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  • CHRONIQUES DE POURPRE : KR'TNT ! 661 : GIORGIO GOMELSKY / GRAHAM DAY / WRECKLESS ERIC / RICHARD HAWLEY /DEIMONAS / BLEAK SHORE / MOURNING DAWN / C. I. A. HIPPIE MIND CONTROL /

    KR’TNT !

    KEEP ROCKIN’ TIL NEXT TIME

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    LIVRAISON 661

    A ROCKLIT PRODUCTION

    FB : KR’TNT KR’TNT

    17 / 10 / 2024

     

     

       GIORGIO GOMELSKY / GRAHAM DAY

    WRECKLESS ERIC / RICHARD HAWLEY /

       DELMONAS / BLEAK SHORE / MOURNING DAWN

    C.I.A. HIPPIE MIND CONTROL

     

     

    Sur ce site : livraisons 318 – 661

    Livraisons 01 – 317 avec images + 318 – 539 sans images sur :

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    Wizards & True Stars

     - Gomelsky fout la gomme

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             Oh pas grand-chose. Juste un mini-book pour l’un de ces movers du shaker dont l’Angleterre eut le secret à l’aube des sixties : Giorgio Gomelsky. On parle de lui depuis soixante ans, sans jamais bien prononcer son nom, et sans jamais savoir exactement ce qu’il fricotait dans toute cette histoire de Rolling Stones et de Crawdaddy. Le book de Francis Dumaurier fait enfin la lumière sur une histoire qu’il faut bien qualifier d’extraordinaire. On commence par découvrir que le book a d’abord été écrit en français, et on sent, à la lecture de cette version, le côté laborieux du travail de traduction du français vers l’anglais, qui n’est jamais recommandé. Pourquoi ? Parce que ça n’est pas la même énergie de la langue. Le français qui s’adresse à l’anglais est trop poli, trop soucieux de se faire comprendre, alors il doit sécuriser ses formulations. Viser le sens avant le swing. Renier la musique de la langue pour favoriser l’efficacité. C’est ce qu’on appelle l’anglais universitaire, l’anglais des interprètes. Il n’empêche que ce book s’avale d’un trait, car c’est avant toute chose l’histoire d’une fabuleuse amitié entre l’auteur et Giorgio Gomelsky.

              Dans les prémices, Dumaurier salue les gens du Camion Blanc chez qui son book est d’abord paru. L’aurait-on lu en français si on l’avait su ? Comme toujours, la réponse est dans la question.

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             Comme son nom l’indique, Dumaurier est un globe-trotter français qui après avoir vu les gros concerts parisiens des early sixties, est allé voir les gros concerts londoniens de la même époque, puis les gros concerts américains un tout petit peu plus tard, y compris Altamont et Woodstock. Puis il a globe-trotté dans les forêts d’Amazonie avant de revenir s’installer à New York et d’y nouer une amitié longue de plusieurs décennies avec devinez qui ? Giorgio Gomelsky, lui aussi globe-trotter d’origine géorgienne (ex-URSS), qui, après avoir crapahuté à Londres et à Paris, a fini par jeter l’ancre à New York.

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    ( RONNIE !)

            Qui présente Dumaurier à Giorgio Gomelsky en 1981 ? Certainement pas Jagger ni cette pomme de terre de Bonobo qui fourre son nez partout. Non, il s’agit de Ronnie Bird, qui, redevenu Ronald Mehu, vit à New York. Dumaurier et Ronnie bossent tous les deux dans la télé d’alors, et comme Ronnie est pote avec Giorgio Gomelsky, alors il fait les présentations. Bien sûr, Dumaurier a été fan du Ronnie Bird de l’âge d’or, un Ronnie Bird qui a fait la première partie des Stones en 1966. On trouve vers la fin du book une petite photo de Ronnie et Giorgio. Ils sont tous les deux extraordinairement bien conservés. Deux superstars. Dumaurier évoque aussi un coffret 5 DVD consacré aux Stones, Just For The Record, dans lequel tout le monde témoigne sur les Stones. Invité à témoigner, Dumaurier se trouve donc sur de DVD 1, entre Ronnie Bird et Anita Pallenberg. Effectivement, Ronnie s’exclame «The news was spreading», et Dumaurier surgit à l’écran, en tant que «fan». Ce DVD 1 est l’occasion de replonger dans l’early Stonesy d’Elmo Williams et de the Ancient Art of Weaving at Edith Grove, dans le Crawdaddy de Richmond et l’arrivée du Loog - Music, image, fashion, sexuality, politics, all on the same level - Eddie Kramer qui traite le Loog de visionnaire, un Loog qui commence par virer Stu du groupe pour le recycler en road manager, et pouf «Come On» de Chucky Chuckah en 1963, puis «I Wanna Be Your Man», puis l’«It’s All Over Now» des Valentinos de Sam Cooke at Chess, puis la mass hysteria & the Stones craze, puis le Teen Age Music International, c’est-à-dire le T.A.M.I. show où les Stones OSENT passer après James Brown, puis Monsieur Klein en 1965 et Eddie Kramer qui remet les pendules à l’heure : «Brian was the real heart & Soul of the Stones», because at the beginning t’avais Brian & Keef, mais le Loog a imposé Mick & Keef, et tout ça monte en neige avec Jimmy Miller et «Jumping Jack Flash», puis le dernier petit tour de Brian dans le Rock’n’Roll Circus et puis la fin des haricots avec la fucking piscine. D’où l’haine des piscines. L’haine mortelle des piscines.

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             Deux périodes très chaudes dans ce mini-book : la période des débuts à Londres, et la période de fin à New York, deux tranches de vie qu’il faut bien qualifier d’explosives. De la même façon que Chris Stamp et Kit Lambert, Giorgio Gomelsky commence par vouloir faire du cinéma à Londres. En 1955, il filme les musiciens de jazz. Puis lui vient l’idée d’importer une machine à café italienne et d’ouvrir une cafétéria dans un pays où on ne boit que du thé : the Olympic Coffee Bar on the King’s Road (celle de Max Décharné), pas très loin de Sloane Square, nous dit Dumaurier. Parmi les clientes de L’Olympic Coffee Bar se trouve naturellement Mary Quant. Puis Giorgio sent venir le vent, comme on dit, et comme il est passionné de blues et de jazz, il organise des concerts. En janvier 1963, il fait jouer le Dave Hunt Rhythm & Blues Band, dont fait partie une petite oie blanche nommée Ray Davies. Puis harcelé par Brian Jones, il fait jouer les early Rolling Stones un mois plus tard au Station Hotel à Richmond. Il n’y a que 3 personnes dans la salle, mais Giorgio demande au early Stones de jouer quand même. Et hop, c’est parti ! Grâce à qui ? Au kiki Gomelsky. Il baptise l’endroit Crawdaddy Club, inspiré par le «Doing The Crawdaddy» de Bo Diddley que reprennent les early Stones sur scène. Il passe des petits encarts dans la presse, avec des formules du genre : «The craziest new Rhythm & Blues sound of the unparralleled Rollin’ Stones.» En plus des Rolling Stones, Giorgio programme les Paramounts (futurs Procol), les Moody Blues, les Muleskinners dont fait partie le futur Small Faces Ian McLagan, les Animals et Steampacket, avec Rod the Mod ET Long John Baldry. Grâce à leurs deux concerts par semaine au Crawdaddy et ceux du weekend à Eel Pie Island, Twinkenham, les early Stones décollent comme l’hydravion géant d’Howard Hughes. Puis Giorgio lance le national Jazz Festival à Richmond et commence à programmer des cracks comme Mose Allison, Jimmy Witherspoon et Memphis Slim, et puis tous ces artistes anglais inimaginables du calibre de Georgie Fame & The Blue Flames, the Graham Bond ORGANization, Manfred Mann et Long John Baldry. N’en jetez plus !

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             Giorgio est donc de facto manager des Rolling Stones : il les a lancés, il les soutient et les booke. Mais le ciel va s’assombrir pour le pauvre Giorgio. Pendant qu’il se rend aux funérailles de son père en Suisse, Brian Jones confie le destin des Stones au jeune Andrew Loog Oldham, un Loog qui a les dents longues et qui a déjà du métier, car il a bossé comme agent de Presse pour Brian Epstein et les Beatles, et comme arpète pour Mary Quant. À son retour, Giorgio est choqué. Il faisait confiance à Brian Jones. Il est possible que sans Giorgio, les Stones n’auraient jamais décollé. C’est en tous les cas ce qu’on est tous tentés de penser.

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             Giorgio repart de plus belle au Crawdaddy avec les Yardbirds. Dumaurier qui est prodigieusement documenté rappelle qu’avant d’intégrer les Yardbirds, Clapton avait joué en duo avec Dave Brock. Giorgio prend le destin des Yardbirds en main et les produit. Il chante même sur «Still I’m Sad». Jeff Beck qui a remplacé Clapton ramène toute la modernité du monde dans le groupe. C’est Giorgio qui leur invente le terme ‘rave-up’. En 1965, il emmène le groupe en tournée aux États-Unis et il conduit la bagnole comme un dingue à travers les plaines. Jeff Beck le traite de «mad Russian». Comme ils sont de passage à Memphis, Giorgio a l’idée d’enregistrer chez Uncle Sam. L’anecdote vaut le détour. Même si tout le monde la connaît, Francis Dumaurier nous la ressert sur un plateau d’argent : quand ils se garent devant le Sun studio, c’est fermé. Uncle Sam est parti à la pêche. Giorgio et son gang de Yardbirds décident d’attendre son retour. Quand il arrive vers minuit avec ses cannes à pêche, Uncle Sam n’a pas trop envie de bosser avec ces Anglais, alors Giorgio lui propose 600  $. Okay. Ils enregistrent «You’re A Better Man Than I» et «Train Kept A Rollin». Fin de session à 7  h du mat. Voilà l’un des beaux épisodes de la légende du rock. La lune de miel avec les Yardbirds ne va pas durer très longtemps. Jeff Beck quitte le groupe, remplacé par Jimmy Page, et leur manager Simon Napier-Bell suggère que Giorgio dégage pour être remplacé par Peter Grant. Tout le monde connaît la suite de l’histoire, Led Zep et tout le bataclan. Giorgio se retrouve une fois de plus le bec dans l’eau.

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             C’est en 1966 qu’il monte Marmalade Records. Dumaurier raconte qu’ils sont 8 à bosser à plein temps chez Marmalade et qu’ils font la fête toute la nuit. Au roster du label et de Paragon, l’agence de relations publiques attenante, on trouve des gens comme John McLaughin, Julie Driscoll, Brian Auger & The Trinity, les Blossom Toes, Graham Gouldman, les futurs 10cc et les Danois de Savage Rose. L’un des singles magiques de Marmalade est «This Wheel’s On Fire» de Julie Driscoll. Bizarrement, Dumaurier oublie de citer Gary Farr et son album cultissime, Take Something With You. Marmalade va se casser la gueule en 1969, ce qui n’empêchera pas Giorgio de remonter Utopia Records à New York dans les mid-seventies.

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             Puis il reprend tout à zéro lorsqu’il s’installe à Paris. Dumaurier rappelle que Daevid Allen faisait partie de Soft Machine et qu’au retour d’une tournée en France, Allen se vit interdire l’entrée sur le territoire britannique. Alors il est resté en France et a monté Gong, que manage Giorgio, dès 1969. Il leur négocie un contrat sur BYG et c’est parti. Giorgio recrée de la légende, un autre genre de légende, mais de la légende quand même. Puis il manage Magma. Il dit même que Magma est son groupe préféré. Il bosse aussi avec Henry Cow, et des groupes kraut comme Can et Amon Düül. Il file aussi nous dit Dumaurier un coup de main sur la prod du cultissime 666 d’Aphrodite’s Child. Giorgio aime bien les gros cultes. 

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    (Photo : Bob Gruen)

             Quand il s’installe à New York en 1977, RCA finance son nouveau projet, Utopia Records : il voit ça comme le «quartier général d’un underground culturel international». Il s’installe au 21 West 16th Street et vit de la rente que lui verse RCA. Il traîne dans les clubs, notamment le CBGB et Max’s Kansas City. Puis il s’installe au 140 West 24th Street et y ouvre The Zu Club.

             — Zêtes zutiste, Giorgio ?

             — Voui, Zazie !

             Dumaurier corrige le tir en précisant que le Zu vient de l’Égypte ancienne et non de l’un des fameux dîners des ‘vilains bonhommes’ du Quartier Latin. Giorgio fait venir Gong à New York et les rebaptise New York Gong, mais ça ne marche pas. En 1979, il fait monter une vingtaine de freaks à bord d’un vieux school bus pour une tournée de trois mois, mais ça plante. Le public du Midwest ne veut pas de Gong.

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             Et voilà l’essentiel : l’éthique de Giorgio Gomelsky - Je hais le music business et le film business. Je hais toute forme de business qui touche à l’art. Pour moi, c’est du mauvais business. Ces gens-là ne font pas les choses comme il faut. J’ai toujours poussé les artistes à créer leur propre business. Ils sont ainsi propriétaires de leur œuvre, et vous partagez les profits avec eux. C’est une façon de préserver l’authenticité de l’art - Giorgio qui est un homme étonnamment moderne pour son temps se passionne pour les personal computers qui en sont à leurs balbutiements. C’est pour ça qu’on tombe sur la photo d’un Commodore Amiga 1000 de 1985. C’est aussi juste avant Internet. En plus de tout ça, il filme pas mal de gens et rassemble des archives pour une éventuelle encyclopédie du rock, mais quand il casse sa pipe en bois, les archives disparaissent. Dumaurier parle ici de «best-kept secret of his generation.»

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             Et vers la fin du book, Dumaurier donne la parole à des amis de Giorgio, et là ça devient  carrément explosif. Bob Gruen raconte qu’il a rencontré Giorgio au bar du Tramps, le fameux club de la 15e rue. David Johansen et Bob deviennent potes avec lui. Un Giorgio qui ne parle jamais de son passé, mais plutôt de l’avenir. Gruen finit par découvrir que Giorgio a été pote avec Gainsbarre et c’est Gainsbarre qui l’a connecté sur Londres. Gruen évoque surtout le loft que Giorgio habitait au 140 West 24th Street, baptisé The Red Door, et dont les deuxième et troisième étages étaient aménagés en studios. Il vivait au quatrième. Il avait transformé le rez-de-chaussée en salle de spectacle, pour toutes sortes de manifestations, aussi bien des meetings politiques que des pièces de théâtre d’avant-garde, des lectures de poésie, des concerts et des fêtes.

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             Puis Jesse Malin prend la suite. Il raconte qu’il fut invité à une fête chez Giorgio. Parmi les autres invités se trouvaient David Johansen et Richard Hell, que Giorgio surnommait ‘Ricardo Inferno’. La fête s’appelait Bastille Day party et Giorgio fit une énorme soupe pour tout le monde. Il proposa aussi à Jesse Malin de répéter chez lui, et a encouragé le groupe à bosser. Ils vont devenir D Generation. Jesse termine en déclarant que sans la générosité et les conseils de Giorgio, il ne serait pas l’homme qu’il est devenu. Et il ajoute, que Giorgio était «a rare gem of a human being whose spirit will always remain with me.» Plus loin, Amy Madden dit que le cassage de pipe de Giorgio a eu pour elle le même retentissement que celui de John Lennon. Et elle balance un extraordinaire paragraphe laudateur qu’on ne peut pas s’empêcher de citer - He was a musical activist, Giorgio. A catalyst. And yet he was solid. He was history; he bridged musical generations and genres. He had vision. He changed me. De penser à lui maintenant me donne envie d’attraper ma guitare et de créer, parce que c’est le seul moyen d’honorer sa mémoire.

             Puis Raul Gonzalez raconte que Giorgio avait flashé sur son groupe Barra Libre. Alors il a invité Raul et ses amis au quatrième étage pour papoter. Il les a pris en charge et leur a conseillé par exemple de porter des costumes aztèques sur scène, conseil qu’ils n’ont évidemment pas suivi. Il leur conseillait aussi d’écouter Captain Beefheart.  

             Giorgio finit donc sa vie en organisant des fêtes au Red Door. Mais le toit est crevé et l’eau rentre au quatrième, là où il vit. On lui demande d’évacuer les lieux et il résiste tant qu’il peut. Des tas de groupes viennent répéter dans son studio, qu’il loue pour une bouchée de pain. Quand il quitte les lieux, c’est pour aller casser sa pipe en bois dans un mouroir. Le Red Door au 140 West 24th Street est aussitôt rasé par la municipalité. On ne reconstruit pas un temple sur les ruines du temple, comme ce fut l’usage dans l’Antiquité, mais un hôtel. 

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             Ah il faut lire l’interview de Giorgio par le Chesterfield King Greg Prevost dans un Ugly Things de 2017, franchement, ça vaut le détour. Prevost finit à l’époque son Rolling Stones Gear book et il entre en contact avec Giorgio par téléphone. Il lui demande juste des infos sur le Crawdaddy - My club was a room I rented at the back of a pub - Comme il n’avait pas de licence, on ne pouvait pas y boire. Deux sets de 45 minutes et tout le monde au bar du pub entre les deux sets, et à 10 h 30, tout le monde dehors, public et matos. Puis il part directement sur Brian - Brian, yeah, it was his band - Côté gear, Giorgio ne se souvient que du Vox AC-30 et il baratine sur Vox et les amplis qui doivent monter en puissance à cause des gros concerts. Il revient aussi sur l’anecdote des trois personnes au premier concerts des Stones au Crawdaddy, il se souvient des noms : Mike Jeffery (futur manager de Jimi Hendrix), Paul Williams (futur chanteur de Juicy Lucy) et un mec qui allait devenir agent. Puis il revient sur les funérailles de son père en Suisse. Il devait y rester une semaine et il y est resté un mois. Qui va à la chasse perd sa place et le Loog est entré dans la bergerie - Brian pensait qu’Andy allait être idéal pour eux, ce qui d’une certaine façon le fut, mais ne le fut pas vraiment, en tous les cas, pas pour Brian. Ça a permis à Mick de manager les Stones. Mick Jagger est bon manager, dirons-nous - Il ajoute «qu’il a perdu un peu de son enthousiasme pour eux, via cette façon de le laisser tomber, mais c’était le business.» Et il reconnaît que c’était un peu de sa faute. Il aurait dû rentrer plus tôt. Alors il est passé aux Yardbirds.    

    Signé : Cazengler, gommeux

    François Dumaurier. Giorgio Gomelsky For Your Love. Supernova Books 2023

    Rolling Stones - Just For The Record. DVD 2003

    Greg Prevost : Key Crawdaddy!. Ugly Things # 45 - Summer/Fall 2017

     

     

    L’avenir du rock

    - Le jour de Graham Day viendra

    (Part Four)

     

             Ça doit bien faire la quatrième fois que l’avenir du rock retourne sur la plage du D-Day pour tenter d’expliquer au Général Mitchoum qu’un nouveau D-Day a remplacé le vieux D-Day. Depuis le 6 juin 1944, Mitchoum est planqué derrière son bloc en béton à attendre les renforts. Ça ne s’arrange pas avec le temps. Il s’est fait un collier avec ses dents, des étoiles de mer se sont incrustées dans la rouille de son casque, des filets pendent de sa vieille trogne, on ne sait pas si c’est de la morve ou de la bave, et il grouille de puces de mer. Au moins, l’avantage, c’est qu’il ne se gratte pas. De temps en temps, il en croque une en pestant contre les fooking boches. Soudain, il sort son colt, passe prudemment la tête par-dessus le bloc de béton et tire vers le blockhaus juste au-dessus. Clic ! Clic ! Clic !

             — Vous n’avez plus de munitions, Général... Et les Allemands sont partis depuis longtemps....

             Comme frappé de commotion, Mitchoum se retourne vers l’avenir du rock, le plaque au sol, s’assoit sur lui et commence à l’étrangler.

             — Fooking traître ! 

             — Argghhhhhhhhhhhhhhh !

             — Fooking nazi !

             Il lui serre le kiki de plus en plus fort. L’avenir du rock se débat comme une pucelle, mais l’autre fou est assis sur lui. C’est foutu. Mitchoum hurle comme un démon :

             — Fooking piece of shiiiiiiiiiiit !

             Bong !

             Un ballon de plage vient de frapper de casque de Mitchoum. Il se lève, hagard, voit les mômes et leur court après.

             — Fooking nazis !

     

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             Pas toujours facile de célébrer le D-Day. C’est parfois risqué. Mais l’avenir du rock y tient beaucoup. Et s’il ne célèbre pas le D-Day, qui le fera ?

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             Le nouvel album de Graham Day & The Gaolers (qu’il ne faut pas confondre avec les Goalers) s’appelle Reflections In The Glass. Sans doute l’un des meilleurs albums gaga de l’histoire du garage britannique. Six coups de génie sur douze cuts, c’est d’une densité très rare. Ça démarre en trombe de big tatapoum avec «Mystery Man». Graham Day ne mégote pas sur le beat à l’air. Il est l’un des derniers avec Len Price 3 à savoir réinjecter dans ses cuts le power Whoish. Puisqu’on en parlait, le voilà : «Narrow Mind», pur power Whoish, Dan Electro bat comme Keith Moon, ça pétarade dans la pétaudière, et Graham Day n’en finit plus de bourrer sa dinde. Il ne sait faire que ça. Il n’a fait que ça toute sa vie, depuis les Prisoners. Et ça repart de plus belle avec «A Rose Thorn» (Sticking In Your Mind’s Eye)», c’est encore du full up, de l’all over, Graham Day chante par-dessus les toits de Medway, c’est puissant, bardé d’orgue et d’harmonies vocales. Il boucle cet effarant balda avec «I Will Let You Down», du big bang ptooff d’excelsior catégorique. Difficile de qualifier ça autrement. Pure clameur de revienzy. Tu crois qu’il vont se calmer ? C’est dans tes rêves. Ils bombardent la B dès «My Body Tells Me The Truth». C’est d’une puissance tout de même assez rare. Graham Day charge sa barcasse au max du mix. Il bourre le mou de ses rules dans «Different Rules» et y claque comme par hasard un wild killer solo flash. Il a gardé tous ses réflexes intacts. Power ! Tout est là. «Don’t Hide Away» est plein comme un œuf. Il termine avec «Filtered Face» et bascule en plein dans l’âge d’or des Creation. Il grimpe au sommet du lard, il tape son Face au grand battage, c’est du rock d’air pur, un sommet du genre.

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             En octobre dernier, Andy Morten lâchait un scoop dans Shindig! : les Prisoners s’étaient reformés pour enregistrer un nouvel album. Morten attaque son scoop en indiquant que les mots «The Prisoners» et «In the studio» n’avaient aucune chance d’apparaître dans la même phrase. Mais après trois concerts de reformation à Rochester, ils ont décidé de mettre tous ces mots dans la même phrase. Morten nous montre même des photos de Graham Day, Allan Crockford, James Taylor et Johnny Symons en studio. Graham Day n’y va pas de main morte : «For the last 35 years I’ve seen the Prisoners as a millstone around my neck, but that night it felt like the old days. It was fun, fresh and emotional». Il parle bien sûr des reunion gigs. Pour enregistrer, les Prisoners sont allés à Abbey Road. Allan dit que ce fut intense : «14 live backing tracks in eight hours».  

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             Le résultat s’appelle Morning Star. Allez, on va dire 8 hits sur 14 cuts. Wham bam dès «This Road Is Too Long», un stomp à l’ancienne. Puis ils renouent avec cet universalisme pop qui constituait leur fonds de commerce et wham bam à nouveau avec «My Wife». C’est une pop de portée interstellaire, ils abandonnent le gaga pour aller sur la pop d’ambition parégorique. Ils saturent de son leur «Something Better» et ils reprennent leur courage à deux mains pour «Break This Chain». Ils profitent de l’occasion pour se couronner rois du British Beat, «Break This Chain» sonne comme un classique sixties et le bassmatic du démon Crockford rôde derrière les harmonies vocales. Ils terminent cet album superbe avec une quadruplette de Belleville, «Winter In June», «Go To Him», «Beauty Hides The Truth» et «Hold Tight». Le «Winter In June» sonne comme de la grosse pop d’attaque frontale, la vieille spécialité de Graham Day, le roi du Hey hey hey. Pure folie pop encore avec «Go To Him», et le Beauty explose en solace d’excelsior, Graham Day chante au vibré de glotte, emporté par le flux du flow. Avec «Hold Tight» ils tapent dans l’hard groove à la Spencer Davis Group. James Taylor is on fire. Il fait du Jimmy Smith. Les dynamiques des Prisoners restent infernales, ça bat sec, c’est sûr, mais c’est Allan the Crock qui pulse la dynamite dans le cul du culte. Les Prisoners malaxent d’énormes pâtés de pâté de foi, ils jouent le rock anglais le plus soulful, le plus noyé d’orgue, le plus chanté, avec un Graham Day ivre de génie vocal et composital. Les Prisoners sont la suite des Small Faces.

    Signé : Cazengler, Graham Dette

    Prisoners. Morning Star. Own-Up 2024

    Graham Day & The Gaolers. Reflections In The Glass. Damaged Goods Recors 2023

    Andy Morten : A dream has come. Shindig! # 144 - October 2023

     

     

    Eric et rac

     (Part Two)

     

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             Dans un vieil Ugly Things, Phil Milstein et Frank Van Der Elzen repassent au peigne fin toute la discographie à roulettes de l’Eric et rac, le Tintin de la pop anglaise. Ils commencent par éplucher les trois premiers albums Stiff. Ils se mettent d’accord pour dire que sa force principale est d’être un songwriter. L’allégation est à prendre au sérieux, car c’est très vrai.

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             Malgré sa pochette dynamique et sa Rickenbacker, le premier album sans titre de l’Eric et rac ne vole pas haut, c’est-à-dire que ça reste du Stiff sound, du petit pub-rock sans aucune incidence sur l’avenir du genre humain. Dommage qu’il force sa voix sur ce «Telephoning Home» qui flirte un peu avec la Stonesy. Dès qu’il ne cherche plus à plaire, ça devient intéressant («Grown Ups»), mais globalement, tu ne comprends pas pourquoi on a fait tout un plat de cet album à l’époque. Il est grand temps de le revendre.

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             Puis les deux Uglys tombent à bras raccourcis sur le deuxième album, The Wonderful World Of Wreckless Eric, «massacré», disent-ils, par Pete Solley, qui tente de commercialiser l’Eric et rac. Peine perdue, car l’Eric et rac renoue avec son petit travers : il force un peu trop cette voix qu’il n’a pas, et puis on retrouve ce Stiff sound qui vieillit atrocement mal («Roll Over Rock-Ola»). C’est comme si t’essayais de réécouter Nick Lowe aujourd’hui : impossible. L’Eric et rac force encore sa voix sur «I Wish It Would Rain» et trousse son «Let’s Go To The Pictures» à la hussarde de la new wave. On sauve juste un cut : la cover du «Crying Waiting Hoping» de Buddy Holly. Là oui. Mille fois oui.

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             Et puis, l’Eric et rac fait ses adieux à Stiff avec Big Smash. Le compte est bon. La coupe est pleine. Il n’aime pas la pochette. Ni la promo. Par contre, tu y trouves de la viande. Notamment  «Broken Doll» (enfin une compo solide, ce qu’on appelle une chanson), et «Hit + Miss Judy» (très Buddy Holly, l’Eric et rac t’emmène à la fête foraine, avec des échos d’Augie Meyers dans le son, l’effet est ravissant). Finalement, ce double album est très tonique. Dommage qu’il force sa voix sur «Veronica» et «Semaphore Signals». Il raconte qu’il n’arrive pas à dormir dans «Strange Towns» et on s’en fout. Pete Gosling fait des étincelles de poux dans «Break My Mind», il faut dire que l’Etic et rac est extrêmement bien accompagné. Son très anglais, très soigné. On retrouve des échos d’Augie Meyers dans «Can I See Your Hero» et «Back In My Hometown» sonne très Dave Edmunds.

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             Les trois albums clés de l’Eric et rac sont épluchés dans le Part One (Captains Of Industry et les deux Len Bright Combo). Les Uglys en font une page entière. L’Ugly Elzen dit qu’à la réécoute, le Captains Of  Industry est bien meilleur qu’il n’y paraît. Il dit qu’il y a de belles tentatives, mais pas de quoi appeler les pompiers, ce qui veut bien dire ce que ça veut dire. Par contre, l’Ugly Elzen bascule dans le dithyrambe échevelé avec le premier Len Bright Combo - Seeing the Len Bright Combo in novembre 1986 made me an Eric fan for life - Méchant veinard ! Le Combo était de tous les combos le Combo à voir sur scène. Il les a vus à Nijmegen, en Hollande - The band proceeded to deliver a set that was on fire - On veut bien le croire, l’Elzen. Et il ajoute que l’album sonne comme ce show. Milstein salue ensuite le Combo Time et son «heartening esprit de corps».   

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             Le Beat Group Électrique sort sur New Rose Records en 1989. Petit conseil d’ami : laisse tomber le New Rose et chope la red sur Fire. Pourquoi ? Parce que Fire fait merveilleusement bien les choses, indépendamment du remastering. Tu vas trouver un petit booklet dans lequel l’Eric raconte ses souvenirs. Ce petit mec est un fabuleux désinvolte. Il écrit tellement bien qu’à la limite, le booklet a plus d’intérêt que l’album. Il faut bien admettre que Le Beat Group Électrique n’est pas l’album du siècle, même si «Tell Me I’m Not The Only One» sent bon la Beatlemania. L’Eric donne tous les détails de l’enregistrement in a one-bedroom flat in Shepherds Bush - 165B Uxbridge Road, London W12 - avec André Barreau on bass et l’Américain Catfish Truton au beurre. Après la fin du Len Bright Combo, l’Eric s’est tapé une petite déprime d’un an - I was sober, but I was losing my mind - Il fréquente le même asylum que Vivian Stanshall, et comme des tas de médecins viennent le voir, il réalise qu’il est célèbre. Il rencontre André Barreau et ça clique aussi sec car André connaît lui aussi la B-side du «Somewhere» de PJ Proby. Comme il va le faire avec tous ses autres disks, l’Eric vante les mérites de l’artisanat. Il donne tous les détails et c’est passionnant. Ils enregistrent dans sa piaule mais ne jouent pas trop fort pour ne pas ennuyer les voisins. L’Eric se branche sur un 15 watts et Catfish bat sur une caisse en carton avec un tambourin à l’intérieur. À force d’artisanat, l’Eirc invente un nouveau genre, an electric skiffle beat music hybrid, ils font du lo-fi avant l’heure - I’d always wanted to make homemade records - Ils boivent du thé et enregistrent live, 3 ou 4 cuts a day, two or three versions, and keep the best one. Tout sur un quatre pistes : bass on track one, guitar et cardboard on track two, voix on track three et les overdubs on track four. L’Eric est fier du résultat - up-close, eccentric and deeply personal - Puis il est viré du flat et part s’installer en France, chez sa girlfriend qui a une dilapited farmhouse à la campagne, près de Chartres - I moved in there with two guitars, a fifteen-watt amp, a suitcase of clothes, and a Penguin phrasebook - Il propose l’album à New Rose qui ne l’écoute même pas. L’Eric repart avec un chèque - I don’t think the people who ran New Rose liked music. They should have been stamp collectors - Puis il achète une 404 pour partir en tournée, mais les ingés-son des salles ne pigent rien au trio. Sur l’album, on se régale de «Your Sweet Big Thing» gratté au boogie d’acou. Très Dave Edmunds dans l’esprit. «Depression» sonne comme une bossa nova dépressive. Joli son foutraque. C’est dans l’esprit d’Alex Chilton. Il est bien gentil l’Eric, mais il n’a pas de hits. Il essaye de forcer le passage de «Sarah» à coups d’exubérance, c’est à la fois laborieux et enjoué, mais surtout complètement foutraque. Il ressort tout le barda de la bohème dans «Sun Is Pouring Down» et en fait exploser la fin. On comprend que les voisins se soient énervés.    

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             The Donovan Of Trash est une toute autre histoire. Wow, quel album ! Pareil, chope la red sur Fire. L’Eric vit alors dans une ferme, à la sortie d’un village de 150 habitants. Comme c’est un étranger, il est mal vu par les culs terreux. Il est très isolé, alors il écrit des chansons. L’hiver ça caille trop. Il enregistre «It Makes You Happy» avec des mecs pas très bons, dit-il, un bassman mexicain et un batteur rouennais. Grosse attaque à la casserole de fer blanc et chant à la Ziggy. Tout est soûlé jusqu’à la nausée, il te noie ça de folie pure, comme s’il se croyait seul au monde. Puis son pote et ex-Len Bright Combo Bruce Brand vient lui rendre visite, en compagnie de sa girlfriend Holly Golightly. Elle reste assise et s’emmerde comme un rat mort pendant que l’Eric et son pote Bruce enregistrent «Paris In June». C’est tout de suite d’équerre et ça swingue ! Ils parviennent à swinguer cette pop âcre et provinciale. Puis l’Eric va s’installer dans un autre village, à Laons, dans une baraque pourrie - No heating, no isolation, no hot water, dangerous wiring - Il s’achète deux poêles à bois et y reste 7 ans. André Barreau et Catfish Truton arrivent d’Angleterre et ils enregistrent ensemble des sacrés cuts, à commencer par «Joe Meek», hommage suprême, puis «The Nerd/Turkey Song», heavy stomp de rêve. André Barreau joue le lead guitar sur «The Consolation Prize», le cut de la misère noire. Puis le pote Martin Stone qui vit à Paris déboule avec son groupe Almost Presley. Ils enregistrent «Harry’s Flat» et ça swingue ! Puis Martin ajoute de la fuzz sur «The Nerd/Turkey Son». C’est Wild Billy Childish qui propose de sortir l’album sur son label Hangman. Ça sort aussi aux États-Unis sur Sympathy For The Record Industry. Si les musiciens américains figurant sur la pochette ont des seaux sur la tête, c’est parce qu’ils sont célèbres et sous contrat. Donc ils doivent rester anonymes. Et bien sûr, l’album ne se vend pas - The album came out and took an awfully long time to sell not a lot of copies - L’Eric commence à se décourager pour de bon, mais il rencontre Greg Cartwright de Reigning Sound qui lui dit que The Donovan Of Trash is one of his favourite albums of all time. Ah il faut écouter le final explosif de «Semi-Porno Statuette» ! 

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             L’Elzen salue bien bas le Karaoke paru en 1997, notamment «Sign Of The Chicken», «that is equal parts ‘Sister Ray’ and ? Mark & The Mysterians. The modulated vocals and silly bridge could have been master-minded by Joe Meek.» Il a raison, l’Elzen, l’Eric et rac s’amuse avec son Sister Ray campagnard, il sait créer de l’attente, ça ne manque pas de démesure. Avec «The Laurel Tree», il fait son Syd. Enfin ! Il y va au petit cockney devenu vieux. Le ton de cette moitié d’album est plutôt libre, il raconte des histoires de Medway Towns dans «Denim In Face», et dans «Bunnyhungers», tu as des sons incongrus qui flirtent divinement avec Dada. Saluons aussi «Big Wheels Don’t Wear Cheap Suits Shirt And Golfing Jacket» : ah on peut dire qu’il sait farfouiller dans ses machines et claquer le beignet des idées. Toujours avec du son et avec du style. Et il te couronne tout ça d’un final éblouissant. Il termine cette moitié d’album attachant avec «Gasoline», en mode big pop, avec des machines. Il est marrant l’Eric et rac, car complètement dépassé par ses machines.

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             Sur Almost A Jubilee (25 years At The BBC With Caps), on entend le groupe qui a accompagna l’Eric et rac à une époque : Ian Dury au beurre, sa poule Denise Roulette on bass et Davey Brown from the Blockheads on sax. Ils attaquent bien sûr avec le Whole Wide Word. C’est rudement bien en pace. Denise Roulette roule bien sa pool sur «Semaphore Signals» et on voit que «Reconnez Cherie» est bien pompé sur «Save The Last Dance For Me». Le problème, c’est que l’Eric et rac fait son Max la menace, et le pire, c’est qu’à l’époque t’as des gens qu’ont trouvé ça bien. Il faut attendre The Len Bright Combo sur Radio 1 pour enfin sauter en l’air. L’Eric rédige les liners, et ça vaut le déplacement - We were arrogant, dysfunctional, often hilarious and we didn’t really give a damn - Ça prend tout à coup du volume, énormément de volume, avec «You’re Gonna Screw My Head Off» - The eighties were the first decade of rock carreerism - we didn’t fit in - Ils ont la rage au ventre et le diable au corps avec «The House Burned Down» et «Comedy Time». Ils défoncent encore la rondelle des annales avec «Selina Throught The Windshield» : apocalyptique de power ! Forcément, les sessions suivantes sont moins parlantes. On recroise le fameux «Sign Of The Chicken», bien foutu, bien hypno, bien crédible, et il boucle avec «Joe Meek». Ah cette façon qu’il a de prononcer «Joe Meek». Il le roule dans sa bouche. Il mythifie le mythe.

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             Pas de booklet pour Bungalow Hi, un Southern Domestic de 2004. Dommage. On a juste le casting, avec notamment André Barreau, fidèle au poste. Trois coups de génie sur l’album, à commencer par «33s + 45s», qu’il gratte au plus profond du groove de Southern Domestic. Il ramène des accords de Marc Bolan dans son petit délire, c’est assez crapuleux et ça monte bien au cerveau. Il jongle avec Chess et Stax, this is my life, il te traîne ça en longueur et c’est balèze - Oh thirty threes and forty fives ! - Et ça vire hypno. L’Elzen qualifie «Same» et «33s + 45s» de Goulden classics. L’Eric et rac passe au heavy dub avec «The Sound Of Your Living Room (Part 1)» et ramène une trompette dans sa soupe au chou. C’est très free dans l’esprit et ça devient spectaculairement bon. Pur délire de wild genius. Il enchaîne aussi sec sur le Pt 2, c’est brillant, toujours monté à la basse avec un développement d’inespérette d’espolette. Puis il fait son Bowie sur «Local» - I don’t want to be big fish - Il est fabuleusement ziggyesque, on accroche pour de vrai, pas pour de faux - I don’t want to be part of anything - Il reste dans Bowie pour cette dérive abdominale qu’est «Housewives». Il joue superbement de sa voix cassée.    

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             Il monte en 2014 au nouveau projet, The Hitsville House Band, et enregistre 12 O’ Clock Stereo. Comme c’est un Fire, on a de la littérature. Il en a marre de tourner seul, alors il lui faut un groupe - Really I wanted another Len Bright Combo - Il rappelle son vieux bassman mexicain qui est à paris, Eduardo Leal de la Gala qui avait joué sur The Donovan Of Trash. Ils enregistrent ensemble «Can’t See The Woods (For The Trees)», une jolie percée dans les lignes ennemies qui ne fait pas un pli. Il adore jouer avec Eduardo et sa home-made fretless bass. Il trouve ensuite un batteur parisien, Denis Baudrillart. L’Eric dit aussi vivre de rien, ses seuls revenus étant deux chèques de royalties par an, et les tournées. Il arrive toutefois à se payer un 8 pistes de la BBC qu’il va récupérer en minibus à Londres. Puis l’Eric remplace Eduardo par Fabrice Lombardi, le stand-up man d’Almost Presley, et ils enregistrent cette belle énormité de boogie rock qu’est «You Can’t Be A Man( Without A Beer In Your Hand)». C’est brillant et très présent. Ils tapent aussi un «Murder In My Mind» assez sixties d’esprit. Ça groove bien sous le boisseau. Tout aussi bardé de barda, voilà «The Madrigal», bien encorné par l’orgue Hammond et battu au fouet. Il dit voir son «12 O’Clock Stereo as my town and country album, a strange and at times uneasy mix of garage, pop, country and old time rhythm’n’ blues.» Bizarrement, les compos de l’album sont solides mais jamais déterminantes. Il a toujours cette petite voix d’accent tranchant et cette volonté d’exister dans le monde du rock. C’est l’un des artistes les plus complets de sa génération : il compose, chante ses compos et bidouille tout ça à la maison. Avec «The Twilight Zone», il fait de la Stonesy. Sacré Wreck, il ne rate aucune occasion de se distinguer. Tout est travaillé dans la cour de ferme, les cuts, les pochettes, pas de moyens, et étrangement, ça colle. Dans les bonus, on tombe sur un «Lawrence Of Arabia» très Ziggy. Il évoque le monkey on his back - You better watch your back - C’est un underground de cour de ferme de très grande qualité. L’Elzen : «This one is packed to the brim with mighty fine compositions that need only a few listens to nestle themselves in your system for life.»

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             AmERICa pourrait bien être son album le moins abordable. Dommage, car ça démarre sur la grosse attaque de «Several Shadows Of Green». Il est privé de moyens mais complètement ivre de liberté dématérialisée. Il chante comme Donald Duck. Il a du power, c’est sûr. Avec «White Bread», il se planque dans l’épaisseur du son, et bourre la dinde de «Days Of My Life» de Big Beatlemania bowiesque. Il passe au quasi-glam avec «Boy Band» et s’en va stomper «Up The Fuselage». Étrange, de la part d’un vieux bonhomme. Le son ferraille, on sent bien l’habitude des petits moyens. Dans le booklet Fire, l’Eric donne encore tous les détails de l’enregistrement. Amy joue du piano, du banjo et fait des harmonies vocales. Il est installé aux États-Unis. C’est son premier album américain - It’s about me and it’s about America - Il dit avoir vécu partout, en Angleterre, en France, en Allemagne, mais c’est l’America qu’il préfère - This place suits me - Il vit à Catskill depuis quatre ans. Son texte est à la fois très beau et très désenchanté.         

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             Il revient à Bowie dans Construction Time And Demolition, avec «They Don’t Mean No Harm» et «Unnatural Act». Il retrouve le secret des maniérismes de l’early Bowie, il chante à l’accent délirant, c’est assez fulgurant de c’mon c’mon. Il brasse encore assez large avec «Unnatural Act» et réincarne l’early Bowie. Il n’a peur de rien. Mieux encore : «The Two Of Us». Il pompe directement les accords de «Waiting For The Man», il ramène exactement le même genre d’enfer sur la terre. Il prend les mêmes et il recommence. Avec «Wow And flutter», il repart en mode Mad Psyché comme au temps béni du Len Bright Combo. On sent qu’il n’est pas près de se calmer. Il chante son «Gateway To Europe» en cockney, et c’est superbement orchestré. Il ramène même des trompettes dans sa soupe aux choux. Puis il chante «The World Revolver Around Me» d’une voix de Mimi Petite Souris. Il est marrant. On écoute ses albums par acquis de conscience et bien sûr on ne s’ennuie pas. Au contraire, on s’instruit. Il ramène du son d’artefact dans «Flash» et il assoit bien son autorité avec «Forget Who You Are».

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             Et voilà encore un album extrêmement intéressant : Transcience. Pour au moins cinq raisons fondamentales dont la première s’appelle «Indelebile Stain». Voilà un cut noyé de psyché et de jingle jangle, il charge bien sa barcasse. L’Eric te prend pour une frite et te plonge dans sa friture de félicité. C’est un sacré farceur. Il tape aussi une belle cover de Kevin Coyne, «Strange Locomotion». C’est le boogie rock anglais passé de mode depuis une éternité. À part l’Eric, qui va aller écouter ça aujourd’hui ? En attendant, l’Eric y va à l’outch ! Il tape ensuite «The Half Of It», un petit balladif insidieux et presque Beautiful. Mais ça se corse avec «Creepy People (In The Middle Of The Night)». Il remonte bien le courant. Un vrai saumon, l’Eric. Avec les écailles et les bulles. Un vrai Wreckless saumon ! Cut plaisant, bien foutu, fruité. L’Eric est le roi du petit répondant de cour de ferme. Il mérite une médaille. «Tiny House» éclate d’entrée de jeu. Il ressort sa voix de Mimi Petite Souris, celle qu’on préfère. Cut vaillant. Sans peur et sans reproche. Un vrai Bayard.      

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             Son dernier album en date s’appelle Leisureland. Pareil, c’est une vraie pochette surprise. Oh un coup de génie !  Oui, «Drag Time» sonne comme un hit intercontinental. C’est important de le signaler. Il ramène dans cette pop psyché la grandeur des chœurs d’«Oh Happy Days». Oh une grosse énormité ! Oui, «Zoom (Glittering In The Sun)» se noie dans la réverb et Donald Duck chante au fond du son. On le sent heureux, bien à l’aise sans sa culotte, ah il y va notre vieux pépère underground, il wrecke sa pop écarlate pour de bon et renoue avec le Len Bright Combo. Oh encore une énormité ! Oui, «Standing Water» te fait du gringue et tu as du mal à résister. Oh encore une autre grosse énormité ! Oui, «The Old Versailles» est un petit chef-d’œuvre productiviste. Tu sors de cet album un peu ahuri. Il est en fin de parcours et il n’a jamais été aussi bon. D’habitude, il se passe exactement le contraire.     

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            En 2008, Wreckless Eric & Amy Rigby enregistrent leur premier album sans titre, et là attention, on ne rigole plus. On a tout de suite du son et la résonance de l’excellence. L’Eric est vieux, et Amy bien conservée, ils duettent ensemble une pop de rêve qui éclate en bouquet glammy dès «Another Drive-In Saturday», très British dans l’esprit, chanté aux voix mouillées. Des accents de l’early Bowie remontent à la surface et l’Eric ramène de beaux accords glam. «First Mate Rigby» est assez puissant, il n’y a pas à discuter. Ils font tellement les cons avec le son qu’ils ne maîtrisent plus le spectre, et avec «The Downside Of Being A Fuck-Up», ils passent directement au Velvet. C’est en plein dans le mille, l’Eric est très fort. Encore une merveille avec «A Taste Of The Keys». Elle chante divinement cette pop de Brill lumineuse. C’est encore elle qui tire vers le Brill avec «Please Be Nice To Her». C’est là que son génie pop explose. Elle ramène tout le sucre qu’elle peut, c’est d’un très haut niveau mélodique. Ils créent encore la surprise avec «Round», nouveau coup de génie pop.    

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             Comme Two-Way Family Favorites est un album de covers, on saute dessus. Ils tapent dans un large éventail qui va de Jackie DeShannon («Put A Little Love In Your Heart», pas son meilleur cut, dommage) à Tom Petty (pas le meilleur choix d’artiste, dommage), de Pete Townshend («Endless Wire», ça s’endort sur des lauriers, mais il y a des gens qui vont trouver ça bien, dommage qu’il n’ait pas opté pour «My Generation», au moins on pourrait jerker comme dans Quadrophenia) à Abba («Fernando», où l’Eric fait son petit effet de voix de fouine et ça finit par porter sur les nerfs, dommage. L’Elzer dit qu’il s’en serait bien passé). Ils plongent aussi dans McGuinn avec «Ballad Of Easy Rider», mais ça ne marche pas, dommage. Il plante tout ce qu’il chante sur cet album. Même son clin d’œil aux Groovies («You Tore Me Down»). Dommage. Il faut attendre la cover d’«In My Room», l’hit intemporel signé Gary Usher et Brian Wilson, pour renouer avec la perfection. L’Eric se prend vraiment pour Brian Wilson, il en a vraiment la carrure. Il y ramène tout le son qu’il peut. Mieux encore : l’«I Get Out Of Breath» de P.F. Sloan. C’est du génie pur ! L’Eric te porte ça au pinacle, les montées de lait sont magiques. Il passe au heavy glam avec le «Living Next Door To Alice» de Chinn & Chap, mais il n’arrive pas à recréer le wall of glam que nécessite un Chinn & Chap. Dommage. 

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             L’A Working Museum d’Eric & Amy va tout seul sur l’île déserte. Sans doute le meilleur album de l’Eric et rac. L’hit de l’album, c’est bien sûr «Genovese Bag». Voix de superstar underground. Il chante en mode petit glamster de suburb. T’en reviens pas d’avoir un tel disk dans les pattes et t’as Amy qui entre dans le couplet chant, alors l’Eric et rac te monte ça à la gratte, il y va à l’Home sweet home away from home, il part en vrille extraordinaire de carillon argentin et s’en va éclairer la voie lactée, oui, l’Eric et rac a ce pouvoir, il gratte encore, il te ramène du Jackie DeShannon, des Byrds et de l’éclat surnaturel dans son carillon d’ad libitum, et ça explose en bouquet de stridences apoplectiques. T’as aussi la Mad Psyche du «Darker Shade Of Brown» d’ouverture de bal. Tu te croirais sur le Madcap Laughs. Puis Amy attaque «Rebel Girl Rebel Girl», et c’est franchement bon. Tu te régales, et c’est rien de le dire. Elle sait claquer l’heavy pop, c’est ultra balancé, digne de «Like A Rolling Stone» ! Amy devient une géante, te voilà coi comme deux ronds de flan. Attends, t’en vas pas, c’est pas fini ! Elle navigue encore très haut avec «Sombreros In The Airport», et elle croise le chant de l’Eric et rac. Voilà un album complètement extravagant de qualité et tellement underground. Pour le choper, t’a intérêt à te lever de bonne heure. La copie qui est ici est celle d’un CD dédicacé par Amy & Eric à Jacques (‘Hey Jacques’). Aucun souvenir de sa provenance. Avec «The Doubt», la pop d’Amy & Eric explose de bonheur conjugal. Amy dispose d’un petit sucre du meilleur goût. L’Eric et rac refait son coup de Syd avec «Days Of Jack & Jill», il chauffe sa cocote pysché, il y ramène toute sa culture infectueuse, c’est littéralement flamboyant et monté en neige de chœurs. Il fait son glamster avec «1983», il chante à la petite décadence de don’t believe. Ce mec crée son monde dans les ténèbres de l’underground. Et puis t’as encore «Tropical Fish», une petite pop fraîche comme un gardon, avec Amy dans le son. C’est franchement digne de Curt Boettcher !

    Signé : Cazengler, Wrecked Ethic

    Wreckless Eric. Wreckless Eric. Stiff Records 1978   

    Wreckless Eric. The Wonderful World Of Wreckless Eric. Stiff Records 1978 

    Wreckless Eric. Big Smash. Stiff Records 1980

    Wreckless Eric. Le Beat Group Électrique. New Rose Records 1989

    Wreckless Eric. The Donovan Of Trash. Hangman Records 1993

    Wreckless Eric. Almost A Jubilee (25 years At The BBC With Caps). Hut 2003

    Wreckless Eric. Bungalow Hi. Southern Domestic 2004   

    Wreckless Eric Presents The Hitsville House Band. 12 O’ Clock Stereo. Fire Records 2014

    Wreckless Eric. AmERICa. Fire Records 2015           

    Wreckless Eric. Construction Time And Demolition. Southern Domestic 2018 

    Wreckless Eric. Transcience. Southern Domestic 2019        

    Wreckless Eric. Leisureland. Tapete Records 2023           

    Wreckless Eric & Amy Rigby. Stiff Records 2008    

    Wreckless Eric & Amy Rigby. Two-Way Family Favorites. Southern Domestic 2010 

    Wreckless Eric & Amy Rigby. A Working Museum. Southern Domestic 2012

    Eric Goulden. Karaoke. Silo 1997

    A Listener’s Guide To Wreckless Eric. Ugly Things # 31 - Spring 2011

     

     

    Hawley les mains !

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             Ça fait vingt ans que Richard Hawley cultive un romantisme douceâtre à l’anglaise, vingt ans qu’il laboure les âmes sensibles et qu’il raconte sur un ton chaleureux des histoires de pluie et de ruptures sentimentales. Vingt ans et dix albums traversés par ce qu’il faut bien appeler des éclairs de génie composital. L’Hawl creuse au même endroit que Nick Drake et Fred Neil, dans la même mine d’or. Sur chacun de ses dix albums brillent des pépites d’une rare beauté. «The Ocean» va te fasciner autant qu’«Everybody’s Talking», «Something Is» va t’émouvoir aussi sûrement que «River Man» ou «Pink Moon».

             On gardait un souvenir évasif de sa presta au Grand Rex, en première partie de Nancy Sinatra (qu’il va ensuite accompagner en deuxième partie de spectacle). Voilà qu’il débarque en Normandie avec un set acoustique, alors autant dire qu’on l’attend au virage. Faut faire gaffe aux sets acoustiques, le risque est de s’y endormir, ou pire encore, de s’y ennuyer. Ça ne tient généralement que par la seule qualité des compos.

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             Il débarque sur scène avec un vieux copain à lui, et pendant une heure, ils vont gratter leurs poux. Pas d’«Ocean», hélas. Privées de leurs orchestrations, les cuts retombent pour la plupart à plat. L’Hawl entrecoupe la planitude par des petites sorties destinées à faire rire, elles font rire, c’est sûr, mais peut-on appeler ça de l’humour ? Non. Ses textes ont-ils une dimension poétique ? Non plus. Il cultive la mélancolie, raconte d’une voix chaude et profonde des histoires de pluie et de ruptures sentimentales. Et puis la magie arrive enfin avec «Something Is» et «Baby You’re My Light» tirés tous les deux de Late Night Final. Sa façon de travailler l’arc mélodique te tamponne le passeport, il taille des marches dans une descente harmonique, comme s’il voulait enrayer le courant du frisson, et ça, c’est de la magie. Lanegan a lui aussi pratiqué cet art de creuser des marches dans une descente harmonique. Tu accueilles cette merveille à bras ouverts. Tu vis la magie de l’instant. Te voilà face à l’un de ces moments uniques que tu collectionnes comme des papillons depuis l’adolescence.   

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             Comme le beau Richard vient de sortir un nouvel album, on l’écoute. C’est la moindre des politesses. In This City They Call You Love grouille de Beautiful Songs. Tu vas en trouver partout, ça commence avec «Prism In Leans» - Here’s the story of Prism in Leans - Bossa groove de rêve. Il ramène de la magie. Il n’est pas loin de Fred Neil. Il nage en plein rêve d’I don’t belong. Suite de la magie avec «Heavy Rain». Là oui, tu prends ta carte au parti Hawley. Ça coule comme du Fred Neil un peu sourd. Magie mélancolique. Il sonne comme Elvis sur «Hear That Lonesome Whistle Blow» et te gratte ça aux accords d’heavy blues, un peu comme Elvis dans son ‘68 Comeback. «Deep Space» est une belle énormité. Hawley t’explose bien le Sénégal. Il envoie même valdinguer ta copine de cheval. Il chante tous ses cuts d’une voix bourrée de feeling. Richard Hawley est un artiste complet. Mais ça on le savait depuis vingt ans, car oui, amigo, ça fait vingt ans qu’il enregistre des albums, et même de très beaux albums, après avoir été le guitariste d’un groupe assez culte, les Longpigs. Voilà encore un soft groove de rêve : «Do I Really Need To Know». Son groove duveteux te fout des frissons. Ce fabuleux charmeur boucle avec «This Night». Son truc, c’est la suspension d’entre deux mers, avec un sens mélodique suraigu.

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             Son premier album s’appelle Late Night Final. Il y a des vieux sur la pochette. Richard t’embarque aussitôt «Something Is», il te prend par les sentiments, avec sa chaude romantica. T’es conquis comme une ville et t’es content d’être de la conquête. Richard fait du Fred Neil en plus grave. Il tient la dragée haute à la pop. Avec «Baby You’re My Light», il rend hommage à sa baby. C’est assez pur et même magique. «The Nights Are Cool» se montre plus décidé à en découdre. C’est joliment balancé des hanches. Il cherche la Bossa. Il continue dans la même ambiance de ciel lourd et de faible lumière avec «Can You Hear The Rain, Love?». Poids mélodique et intensité du climax sont ses deux mamelles. Il cultive la mélancolie. C’est très Verlainien, comme démarche, mais avec du pathos anglais. Il faut aussi l’entendre chanter à la surface du grondement dans «Precious Night». Quel bel artiste !

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             Deux merveilles congénitales se planquent sur Richard Hawley, un mini-album de 2001 : «Sunlight» et «Naked In Pitsmoor». Le Sunlight est puissamment beau, avec des notes de réverb qui se détachent dans le crépuscule des dieux. Mais c’est avec Pitsmoor qu’il s’enfonce dans la beauté comme d’autres s’enfoncent dans la forêt. C’est tout simplement stupéfiant de pénétration. Ce cut sonne comme un miracle. C’est du pur génie mélodique. Il plonge dans la félicité à coups de don’t run for me baby.

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             Et si Lowedges était le meilleur album de l’Hawl ? Il y pleut des hits comme vache qui pisse, et ce dès le «Run For Me» d’ouverture de bal. C’est écrasant de romantisme, de big atmospherix génial. L’Hawl atteint là les cimes productivistes de Totor - Go and run for me/ Cause I can’t take it back - Puis il va enquiller la bagatelle de cinq Beautiful Songs, pas moins, à commencer par «Darlin’». Il t’emballe aussi sec. Fabuleux Darlin’ boy. T’as tout : la mélodie, la voix, la profondeur, la classe. L’Hawl est un Hazle à l’anglaise. Fantastique ode à l’amour avec «Oh My Love» - You’re the one I love/ And no mistake - Sur «The Only Road», c’est Fred Neil en baryton. Même magie. Infiniment beau. Véritable merveille de douceur caressante et d’élégance arpeggiée. Il montre encore qu’il sait poser les conditions d’une Beautiful Song avec «On The Ledge». Lowedges est un album magique. Il t’emmène danser la valse sur «You Don’t Miss Your Water», voilà une incroyable invitation au voyage baudelairien. Pas compliqué : t’as Brian Wilson, P.F. Sloan, Curt Boettcher, Burt Bacharach, Jimmy Webb, Lee Hazlewood et Richard Hawley. 

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             Sur Coles Corner, t’as ce qui est sans doute sa chanson la plus océanique, «The Ocean» - You leave me/ Down/ To the ocean - Hit inter-galactique de now it’s been a long time, il développe son extraordinaire clameur d’Ocean à coups de the world is fine/ By the ocean. Et t’as d’autres Beautiful Songs mirifiques comme le morceau titre qu’il attaque aux violons, t’as pas le temps de te débattre, il t’embarque aussi sec, il fond sur toi à la voix chaude, quel fabuleux pourvoyeur de goin’ dowtown with his mission. Sur la pochette, il attend devant Coles Corner avec un bouquet de fleurs dans les bras. Au dos, tu vois le bouquet dans une poubelle et t’en déduis qu’elle n’est pas venue. Richard est un homme qui démultiplie sa musicalité, il gratte des milliers de poux magiques dans la précipitation de sa pop («Just Like The Rain»). Il tourne bien autour du pot d’«Hotel Room». Il farcit sa room de guitares hawaïennes et d’here in my arms. Tout l’album navigue sous un boisseau sentimental. Il nourrit son romantisme de chaudes mélopées délectables. Encore une merveille qui t’émeut bien la meule : «Born Under A Bad Sign». Tu entends aussi le thème d’«Alabama Bound» (Charlatans) dans «Sleep Alone». Sa heavy romantica marche à tous les coups. Il boucle son Coles Corner avec un instru spatial, «Lost Orders», pianoté quelque part dans le cosmos. Il s’y perd, ce qui est logique, vu qu’il a tout donné.

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             Lady’s Bridge est encore un Mute qui grouille de puces. Écroulé dans un fauteuil, l’Hawl y porte le costard lamé or d’Elvis. Sur «Serious», il sonne comme Fred Neil, et c’est drivé au slap. T’en reviens pas d’un si beau paradis. S’ensuit un coup de génie nommé «Tonight The Streets Are Ours», qu’il attaque au power pur, c’est gratté aux mandolines de la démence hawlique. Il sait mettre la pop en feu. Encore une fantastique entourloupe avec «The Sea Calls». Te voilà ensorcelé par cette merveille océanique. «Our Darkness» est intense, mais sans surprise. L’Hawl chante comme une superstar, ses chansons sonnent comme des classiques. Il développe encore une fabuleuse ampleur mélancolique dans «Valentine» et «Roll River Roll». Il transporte le même poids mélancolique que Fred Neil. Ce River Roll est encore une merveille de délicatesse mélodique. Saluons aussi l’incroyable santé des attaques de gratte vintage dans «Dark Road», il évolue ici dans un esprit féerique quasi-forain. Richard Hawley est une superstar, qu’on se le dise.

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             T’as encore largement de quoi te régaler sur Truelove’s Gutter. «Soldier On» va t’emmener très loin. L’ami Hawley tape dans quelque chose de si profondément mélancolique que ça finit par réveiller tes vieilles blessures. Alors tu souffres. Et soudain, ça explose. Il fait tout simplement exploser la marée montante de douleur. Alors tu t’enfonces dans un atroce mélange de douleur et de beauté. L’ami Hawley atteint à la démesure d’un Chateaubriand du rock, il atteint la cime d’une pureté nietzschéenne du Gai Savoir rock - Never say goodbye/ Your’re the apple of my life - Et puis dans «Remorse Code», il vise l’infini et claque deux ou trois solos éthérés d’une rare beauté. Il revient à Chateaubriand avec «Open Up Your Door», il s’installe dans le contemplatif élégiaque, il ouvre des horizons, il a des violons et du ciel, et il monte encore par-dessus son chant pour la seule beauté du geste. Il prend la suite des très grands mélodistes britanniques, Nick Drake et John Lennon. Avec «Don’t You Cry», il te rassure. Il est le genre de mec à te prendre dans ses bras et à te laisser chialer sur ses épaules. C’est de cet ordre-là. Merveilleuse proximité de l’être, merveilleuse chaleur de l’homme, merveilleuse présence de l’artiste.

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             Further grouille de bonnes surprises. Avec «Off My Mind», l’Hawl sonne comme Steppenwolf. C’est quasi Born-To-Be-Wildien, avec un incroyable coulé de gras double. L’Hawl serait-il un hard rocker, un adepte du get my motor running ? Non, car plus loin, il sonne comme Fred Neil dans «Midnight Train», un big balladif paradisiaque. Le paradis est son fonds de commerce - I have to head away - Alors, il prend le train de minuit avec de faux accents de Fred Neil. Il a aussi des espagnolades en magasin, et ça devient prodigieux. Encore de la belle pop profilée avec le morceau titre, vraiment fait pour t’émouvoir. L’Hawl cultive la tendresse suburbaine. «Is There A Pill?» sonne comme un coup de génie. Belle disto de réverb, c’est un hit qu’il faut bien qualifier d’universel. Impossible de faire autrement. Il sait étendre son empire. Il sait aussi groover sous la surface su groove comme le montre «Not Lonely». Il gratte encore des poux extraordinaires dans «Time Is» - Time/ Is on your side/ Fight now - Et un mec te blow des coups d’harp derrière. Tu sors ravi de cet album. L’Hawl serait là, tu lui serrerais la pogne.  

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             Paru en 2012, Standing At The Sky’s Edge est un album d’une rare puissance. Cette fois l’Hawl tape dans la Marychiennerie et la Stoogerie. Qui l’eût cru ? «She Brings The Sunlight» développe l’heavy mood des Mary Chain, avec en prime, le killer solo de démarrage en côte. L’autre Marychiennerie s’appelle «Seek It», mais cette fois, plus par le côté mélodique, qui renvoie à Stoned & Dethroned. «Down In The Woods» est monté sur les accords de «Down In The Street». C’est le beat exact, le balancement du riff primal, l’Hawl part même à l’assaut : yeah ! Sur tout l’album, l’Hawl gratte les poux du diable et fait un festival de gras double. Il joue encore sa carte avec «Time Will Bring You Winter», c’est landscapien, avec des fantastiques atermoiements du bassmatic, l’Hawk y va à l’heavy psychedelia, il est fantastique et tentaculaire à la fois, puissant, et complètement hallucinant. Il lui arrive hélas de redescendre d’un étage pour redevenir banal («Don’t Stare At The Sun»), mais c’est pour mieux te préparer à ce coup du lapin qu’est «Leave Your Body Behind You» et à cette stupéfiante descente aux enfers du rock anglais. Il chauffe ses accords au feu gimmickal, c’est explosif et on voit l’Hawl arroser encore et encore. Tout se noie au crépuscule dans une mer de chœurs en feu. 

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             Voilà donc l’avant-petit dernier : Hollow Meadows. L’Hawl reste le genre de mec qui a tous les atouts en main, le beurre et l’argent du beurre, c’est-à-dire la voix, le son ET les compos, avec en plus le poids des ans. Chez un mec comme lui, ça pèse, le poids des ans. Il s’amuse aussi à foutre le feu avec la disto dévorante sur «Which Way». T’en reviens pas d’entendre un cat aussi brillant. Le dandy baryton refait surface avec «Long Time Down», il y va au groove de timbre profond, il se situe toujours à la croisée des meilleurs, c’est-à-dire Fred Neil et Lee Hazlewood. Il titille bien la mélodie du sentiment avec «Nothing Like A Friend». Ce puriste tape chaque fois dans le mille. La plupart de ses cuts se lèvent comme l’aube d’un jour nouveau. Il cultive l’ampleur catégorielle. Il se paye même une marychiennerie avec «Heart Of Oak». Il sort l’heavy beat, et ça te flatte bien le chinois. Cet Hawl est un puissant seigneur. Ce cat sait profiler un cut sous l’horizon.

    Signé : Cazengler, Howlagueule !

    Richard Hawley. Le 106. Rouen (76). 14 septembre 2024

    Richard Hawley. Late Night Final. Setenta 2001

    Richard Hawley. Richard Hawley. Setenta 2001

    Richard Hawley. Lowedges. Setenta 2003

    Richard Hawley. Coles Corner. Mute 2005

    Richard Hawley. Lady’s Bridge. Mute 2007

    Richard Hawley. Truelove’s Gutter. Mute 2009  

    Richard Hawley. Further. BMG 2019  

    Richard Hawley. Standing At The Sky’s Edge. Parlophone 2012 

    Richard Hawley. Hollow Meadows. Parlophone 2015

    Richard Hawley. In This City They Call You Love. BMG 2024

     

     

    Inside the goldmine

     - Delmonas Lisas

             Aucune des personnes qu’on fréquentait à l’époque n’avait une très haute opinion de Baby Delmonette. Elle parlait d’une voix atrocement vulgaire, se maquillait outrageusement et jouait la punk en portant des collants résille déchirés. Elle était petite et brune, mais elle se péroxydait les cheveux. Et pour couronner le tout, elle sifflait du rosé du matin au soir. En plus, elle fumait à la chaîne. On devait supporter sa présence parce que Flavio l’avait à la bonne. On se demandait tous comment il parvenait à la supporter au quotidien. Certains osaient même lui poser la question :

             — Mais comment fais-tu pour lui grimper dessus ?

             Bien sûr, Flavio ne répondait pas. Il se contentait d’esquiver la question en esquissant un léger sourire, puis on passait à autre chose, en attendant que Baby Delmonette revienne des gogues où elle était allée dégueuler. Ça la prenait souvent à l’heure de l’apéro, lorsqu’elle commençait à descendre des Ricards. Ça ne faisait pas bon ménage avec les litres de rosé qui gonflaient son petit bedon. Une fois qu’elle avait fait de la place, elle repartait de plus belle et buvait de grands Ricards secs et sans glaçons. Valait mieux avoir au moins deux bouteilles d’avance, car elle buvait sec. Quelle descente ! On avait même tendance à encourager sa conso, car elle finissait par nous faire marrer, dans le genre marionnette punk désarticulée. Si elle écartait les jambes, on voyait le désastre sous sa mini-jupe en cuir et on plaignait sincèrement Flavio qui lui, n’avait pas l’air perturbé par le spectacle. Comme on ne lui laissait jamais la parole, on ne savait rien d’elle. Et bien sûr, il ne serait jamais venu à l’idée de Flavio de nous raconter son histoire. C’est elle qui le fit un soir où quelqu’un lui demanda si la cicatrice qu’elle avait en travers du visage, et qui descendait de la tempe jusqu’au menton, était due à un accident de bagnole.

             — Bah non ! M’chuis pas pétée un axident ! L’axident, c’est mon pèèèèère, c’t’enculé d’sa race qui s’pochetronait, qui m’violait et qui m’pétait ses bôtelles sur la djeule ! Tu vois ça ? C’est lui, c’te bâtard, et j’en ai plein d’autres sur l’ventre et dans l’dos, sur l’cul, t’as qu’à d’mander à Flavio, y t’dira qu’c’est pas des conneries !

             Et elle avala son Ricard cul sec. Dans la pièce, tout le monde fermait sa gueule.

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             Les Delmonas savent très bien qu’elles ne seront jamais aussi punk que Baby Delmonette. Mais ça n’enlève rien à leur talent. Et de la même façon qu’on gagne à connaître Baby Delmonette, on ne perd pas son temps à mettre son nez dans l’histoire moins dramatique mais passionnante des Delmonas. 

             Pourquoi les albums des Delmonas sont-ils si excitants ? Parce qu’on y entend deux trios de choc, celui des filles et celui des garçons. Ida Red, Ludella Black (qui s’appelle dans le civil Sarah J. Crouch, la croqueuse, qu’on retrouve aussi dans Thee Headcoatees, bien sûr) et Louise Baker (madame Bruce Brand) constituent le trio de filles. Wild Billy Childish, Russell Wilkins et John Gawen, c’est-à-dire Thee Milshakes, constituent le trio de garçons.

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             Boom dès 1985 avec Dangerous Charms. Belle pochette à la Ronettes sur fond blanc. Elles attaquent au wild boogaloo avec «Peter Gunn Locomotion». Milkshakes time, honey, avec un solo wild as fuck de Wild Billy. Boom encore plus loin avec une cover d’«Hello I Love You». Bien sûr, ce n’est pas le final de Jimbo, mais elles te tartinent les Doors autrement, sans le scream. Encore une belle cover : «Lies», cette fast pop des Knickerbockers devenue culte. Ce démon de Wild Billy te claque un solo aux joues creuses, un vrai slashing. Elles terminent leur balda avec le morceau titre, une belle clameur pop des Milkshakes. Nouvelle cover en B, celle de «Twist & Shout», jetée par-dessus les toits de Medway. Admirable, avec des chœurs de rêve. Et voilà le hit de l’album : «Please Don’t Tell Me Baby», attaqué à l’heavy disto. Wild Billy te bouffe le Don’t Tell tout cru, il l’arrose au napalm de Medway. Mélange unique de Medway napalm killer et d’ingénues libertines.

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             Delmonas 5! s’appelle Delmonas 5! parce qu’ils ne sont plus que 5, trois Milkshakes et deux Delmonas, Ida Red et Ludella Black. C’est encore un big boom d’album bourré de coups de génie, tiens comme cette reprise en B du «Keep Your Big Mouth Shut» des Pretties, mais au féminin. Avec «Why Don’t You Smile Now», elles passent au wild gaga de Wild Billy, gratté aux accords de Dave Davies. Wild as smile now ! Elles chantent à la desperate. Nouveau shout de wild as fuck avec «Black Ludella». Ces gens-là s’y connaissent en matière de claqué de beignet. Dynamiques superbes, chant humide et bien sûr wild killer solo flash de Wild Billy. Te voilà au paradis du wild. Ils montent «Your Love» sur les accords de «You Really Got Me» - I want to kiss you baby - Elles y vont au The more I have/ The more I want, c’est pur comme une esquisse. Pur éclair de génie Childish.  

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             L’album sans titre des Delmonas sort sur Hangman, le label de Wild Billy. Boom dès «Jealousy», en l’honneur de leurs amis français, et gratté au ramshakle des squelettes. Full Headcoating and girl group thang ! Retour dans le giron du génie gaga avec «I’ve Got Everything Indeed» et sa petite remontée gastrique de rockab. Wild Billy te ramène le Memphis Beat, au stomp de Medway. Ida et Ludella font encore des étincelles sur «Uncle Willy», elles y vont au all along et Wild Billy passe son wild killer solo flash de circonstance. Elles chantent «I Feel Like Giving Up» en français - Et je sens que je dois céder/ Chéri je souis complètement à booo - Magnifique ! Les Delmonas enchaînent avec une cover magistrale de «Farmer John», elles le font pour de vrai, avec the one with champagne eyes. La grosse cerise sur le gâtö est une cover des Stooges, «I Feel Alrite». Énorme shoot d’énergie, awite awite, c’est encore un vrai coup de génie Childish. Wild Billy te télescope ça de plein fouet, il gratte son solo au train wreck, Ida et Ludella chantent à deux voix, complètement désespérées.

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             Do The Uncle Willy est une solide compile qui permet de réviser les leçons, à commencer par l’épouvantable hommage aux Stooges, «Feel Alrite», l’encore plus épouvantable cover de «Farmer John», elles tapent à la porte à coups de the one with champagne eyes, avec un killer solo flash du Wild Billy on fire, l’aussi énorme «Black Ludella», claqué aux bons soins d’un Wild Billy incontrôlable, et ça bascule une fois de plus dans la Méricourt totale, c’est stupéfiant d’oh oh oh, avec les retours de manivelle et les tatapoums de Gawen. Elles y vont les garces, avec «Hard About Him», une pop lubrique qui sent bon la culotte. Souvent tu te demandes pourquoi tu écoutes du rock. Pour ça. Pour «Hard About Him». Ça peut suffire à ton bonheur, si tant est que tu le cherches. Comme c’est une compile, elles ressortent les «kitchen demos» et voilà «Ca’rnt (sic) Sit Down», vite fait bien fait dans la cuisine. Et tout explose avec la triplette de Belleville «Jealousy», «Lie Detector» et «I’ve Got Everything Indeed». Wild Billy fait du Billy sec sur «Jealousy», mais il est le seul à savoir gratter des poux aussi secs en Angleterre. «Lie Detector» est une kitchen demo grattée au drive de proto-punk. Pur genius de raw. Il gratte en conséquence. C’est encore pire avec «I’ve Got Everything Indeed», puissant et bardé, Wild Billy et ses amis grattent dans l’esprit du pur British beat avec de superbes voix de filles, et ce démon de Billy part en maraude avec l’un des pires killer solos flash de l’histoire du killering. Tu as là la modèle du genre, avec en prime le boogie de Liverpool et les filles offertes. Compile terrifique.

    Signé : Cazengler, delmonunuche

    Delmonas. Dangerous Charms. Big Beat Records 1985

    Delmonas. Delmonas 5!. Empire Records 1986 

    Delmonas. The Delmonas. Hangman Records 1989

    Delmonas. Do The Uncle Willy. Skyclad Records 1989

     

    *

             Ce groupe possède un avantage sur tous les autres combos chroniqués sur ce blogue depuis quatorze ans. Il provient de Baltimore. Vous ne comprenez pas, j’écris Baltimore et vous lisez Baltimore, les adeptes de la géographie préciseront que cette ville qui compte plus de cinq cent mille habitants est un port maritime du Maryland situé sur côte est des Etats-Unis. Pas très loin de Washington DC. Oui mais moi quand je prononce Baltimore, l’aile d’un corbeau prophétique obscurcit la lucarne embrumée de mon esprit et dans ma tête résonne  le mot fatidique : Nevermore ! C’est à Baltimore qu’est mort Edgar Allan Poe en de mystérieuses circonstances…

             Quel que soit ce groupe, je ne pouvais pas ne pas le chroniquer :

    BLEAK SHORE

    BLEAK SHORE

    (EP / YT – BC / Septembre 2024)

             Quelle couve, mes aïeux jusqu’à la trois cent dix-septième génération, digne d’une  couverture d’un american zine à haute fréquence pulpeuse, elle ne fait pas peur, elle vous fout les chocottes, sachez faire la différence, une véritable biscote recouverte de trois centimètres de beurre de cacahuotte, elle attend que vous y mordez dedans à pleines dents, quelle envie incoercible d’y aller, d’aborder ce rivage malsain, de vous confronter à ces immondes créatures qui hantent le phare maudit, vous savez que vous avez toutes les chances d’y  perdre votre vie, il est vrai qu’elle ne vaut pas grand-chose, tant pis, une force inconnue vous y pousse, dans le coin en bas à gauche deux prédécesseurs sont venus vous souhaiter la bienvenue. Ils vous sourient de toutes leurs dents. Qu’ils ont perdues. Un chromo irrésistible. Non ce n’est pas le Grand Verre de Marcel Duchamp, moins transparent, mais beaucoup plus glauque.

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             Question ambiance, ils joignent deus petites phrases en guise d’introduction :’’Nous avons enregistré notre premier EP en live dans la salle (dans un bateau coulé, quelque part au fond de l'océan). Debout sur le rivage désolé, la dévastation est à portée de main...’’

    Jerrod : vocal / Aaron : lead guitars / Jason : guitar / Fred : basse / Travis : drums.

    Take notice : pas de demi-mesure, ces mecs ils cueillent les petits pois de leur jardin à la bombe atomique, après leurs riffs, ce n’est pas l’herbe qui ne pousse plus c’est la terre qui n’existe pas, le Travis il ne frappe pas de traviole, il assène, il assomme, il assassine, le Fred vous fait main basse sur le son, vous vous l’englue façon goudron, pas besoin de plumes pour finir le travail, la guitare d’Aaron ne tourne pas rond, vous met les riffs au carré, quant à celle de Jason elle jase d’une belle manière, le genre de gars qui vous coupe la haie du voisin à la tronçonneuse, et comme le gars vient rouspéter vicieusement il lui tranche la tête en douce, vers la fin ils se permettent une petite détérioration planétaire, just for fun sur le funiculaie, un capharnaüm idéal pour ratiboiser chez vous les cafards dont depuis dix longues années vous n’êtes jamais parvenu à vous en débarrasser. J’en vois des malins la bouche en cul de poule qui la ramènent, pourquoi ils ont pris un chanteur, le mec peut pointer au chômage si nous en croyons le raffut que tu nous décris ! Bonsoir les narvalos, ça se voit que vous n’avez jamais joué à la bataille navale, Jerrod il est là pour mettre les points sur les ‘’ i’’, il ne crie pas, il annonce, il énonce, sans se presser, dans les meutes de loups il est un mâle alpha, vous dépose sa voix aussi soigneusement que votre grand-mère dispose ses napperons sur les meubles que les domestiques ont encaustiqués et astiqués toute la semaine. En plus vous croyez qu’il va vous raconter une horrible histoire de pirates, pleines de tempêtes, d’abordages, de bateaux envoyés par le fond avec des requins qui cisaillent les jambes des marins des qui s’accrochent désespérément aux espars épars sur les eaux tumultueuses. Non c’est un subtil, il manie la métaphore, il ne faut pas croire aux images, elles sont menteuses, elles vous induisent en erreur, un simple problème de couple, règle ses comptes avec sa copine, ils ont dérivé, si vous voulez savoir qui hantent le phare de la couve, ce sont les fantômes de leur passé tumultueux qui ne cesseront de revenir… Vous avez le bruit des vagues qui vous mélodisent la chanson dure. Bleak shore : le ressac sur la rive, avez-vous déjà imaginé qu’un groupe de rock serait capable d’interpréter le claquement et les frottements des orteils de naufragés de la vie qui prennent pied sur l’îlot maudit de leur destin, les autres font tout le ramdam possible et inimaginable, le Jarrod s’en moque, l’a perdu son trésor mais il lui reste le coffre, alors il surplombe tel l’aigle dans les nuées qui se laisse tomber sur sa proie, le Travis vous imite le battement des ailes à grands coups sourds de gourdins, les guitares volent en escadrille, elles vous filent une espèce de mauvais coton de solo démembrulatoire qui fonce en piqué sur vous, une question subsiste, nous n’avons de psychanalyste pour nous aider à y répondre, notre couple rescapé de son propre naufrage est-il plus près de la mort que de la dévastation. Les vagues nous dispensent de répondre. Black tongue : ce n’est pas Barbe Noire c’est Black Tongue, un peu de ressac, c’est si grave qu’ils ont baissé le volume dans l’intro, c’est la grande explication, avec les guitares mélodramatiques et la batterie qui enfonce les clous des explications, Jarrod n’en profite pas pour baisser d’un ton, l’est le genre de voisin d’école qui vous hurle dans l’oreille que le prof est un imbécile, Fred fait le maximum pour minimiser la punition, il tape comme un sourd et le trio guitarique se lance dans une course effrénée, pas de quoi réfréner notre mégaphoneur, cette fois-ci il met les points sur toutes les lettres de l’alphabet, si j’étais la copine je commencerais par avoir peur, veut qu’ils s’en aillent main dans la main marcher sur la mer, il ne ment pas, il est totalement dévasté. Nous aussi.

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    Waking nightmare : soyons juste, je ne voudrais pas que vous les preniez pour de sombres brutes, z’ont de la finesse dans leur mégalophonie, même Jarrod est capable de chanter à peu près comme tout le monde, de temps en temps il monte dans le gratte-ciel des octaves, il essaie toutefois de ne pas en faire trop, par contre les musicos décident de démontrer qu’ils peuvent taper et vriller les guitares, encore plus fort que lui, le pire c’est qu’ils réussissent, Jarrod se surpasse, maintenant vous avez l’impression de l’entendre sur votre interphone. La fin du morceau est un véritable cauchemar vivant. De quoi nous plaignons-nous, nous n’avons aucune envie de nous réveiller.

             Non, ils ne passeront pas au festival de jazz de Montreux. Ils sont trop monstrueux !

    Damie Chad.

     

    *

             A considérer la pochette m’est venu à l’esprit le titre d’un des recueils de Fouad El-Etr, poëte et directeur de la revue et des Editions La Délirante, un des vecteurs essentiels de la publication de textes rares issus, entre autres, de la plus grande lyrique européenne. Comme une pieuvre que son encre efface, nous parle de la noirceur des subtils rapports entre la noirceur de l’esprit et la présence rayonnante des choses, chacune d’elles essayant de phagocyter l’autre pour la celer dans la bouche d’ombre ou de lumière des moments de poésie.

    THE LOST EUPHORIA

    MOURNING DAWN

    (YT / BC – Octobre 2024)

             Pas moins de quinze opus depuis la formation du groupe réduit à une seule personne entre 2002 et 2005. Aujourd’hui la formation est composée de Laurent ‘’Pokemonsterlaughter’’ Chaulet : fondateur, guitars, vocals / Vincent ‘’Toxine’’ Buisson : bass / Nicolas Joyeux : drums / Fabien Longeot : guitars.

             Patronymes français, le groupe est de Paris.

             Ces morceaux datent de 2018, ont-ils été remaniés ou réenregistrés, dans ce cas-là le guitariste serait Frédéric-Batte-Brasseur. En une très courte notule Laurent nous apprend qu’il les avait complètement oubliés, que cet EP deux titres marque la fin de quelque chose en lui. Le titre est significatif : l’innocence du monde s’est enfuie pour toujours. Pour noircir le tableau, si l’on interprète le nom du groupe, le jour de notre naissance n’est-il pas le premier de notre mort…

             Donc la couve, comme une béance, une entrée, une descente, l’aven  aventureux d’un souterrain, non pas une possibilité, un engagement, un parti-pris. L’obligation d’une approche.

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    Gosth of a dying sun : funèbre, funéraire, pas fun du tout, une machine sombre et grondante qui avance vers vous, pas à pas, ce n’est pas le Soleil Rouge de Raymond Abellio, qui vous éclabousse de sa permutation alchimique, l’astre se meurt et s’abaisse lentement, le chant growlé vous interdit de penser à une apocalypse cosmologique, l’astre est en toi, comme il est dans tous ceux qui avant toi sont déjà morts, ce soleil appartient à tous, il décline sur l’horizon individuel de chacun, nous portons notre propre soleil, car nous sommes les parturientes de notre mort, toutefois une présence fantomatique égrégorienne puisque l’astre solaire appartient à tous, voici un bien collectif, nos os sont pétris de la terre des morts, nous marchons sans fin entouré de ces êtres qui nous ont accompagnés, nous vidons le monde d’éclairs de tranquillité que nous avons partagés, il est temps de pénétrer en soi-même, de se retrouver, de vivre son propre rêve, ne plus s’accrocher, larguer les amarres, souffler le soleil de l’être faire le noir, connaître enfin la transparence de soi-même. Une espèce de chant grégorien qui refuse de s’élever jusqu’aux voûtes des monuments, symboles des profondeurs célestes, une marche processionnaire, qui brûle du feu d’une prière qui exige son propre anéantissement. Day zero : notes frêles, indistinctes, le jour zéro c’est le coup de dés qui ne désigne aucun nombre, qui abolit le hasard en abolissant les circonstances de l’être, musique liturgique, chœur monacal, qui traîne sa bure dans la poussière du néant, le growl est un gros loup qui a tiré le grelot du gros lot, le dernier cadeau dont l’emballage ne contient rien, les voix se taisent afin que l’auditeur puisse se rendre compte de l’évidence du néant… prendre la décision, non pas de tout quitter, cette conséquence n’est qu’un dommage collatéral, non s’éloigner, plus exactement décider du chemin, s’éloigner, transformer notre existence en le charroi de notre propre cercueil, ne plus faire semblant de vivre, la guitare se transforme en feu follet, redondance vocale entrecoupées de ces notes glauques qui résonnent sur le sol bitumeux de notre passé, la basse épouse la trace de nos pas, il faut bien laisser quelque chose de notre éloignement, de notre disparition, de notre passage, hurlements les officiants de notre office nous crient dessus, tant pis pour eux, nous sommes en lévitation de nous-même, en reptation intrinsèque, ce qui revient au même, musique en cristal de roche que l’eau de l’existence dissout avec une obstination souveraine. Ne sommes-nous pas ce que nous sommes autant que ce que nous ne sommes pas. Volonté abîmale. Final grandiose.

             C’est si beau que l’on veut en savoir plus. Alors on cherche, l’on se met en quête de la piste noire, l’on comprend assez vite que ces deux morceaux sont issus des séances de l’enregistrement d’un précédent album au titre évocateur.

    DEAD END EUPHORIA

    (Aesthetic Death / Mars 2021)

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             Difficile de décrire une telle pochette. Je serais tenté de détailler un trou, mais je possède une description plus appropriée, qui demandera quelques recherches sur le net à ceux qui veulent comprendre, je dirai donc que cette couve ressemble à un poème de José Galdo, pour situer l’auteur de donnons par exemple le titre d’un de ses recueils : La Nouvelle Danse des Morts, pas à un texte spécial, je ferais plutôt référence à la boursouflure exsudée des brûlures de la chair humaine décompositoire. 

    Dawn of doom : aux premières sonorités fuyantes vous êtes sûr que l’aube en question sera noire, peut-être en désaccord avec Gérard de Nerval qui prophétisait que sa dernière nuit serait blanche et noire, ici il s’agit de la même chose , mais Nerval parlait pour ainsi dire depuis l’autre côté alors que Mourning Dawn n’a pas encore franchi le Rubicon, devant l’obstacle qu’il faut s’approprier fort justement par l’Acte d’appropriation, lyrics explicites comme il est écrit sur une recension du disque, juste une décision dirigée par le constat de la faillite du simple fait de vivre, musique englobante, imaginez-vous hurlant dans une meute de chiens grondante lancée dans la poursuite d’un six-corps - parfois la musique et aboiements s’alentissent parce que l’instant de la curée approche, mais ici vous êtes, les chiens, le cerf et le chasseur. Votre vie ne tient qu’à un fil. Celui du couteau. Que vous tenez dans votre main. En filigrane cette idée que vous serez le père de celui qui a passé le cap avant vous. Mais la paix la plus profonde vous attend.

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    Never to old to die : un titre parodique à destination des rockers sardoniques, too young to  die, too old to rock’n’roll, ils ne jouent pas au loto, ou alors ce sont les numéros de la mort, 18, 27, 33 ! Attention à ne pas sortir les numéros gagnants, faites gaffe, le morceau est long mais si la rythmique marque une cadence ponctuante les guitares fusent à toute vitesse, à croire qu’ils ont divisé le son sur deux bandes, l’une normale et l’autre ultra rapide, pas le temps de perdre son temps, même pas de le prendre, vous avez des coupures faut bien marquer les séquences, un coup ils se précipitent vers la mort en voiture, z’ont de l’humour noir, à dix-huit ans tu peux avoir le permis mais pas la voiture, si tu t’encastres appelle le 18, les pompiers te sortiront de ce mauvais pas, une autre solution prendre sa carte au club des 27, très sélect, que des rock’n’roll stars, tu ne peux pas trouver mieux, correspond parfaitement à ton style de vie, qui est en même temps ton style de mort, faut tout de même avoir un fusil chez toi pour t’éclater la tête et rejoindre le nirvana, vocal acerbe, comme Kurt Cobain, troisième solution, l’âge du Christ, pas besoin de porter sa croix jusqu’au bout, une petite overdose et tu bascules sans t’en rendre compte, non il n’est jamais trop tard pour mourir, tu peux dépasser les trois numéros fatidique, tu gardes toujours ta chance avec toi, à portée de main. Un groupe de death metal qui se permet l’auto-dérision de l’humour c’est plutôt rare, ils en profitent pour s’éclater, musicalement parlant, batterie d’estoc, guitares de taille et vocal déchaîné. Prennent leurs pieds, n’en finissent pas de continuer sur leur lancée, le morceau fonctionne comme un unique riff géant, un riff de dinosaure auquel ils rajoutent sans arrêt une vertèbre articulatoire. Dead end euphoria : une guitare vous fait la nique, les chœurs de moines paillards  clament que si l’euphorie de vivre est sans issue, autant en profiter jusqu’au bout, c’est après que le ton change qu’ils atteignent aux réflexions métaphysiques pascaliennes sur l’inanité du  divertissement, l’on n’oublie jamais même si on fait semblant, même si on ne veut pas le voir, ce que l’on trouvera au bout du chemin, guitare narquoise et cordes illusoires, batterie te deumique… Conclusion : escadrille guitarique en position d’attaque, fini de rire, ni noir, ni jaune, le vocal comme un scalpel qui vous dépèce l’âme, hurlements, le chant monte en puissance, il serait parfait pour illustrer La Divine Comédie de Dante, la première partie L’Enfer évidemment, mais chez Mourning Dawn l’on ne rôtit pas éternellement en enfer ce qui serait une manière peu agréable de survivre, non chez eux la mort est glaciale comme une chambre froide de boucher, sans même les carcasses animales à l’intérieur, le morceau reprend plus lourdement, ne vous permettent pas le moindre rêve, derniers gargouillements atrophiques, les tentures phoniques du drame descendent lentement du plafond, ne vous reste plus qu’à vous y enrouler dedans comme dans un suaire. Hurlements de terreurs, la batterie casse du bois, celui de votre cercueil que l’on prépare pour vous.

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    The five steps to death :non ce n’est pas le Three steps to heaven d’Eddie Cochran, sorti après sa mort, qui disait l’éternité c’est long surtout vers la fin, je vous promets qu’à la fin du morceau vous serez encore vivant mais que vous en avez non pour vingt-six siècles mais pour vingt-six minutes, ne vous enterrent pas vivant, ils vous permettent d’assister à la répétition de votre enterrement, une entrée cérémonieuse, plein-chant, grandes orgues, au moins trois chœurs, mille cierges allumés, ce sont les chandelles de votre vie que vous avez ou que vous n’avez pas eu le temps d’enflammer, je ne peux pas décider pour vous, le courage de brûler par les deux bouts. C’était trop beau, n’avaient pas lésiné, et plouf toue s’arrête, plus rien une guitare acoustique, ô la pauvrette, elle joue bien, mais c’est un peu maigrelet, pas de choeur, juste une voix solitaire qui récite un texte peu engageant, pas vraiment joyeux, pas l’enthousiasme nietzschéen, nihiliste, presque le regret de Dieu et sitôt ce mot prononcé c’est le déchaînement, le vide à combler, mais peut-on combler le vide avec la mort, avec des entassements de morts, maintenant le morceau se transforme en un magnifique oratorio, galopade drummique, murs de guitares, voix jaillissantes, elles grognent et feulent comme des tigres en cage, une foule  scande les slogans de l’ineffable, rupture ronflements de basse, des orques solennels se prennent pour le requin de Mozart, requiem pour un survivant, pour quelqu’un qui a sublimé sa mort et qui n’en est pas mort pour autant, au temps qui passe, qui scandaleusement ne veut pas s’arrêter, se figer en son propre espace, alors cette montée en puissance qui vous emporte,  je suppose que beaucoup d’auditeurs affirmeront que ce morceau est trop long, il n’est pourtant pas plus long que lui-même et il atteint au sublime, avec ces coups de gongs et cette chevauchée walkyriennes de guitares qui surgissent pour tout emporter avec elles, les chœurs comme un mur de feu qui se consume et brûle en même temps le monde, en signe d’exaltation et de finitude, des sirènes qui retentissent pour donner l’alerte, pour que vous aperceviez que quelque chose est en train de se dérouler là, dans ce morceau même,  ces voix qui semblent s vouloir se dévorer, qui se jettent l’une sur l’autre pour qu’il ne reste rien de ce qui aura eu lieu. Prodigieux. Adieu : encore une fois ce frémissement comme un vol d’anges aux ailes cassées, généralement on les appelle des humains, l’adieu aux armes et l’adieu aux hommes, qui ne savent ni mourir ni vivre. Coincés entre leurs finitudes et leurs infinitudes. Une dernière fuite en avant car ils aussi difficile de  vivre que de mourir. Les serpents ne se mordent que rarement la queue.

    Damie Chad.

     

    *

             Il est des hasards extraordinaires. La précédente chronique se termine par l’évocation de serpents, or ce matin à la recherche d’un nouveau groupe à chroniquer mes yeux s’arrêtent sur ce qui a première vue ressemble à poème anglais qui débute par les trois mots suivants : ‘’ If the serpents…’’ se mordent la queue ai-je envie d’ajouter, je regarde et j’en ressors effaré, la mystérieuse voie du serpent ne saurait mentir.

    THE ORESTEIA

    C.I. A. Hippie Mind Control

    ( / 2023)

    J’avoue que d’abord  j’ai bêtement focalisé sur le nom du groupe, What ist it ? Un groupe politique ? En plus ils sont catalogués de ‘’ band from the american PNW, j’essaie de traduire Party National de… non, l’adjectif serait devant le nom, en tapant PNW je m’aperçois de mon ignorance crasse, ces trois initiales désignent une région transnationale américaine et canadienne du Nord-Ouest du Pacifique, qui regroupe les états de l’Oregon, de l’Idaho, de Washington et de la province de la Colombie Britannique.  Tout colle puisque le combo est domicilié dans l’Oregon. De la cité d’Eugene, grande ville enchâssée dans un écrin de verdure qui lui vaut son surnom de Cité d’Emeraude

    Ne sont que deux, se définissent comme un combo psychedelic death doom. Je me demande si le premier d’entre eux ne serait pas un admirateur, un chadmirateur, de ma modeste personne dont la renommée aurait atteint à mon insu les rivages du Pacifique : Chad Rausshenberger : guitar, bass, synts, samples, clean vocals / Greg Kholer : drums, percussions, vocals.

    Le titre me fait sursauter : l’Orestie, d’Eschyle pas possible, vous connaissez mon amour immodéré pour la Grèce Antique : ce n’est pas un devoir de chroniquer, c’est un impératif catégorique comme dirait Kant !

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    Uniquement trois morceaux pour l’Orestie, n’est-ce pas trop peu, les amerloques ont l’esprit pragmatique, l’Orestie étant une trilogie, ils ont prévu un morceau pour chacune des trois pièces qui composent l’œuvre d’Eschyle, à l’origine il y en avait quatre, ce n’est pas un hasard si Wagner a composé une tétralogie, mais elle a été perdue, soyons gratuitement méchant : brûlée par les chrétiens, dommage car les trois drames qui composaient une trilogie devaient normalement être suivie d’une comédie sur la même thématique.

    Dans une petite phrase ils nous apprennent que deux premiers morceaux se trouvaient sur un vieil opus, et le troisième égaré sur la face B d’un 45… Ils ont remixé le tout, pour leur constituer une suite phonique. Ce n’est pas tout à fait la règle des trois unités dont notre théâtre classique est si fier, mais cela s’en rapproche, du moins de la fameuse unité de ton que plus tard mettront à mal nos Romantiques…

    le principe structurel d’un drame antique est un capharnaüm sans nom, les renseignements suivants sont très schématiques, d’abord deux entrées, un prologue réservé à un ou plusieurs acteurs, et un parodos, première apparition du Chœur, ensuite les scènes nommées épisodes, qui sont systématiquement suivies d’un Stasimon, le commentaire du Chœur qui peut résumer les évènements qui ont précédé le sujet de la pièce, ou manifester ses peurs, ses craintes, voire prophétiser la suite, voire la fin, des évènements… parfois le Chœur entre en nombre, c’est ce que l’on appelle un kommos, et se transforme en cortège plus ou moins bachique, le dernier épisode porte le nom d’exodos. Si vous désirez en savoir davantage, une seule solution relire la Poétique d’Aristote.

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    Nous sommes habitués aux murs de pierres ou aux colonnes blanches des monuments antiques, un monde pur en quelque sorte, beaucoup plus bariolés en leurs époques, les manifestations théâtrales dépendaient beaucoup des ‘’sponsors’’, citoyens riches plus ou moins chiches, les costumes, les masques, pouvaient être plus ou moins sophistiqués, les Chœurs composés étaient parfois maigrelets, ou pléthoriques, les acteurs et les chanteurs les plus célèbres recevaient un cachet supérieur…

    Certains lecteurs se demanderont si l’écoute des quarante minutes de l’opus de notre groupe sera  capables de traduire un tel foisonnement, peut-être ajouteront-ils qu’il feraient mieux d’assister à une véritable représentation de la pièce. Sans doute n’ont-ils pas tort, question costumes, décors, déplacement, mise en scène  C.I.A. Hippie Mind Control ne saurait rivaliser. Le problème c’est que le spectacle visionné sera aussi inconséquent que le disque. A l’origine les tragédies grecques étaient pourvues d’une partition. Bref l’ensemble était plus proche d’une comédie musicale, d’un opéra, que d’une simple pièce de théâtre. Si l’on y réfléchit bien, l’idée d’une interprétation musicale d’Eschyle n’est pas à dédaigner.

    Il ne nous reste que quelques rares et ultra-brefs fragments de ces partitions antiques, la tentative de C.I.A. Hippie Mind Control n’en est que plus intéressante et intrigante. La gageure semble impossible à relever.

    Agamemnon : n ’ont pas fait preuve d’une imagination débordante pour les titres, ils ont repris ceux d’Eschyle :  surprise auditive, presse purée phonique, votre ouïe a intérêt à retrouver son équilibre, ni cadeau, ni concession, l’étiquette post-metal est utile, tout et n’importe quoi peut être qualifié de post metal, mais c’est que là : vous avez le post, le metal, le tout et le n’importe quoi réunis, et puis les acteurs, vous ne les voyez pas certes, mais vous les entendez, ils causent sans fin, vous ne comprenez rien, disons que les spectateurs font du bruit, ils parlent en même temps, le pire c’est que la musique en sourdine reste présente mais que c’est le traitement vocal qui paraît plus metal, que les grincements, les colères et les coliques battériales, ce truc informe et infâme qui grogne, c’est au moins un Dieu, ou la voix du Destin, couverts par des hurlements de soudards, vous avez une guitare qui miaule mieux qu’un chat, disons une chatte qui ne retrouve pas ses petits,  des samples qui ne sont pas simples, des intonations dignes d’acteur, des sonneries crispantes, ce n’est pas tout et cerise aigre sur le gâteau, une tragédie résumée en onze minutes. C’est tragique. Scandaleux. Une attaque sans nom contre la culture, la grande, celle avec un C majuscule, le même que vous mettez en tête de Connerie effroyable. Oui, mais quelle réussite ! Est-ce que la CIA a pris le contrôle du cerveau de nos hippies, ne répondez pas par oui, car vous serez moralement obligé d’écrire une lettre de remerciement à la Centrale de l’Intelligence Américaine. Pour la première fois de votre vie vous venez d’assister à un prodige. Rappelez-vous de celui qui vaticinait que la beauté se devait d’être convulsive. Sans quoi elle ne serait pas.  Dans le tohu-bohu convulsif vous n’avez rien compris au film. Agamemnon rentre chez lui. Dix ans que sa femme ne l’attend pas. Elle a pris un amant Eghiste. Pour se venger. Elle lui en veut. Agamemnon n’a pas hésité à sacrifier sa propre fille Iphigénie pour que les Dieux lui envoient le vent nécessaire au départ de la flotte grecque pour la guerre de Troie. Agamemnon périra par où il a été aidé. Par les Dieux. Sa femme l’accueille dignement, elle lui fait le coup de l’ordalie, il ne devrait pas marcher sur le tapis de pourpre réservé aux Dieux qu’elle a déroulé en son honneur. Dans les minutes qui suivent il sera tué par Eghiste qui l’attendait dans la salle de bain. Peut-être que dans ce morceau vous n’avez entendu qu’un charivari extrême, c’est parce que vous êtes bête, parce que vous croyez que lorsque le Destin se rend à votre rencontre, il marche sans faire de bruit, l’oreille subtile de votre intelligence aurai dû comprendre que lorsque la force colossale du Destin se dirige vers vous, il fout un sacré bazar tout autour de lui. Prenez-en de la graine. The libations bearers : je ne voudrais pas que l’on m’accuse de vilipender la langue de Shakespeare, mais reconnaissez que la traduction en l’idiome rabelaisien, plus proche du grec originel, est supérieure à la malheureuse version anglaise, Les Choéphores a singulièrement plus de gueule et de classe que ces malheureux porteurs de libation qui évoquent les soirées avinées des saturnales romaines : les voix bien sûr, les instrus se la jouent tragique, c’est ici que le nœud se noue, cris de haines, est-ce que le drummer se prend pour les pas du destin, c’est la purée phonique, normalement il devrait y avoir des trémolos de violons, ils n’en n’ont pas, y a comme des tintements de vaisselles sales, une guitare qui joue au chat vivant  à qui l’on arrache ses tripes, s’il vous plaît n’écoutez pas les paroles, contentez-vous des hurlements de haine, une espèce de glissement de terrain instable, une bête hideuse c’est Kobler qui se prend pour un loup-garou, quel tintamarre, j’espère que vous avez déjà perdu votre tête car vous ne sauriez pas où la mettre en sécurité dans cette espèce d’avalanche stagnante, silence, non nous sommes au cœur d’une action sans cœur, en désespoir de cause quelqu’un tape sur une cymbale pour faire croire que vous entendez les battements, just an illusion,  que de bruit ! que de larmes, c’est normal c’est la nuit qui tombe dans l’âme du héros. N’écoutez pas ce qu’il décjame. Vous ne dormiriez pas ce soir. Comparé à ce morceau le souvenir du précédent vous fera verser des larmes de nostalgie, vous aurez envie de chantonner quelle était verte ma vallée. Donc je résume : voici Oreste devant la tombe d’Agamemnon, c’est Apollon, celui-ci n’est pas un plaisantin, qui l’a envoyé venger son père. Ce qu’il ne manquera pas de faire. Oreste : 1 / Eghiste : 0. Mais Oreste a vu sa mère, la méchante hypocrite accompagnée par un cortège porteur de coupes de libation, afin de verser du vin sur le tombeau  dans le but de calmer la fureur des mânes d’Agamemnon… Oreste aiguillonné par sa sœur Electre, s’en prend maintenant à sa mère, il commet le crime le plus énorme, le matricide Oreste 2 / Eghiste+Clytemnestre 0. Pas de chance les méchantes Erinyes se lancent à sa poursuite, elles bourdonnent autour de sa tête, elles lui reprochent son crime, elles sont le regret, le remords, la vengeance et bien plus encore. Maintenant vous comprenez l’atmosphère lugubre et chaotique de de ce deuxième morceau.  Voici le moment idéal pour  nous pencher sur la couve de ce trauma sonique : la scène est facile à décrypter Oreste attaqué par les Erinyes. Pourquoi sont-elles représentées par des serpents ? Elles sont symbolisées par des serpents parce que leurs chevelures étaient entremêlées de reptiles. Pourquoi ? Parce que ces serpents étaient censés sortir des tombes des assassinés.  Pourquoi ? Je vous en pose moi des questions, tiens en voici une : quelle était la bébête qui logeait dans une fissure du temple d’Apollon à Delphes ?  

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    The Eumenides : c’est le summum, cris sans chuchotements, que faire, à tout hasard Kholer tape sur sa cymbale et tant bien que mal essaie d’imiter le vol des Erinyes, une escadrille aux hélices bruyantes, une guitare n’en finit pas de grincer, une espèce de grognement perpétuel couvre le tout, ambiance noisique, peu de paroles, quand tout est réalisé rien à rajouter, seules les Erinyes font entendre des bruits épouvantables, délabrement auditif, la fin est proche, si vous ne connaissez pas votre mythologie vous vous demandez ce qui se trame dans ce générique final de fin du monde. Les Dieux s’en mêlent, Oreste s’en remet à Apollon pour le tirer de ce mauvais pas. Le Dieu commence par exiger des Erinyes qu’elles se calment, puis il refile le bébé à Athéna. N’oubliez pas que c’est à Athènes qu’avaient lieu les représentations les plus munificentes. Donc Athéna va  la jouer finaude. Faut-il laver Oreste de son crime ou doit-elle l’abandonner à la vengeance des Erinyes, elle sort la carte ultime, le mot magique que nos politiciens sortent à tout bout de champ. Athéna est pour la démocratie. Douze citoyens serviront de jury. Enfin onze, parce que la Déesse s’octroie une place de choix. Celle de présidente du jury. Les Erinyes exposent leurs griefs, leur rôle n’est-il pas de châtier les criminels, elles ont raison, un seul hic à leur raisonnement légitime, c’est Apollon qui, surprise du chef, se déclare l’avocat d’Oreste. Allez donner tort à un Dieu. Le jury déclare Oreste lavé de son crime. Les Erinyes se plaignent à Athéna. La fine mouche leur assure que personne ne les aime, elles n’ont qu’à se métamorphoser en bienveillantes, en consolatrices, en Euménides pour employer le mot grec. Ce qu’elles se hâtent de faire. Ouf nous l’avons échappé belle.

             Si vous voulez la morale de cette histoire : d’après moi la musique de C.I.A. Hippie Mind Control est davantage érinyque qu’euménidienne. C’est pour cela que vous l’apprécierez.

             Une superbe réussite. Total Kaos !

    Damie Chad.