KR'TNT !
KEEP ROCKIN' TILL NEXT TIME
LIVRAISON 515
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17 / 06 / 2021
MING CITY ROCKERS / BAY CITY ROLLERS PHIL SPECTOR / SOUL TIME / CRASHBIRDS FORÊT SENSIBLE / QUERCUS ALBA CIRCADIAN RITUAL |
L’avenir du rock - La dynastie des Ming
C’est en fouinant dans les pages de chroniques de disques de Vive Le Rock qu’on a fini par repérer les Ming City Rockers.
— Monsieur Vive le Rock, comment expliquez-vous ce phénomène ?
— What phénomène ?
— Bah, les Ming City Rockers ?
— Ah oui ! Ils font partie de ces centaines de groupes qu’on case comme on peut, tiens on va les mettre là en attendant, on sait jamais, des fois qu’y percent. Bon c’est pas mal, hein ?, me fais pas dire ce que j’ai pas dit. Alors bon, on leur met une bonne note, disons 8/10, et après chacun cherche son chat, pas vrai ? On met tout le temps des 8/10 et des 9/10, question de moralité. On n’est pas là pour jouer les tontons flingueurs. Mais bon en même temps, y sont bien gentils les Ming City machin, mais y a pas de quoi se relever la nuit, et puis les groupes de British gaga-punk un peu trop énervés, ça grouille de partout, il en arrive dix par jour au courrier, et t’as des gens qui prétendent que le rock est mort, y feraient mieux de venir voir la gueule de ma boîte aux lettres, ça n’arrête pas ! Non seulement tu reçois tous ces disks, mais en plus, faut les écouter ! Méchant boulot ! Sais pas comment font les autres, mais des fois ça fait mal aux oreilles. C’est comme quand tu baises trop, tu finis par avoir mal aux couilles, ha ha ha !
— L’underground se porte bien, d’après ce que vous dites...
— S’est jamais aussi bien porté ! Ma boîte aux lettres récupère toute la crème de la crème de l’underground, et cette crème n’a jamais été aussi vivace, je veux dire au plan bactériologique. Ah la vache, tu verrais cette vivacité ! Une vraie prolifération !
C’est vrai, quand on écoute Lemon, le deuxième album des Ming City Rockers, on a l’impression que l’underground vit bien sa vie, qu’il n’a besoin de personne en Harley Davidson. Dès «Sell Me A Lemon», on saute dans le cratère d’un volcan. Toute cette disto et tout ce bass drum sonnent comme une déclaration de guerre. Ils ont le power et tu les prends tout de suite au sérieux. Ils développent avec ce cut une espèce d’énormité rampante qui te grimpe dans la jambe du pantalon. Le petit délinquant qui chante n’a pas de voix, mais il fait illusion. C’est tout ce qu’on lui demande. Le solo ferait penser à une avalanche de vieilles déjections. Ils savent couler un bronze qui fume, alors bravo les Ming ! Et les voilà partis à l’aventure, avec le handicap du pas de voix, mais quelle énergie ! Disons que c’est visité par le haut, avec des solos vampires qui planent dans la nuit. Ils démarrent tous les cuts sur le principe de l’avalanche et c’est parce qu’ils n’inventent rien qu’on s’intéresse à eux. Tout l’avenir du rock repose sur cette énergie désespérée, les Ming jouent leur va-tout avec des cuts désespérés mais pleins de jus. «Death Trip» est l’archétype du no way out. Ils s’enfoncent dans la désespérance du heavy gaga-punk mais c’est plein de spirit. Les gens devraient théoriquement adorer leur profond désespoir plein d’espoir. C’est l’énergie qui les porte et qui les arrache à l’oubli. Ils travaillent chacun de leurs cuts au corps. Ils envoient paître «Christine» dans les prairies de la power pop, c’est tout ce qu’elle mérite, ils ba-ba-battent la campagne et cisaillent tout à la base. Et puis avec un cut comme «How Do You Like Them Apples», ils avancent à marche forcée vers le néant, portés par un gros riff abrasif, suite à quoi ils prennent feu et on finit par les perdre de vue. Le coup du lapin arrive enfin avec un «Don’t You Wanna Make My Heart Beat» complètement vérolé par un solo de wah. Ils réveillent de vieux démons et font leurs adieux dans une stupéfiante envolée de fin de non recevoir.
Mais alors, les Ming City Rockers ne sont pas des chinetoques ? Non, ils sont basés à Immingham, une ville portuaire située sur la côte Nord de l’Angleterre, à mi-hauteur, à droite de Leeds et de Sheffield. On surnomme cette ville Ming-ming, d’où les Ming City Rockers.
Leur premier album vaut véritablement le détour. Même équipe avec Clancey Jones au chant, mais c’est la lead-guitar Morley Adams qui vole le show, notamment dans «You’re Always Trying Too Hard». Quelle violence intentionnelle ! Elle joue au hard drive, mais en fait, elle se livre à un sacré tour de passe-passe car elle vise l’enfilade superfétatoire, forant son couloir avec une hallucinante virtuosité. On croirait entendre Jeff Beck, alors t’as qu’à voir ! Elle fait un gratté de gamme avec un son extrêmement acide. Nouveau coup de Jarnac avec cette cover du «Crossroads» de Robert Johnson. Clancey Jones chante ça à petit feu, mais Morley Adams se met dans tous ses états. Ils ne sont pas avares d’énormités, comme le montre ce «Wanna Get Out Of Here But I Can’t Take You Anywhere» d’ouverture de bal. Ils amènent ça dans les règles du lard fumé, c’est battu à la dure, avec une disto en contrefort du roquefort. Voilà encore un obscur objet du désir, un cut extrêmement bon, bourré à craquer d’énergie subliminale. Et quand ils prennent le gaga-punk d’«I Don’t Like You» au ventre à terre, ils ne sont pas loin des Cheater Slicks. Ils font du simili-stomp avec «You Ain’t No Friend Of Mine». Ils tapent ça au break de bass-drum. Il y a du volontarisme chez les Ming. Non seulement ils stompent comme des princes, mais Doc Ashton bat comme un beau diable. Ce wild man de Clancey Jones se tape une belle descente aux enfers avec «She’s A Wrong ‘Un». Sur ce coup-là, les Ming valent bien les Chrome Cranks, car ils sortent un son qui fuit dans la ville en flammes et ça devient très spectaculaire, pulsé par un poumon d’acier rythmique. Les Ming ne plaisantent pas non plus avec le ramonage, comme le montre «Rosetta». Pendant que Clancey Jones gueule comme un veau dans son micro, les autres jouent dans tous les coins. Du coup, ils deviennent nos copains. Ils bouclent leur joli bouclard avec une autre merveille, «Get Outta Your Head». Ils gonflent leur gueulante d’une belle énergie sixties. Les filles envoient des chœurs impardonnables, les accords claquent bien dans le studio, Morley Adams part en petite vrille intestine, et du coup ça sent bon le glam. On attend des nouvelles des Ming avec impatience.
Signé : Cazengler, Ming Pity rocker
Ming City Rockers. Ming City R*ckers. Bad Monkey Records 2014
Ming City Rockers. Lemon. Bad Monkey Records 2016
Dock of the Bay City Rollers
Quelques articles ici et là nous avaient prévenus : l’histoire des Bay City Rollers que raconte Simon Spence dans When The Screaming Stops: The Dark History Of The Bay City Rollers est une histoire affreusement sombre. Mais tant qu’on n’a pas lu le book de Spence, on n’imagine pas à quel point cette histoire peut être sombre.
McLaren déclara en son temps que les Pistols were just the Bay City Rollers in negative, et c’est probablement grâce ou à cause de lui qu’on finit par s’intéresser 40 ans après la bataille à ce groupe qui déclencha l’hystérie en Angleterre.
Et puis comme Les McKeown - deuxième chanteur des Rollers et le plus connu - vient de casser pipe en bois d’Écosse - trois ans après que le bassiste Alan Longmuir ait lui aussi cassé sa pipe en bois d’Écosse - il nous a semblé opportun d’entrer dans cette histoire par la grande porte.
Simon Spence est une sorte de Rouletabille du sex & drugs & rock’n’roll, il nous tartine 500 pages avec une prompte célérité, ne mégote sur aucun détail, il fouille dans les chambres et dans les arrêts des tribunaux, c’est un infatigable, un retrousseur de manches, une sangsue affamée de vérité, la puissance de son investigation pourrait presque passer pour un souffle littéraire, 500 pages c’est long, il réussit l’exploit de maintenir l’attention du lecteur en éveil, jusque dans les heures sombres de la nuit. Pas facile de lâcher ce pavé. Une fois qu’on y est entré, on est baisé. C’est aussi bête que ça.
Ni les frères Longmuir ni Les McKeown ne sont les personnages principaux de cette sombre histoire. Ils laissent ce triste privilège à Tam Paton, leur manager/protecteur, le prototype du svengali à l’Anglaise, ou devrait-on dire à l’Écossaise, car toute cette histoire se déroule à Edimbourg, et son esthétique repose sur le tartan. Paton est l’un de ces bidouilleurs du rock qui pullulent dans les early seventies. Il fume soixante clopes par jour, se goinfre de valium et supervise les moindres faits et gestes de ses poulains, les Bay City Rollers. Il leur interdit l’alcool, les drogues et les fiancées - No girlfriends and no booze - Quand ils partent en tournée à six, il loue trois chambres d’hôtel. Pour éviter les accointances, Paton organise chaque soir un roulement : deux par deux, ce ne sont jamais les mêmes qui dorment ensemble et bien sûr, le cinquième est celui qui devra dormir dans la chambre de Paton. Autant le dire tout de suite : Paton aime bien les jeunes garçons, ni trop jeunes, no trop vieux. Si tu veux faire partie des Bay City Rollers, tu dois passer à la casserole.
En tournée, Paton leur interdit tout : ils doivent rester dans leur chambre et descendre dans la bagnole quand il l’ordonne. Aucune interaction avec les autres gens. La presse considère Paton comme le sixième Roller. On le décrit comme le manager des Rollers, leur conseil et leur ami. Son modèle n’est autre que Brian Epstein. La Beatlemania sera le modèle de la Rollermania. Il pousse le bouchon assez loin - No sex no drugs no rockn’n’roll - Il veut que les Rollers restent disponibles pour les fans qui sont évidemment des adolescentes. Et comme Epstein, Paton doit garder le secret sur son homosexualité. À cette époque, elle est encore répréhensible. Le seul hic, dans ce parallèle, c’est que les Beatles avaient du talent, pas les Rollers. Brian Epstein avait de la classe, Tam Paton est un prédateur sexuel. Les McKeown déclarera plus tard avoir été violé par Paton.
Mais comme le rappelle si justement Rouletabille, il ne peut y avoir de Bay City Rollers sans Tam Paton. C’est lui qui recrute et qui vire les Rollers, sur des critères esthétiques, bien sûr - Good-looking boys wanted, ability to play not necessary - il contrôle le moindre détail de leur vie privée comme professionnelle, il est à la fois le bon et le méchant de cette histoire - Both hero and villain - l’artisans de leur rise and fall, et nous dit Spence, tous ces éléments font de l’histoire des Bay City Rollers une véritable tragédie shakespearienne, et là, le book se met en route. En comparaison de Tam Paton, les Don Arden, Morris Levy et autres Lasker ne sont que des enfants de chœur.
Juste après la liquidation d’Immediate Records en 1969, l’associé d’Andrew Loog Oldham Tony Calder monte avec David Apps une nouvelle structure, MAM, à la fois agence et label. Calder commence à prospecter en Écosse et signe trois groupes, Northwind, Hate et Tear Gas. Puis un collègue écossais l’emmène assister à un concert des Bay City Rollers à Edimbourg, et là Calder ne comprend pas ce qui se passe - Christ what is this? - Son collègue écossais lui répond : «This is the Bay City Rollers.» Calder assiste tout simplement à un scène d’hystérie collective comme on en voyait dix ans auparavant, au temps des early Stones - It was like seeing the Stones when they broke. You could smell sex everywhere - Alors Calder se rapproche de Paton car le phénomène l’intéresse. Mais des gens le mettent en garde, disant que Paton enfile ses protégés - You know he’s fucking some of the band up the bum - Comme Paton dans le civil est grossiste en patates, on dit qu’il les enfile à l’arrière du camion de patates - He was shagging them in the back of the potato wagon - C’est vrai qu’on se régale avec les tournures de la version originale. C’est à la fois comique et tragique. Calder ajoute que personne ne connaît l’âge véritable des Rollers. Tout le ponde ment, Paton le premier. Calder refuse de travailler avec ce Paton qui le rend malade - It made me feel ill. Tu voulais te récurer les mains après lui avoir serré la sienne. J’avais jamais vu des ongles aussi dégueulasses. Je n’ai jamais su si ça venait des patates ou du trou du cul d’un kid. Si tu as du sang sur les ongles pendant la nuit, le matin, c’est noir. On dirait de la crasse. Tu veux vraiment prendre ton petit déjeuner avec Tam Paton alors qu’il a enfilé his finger up some kid’s arse, celui qui est assis à table et qui chiale parce qu’il a mal au cul, ah non merci.
Tam Paton mène son business d’une main de fer. Tout le monde a peur de lui - S’il te dit saute, tu sautes - Quand il sent des réticences chez l’un de ses protégés, il lui fait avaler des mandrax. Mais même avec cette discipline de fer, Paton peine à préserver l’image clean-cut des Rollers, notamment durant les tournées américaines. Paton surprend plusieurs fois Ian Mitchell au lit avec une groupie, ce qui lui vaudra d’être viré. Chaque fois que Les McKeown entend frapper à la porte de sa chambre d’hôtel et qu’il ouvre, il tombe sur une petite gonzesse à poil qui veut baiser avec lui, alors il se planque dans un placard pour la baiser, car Paton fait des rondes de surveillance. Pat McGlynn qui fit brièvement partie des Rollers explique qu’en arrivant dans le groupe, il était puceau - I’d never had sex with a girl - Il préférait se bagarrer - My first experience of sex was with that bastard Paton when he abused me on his couch - McGlynn ajoute que Paton droguait les verres des gens qu’il envisageait de baiser - He was just an animal - Il dit aussi que Les McKeown lui a sauvé la mise plusieurs fois. Les et lui se tapaient des tas de filles, mais Stuart Wood allait tout cafter à Paton. En fait, McGlynn nous explique que Paton voulait aider ses protégés à devenir homosexuels, leur expliquant que les femmes, bah, ça ne sent pas bon et ça crée des problèmes, quand elles sont enceintes. Les McKeown : «Paton ramenait en permanence son concept that women were dirty fish, dirty, smelly fish you don’t want any of them, you want to be one of the boys.» Pat McGlynn finit par raconter à son père que Paton le harcèle. Wot ? Ivre de rage, le père se lève d’un bond et s’en va péter la gueule à Paton. Rouletabille rapporte d’autres épisodes gratinés, mais on va s’arrêter là. KRTNT a pour objet de vous divertir et non de vous faire vomir.
Paton va ensuite se lasser des Rollers. Dans sa résidence de Little Kellerstain, il continue de se livrer à toutes sortes d’abus. C’est d’une grande banalité chez les gens riches qui ont de très gros appétits sexuels. Il leur faut un harem. Little Kellerstain est donc un harem. Des kids y logent à l’année. Ils portent tous des robes de chambre. Paton fournit les drogues, il devient même un gros dealer local.
Bon alors maintenant que le décor est planté, on peut s’intéresser à Les McKeown. Rouletabille le situe comme l’âme de la Rollermania - avec Eric Faulkner, le guitariste - Selon Rouletabille, McKeown n’est pas un saint : il va comparaître trois fois devant des juges. Une fois pour avoir renversé accidentellement une femme alors qu’il fonçait au volant de sa Ford Mustang - un an de retrait de permis - une fois pour avoir assommé un photographe d’un coup de pied de micro lors d’un concert et autre fois pour avoir canardé en pleine tête une fan qui s’était introduite dans son jardin. Chaque fois, il est passé à travers. Rouletabille indique que Les McKeown était le seul Roller qui parvenait à échapper au contrôle de Paton - A street kid from quite a hard family, a NED (non-educated-delinquant) - Donc un vrai Sex Pistol, comme Steve Jones - He was the guenine thing. He just did what he wanted - Selon Bob Gruen qui a suivi les Rollers pendant une tournée américaine, Les was a great singer, very cute, very savvy, he had charisme... A really talented charismatic guy - Les visionnait les films que Bob Gruen avait tournés sur les Dolls et ce groupe le fascinait, mais ça ne fascinait pas Tam Paton qui ne comprenait rien : «Oh ils sont maquillés, ils font semblant. Our band is really good, their band isn’t. They broke up, we’re a succes.» En fait, Bob Gruen sentait bien que Paton était terrifié par les Dolls. Et bien sûr, celui qui hait le plus Paton, c’est Les McKeown - Je voulais lui enfoncer un stylo dans l’œil. I hated him. He was a beast. Il s’en prenait aux jeunes pour les exploiter sexuellement et financièrement. Tam m’a toujours dit que s’il n’avait pas été là, j’aurais bossé sur des chantiers, mais si je n’avais pas été là, il serait toujours grossiste en patates - Quand plus tard Paton casse sa pipe en bois, Les McKeown affirme que personne ne va pleurer sa disparition. Et il ajoute : «Les Écossais peuvent dormir sur leurs deux oreilles maintenant the beast of Kellerstain is dead.» Déchaîné, Les McKeown déclare à qui veut l’entendre que Paton «is a thug, a predator and a drug-dealing bastard.» Amen, ou plutôt pas amen.
À une époque, les Bay City Rollers étaient the hottest pop act en Angleterre. Les fans assiégeaient leurs domiciles 24 h/24. Le line-up le plus populaire est celui qu’on voit sur l’illusse : Eric Faulkner (guitare), Alan Longmuir (basse), Derek Longmuir (beurre), Les McKeown (chant) et Stuart Wood dit Woody (guitare). Ian Mitchell et Pat McGlynn remplaceront Alan Longmuir viré par Paton parce qu’il était trop vieux. Le nom du groupe est inspiré par celui de Mitch Ryder & the Detroit Wheels. C’est bien connu, des wheels aux rollers, il n’y a qu’un pas et Bay City fut choisi parce que ça sonnait comme something big, American/Motown sounding. Bien sûr, au départ, ils ne savaient pas jouer. Quand ils viennent à Londres enregistrer leur premier single avec Jonathan King, seul Nobby Clark (le premier chanteur du groupe) est autorisé à entrer dans le studio. King ne veut pas perdre de temps avec a stupid fucking band. Just give me the singer.
Le premier label des Rollers, c’est la filiale anglaise de Bell Records que monte Dick Leahy à Londres. Juste avant l’arrivée du glam, il signe Hello et Twiggy, puis Gary Glitter en 1972. Des gens comme Jonathan King et Chris Denning constituent un environnement qui forcément plaît beaucoup à Tam Patton. D’ailleurs Paton demande à l’un des Rollers de coucher avec Denning, car, leur dit-il, «il a le bras long». Leahy bosse exactement de la même manière que Mickie Most, son voisin et concurrent - Get a hit record, get on Top of the Pops and conquer the world - Comme le fait Mickie Most avec Nicky Chinn et Mike Chapman, Leahy paye le duo de compositeurs Bill Martin et Phil Coulter pour lancer les Rollers. Et pour fêter l’enregistrement du premier single («Keep On Dancing»), Leahy emmène les Rollers dans un restau chic de Londres et leur dit de commander tout ce dont ils ont envie, leur affirmant que c’est sur le compte de Bell, alors qu’en réalité c’est financé par les royalties du groupe. Pendant les premières années, les Rollers reçoivent 80 £ par semaine et doivent aider Paton à charger les camion de patates. Quel cirque !
Comme les Rollers n’ont pas de son, Phil Coulter se retrouve dans l’obligation d’en inventer un. Il faut bien sûr que ça soit très commercial et surtout pas rock’n’roll. Son modèle est le «Da Doo Ron Ron» des Crystals, mais Coulter n’a pas les épaules de Totor. Puis se rappelant du conseil de Brian Epstein, Paton demande aux Rollers de travailler leur look. Ils vont évoluer vers le boot boy look rehaussé de tartan et les coiffures bouffantes, qu’ils nomment tufties - Faulkner had a 100 per cent tufty et les frères Longmuir had 50 per cent tufties. Wood had almost but not quite the same as Faulkner - La réputation des Rollers va donc reposer plus sur leur look de pretty boys que sur leur potentiel musical qui avoisine le niveau zéro. Comme Mike Nesmith dans les Monkees, Eric Faulkner sa battra tout au long de leur histoire pour imposer ses chansons. À son arrivée dans le groupe, il avait amené une réelle énergie et l’envie de rocker, mais Paton ne voulait pas que ça rocke. Il voulait que ça plaise aux gamines de 13 ans qui allaient aux concerts et qui adhéraient au fan club, un fan-club qui fut pendant les années chaudes de la Rollermnia une source de revenus considérables.
Lorsque Les McKeown arrive dans les Rollers en remplacement de Nobby Clark, il apporte avec «Shang-A-Lang» un sang neuf. Aux dires des connaisseurs, «Shang-A-Lang» reste le meilleur single des Rollers - A more liquid, funky version of the Glitter stomp - Les Rollers cultivaient une sorte d’aura de jeunesse et «d’innocence» qui les distinguait des concurrents : Glitter, Mud, les Rubettes, Slade et Sweet.
Puis le contact se fait avec Clive Davis et Arista. Mais Davis a du mal à prendre les Rollers au sérieux. Quand il écoute leur album Once Upon A Star, il est frappé par la pauvreté du contenu. Davis n’est pas le seul à réagir comme ça. Quand paraît l’album Wouldn’t You Like It, le Melody Maker déclare : «musique incompétente jouée par un groupe incompétent». Sur les 12 cuts, 11 sont composés par Eric Faulkner et Stuart Wood. Aux yeux du Melody, cette musique est pire que tout et les paroles pathétiques. Et Rouletabille ajoute qu’il était difficile de ne pas être d’accord. Voilà le vrai problème des Rollers : une médiocrité musicale abyssale. C’est pour ça qu’on ne voyait pas les albums chez les bons disquaires. Les Rollers étaient essentiellement un groupe de singles.
Mais bon, Davis finit par signer les Rollers sur Arista, flairant le jackpot, mais il impose une direction artistique. C’est aussi lui qui impose la reprise du vieux hit de Dusty chérie, «I Only Want To Be With You». Bizarrement, la Rollermania prend aux États-Unis. Davis voit un concert à Philadelphie et se dit choqué par l’hystérie collective. Quarante gamines tombent dans les pommes. Chris Charlesworth qui suit la tournée américaine pour le Melody est sidéré de voir le succès des Rollers : «Ça n’a jamais marché pour Slade ici alors qu’ils étaient mille fois meilleurs. Ça semblait ridicule. Pendant le concert, on n’entendait rien à cause des hurlements. Ils n’avaient pas du tout de son - They sounded thin and weedy: Weak.» Mais ça ne marche pas partout. Le concert de Detroit est annulé à cause des ventes de billets trop faibles. Curieusement, le succès des Rollers aux États-Unis entraîne leur déclin en Angleterre.
En fait, Arista vise le marché de la pop commerciale, ce qu’on appelait le circuit des MOR rock stations (middle of the road), qui programmaient les Carpenters, Wings et les Moody Blues. Mais paradoxalement, on retrouve les Rollers dans le fameux Punk magazine de John Holmstrom qui les voit comme les first true punks britanniques. C’est vrai que Les McKeown est un vrai punk, au sens où on l’entendait avant que ça ne devienne une mode. D’ailleurs McKeown et Faulkner ne s’entendent pas très bien. McKeown trouve que Faulkner est pompeux, il pète plus haut que son cul et se prend pour John Lennon, alors qu’il n’a jamais été foutu d’écrire une bonne chanson. Pendant les séances d’enregistrement, ils passent leur temps à se chamailler sur le choix des chansons. L’intérêt de ces gros pavés de 500 pages est de pouvoir entrer dans ce genre de détails, dans le relationnel des groupes, ce que ne permet pas l’article de presse rock et encore moins le «contenu» offert en pâture sur le web aujourd’hui, et notamment wiki. La superficialité est la porte ouverte à toutes les dérives. Pendant des décennies, la presse rock a véhiculé des clichés des fausses rumeurs, dus à un manque de travail en profondeur. Il faut un Rouletabille pour rétablir la vérité des choses. La vie d’un groupe - qu’il soit bon ou mauvais, chacun cherche son chat - est toujours intéressante, car ça reste avant toute chose une aventure humaine.
Et puis évidemment, les Rollers sont énormes au Japon. 120 000 fans les attendent au Narita International Airport. Ils jouent bien entendu au Budokan. Mais les tensions dans le groupe atteignent leur paroxysme et McKeown qui ne s’est jamais vraiment senti intégré finit par quitter les Rollers la veille d’un départ pour une nouvelle tournée au Japon. Son départ entraîne le split du groupe qui perd en même temps son cachet de 14 millions de dollars. McKeown n’en pouvait plus de voir tous ces mecs se prendre pour God : Paton, Faulkner et les autres. Le sud-africain Duncan Faure remplacera le street kid McKeown.
Rouletabille entre bien sûr dans le détail du business. Il annonce des détournements de sommes astronomiques. Il cite par exemple une facture de Marty Machat d’un montant de 500 000 $, et des frais d’avocats estimés à 800 000 £. Davis lâche les Rollers après l’album Strangers In The Wind qui a coûté une fortune et qui ne se vend pas. Les Rollers finissent enfin par virer Paton. En 1979, les Rollers qui ont besoin de blé partent jouer an Afrique du Sud, alors que tous les groupes respectent le boycotage de ce régime pourri. Mais les Rollers ne sont plus à ça près. Ça fait longtemps qu’ils ont perdu toute estime d’eux-mêmes et aller jouer au pays de l’Apartheid ne leur pose absolument aucun problème. Néanmoins l’argent se fait rare et les Rollers cherchent un nouveau manager, ce qui n’empêchera pas le groupe de crever. Faulkner ne cache pas son amertume : «Les gens autour de nous ont tout pris. Ils n’ont pas pris que l’argent, they want to take all of it, everything. Those business types don’t give a damn about anybody, you’re just a commodity to them.» Rouletabille consacre les 100 dernières pages du book à l’habituelle litanie des groupes qui ont généré des millions et des millions et qui se sont fait plumer. Dans le cas des Rollers, le verbe ‘entuber’ serait d’ailleurs plus approprié. McKeown : «It was fucked up so bad, il faudrait 100 experts pour démêler ça et ça prendrait des années.» On voit apparaître dans ce bouquet final une silhouette bien connue : Mark St John. Rouletabille tient tout de même à préciser que Mark St John n’est pas seulement le «sauveur» des Pretty Things. Il fut le collaborateur de Peter Grant et de Danny Sims, the Mob-collected former manager/producer of Bob Marley. St John se fait appeler «the Robin Hood of rock’n’roll». Il a réussi à sauver les master tapes et les copyrights des Pretties, et à leur récupérer une somme d’argent significative. St John poursuit les gros labels en justice. Il les mord et ne les lâche plus. Il en vit. Et donc Eric Faulkner fait appel à lui pour récupérer le blé des Rollers. Il sait que les Rollers ont vendu quasiment autant de merch que les Beatles et Elvis, ça représente des sommes astronomiques. Donc il y a un problème : où est passé le blé ? Certainement pas dans les poches des Rollers. St John estime les profits générés par le groupe à un billion de $. Il estime aussi que Tam Paton n’a pas fait le poids dans cette histoire : «Tam was incredibly stupid. Il n’était pas capable de manager un groupe qui connaissait un succès international.» Et il ajoute : «C’était juste un working class guy qui transportait des patates and liked to bugger people up the arse behind the van.» Il indique aussi que les Rollers ont été «financially destroyed» et parle d’une «rock’n’roll tragedy». St John déclare qu’on leur doit entre 26 et 90 millions de £. Trouvant l’estimation est exagérée, Arista suggère 2 millions de £. Mais le dossier est dans les pattes de la justice américaine et au final, les Rollers ne vont récupérer que des clopinettes qui serviront à couvrir les frais de justice qui se chiffrent en millions de dollars.
Si on veut voir ce que les Bay City Rollers avaient dans le ventre, musicalement, il existe une petite box 3 CD parue chez Cherry Red : The Singles Collection survole toutes les époques et c’est vrai que certains singles ne manquent pas de charme, notamment «Saturday Night» qui date de 1973, produit par le duo Bill Martin/Phil Coulter. Les Rollers font du Glitter, c’est assez efficace, l’époque veut ça, on est en Angleterre et les kids adorent stomper le samedi soir.
Encore un hit pop avec «Remember» toujours produit par la même équipe. C’est encore Nobby Clark qui chante, il sera remplacé par Les McKeown aussitôt après. Un truc comme «Remember» ne pouvait que marcher. L’un de leurs meilleurs singles est le fameux All Of Me Loves All Of You/The Bump. Aucune dimension artistique, mais du gros biz pop, oh oh. Ils savent claquer un hit, ils tapent en plein dans le mille. C’est même assez puissant en matière de sucre Scot. Avec «The Bump», ils jouent la carte du heavy stomp. Avec Keep On Dancing/Alright, Nobby Clark reprenait les Gentrys et Buddy Holly, il y avait une certaine volonté de faire du rock, mais dans les pattes de Jonathan King, ça devenait inepte. C’est dingue ce que ça pouvait puer dans les pattes de ce mec-là. L’histoire du groupe n’était déjà pas très ragoûtante, mais ce genre de single ajoute encore au malaise. «Manana» est le single qui bat tous les records de putasserie. C’est le genre de truc qu’on entend dans les mariages des beaufs. On y atteint les tréfonds de l’horreur. À l’écoute des singles, on ressent exactement le même malaise qu’à la lecture du book. Tout est vérolé dans cette histoire. Sur «Hey C.B.», les musiciens de studio font n’importe quoi, ça n’a plus rien à voir avec les Rollers. C’est avec «Shang A Lang» que Les McKeown fait son entrée dans la «légende». Il s’agit d’un petit glam écossais d’une incroyable fraîcheur. Les Rollers se positionnent sur un créneau plus poppy que les glamsters, d’où leur absence dans l’histoire du glam. Force est d’admette que «Summertime Sensation» est un peu n’importe quoi. Ils font du candy glam rock très ballroom, c’est l’Angleterre du samedi soir. Cette pop un peu bubblegum finit par indisposer.
Ils attaquent le disk 2 avec «Bye Bye Baby», une pop à la Spector produite par Phil Wainman, mais ce n’est pas le son. C’est bien plus putassier. On assiste à un incroyable déploiement de forces. Ils refont un «Saturday Night» plus glamour, assez candy darling, montre-moi ton cul que je t’enfile, mais rien dans le ventre. Ce n’est ni Slade ni Sweet. On sauve «Money Honey», un heavy boogie rawk anglais avec des tendance beatlemaniaques. C’est très curieux et même assez accrocheur. Ils font aussi un classique glam avec «I Only Wanna Be Like You», un beat à se faire sucer, la fameuse reprise de Dusty chérie imposée par Clive Davis, que reprirent aussi les Surfs et Richard Anthony. Il y a du teen power là-dedans, c’est indéniable. Mais ils font aussi pas mal de petits slowahs de bite molles, comme «Give A Little Love». Et puis on sent le poids de Tam le prédateur derrière cette pop insipide qu’est «She’ll Be Crying Over You». Les pauvres Rollers n’avaient aucune chance. Les singles sont souvent exécrables. Avec «Mama Li», ils se prennent pour des compositeurs, mais c’est atrocement mauvais. Avec «Rock N Roller», ils montrent qu’ils savent allumer la petite gueule d’un hit de classic Ballroom blitz. Et voilà qu’ils se prennent pour les Easybeats avec une reprise de «Testerday’s Hero». Belle prod en tous les cas. C’est leur période Arista, ils font du gros rentre-dedans, ils savent ce qu’ils font.
Et puis, avec le disk 3, on entre dans l’horreur totale. Il n’existe rien de plus putassier que ce «Dance Dance Dance». Et ça se dégrade encore avec «You Made Me Believe In Magic». On se croirait dans une boîte de traves à Honfleur. Ça péricilite en 77 avec «Are You Cuckoo». Les McKeown tente de sauver les meubles avec «Dedication», il chante son petit bout de gras. Il est intéressant ce mec, on sent qu’il a du caractère, c’est lui the real kid. Par contre, ils retombent dans le porn de Tam avec «The Way I Feel Tonigh», qui équivaut à une giclée de sperme dans l’œil. «Love Power» renoue avec l’atrocité sans nom et quand on écoute «All The World Is Falling In Love», on prie Gawd. Aw Gawd, protégez-nous de ces horreurs ! Toute cette période qui est la fin de parcours des Rollers est d’une médiocrité qui dépasse tout ce qu’on peut imaginer, mais c’est intéressant de l’entendre. Ça permet de savoir jusqu’où on peut aller trop loin. Quand Duncan Faure prend le chant sur «Turn On The Radio», c’est la fin des Rollers. D’ailleurs le groupe s’appelle désormais les Rollers. Fini le Bay City. Ils font du pub rock. Ça n’a ni queue ni tête. Et les derniers singles se terminent en eau de boudin avec Duncan Faure. «Set The Fashion» n’a plus aucun sens, ça bascule dans le ridicule.
Signé : Cazengler, Boue City Roller
Alan Longmuir (bass). Disparu le 2 juillet 2018
Les McKeown (chant). Disparu le 20 avril 2021
Bay City Rollers. Singles Box. Cherry Red 2019
Simon Spence. When The Screaming Stops: The Dark History Of The Bay City Rollers. Omnibus 2016
Spectorculaire - Part Four - The ashes
Richard Williams revient longuement sur le chapitre des héritiers du Wall. Parmi les plus évidents, il cite Sony & Cher («I Got You Babe»), Andrew Loog Oldham qui produisit les premiers albums des Stones, Brian Wilson, George Shadow Morton et les Shangri-Las, Roy Wood en Angleterre, et des cuts comme «Summer In The City» (Lovin’ Spoonful), «Heroes & Villains» (Beach Boys) et «A Day In The Life» (Beatles) lui semblent être de bons exemples d’influençage. Bizarrement, il oublie de citer Dave Edmunds dans sa liste. Les albums des Crystals allaient aussi influencer Hank Medress, le producteur des Chiffons. Et puis il y a bien sûr tout le cheptel Red Bird, couronné par le «Chapel of Love» des Dixie Cups. C’est Jeff Barry, fervent admirateur de Totor, qui les produit, ainsi que les Jelly Beans et les Butterflies. Williams cite aussi Jan & Dean, dont le «Dead Man Curve» lui paraît sacrément spectorish. Et quand Brian Wilson enregistre Pet Sounds, il utilise bien sûr le même studio (Gold Star) et les mêmes musiciens que Totor.
Ce sont les compiles qui se tapent la part du lion sur la question de l’héritage. On en trouve de deux sortes dans le commerce : les Ace et les pas-Ace. On l’aurait parié, les plus sexy sont les Ace. Les gens d’Ace se sont amusés à réunir sur trois compiles bien dodues tous les dévots et tous les imitateurs de Totor. Ce sont les fameux Phil’s Spectre - A Wall Of Soundalikes, volumes 1, 2 et 3. On ne fait pas trop gaffe la première fois qu’on ramasse ça, on croit que c’est du Totor, mais pas du tout. Ce ne sont que des émules et pas des moindres : sur le volume 1, on croise Jackie DeShannon, Sonny & Cher, les Righteous Brothers ou P.J. Proby pour les plus connus, et une multitude d’autres artistes le plus souvent tombés dans l’oubli. C’est aussi l’occasion de se refiler des gros shoots de frissons à répétition.
Rien qu’avec le «When You Walk In The Room» de la belle Jackie, on est ravi, car avec ses arrangements, Jack Nitzsche y ramène tout le power du Wall, les castagnettes et les violons. Mais ce n’est pas lui qui produit, c’est Dick Glasser. La voix de Jackie se détache merveilleusement bien, elle ramène toute sa niaque de petite gonzesse. On croise quelques productions signées Holland/Dozier/Holland (Supremes avec «Run Run Run» ou les Darnells), mais il n’y a pas de wall, si peut-être un peu dans le «Too Hurt To Cry» des Darnells. Par contre, Sonny Bono qui a pas mal traîné au Gold Star à l’âge d’or sait ramener du Wall pour «Just You». Il reproduit le Wall de manière assez directive, Cher chante dans l’épaisseur des nappes de violons et Sonny vient l’aider. Pure merveille. On le sait Brian Wilson est le plus grand fan de Totor et ce n’est pas une surprise de voir bourrer «Why Do Fools Fall In Love» de Wall. Et voilà un groupe qui s’appelle The Wall Of Sound avec «Hang On», deux mecs apparemment, Buzz Clifford et Jan Davis. Ils sont en plein Wall, en plein dans l’exercice de la fonction. Nino Tempo qui est l’un des plus vieux amis de Totor arrive avec sa sœur April Stevens et un «All Strung Out» bien monté en neige. Ils reproduisent tous les clichés du River Deep. C’est quand même dingue de voir tous ces gens essayer de se mesurer au génie de Totor. Pareil avec les Four Pennies : on croit entendre les Ronettes. Même jus de mini-jupe, même juvénilité. Quant à Bill Medley, c’est un autre problème. Il haïssait Totor parce qu’on ne parlait que de lui et non des Righteous. Le plus marrant, c’est qu’après avoir rompu avec Totor, il va s’épuiser à vouloir l’imiter. C’est lui qui produit «(You’re My) Soul & Inspiration» pour les Righteous et il fait du pur jus de Wall. Rien que du Wall. Exactement le même Wall. Tiens voilà la petite Clydie King, la blackette qui accompagnait Humble Pie sur scène. Elle chante «Missin’ My Baby» et Jerry Riopelle pioche à la pelle dans le Wall. Il envoie Clydie au chagrin magique et comme elle est bonne, ça donne un cut plein d’allant et plein d’allure. Précisions que Jerry Riopelle est un petit protégé de Totor et que Clydie King aurait dû devenir énorme. Attention à ce producteur nommé Van McCoy : il soigne l’«It Breaks My Heart» de Ray Raymond aux petits oignons, avec de la profondeur intentionnelle. On assiste à une élongation du domaine de la wallkyrie, Ray fait du baby baby de Wall qui rit, c’est en plein dedans, on est en plein dans le Spectre de Phil. Jack Nitzsche est de nouveau à l’honneur avec deux de ses prods les plus magistrales : Hale & The Hushabyes («Yes Sir That’s My Baby») et P.J. Proby («I Can’t Make It Alone»). Jack a tout compris, il va chercher le deepy deep pour Hale et utilise la formule magique : PJ + Jack + the voice + la compo + la prod de rêve. C’est du Goffin & King. Alors bien sûr, il paraît évident que P.J. était l’interprète idéal pour Totor, car il dispose d’une force de persuasion extraordinaire. C’est aussi Jack qui produit le «Love Her» des early Walker Brothers. Ils enregistrent ça juste avant de quitter la Californie pour aller tenter leur chance à Londres. Jack leur fait un beau Wall et Scott chante par dessus les toits du Wall. C’est un spectacle. Kane & Abel se positionnent exactement au même niveau que les Righteous avec «He Will Break Your Heart» et les Dolls qui n’ont rien à voir avec les Dolls sonnent avec «And That Reminds Me» exactement comme les Crystals.
On retrouve dans le volume 2 des luminaries du volume 1, comme Nino Tempo, Clydie King ou les Beach Boys. Pour «I Do», Brian Wilson recrée le son des Ronettes. Et Bill Medley recrée lui aussi le Wall pour «Nite Owl». Mary Wells nous rappelle avec «One Block From Heaven» qu’elle fut l’une des géantes de la Soul. Ace salue encore une fois le team Holland/Dozier/holland car quelle prod ! Et quelle voix ! On voit aussi les Bonnets se prendre pour les Ronettes avec «You Gotta Take A Chance». C’est un vrai phénomène de métempsychose. Tiens, voilà Shadow Morton ! Il ramène des goodies avec les Goodies et leur vaillant «The Dum Dum Duffy». Ça dégouline de jus, les filles s’arrêtent pour dire «I wanna say yeah yeah». C’est du big Wall. Autres grandes retrouvailles cette fois avec Reparata & The Delrons et «I’m Nobody’s Baby Now». Sucré et balèze. Très Ronettes dans l’esprit. Grosse présence. Power absolu. Elles sont en plein dans le Wall. C’est Jeff Barry qui les produit. Dobie Gray fait sa Soul de Wall avec «No Room To Cry». Il a une discographie tentaculaire. Dobie n’est pas un petit amateur du coin de la rue. Nino Tempo et April Stevens reviennent taper leur chique avec «The Habit Of Loving You Baby», ils se jettent dans le Wall de Jerry Riopelle, ce sont les grandes pompes de Phil, exactement le même son et c’est très bien. On reste dans le Wall jusqu’au cou avec Eight Feet et «Bobbie’s Come A Long Way». Juste un single sur Columbia. Ces petites gonzesses chantent avec leurs guts out. Pur Wall. Suzy Wallis est une blanche et elle colle son «Be My Man» dans le Wall. Suzy a du reviensy. Kane & Abel créent la surprise car avec leur «Break Down And Cry» ils sont encore plus spectaculaires que les Righteous. Ils sont des clones de la transcendance, ces mecs disposent de moyens énormes qui leur permettent d’exploser la formule. C’est dingue ce que le Wall peut susciter comme talents. Pareil, Kane & Abel ça se limite à trois singles ! Grand retour de Van McCoy avec les Fantastic Vantastics et «Gee What A Boy». C’est plus Soul, plus black, mais diable c’est du Van McCoy. Il fait son Wall. Vantastic ! Les Dreamlovers explosent la formule du doo-wop avec «You Gave Me Somebody To Love», fabuleux groove, mais rien à voir avec le Spectre de Phil. Encore une énormité sortie de nulle part : «Bobby Coleman» avec «(Baby) You Don’t Have To Tell Me». C’est bâti sur un développement de Wall, et c’est tellement puissant que ça devient génial. Retour de Clydie King avec «The Thrill Is Gone». Oh Clydie ! Tu nous rendras marteau. Jerry Riopelle fourbit la compo et le Wall, alors t’as qu’à voir. Smokey Robinson se tape lui aussi sa petite crise de Wall en produisant le «Wonderful Baby» des Four Tops». Mais ça manque de profondeur de champ. Orchestré, certes, mais pas Wall qui rit. Les Knickerbockers vont chercher le doux du Wall avec «Wishful Thinking». Comme c’est ultra-orchestré, ils tombent dans le panneau des Righteous. Mais diable comme c’est bardé ! Et Joe South radine sa fraise avec «Do You Be Ashamed». En fait il ne se casse pas top la nénette, il fait du River Deep. Sacré Joe ! Il cherche de l’or comme d’autres cherchent des truffes.
Le volume 3 arrive à pic pour compléter ce spectorculaire panorama. La révélation s’appelle Alder Ray avec «Cause I Love Him». Elle est en plein dans les Ronettes. Même son, même pulsatif de mini-jupe. Alder est une black, pareil, il n’existe que des singles. Les Satisfactions, c’est le groupe de Gracia Nitzsche, la première épouse de Jack. «Yes Sir That’s My Baby» frise le génie. Ah il faut avoir entendu ça au moins une fois dans sa vie. Encore une révélation avec Bonnie et «Close Your Eyes». Bonnie est bonne, elle est en plein Wall, bien sucrée, ça y va la sucette, rien de plus juvénile que cette petite chatte extravertie. Mais attention, Bonnie est blanche. Encore un inconnu au bataillon : Jerry Ganey avec «Who I Am». Il est lui aussi en plein Wall, c’est Bill Medley qui fait son Totor. Merci Ace, car Jerry Ganey est excellent, please call my name. Medley pousse le bouchon très loin, comme le fait Totor, mais vraiment très loin. Encore un mec qui se prend pour Totor : Bob Finiz. Il produit les Kit Kats avec «That’s The Way». Tous ces mecs ont du Wall à gogo mais ils n’ont pas les compos. Il leur manque un élément de la formule magique. Parmi les gens connus, voici Lesley Gore avec «Look Of Love» signé Barry/Greenwich. C’est Quincy Jones qui produit et sa prod n’a rien à voir avec celle de Totor, elle est profonde mais pas aussi profonde, c’est autre chose. Lesley chante au sucre du Brill et c’est passionnant. Voilà Bobby Sheen avec «Sweet Sweet Love» produit par Jerry Riopelle, mais ça sonne comme du sous-Wall. On croise plus loin Merry Clayton avec «Usher Boy» et comme à son habitude, Merry se bat pied à pied avec le corps à corps. C’est Jack qui produit le «Let The Good Time Roll» de Judy Henske. Elle ramène tout son pathos, chante avec des accents virils et gueule par dessus les toits. On a aussi un petit coup de prod Holland/Dozier/Holland avec Martha & The Vandellas et «In My Lonely Room». Encore une fois, le Motown Sound n’a rien à voir avec le Wall. Lamont Dozier et les frères Holland savent cependant donner de l’air au beat. Et puis Sonny Bono radine sa fraise avec «It’s The Little Things». Cher sort sa voix de vieille maquerelle et le sucré dans l’affaire, c’est Sonny. On note aussi la présence incongrue des 1910 Fruitgum Company, un groupe de bubblegum qui fait avec «When We Get Married» un pastiche du Wall. Mais quel beau pastiche. Ils le montent bien en neige. Ils font partie des rares à savoir atteindre le cœur du Wall. D’autres bricoles intéressantes encore, comme par exemple les Castanets qui, avec «I Love Him», sont en plein délire Ronettes. Le producteur s’appelle Morty Craft. Il ramène tout le saint-frusquin du Wall. Johnny Caswell qui est blanc chante comme une fille et les Girlfriends qui sont en fait les Blossoms explosent le Wall avec «My Own And Only Jimmy Boy». C’est produit par David Gates qu’on verra plus tard dans Bread. Pour «My Tears Will Go Away», les Righteous ont gardé les castagnettes mais ils n’ont pas la compo. Dans la vie, il faut savoir ce qu’on veut. Debbie Rollins est une black sucrée qui se prend elle aussi pour Ronnie. Son «He Really Loves Me» est excellent, mais perdu dans l’océan des singles excellents. Dan Folger est associé à Mickey Newbury donc on dresse l’oreille. Avec «The Way Of The Crowd», il propose une belle pop blanche. Pas d’album, rien que des singles. Bien produit, mais pas de Wall. C’est à Jerry Garney que revient l’honneur de refermer la marche. Même blanc il s’en sort bien, Bill Medley produit, on a donc du petit Wall et une belle niaque.
Wallpaper Of Sound - The Songs Of Phil Spector & The Brill Building est une compile (pas Ace) qui s’intéresse au côté anglais du Wall des soundalikes. Williams, Brown et Ribowsky sont tous les trois d’accord pour dire que Totor fut beaucoup mieux accueilli en Angleterre que dans son pays. Bon cette compile n’est pas avare de coups de génie, à commencer par ces 5 AM Event, des Canadiens débarqués à Liverpool pour enregistrer un single, «Hungry». Quelle histoire ! C’est une horreur rampante de 1966, un véritable coup de génie proto-punk. C’est tout de même incroyable que ce single débarque ici. L’autre bombe, c’est la cover de River Deep par Long John Baldry. Il l’attaque au deepy Baldry et derrière on vous garantit que ça orchestre, alors Long John peut swinguer sa chique, ce mec est un huge white nigger, il chante avec une niaque de Tina Thang, il restitue tout le côté effrayant et effréné du hit original, il chante à la cavalcade, c’est sans commune mesure avec la mesure, on l’attend au virage, le vieux Long John et il y va, il monte en élongation son my-oh-my, il a pigé les enjeux, il s’arrache les miches sur le baby baby. On trouve cette cover miraculeuse sur l’album Wait For Me, à côté d’autres covers comme celles de «Spanish Harlem» ou «MacArthur Park». Inutile de rappeler que tous les albums de Baldry sont excellents. Dommage qu’on l’ait un peu oublié. L’autre bonne surprise de cette compile, c’est Twice As Much, le duo composé de David Skinner et Andrew Rose, qu’Andrew Loog Oldham payait pour composer des hits au temps béni d’Immediate. Ils reprennent l’«Is This What I Get For Loving You Baby» de Spector/Goffin/King, mais à l’anglaise, c’est-à-dire en mode dents de lapin & clairette psyché. Ils sont merveilleusement tempérés, donc pas de Wall, tintin. On les retrouve avec Vashti pour «The Coldest Night Of The Year», un hit signé Mann/Weil, et Vashti se vashte vachement bien dans le moule. Comme on le sait, Andrew Loog Oldham est le plus gros fan de Totor en Grande-Bretagne, alors c’est normal qu’on voie aussi P.P. Arnold radiner sa fraise. Elle tape carrément dans l’effarant «Born To Be Together» de Spector/Mann/Weil, elle va chercher le grain pour le moudre et le moud, elle s’arrache même les ovaires à chanter par dessus les toits. C’est très spectorculaire. Elle aurait pu rivaliser de power avec Tina. Une bonne surprise avec Peanut, une blackette de Trinitad. Elle envoie l’«Home Of The Brave» de Mann/Weil sucrer les fraises, elle chante au nasal pur, comme Ronnie, ça dégouline de sucre. L’autre gros coup de la compile, c’est Jackie Trent qui chante «Goin’ Back» avec des chaleurs expiatoires. Elle est aussi sur Pye comme 5 AM Event et les Kinks, mais elle est surtout la compagne de Tony Hatch et là on entre dans la légendarité de la pop anglaise. Mais c’est avec le «You Baby» de Spector/Mann/Weil qu’elle bouffe tout, une vraie croqueuse de beat, elle impose sa ferveur de féline fêlée, et la prod vaut tous les Walls du monde. Alors oui, Jackie Trent & Tony Hatch ! Le «Downtown» de Petula, c’est lui. Justement la voilà avec «I’m Counting On You», mais elle est loin du compte, la pauvre. On croise aussi les Searchers à trois reprises : avec «Twist & Shout» (atroce) et «Da Doo Ron Ron» qu’ils aplatissent pour en faire de la petite pop anglaise. Ils se prennent aussi pour les Ronettes avec une cover de «Be My Baby», mais ils n’ont pas de sucre. Juste des chœurs de lanternes sourdes. Le blanc Jimmy Justice tente sa chance avec «Spanish Harlem» et les Breakaways massacrent «He’s A Rebel». Tous ces trucs manquent de Wall, c’est vrai que ce n’est pas facile de monter un Wall. Les Cadets qui sont irlandais font un «Chapel Of Love» bien vert. On voit aussi la pauvre Barbara Ann qui est blanche se battre avec Lovin’ Feelin’, elle se bat bien, elle monte même dans le son, elle sait le faire comme Dusty chérie ou Cilla Black qui est blanche, et du coup sa version est une petite merveille de féminité héroïque. Bref, on sort de cette compile ravi. Force est d’admettre que l’influence de Totor produit globalement de très bons disques.
Avant de refermer le chapitre spectorculaire, voyons comment les canards anglais se sont acquittés de cette corvée qu’est l’éloge funèbre. Dans Mojo, Andrew Male signe un texte qui n’y va pas de main morte, Ruin Of Sound. Avec ce titre, les choses sont claires. Male ne s’apitoie pas sur le destin de Totor, au contraire, il l’enfonce un peu plus, rappelant que dans la box Back To Mono, les deux textes du livret (Tom Wolfe et David Hinckely) volent dans les plumes d’un Totor qui a déjà mauvaise réputation - an entitled asshole vivant dans un marasme colérique - Bien sûr, Male va chercher dans le Brown book les trucs qui clochent, comme ce propos de Kirshner affirmant que Totor était un homme capable de se faire du mal et de faire du mal aux autres. Comme Male n’aime pas Totor, il transforme la réalité, écrivant par exemple que le jeune Totor transforma son talent pour la musique en arme pour se venger de la vie, ce qui est quand même un peu à côté de la plaque. Puis il résume le Wall Of Sound à un petit studio A bondé de cracks qui à force de répéter le même cut perdent leur individualité, et deux ceramic echo chambers qui permettent d’obtenir le booming qui déclenche l’hystérie. Il ajoute à ça les trois couples de songwiters du Brill et enfin les voix, Darlene, LaLa et Ronnie, que le Wall of Sound mettait en valeur. Puis il nous explique que River Deep fut blacklisté à cause de l’arrogance de Totor, un Totor que vomissaient les journalistes. Échec, réclusion, Citizen Kane. Male essaie de faire en une page ce qu’ont fait trois écrivains avec trois livres, mais il ne rend pas hommage, il enfonce, sous couvert de madness and paranoia. Puis Male nous explique que Totor est allé noyer Let It Be sous des orchestrations, puis qu’il a massacré les albums de John et George, puis ceux de Leonard, de Dion et des Ramones, avec en prime de longues nuits de torture psychologique. Male organise ensuite sa chute sur le thème de la délivrance : All Things Must Pass va reparaître nettoyé - Stripped of Spector’s production - même chose pour End Of The Century des Ramones, on se demande comment c’est possible, mais apparemment les charognards sont à l’œuvre. Mais attention, la chute de l’article est assez spectorculaire : «Peut-être que des gens voudront aussi nettoyer les singles des Crystals, des Ronettes et de Darlene Love, ne sachant pas que grâce à ces voix de femmes, grâce aux rangs serrés du Wrecking Crew et grâce à ces paroles de teenage experience, ces chansons ont toujours existé au-delà du Spector’s wall et qu’elles existeront à jamais.» Merci Mister Male. Les chansons vont rester, c’est tout ce qui compte.
Record Collector est plus généreux et accorde trois pages à Bob Stanley pour s’acquitter de la corvée. Bob remonte assez loin dans son enfance pour situer l’origine de sa fascination pour Totor : il a 11 ans et un copain d’école lui dit qu’il vient d’acheter Phil Spector’s Echoes Of The Sixties avec son Christmas money - I was impressed. À 20 ans, Bob sait que Totor est the greatest and most innovative record producer who ever was. Alors il collectionne ses disques, à tel point qu’il forme avec son copain Pete Wiggs un pop group nommé Saint Etienne. Ils essayent de faire du DIY Phil Spector. Puis il revient sur Lovin’ Feelin’, expliquant que seul Totor pouvait demander aux Righteous de chanter slow and low, si slow and low que Barry Mann crut lorsqu’il entendit le disque à la radio qu’il ne tournait pas à la bonne vitesse. Et pouf, Bob embraye avec le chapitre des héritiers, commençant par Bill Medley dont il recommande deux prods, «Stand By» des Blossoms et «Just A Fool» de Jerry Ganey. Tout ça le conduit aux Jesus & Mary Chain, Jim Steinman, Sonny Bono et Roy Wood, notamment «See My Baby Jive». Puis Bob survole le parcours de Totor, depuis les Paris Sisters jusqu’au Wall of Sound, en passant par Glen Campbell et Jack Nitzsche, et Bob en arrive à la conclusion que ces hits n’ont pas été enregistrés mais qu’ils sont made out of some implausible magic. Totor nous dit Bob était tellement perfectionniste qu’il refusa de faire paraître la version de «Chapel Of Love» enregistrée par les Ronettes, ainsi que «This Could Be The Night», du Modern Folk Quartet - a masterpiece of surf harmonies - au grand dam de Brian Wilson. Il s’opposa aussi à la parution d’«I Wish I Never Saw The Sunshine» des Ronettes, encore un hit certain. Devenu a huge Spector fan dans les années 80, Bob dit qu’il était facile alors de savoir à quel point Totor était un sale mec, grâce notamment à l’autobio de Ronnie - the guns, les barbelés et le cercueil avec un couvercle de verre - Puis paraissent des photos de Totor avec son gun, alors Bob décroche un peu et le traite de creep. Il n’aime pas le Dion, ni le Leonard ni le Ramones, par contre, il louche sur le «Black Pearl» des Checkmates Ltd et «A Woman’s Story» de Cher. Aux yeux du monde, Totor n’est plus alors qu’un reclus qui séquestre Ronnie. Comme Mister Male, Bob finit par se taper la chute du chef : «J’entends un TOUT. Des tas de gens talentueux ont contribué au Spectorsound. Vous ne pouvez pas faire l’impasse sur ce qu’il a fait en dehors de la musique, mais vous ne pouvez pas non plus oublier la musique. C’est dans nos fibres, c’est une partie de la raison pour laquelle vous lisez ce magazine.»
Signé : Cazengler, Phil Pécor
Phil’s Spectre. A Wall Of Soundalikes. Ace Records 2003
Phil’s Spectre. A Wall Of Soundalikes II. Ace Records 2005
Phil’s Spectre. A Wall Of Soundalikes III. Ace Records 2007
Wallpaper Of Sound. The Songs Of Phil Spector & The Brill Building. Castle Music 2002
Andrew Male : Ruin Of Sound. Mojo # 329 - April 2021
Bob Stanley : Phil Spector 1939-2021. Record Collector # 516 - March 2021
MODERN LIFE
SOUL TIME
Peu de nouvelles ces derniers temps de Soul Time, n'auraient-ils pas survécu à la pandémie, un mail de Rovers ( l'homme qui n'a jamais Torz ), ce neuf juin me signale l'apparition d'une nouveauté, ont-ils une nouvelle cassette d'une reprise northern soul à nous faire entendre ? Allons faire un tour sur YT pour flairer l'objet de près.
Carrément un clip, une Wanga Gut Production, la porte est ouverte, l'on entend du bruit, alors on suit la caméra, on entre dans l'antre, un bar sur notre droite, nous pourrions trouver pire, on a repéré, on est au Gambrinus ( gambrine, gambrinum, gambrini... profitons-en pour réviser nos déclinaisons latines, c'est la seconde langue des Dieux, cela peut être utile ), c'était bien la peine de se dépêcher juste le temps d'entrevoir la radieuse silhouette de Lucie Abdelmoula, ( Abdelmoula, Abdelmoulam, Abdelmoulae, que disais-je, déjà une déesse ) et c'est terminé, non ils redémarrent illico.
Sous sa casquette Torz tape sur ses baguettes, important dans la soul les départs, profilent la suite, sous le néolithique pour cuire son cuisseau de mammouth l'homme des cavernes n'avait pas intérêt à rater l'étincelle des silex, sur le champ et sur son clavier Thierry Lesage chauffe le groove, gros plan sur la section cuivrique, c'est à eux de faire monter les flammes hautes, ont tous des lunettes noires qui leur donne un look d'agent de la CIA, mais sont tous des pros, l'image est rapide mais l'on reconnaît à l'extrême gauche Claire Fanjeau à l'alto, clin d'œil sur les cordes : la basse appartient à Julien Macias, et la guitare à Francis Fraysse, profitez du minuscule intermède instrumental pour les zieuter agiter fort joliment la salade, parce qu'après vous oublierez de les regarder, ils n'existeront plus, seront rayés de la carte des vivants, ce n'est pas qu'ils soient laids et bêtes et qu'ils joueraient mal, c'est que la soul queen numéro une s'approche du micro, et vos yeux se rivent sur elle comme la torpille court à la ligne de flottaison du navire ennemi, ô bien sûr de temps en temps la trompette de Laurent Ponce fonce sur l'image tel un dard de serpent, et le col des saxophones de Richard Mazza et Mathieu Thierry s'exhaussent tel le cou flexible d'un cygne prêt à l'envol, mais non,
même quand elle ne dit rien, qu'elle se contente de marquer le rythme du balancement de son corps, sa cascade ondulée de cheveux noirs qui cerne son visage, ses lèvres d'amarante agressive, la blancheur pallide qu'Edgar Poe prête au buste de Pallas sur lequel son corbeau maléfique vient se percher, Lucie nous ensorcèle. Chante sans effort, une facilité déconcertante, celle des grandes chanteuses jazzy, comme si elle faisait cela depuis le jour de sa naissance, alors les guys and the gal derrière ne chôment pas, assurent les breaks et les passations démocratiques instrumentales, et on ne les a pas comptés pour du beurre avarié au montage, merci à Sica Zahoui, font rouler la montagne, mais Lucie est dans son chant, et quand elle ne chante pas, on attend son sourire et sa façon à elle de convaincre le micro qu'il possède cette chance extraordinaire et ce privilège immérité d'être là pour elle, et elle lui parle si naturellement qu'elle vous ressemble quand vous demandez avec votre sans-gêne habituel du mou pour votre chat à votre boucher, en plus elle commet ce sacrilège de ne pas forcer sur ses cordes vocales, de ne pas chercher à imiter une noire gutturalité du ghetto, northern soul ok vocal, mais la voix de l'âme a la couleur qu'elle veut, suffit de ne pas perdre le nord, d'être dans le rythme et de savoir se poser en lui comme le diamant dans son enchâssement de platine. Et quand c'est fini, voir les regards gourmands complices et satisfaits des musicos, tout fiers d'avoir accompagné la diva.
En plus une composition originale, durant ce confinement Soul Time n'a perdu ni son temps, ni son âme !
Damie Chad.
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Tiens les Crashbirds ont commis un nouveau clip s'exclameront les lecteurs assidus de Kr'tnt ! Pas du tout, ils ont fait du rangement. Apparemment en Bretagne, chez eux c'est le gros désordre. Rappelez-vous la dernière vidéo commentée dans notre livraison 510, ce chat qui surgissait de n'importe où, n'était pas soigneusement rangé à sa place, par exemple sage comme gigot d'agneau sur une étagère du frigidaire, comme il se devrait. Bref Delphine a farfouillé et elle a trouvé, dans un monceau d'on ne sait trop quoi. Un vieux truc qui date de 2011, soyons précis elle n'a mis la main que sur la moitié du gibier, normalement il y avait l'image et le son, enregistré live, en concert, à Paris, pour l'image nous attendrons une décennie de plus. Rendez-vous en 2031.
YOU CAN'T GET ALWAYS WHAT YOU WANT
CRASHBIRDS
Sont comme ça, nos zoziaux préférés, ne doutent de rien. S'attaquent sans vergogne à plus gros qu'eux. L'on a envie de les pousser discrétos du coude, holà les hirondeaux, ce n'est pas du n'importe quoi, c'est les Stones, rien de plus casse-gueule que les Rolling, Même que le Jag l'était pas fier lorsqu'il a proposé d'enregistrer sa chansonnette sur Let it Bleed. Un truc tout simple qu'il gratouillait à la guitare dans sa salle de bain. Pensez que c'était tellement tordu que le Charlie n'est pas arrivé à reproduire le rythme ( enfin ça devait le gonfler l'a refilé le boulot au premier clampin qui passait ), et que pour étoffer le gâteau z'ont dû faire appel à un chœur spécialisé dans la musique classique, alors là franchement avec les pantoufles soniques de Pierre vos êtes mal partis. Bref se sont accrochés comme le naufragé à son bout d'espar brisé dans l'océan tempêtueux, sont même arrivés à reprendre pied sur la terre ferme. Bref ne nous reste plus qu'à écouter le désastre. On aimerait bien leur river le bec à nos mouettes rieuses qui se moquent de nos appréhensions, ben non, s'en sont sortis comme des chefs. Sont doués et pas comme des perroquets savants qui débitent du Marcel Proust sans rien comprendre au texte.
Pas de triche, d'abord réécouter les Stones. Let it Bleed, parfois au lycée on désertait les cours pour se passer dans le foyer le trente-trois tours sans être dérangés, l'on se retrouvait à trois ou quatre pour prendre une part supplémentaire du gâteau d'autant plus délicieux qu'écouté en fraude, sinon c'était entre midi et deux après la cantine, là on était une dizaine, sur 700 ou 800 élèves... ça râlait un peu quand on imposait toute la semaine l'écoute du pirate au serpent vert The greatest group of rock'n'roll on the earth, l'on toisait les récalcitrants d'un tel regard navré et méprisant qu'ils préféraient se les geler dans la cour glaciale... L'était sûr qu'à l'époque il n'y avait que les Stones, ou vous étiez Stones ou vous n'existiez pas... Laissons ces moments inoubliables, et réécoutons avec des oreilles blasées You can't always... on ne comprenait pas les paroles, mais le titre résumait à lui tout seul toutes les frustrations adolescentes et révolutionnaires de la bourrasque de mai 68, on aimait les Stones parce qu'ils vous en donnaient plus pour votre argent ( les 45 on s'en procurait plus facilement ) un son plein comme un œuf, et maintenant à la réécoute je me dis que l'ensemble fait un peu sandwich au patchwork, la Samaritaine du rock, vous y trouvez tout ce dont vous ignoriez jusqu'à l'existence, les Stones vous beurraient la tartine des deux côtés, et vous engluaient le listel de la croute d'une épaisse gluance de confiture. Vous écoutiez les Stones et vous aviez votre ration de survie et de combat pour votre journée. Aujourd'hui à l'entendre, vous ne pouvez pas rester plus de vingt secondes tranquille sans qu'une estafette diligente ne vienne vous livrer un cadeau surprise, en fait on s'en fout un peu, puisqu'après les chœurs symphoniques ne vous reste dans la tête que le premier couplet chanté par le Jag, de quoi qu'il cause on s'en moque mais c'est la manière de le dire, de poser les mots, à chaque syllabe le gars vous dépose une mine antipersonnel, en plus comme il ne commet pas son sinistre méfait en cachette l'est pratiquement tout seul, quelques effleurements de cordes de guitares, et par la suite le morceau se transforme en sapin de Noël, une avalanche de cadeaux vous submerge, choisissez l'orgue est daté mais la voix de Nanette Workman vous enflamme les sens, de toutes les manières ce qui reste gravé dans vos synapses c'est la strophe du début chantée au scalpel par le Jag.
Ne faudrait pas croire qu'à écouter les Stones on ait oublié les Crashbirds, parce que eux ils ont compris où nichait la beauté du morceau. Une voix et une guitare et puis tout le reste est superfétatoire. Or justement Delphine possède une voix et une guitare. Pierre aussi, un peu d'électricité ne messied pas quand on cause rock. Pour tout le reste, z'ont fait une croix dessus, et une fosse profonde pour enterrer tout le flot excessif de fioritures dont les Stones vous goinfraient généreusement à la pelle.
A la première seconde elle a le riff acoustique, et elle ne le lâchera plus, les classicals du gosier peuvent retourner à leur partition, Delphine les remplace avantageusement, l'a de l'émotion dans la voix, comme si elle avait de la réverbe dans le larynx, tout le malheur du monde tombe sur nous, sûr qu'on n'aura pas toujours ce que l'on veut mais pour le moment l'on a Delphine, amplement suffisant avec ce tremblé vocal qu'elle rajoute comme un double sachet de sucre en poudre dans le yaourt, c'est alors que survint Pierre ( qui roule ), l'arrive par derrière, pratiquement en traître, l'a laissé les pantoufles au vestiaire mais il a pris les patins pour ne pas rayer le plancher, l'allume la bougie de son électrique et vous passe la petite flamme sur les cordes, la Delphine en miaule de plaisir, et l'on est parti pour ne pas revenir. Erreur c'est fini. Remarquez, sept minutes de bonheur, on a quand même eu ce dont on avait besoin.
Damie Chad.
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Je m'étais promis de retourner de temps en temps vers Forêt endormie, pour une fois que l'on a un groupe américain qui chante en français pas question de s'en priver. Puisque dans la livraison 509 du 06 / 05 / 2021 j 'avais chroniqué leur dernier disque, très logiquement je m'étais promis de m'attarder sur l'avant dernier. Pas tout à fait un album, un split, le disque partagé avec un autre groupe. Là j'avoue que j'ai eu peur, que Forêt endormie chantât en français je trouvons cela très bien, mais subito j'ai cru qu'ils étaient doublés sur leur gauche, le nom du deuxième groupe carrément en latin, Quercus Alba, si l'on continue à vouloir remonter aux origines, bientôt les ricains vont se mettre au grec ancien et peut-être même au sanskrit, pas de panique, Quercus Alba est instrumental et les titres sont en anglais.
FORÊT ENDORMIE / QUERCUS ALBA
( Août 2019 )
Belle pochette crépusculaire signée de Max Alex. Je rappelle que le mot crépuscule désigne autant le matin que le soir. Tonalité mauve pour le ciel, et vert charbonneux pour la terre. Sur la gauche une silhouette d'arbre. Dépouillé de ses feuilles. Pratiquement un squelette de chêne blanc. La lune dans la tourmente des nuées grenat en bouton de chemise, seule présence humaine que je m'amuse à y voir dans ce monde élémental où l'homme n'a pas sa place, trop chétive créature pour les forces telluriques qui convergent dans cette mutation éveil-sommeil, pulsation respiratoire de notre univers.
FORÊT ENDORMIE
Victorio Hurblurt : violon / Jordan Guerette : compositions, guitare, chant / Emmett Harrity : piano / Shannon Allen : violoncelle / Kate Beever : vibraphone, percussions, voix.
Entouré : notes cristallines gouttes d'eau perlant des feuilles, éveil matutinal, si vous croyez entrer dans un morceau de rock c'est raté, il faut d'abord l'écouter en son entier afin de comprendre que nous sommes en pleine composition classique, un morceau composé comme un opus de musique dite sérieuse, la voix étant traitée en tant qu'instrument et non en locomotive qui ouvre le chemin, l'intro est trompeuse dans sa simplicité, ces sept minutes sont beaucoup plus complexes qu'il n'y paraît, l'orchestration assez grêle du début évolue en une structure de volutes huluberluantes des plus surprenantes, et sur une vibration de violoncelle une libellule replie ses ailes et s'enferme en elle-même. Le morceau repart en spirale, le piano dans sa progression imite l'odonate qui se meurt, nous sommes plus près de Gnosiennes épurées de Satie que des orchestrations à la Pink Floyd. Vous pouvez rester des heures à tenter de pénétrer le mystère de ces richesses entrouvertes comme un coffre au trésor interdit. Toute écoute s'avère frustrante car elle renouvelle non pas la compréhension mais la vision synesthésique que vous vous formez à chaque fois. Cette lanterne : deuxième mouvement, qui ne vous éclairera pas davantage sur son être profond, des voix plus proches, une espèce de chant grégorien épuré, un piano qui explose et gicle, un violon qui ne s'arrête plus, et tout se tait pour renaître et s'amplifier une fois de plus encore, le premier morceau était beau, celui-ci frise la beauté souveraine, celle de l'idée platonicienne éparpillées parmi les mille verroteries du jeu des perles de verre échappées de leur boulier idéel et qui roulent aux confins du monde et s'en viennent cogner au mur de votre esprit avec la violence de balles assassines. Imaginez un quatuor de Bartok dont les notes seraient distendues et séparées en une lenteur qui n'exclurait aucunement leur violence initiale. Une étincelle que je veux avaler : j'intitulerais celui-ci le chemin du retour, en retrait par rapport aux deux premiers mouvements construits comme un labyrinthe dont les des galeries seraient des échos distordus, l'on repasse par deux moments qui sont les reprises tombales des deux précédents et surprise plus on avance plus l'on sent une extraordinaire présence magnifiée par des voix qui se pressent sur votre chair, non pas pour fêter le retour de l'enfant prodigue mais l'arrivée en une surprenante contrée dont nous ne saurons rien, car la musique s'arrête avant que nous n'en franchissions le seuil.
Musique savante diront certains, je dirais plutôt exigeante en le sens où elle vous prend par la main et vous n'avez qu'à suivre. Ce qui est sûr, c'est que si vous cédez à ce vertige initial, vous êtes perdu, vous resterez des heures à tenter de trouver le chemin, vous voudrez tout voir, tout comprendre, même l'inaudible et l' ineffable. Une dimension ensorcelante qui n'est pas sans évoquer l'angoisse mystérieuse qui sourd des moindres syllabes et des moindres notes de Pelléas et Mélisande de Debussy et Maeterlinck. Prodigieux.
Danger, si vous tentez l'expérience beaucoup de groupes prog risquent de perdre de leur couleur et leur attrait.
QUERCUS ALBA
Vous retrouvez des mentions de Jake Quittschreibber jusque des sites de Metal, ici il est seul, joue de tous les instruments, surtout du banjo.
Equinox : souvent les musiciens donnent à leur morceau instrumental un titre poétique. Me faudrait plusieurs livraisons de Kr'tnt, pour dresser la liste de toutes les équinoxes musicales, là je suis bluffé, ici ça commence bien ou plutôt mal, un arrière-fond musical agrémenté de notes éparses de banjo, faut savoir reconnaître ses torts, c'est vrai que Jake Quittschreibber a trouvé le nombre d'or du son, pas grand-chose, cinq-six notes et tout de suite l'on tombe dans une merveille d'équilibre, s'installe en nous cette évidence qu'ici le jour est égal à la nuit, à la seconde près, deux segments de droite rigoureusement égaux, l'on entend le chuintement des cordes comme un bruit de souris rongeuses, mais rien n'y fait on est confronté à ce que les mathématiciens appellent une remarquable égalité. Dépourvue de toute connotation symbolique, pas de vie, pas de mort, pas de noir, pas de blanc, juste le fléau de la balance rigoureusement droit. L'on pense à ces traités de l'Antiquité qui assimilait la musique à des rapports proportionnels de mathématique. Mourning cloak : l'on change de registre, une cascade de notes en ouverture et l'on pénètre dans le monde blanc, le morceau a beau se cacher sous son manteau de deuil, rien de triste, cela vous a même un petit air espagnol, disons de gravité ibérique, et le pendule tictacte fort joliment, point de roses de moroses, juste un mouvement de claudication, comme si la mort n'était que le pas que l'on n'ose pas avancer pour rentrer et revenir dans le monde des vivants. Pas de quoi être triste. La mort un peu profond ruisseau calomnié a écrit Mallarmé. Melting stream : ne croyez pas que le ruisseau qui charrie la vie sera plus joyeux, coule même lentement, le banjo est roi mais le morceau progresse surtout par ce sifflement doux et insupportable, c'est lui qui apporte le froid vivifiant nécessaire à la fonte des énergies, l'eau coule sous la glace même si parfois elle s'amasse, en de sombres cavernes souterraines, c'est pour mieux repartir et devenir fontaine de jouvence et de grande résurgence. Skies of gold : banjo au trot de vives joliesses, comment le Quitts peut-il insuffler tant d'allégresse à cette sonorité si grêle, c'est parti pour un sirtaki exalté et une flopée de notes aussi brinqueballantes qu'une bourrée auvergnate, l'on n'a peut-être pas atteint le ciel mais il pleut de la joie si fort qu'elle tinte comme des pièces d'or.
L'on serait tenté d'affirmer que la face A est réservée à la musique savante et la B à l'expression de la musique populaire. Une riche idée de leur avoir permis de coexister de si près. L'on s'aperçoit qu'elles ne sont pas si éloignées que cela, toutes deux s'immiscent en nous pour atteindre et toucher notre sensibilité. Il suffit de se mettre en état de réception maximale.
ETIRE DANS LE CIEL VIDE
FORÊT ENDORMIE
( Octobre 2017 )
Ce n'était pas prévu, mais le disque précédent m'a laissé une si forte impression que j'ai eu envie d'en entendre davantage. J'ai descendu d'un étage, c'était le rez-de-chaussée, le premier LP, avant celui-ci un seul morceau enregistré en juin 2017 qui ouvre cet album.
Pochette due à Max Allen, si la précédente peut-être facilement rattachée à l'iconographie du romantisme allemand, qui exalte la confrontation de l'animalcule humain à la mystérieuse présence de la Nature entrevue entant que phusis panthéiste, celle-ci se rapproche davantage de l'âme torturée d'un symbolisme plus tourmenté, l'impression d'être confronté à une coupe intérieure du cerveau de Monsieur Teste de Paul Valéry, on aperçoit les structures labyrinthiques des deux cotylédons ouverts encore engoncés dans l'ossature rocheuse du crâne dont on aurait scié la calotte. Le microcosme individuel s'offre à nous en tant que reproduction miniaturisée de la complexité macrocosmique de la Nature. Au-dessus le ciel bleu vide, nous comprenons dépourvu de toute déité. Une absence qui peut produire quelques angoisses. Pour la petite histoire nous remarquerons qu'un lecteur distrait ou pressé lira le titre de l'album : Etire dans le ciel vide en Etre dans le ciel vide...
L'angoisse : poème de Paul Verlaine ( le lecteur se rapportera aux textes de souvenirs que Paul Valéry a composés sur ce passant considérable accompagné de son troupeau bachique ) extrait de Les poèmes Saturniens. Il existe sur You Tube une vidéo sur laquelle l'on voit le groupe interpréter ce morceau, au milieu d'une forêt. L'auditeur sera sensible à la mise en voix de la forme compacte du sonnet verlainien, qui est ici étiré à l'extrême, l'on pourrait dire dispersé comme ces épaves que la houle emporte dans l'écume du naufrage de Brise Marine, de Stéphane Mallarmé ami cher de Verlaine, car ce n'est pas un navire qui coule mais les débris d'une âme humaine désespérée que les flots emportent, tout est en place pour un mélodrame, mais la partition de Jordan Guerette insiste sur l'idée de dispersion, le drame est évacué par cette orchestration qui semble prendre l'eau de toutes parts, c'est le sens du monde et des hommes qui s'en va à vau-l'eau, et peut-être n'est-ce pas aussi grave que cela, hymne à la déliquescence du monde, des hommes et de l'art. Et ce chant qui mange les mots, à l'image de la mer et de la mort qui ne ne rendent jamais ce qu'elles ont pris. Trois morceaux ! I, II, III, nomenclaturés, dans la musique classique cela est de nature courante du genre : concerto pour Clarinette et orchestre, n'empêche que cette corde et ce marteau me semblent participer de ces bouts de ficelles et de ces marteaux sans clous avec lesquels on s'empresse de rafistoler une coque de navire délabrée : String & hammer I : Sylvan Wayfaring : piano et violon, chutes alternées de l'un et glissando de l'autre, zigzaguer entre les troncs un peu à la manière du cavalier dans le tableau de Magritte Le Blanc-seing, une alternance qui permet de passer entre les arbres ou de se fondre en eux, un peu comme les hamadryades antiques étaient des nymphes qui se manifestaient sous forme d'arbre, une manière de peupler ce que l'on est et ce que l'on n'est pas car l'on est autant ce que l'on est que ce que l'on n'est pas, le morceau atteint à une forme de plénitude symphonique que l'on pourrait qualifier d'horizontale en le sens où elle semble avancer avec tout son espace de déploiement vers un point d'effacement, puis disparaît tel le faune de Mallarmé, '' Couple, adieu : je vais voir l'ombre que tu devins. '' String & hammer II : Pastorale : avec un tel titre l'on reste dans la forêt et l'on rentre aussi dans la symphonie ô combien symphonique de Beethoven, ce n'est pas la nature qui s'exprime mais la jouissance innocente de l'Humain dans le domaine naturel, très belle amplitude du violoncelle qui semble délimiter les murs intemporels d'un refuge idyllique. Closure réfugiale. String & hammer III : Baleful apparition : trop bien, trop beau, la forêt est aussi un monde étrange, un être qui transparaît dans l'innocence présence de ses feuillages, notes de piano comme rugosités d'écorces desquamées, qui marche là, qui glisse là, sur les andins du violon et puis tressaute, juste assez fort pour manifester, l'apparition invisible de quelque chose de plus grand que vous, qui vous englobe. Et peut-être vous gobe comme le museau animal d'un monstre qui serait la vie. The cleaning : mise au point, mise au net, une voix, des chœurs après ce titre intermède lyrique, il est temps que l'être humain revendique sa place, l'homme et la femme, le couple primordial et impossible, Sieglinde et Siegfred, de cette forêt enchantée qu'est la tétralogie wagnérienne qui conte la chute des Dieux et contient dans ces dissonances la gestation de la musique française qui s'en suivit. Méditations on disquiet : rondeurs et sombreurs de notes qui se prolongent et résonnent tel le soupçon de l'incertitude qui nous hante, tout est calme et doux mais la fêlure est là, même si elle ressemble à une traînée de miel sur un bras ami, la musique le dit, quelque chose est là qui n'est pas la musique, une présence qui n'est pas moi, me partage et m'attire, barytonneries de violoncelle, une résonance étrangère qui vient se mêler à ce monde pacifié comme une torche noire qui s'en vient apporter la fièvre et le tourment, mais qui ne brûle pas plus que ne rougeoie notre âme inquiète. Soleils couchants : deuxième poème de Verlaine extrait de Poèmes Saturniens, rappelons-nous que le nom de Saturne rappelle autant le fabuleux âge d'or qui se déroula sous son règne que la fin de celui-ci lorsque Zeus chassa son père, l'on ne sera pas étonné de la dimension cosmique de l'accompagnement pas du tout infatué de lui-même, une course en avant tressautante parfois, qui réussit à s'apaiser, mais il est difficile à des instruments humains d'imiter la musique des sphères, ne peuvent qu'en exprimer ces ombres platoniciennes qui dansent sur le mur de la caverne platonicienne. L'arbitrage : piano à Gnossos s'il fallait interpréter la dernière toile de Nicolas de Staël, puisqu'il faut en finir, et même dans la forêt profonde du mystère des origines, il faut bien couper la pomme ou la poire en deux, s'interroger sur la part qu'il faut préserver pour les dieux absents, la plus grosse, la plus mûre, la plus juteuse pour les pauvres humains, mais la musique nous le déclame doucement à l'oreille, les Autres avec cette moitié ridée, sèche et dure, avec ce morceau riquiqui ont accédé à l'immortalité du non-être. Tant pis pour nous. Forêt endormie évoque ce que nous avons perdu.
Plus angoissé et torturé que la face A du disque précédent – n'oublions pas que c'est Etire dans le ciel vide qui lui est chronologiquement antérieur – pose la problématique de notre présence sur cette terre mais ne parvient pas à la circonscrire. De fait l'écoute est pour ainsi dire davantage intellectuelle. Faut calculer pour se diriger dans un labyrinthe. Très beau disque.
Damie Chad.
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L'on était dans le Minnesota avec Quercus Alba autant y rester, d'autant plus que ce Jake Quittschreiber et son banjo dont on retrouve le nom dans le réseau Metal m'interrogeait et me posait question. Une rapide enquête m'a permis de le localiser dans un groupe de doom, Circadian Ritual. Le groupe a enregistré deux albums sur le minnesotien label Live Fast Dye et ne donne plus de nouvelles depuis décembre 2019...
L'écoute de Circadian Ritual après Quercus Alba peut déstabiliser. Ces deux projets apparaîtront à beaucoup comme provenant de deux univers totalement différents et presque antagonistes. Il existe pourtant un trait d'union évident, Jake Quittschreiber en personne, si de surcroît l'on réfléchit un peu le banjo agreste du premier – les pochettes des albums du Chêne Blanc le confirment – n'est pas loin d'une vision holistique de la nature telle que la pratiquent les hippies spinozistes et la revendication de ces rythmes circadiens ( qui s'étendent sur une durée à peu près égale à vingt-quatre heures ) n'est pas étrangère à de nombreux cycles naturels, notamment végétal et animal. Ne parlons pas des hominidés... Une certaine mystique contemplative peut considérer le déroulement de ces cycles comme des rituels...
S / T
CIRCADIAN RITUAL
( Juillet 2016 )
Rick Parsons : guitare / Jake Quittschreiber : guitare, vocal / Ben Shaffer : basse / Jim Clark : batterie.
S/T signifie-t-il temps sacré ( sacred time ) ? Pochette noire, ombreuse. Des cimes d'arbres éclairées par la trouée lumineuse de l'astre sélénique à moins que ce ne soit un appel, un troublant trou blanc en but d'une allée pratiquement invisible que l'on n'imagine qu'avec peine. Sur le côté deux bouts de pilastres qui signent la présence anonyme d'une entrée, serait-ce celle d'un cimetière...
The high priestess : lenteur agonisique, voiles funèbres de guitares que le vent remue faiblement, ambiance noire, une avancée très très darkly, des grincements, clous de cercueils que l'on arrache de l'intérieur, pas lourds d'une légion d'ombres en marche, l'on sent des muscles roides, ankylosés mais l'amplitude des enjambées devient manifeste, la cadence s'accentue, clarté de guitares vite réprimées par un son qui prend de l'allant, il est sûr que l'on piétine sur un chemin de pierre et la grande prêtresse prend la parole, elle est la déesse éternelle, elle ne prononce que son nom, et la voix des morts prend la relève, la rumeur engorgée psalmodie et la musique accapare la tête du défilé, plus forte, plus violente, une batterie qui tire et pousse et la voix des mourus s'impose et s'expose, litanie des morts vivants qui empruntent le tunnel des aîtres intérieurs pour renaître, revenir à la vie, repartir, s'envoler dans le grand tourbillon vital, vie et mort s'emmêlent, naissance et décès ne forment plus qu'une clameur victorieuse. Ethereal monolith : intro grandiose qui se traîne en sa majesté, l'instant est décisif, l'on sent comme une élévation, une aspiration, la prise en main de son destin, la musique s'appesantit, des pas qui ébranlent la terre, la batterie écroule les arbres, une longue agonie de guitare et la basse prend place, les dernières pentes de la montagne magique, l'air se raréfie il est peu à peu remplacé par un fluide éthérien plus subtil que seuls les créatures supérieures peuvent respirer à leur guise, c'est le moment où le héros ne contrôle plus sa raison, n'est-il pas en route vers l'Insurmontable, au travers de murailles cyclopéennes, une voix qui n'est plus que de cendres brûlantes, que d'invectives de feu adressées à soi-même, tout se tait, rien que le frôlement d'une basse exsangue et nous voici au sommet face au monolithe d'éther, comment une pierre aussi monstrueuse peut-elle être constituée d'un brouillard d'atomes, c'est le moment du duel, grognements terribles, fauves en furies, l'on ne saura jamais, une brume musicale tel un rideau qui descend à la fin du dernier acte, et cache ce que l'on ne doit apprendre qu'en suivant notre pensée ,si elle est assez vive pour se faufiler dans ce kaos sonore, et saisir la voix de l'inaudible au milieu de cet ébranlement terminatif. Black Chalice I : lourdeurs de cordes chuintantes, résonances, une cloche sonne dans le lointain de la nuit, l'heure des grands changements est arrivée, la voix vomit commandements et excommunications, ce qui doit périr doit périr, les promesses d'immortalité ne sont qu'un leurre, la musique se répand comme un gaz toxique chargé de mort, coups de béliers sur les certitudes humaines, l'ordre nouveau n'est qu'édits de folie et d'incertitudes, monstrueuse tabula rasa, coups de faux mortuaires sur l'herbe des vivants, procession vers le néant qui n'en finit pas, tous innocents et tous coupables, si vous abolissez le péché il faut aussi abolir les pécheurs. Une guitare claironne dans le lointain qui se rapproche. Black Chalice II : si vous croyiez avoir atteint le pire, écoutez ces pétarades phoniques qui ne laissent rien augurer de bon, et ces abats sanglants de tentures magnifiques qui se déploient autour de vous, auréolés de chœurs d'anges maudits, vous n'êtes pas près d'être tirés d'affaire, renoncez à tout espoir, l'enfer est sur cette terre, vous n'y échapperez pas, des remparts de basses s'écroulent sur vous pour empêcher toute fuite, l'on marche sur vos corps agenouillés, l'on vous écrase, il n'est pas de bonne mort sans souffrance, vous avez cru vous échapper, vous avez tenté votre chance, mais vous avez perdu, la religion est un étau destiné à vous enserrer, à vous broyer méthodiquement, sans pitié, sans amour, sans espoir, des vents de colères se lèvent et tournoient sur votre charpie humaine, les vomissures vocales prophétisent votre esclavage physique et moral, miaulements effrayants de fauves affamés lâchés sur vous. Galopade de terreurs. L'on serre une dernière fois l'écrou fatal.
Pas vraiment réjouissant. Les amateurs de doom adoreront. Feront comme moi.
BEFALLEN
CIRCADIAN RITUAL
( Décembre 2017 )
Pochette de Jake Quittschreiber, si vous la comparez avec la précédente de Bjorn Christianson vous aurez tendance de la qualifier de flashy grâce à ce jaune illuminatif qui accapare la vue, et vous cache la noirceur de cette langue de terre qui s'avance dans la mer, et rampe sous le ciel. Tellement obscure qu'elle semble n'avoir d'autre but que de rendre l'artefact plus lumineux. Ne vous trompez pas, comme l'on dit dans un film célèbre, nous sommes ici du côté obscur de la force.
Solomon's Temple : cordes qui sonnent comme un psaltérion, grondement lointain qui vibre, enfle et prend toute la place, le chant est censé évoquer la magnificence du lieu sacré, un borborygme qui s'étend trop longtemps pour que l'on y croie, macérations phoniques comme si le Dieu en personne prophétisait, rappel de batterie et la voix reprend et s'étire tandis que le background se précipite, des chants liturgiques s'élèvent, soyez heureux vous êtes sous la protection divine, la musique s'emballe et file à toute vitesse comme si elle descendait le temps... aujourd'hui, de toute cette magnificence ne subsiste rien, rayée de la surface de la terre, grandiloquence du temps qui passe et efface tout, rien ne subsiste des promesses divines, la mort arase tout, rythmiques de guitares implacables, la marée des jours s'amoncelle sur elle-même et rien ne surnage, sombre et grave la réalité de la dispersion en poussière s'abat sur vous et recouvre de cendres les hommes et les dieux. Befallen : vous avez lu l'Apocalypse, vous l'entendez en musique, ce ne sont pas vos yeux qui saignent de désespoir mais vos oreilles, surprises de ces sons si doux... qui ne durent pas longtemps, voici les imprécations du désastre, entrecoupées de courts silences et de voix agonisantes, qui parle ? qui gagne ? qui perd ? la bête sort du gouffre, les anges s'en viennent au combat, mais il est perdu d'avance, les hommes n'y croient plus, la terre est infestée d'hérétiques, musique noire et emphatique une cloche sonne le glas de la conscience du Dieu, malédiction humaine, le royaume est une pomme pourrie qui court lentement vers sa dissolution annoncée, clameurs de désespoir et de colère, rien n'arrêtera l'Inéluctable, seule la mort triomphera, cela se termine par une onction de grâce au néant des choses abîmales. Très fort. Très beau. Elysian desire : ici tout n'est que luxe calme et volupté, que peut-on désirer lorsque l'on est mort si ce n'est l'immortalité, instrumental, ce ne sont pas séraphins qui tirent sur les cordes des harpes célestes mais un désir d'éternité impossible qui monte, enfle et gonfle, que rien ne peut arrêter, ni même satisfaire, car lorsque l'on désire le tout le désir est encore étranger à ce trou, et la musique speede aux confins de l'univers en une espèce de tapis magique cosmosique, débordement que la batterie essaie de contenir mais les guitares emportent le tout et forcent le passage. Pyramids : sont-ce des anges qui chantent ou des puissances démoniaques, l'on croyait que Dieu était mort, mais nous voici au cente de l'Empyrée, après avoir parcouru les champs élyséens nous serions donc arrives emportés par la musique comme un bateau perdu dans l'espace, non plus après la mort du Dieu mais avant sa naissance, dans la musique des sphères, un peu graisseuses, il faut l'avouer, mais ô combien entraînante et dispensatrice d'un certain équilibre, à la manière de ces monuments aux bases énormes mais qui s'affinaient en leur sommet au point de toucher l'éther après avoir délaissé leur revêtements de pierres, le chant n'est plus qu'un gargouillis d'éternité soutenue par des voiles empourprés taillés dans le linceul des Dieux. Montée graduelle vers le plaisir de la grandeur. The hierophant : la dernière carte, l'arcane suprême que l'on jette en annonce nouvelle lorsque l'on a gagné la partie, lorsque le grand-œuvre est enfin réalisé, tonnerre de guitare, c'est Zeus tonnant, le Jupiter païen qui apparaît, une apparition qui remet le chemin tortueux de ces titres droit vers les étoiles d'un coup de foudre, les anciens dieux ont repris le pouvoir et leurs adeptes les fêtent dignement. Le morceau se déroule tel un hymne homérien, vindicatif et triomphal, buccins phénoménaux, la terre enfin réconciliée avec elle-même, les hommes exultent, ils sont les modèles des Dieux qu'ils ont replacés sur le trône impérieux. Derniers chuintements des plus paisibles. Heidegger aurait écrit qu'ils sont arrivés dans la maison de l'Être.
Le disque est à écouter comment font-ils simplement à quatre pour donner une telle force à leur musique, l'opus s'écoute comme une symphonie romantique en progression continuelle, parviennent à indiquer une direction, à donner du sens, comparé à celui-ci, le premier très bon en lui-même n'est pas exempt d'une certaine contingence. Chef-d'œuvre doom. Mythologique.
Damie Chad.