CHRONIQUES
DE POUPRE
UNE VISION IMPERIEUSE DES HOMMES & DES OEUVRES
Revue Polycontemporaine / Interventions Litteraires
/ N° 030 / Decembre 2016
GORE VIDAL L'IRREVERENCIEUX
CREATION.
GORE VIDAL.
Traduction de Brice Matthieussent.
526 p. GRASSET. 1983.
Quatrième livre que nous lisons de Gore Vidal et quatrième surprise. Après En Direct du Golgotha ( mais pourquoi ce livre n’est-il pas encore revendiqué par les anarchistes contemporains comme le bréviaire moderne de l’antichristianisme ? ) l’on pensait qu’avec Création l’on allait assister à un cours de philosophie à coups de marteau sur les bibliques bibelots de la Genèse. Fausse route, nous ne traverserons pas la Méditerranée pour descendre vers le sud, notre trajet suivra une seule direction, celle du soleil levant.
Nous sommes en Grèce en 445 en très bonne compagnie entre Hérodote, Démocrite et Cyrus Spitama. Enfin ceci est une lecture murcienne des faits rapportés car la spitamienne n’incline pas à un si bel enthousiasme. Il faut tout de suite avouer que quoique à moitié grec par le sang de sa mère Cyrus Spitama ne porte guère les Grecs dans son cœur.
Le grand-père de Cyrus Spitama est un homme célèbre, puisque notre héros n’est rien moins que le petit-fils, en chair et en os, du grand Zoroastre. Qui eut la bonne idée de se faire assassiner juste devant ses yeux et ses oreilles, ce qui permit au petit-fiston d’entendre les paroles adressées par le Seigneur Sage à son officiant. Mais allez croire le témoignage d’un enfant de sept ans qui vient d’ingurgiter une bonne lampée d’haoma boisson sacrée alcoolisée !
Spitama lui-même en éprouve bien quelques doutes, toute sa vie il sera un zoroastrien modéré. Difficile de faire moins lorsque les nombreux disciples de grand-papa espèrent de vous une révélation définitive. Mais une telle filiation ne présente pas que des inconvénients : l’enfant et sa mère seront accueillis à la cour royale de Darius et il faut reconnaître que tous deux sauront y faire leur chemin. Dans le panier de crabes du harem Lais verra ses talents d’empoisonneuse reconnus à leur juste valeur par la reine-mère Atossa. Quant à notre jeune Cyrus Spitama il deviendra l’ami d’un prince promis à un grand avenir : un certain Xercès.
Ne les taxez point d’arrivisme, ils ont le cœur pur. Celui de Lais ne saurait résister à la détresse d’un compatriote en difficulté. Elle sera l’égérie publique du clan des Grecs. Car de nombreux grecs vivent à la cour du monarque perse. Ostracisés athéniens, bannis des autres cités, exilés volontaires, tous se retrouvent autour de Darius et tentent d’infléchir sa politique extérieure vers l’ouest. Qu’attend donc le Grand Roi pour voler au secours de l’Ionie ? Une bonne expédition militaire dans l’Attique remettrait les idées démocratiques de quelques uns à l’endroit !
Cyrus n’en croit pas encore une fois ses oreilles : les grecs conspirent sans regret contre leur patrie et leurs concitoyens. Vanités blessées, ambitions personnelles, attrait des belles dariques d’or pur, ils ne se laissent pas acheter, ils proposent de vendre leur pays et leurs cités… Spitama est si dégoûté de la race Hellène qu’il fonde une contre-proposition géopolitique : les routes de l’avenir persique, celles du commerce et des futures invasions, sont à l’Est.
Le voici nommé ambassadeur du Grand Roi Darius officiellement pour ouvrir une première voie commerciale, mais il doit surtout ramener des informations militaires de première importance… L’on n’échappe que très rarement à son destin. Le petit-fils de Zoroastre a beau s’acquitter de sa mission avec zèle, au-delà de l’étrangeté exotique des mœurs et des coutumes, il se heurte de plein fouet à la question des retombées métapolitiques des ultimes fondements de la métaphysique.
S’il était d’âme grecque il s’interrogerait pour savoir pourquoi il existe l’étant et non pas rien. Mais en zoroastrien patenté il se demande ce qu’il y avait avant le Seigneur Sage. Il n’est pas facile de répondre à de telles problématiques. Sans doute vaut-il mieux dans ces cas-là s’adresser à Dieu qu’à ses Saints. Cyrus Spitama a de la chance : le Bouddha en personne lui accordera une entrevue des plus intéressantes.
Qui ne le convainc pas. Si le monde est juste une illusion, il semble que les sectateurs de l’Eveillé s’accrochent à leur rêve d’une façon suspecte. Quand le Maître leur demande de se dissoudre dans le Néant les disciples jettent les bases d’une organisation religieuse des plus lucratives. Rien au début, la vie au milieu, rien à la fin : l’enseignement de Siddhârta se résume à peu de chose et surtout à une inquiétante inutilité du Seigneur Sage.
Abrégeons : de l’Inde à la Chine il n’y a qu’un pas. Les tribulations de Cyrus Spitama au Cathay ne seront pas dépourvues de périls jaunes. Mais comme notre héros est décidément vernis par la chance nous le retrouvons taquinant paisiblement le goujon en compagnie de Confucius.
Une âme d’élite. Qui a lu tous les livres et qui connaît tous les rituels. Hélas l’esprit est triste. Confucius se désespère. Il jouit d’un prestige inégalé mais jamais personne ne lui a donné ce qu’il désire le plus : le pouvoir. Ce n’est ni l’appât du gain, ni la gloire, que Confucius attend de celui-ci. La situation politique est désespérée et nécessite une sagesse supérieure qu’il se targue d’être le seul à pouvoir dispenser. Mais les princes de ce monde chinois en ont décidé autrement. Entre nous soit dit les Grecs agirent de même envers Platon qui fut bien obligé de gouverner sa seule République idéale. D’abord de quel droit ce Confucius d’extraction bien sociale si médiocre occuperait-il une fonction réservée à la plus haute noblesse ? Qu’il applique à sa modeste personne les si bons principes de total respect des institutions ancestrales qui sont le fondement de sa si haute sagesse conservatrice. Et puis une certaine pragmatique réactionnaire n’enseigne-t-elle pas que la mise en branle de la dialectique de l’absolu du mieux serait plus dangereuse que l’observance de la stabilité d’un bien relatif ?
Cyrus Spimata pousse l’analyse un peu plus loin. Le Ciel confucéen est d’une viduité absolue. Confucius est un simple moraliste qui ne croit pas aux fondements transcendantaux de sa morale. Une société qui ne repose pas sur la divinité est-elle viable ? Les dieux sont politiques. La religion est un leurre partagée par le plus grand nombre. Confucius est un athée désespéré. De tous les hommes qu’aura rencontrés Cyrus Spimata en ses interminables pérégrinations c’est bien Maître K’ung qui lui laissera la plus forte impression d’honnêteté métaphysique. L’inconvenance d’une telle préférence chez le petit-fils du fondateur d’une des croyances les plus exigeantes de l’humanité est si évidente qu’il gardera ses réflexions personnelles pour lui-même.
Retour à l’expéditeur. Spimata revient en Perse. Au passage il peut constater la dégradation du la situation en Inde livrée à la féroce domination d’un Monarque Universel qui n’est autre que son beau-père. Nous sommes en plein conte voltairien Cyrus y jouant le conte d’un Candide parfaitement lucide…
Joie mitigée de retrouver l’ancien ami Xercès au pouvoir. L’extension à l’est n’est plus qu’une chimère oubliée. Xercès a perdu la deuxième guerre médique. Il ne sort plus de son harem et a de fait abandonné les rennes du pouvoir à son épouse qui le fera assassiner pour que son deuxième fils préféré accède au trône…
Ironie du sort, Cyrus Spimata finira ses jours en Grèce. Artaxercès l’a nommé ambassadeur de la paix auprès de Périclès. Les deux grandes puissances mondiales se sont partagés leur zone d’influence respective. La Grande Grèce se tournera vers la Sicile et l’Occident, la Perse repliée sur elle-même, échaudée par ses mésaventures grecques se regardera surtout le nombril. L’apogée de l’Empire est dépassée… Dernière consolation pour notre vieil héros, il est devenu aveugle ce qui lui ôte le désagrément de voir les grecs abhorrés.
Création offre d’ailleurs une vision peu académique de la Grèce. Dans la série déboulonnage des idoles les grecs en prennent une sacrée rasade. Menteurs, voleurs, apatrides, versatiles, traîtres, infantiles, jaloux, cupides, il n’y a pas assez d’adjectifs dépréciatifs dans notre langue pour épingler les innombrables défauts des fondateurs de notre culture. Socrate n’est qu’un pesant imbécile, pour bâtir l’Acropole Phidias a recopié sans élégance les plans de monuments perses, les spartiates sont les pires de tous et les Athéniens ne valent pas mieux. Seule la pensée d’Anaxagore mérite quelque attention.
Vérité en deçà de l’Hellespont, erreur au-delà. Pas de quoi en prendre ombrage. D’autant plus qu’à l’Est la situation n’est guère plus enviable. La force de quelques uns et le dommage collatéral de la veulerie de presque tous les autres prédominent sur la sagesse. Gore Vidal ne professe pas un humanisme optimiste. Les hommes et les empires s’écroulent dans le néant des formes indéterminées comme les atomes de Démocrite qui tombent dans le vide en formant de fugaces agrégations infinies.
Création est un livre bulldozer qui arase toutes nos certitudes intellectuelles et toutes nos exigences spirituelles. Notre rationalité occidentale repose sur autant de mensonges historiques et de mythes métaphysiques que les prétendues sagesses orientales. Pour ceux qui essaieraient de se raccrocher à leur patrimoine religieux la leçon n’en est pas moins amère : tous les Dieux polythéistes indo-européens se conduisent comme des enfants gâtés qu’il convient de traiter comme des animaux dangereux qu’on éliminera sans état d’âme. Quant au Seigneur Sage et ses avatars monothéistes ils brillent surtout par leur absence. Le concept de création est une idée nuisible.
Gore Vidal est bien le fils du vingtième siècle. L’antique nihilisme stoïcien, rebaptisé européen depuis Nietzsche, pointe son absurde nez camus. Pour nous, nous ne nous sentons pas acculés dans ce cul-de-basse-fosse de la misère philosophique de la condition humaine. Alexandre a tranché le nœud gordien de l’impuissance hominienne. L’Homme se doit de courir vers l’Imperium de sa grandeur.
André Murcie.
EN DIRECT DU GOLGOTHA.
GORE VIDAL.
Traduit de l’anglais par JEAN-BERNARD BLANDENIER .
282 p. 2003. RIVAGE POCHE N° 444.
Sur le christianisme nous en avons lu des vertes et des pas mûres, mais là avec cet En Direct du Golgotha, paru pour la première fois en France en 1994, c’est le bouquet ! Nous en sommes d’autant plus surpris que nous ne connaissions de Gore Vidal que sa série de romans consacrée à la politique des USA, au travers de l’histoire de sa présidence. Nous avions d’ailleurs dans le numéro 2 de la revue Louve chroniqué son Empire. Avec un titre pareil, nous aurions dû nous méfier, ce Gore Vidal nous semble explorer des rhizomes parallèles aux nôtres.
Etrange que ce livre n’ait pas provoqué un scandale en son époque ! Je n’en connais pas de plus politiquement incorrect sur la question. Et de cette dernière il en fait joliment le tour puisque tous les aspects du déploiement historial, idéologique, et métaphysique du christianisme subissent un tir groupé de missiles ravageurs. Les origines juives, les sacro-saintes personnes du Christ et Saint-Paul sont sous le feu ravageur des canons de marine. Je préfère ne pas parler des apôtres, de l’Eglise de Jérusalem, de Marie-Madeleine, la Sainte Vierge qui y touche beaucoup, et de tout le reste du caravansérail.
Pas fou, Gore Vidal a ouvert le parapluie de la bouffonnerie, piètre protection si l’on songe à tout le mal qu’il profère sur les juifs et les chrétiens. Car les seconds ne rattrapent pas les premiers et leurs motivations à tous sont strictement financières. Ah ces tournées de Paul, déguisé en prêcheur biblique amerloque, qui ratisse large et sec ! Show parfaitement rôdé, tours de passe-passe, paillettes et bites à gogo. Y a que les juifs qui sont pas contents de cette mouture new age ouverte à tous les gentils. Mais comme l’argent entre à flot, les premiers disciples se taisent prudemment tout en n'en pensant pas moins. L’humilité christique n’étant pas la moindre de ses qualités, Paul, trop sûr de lui, à la suite d’une fumeuse échauffourée avec quelques zélotes intransigeants, s’en vient à Rome pour plaider sa cause et convertir Néron. Aussi sûr que 1 = 3, il y perdra sa tête, tout en ayant la suprême consolation d’emmener en enfer avec lui Pierre qu’il ne peut voir en peinture.
Scénario classique et sans grande originalité murmureront les lecteurs ! Que non l’histoire est beaucoup plus embrouillée. Voici que débarquent venus du vingt et unième siècle, les représentants de deux grandes multinationales de télévision qui se battent pour envoyer en exclusivité une équipe de caméramans avec commentateur pour couvrir la mort de Jésus sur sa croix au Golgotha. La situation est explosive, car d’une part un pirate détruit tous les textes évangéliques dans les mémoires siliconées du futur et d’autre part il est à peu près sûr que le christianisme repose sur une imposture puisqu’au moment de son arrestation le Christ aurait fait croire aux légionnaires que le Christ était en vérité le traître Judas, qui fut aussitôt cloué sur la croix du roi des juifs !
Je vous laisse tirer l’affaire au clair ! Rire assuré à tous les étages. Le pire de toutes ces grotesques turlupinades c’est que le propos reste des plus sérieux, du début du livre à sa dernière page. En Direct du Golgotha est une critique eschatologique de la passion religieuse. La sainte trinité y est si subtilement ordonnée : sexe, fric et pouvoir, que l’on peut y déchiffrer aussi bien les méfaits de notre modernité que les bourbeux soubassements du christianisme.
Il aurait pu les oublier, et les passer sous silence. Mais lorsqu’il écrivit son livre Gore Vidal venait sans doute de suivre un régime vitaminé au cuissot de lion… de Juda, car notre auteur ne joue pas dans la dentelle du politiquement correct. Israël, le Mossad, le sionisme, la shoa , en prennent pour leur grade, Vidal ne respecte rien. Pas de cadeau, à chacun ses quatre vérités.
Anti-manipulatoire et jubilatoire, En Direct du Golgotha, n’épargne personne. Fallait un sacré courage, ou une inconscience rare, pour oser un tel pavé dans la mare du monothéisme. D’autant plus que l’on sent bien que l’auteur n’est guère un adepte des cultes polythéistes qui ne lui sont pas plus sympathiques que les génuflexions devant la croix et les chandeliers.
Voici donc un livre comme nous les aimons. Pas de bonne nouvelle, mais de gai savoir.
André Murcie.( Septembre 2004 ).
LA MENAGERIE DES HOMMES ILLUSTRES.
GORE VIDAL.
Traduction de FLORENCE LEVY-PAOLINI.
274 pp. 1999. PAYOT
Le titre français est-il là pour rappeler que Gore Vidal fut un ami de Tennessee William ? Ou une invite gurdjénne déguisée ? Nous ne connaissons guère la traductrice pour en pouvoir décider. Pour notre part nous nous contenterons de proclamer haut et fort que certaines pages de Gore Vidal sont de véritables imprécations antichrétiennes qu'un Julien n'aurait pas reniées.
Mais ici dans the Smithsonian Institutions, pour reprendre l'appellation d'origine il est question de toute autre chose. Deux, exactement pour combler l'angoisse des maniaco-dépressifs qui se seraient risqués à nous lire. Mais il vaudrait mieux qu'ils s'en abstiennent, car cet acte apparemment anodin pourrait avoir des effets dévastateurs sur leur conduite névrotique.
Commençons par l'aspect le plus simple, du moins le plus courant puisque 99 % de nos semblables avoueront sans trop de peine s'être déjà posé, au moins une fois la question : mes jouets s'amusent-ils à la maison pendant que je suis à l'école ? Pour la Smithonian Institution la réponse est des plus simples : oui, pendant que les visiteurs sont à la maison, les figurines du musée de cire s'en donnent à coeur joie.
Ce qui est assez déroutant pour un jeune garçon de treize ans qui vient en dehors des heures d'ouverture signer son brevet d'admission au célèbre institut. Mais comme très vite il s'avère que nous sommes en présence d'un surdoué en mathématiques, notre apprenti sorcier va vite vérifier le théorème de l'attirance des corps. Toujours irrésistible quand il s'agit d'un joli mannequin de chair.
Marrant mais sans plus. L'habituelle métaphore du sempiternel complexe du puritain américain qui veut toujours baiser plus haut que ses couilles. Mais l'affaire se corse. Nous sommes en 1939, et dans les laboratoires secrets du Smithonian Institute l'on se dépêche de mettre au point la future bombe atomique avant les Allemands. L'on y croise quelques cerveaux fameux comme Einstein et Oppenheimer.
Notre jeune mathématicien participe à cette course contre la montre. Surtout contre la mort. Il est même tout à fait contre. La guerre est une horreur. L'apocalypse européenne lui fait peur. Il se décide donc d'intervenir en personne dans la marche de l'humanité occidentale vers sa propre fin.
Facile, il suffit de retourner dans le passé et, tout en lui rappelant quelques frasques sexuelles peu édifiantes pour l'électeur moyen, de persuader le président actuel des USA particulièrement va-t-en guerre de ne pas se présenter aux élections. Aussitôt dit, aussitôt fait. Chers lecteurs si vous pouvez me lire, c'est grâce à notre jeune ami américain, qui a privé vos grands-parents de l'expérience assez désagréable du feu apocalyptique.
Or pendant que nous européens nous nous contenterons d'une petite guéguerre des plus classiques, à l'autre bout du monde les méchants japonnais se jettent sur Pearl Harbour. Tant pis pour eux, à l'impossible nul n'est tenu. Puisqu'ils entrent dans le jeu sans y être invités et vous prennent au dépourvu, ils recevront leur double bombinette sur le coin de leur jaunâtre museau, et s'ils ne sont pas contents, on leur en prépare une troisième.
D'autant plus que notre jeune ami a un autre challenge à relever : intervenir en pleine bataille d'Okinawa pour sauver son clone que l'Institut a créé pour prendre sa place dans le collège ou le professeur de math a reconnu son génie... mal lui en prend, il sauve son double mais se fait exploser la colonne vertébrale par un japonais facétieux qui lui pose une mine anti-char sur le dos.
Notre ami en compote a une sale mine. Heureusement que son cerveau est le seul organe qui par miracle a survécu au carnage. Les savants de l'Institut vont recomposer un corps, autour du volumineux champignon cérébral. Tout est bien qui finit bien. Notre jeune ami artificiellement reconstitué peut continuer ses recherches mathématiques à l'intérieur du Smithsonian après s'être marié avec son mannequin préféré.
Pas de quoi fouetter un chat à neuf queues ? Les américanophobes professionnels vont encore démonter que tout ce délire n'a qu'un seul but, exonérer les amerloques de leurs responsabilités hiroschimachiennes ! Sans doute, mais il ne faut jamais se fier aux enrobages de l'amande.
Le roman est une chose, un des moins bons de l'auteur, les réflexions philo-mathématiques sur la conception de la structure de l'univers sont, sinon des plus révolutionnaires, du moins totalement à contre-courant des schémas idéologiques véhiculés par l'establishment scientifique dominant.
L'univers n'est pas univoque. Ni début, ni fin. Pas monothéïque pour traduire en langage clair. C'est-à-dire qu'il n'est pas non plus le continuum de sa propre continuité. Nous ne sommes qu'une fragmence de l'univers. Mais en recoller tous les morceaux ne le recolleront pas en son entier. En le sens où il ne possède aucune intégrité. De même que vous ne pouvez mettre un cube à plat, puisque les six faces soigneusement découpées cachent encore six autres faces qui viennent s'ajouter. Tout plan dans l'espace possède son contre-plan dans le même espace. Qui de fait n'est déjà plus le même. Car toute ressemblance passe obligatoirement par une différence initiale.
Reste le difficile découpage de nos instants temporels. Il n'existe pas de temps uniforme que l'on peut découper en une infinité d'instants tous identiques. Le temps n'est pas divisible en quantas de morceaux de sucres tous égaux. Du genre je prends cinq sucres pour mon café et dix-sept pour descendre acheter mon journal. Alors qu'il s'insurge contre la relativité généralisée d'Einstein, Gore Vidal adopte à sa sauce caramélisée sa théorie restreinte. Il n'ose pas aller jusqu'au bout de l'incertitude et délimite le temps par son inscription en l'espace tridimensionnel. Il ouvre ainsi la possibilité de mille bifurcations possibles et imaginables en chaque fin segmentielle qu'il laisse pour ainsi dire ouverte avant de la fermer. Mais tout cela il l'assemble par une suprématie logicienne qu'il serait facile de faire coïncider avec la volonté du sujet unique.
A moins que le trajet choisi ne dépende avant tout des opportunités qui s'offrent à nous. Dans le magasin où vous rentrez je peux déjà prophétiser que si vous achetez quelque chose ce ne sera pas un produit que l'échoppe ne vous propose pas. Affirmer que vous y rentrez pour acheter du dentifrice est un véritable pari pascalien. Il existe une chance sur deux pour que Dieu et Dentifrice existent. Un dieu à cinquante pour cent, ne vaut guère plus qu'un dentifrice de même pourcentage.
Question : combien de millions de dentifrices vous faut-il pour que vous soyez sûr d'en trouver au moins un dans l'espace-temps où vous allez le chercher ? Même question avec le mot dieu.
Réponse : il en faut un seul. Mais un seul autant de fois qu'il existe d'espace-temps. Aléatoires ou fractionnés. Bref il suffit de poser l'existence d'un seul dentifrice pour démontrer que l'univers ne peut se contenter d'un seul-dieu.
Attention : le contraire ne saurait-être juste. Car si je ne pose qu'un dieu, je le trouverai à coup sûr dans un seul des espaces-temps. Aléatoires ou fractionnés. Mais mon dieu universel n'aura de par son unicité universelle investi qu'un seul espace-temps. Comme quoi l'idée du Dieu n'est pas la réalité du dieu.
Quand on vous avait prévenu que Gore Vidal était anti-chrétien !
André Murcie.
FRAGMENCES D'EMPIRE
LES STOÏCIENS.
JEAN BRUN.
180 pp. PRESSES UNIVERSITAIRES DE FRANCE. 1968.
Extrêmement bien fait, dans l'esprit des Sophistes de Jean-Paul Dumont, ce n'est pas pour rien que ces deux écrits se retrouvent dans la même collection. Peu de notes, un maximum de textes, mais l'accent est avant tout mis sur l'articulation systémique de la pensée.
Certes les stoïciens professaient une véritable vision du monde qu'ils déclinaient sous diverses modalités très compartimentées : logique, physique, et éthique. Jean Brun n'a eu qu'à se laisser guider par le déroulement même du déploiement de la pensée stoïcienne pour présenter les grands points de la doctrine.
Nous ne nous attarderons pas sur les deux dernières parties du livre dévolues à Epictète et à Marc Aurèle. D'abord parce que nous avons déjà évoqué à maintes reprises la haute figure de l'Empereur philosophe dans nos Chroniques de Pourpre et ensuite parce que nous tenons à consacrer une semaine de Littera-Incitatus tant aux Entretiens de l'esclave qu'aux Pensées de l'imperator.
Du sujet à l'objet, qu'y-a-t-il si ce n'est une mystérieuse inclination du premier au second ? Il est étrange de voir comment de Zénon à Chrysippe l'on escamote le problème du pourquoi d'une telle propension. L'on ne se pose ni la question de la volonté, ni du hasard, ni de la rencontre. La chose a lieu, parce qu'elle est définie comme chose qui a lieu, et non comme le résultat d'une conjonction singulière.
Le stoïcisme ne s'intéresse guère à la présence phénoménale de ce qui a lieu. Le phénomène n'est pas représenté comme un accident de la matière ou même comme comme une manifestation conceptuelle. Ce qui a lieu n'existe que par son inscription grammaticale en une proposition quelconque du logos souverain. Le scribe qui a rédigé le début de l'Evangile de Jean devait s'être frotté de stoïcisme en sa jeunesse.
Evidemment le logos stoïcien tourne en rond sur lui-même. Il n'est pas de nature transcendantale. Rien à voir avec une incarnation christique et de grande délivrance du Verbe johannique. Point d'échappée vers le haut, mais un retour infini sur lui-même. Un retour qu'il ne faut pourtant pas comprendre comme le sempiternel retour du même qui reviendrait en vrac, dans le désordre, comme ces multiples constructions que l'enfant édifie jour après jour avec son unique boîte de cubes habituelle.
C'est que ce qui revient, ce ne sont pas les collections aléatoires des objets du monde mais l'objet même du monde qui contient toutes les morphoses possibles et imaginables : le temps. Le temps revient, et en tant que temps, il ne peut revenir que comme identique à lui-même. Le temps détient le temps de tous les possibles. C'est pour cela, qu'immanquablement tout reviendra.
Mais les stoïciens ne s'attardent pas aussi longtemps qu'il le faudrait sur cette question. Peut-être parce qu'ils méjugeaient qu'il leur faudrait toute l'éternité du temps pour faire le tour de cette problématique qu'ils ont pris bien soin de n'entrevoir que sous sa forme dilatoire. Un peu comme ces moulins à prières thibétains qui exigent des millions de combinaisons avant qu'un cycle ne soit terminé. Il faut toujours remettre à demain ce qui aujourd'hui provoquerait de trop nombreux bouleversements.
Donc le temps qui serait un peu comme l'espace vide qu'occuperait le feu subtil du divin. Ce feu qui brûle et détruit mais qui renaît de ses cendres comme l'inaltérable phénix de la fable. Le monde lui-même se consume, il court à sa mort comme à une certitude absolue. Cela se nomme le destin chez les êtres humains. Pauvres chétifs homoncules qui participent, à leur corps et esprit défendant, au suicide programmé de leur individuation en même temps que de l'univers.
Le stoïcisme n'est pas de tout repos puisqu'il est incapable de vous offrir la paix éternelle. Vous êtes comme une poignée d'atomes, sans cesse remis en circulation, dans la totale incapacité d'échapper au tourbillon originel. Si nous prenons l'image de la sphère pour figurer cette expansion rétentatoire du feu divin il faut reconnaître qu'il n'est rien de plus globalement terre à terre que cette flamme renaissante.
Les stoïciens n'hésitent pas à mettre leur langue au feu et à baptiser leur foyer inéteignable du doux vocable de « dieu ». En le sens où nous sommes en présence d'un feu plus intelligent que follet. Nos philosophes ne manquent pas de mots mais dieu, feu, destin, providence, intelligence, désignent une seule et même chose.
Ce qui fonde l'originalité de la doctrine stoïcienne réside justement – cet adverbe fut-il une autre fois aussi peu justement employé – en ce trop plein de substantifs pour désigner non pas une chose, ni une réalité, mais l'exacte position de l'homme individuel face à l'univers. Les stoïciens n'hésitent pas à charger la barque. Avec un tel incendie il est peu de chance pour que le bois pourrisse, et tout gorgé d'eau qu'il soit, vous entraîne par le fond.
Face à une telle avalanche il ne reste rien à faire, si ce n'est essayer de ne point trop se laisser emporter et engloutir. Vous vous devez d'adopter la stoïque attitude de rigueur. Attention, l'on n'est pas ici pour rigoler. Les romains adoreront se draper dans la toge de l'impassibilté requise. Les grecs auront un peu plus de mal, toujours à resquiller, à risquer l'acrobatie d'une proposition douteuse...
Le stoïcisme est ainsi. Il passe de la plus grande intransigeance vis-à-vis de soi-même à une délétère compréhension de la nature de la nature. Qu'elle soit humaine ou divine. Puisqu'elles se retrouvent toutes les deux en tant qu'expression du feu inextinguible de l'âme individuelle comme de l'âme du monde.
Mais à ce jeu-là, il ne saurait y avoir de bien et de mal. Ce n'est pas parce que ce qui est en haut sera comme ce qui est en bas, mais parce que l'éternel mouvement du feu le plus subtil a pour résultat d'inverser les valeurs. Zénon n'a pas été en vain l'élève de Cratès. Malgré son désir d'agencer une pensée totalement cohérente, il n'a pas su ranger le marteau de la déconstruction philosophique aux magasins des accessoires périmés.
Nietzsche fut un stoïcien. Non pas par pur assentiment doctrinal. Par simple besoin de surmonter sa santé défaillante. S'il s'est mesuré à la pensée de l'Eternel Retour ce fut par besoin de nier la fragilité de toutes ses victoires remportées sur lui-même. Sur la douleur physique qu'il entrevoyait comme la réapparition christique des pensées honnies qu'il combattait de toutes ses forces.
Pour nous la pensée stoïcienne reste celle qui prône le retour de l'Imperium. C'est en cela qu'elle nous est essentielle.
( 2009 / in Sous le Portique )
MARC-AURELE.
CHARLES PARAIN.
Portraits de l’Histoire n° 12.
LE CLUB FRANÇAIS DU LIVRE. 224 p. 1957.
Du même auteur dans la même collection un très beau Jules César qu’il nous faudra bien prendre le temps d’adjoindre à nos Chroniques de Pourpre un de ces jours, mais revenons-en à Marc-Aurèle. Et à Antonin puisqu’il est impossible de parler de Marcus sans évoquer la figure d’Antoninus.
Le rège d’Antonin s’écoule sans Histoire. Un long fleuve tranquille et paisible, le calme avant la tempête claironne Charles Parain. Pourquoi la postérité a-t-elle été aussi tendre envers Antonin ? Certes l’individu en lui-même n’offre aucune de ces tares qui assurent ceux qui en sont affligés d’une renommée sans égale au cours des siècles. Aimable, l’esprit frappé d’un solide bon sens, économe et vertueux Antonin ne prête guère le flanc à la critique. L’Histoire est toujours partisane et écrite sinon par les vainqueurs du moins par les maîtres. Le parti sénatorial a confisqué l’hagiographie politique. Difficile de trouver des textes classiques dont les rédacteurs n’aient pas été partie prenante de la classe la plus réactionnaire et la plus conservatrice du monde romain. Tout comme les jésuites ont redessiné, pour l’édification du peuple et la plus grande gloire de l’Eglise les portraits des rois de France, la noblesse sénatoriale n’a pas manqué de colorier en rouge sang les toges des empereurs les plus haïs. Néron, Caligula, Domitien, n’ont vraisemblablement pas été des enfants de chœur mais les crimes dont on les accuse demanderaient à être redéfinis. Ces nombreuses mises à mort ne sont dues ni à une fureur homicide ni à une folie métaphysique de démesure. Elles furent simplement la manière la plus expéditive de rogner les ailes de la classe des grands latifundiaires sénatoriaux qui empêchaient toute refonte sociale en faveur des plus modestes et des esclaves. L’exemple et le destin des Gracques étaient assez significatifs. Aucun empereur ne détiendrait assez de puissance politique pour entreprendre une réforme constitutionnelle de redistribution des richesses via le Sénat. Limiter les droits et les possessions des grands propriétaires se révèlera toujours dangereux. Néron, Caligula et Domitien finiront assassinés. Le successeur de Commode, Pertinax connaîtra en quelques semaines le même sort. Sa modeste origine et sa relance de la loi d’Hadrien sur le droit donné à tout un chacun de s’approprier les parcelles des grands domaines laissées depuis plus de dix années à l’abandon et revenues de ce fait à l’état sauvage lui coûteront la vie. Charles Parain va même jusqu’à sous-entendre que si Commode s’est très vite adonné à une vie déréglée c’est aussi parce que, au-delà d’une prédisposition individuelle indéniable, l’intraitable opposition sénatoriale ne lui a pas permis de déployer une politique de refondation indispensable. Belle dissertation en vue sur la comédie augustéenne du pouvoir et le pouvoir symbolique de la comédie caliguléenne !
Nous n’avons pas encore parlé de Marcus Aurelius. Charles Parain ne porte guère l’Empereur philosophe dans son cœur. A l’image de son père adoptif Antonin il n’a pas su mettre un frein à la main-mise idéologique et économique du Sénat sur l’Etat et la société civile. De Marc-Aurèle qui passa son existence à fortifier son âme Charles Parain stigmatise avant tout la faiblesse de caractère. Tout juste lui reconnaît-il de savoir désigner les meilleurs serviteurs de l’Etat. Souvent il nommera à des postes cruciaux des gens de peu, des hommes nouveaux tel ce général Pertinax, mais doués des qualités les plus hautes.
Marc-Aurèle ne se dérobera pas à ses devoirs. Sur dix-neuf années de règne il en passa plus de dix-sept dans les camps, aux frontières, à contenir, difficilement, les invasions barbares. C’est que le système craque. A l’intérieur les terribles inégalités économiques dues à l’exploitation des esclaves ont fait exploser les sentiments d’unité sociale et nationale. A l’extérieur les barbares, qui ont depuis plus d’un siècle beaucoup appris aux frontières à se frotter aux légions et aux marchands, ont acquis en quelque sorte des leçons gratuites de romanité. Leurs nouveaux modes de pensée les façonnent et les attirent vers l’Empire. Les années Mar-Aurèle se déroulent comme la chronique d’une catastrophe annoncée.
Certes il faudra encore plus de quatre siècles pour que l’Imperium s’effondre, mais le fruit est tellement pourri de l’intérieur qu’il n’existera aucune force de régénération possible. A l’occasion des persécutions de Lyon, qui verront périr dans les arènes quarante-huit malheureux chrétiens, Charles Parain règle son compte au christianisme. L’Eglise a deux fers au feu. Une ligne dure à la manière de Saint Hyppolite qui refuse toute compromission avec le pouvoir politique et une autre, plus molle, ondoyante, pragmatique, à la façon du pape Calixte. L’on retrouve en l’affrontement de ces deux protagonistes le schéma opératif de la Structure Absolue de Raymond Abellio. L’opposition des contraires n’est qu’une forme illusoire et transitoire du rassemblement des semblables. En moins de vingt décennies l’Eglise sera associée par Constantin au pouvoir impérial. Les riches en resteront toujours plus riches et les pauvres de plus en plus pauvres.
De même l’Empire dépecé, le moyen-âge n’apportera aucune notable amélioration au fossé qui sépare les plus pauvres des plus riches. De nos jours la situation n’a guère évolué. Si l’on excepte un mieux-être matériel, dû aux modes de production et de reproduction industriels et non à une plus grande prise de conscience et de repentance de la misère des classes défavorisées par les plus heureuses, l’écart entre les riches et les pauvres s’est même creusé. L’esclavage fut la forme d’exploitation de l’homme par l’homme que connut l’Antiquité. Notre modernité n’a pas à se prévaloir de l’existence du salariat comme d’un progrès moral exceptionnel. Cette dernière phrase est totalement réversible : l’existence de l’esclavage n’a à aucun moment à nos yeux valorisé la société romaine comparativement à la nôtre.
L’Imperium n’a jamais été une société idéale. Il est simplement notre fondement. Vingt siècles avant nous Rome avait réussi à rassembler en une communauté de destin une superficie de terres et de peuples si vastes que nous avons tant de mal aujourd’hui à en souder, ne serait-ce que la moitié d’entre eux, autour de la simple nécessité du concept de volonté de survie. Si l’Imperium est mort c’est bien parce que le faisceau entremêlé des égoïsmes des classes les plus riches et de la veulerie généralisée des esprits a remporté la victoire sur l’élan révolutionnaire qui avait présidé au déploiement de l’Empire.
Nous qualifions cette montée en puissance de l’Imperium de révolutionnaire car elle se fit au détriment de la principale classe des possédants. Nous ne sommes pas dupes des contre-attaques incessantes que celle-ci mena impitoyablement contre ses apprentis fossoyeurs. Jamais définitivement sortie par la porte elle ne manqua pas de rentrer par les fenêtres, en nombre et en force. Mais le projet révolutionnaire de l’Imperium ne pouvait pas mourir. Même si socialement il n’aboutit vraiment jamais son aspect métapolitique subsista.
Nos assertions déroutent et engendrent la méfiance. Les utopistes de gauche nous reprochent de nous revendiquer du concept d’Imperium romanum qu’ils assimilent à sa triste réalité sociale. Les pragmatiques de droite sentent bien que nous n’accepterons pas de laisser agir sans contrainte, au nom de supposées valeurs héroïques supérieures, les lois féodales du marché libéral. Remarquons que nombre d’hommes de gauche les ont rejoints ces vingt dernières années tout en se réclamant de l’éthique intransigeante de l’humanisme démocratique. Quant aux utopistes de droite, ils sont en nos territoires européens d’antique romanité, même s’ils se réclament d’un strict rationalisme ou d’un sentiment élevé quasi païen du Sacré, trop imprégnés à leur corps défendant de schèmes transcendantaux chrétiens pour qu’ils puissent se reconnaître en notre action.
Ainsi nous ne suivrons pas Charles Parain dans sa condamnation sans équivoque de l’ère des Antonins. Si insatisfaisante soit-elle aux regards de ceux qui rêvent d’une autre réalité sociale elle reste une présence métapolitique intangible. Elle est l’unique source d’opérativité révolutionnaire qui ne soit pas chargée du syndrome amoindrissant de l’échec des luttes définitivement perdues. Nous ne devons pas oublier que le cycle révolutionnaire initiée par la révolution française s’est achevé et refermé sur une défaite totale. Celle-ci était prévisible car elle fut trop vite dévoyée par l’idée nauséeuse de la représentativité démocratique de quelques uns à agir au mieux de leurs propres intérêts au nom de l’intérêt communautaire.
Cet horizon démocratique est actuellement indépassable pour la masse hagarde et titubante de nos concitoyens qui sont dans l’incapacité mentale de penser selon d’autres schémas conceptuels. Ils sont et théoriquement et pragmatiquement incapables d’agir tant au niveau politique que social car prisonniers d’une vue téléologique libérale d’après laquelle l’Histoire Humaine est faite pour aboutir au grand marché de la merchandisation généralisée.
Mais l’Histoire Humaine est un mythe monothéiste. Il existe seulement un combat pro imperio. Qui dépasse de très loin les manquements d’un Antonin ou d’un Marc-Aurèle que nous définirions comme des bornes exemplaires. Qui témoignent du chemin qui nous reste à parcourir.
( 08 / 09 / 03 / in Restons Stoïques ! )