remplir la grille de mots croisés sur leur journal, et ils vous fournissent toutes les bonnes réponses que vous attendiez, vous règlent votre cas avec une parfaite célérité mais vous sentez bien qu'ils sont d'une essence supérieure à la vôtre, que toutes vos difficultés ne sont que broutilles sans importance qu'ils remettent à plat en trois coups de baguettes magiques.

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    Deux nouveaux toutefois. Pas vraiment car nous les avons déjà vus au 3B au mois de mai 2018, voir in livraison 375. Un petit rouquin. Dave Cantrell à la guitare. Un véritable traître. L'a une spécialité confondante. Se sert de ses cordes hautes pour vous sortir trois grosses notes tonitruantes qui vous embouchent les esgourdes, z'et puis il descend sur les aigües, et alors que vous vous attendez à une aigre et maigre sonorité toute gringalette, erreur lamentable de votre intuition logique, il vous ressort trois bastos aussi grasses que le trio de cachalots précédents. Je ne sais pas comment il fait cela. Mais il le fait. De temps en temps, en passant, sans forfanterie, comme si c'était tout à fait normal.

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    Au micro Hank Ferguson, pas celui qui ne reconnaît personne, celui que vous identifiez immédiatement avec sa casquette aplatie, son jean de travail, sa chemise à carreaux, et son look de prolétaire descendu des collines qui essaie de s'adapter à la grande ville mais qui, le visage voilé d'une expression de mélancolie indécrottable, n'en reste pas moins fidèle à son vieil hillbilly natal.

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    Guitare sèche entre les mains de Hank, l'on sent que les Démons du bush se placent aussi en un temps où l'on n'avait pas encore inventé le rockabilly mais que l'on en débroussaillait les terrains d'expérimentation. Un jeu d'une justesse absolue. Certes Dave est un virtuose de la guitare électrique, n'en perd pas une pour refiler ses licks dévastateurs, mais comme il le fera remarquer en déclenchant une hilarité générale, l'on n'est pas chez AC / DC. Des affûtés, toujours sur la brèche, vous émondent les feuillages par trop luxuriants, pas une once de graisse de trop. Pas des sculpteurs, des ciseleurs. Jamais trop, jamais pas assez. Le juste milieu de la stricte observance des codes intangibles. Attention les ruralités sont aussi sauvages que les quartiers déshérités. La musique de Hank's Jalopy Demons comporte son lot de surprises et de dangers. Faut être sur le qui-vive, un pas de trop et vous marchez sur la queue du lézard venimeux. Et les Jalopy's vous salopègent les belles campagnes écologiques d'une multitude de ces bébêtes peu affriolantes. Tous les morceaux offrent leurs chausse-trappes, n'y promenez vos chaussons du soir qu'avec prudence, sont emplis de taillis d'épines et de cactus cruels. Faut une habileté diabolique pour tailler sa route dans de tels parages. Jusqu'au Linsay qui doit de de temps en temps s'énerver grave et frapper ses cymbales comme les fesses d'un enfant récalcitrant, aussitôt secondé par Hilson qui vous fouette le visage de ses cordes houspillantes, Hank alors affirme la cognée de sa voix et Dave en profite honteusement pour faire bruisser ses riffs bien effrontément. Les Démons savent être déments. Z'apportent le démenti très vite. Un peu d'agilité, un soupçon de retenue, et l'on revient à des séquences moins agitées. Attention, l'on file la syncope aussi vite, mais l'on mise davantage sur le charme d'un certain équilibre zénithal que sur les tempêtes hivernales. Hank vous refile une leçon de vocal hillbilly, c'est facile, suffit de savoir s'arrêter à temps. Au millimètre près. L'essence même du pur rockab, contrairement à ce que l'on pourrait accroire ce sont les silences qui sont le plus importants, ces coupures, qu'elles soient brusques ou pratiquement inaudibles, commandent les compressions explosives du chant, à tout instant les agglutinations de phonèmes se nitroglycérisent mais l'on vous coupe au montage les séquences des répliques incessantes, pas de longs métrages sur les effets attendus, la dévastation pure mais sans les apitoiements de rigueur sur les effets dévastateurs. Toute cette tuerie vous la trouvez dans les silences, ces trous d'air irrespirables qui vous homicident bien plus fort que le choc du chant lancé à trois cents à l'heure. Lorsque les Jalopies stoppent leur stomp l'heure légale est dépassée depuis longtemps mais Béatrice la patronne ne peut résister à un dernier morceau. Et nous non plus.

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    ( Dave, Duduche, Hank )

    Damie Chad.

    ( Photos : FB : Béatrice Berlot et Eric Duchene)

    *

    Je l’avoue, à ma plus grande honte, la seule fois de mon existence où mon légendaire flair de rocker n’a pas fonctionné. J’ai des circonstances atténuantes, c’était du jazz, mais enfin. Rien ne prédisposait mon esprit à m’orienter sur cette voie. Le spectacle n’avait rien à voir, une lecture du Prélude de Pan de Jean Giono, il y avait bien un violoncelle mais en m’approchant j’avais entendu des gammes tout ce qu’il y a de plus respectueusement classique sur cette terre. Sur la petite table à l’entrée étaient déposés les flyers de l’association organisatrice de l’événement, date et lieux d’autres prestations, tout ce qu’il y a de plus normal sur notre planète. J’ai un peu tiqué sur le format à vue de nez pochette 45 Tours des anciens EP français. Des trucs noirs, barbouillés de couleurs, qui pesaient un max comparés à leurs épaisseurs. Diable que cela pouvait-t-il être ? Des dessous de plats en une matière nouvelle en même temps souple et rigide ? Pas eu le temps de commander une expertise aux services de la répression des fraudes, la séance commençait.

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    Un beau moment, une superbe lecture in extenso d’une nouvelle extraite de Solitude de la Pitié de Giono, un texte fort qui ravira les contempteurs de la souffrance animale et les amateurs des anciens Dieux qui attendent avec impatience leur retour. Mais ce n’est pas pour demain. Gaël Mevel à la voix et au violoncelle. Beaucoup, douce et chargée d’émotion cataclysmique, à la première, peu au second, des effleurements succincts, des tamponnades catiminesques, pas d’emphase, des indices qu’il faut savoir lire. Bref un moment enchanteur. A la fin me suis rapproché de la table à flyers, le texte de Prélude de Pan ( collection Folio à 2 euros ) et ces mystérieuses plaquettes noirâtres peinturlurées de différentes teintes. Mais qu’est-ce donc ? Voyant que je m’emberlificote avec ces étranges objets, Gaël Mevel me relève l’usage et le mode d’emploi de ces objets non identifiés : de simples Cds’ entre deux lames de plastique aimantées, faut les séparer ( avec force ) et à l’intérieur la précieuse galette est agrémentée d’un dépliant papier en accordéon. L’on apprend aussi que le dimanche prochain il accompagnera au violoncelle le film muet L’Heure Suprême de Frank Borzage, un chef-d’œuvre de 1937, dans le parc de la mairie de Lavelanet. Et voici que Gaël Mevel nous dévoile l’autre face de ses activités, l’est musicien de jazz, possède un groupe, et a enregistré quelques disques, je choisis la pochette à dominante verdâtre, l’est au piano accompagné d’un saxophoniste américain, doctor Freud, pourquoi suis-je attiré par la forme exutoirement phallique de cet instrument de haute rutilance, z’en tout cas ne reste plus qu’à écouter.

    GAËL MEVEL / MICHAËL ATTIAS

    ( Rives / N° 3 / 2013 )

    Gaël Mevel : piano / Michaël Attias : saxophone Alto.

    Enregistré à La Maison en Bois ( Essonne ). Pochettes peintes à la main par Dominique Masse.

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    Le dépliant de présentation porte en exergue deux vers de Paul Valéry extrait de Les Pas un des poèmes de Charmes qui ont provoqué en son temps le plus de commentaires. Une indication précieuse, un disque qui cherche davantage à exprimer le vide qu’à se perdre dans d’oiseux bavardages. Musiciens du silence dirait Mallarmé.

    Almaty : frémissement de piano, des notes cristallines destinées à créer l’espace de recueillement nécessairement à leur réception et là-dessus se glisse aussi agreste que la flûte de Marsyas la respiration du saxophone de Michaël Attias. Ne jouent pas ensemble, s’accommodent, se trouvent sans se chercher, mais chacun dans une terrible solitude jusqu’à cet irrémédiable empiètement de vide, comme si au bout d’eux-mêmes ils n’avaient trouvé que le rien de l’inanité de vivre, et ils repartent d’un commun accord serions-nous tentés d’écrire mais la plénitude d’une phrase musicale n’est pas encore au rendez-vous, n’en sont qu’ à des essais de phrasés qui cherchent à être. C’est le sax qui s’aventure le plus loin avec des glissements furtifs de serpent fugitif. Parfois vous éprouvez la bizarre sensation de votre âme qui rampe dans le cerveau. Les ailes du renard : les sables du désert et la chimère de l’esprit qui court plus vite que le rêve. Encore plus de lenteur, mais le saxophone rouillé s’entête à dérouler la volupté des anneaux du reptile. Le piano de Gaël Mevel résonne dans une nouvelle proximité de lointains immarcescibles qui affleurent sous le sable tels des vestiges prestigieux. Le saxophone s’envole. Le fennec s’enfuit. Le cinquième rêve de Nathanaël : un sax ouaté et un piano à la Debussy dans des notes qui se perdent dans leur propre présence, le sax qui grince maintenant comme la clef des songes que vous introduisez dans la serrure des rêves. Des pierres sous une feuille : sous les feuilles arachnéennes se niche la solidité des galets lithiques. Le vent du saxophone les caresse mais la lourdeur du piano exprime la solidité de la présence du monde qui possède un cœur de pierre. Et le piano tape sur ce granit incontournable comme un gong qui égrène l’inéluctabilité du destin. Oh ! : joie jazzistique, l’on quitte la musique de la concrétude du silence pour la complexité des accords compliqués du jazz. L’on a beau faire, l’on n’oublie pas ses origines et il faut bien donner au public l’illusion qu’il est en pays conquis. Le sax frétille à la manière d’une truite mais bientôt le poisson se retire dans des eaux souterraines inconnues. Sombres et mystérieuses. Nous ne sommes pas encore sortis de l’auberge de l’évanescence. Couacs saxophoniques, ridelettes de piano. La princesse juive : retour dans le domaine du rêve, le faune de l’après-midi se réveille, il ose quelques pas hors des feuillages propitiatoires, le saxophone étire des désirs de soleil dans cet entre-deux de la réalité ici tout n’est qu’entrechoquement discret de luxe, de calme, et de voluptés idéelles. Le vent sous les pierres : retour au monde sédimental, grattez la pierre, usez-la d’opiniâtreté et au bout du caillou vous retrouverez le vent du rêve qui vous permet d’accéder aux délices sans trêve. Le saxophone se dresse comme le serpent sous la flûte insistante du joueur de pipeau. Vous ne savez plus dans quel royaume vous vous trouvez. Fenix : la réponse est apportée par le renard des sables qui étrangement est en même temps la flamme vive et inextinguible du phénix qui ne meurt jamais. Parfois la lumière s’éteint et le morceau s’insinue entre le plein du monde et le vide de nos perceptions, piano suave et saxophone aussi doux que le renard apprivoisé qui se plie sous l’échine que vous caressez. Instant de grâce et de plénitude, combien de longueurs de chemin parcourues depuis le début du disque. Fusion inespérée, mais voici que le saxophone se met à klaxonner comme le gyrophare de la voiture de police du réel, le piano essaie de réparer l’accroc dans la toile du songe. Les pas retenus : l’heure du choix, l’escargot se retire dans le vide de sa coquille, se mure en lui-même, entre dans sa propre hibernation, refuse désormais les aspérités du réel, le sax se met en boule à la manière des chats qui se retranchent du monde dans l’infinie vigilance de leur sommeil. Doucement le piano ferme la parenthèse.

    Splendide, fortement déconseillé aux âmes peu subtiles.

    Damie Chad.

    BURRET ( 09 ) - 01 / 08 / 2019

    TOM WOODS / SO LUNE

    EDREDON SENSIBLE

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    Vous ne connaissez pas Burret. J’ai parfois l’impression d’écrire pour les ignorants. Je vous l’accorde, même la plupart des ariégeois sont incapables de situer ce lieu improbable sur une carte. Une seule maison dans un virage en épingle à cheveux avec un mec qui vend du miel, pas de panique si vous ne le voyez pas, il n’est jamais dans son stand. Dans le tournant ne vous déportez pas sur la gauche, c’est le ravin. Si vous avez négligé ce conseil précieux, pas d’affolement sur l’escarpement rocheux, sis sur votre droite, vous avez tout ce dont vous aurez besoin, une église et un cimetière.

    Depuis trois ans, tous les premiers du mois d’Auguste, c’est l’invasion. Venus d’on ne sait où, sortis de leurs forêts profondes, une tribu de néo-ruraux se regroupe pour le grand pow-wow d’été. Une horde jeune et joyeuse se livre à ses activités préférées, grand bouffe bio, danses tribales, des chiens qui courent partout sans se battre et des bambins qui s’amusent toute la soirée à se jeter du sable dans les yeux. Bien élevés, pas un seul qui pleure ou qui se réfugie dans les jupes de sa maman. Pour les intellos vous avez un stand lecture, poésie érotique sur les étagères du haut, fanzines avec même des articles de notre Loser Zengler vénéré et préféré, rien à dire, ces jeunes gens ont de saines lectures. Pour ceux qui se sentent une âme d’ethnologue, ce grand rassemblement affiche un projet de haute moralité : récolte de fonds pour l’ouverture d’un café associatif dans le village voisin

    TOM WOODS

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    La tâche ingrate, le mec tout seul avec son micro et sa guitare, l’assistance le nez plongé dans son assiette à avaler de succulentes potées végantiques et de délicieux falafels, ou à se barbouiller les joues avec la succulente confiture de framboise des crêpes - au mitant de la soirée z’en avaient déjà fourgué plus de sept cents et le préposé à la crêpière n’en finissait pas de marmitonner la pâte. Attention, la liste des producteurs locaux est affichée.

    En plus le gars il a le blues. Tout le monde fait la fête, mais lui il a le blues, et pas n’importe quel blues, le blues-folk. Un truc à vous saper le moral d’entrée. Personne ne lui en veut. Reçoit même des encouragements à haute voix qui ressemblent à des déclarations d’amour. C’est cela le miracle du blues, ça vous rentre dans une oreille et vous vous y empêtrez dedans comme la mouche dans la toile d’araignée. Le blues est une tarentule poisseuse mais fascinante. Une fois que vous êtes mordu, vous ne pouvez plus vous en détacher et comme le boy est un adepte du pickin’ vous succombez vite à son charme vénéneux. Quatrième fois qu’il joue en solitaire nous confie-t-il, alors il nous refile tous ses plans, nous offre ses propres compos, la dernière improvisée la veille est la meilleure, joue un peu trop longtemps à mon avis, l’aurait pu écourter, si l’alligator du blues vous coupe la jambe, exigez une coupure franche, s’il prend trop son temps et commence à mâchonner gentiment la gambette pour ne pas vous faire du mal c’est moins agréable. S’en tire bien le guy, se retire sous une salve d’applaudissements.

    FARA NAZWA

    Changement d’ambiance, une colonie de fourmis selmerienne s’empare de la scène. Un accordéoniste aux beaux yeux bleus étrangement fixes assis au centre entouré de deux cuivristes, d’une basse, d’un guitariste, d’un batteur à la batterie minimaliste, et sur notre droite une violoniste au crin-crin entraînant. Musique des balkans qui s’en fout le camp, vers l’est, du côté de la Roumanie et des routes tziganes. C’est le rush devant la scène, ça n’en finit pas de danser, pressés comme des harengs en caque, et de se dandiner, Font un tabac. Une manufacture à eux tout seul, Z’y mettent le cœur et l’allant nécessaire, les cuivres rutilent, le piano du pauvre étale toutes ses richesses, et la grande sorcière chevauche son archet diaboliquement. Perso, cela me laisse assez froid, mais je dois être le seul, j’aime bien me la jouer en mon âme de rocker incompris à la Thomas Hardy, loin de la foule déchaînée. Qu’importe ce soir le folk festif fait des adeptes, j’en conviens.

    SO LUNE

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    Quelques gouttes éparses de pluie pendant l’installation de So Lune, quelques rougeoiements lointains d’éclairs et des tambourinades de tonnerre étouffées, une menace qui ne se précisera pas davantage. Ouf ! So Lune s’installe, sur le dessus du vieil harmonium délabré que l’on a dû retirer de l’église règne en maître le must du modernisme électronique, une collection de sampler-machines dont les boutons brillent dans le noir, et contrepoint idéalement et musicalement oxymorique, un magnifique violoncelle trône sur son chevalet exposé comme un tableau de maître.

    Sont tous les deux sur le côté de l’estrade en train de se livrer à une espèce d’haka rituel d’obédience superstitieuse. Mais quand faut y aller il n’est plus temps de reculer. Courageux le garçon donne l’exemple, passe en premier, se dirige tout droit vers ses échantillonneurs, l’on sent le bricoleur fou du dimanche et le trafiqueur émérite de la semaine sainte, sa sœur le suit, tout de suite l’on pressent, à sa chevelure bouclée étrangement disposée de guingois en crinière de lion romantique, et à la découpe savante de sa robe, l’artiste de la famille, l’infante géniale, qui n’en fait depuis ses trois ans et demi qu’à sa tête emplie de volitions et de dormitions pour le moins pittoresques. Sont applaudis poliment parce qu’ils sont beaux et jeunes. Romane lève son archet et Joseph se penche sur ces boites magiques. Vous tourne les potentiomètres à fond, le violoncelle gémit et râle funèbrement, tel un mourant désespéré de ne pouvoir communiquer ses dernières volontés. Entre nous soit dit, l’on est plus près de Moussorgski que d’Eddie Cochran, et subitement Romane se met à chanter. Une ampleur démesurée, une double sirène, celle tonitruante du bateau qui annonce son entrée dans le port, et la meilleure des trois d’Ulysse, pour lesquelles il se fit attacher au mât afin de pouvoir entendre sans péril les mélodieuses mélopées. La muse vous méduse l’assistance en moins de trente secondes, vous subjugue la foule en moins de deux, l’a l’organe baryton qui tonne sans fin. En cinq minutes ils ont gagné la partie, on leur mangerait dans la main. Alors ils vont s’amuser, vous voulez de la zique, z’on va vous z’en donner de toutes les couleurs. La Romane elle est capable de tout, elle vous râpe du rap et vous restez tout cloche devant ce beau fromage qu’elle laisse tomber de son bec, passe des intonations en arrière-fond de tessiture à la Shirley Bassey pour plonger dans des roucoulades à la Barbara Hendricks et l’instant d’après se rouler dans les arpèges les plus chaudement sensuels des divas de la soul. Idem pour le frérot, à un moment vous a sorti une partition malherienne, juste avant de se jeter dans du noise-funk à délices, même qu’une fois il se mésaventure au micro, mais là faut être réaliste, son rôle à lui c’est le cambouis électronique, l’est le grand manitou des circuits intégrés pour musac désintégrée. Mais ce que l’on préfère ce sont ces grandes envolées lyriques au violoncelle qui gronde comme l’Etna en feu, et cette voix sortie tout droit des Mémoires d’Outre-tombe, des espèces de mini-opéras wagnériens, une extravagance vocale des grands vents du souffle épique qui servit de bande-son aux tohus-bohus révolutionnaires du dix-neuvième siècle, tout cela servi dans la marmite du diable de la technologie du troisième millénaire.

    Un set de toute beauté. So Lune - duo surprenant, décalé, original, époustouflant - ne fait pas de quartier.

    EDREDON SENSIBLE

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    Avec un nom pareil vous vous attendez à tout. Pour la sieste voluptueuse sur lit de plumes d’oie vous repasserez. Ces quatre malfrats usent incongrument de cet ustensile. Commencent par fracturer votre porte à grands coups de pieds, vous surprennent dans votre sommeil et se servent de votre édredon douillet pour vous asphyxier et vous envoyer de cet autre côté dont on ne revient pas. Des sauvages. Bref vous êtes sûrs qu’avec eux le pire est à prévoir.

    Le batteur se sert de sa grosse caisse comme caisse claire. Tout de suite la situation s’assombrit. Doivent faire un concours à qui des deux l’aura la plus grosse car son voisin s’est choisi une énorme timbale, une monstrueuse tabala, sur laquelle l’on sonnait l’alerte dans les villages africains pour réveiller la tribu endormie attaquée en pleine nuit. Devant ils ont disposé les saxophones, un ténor un peu ridicule quand on le compare à la basse   démesurée qui lui fait face.

    Nous ont un peu déçus à partir de la vingt-sixième minute, montre en main. Parce que lorsqu’ils ont débuté l’on a cru qu’ils s’étaient installés pour battre le record du monde du morceau le plus long. Le principe de base le plus simple, la goutte d’eau qui vous rend fou - rien à voir avec le colibri, eux c’est plutôt l’autruche aux pieds plats. Un lourd volatile disgracieux mais génialement entêté. Les deux batteurs ont commencé à marteler un rythme simpliste et à le répéter indéfiniment. Les spectateurs ont adoré, parfait pour endurer la froidure de l’altitude montagnarde et remuer le popotin tous en groupe, et puis il y avait le saxophone basse qui refusait de se laisser distancer dans le marathon. Vu la grandeur de la tuyauterie, le gars devait lui balancer le volume d’air que vous respirez en trois jours toutes les six secondes. S’est installé dans un groove de funk poussif et en voiture Simone, voyage jusqu’au bout de la nuit tressautant. Cahots debout.

    Faut toujours se méfier des plus petits ce sont les plus vicieux. Pendant un moment l’alto a fait autant de bruit qu’une limace paresseuse sur une feuille de salade. On l’a oublié, jusqu’à ce qu’éclate un hennissement de cheval colérique, on a cherché des yeux si un véritable canasson des alentours n’aurait pas quitté sa pâture, mais non c’était bien le petit saxo qui s’était engrangé dans une espèce de dégringolade de rire hystérique, une strombole d’accélérateur lysurgique car derrière, les bateleurs qui tamponnaient allegro-vas-y-mollo se sont mis à ruer des quatre mailloches dans les brancards rythmiques et la fanfare s’est emballée, à qui ira le plus vite et à qui fera mieux que l’autre, sont partis dans une cavalcade tonitruante sans issue, le premier batteur s’est ulcéré dans un solo apocalyptique pendant que les autres harassés se désaltéraient pour mieux revenir à la charge. Encore plus vite, encore plus fort. Mais trop d’effort n‘engendre pas obligatoirement le réconfort. A la fatidique vingt-sixième minute, le quartet s’est arrêté, ses quatre membres crevés comme les pneus d’une guimbarde abandonnée sur le bord de la route qui ne mène nulle part. Sont repartis par la suite, un rythme guilleret mais au bout de dix minutes, je suis rentré à la maison, la magie n’agissait plus, peut-être ont-ils fait un second essai pour transpercer le mur du son, mais non je n’y croyais plus. J’ai laissé lâchement les héros vaincus se dépatouiller avec le dernier carré des danseurs en transe voodooïque, ont-ils sacrifié un coq au soleil levant où sont-ils morts fièrement à la manière de la chèvre de M. Seguin, sous les dents cruelles du froid des petits matins sans gloire, je ne saurais le dire.

    Damie Chad.

    P. S. : il y avait aussi Alchimix, un groupe qui n'a pas démérité, mais ne tentez pas de savoir où j'étais pendant leur prestation.

     

    CHILD SPIRIT / SO LUNE

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    Romane et Joseph Beaugrand : composition, arrangement, interprétation, mixage.

    Basse additionnelle : Galael Dunbaar / Visuel : Virginie Lacouault / Graphisme : Salomé Dollat, Juliette.

    Pochette Arty qui veut davantage suggérer que représenter. Un fond blanc à la Moby Dick, des espèces noires de tiges de fleurs de chardons stylisées, quelques nuances de gris bleutés, quelques points jaunes pratiquement invisibles, pour le portrait des artistes, un flou de crayonné du profil filigrané des deux artistes à l’intérieur du gatefold.

    Inspire Me : voix de petite fille perverse sur un tissu de dons d’organes. Elle n’a qu’à ouvrir la bouche pour que vous la suiviez les yeux fermés dans le jardin des délices. Les roses ont des épines empoisonnées mais elle passe entre leurs tiges en se jouant, une rythmique toute simple juste pour mettre en évidence la lascivité étirée de la voix, le tout entrecoupé d’épaisseurs nostalgiques de violoncelle qui résonnent comme des innocences de périodes ingénues à jamais perdues. Cold Woman : vous avez eu la petite fille voici la mystérieuse égérie frigide à la voix de glace. Se la joue à la Dietrich, mais très vite elle dévoile sa lointaine cruauté et donne des ordres d’une voix coupante comme des poignards, et la colère simulée l’emporte, elle vous met en garde contre vous-même, vous ne savez pas ce qu’elle cache, des éclats de moire de violoncelle renforcent la naïve violence de sa fausse candeur. Child Spirit : l’instant peut-être de se pencher sur l’accompagnement électro qui depuis le début fait des claquettes sur toutes les inflexions de la voix mutines à s'y confondre avec elle. Plus ce violoncelle qui pleure des larmes de topaze. L’on ne sait trop pourquoi mais l’instant crucial du vivre selon soi est aussi fragile que le souffle d’un enfant qui babille dans lequel s’incarne l’âme éperdue des désirs assassins. Un jour on ne joue plus. Un joyau, un pur chef d’œuvre. Le Bal : c’est la vie qui tourbillonne, mais dans l’œil de l’ouragan, voici la féminine solitude, parfois l’on n’est plus qu’un amas de décombres et de souvenirs, Joseph vient au secours de sa sœurette mais rien ne saurait briser la solitarité de l’iceberg glacé que l’on est devenu et que l’on transporte avec soi, si ce n’est un aboiement de chien qui peut être aussi bien le toutou au portail de l’enfance que le Cerbère qui vous attend à la porte des Enfers. Longue suite musicale mélodramatique pour vous accompagner dans l’escalier qui descend, la guide passe devant et arbore un timbre adamantin de vil coquin. Impermanence : une petite voix doucereuse pour nous assurer de la catastrophe de l’immuable écoulement des choses, rien ne dure, l’impureté du néant ronge la pureté de l’existence, ce n’est pas un drame, une comptine à chantonner d’une voix claire même si les gouttes de violoncelle démentent toute cette insouciance. Les bijoux qui brillent le plus sont ceux qui ressemblent le plus au toc des pacotilles. Tragic Secret : cliquetis et lourdeurs, la voix effleure les touches du piano électronique, elle s’affirme et se fait plus grave pour vous révéler l’innommable. Vous pénétrez au cœur atomique de la révélation comme quand vous glissez vos doigts dans la fente d’un sexe, vous l’avez voulu, vous ne ressortirez changé à jamais du cancer de la vie qui vous ronge la tête. La rose des folies conduit aux névroses irrémédiables. Drame métaphysique. Silence : parfois il vaudrait mieux arrêter de parler et de chanter car l’on est rentré dans les étendues de l’inefficience et de l’inutilité. Mais l’on prononce toujours quelques mots sur les tombes qui se referment.

    Le disque est à écouter comme un somptueux oratorio sanglant qui retrace le chemin intérieur d’une petite fille qui n’aurait pas dû grandir. Nous non plus. Mais on fait semblant de l'ignorer.

    Superbe.

    Damie Chad.

     

  • CHRONIQUES DE POURPRE 255 : KR'TNT ! 375 :TAV FALCO / THE FLUG / BILL CRANE / SILLY WALK / KIERON McDONALD / HANK'S JALOPY DEMONS

    KR'TNT !

    KEEP ROCKIN' TILL NEXT TIME

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    LIVRAISON 375

    A ROCKLIT PRODUCTION

    LITTERA.INCITATUS@GMAIL.COM

    24 / 05 / 2018

    TAV FALCO

    THE FLUG / BILL CRANE / SILLY WALK

    KIERON McDONALD / HANK'S JALOPY DEMONS

    Tav & ses octaves - 
Part Three

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    Vient de paraître un livre de photos consacré à Tav Falco : This Could Go On Forever. On The Road With Tav Falco & Panther Burns. Une certaine Gina Lee signe les images. L’ouvrage sort chez un éditeur autrichien. La bonne nouvelle, c’est qu’il ne coûte que 38 euros. La mauvaise concerne le choix de papier. L’ouvrage est imprimé sur une sorte de mauvais papier offset, l’un de ces papiers instables tellement sensibles à l’humidité et qui n’ont pas la main d’un couché ou d’un bouffant. Dans un projet éditorial, le choix de papier est aussi crucial que la qualité d’impression et les choix typographiques. L’objet doit être aussi agréable à l’œil qu’au toucher. C’est en plus un papier très blanc, très acide, qui ne rend pas forcément service aux images. Et on ne parle même pas de la qualité des images. On ne peut pas parler véritablement d’un livre de photos, au sens où on l’entend généralement. L’ouvrage reste graphiquement muet. Les tailles d’images uniformes et les cadres privés de perspective renvoient plutôt à ces images qu’on fait sans réfléchir pour documenter une page facebook. On est plus proche de l’album de souvenirs de voyage que du livre d’art. Aujourd’hui, avec un smartphone et un éditeur sur le web, n’importe quel touriste peut financer l’édition d’un livre de photos. C’est dire si.

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    Ceci dit, on est toujours content de voir des photos de notre vampire préféré. Quoi ? Vous ne saviez pas que Tav Falco était un vampire ? Pourtant ça se voit comme le nez au milieu de la figure. Bizarre que Jim Jarmush n’ait pas pensé à lui pour le rôle principal d’Only Lovers Left Alive. Et le fait que Tav Falco vive à Vienne ne fait que renforcer cette évidence. Tous les vampires reviennent un jour s’établir à Vienne, cette capitale d’empire qui fut voici plusieurs siècles le berceau du fantastique. Toutes les images proposées dans ce livre ne font qu’enfoncer le clou : cet homme échappe aux modes et au temps. Ça n’en finit plus d’alimenter son prestige et d’épaissir son mystère. Quoi, un vampire qui se pavane au soleil des Baléares ? Oui, il faut le voir pour le croire.

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    Une première image nous montre un Tav Falco en costume bleu clair, photographié dans le backstage d’une festival allemand. Il sourit. Il porte des lunettes noires et brandit sa guitare Höfner. Le voilà frais comme un gardon. Allez, on lui donne vingt-cinq ans maximum. Petit, léger. L’inaltérable modernité du vampire. Mais là où Tav Falco subjugue, c’est qu’il offre l’apparence d’un vampire heureux. Qui aurait cru ça possible ? Ça frise le contresens.

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    Un peu plus loin, on le voit photographié à Lisbonne, près de la statue de Fernando Pessoa. Il porte un blazer brun clair et semble perdu dans ses pensées. Le velouté de son teint d’adolescent a de quoi édifier les édifices.Plus loin, une image le surprend de dos remontant une rue de Palma de Majorque. Il s’éloigne. On entend ses pas se perdre dans l’écho du temps. Rien n’est plus symbolique - au plan fantastique - que ce type d’image. Toujours à Palma, il pose en haut d’un escalier, coiffé d’une casquette de parieur hippique, sans doute un cadeau de Jean Gabin dans les années trente. Tav Falco semble redoubler de prestance. Personne d’autre que lui n’oserait porter ce pantalon moulant à grosses rayures bleues et blanches : les couleurs d’un pyjama !

    Au fond, ce livre fonctionne comme l’antithèse de la fatalité. Les pages des magazines de rock anglais n’en finissent plus de nous montrer des Stones et des Who vieillissants, comme s’il fallait s’habituer à l’idée d’un rock entré dans son déclin. Tav Falco inverse carrément la tendance. Vieillir ? Laissez-le rire ! Page 19, une image nous le montre souriant, comme si Antonioni le filmait à Rimini en 1952 : sourire à la Delon et lumière chaude. Par contre, les photos de scène sont souvent aléatoires. Rien n’est plus difficile que de réussir un vrai shoot de scène. Et voilà notre héros parfaitement à son aise au Cabaret Voltaire de Zurich, oui, dans le berceau du dadaïsme. Il porte son imper blanc et pose devant le portrait d’Hugo Ball, photographié en pied dans son accoutrement satrapique d’as de pic cintré. Toujours en imper blanc et en casquette de titi parisien, voici Tav Falco photographié à l’angle de la rue de la Lune, une image qui illustre parfaitement l’excellent «Ballad Of The Rue De La Lune» qui ouvre le bal des vampires de Conjurations - Séance For Deranged Lovers, paru en 2010.

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    Et puis voilà ces fabuleuses images du Penalty : on y voit Tav Falco en gilet brodé se coiffer à deux mains dans l’éclat éblouissant d’une lumière de printemps. Pur rockabilly shoot ! Le fantastiques images en noir et blanc parues jadis dans R&F proviennent de cette séance. Elles sont de François Grivelet qu’on voit d’ailleurs ici de dos, assis face à Tav Falco. L’air de rien, ce livre grouille d’informations underground. Il n’est pas surprenant de retrouver notre héros attablé à la Nouvelle Orleans, qui est, comme chacun le sait, le berceau du vampirisme sur le nouveau continent. Et en vis-à-vis, Tav Falco se livre à l’un de ses jeux de scène favoris : il se roule par terre avec sa guitare. Avec Carl, son fils Barny et Chris Bird des Wise Guyz, ils sont les derniers à perpétuer le wild rockab roullé-boullé des frères Burnette. Et le voilà au sol, tombé du ciel comme l’ange déchu, photographié d’en haut, mais s’il chute, c’est en chaussures deux tons. Une autre image permet de voir qu’il porte des chaussettes décorées de têtes de mort. Dommage qu’on ne puisse voir un gros plan des boutons de manchette streamline train dont il faisait jadis l’apologie. Il pose aussi devant la vitrine d’un chapelier milanais. La boutique s’appelle Borsalino et bien sûr, Tav Falco ne déroge pas aux lois séculaires du dandysme. D’ailleurs, cet ouvrage pourrait bien être le pendant moderne de l’essai jadis publié par Barbey d’Aurevilly, Du dandysme Et De George Brummel, dans lequel Barbey explique avec brio l’art de se distinguer sans le montrer. Tout repose sur une maîtrise parfaite de la discrétion et de la mesure. Un art que Tav Falco maîtrise puisqu’il s’efface le plus souvent des pages pour laisser vivre ses compagnons de voyage. L’anti m’as-tu-vu par excellence. Et la plus belle image du livre n’est-elle pas celle d’un vampire qui se baigne en Italie, coiffé de son petit chapeau napolitain ? Cet homme n’en finira donc jamais de piquer la curiosité et d’exciter les muqueuses.

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    Il existe un autre livre de photos, paru voici deux ans chez le même éditeur : An Iconography Of Chance. 99 Photographs Of The Evanescent South. Les photos noir et blanc que propose l’ouvrage sont cette fois signées Tav Falco. À l’instar de son maître Bill Eggleston, Tav Falco y défend une théorie de l’image : the veracity of the unmolested photographic image is undeniable. Il parle ici de l’image virginale et de sa magistrale véracité. Comme Eggleston, il se dit influencé par Henri Cartier-Bresson, l’un des esprits les plus libres du XXe siècle. Nos amis américains auraient aussi pu citer d’autres grands chasseurs d’images comme Robert Doisneau, richement imprégné de la réalité urbaine des faubourgs, ou encore Brassaï, l’âme errante des nuits de Paris.

    Tav Falco revient sur Bill Eggleston pour préciser qu’il ne voit pas les mêmes choses que lui. Eggleston fait des images «concrètes», très directes. Celles de Tav Falco relèvent d’un regard nettement plus poétique, voire fantastique - il suffit de voir la couverture de son livre et ce couple hallucinant dansant le rock au bal des fantômes de la rue Morgue, une sorte d’hommage photographique à Edgar Poe. Alors qu’Eggleston - avec lequel Tav a appris le métier de photographe - claque son flash dans un plafond laqué rouge (l’image orne la pochette de Radio City, second album de Big Star). Eggleston semble vouloir mettre la réalité à nu. Ses images nous la livrent toute crue, sans fard.

    Les images de Tav Falco dégagent un charme d’autant plus capiteux qu’il les commente. Ce prodigieux écrivain cultive aussi l’art des formules épiques. Sa prose les charrie comme un fleuve amérindien charrie les sables alluvionnaires : à la tonne. Bel exemple avec la première photo, celle de la Saint Francis River, à l’Est de l’Arkansas. Tav suggère que dans l’ombre des bois qui bordent le fleuve, les esprits courroucés des Indiens marchent encore silencieusement en file, chaussés de mocassins. Voilà ce que voit Tav Falco dans cette image d’apparence si banale.

    Les livres de photographes sont parfois très denses, et cette densité génère une sorte de tension intellectuelle. Lorsqu’on feuillette La Main de l’Homme de Salgado, on est immédiatement tétanisé par la violence graphique des images. Encore plus fascinant et plus difficile à feuilleter : le recueil de portraits de Richard Avedon, grand spécialiste du grain de peau et des yeux qui parlent. Même Cartier-Bresson semble trop graphique, bon nombre de ses images relèvent d’une forme de génie du cadre, beaucoup plus que du fameux «moment décisif» auquel Tav Falco fait référence. La photographe dont Tav Falco se rapproche le plus est certainement Diane Arbus.

    Les premières images de ce livre sont des détails de paysages, sans personnages. On s’y sent tout de suite bien, comme chez Diane Arbus qui toute sa vie a photographié les gens ordinaires. La troisième image est celle d’un wagon abandonné en pleine cambrousse - These rail cars are long forsaken and consigned to perpetual oxidation - Sur le wagon, on peut lire Rock Island et bien sûr on pense à Leadbelly et à «Rock Island Line». Une autre image nous montre une sorte de taverne misérable dont les deux fenêtres sont protégées par les barreaux. Idéal pour l’imagination galopante de Tav Falco - The bistro is open from dusk to dawn and what goes on behind its barred windows defies the most feral imagination in the every act known to man is possible here - L’auteur nous indique que derrières les barreaux de ces fenêtres, tout ce qui relève de l’imagination la plus fertile est possible. Pour lui, les trains ne laissent derrière eux «que de la poussière, du chagrin et de la suie», alors que les entrepôts ont vu défiler «de sombres cargaisons et de ténébreuses émotions». Au fil des images, Tav Falco parvient à européaniser le néant de l’Amérique profonde. C’est un exploit poétique assez prodigieux qui mérite d’être souligné.

    Les petites cabanes du Deep South qu’il photographie renvoient évidemment à Walker Evans. Mais Tav Falco est moins cru, son regard est beaucoup moins ethnologique. Il préfère choper deux gosses qui partent à la pêche à Okatoma Creek pour ramener à la maison a mess of fresh perch for mama to fry in a blackened iron skillet. Tout ça sur un air chantant de Charles Trenet.

    Le premier portrait arrive assez tard dans la pagination. Il s’agit bien sûr d’un «perennial rockabilly Ho-daddy» sortant de l’agence locale de la compagnie de téléphone. Tav Falco sait qu’on croisera ce mec plus tard dans la soirée «au Bad Bob’s Vapors Club». Il photographie aussi une statue du soldat inconnu en Arkansas, et profite de l’occasion pour ironiser sur le compte de la cause perdue - The War of Rebellion and the valiant troops who fought to the death for the lost cause may never it seems be dismissed from memory - C’est vrai que l’idée de la cause perdue présente quelque chose de chevaleresque, comme avait essayé de le montrer D.W. Griffith dans The Birth Of A Nation. Et puis soudain, on tombe sur une image montrant Rural Burnside jouant dans un club. Des blacks dansent devant lui. Tav Falco note que la vie de travailleur des champs ne laisse pas beaucoup de temps pour repasser son pantalon.

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    On tombe un peu plus loin sur un autre portrait, stupéfiant, celui d’un vieux docker noir sur son trente-et-un, le regard noyé dans l’ombre d’une immense casquette de gavroche. Tav Falco profite du portrait d’un camarade d’université, David Grünewald, pour évoquer ses souvenirs de jeunesse à l’University of Arkansas, «rebutting the dialectics of Heidegger, Barthes, Derida and the dérive de Guy Debord.» Il n’est pas surprenant de retrouver le nom de Guy Debord sous la plume de Tav Falco. Ces deux-là ont su chacun à leur manière incarner l’idée pure de l’avant-garde, doublée d’un mépris psychorigide pour les concessions. Tav Falco livre aussi un beau portrait de sa mère, Rita, dont les parents arrivèrent d’Italie du Sud. Il ajoute que la voix de sa mère était si claire qu’elle fut engagée comme speakerine dans une radio d’Arkansas. Portrait spectaculaire du fils de Sleepy John Estes lors de l’enterrement de son père. Allez, tiens, encore un autre portrait spectaculaire, celui de Van Zula Hunt, l’une des chanteuses noires qui, comme Jessie Mae Hemphill, fascinait tant Tav Falco.

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    On tombe un peu plus loin sur Jerry Lee et sur Sun Ra, photographiés sur scène. Fantastiques évocations de ces méga-stars dont on s’est tous nourris.

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    La photo la plus connue de Tav Falco est sans aucun doute celle de Charlie Feathers occupé à démarrer une Harley - a 1934 Harly-Davidson VLD just like the one he once rode on loan from his older brother - C’est un hommage fantastique à celui qui fut, avec Jim Dickinson, son mentor - The immortal Charlie Feathers was one of the handfuls of innovators who created the inchoate genre of rockabilly in American vernacular music - Deux pages plus loin, on tombe sur un Dickinson assoupi au Huey’s Bar, à côté de Stanley Booth - acrimonious and sulphurous author of Rythm Oil and other tales, who deigned to suck the cock of arrogance - Joli shoots de Phineas Newborn, pianiste de jazz qui accompagna Charlie Mingus, puis page suivante de Furry Lewis, le bluesman de Memphis qui fut aussi le mentor de Sid Selvidge (et de Don Nix). Tav Falco raconte que Furry balaya les rues de Memphis toute sa vie, ce qui lui permit de chanter le blues en descendant une bouteille de whisky par jour. On trouve aussi deux photos des Cramps, la première shootée au Arcade Café across from Memphis Central Train Station - Tav Falco profite de l’occasion pour rappeler que les Cramps incarnèrent le rockabilly post-moderne et le Théâtre de la Cruauté selon Artaud - As envisioned by Antonin Artaud, the French dramaturgist, The Cramps were the apotheosis of a post-modern rockabilly band that embodied the Theather of Cruelty -

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    Les deux dernières images du livre comptent parmi les plus spectaculaires, tant au plan graphique qu’au plan évocatif. Portrait de James Caar devant le pont qui franchit le Mississippi - while the onus of the delta sun reigns like an inexorable demon - une lumière grise enveloppe le grand James Carr plongé dans ses pensées - Some mysteries the restless light of day can nerver reveal - Eh oui, la lumière du jour ne livre pas tous ses secrets. Et la dernière image est celle d’un crépuscule «over Majik Market», image qui servit à illustrer la couverture de son livre, Ghosts Behind The Sun: Splendor, Enigma & Death - Mondo Memphis. Tav Falco conclut : Potato chips and magic potions are no comfort and no protection against the tornado brewing in the distance. Eh, oui, qui va nous protéger de l’ouragan qui se prépare ?

    On sort de ce livre épuisé, comme au sortir d’une partouze, au petit matin. Tav Falco est un homme dangereux : à le fréquenter, on risque en permanence l’overdose de sèves salvatrices.

    Signé : Cazengler, Falconard

    Tav Falco. An Iconography Of Chance. 99 Photographs Of The Evanescent South. Elsinore Press 2015

    Gina Lee. This Could Go No Forever. On The Road With Tav Falco & Panther Burns. Elsinore Press 2017

     

    17 - 05 - 2018 / MONTREUIL

    LA COMEDIA

    BILL CRANE / THE FLUG / SILLY WALK

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    On ne change pas une formule qui gagne, toutefois pour désorienter quelque peu le lecteur, cette fois au contraire de la semaine dernière, nous serons, dans le seul but de tenir les kr'tnter readers en haleine et de brouiller les pistes, le premier soir à la Comedia et le second au 3B.

    Alerte noire dès l'entrée dans la Comedia. Panne d'électricité, Rachid et deux aides debout sur le comptoir essaient de démêler des fils savamment embrouillés. Pas de déception, les Dieux du rock sont avec nous, la scène est restée miraculeusement alimentée, encore une fois notre planète échappe à une irrémissible catastrophe... Ampoule cerisée sur le gâteau, la salle bénéficiera aussi au bout d'une heure de tripatouillages éclairés d'une lumière décente. Tout est bien dans le meilleur des mondes.

    Quoique.

    UNE BALANCE MOUVEMENTEE

    D'habitude la mise en place des groupes n'attire l'attention que de deux ou trois obsédés des effets soniques. Mais cette fois, joyeuse cohue devant l'estrade. Je peux vous la faire à la Larmartine, Un seul objet vous manque et le rock est dépeuplé. Grosse absence remarquée : pas de batterie sur le plateau. Mais ce n'est pas le pire, l'émoi est provoqué par un ustensile de la taille d'un cahier d'écolier pas plus épais que le cerveau rabougris d'un énarque ( 2, 5 cm ). Rien de plus qu'un artefact rythmique. Pas de quoi fouetter un dinosaure, et pourtant des mains multiples se tendent pour s'en emparer, des doigts facétieux appuient à tout hasard sur les touches, on la débranche, on la rebranche, une dizaine de lascars à crêtes multicolores particulièrement en verve s'agitent autour du boîtier magique. Croire qu'il s'agit de geeks obsédés d'électronique serait une funeste erreur. De fait ils n'en ont rien à faire de cette malheureuse boîte à bruit. Elle n'est qu'un prétexte. Un psychologue vous apprendrait en son jargon qu'elle tient lieu d'objet transactionnel. En d'autres termes qu'elle permet d'entrer en communication.

    Car rien ne sert de courir après l'effet, mieux vaut identifier la cause, disait Aristote. L'avait raison. Délaissons cette beat-box aguicheuse, et intéressons-nous à ses abords immédiats. A thing of beauty is a joy for ever nous a susurré John Keats en un de ses immortels poèmes, les faits lui donnent doublement raison, car elles sont deux. Deux filles. Deux aimants, vous attirent les guys comme la paratonnerre la foudre. Sourires enjôleurs et réparties fuselées, des girls style riot grande, peur de rien et qui rient de tout. Chouettes divas athéniennes que rien n'effraie. Se jouent des boys, impertinentes et provocatrices, des calamités sur pattes, mais les voir c'est déjà les absoudre. De multiples défauts, mais une grande qualité : font partie de The Flug.

    THE FLUG

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    Un garçon relégué dans le coin au fond. Quantité négligeable. Fait tout le bruit qu'il faut sur sa guitare, vous la fait vrombir comme une attaque de spitfires en piqué, dégomme dur et décalque sec. Oui mais un gars qui s'exhibe avec trois filles sur scène pour lui tout seul n'est-il pas qu'un sombre égoïste ? Remarquez la vie ne doit pas être drôle tous les jours pour lui. La plus grande est à la basse. De visu elle semble être de bonne famille, bien élevée et toute gentille. On lui a sûrement appris à ne pas ouvrir la bouche pour n'importe quoi. Mais ses lèvres dessinent un sourire fin et ironique qui en dit long. De toutes les manières se trahit toute seule, vous émet une onde de choc prolongée, une espèce d'attaque noisy burn out qui vous déblaie le chemin au lance-flammes. A tous les deux nos musicopathes vous tissent ce que dans les ouvrages de science-fiction l'on nomme le rayon de la mort. Inutile de courir. Vous ne ne lui échapperez pas.

    Surgissent de chaque côté du fétiche syncopal, micro en main. La Blonde et la Brune. Donnent de la voix l'une après l'autre. Possèdent un timbre identique, fermez les yeux – ce serait fort dommageable - et vous ne saurez pas discerner celle qui entonne le chant de guerre. Elles éructent à la sauvage, elles ne s'embarrassent pas de lyrics raffinés, flug par ci, flug par là, flug au monde entier, flug à l'univers, flug you and flug me, flug à tout ce qui est, et flug à tout ce qui n'est pas, la hargne et la haine, à toutes deux elles sont la hyène et le chacal, le chien courant et la meute, ne respirent plus, ne sont que déversoir de rage, souffle d'huile sur le feu, chant tintamarre qui dégoise et ratiboise, métal hurlant. Et les pals deviennent fous quand elles descendent de l'estrade et se mêlent à eux, ils ondulent, s'entrechoquent et grouillent autour d'elles comme les serpents autour de la tête de la Gorgone, hypnotisés par ces deux prêtresses en combinaison de travail qui prêchent le vacarme, le marasme, et l'anéantissement de la raison humaine. Extremist hurlent-elles et la musique semble s'écrouler sur elle-même, elles sont les sœurs jumelles de la déraison et de la colère, la vouivre à deux têtes gonflées de poison et de venin, elles sont passion et destruction, elles sont l'incendie et la cendre, le tapis de bombes et la fulgurance de l'explosion.

    C'est fini. Elles redeviennent des filles comme les autres. Pas tout à fait. A voir le cortège des boys qui ne cesseront de papillonner autour d'elles, comme les phalènes autour du bout incandescent de la mèche du bâton de dynamite. Flug le désir !

    BILL CRANE

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    Une entité. Sortie du crâne d'Eric Calassou. Avec cette particularité que de temps en temps, le créateur se confond avec sa créature. L'on ne sait pas laquelle de ces deux composantes s'incarne en l'autre mais ce dont on est certain c'est qu'à chaque avatar nous sommes au plus près du rock. Trois sur scène ce soir. Ne resteront pas longtemps car il se fait tard. Dommage, mais nous aurons eu l'essentiel. Huit titres issus de leur dernier CD.

    D'abord la guitare d'Eric. Avant de l'entendre, il faut la voir. Donne l'impression de la désolation. Le pan de mur d'une maison abandonnée. Le plâtre et des inscriptions effacées par le temps. Comme une remontée à l'ère des origines. Lorsque le rock'n'roll n'était qu'une fissure dans le vertige du monde. La lézarde fongicide et irrémédiable qui en précipiterait la ruine. Eric joue comme s'il était en survie. Funambule sur ses cordes. Trapéziste qui se fraye un chemin dans le dédale emmêlé des agrès d'un cirque dont le chapiteau aurait été emporté par une tempête dévastatrice. Un jeu de brisures, de glissements, de reprises, de reptations, de rétablissements, au-dessus de l'abîme, au-dessus de la cime, mais en progression. Une avancée chaotique, le chat sur le toit fulminant, le danger est partout, en instabilité permanente. Move It pour ouvrir le set. Bouge ça et surtout bouge-toi car la mort te grignote les talons, le rock est un exercice de survie, un riff, un simple riff n'est qu'une pente verglacée, une balade à trous multiples, faut savoir s'y jeter dedans et avoir l'instinct de remonter l'entonnoir engloutisseur. Le riff est une aventure métariffique. L'on joue du rock pour brûler sa vie. Roulette russe le pistolet au bout du cran.

    Gwen le seconde magnifiquement. L'a compris qu'il n'est pas là pour pêcher à la ligne de basse. Pousse des brandons sous la marmite infernale. L'est présent pour en accélérer la chauffe, la faire exploser au moment idoine, telle une pivoine rouge dans un poème japonais. Sa basse cliquette vicieusement comme le clic de sûreté qui empêche la crémaillère du train de céder à la pesanteur vertigineuse de la renonciation à surmonter les sommets aux glaciers transparents. L'est des fausses routes qui peuvent se transformer en déroute, lorsque Eric semble s'être aventuré sur un carrefour sans issue, Gwen déneige au chalumeau, il ouvre une voie qui permet de franchir l'obstacle.

    Ce soir Bobo a décidé de manier le bulldozer. L'écrase les toms avec une joie sans égale. Le jazzman mange son pain blanc, alors les rockers vous voulez du rock, et il vous abat les quintes flush comme s'il en avait une armée en réserve dans ses bras de chemise. Pas de pitié, pas de quartier, pas de prisonnier, en avant toute, balayez les doutes et foncez droit devant. Comme l'on dit vulgairement pousse au cul, et les deux zèbres ne renâclent point à la tâche, galopent et dropent à toute vitesse. Un set à train d'enfer qui suscitera de forts applaudissements approbateurs chez les connaisseurs, notamment sur ce Travellin' Man qui fonce et vous défonce les cartilages du cerveau.

    Le set se termine bien trop vite, mais Bill Crane a trépané tous les amateurs. Zombies qui n'attendent plus que le retour du maître.

    SILLY WALK

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    Dans la teuf-teuf qui me conduisait à la Comédia je m'interrogeais sur le sens caché du nom de ce groupe dont j'ignorais tout. Cette marche stupide évoquait-elle les Monty Python ou the duckwalk, la fameuse marche du canard de Chuck Berry ? Je n'en savais rien, et n'en sais pas plus aujourd'hui, mais lorsqu'ils m'ont confirmé qu'ils venaient de Toulouse – ô lou pais de ma folle jeunesse – je me disais qu'ils ne pouvaient pas être totalement mauvais, non seulement mon intuition était bonne mais ils furent sacrément meilleurs. Et pourtant, ils inauguraient une ère nouvelle puisque leur chanteuse venait de les quitter. Souvent femme varie, Bien fol est qui s'y fie !

    Silly Walk a le rock sauvage. Ils n'y peuvent rien, ce n'est pas de leur faute, c'est naturel chez eux. Ne sont sont pas du genre à faire beaucoup de bruit pour rien. Déménagent. Vous emportent les meubles, les portes et les fenêtres. N'oublient même pas les murs. Vous cassent la baraque. Dès le premier morceau. Power rock trio.

    Marco martèle. Contrairement à ce qu'ils prétendent les Silly Walk ne procèdent pas d'une démarche idiote. Z'ont assez écouté les poupées de N. Y. et les Coeurs Brisés pour avoir compris que dans le rock la batterie est comme le crachat de Dieu. Elle ne se pose ni devant, ni derrière. Encore moins à côté. Elle se doit d'être partout à la fois et en même temps. Attention, pas un mur de briques qui arrête toute velléité subsidiaire. Non, tornade de feu en constant déplacement. Des pâles d'hélicoptères folles, si vous possédez un guitariste et un bassiste capables de s'enfourner dans la fournaise du rotor fou, vous êtes sauvé. Comme par hasard Silly Walk détient en son cheptel ces brebis rares. Des ovins carnivores, aussi agiles que des tigres affamés. Raoul est à la guitare au chant. A l'étincelle et à la plaine incendiée en même temps. Pas le temps de s'ennuyer avec lui, vous file l'impression qu'il a engagé un duel au riff avec lui-même. Là où un autre vous en refilerait un, lui il vous en entortille deux l'un dans l'autre, un bruit d'enfer, le genre choc de titans en colère ou combat de rhinocéros en furie. Alex à la basse n'est pas le gars contrariant, question grabuge il sait poser son grain de sel. L'a la basse sourde et crépitante. Les deux à la fois. Pourquoi rechercher le silence quand l'on a trouvé le secret de la tonitruance. Un véritable pousse-au-crime. Ne s'embête pas avec les remords. Vite fait, bien fait. Lui faut une autre victime. Immédiatement.

    Silly Walk c'est franc et direct. Pourriez aussi bien dire vicieux et traître. Tous les coups sont permis. Le rock est un sport de combat, full contact. A consommer sans modération. Même quand Raoul chante que My Baby is gone with my Telephone, il se range franco plutôt du côté des dents du crocodile que de ses larmes. Silly Walk est partisan du rock qui mord. Heureusement qu'ils nous ont indiqué que Parachutiste était de Leforestier, parce que personne ne l'aurait reconnu. Radio Béton et Titanic Reaction, les titres parlent d'eux-même. Apothéosent sur un Runaway et un Fingers up apocalyptiques.

    Groupe idéal pour finir un concert. ( Pour le commencer aussi d'ailleurs ). Vous bousculent les tympans de manière fort agréable. Débranchent les appareils sous la clameur du public rassasié.

    Damie Chad.

     

    MOVE IT

    BILL CRANE

    Bill : guitare, chant / Pat : sax baryton / Gwen : basse / Bobo : batterie.

    MyZikind / Sound cloud / Bill Crane Official

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    Move it : le rock'n'roll à l'état pur, un sax qui dérape sans fin, une rythmique qui bat de l'aile et des guitares qui couinent comme si l'on était en train de les égorger, la voix qui force le destin, tous les ingrédients de la vie déjantée réunis. She's my baby : tintamarre de poubelles dans le petit matin, l'on se console comme on peut, la vie est une maladie, ce que l'on préfère ce sont les poussées de fièvre. Lonely : à tout instant le sax sera méchant, la plainte sempiternellement colérique des abandonnés fiers de l'être, car il vaut mieux être seul que mal accompagné, la musique appuie là où ça fait mal. Normal, sans quoi ce ne serait pas du rock'n'roll. Lovely face : bruits inquiétants, la voix titube, la guitare grince, la batterie se réfugie dans le triangle des Bermudes, le chant comme une incantation à la lune noire. Ne jamais regarder le soleil en face. Ce qui est visqueux est vital. Le sax en robinet d'eau sale qui fuit. Sans fin. SM dream : une rythmique revigorante, un vrai coup de fouet. Une ambiance maladive à la Lou Reed, la voix qui mord et ordonne en maître, satin de guitare froissée. Surf rider : une cloche qui sonne pour endormir les mort-vivants, des riffs maladifs, une basse répulsive, une batterie qui cogne sans espoir à la porte noire qui ne s'ouvrira pas. Instrumental de cristal carboné. Brisé et incassable. Une matière inconnue. I love her : impulsion de guitare et la voix qui éclate, de la réverbe tous azimuts, la basse dégringole des escaliers, à croire que tout se perd en ce bas-monde, les temps de l'imploration sont arrivés. On s'arrête doucement sans faire de bruit. Loverman : insistances, le vocal décisif, et la musique mortuaire qui n'en finit pas d'enterrer vos dernières illusions. Cela ressemble à une invocation satanique, mais sans illusion. Travelin'man : ( to Mousique & Big Joe ) : cavalcade de sax, affirmation de soi, respect aux grands ancêtres, dès qu'il touche à sa propre légende le rock'n'roll reprend vie. Chant de triomphe. Haillons royaux. I can't help it : ( to Chuck Berry ) : le bon vieux groove des familles. La guitare sonne, le boxeur se lève et retourne sur l'adversaire. Vous le met en K.O. D'un direct au foie meurtrier. Le rock c'est ça : définitif.

     

    Enregistré dans les conditions du direct live. No overdub. Juste le son de la crudité de la vie. Pochette minimaliste.

    Si vous aimez le rock agonique et désespéré des serpents qui rampent sur votre descente de lit, vous n'écouterez que ce disque. L'esprit rock. Le cloaque intérieur. Plus qu'un chef d'œuvre, un acte poétique.

    Great.

    Damie Chad.

     

    SILLY WALK

    Léo Ladysioux : lead vocal / Raoul Bertache : guitars, vocals / Alex : bass, vocals / Marcacide : drums.

    SW001/ Eté 2016.

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    L'allure d'un 33 tours, mais à faire tournoyer en 45 tours. La première de couve étrangement similaire à celle du CD de Bill Crane. Platon avait raison, les idées ne nous appartiennent pas. Ce sont elles qui nous visitent. Regardez le dos de la pochette pour apercevoir l'héroïne, elle a la voix qui pique comme une pustule, mais qui refuserait d'être embrassée par cette langue de vipère rock'n'roll !

    Nobody Knows : un coup de guitare à vous trancher la tête. Des cymbales qui vous roulent dans la sciure. Ladysioux se lance sur le sentier de la guerre. Une voix vindicative qui n'admet que l'obéissance absolue. Et la tribu des trois gars la suivent au galop en essayant de la dépasser, se font rappeler à l'ordre des prérogatives, la cheftaine devant, s'éloignent dans un torrents de poussières et des hurlements de guitare. La horde disparaît bien trop tôt au premier tournant. Barcelona : les Ramblas à fond de train. Un prétexte pour foncer à toute vitesse, brûler les feux rouges et vous faire de ces coups de freins à vous décoller le dentier et la rétine. Imaginez la Ladysioux debout avec le buste qui dépasse du toit ouvrant et qui vous insulte les passants juste pour le plaisir. Avant de les écraser. Et les boys au moteur qui conduisent, comme un marteau sans maître pour Marcacide aux drums, et à la scie égoïne pour les cordiers. Runaway : une tragique histoire d'amour. Rien de sérieux. Juste un prétexte pour vous vous amuser. La Lady vous sort sa voix de mijaurée, et les gars miaulent comme des chats à la mi-août. Juste de le plaisir de se jeter le non-dit des rapports psychanalytiques en pleine face. En n'importe quelle circonstance le rock est une musique de jouissance. Wild : Un titre qui ne vous prend pas par surprise. Silly Walk isn't sweet. Une batterie qui résonne comme un tambour de guerre et Lady Sioux qui décolle et caracole, une véritable peste triomphatrice, genre je ramène ma fraise tagada à l'arsenic, les guitares filent rapide, et les musicos qui ne demandent pas leur reste, elle vous les cisaille de sa voix, ne doit plus en rester grand-chose. My babe is gone with my telephone : il est parti avec le téléphone, les trois boys font la course pour le lui ramener ce maudit clavier qu'apparemment elle préfère à son boyfriend. L'on compatit avec lui, à sa place on en aurait fait autant. Insupportable la miss, mais si craquante. I want more : encore un caprice. Pouvez lui apporter le monde sur un plateau, elle s'en fout, lui faut encore plus. Pourtant lui tissent une de ses robes d'organdi dont toutes les rockeuses rêvent, s'en moque, vous la déchire et vous la piétine sans rémission.

    Damie Chad.

     

    18 / 05 / 2018TROYES

    3 B

    KIERON McDONALD

    HANK'S JALOPY DEMONS

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    A vue d'œil sur la mappemonde l'Australie c'est loin. En prime me faudrait de gros pneus – assurent une meilleure flottaison – pour la teuf-teuf, et une paire de rames car on ne sait jamais. Peut-être pourrais-je louer un pédalo, mais non, après renseignement cette option est hors de prix. Je ne suis pas anéanti, un rocker possède toujours un plan B, à trois étoiles, communément appelé plan 3 B. Quand vous ne pouvez aller à la montagne, laissez la cordillère venir à vous. D'ailleurs la voici, elle n'est pas loin, à Troyes, en plus elle s'est pointée fissa et pas radine, avec deux sommets. Deux pitons volcaniques. En activité selon la terminologie des spécialistes, chance, nous aurons droit à deux éruptions.

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    Je ne suis pas le seul, en plus du vieux fond traditionnel des rockers, le bouche à oreilles doit dans la bonne ville de Troyes fonctionner à merveille, de nouvelles têtes apparaissent en nombre, pas spécialement des gens attirés par le rockabilly mais l'on commence à s'apercevoir aux alentours que dans ce modeste bar, passent régulièrement de super musiciens...

    HANK'S JALOPY DEMONS

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    Ne jamais se fier à ce que l'on voit. Toujours à ce que l'on entend. I'm Goin Straight et là c'est du pur rockab, sans une once de graisse, sans produits mortifères ajoutés. La beauté minéralogique du désert. Cactus solitaires aux épines meurtrières, colonies de crotales se prélassant sur le sable sec et brûlant, solitudes spectrales, un rockab décharné jusqu'aux os blanchis sous le soleil. Une épure essentielle. Reste à savoir comment ils parviennent à produire cette merveille. Au premier abord, sont simplement en train de jouer et de chanter, comme tout le monde serait-on tenté de dire. Simplement, sans effort, sans effet de manche, sans pose théâtrale, cette dramaturgie réduite au minimum exige une étude et une observation poussée. Prenez Andrew Lindsay, à la batterie, pépère débonnaire à grosse casquette qui remue la choucroute sans forcer sur sa caisse claire.

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    J'ai mis du temps à débusquer le lézard. Pratiquement invisible. Fais ses coups en douce, le Lindsay. Toujours du même côté. Le gauche. Mériterait d'être surnommé Lefty Lindsay ! De la droite il sert les hors d'œuvres, mais de la gauche – c'est à peine s'il la remue – vous abat le gros gibier entre les deux yeux. Jusqu'à ce jour je ne savais pas que l'on pouvait frapper aussi fort, juste en remuant tout petit peu le poignet. Commence à comprendre comment le combo fonce droit dans la vallée de la mort sans perdre son haleine. Surtout n'allez pas croire que nous avons affaire à un hémiplégique parce que du côté droit, il turbine salement right, le Lindsay et à tous les niveaux. Un principe de base, au-dessus de la ceinture travaille pour la guitare et au-dessous il bosse pour la contrebasse.

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    Encore un qui à l'air d'attendre le train sur le quai de la gare. Le mec placide, Til Snappy Vex, balance sa poigne sur le cordier sans avoir l'air d'y penser. L'est tout souriant, le gus content de lui et heureux de vivre sans savoir pourquoi. Vous fait la pompe à bras sur sa big mama sans y réfléchir. La main calleuse qui slappe sans effort, l'a dû faire ça toute sa vie. Pour un peu vous le traiterez de fonctionnaire de la double bass. Il n'est de pire sourd que celui qui ne veut pas entendre, sont deux à jouer ensemble, Til and Andrew, les towers twins de la rythmique, pas de celles qui s'écroulent, de celles qui restent stables durant les ouragans. Pire ce sont eux qui provoquent les tempêtes de sable qui vous engloutissent une civilisation en trois heures. Andrew du pied lui envoie la balle par le tunnel de la grosse caisse et le Snappy vous la réceptionne illico. Et tout de suite ils recommencent. Stompent à la kangourou – ne viennent pas d'Australie pour rien - le rythme avance par rebonds, à intervalles calculés au millimètre près, bref le combo carbure sans bromure.

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    Mais revenons du côté de Lefty sound. Sa baguette droite, s'en sert de temps en temps pour taper sur la cymbale. Un coup, ça suffit. Juste un signal. N'en faut pas plus à Dave Cantrell pour vous offrir une démonstration de guitare. Ne monopolise pas l'attention, pendant trois jours, vous refile quatre notes à la rapidité de l'éclair. Vous éblouissent. Quatre pichenettes qui vous illuminent l'âme, du cristal le plus pur, extase sonique, vous en reprendrez bien, cela tombe bien, il n'est pas avare, suit bientôt une deuxième démonstration, puis une troisième et infiniment ad libitum. Mais ne sort jamais du cercle proposé par la base rythmique, ne marche pas sur les salades des copains, et ceux-ci n'oublient jamais de lui laisser une ranger pour planter ses laitues.

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    Pour le moment nous avons droit à une de ces reproductions à l'identique de l'american rockab, tel qu'il en explosait de temps en temps entre 1954 et 1956, et pourtant malgré tout, tout cela ne sent pas l'imitation ou la copie conforme. Non, ça ne sonne pas faux, plutôt résolument moderne. Une rythmique légèrement plus rock, un peu plus rentre-dedans, je veux bien l'admettre, mais il y a autre chose.

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    Et surtout quelqu'un d'autre. Hank Ferguson – c'est à cause de lui que l'on ne reconnaît plus personne – porte haut sa guitare rythmique tout près du cœur et vous a une voix des plus martiales, chante comme un dieu, un timbre qui vous cloue sur place. L'a tous les tics du chanteur rockab. Mais il ajoute un plus. L'occupe toute la place, ne laisse aucun espace à ses acolytes, ce n'est pas par égoïsme, sont tellement doués et surs de leur fait qu'on les entend sans problème. Le chant de Hank écrase tout mais n'occulte personne. L'est partout à la fois, infatigable, increvable, irremplaçable. Dig You Baby, High Voltage, Wig Flip Bop, vous refile du lait d'alligator survitaminé, du grand art, le gars qui vous fait les vingt-quatre heurs du Mans en tête du début à la fin de la course, sans même s'arrêter pour faire le plein. L'a de l'énergie à revendre.

    Dans l'interset, pendant que disques, CD et T-shirts s'arrachent, ça papote dur chez les amateurs, une merveille. Une chance extraordinaire que Béatrice la patronne ait pu les arrêter sur Troyes lors de leur tournée européenne, l'a des antennes de sorcière.

    KIERON McDONALD

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    Pas de crainte, pas un hamburger avarié. Un mec avisé. L'a gardé les mêmes musiciens. Hank Ferguson est dans la foule, Khieron McDonald a pris sa place devant le micro. Pour Til Snappy Vex et Andrew Lindsay, rien ne change, nous resserviront la même gelée royale. Désormais nous refuserons de toucher à un autre condiment auditif. Mais pour Dave Cantrell la charge de travail s'alourdit.

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    L'a une sacrée classe Kieron McDonald, il ouvre la bouche et hop c'est emballé, pesé. Des facilités, une aisance extraordinaire. Vous ne le quittez plus de l'oreille. L' a plusieurs registres. Le premier à l'ancienne, Little Girl, I don't Love You Anymore, I Don't Wana, vous croyez entendre Hank – pas Ferguson, Williams – vous a la voix qui nasille et cet accent traînant du vieux Sud qui vous tope aux tripes, et bien sûr il prend le temps de respirer, vous glisse des silences, entre deux couplets, au milieu d'un vers, en prosodie on dirait qu'il respecte la coupe à l'hémistiche, et puis ces arrêts stoppin' en plein milieu du stompin, évidemment c'est à Cantrell à marquer le coup, dès que la voix s'estompe, c'est la guitare qui klaxonne, vous savez ces dégelées de notes, comme quand l'étagère des pots à confiture de tante Agathe cède sous le poids des bocaux et vous les précipite sur le carrelage, ces tintements délicieux de verres cassés, fracassés, fricassés... et la voix qui reprend comme s'il ne s'était rien passé, jusqu'à la prochaine catastrophe qui ne saurait manquer.

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    Mais ce n'est pas tout. Cadeau maison McDonald, Kieron lui laisse le temps de se lancer dans de véritables soli rockab, pas un égrenage de quatre notes, une plaine infinie de quinze secondes, le must du guitariste rockab, toute l'âme résumée en un tour de main, une torsade de passe-passe dont les musiciens de jazz ne comprendront jamais l'urgence absolue, l'en a les yeux, encore plus bleus que sa chemise, qui lui sortent de la tête le Dave, y prend un plaisir fou, se surpasse à chaque fois. Ne nous ressort jamais le même. Invente sans cesse.

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    Mais McDonald n'est pas un Kieron qui se repose sur une seule patte à l'ombre des palétuviers. Fifties à mort, mais aussi sixties à vie. Le rockab campagnard avec ses galops de bronco certes, mais surtout ne pas oublier le white rock des garages et des châssis surbaissés. Un boulevard, une piste d'Indianapolis pour un guitariste, Cantrell hot-rode sans capot avec les flammes qui jaillissent de partout.

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    Hank et Kieron se partageront le dernier set. Une dernière démonstration. Nos cinq rockabillymen auront marqué les esprits. Les corps aussi car si toute une partie du public les a mangés des oreilles, l'en est une autre qui bouge à se damner. Applaudissements mérités et triomphe assuré. Mieux que cela, ils ont suscité le respect. Des prestations impeccables et admirables, à vous laisser muets. Avis aux amateurs, ne feront qu'une seconde date au Balajo, ce mercredi 23 mai à Paris. Sinon seront un peu plus loin, Belgique, Hollande, Suisse, Allemagne, Croatie...

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    Plus le temps passe, plus il se passe de choses extraordinaires au 3 B !

    Damie Chad.

    P. S. : Un gros merci à l'ingé du son Fab et à Béatrice Berlot dont la programmation pour la saison suivante s'annonce affriolante...

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    ( Photos : FB : Béatrice Berlot / Fabien Hubert DjRockin Cats )