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  • CHRONIQUES DE POURPRE 517 : KR'TNT ! 517 : SWAMPLAND / B. J. THOMAS / SPIRIT / ROCKABILLY GENERATION NEWS 18 / LUNAR FUNERAL / MUSIQUE PROTOCOLAIRE

    KR'TNT !

    KEEP ROCKIN' TILL NEXT TIME

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    LIVRAISON 517

    A ROCKLIT PRODUCTION

    SINCE 2009

    FB : KR'TNT KR'TNT

    01 / 07 / 2021

     

    SWAMPLAND / B. J. THOMAS / SPIRIT

    ROCKABILLY GENERATION NEWS 18

    LUNAR FUNERAL / MUSIQUE PROTOCOLAIRE

    L’avenir du rock -

    Swampland of thousand dances

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    Mis à part quelques médecins et deux ou trois représentants des laboratoires pharmaceutiques, il n’y a pas grand monde à l’enterrement de Pandemic. Comme l’aurait fait Boris Vian, l’avenir du rock approche, crache sur la pierre tombale et lâche en guise d’oraison funèbre :

    — Tu vois enfoiré, ça ne mène à rien de vouloir jouer les terreurs. Tu croyais m’enterrer et c’est toi qui bouffe les pissenlits par les racines. Pauvre con de Pandemic, avec tes masques, tes vaccins et tes présidents sauveurs du peuple, tu as battu tous les records de disgrâce. J’en ai encore des frissons de dégoût !

    Aussitôt sorti du cimetière, l’avenir du rock traverse la rue et entre dans un rade pour s’envoyer un ballon de rouge. Il lève son verre et lance :

    — À la santé de Swampland !

    Alors tous les clients accoudés au bar lèvent leur verre et beuglent :

    — À la santé de Swampland !

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    Eh oui, l’avenir du rock a des raisons de se réjouir. Vient de paraître The Swampland Sessions, un double album anthologique bricolé en analogique par Lo’Spider, l’un des principes biologiques de l’underground en France : chroniqueur emblématique du fanzine Dig It!, musicien méphistophélique mais aussi et surtout tête pensante psychédélique de Swampland, un studio toulousain installé au rez-de-chaussée d’un vieil immeuble famélique de vingt étages. Ambiance à l’ancienne, matériel à l’ancienne, tous les groupes qui viennent enregistrer à Swampland n’ont qu’un seul but dans leur vie : enregistrer à Swampland.

    — Alors mec, où tu l’as enregistré ton album ?

    — À Abbey Road !

    — Pfffff...

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    Tous ceux qui vont enregistrer à Swampland savent qu’ils repartent avec du son. Il faut faire gaffe quand on balance des compliments comme celui-là, car ça pourrait passer pour du fayotage. L’essentiel est de rappeler que la plupart des studios sont maintenant équipés en numérique et le son n’est pas le même. Si on aime bien le son qui buzze et la fuzz qui bave, alors il faut aller à Swampland. C’est un état d’esprit, l’une des clés magiques de l’underground musical.

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    Lo’Spider a dû faire un choix pour remplir ses quatre faces. Il propose un ensemble extrêmement diversifié, qui va du gaga-punk au blues en passant par des choses extrêmement ambitieuses et novatrices comme le «Space Is The Key» de Slift, un groupe toulousain repéré en Angleterre par les Shindigers. Les Slift sont devenus l’un des groupes phares de la scène toulousaine et Gildas ajoutait qu’ils commençaient à tourner énormément en Europe et en Angleterre. Ces trois mecs proposent un son extrêmement énergétique, ils dégagent tout ce qu’on aime dans le rock : du shagging, de l’idée, de la virevolte, du modus operandi, de l’élégance, du power-triotisme, leur son gronde bien sous la surface de la terre, ils recyclent les vieux moteurs hypnotiques des seventies comme d’autres recyclent des vieux moteurs de motocyclettes.

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    Rien qu’avec Slift, l’avenir du rock peut dormir sur ses deux oreilles. Les autres gros «clients» de Lo’Spider sont bien sûr les Magnetix, pionniers du gaga-punk en France, avec la plus belle collection de pédales de disto qu’on puisse voir sur scène. Pour ce double-album, Lo’Spider a choisi «Cowboy Vs Soleil», petit chef-d’œuvre de gaga-punk lo-fi joué au minimalisme invulnérable. Et juste derrière, on retrouve les Monsters, avec «Too Pretty To Be Loved», une espèce de huitième merveille du monde et en même temps résidu de gaga-trash. C’est plus fort que lui, Beat-Man ne peut pas s’empêcher d’aller chercher l’excellence dans la fournaise. Pour ceux qui auront le bon goût de rapatrier l’objet, il faut savoir que Lo’Spider raconte à l’intérieur du gatefold l’histoire de chaque cut et c’est souvent très drôle. Et si la basse qu’on entend dans le «Lolai Lolai» d’El Vicio sonne si bien, c’est normal : le bassman s’appelle Lionel Limiñana. Son bassmatic hypnotique dévore le cut de l’intérieur. On entend encore une basse dévorante dans l’excellente reprise de «Pass The Hatchet» par les Hurly Burlies et pour les ceusses qui apprécient tout particulièrement la trash-guitar, il est recommandé d’écouter le «Fly Inside» de Black Luna. Non seulement on se régale de cette voix de ghoule qui flotte dans la crypte, mais on vendrait son père et sa mère en échange de la trash-guitar qui entre dans le lard de la matière. Si raw et si impure qu’on croit entendre Monsieur Jeffrey Evans.

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    Lo’Spider a rassemblé les cuts de blues en C, notamment cette version somptueuse de «Sittin’ On Top Of The World» de Mama Rosin, une version jouée à coups d’acou avec des percus qui feraient danser un couvent de Carmélites. Le son est parfait et en fin de parcours, ils virent cajun, alors ça tourne à l’énormité. Comment résister à ça ? Impossible. S’ensuit une autre merveille, le «Six Pink Cadillac» de Roy & The Devil Motorcycle, encore des Suisses. En faisant référence à Spiritualized, Lo’Spider tape en plein dans le mille. Il existe effectivement une parenté dans le feeling. Tout comme Jason Pierce, les Suisses proposent un blues qui flatte l’intellect pour l’envoûter. Avec «Wayfaring Stranger», Julian & The Goodtimes Roll vont plus sur un son rockab, mais l’assise et l’allure sont parfaites. Quant à la D, c’est la face gaga-punk, sept cuts enfilés comme des perles et qui sont à l’image du mighty Dig It! Radio Show de Gildas : une pure déboulade, poussez-vous, ils arrivent ! Le «PAIN» des Spits dégueule par dessus bord, le «Crisis» d’Asphalt s’énerve tout seul, tatapoumé à la toulousaine, plein d’entrain et d’énergie d’apéro et de sens de la fête. C’est tout juste si on n’entend pas Gildas annoncer les cuts, car quand arrive l’«Over The Edge» des Cellophane Suckers, on retourne droit sur Canal Sud, c’est sa came. Gildas a laissé sa marque jaune sur le mur de briques de l’imaginaire toulousain, elle symbolise le pouvoir absolutiste du son pur et dur. Pendant quarante ans, ce mec n’a jamais baissé les bras ni changé de cap. Il a su défendre ce son jusqu’à la fin de sa vie et cet album, comme d’ailleurs l’After Chez Eddy, est un peu la suite de cet incroyable périple. Les Swampland Sessions s’achèvent sur un enchaînement pétaradant, de la même manière que le fameux Back From The Canigo, cette compile des groupes de Perpignan avec laquelle Gildas avait conclu son ultime Radio Show, en janvier dernier. Les Swampland Sessions sont dédiées à trois personnes, dont Gildas.

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    Signé : Cazengler, sans land

    Swampland Sessions. Le Laboratoire Records 2021

     

    Pop à la sauce Thomas

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    B.J. Thomas qui n’est pas très connu en France fait partie avec des gens comme Charlie Rich, Ronnie Milsap, Jerry Lee, Tony Joe White ou encore Mickey Newbury des grands chanteurs américains, ceux qui ont ce qu’on appelle une vraie voix. Il vient tout juste de casser sa vieille pipe en bois, au terme d’une carrière excessivement longue, puisqu’il enregistra son premier album en 1966 sur Scepter, le label on va dire mythique de Florence Greenberg.

    — Mythique ? Mythique ? Est-ce que j’ai une gueule d’atmosphère ?

    Forcément, puisque Floflo avait, en plus de B.J. Thomas, Dionne Warwick, Chuck Jackson, les Shirelles, les excellents B.T. Express et sur Wand, une filiale de Scepter, Maxine Brown. Floflo qui était blanche et new-yorkaise faisait du black business. B.J. Thomas était quasiment le seul blanc de son écurie.

    Avec une bonne soixantaine d’albums, la discographie de B.J. Thomas est aussi délirante que celle de Jerry Lee, alors plutôt que de partir à la découverte de ce continent, contentons-nous d’un focus sur une période particulière qui va de 1968 à 1970, quand il est allé chez American à Memphis enregistrer cinq albums pour Scepter.

    Il est bon de rappeler que dans l’histoire du Memphis beat, American a joué un rôle aussi important que ceux de Stax et de Sun. Après avoir monté Stax avec Jim Stewart et s’être fâché avec lui, Chips Moman monte son studio qu’il baptise American. Comme ça au moins il a les coudées franches. De la même manière que Stax, Motown ou Muscle Shoals, il met en place un house-band, les Memphis Boys (Tommy Cogbill, Reggie Young, Gene Chrisman, Bobby Emmons et Bobby Wood) et embauche des songwriters (Wayne Carson et Mark James). Chips est un mec brillant et pendant quelques années il fait d’American une véritable usine à tubes. Ça se bouscule au portillon : Dusty chérie, Dionne la lionne, les Box Tops, Neil Diamond, Petula, Brenda Lee, Bobby Womack, sa plus grande fierté étant d’avoir pu enregistrer Elvis («Suspicious Minds», «In The Ghetto» et bien d’autres merveilles inexorables). Chips est un amateur de grandes voix et de chansons bien foutues. Il lance Sandy Posey et Merrilee Rush. Il épouse Toni White, une petite gonzesse qui a composé quelques bricoles avec Totor, notamment «Black Beauty» pour les Checkmates Ltd. Parmi les chouchous ce Chips, on trouve aussi Ronnie Milsap et... B.J. Thomas. Aux yeux de Chips, B.J. Thomas était LE chanteur d’American - the man who embodied the integrity, craftmanship, versatility, originality and refusal to be categorized that typified the American group. (L’homme qui incarnait l’intégrité, le savoir-faire, la versatilité, l’originalité et le refus d’entrer dans une catégorie qui caractérisaient si bien l’état d’esprit des musiciens d’American).

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    Chips accepte de produire un premier album de B.J. Thomas pour Scepter, le fameux On My Way qui paraît en 1968. À cette époque, les producteurs comme Chips ou Jerry Wexler proposent des chansons aux interprètes, et Chips a le bec fin.

    — Hey B.J., pourquoi ne taperais-tu pas dans les Doors ?

    — Oh quelle bonne idée, Chips !

    Alors les Memphis Boys nous groovent «Light My Fire» et ça tourne à l’envoûtement. Reggie Young gratte ça avec une délicatesse infinie et B.J. chante à la prodigieuse insistance. C’est probablement l’une des meilleurs reprises de ce vieux hit éculé par tant d’abus.

    — Hey B.J., pourquoi ne taperais-tu pas dans «Smoke Gets In Your Eyes» ?

    — Oh quelle merveilleuse idée, Chips !

    D’autant que c’est soutenu à l’orgue d’église. B.J. nous chante ça par dessus les toits, et ça devient stupéfiant d’allant et d’allure.

    — Tiens B.J., j’ai cette jolie chanson de Wayne Carson dans mon tiroir pour toi. Elle s’appelle «Sandman» !

    — Oh merchi Chips !

    B.J. la chante à la parfaite insistance de haut rang, comme s’il chantait du Burt, et c’est pas peu dire. Tout sur cet album est chanté à pleine voix et savamment orchestré. Chips ne fait jamais les choses à moitié. Il envoie toujours les violons au moment crucial, à la manière de Napoléon qui envoyait la brigade légère du Maréchal Ney au moment le plus décisif de la bataille.

    — Tiens B.J., j’ai aussi cette belle chanson de Mark James pour toi, elle s’appelle «Hooked On A Feeling» !

    — Oh mille fois merchi Chips !

    Reggie en profite pour sortir son sitar et en faire un hit psyché. Les bras nous en tombent. Ces gens sont formidables.

    Floflo est contente. B.J. est ravi. Chips ronronne comme un gros chat. Alors Floflo passe commande pour un deuxième album, Young And In Love. On prend les mêmes et on recommence.

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    — Tiens B.J., que penses-tu de cette belle compo de Jimmy Webb qui s’appelle «The Worst That Could Happen» ?

    — Oh quel beau choix, Chips !

    Mais Jimmy Webb, ça ne marche pas à tous les coups, il faut le savoir.

    — Bon alors, j’ai ça dans mon tiroir : «Living Again» de Mark James.

    — On va echayer Chips !

    Mais ça ne marche pas non plus.

    — Ah mince ! Bon, alors on va essayer Neil Diamond, okay ?

    — Chi tu veux Chips...

    Ils enregistrent «Solitary Man», puis ils vont sur Dan Penn avec «I Pray For Rain». Derrière B.J., Reggie et Tommy rôdent comme des vieux renards du désert. Bobby Emmons nappe «I’m Gonna Make You Love Me» d’orgue comme un malade et B.J. l’allume à grands coups de baby baby ! L’eau commence à frémir, c’est bon signe. Ne perdons jamais de vue que B.J. adore les balladifs. C’est sa came. On le voit bien avec «It’s Only Love». Chips ramène des chœurs de gospel dans la sauce, alors forcément ça change tout. B.J. monte encore d’un cran dans l’excellence avec «Hurting Each Other». Chips ne lésine pas sur les orchestrations. Il a même parfois la main un peu lourde. Mais ça convient très bien à un artiste de haut niveau tel que B.J. Il tape en fin de B dans la deep Soul de Southern crop avec «Never Had It So Good». Admirable white niggah ! Il ramone bien la cheminée de son never never.

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    Toujours en 1969, B.J. Thomas enregistre les trois derniers morceaux de la B.O. de Raindrops Keep Falling On My Head chez Chips : ««So What You Gotta Do» de Jimmy Webb, «Mr Mailman» et l’excellent «Suspicious Minds» de Mark James. Chips nous plonge dans le big American Sound, avec une ligne de basse qui fait rêver. Pour le reste, B.J. tape dur dans Burt, notamment avec le morceau titre, connu comme le loup blanc des steppes du Kilimandjaro. Encore du bon Burt avec «This Guy’s In Love With You». B.J. chante divinement le jazz de Burt, sans doute le plus doux du mondo bizarro. Chips orchestre «If You Ever Leave Me» à l’outrance de la consistance. En B, on reste dans la pop ultra sophistiquée avec Jimmy Webb et son «If You Must Leave My Life». B.J. sait se positionner dans les degrés du vertige. Il tape ensuite dans Joe South avec «The Greatest Love» qu’il chante à la grande revoyure d’éclat surnaturel. Ce mec sait travailler l’éclat d’un cut.

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    L’année suivante, B.J. Thomas revient chez Chips enregistrer Everybody’s Out Of Town. Il attaque ce bel album de rues désertes avec une cover de l’«Everybody’s Talking» de Fred Neil. Les Memphis Boys s’en donnent à cœur joie. Ces mecs savent swinguer le soft. Burt produit deux des titres, «Send My Picture To Scranton» et le morceau titre qui sonne un peu comedy act, comme Raindrops. Scranton aussi, mais B.J. parvient à l’embarquer à la force de sa conviction. C’est très gonflé comme choix de chanson. Mais on a une bonne conjonction Chips/Burt/B.J. L’une de ces conjonctions idéales qui font les grands disques pop. En B, on tombe sur un admirable slab de Memphis groove avec «What Does It Take». Wow ! Quel délicieux coup de good time music soutenue au sax enchanteur. Encore un cut bien foutu avec «Created For A Man». B.J. ne force jamais le trait, il chante sa pop à la bonne mesure. Il se sent bien chez Chips et ça s’entend. Le son est à la fois décontracté et bien intentionné. Cool man !

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    Le dernier album que B.J. Thomas enregistre chez Chips s’appelle Most Of All. Il sort comme les précédents sur Scepter. Chips propose à B.J. deux covers somptueuses, «Rainy Night In Georgia» de Tony Joe White et «Brown Eyed Woman» composé par Mann & Weil. B.J. prend le Tony Joe si haut qu’il perd l’intimisme, mais il y ramène toute la volonté pop de Memphis. B.J. peut aller très haut et swinguer ses vocalises dans la stratosphère. Il reste dans le haut niveau mélodique avec le Mann & Weil. Il monte si haut qu’il atteint la dimension du vertige. Quel shouter ! Chips ne s’y était pas trompé. B.J. tape aussi dans Burt avec «(They Long To Be) Close To You». Idéal pour un chanteur aussi doué. Chips profite encore une fois de l’occasion pour ramener l’armée mexicaine des violonistes. On est en sécurité chez Chips. B.J. reprend aussi deux cuts de James Taylor dont «Circle Round The Sun» que Chips orchestre à outrance. B.J. chante ça tellement over the rainbow qu’il en fait une merveille inexorable.

    Signé : Cazengler, B.J. à la masse

    B.J. Thomas. Disparu le 29 mai 2021

    B.J. Thomas. On My Way. Scepter Records 1968

    B.J. Thomas. Young And In Love. Scepter Records 1969

    B.J. Thomas. Raindrops Keep Falling On My Head. Scepter Records 1969

    B.J. Thomas. Everybody’s Out Of Town. Scepter Records 1970

    B.J. Thomas. Most Of All. Scepter Records 1970

     

    Spirit in the sky - Part Two

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    Les deux gros pendants du Spirit story sont bien sûr la carrière solo de Randy et Jo Jo Gunne. Randy démarre sa carrière solo en 1973 avec un album devenu mythique, Kapt. Kopter & The (Fabulous) Twirly Birds. Mythique tant par la pochette que par le son. Plus wild que jamais, tout en crinière et en lunettes noires, Randy pose devant un hélicoptère. Ses deux sidemen chevelus tournent le dos à l’objectif. C’est l’une des grandes pochettes du l’histoire du rock.

     

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    Et certainement le plus hendrixien des disques que n’a pas enregistré Jimi Hendrix. Ça saute aux yeux dès «Downer», monté sur un beat de funk électrique. Tous les amateurs de grand rock US connaissent ce chef-d’œuvre par cœur. Et ça repart de plus belle avec «I Don’t Want Nobody», tapé au battage hendrixen. Randy s’en va chercher la meilleure des rockalamas de son époque, l’hendrixité pure, doublée de chœurs de filles éperdues. C’est littéralement incendié de l’intérieur. Et pouf, il explose «Day Tripper» en plein vol. Ce riff magique lui va comme un gant de cuir noir. Il l’enflamme à l’hendrixienne, avec un même sens aigu de la tortillette endiablée. Voilà ce qu’il faut bien appeler une cover flamboyante. Il fait aussi des miracles sur le balladif de fin d’A, «Mothers And Child Reunion». Pur enchantement de vox et de tox. Nouveau coup de Jarnac en B avec «Things Yet To Come», véritable chef-d’œuvre de psychout so far out visité par des chœurs de femmes écloses comme des roses. Randy descend dans l’arène d’un groove magique et Clit McTorius qui n’est autre que Noel Redding joue une bassline superbement tortillée. Tout est incroyablement soupesé dans l’azur prométhéen. On entend Noel Redding jouer à sec des notes perlées. Randy tape encore une cover des Beatles avec «Rain» et cet album fantastique s’achève avec «Rainbow». Randy s’inscrit là dans la meilleure des veines. Kris Needs nous dit qu’il existe un Kapt Kopter Part Two inédit...

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    Randy reprend sa carrière solo neuf ans plus tard avec Euro American. En Allemagne, les gens l’adorent, alors Randy y va de bon cœur. Excellent album pour trois raisons, la première étant «Skull & Crossbones». Il y regratte ses vieux accords obliques du temps de Spirit. Il les adore. Il ne rate pas une seule occasion de les placer. Pur Spirit sound, insidieux au possible. Randy est un mec sur lequel on peut compter. La deuxième raison s’appelle «Rock Of Ages». Randy y brandit le flambeau du vieux son des sixties, le heavy Spirit sound. Il tire ses solos à quatre épingles et met son rock sur son 31. Pas de doute, Randy est le milord du rock californien. La troisième raison est une reprise solide de «Wild Thing». Randy adore taper dans les vieux coucous de son ami Jimi. Il prend son «Wild Thing» avec la même ampleur vocale. C’est même troublant de similitude. D’autres bons cuts raviront l’amateur éclairé, comme par exemple «Fearless Leader», baigné dans une belle atmosphère spirituelle. Randy se prend pour une sorte du gourou du rock. Il semble avoir des accointances avec l’au-delà du rock, en tous les cas, son rock finit par conquérir des terres. Il ramène même des infrabasses, comme dans «All Along The Watchtower». Son «Five In The Morning» se laisse savourer sans problème. Idéal pour un palais rock. Randy connaît toutes le ficelles de caleçon. Avec «Shattered Dream», il jette tout son goût pour le smooth dans la balance. Il renoue avec son cher délié de groove électrique. Des relents de Watchtower traversent le paysage, ça pianote ici et là, la chose se veut libre comme l’air. Les petites montées sont du pur Watchtower. Puis il repend son bâton de pèlerin et revient au pur Spirit Sound avec «Rude Reaction», un son à la fois dépenaillé et très enveloppé, chargé de guitares et d’ambiances superbes. Sans doute est-ce là l’un de ses meilleurs albums.

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    La même année paraît All Along The Watchtower. Randy y repart sur les traces de son ami Jimi. Il joue en power-trio et pousse même des pointes de guttural. On note le joli beat de Preston Heyman. L’autre haut fait de l’album se trouve au bout de la B et s’appelle «Hand Guns». Ça sonne comme le hit de Scott McKenzie, avec des accents de flowers in your hair. «Run To Your Lover» pourrait aussi sonner les cloches, avec un son rude et raide, âpre et soft. Randy y arrondit si bien les angles. Mais les cuts sont assez difficiles d’accès. Ils paraissent lisses, comme trop surfacés.

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    Restless est encore un bel exemple d’album ruiné par la prod des années quatre-vingt. Le pauvre Randy est tombé dans la trappe du Docteur Mabuse. Quel gâchis ! Dommage, car pour la première fois, Randy est bien coiffé. Il est même assez beau. Son «Shane» sort un peu du lot, car il revient à l’hendrixité des choses. On retrouve enfin le gommeux flamboyant, mais pour le reste, il faudra repasser un autre jour, si vous voulez bien.

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    À la suite d’une mésentente, Jay Ferguson et Mark Andes partent fonder Jo Jo Gunne. Ils ne savent pas encore qu’ils vont faire le bonheur de millions de kids à travers le monde. Le sobrement titré Jo Jo Gunne paru en 1972 est tout simplement une bombe. Belle pochette en plus, car quand on ouvre le gatefold, on tombe sur quatre freaks californiens beaux comme des dieux, tout en tignasses sauvages et en crucifix. Et dès «Run Run Run», Jay annonce la couleur. Quel fantastique shoot de power-pop californienne gonflée d’énergie glam ! La basse de Mark Andes ronfle admirablement dans du corpus du boogie. Ces mecs sont littéralement visités par la grâce. C’est un rock puissant, élégant, qui enchante le cœur. Un rock qui remonte le moral. Si on écoute ça un jour où ça va mal, ça va mieux. Ils nous stompent à la suite «Shake That Fat». Tom Dowd veille au grain et ça s’entend. Matt Andes qui est le guitariste du groupe part à l’insidieuse, au slide de delta électrique. Les Gunners s’offrent même le luxe d’échappées bubblegum à coups de nah nah nah nah. Fantastique «Babylon» monté aux harmonies vocales. C’est sans doute l’album dont Spirit a toujours rêvé. Les Gunners pavent le chemin pour les Doobie et les Eagles. Encore plus redoutable, cet «I Make Love» qu’ils stompent comme des brutes. Ils mettent tous leurs pieds dans le plat et on assiste à des départs fulgurants de Matt Andes. S’ils posent leurs culs sur le capot d’un hot rod, ce n’est pas pour rien. Pression énorme, le son gicle comme du pus. Matt Andes économise ses forces pour tenir jusqu’au bout. En B, Jay s’en va chanter «99 Days» à la saturation de glotte. Il chauffe bien son rock californien et Matt part en solo de slide. Quelle fournaise, les amis ! Ce groupe sonne comme un modèle. Avec «Academy Award», ils nous font le coup de l’intro historique. Jay chante ça au chat gunnique sur fond de léger gratté insidieux. Album parfait. C’est l’un des classique du rock seventies. Même les cuts lents sont bons car Jay les rocke jusqu’à l’os. À l’époque, des gens ne juraient que par Jo Jo Gunne et nous en faisions partie.

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    La fête continue avec Bite Down Hard paru l’année suivante. Ça grouille encore de hits. À commencer par «Roll Over Me», énorme shoot de power-pop pantelante. Jay chante comme un dieu et ça bascule dans des univers d’une surprenante beauté boréale. Tout aussi spectaculaire, ce «Take Me Down Easy» joué au carré de vieux rock US. Jay a laissé pousser ses cheveux, alors ils ondulent. Il chante son psychout comme un dieu. Quelle énergie ! Matt part en maraude, il sucre les fraises alors qu’on secoue des sableurs. Ça tourne à la démence de la partance. Tout le spirit de Spirit est là. Jay laisse glisser sa voix au chat perché et il bat tous les records de maestria. Il profite encore de «What A Lifetime» pour allumer la gueule du vieux boogie rock. On le suivrait jusqu’en enfer. Il règne chez les Gunners une énergie du rock lumineux. Ça chante et ça solote au maximum overdrive de California drive. Ce cut qui n’a pourtant l’air de rien allume toutes les lanternes. Que de son ! Effarant ! Même chose pourrait-on dire du «Ready Freddy» d’ouverture de bal. On a là du rock californien ultra-vitaminé, même si Mark Andes a cédé la place à Jimmie Randall. Que de punch dans un si petit disk ! Tout aussi invulnérable, voilà «60 Minutes To Go». Jay emmène sa troupe au combat avec une sorte de brio ensoleillé. Son rayonnement relève de l’Égypte ancienne, même s’il porte un gros crucifix en turquoise. Les Gunners sont nettement supérieurs à Spirit. Ils pourraient même bien être le trésor caché du rock US. Ces mecs jouent leur «Rock Around The Symbol» au power maximalis. On comprend que ça ne pouvait coller ni avec Cass ni avec Randy. Les Gunners ne vivent que pour la fabuleuse envolée. Ils n’en finissent plus de redorer le blason du rock US. Tiens, encore un sacré coup de Jarnac avec «Broken Down Man». Ils partent en mode boogie down et jouent à l’endiablée. Pendant trois minutes, ils deviennent les rois du boogie. Il faut voir le travail. Jay gère ça bien. Si bien.

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    Pour la pochette de Jumpin’ The Gunne, ils sont au lit. Mais ça gigote sous les draps, avec un «To The Island» solidement tartiné, que de son, que de son, ces mecs jouent comme des dieux du stade, c’est bardé de transitions chantées toutes plus intéressantes les unes que les autres, et Matt Andes prend un solo impérial. Jay va toujours au choc des harmonies vocales. Ils tapent «Before You Get Your Breakfast» au heavy delta-blues. Même dans ce genre de plan, ils font des merveilles, avec un son fruité, juteux et ça reste ultra-chanté. Matt Andes règne sur les terres du Docteur Moreau, il faut le voir partir en maraude, il tape ses notes au double gras. S’il fallait résumer le rock américain classique des seventies, alors ce serait Jo Jo Gunne et Mountain. Matt joue à la déflagration déviationniste. Et les canards boiteux ? Trop tard ! S’ensuit un «Monkey Music» solide et battu au beat des Gunners avec un Matt flamboyant. Le rock des Gunners explose. Jay chante «Neon City» avec tout le feeling du monde. Nous avons là le rock américain parfait. Les Gunners honorent leurs dettes. Ce sont des grands seigneurs. Jay fait le show avec ses glissés de voix. Il se pourrait qu’il soit l’un des singers les plus raffinés de son temps. Ils terminent cet album imparable avec «Turn The Boy Loose». Matt Andes y fout le feu. Quel guitarman ! Roi du killer solo flash devant l’éternel. Les Gunners jouent tout au maximum des possibilités. Ils ont fini par prendre leurs distances avec le vieux Spirit. Ils ont tellement le viande à revendre.

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    Le quatrième album de Jo Jo s’appelle So... Where’s The Show ? On le conserve précieusement pour deux raisons, la première étant «I’m Your Shoe». C’est là où les Gunneriens s’atteignirent, avec un fabuleux son de heavy rock californien. Jay chante ça au gras double de Gunner averti. Ça joue au bassmatic dévastateur. Jay se fâche, il chante son rock à la colérique. Cette fois, c’est Joe Staehely qui fait le guitarman. Il jouait sur Feedback, au temps de Spirit. La seconde raison est le «S & M Blvd» qui ouvre le bal de la B, joué une fois encore au gras double aventureux, comme chez Leslie West, le gras qui musarde, celui qui chaloupe élégamment. Admirable pâté de son. Just perfect. Ça joue à l’énergie des reins. Jay surfe sur la vague de gras. C’est même tellement hot que ça prend feu. Le beat enfonce ses clous dans les paumes du rock, pour le salut de l’humanité. Le morceau titre vaut aussi le détour, car la pop de Jay y prend une belle ampleur. On sent le gut chez lui et les encorbellements de power pop incendient le ciel au dessus de l’océan. On s’amourachera aussi de ce «Big Busted Bombshell From Bermuda» incroyablement audacieux - tee whap tee dee - judicieusement pianoté et bien remonté des bretelles. Tout ceci se termine autour du monde, c’est-à-dire «Around The World», claqué à la note furtive par le diable de Feedback. Jay joue sa dernière carte. Dommage. Les Gunners méritaient de l’emporter, tout chez eux reste claqué à la meilleure note incendiaire et Jay n’en finit plus de relancer sa machine en perdition. C’est une fin tragique.

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    Petite consolation pour les fans des Gunners : Big Chain, un album de reformation paru en 2005. En fait, ils rejouent leurs vieux hits et c’est avec une joie non feinte qu’on retrouve «Babylon». Ils s’y replongent avec délectation et portent les harmonies vocales à incandescence. Force est d’admettre qu’il s’agit là d’un des gros hits des seventies. On y entend de vrais chœurs de cathédrale. Même chose avec «Academy Award», riffé à la tragi-comédie du non retour. La magie des Gunners est intacte, Jay sait interjecter et le festin se poursuit avec «Shake That Fat», merveille absolue, heavy as hell, sans doute leur hit le plus heavy, sans doute le summum du fat d’Amérique, avec ses nah-nah-nah trempés dans le saindoux. Les Gunners règnent sans partage. Encore plus énorme, «99 Days», sans doute le hit rock à l’état pur. On y est. Les vieux hits des Gunners fonctionnent aussi bien que les vieux hits des Beatles ou des Who. Jay introduit tout ça au piano. Tout s’enroule bien. C’est dans les vieux Gunners qu’on fait les meilleures soupes. Et quand Matt part, attention aux yeux. Ils terminent avec leur vieux «Run Run Run». Explosif.

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    Il existe aussi un Live 1971 & 1973 paru en 2015 qui, comme tout le reste vaut sacrément le détour. Ces deux concerts enregistrés fonctionnent bien sûr comme un Best Of, tout est extrêmement dense et chanté à la vraie voix. Sur scène, Jay joue beaucoup de piano. Ils ouvrent sur «Run Run Run», énorme machine que Matt tire à quatre épingles, en vrai surmonteur de cimes. On le voit ensuite trancher dans le vif du sujet avec «Academy Award». Jay chante à la surface du monde. Sur scène, ces gens-là jouent à la vie à la mort. «Take It Easy» sonne comme le Grand Œuvre des Gunners, car c’est du pur jus de power-pop, un son qui se reconnaît entre mille. Matt fait le show. Ils tapent bien sûr dans «99 Days» et «Shake That Fat», et chaque fois, Matt entre dans le gras du bulbique, aw fucking heavyness, ces gens-là écrasent tout sur leur passage, ils n’ont jamais entendu parler des Conventions de Genève. Tout est monté en neiges du Kilimandjaro. Fabuleuse chaleur intrinsèque ! On retrouve tous ces hits dans le concert de 1973, avec un son encore meilleur.

    Signé : Cazengler, spirate (qui s’dilate)

    Kapt. Kopter & The (Fabulous) Twirly Birds. Epic 1973

    Randy California. Euro American. Beggars Banquet 1982

    Randy California. All Along The Watchtower. Line Records 1982

    Randy California. Restless. Vertigo 1985

    Jo Jo Gunne. Jo Jo Gunne. Asylum Records 1972

    Jo Jo Gunne. Bite Down Hard. Asylum Records 1973

    Jo Jo Gunne. Jumpin’ The Gunne. Asylum Records 1973

    Jo Jo Gunne. So... Where’s The Show? Asylum Records 1974

    Jo Jo Gunne. Big Chain. Blue Hand Records 2005

    Jo Jo Gunne. Live 1971 & 1973. RockBeat Records 2015

     

     

    ROCKABILLY GENERATION NEWS n° 18

    JUILLET / AOÛT / SEPTEMBRE 2021

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    Il est des couvertures qui font votre bonheur avant même que vous ayez lu les articles correspondants au sommaire. Ray Campi et Olivier Clément rien de tel pour me mettre en joie.

    A tout seigneur tout honneur, suffit de regarder la photo de Ray page 7 pour comprendre la nature du bonhomme, à quatre-vingt-cinq berges, le Ray vous a une dégaine à couper le souffle, l'œil vif, la bouche inquisitrice, le sourire du tigre qui aperçoit sa future proie. Le précurseur du revival, certes mais l'est né une année avant Elvis Presley et Gene Vincent – pour les rockers, 1935 ( avant et après ) correspond à l'année 0 du christianisme – Greg Cattez nous rappelle qu'il enregistre son premier disque en 1956, et qu'il slappait sa contrebasse avant les Stray Cats. N'oublie pas non plus de mentionner Ron Weiser et son label Rollin' Rock, un véritable activiste, un maillon essentiel de la passation mémorielle du rock... Un bel hommage à ce pionnier qui nous a quittés voici peu. Ceux qui voudront en savoir plus se reporteront à notre livraison 502 du 18 / 03 / 21 pour lire la longue chronique que le Cat Zengler lui a consacrée.

    Je saute sans tarder à l'autre bout du revue, les Black Prints m'ont toujours paru être un des meilleurs groupes de la mouvance rockabilly actuelle, l'article est consacré à Olivier Clément, guitariste rythmique et chanteur. Fascinant sur scène, l'enchaîne les morceaux sans discontinuer – compos et originaux – s'il ne tenait qu'à lui et qu'à nous on serait encore là le lendemain matin, une classe naturelle, une simplicité surnaturelle, un talent fou, le prince du rock'n'roll, le titre correspond à la réalité. Avec ses frères Thierry et Pascal, il est une grande part du french revival, les Dixie Stompers ont marqué leur époque, Olivier raconte la suite de son aventure, le départ au Canada, le retour, les passages à vide, ce qui n'empêche pas une vie bien remplie et le nouveau départ avec les Black Prints.

    Heu ! Qui c'est. J'ai honte de ne pas connaître, Benjamin Leheu, un peu de sa faute, s'est installé en Norvège – que voulez vous l'amour – l'a vingt-sept ans, une petite fille et un pédigrée musical long comme un oriflamme, par contre l'esprit sectaire il en est totalement dépourvu, joue avec tout le monde, hillbilly, country, rockabilly, bluegrass, western swing, rien ne lui fait peur, cette jeune génération a les crocs mais pas d'œillères, l'on repère le passionné, une tête chercheuse, en France on l'a vu à côté d'Al Willis et des Hot Slap, l'a monté les Muddy Hill Boys, faut retenir son nom, prometteur !

    Voyageons, après la Norvège nous voici en Argentine et en Espagne où Matt Olivera a fini par s'installer, Matt se raconte depuis l'enfance, son parcours, los Tremendos, los Quasars,.. participe à deux groupes, Matt and the Peabody Ducks plus roots et The Kabooms plus rock, riche idée d'avoir fait suivre son interview des pochettes de quelques uns de ses disques. A lire cet article et le précédent, une évidence s'impose, ça fourmille de partout, et le titre de la revue choisi par Sergio Kazh se révèle prophétique, certes il y a le rockabilly et aussi la génération, le tronc et les branches, les barrières s'estompent, la musique ne quitte pas son terreau natal, mais les styles, les envies, les expériences se diversifient.

    Rockabilly Generation n'est pas très vieux mais il se bonifie malgré son jeune âge, comme toujours les photos sont belles, certaines sont de véritables documents, elles soutiennent le texte mais ne l'éclipsent pas. Félicitations à Sergio Kazh et à son équipe, se sont accrochés dans la tourmente pandémique, Nietzsche avait raison, ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort. En feuilletant le magazine et le soin apporté à la mise en page je rajouterai, plus fort et plus beau !

    Sans doute embrasserez-vous la page 38, attention à votre rouge à lèvres, ni une jolie fille, ni un beau garçon, les flyers des prochains festivals, le retour des concerts !

    Damie Chad.

    Editée par l'Association Rockabilly Generation News ( 1A Avenue du Canal / 91 700 Sainte Geneviève des Bois), 4,95 Euros + 3,94 de frais de port soit 8,89 E pour 1 numéro. Abonnement 4 numéros : 36, 08 Euros ( Port Compris ), chèque bancaire à l'ordre de Rockabilly Genaration News, à Rockabilly Generation / 1A Avenue du Canal / 91700 Sainte Geneviève-des-Bois / ou paiement Paypal ( cochez : Envoyer de l'argent à des proches ) maryse.lecoutre@gmail.com. FB : Rockabilly Generation News. Excusez toutes ces données administratives mais the money ( that's what I want ) étant le nerf de la guerre et de la survie de toutes les revues... Et puis la collectionnite et l'archivage étant les moindres défauts des rockers, ne faites pas l'impasse sur ce numéro. Ni sur les précédents !

    SEX ON THE GRAVE

    LUNAR FUNERAL

    ( Forbiden Place Records / Février 2017 )

    Sûr que c'est grave. Le disque que vous ne penserez pas, pour parodier le Cat Zengler, à emporter sur l'île déserte pour la fin de vos jours. Ou alors juste pour la toute fin. A moins que n'ayez votre place réservée sur L'île des morts d'Arnold Böcklin, parce que là c'est la bande-son idéale. Remarquons toutefois que sur le tableau de Böcklin il y a beaucoup plus de ''grave'' que de ''sex'', il est vrai que l'on peut en discuter. Eros n'est jamais loin de Thanatos. En tout cas pour la pochette, ce n'est pas que le dieu du désir soit tout près c'est qu'il est pratiquement dedans. N'imaginez pas un scénario à la Gabrielle Wittkop, son Nécrophile aime les cadavres enterrés de frais, encore moins à la Jacques Chessex ( and death ) et Le Vampire de Ropraz qui préfère s'en délecter... non ici la chair de l'amatrice est encore ferme, opulente et vivante, son amant un peu plus maigre, réduit à l'état de squelette – tous les goûts sont dans la nature, à moins que vous n'interprétiez cette réduction outrancière comme l'idée même de la mort. Sur son FB, Lunar Funera se définit en quatre mots : We love the dead. Sont deux, Evgeny Titov ( guitar ) et Evgen Kalinichen ( drums ), sont russes, de la romanovienne Saint-Pétersbourg. est-ce pour cette raison que le fond de pochette est d'un rouge drapeau révolutionnaire qui vous tape dans l'œil avant même que vous ayez visualisé le dessin. Le rock russe est différent du nôtre, lorsque l'on écoute il donne l'impression d'être pour ses géniteurs d'une nécessité beaucoup plus vitale même lorsqu'il parle de mort... Nous ne savons pas si l'imaginaire russe nous le permet mais nous avons envie de traduire le nom du groupe Lunar Funeral non pas par Funérailles Lunaires mais par Lune noire. Point focal de renversement astrologique entre les figures mythiques d'Artémis et d'Hécate.

    Autre détail d'importance qui explique la brièveté ( moins de quarante minutes ) de l'opus, c'est qu'en ses premières manifestations artefactiques Sex on the grave, apparaît sous forme d'une K7. Un modèle d'édition qui a été balayé par l'apparition du CD mais qui a été repris comme objet transactionnel de distribution par des groupes désargentés. A tel point qu'il existe aujourd'hui un retour à la K7, moins visible que le renaissance du vinyle, ce qui lui confère une aura de résistance underground des plus délictueuses.

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    Indian'death : dès les premières mesures vous êtes sur le sentier de la guerre. Après la bataille. La voix volète sans se presser comme les corbeaux, certains de n'être pas dérangés dans leur repas, qui gobent les yeux des cadavres placidement allongés sur le sol. Pour le rythme pas de panique, vous le suivrez avec facilité, se déplace à la vitesse d'un convoi funèbre qui monte contre le vent une pente ardue, z 'avez le temps de compter les touffes d'herbes, la batterie n'incite pas à la danse macabre et la guitare fuzze comme ces pelletées de chaux vive - le nuage de poussière qui s'élève d'une dizaine de centimètres avant de retomber par sa propre force d'inertie - que le terrassier fatigué épand sur les morts avant d'en aligner une deuxième couche dans la fosse commune. Red wine : un nuage de mouches sur un cadavre, la guitare en profite pour nous faire le coup du vol du bourdon de Rimski-Korsakov, remarquez ça donne un peu d'animation, vous en avez besoin parce que le mec qui chante sa voix vous parvient mal, doit être enterré et pas encore tout-à-fait mort, profite de ses derniers instants pour nous envoyer un dernier message incompréhensible. Je rassure les âmes sensibles, l'existe une vidéo où on les voit interpréter le morceau, ils sont vivants – quoique la teinte mauve rappelle ces perles violettes avec lesquelles on tresse les couronnes mortuaires – le guitariste – l'est aussi chanteur dans la même vie – est très beau, look dandy romantique, bonjour Pouchkine, les filles le préfèreront au batteur, ses lunettes rondes et ses moustaches peu sexy lui refilent un air de prolétaire qui stakanovise ses caisses à outils, du bon boulot. L'ensemble ressemble à du Hendrix sous-vitaminé au ralenti, mais vous vous laissez porter par cette rythmique tintinnabulesque et envoutante. A la fin le public, on l'aperçoit quelques trop courtes secondes dodelinant, crie sa satisfaction. Nous aussi. You 're nothing : un peu de philosophie n'a jamais fait de mal, vous ouvrirez votre livre à la leçon trois sur le nihilisme. Moins électrique – courant basse pression mais continu – ce troisième morceau semble presque joyeux, le charme étrange des cimetières, la voix toujours d'outre-tombe, la batterie imitant le bruit des fémurs claquant contre le bois des cercueils, une guitare qui pique d'étranges crises d'euphorie non hystériques, bref on n'est pas près de laisser sa place, on est trop bien assis sur une tombe à écouter ces bruits de nulle part qui résonnent dans notre tête. Sex on a grave : nous entrons dans le vif du sujet mort, rien à dire, l'amour à mort vous requinque un macchabée, pour un peu on comprendrait le chanteur, déclare que c'est magique, quand le soir vous ne savez pas quoi faire, voici au moins de quoi vous occuper. La guitare a du peps et la batterie procède par enjambées folâtres. Même si vous n'avez pas une tombe à votre disposition dans le living-room, z'avez envie de vous dégourdir les membres. C'est comme les éléments mais c'est le cinquième qui fait la différence. Permet de participer aux gustations divines. A grave, ils exagèrent leur tonus-fuzz on s'en fera toute une rangée. Mortel mais pas morbide. Like you and I ( like a knife ) : une histoire d'amour, drôlement bien balancée, chapeau au batteur, à cette guitare qui boîte de conserve, pour le vocal c'est parfait, on imagine le drame, on s'arrête pour jouir du solo de guitare, toujours dans le style Hendrix du pauvre, ce qui est déjà d'une richesse au-dessus de la normale, imaginez donc que votre médiator soit un couteau et que pour faire plaisir à votre instrument qui tient le rôle de l'être féminin, donc imparfait puisqu'il est vivant, vous lui procurez jouissance en lui enfonçant la lame, doucement, dans le corps qui tangue, sans à-coups brutaux, relisez La mort de C de l'ange Gabrielle, qui raconte perpétuellement comment le couteau s'introduit dans le foie de C afin de mieux comprendre cette espèce de slow macabre. The lights : dans le livre des morts égyptiens, l'on parle des illuminations qui émanent des champs de Ialou, lorsque l'âme atteint le terme de son voyage, vous ne verrez peut-être rien, mais vous sentirez que même si le rythme ne s'accélère pas vous prenez de l'altitude, quant à l'Eugène qui tient la guitare l'a du génie dans sa manière d'enchâsser les notes comme à la Maternelle l'on enfile les macaronis pour le cadeau de la fête des Mamans, joue sans se presser, le collier possède mille défauts qui par miracle se transforment en diamants noirs d'une beauté absolue. Redneck song : z'ont décidé de nous bluffer. Même pas trois minutes. Mais d'une richesse foisonnante. Six titres que la batterie semble battre avec un temps de retard comme si elle cherchait à imiter la démarche de l'escargot. Et la guitare qui épouse le moindre caillou du chemin. Alors là, à la première seconde c'est retour dans le passé, soyons précis, mid-sixties, jouent à ma petite sœur qui bat le beurre à cent kilomètres à l'heure, la tornade ratiboise, là où elle passe Attila ne repousse pas, l'on pense au Velvet dans ses bons jours, mais ce n'est pas tout, le pire c'est que ce TGV ne dépare en rien les six poussives locomotives précédentes à vapeur, s'inscrit dans la lignée, n'apporte aucune brisure dans le déroulé du film. Sister of mercy : on a eu la petite sœur voici la pitié qui tombe sur vous, se foutent carrément de notre gueule, t'as eu le rock, ben maintenant t'auras le blues, déjanté qui se traîne à la manière d'un couvercle de poubelle sous lequel un groupe de rats s'est faufilé et a entrepris de monter dans leur grenier, ne vous parle pas du tintamarre sur les marches. L'emportent pour s'en servir de trampoline. Des joueurs de blues depuis vingt ans il en naît une quinzaine tous les jours, qui vous refont et électrifient les plans du delta à la perfection, Lunar Funeral ne sont pas des partisans de l'embaumement, z'aiment que les cadavres rampent encore à toute vitesse sur leur lit d'asticots, première fois que j'entends un blues à la ressemblance de notre monde angoissant certes, mais surtout désopilant quand on y pense, un blues qui se lamente à la manière des crocodiles tapis au fond du bayou de la modernité, qui connaissent la fin de l'histoire et qui savent que riront bien ceux qui dans la mare se marreront les derniers. Je vous résume cela en une formule lapidaire : un blues anti-écologique. Mort aux pleureuses. Suicide : là ils exagèrent, si vous pensiez vous suicider tristement tout seul dans votre coin en versant toutes les larmes de votre corps, eux ils sont pour le suicide collectif, pourraient vous arroser de kérosène enflammé, non comme pour les ravalements de façade, ils vous éclaboussent avec un gros tuyau au mortier de suicide. Tout de suite c'est beaucoup plus gai, vous vous sentez comme les carcasses de Pompéi immortalisées dans leur gangue de cendres. Souriez dans deux mille ans les touristes se déplaceront en masse pour vous admirer. Peut-être même qu'ils viendront baiser sur votre tombe. Preuve que votre sex-appeal n'était pas un leurre.

    Fabuleux. Du coup ce qui n'était pas prévu au programme, j'ai écouté leurs deux premiers morceaux, puis enchaîné sur leur deuxième album.

    LUNAR FUNERAL

    ( Bancamp / Février 2016 / Avril 2016 )

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    If you stay away : pas de surprise z'avaient déjà leur style en main mais pas parfaitement accompli en le sens où le morceau reste inscrit dans une interprétation blues très classique, une voix un peu trop chantée, une rythmique un peu trop appuyée – l'on sent les accointances originelles avec les trois temps de la valse – par contre là les solos déjantés de la guitare sont déjà en place, cette sensation de conduire une voiture sur les deux roues à plat sur le bas-côté, blues borderline qui s'apprête à délaisser le ruban goudronné pour de futurs dérapages incontrôlés.

    Cut my vein : feutre claudicant, cette voix par-dessous, encore un peu trop musical - l'on cherche le beau son, l'on sait ce que les gens au son trop polis sont, d'ailleurs la guitare furète dans les buissons pendant que la batterie bat le rappel de la meute qui ne vient pas. L'on sent que le groupe court deux lièvres à la fois, soit foncer sur l'autoroute, soit rechercher l'embardée, trop d'indécision, sur la fin l'on aurait envie qu'ils choisissent, cela nous tarde, mais ils terminent sans avoir opté pour un des pots à moutarde. L'on a envie de leur crier, la pétarade !

    ROAD TO SIBERIA

    LUNAR FUNERAL

    ( Regain Records / Avril 2021 )

    Quand on parle de Sibérie tout de suite l'on pense au goulag et patati et patata, l'on a envie de réciter la déclaration universelle des droits de l'homme et tutti quanti... ne réagissons pas à la manière des chiens de Pavlov trop bien apprivoisés, la pochette ne montre aucun champ de fils barbelés... elle exhibe un guerrier, s'adjuge en seigneur toute la place, domine à lui tout seul la steppe entière, n'est armé que d'un ridicule bouclier, et d'un faisceau de bâtons qu'il brandit fièrement comme s'il faisait face à une armée. Il est l'homme immémorial, le chamane, celui qui avale l'esprit des animaux pour s'adjuger leur force, leur ruse, leur agilité, leurs facultés naturelles que nous avons perdues. Le véritable esprit de résistance est ici dans cette capacité à devenir le réceptacle des énergies animales et végétales.

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    Introduce : Les mêmes guys mais plus le même groupe. Commencent toujours par ce son tire-bouchonné qui débute systématiquement tous les morceaux. Dans la chronique précédente nous avions entrevu les deux voies qui s'offraient à eux. Ce deuxième morceau était prophétique, Road to Siberia s'éloigne de cet amateurisme de génie aventureux du premier album. En quatre ans le son a changé. On les qualifiait de groupe stoner-doom en leurs débuts, et aujourd'hui on les désigne comme une formation garage à tendance psyché, l'est sûr que ces appellations passe-partout sont par trop évasives, s'il fallait les utiliser encore, j'invertirais les étiquettes, leur premier album sonne bien plus garage que celui-ci. Le combo a mûri. Le son s'est étoffé, l'a acquis de l'expérience et une épaisseur doomique bien supérieure à ces plongées erratiques expérimentales qui faisaient le charme fou de Sex on the grave. Cette introduction resserre les boulons. The thrill : onze minutes achilléenne, prennent le temps d'exposer leur projet, du rock épileptique l'on passe au blues mélodramatique, batterie majestueuse et gerbe enflammée de guitares, la violence par-dessous, mais tenue en laisse pas du tout déjantée, la voix a forci, nécessaire car l'amplification sonore l'exige, le morceau porte bien son titre, l'on prend son pied, un motif arabisant, que l'on se complaît à écarteler afin qu'aucun détail de la planche à vivisection ne nous échappe, des réflexions se bousculent dans notre tête, lorsque les groupes veulent s'éloigner des sentiers balisés du rock, les divergences possibles ne sont pas incalculables, soit l'on singe le classique, l'on peut dire que l'on électrifie les lampadaires qui marchaient au gaz, soit l'on se tourne vers la musique monodique, ce qui a pour but de fragmenter notre gamme en de nombreux mini-tons ( de valeurs inégales ) qui à l'oreille produit cet effet de décomposition d'une phrase, le Zepplin nous a habitués à cette élongation des muscles du rock y sont parvenus très logiquement par les blue-notes si caractéristiques du blues qui amorçaient le chemin, Lunar Funeral construit avec ce long morceau sa cathédrale gothique flamboyant, à croire que l'on assiste aux somptueuses obsèques d'un prince aimé du peuple, et sur la fin les arabesques vocales ne sont pas sans rappeler un appel à la prière lancé du haut d'un minaret. Ne sont que deux, mais l'ensemble est magnifiquement orchestré. Manque peut-être d'un peu de puissance, mais vous contournerez le problème en playing very loud. 25 th hour : retour sur le plancher des vaches maigres du rock'n'roll, quoique très vite apparaissent des guirlandes électriques de notes, clignotent et disparaissent, le blues-rock infrangible poursuit son chemin impavide pavé des meilleurs intentions qui ne nous mènent pas en enfer dans une espèce de mid-tempo gémissant, sur lequel la voix se love tel un serpent qui s'enroule autour d'un tronc pour entreprendre l'ascension afin de se saisir de la nichée d'oisillons dans le nid. Le monde est souvent cruel. Black bones : l'on repart sur un rythme de casseroles avec la voix projetée en plein dedans, l'impression que l'on vous parle depuis le fond d'un tuyau, la guitare vrombit comme une basse, la batterie agite ses cymbales et dans le lointain un riff claironne, et l'on tombe sans préavis dans un charivari brinqueballant qui n'a pas l'air de savoir où il doit aller. Le son saute d'une de vos oreilles dans l'autre en un perpétuel et déclinant mouvement de balancier. Lorsque c'est terminé vous avez envie de vous ébrouer à la manière d'un chien qui sort de l'eau. Des rigoles de son sont absorbées par le sable de la plage. Silence : avec un tel titre l'on sent le coup fourré, en tout cas c'est joli tout plein, et le vocal est une véritable partie chantée, pour une fois c'est d'ailleurs la voix qui domine et montre le chemin, pas très silencieux, mais un vocal royal qui renoue avec les influences orientalisantes, comme par hasard le titre prend son temps, il dépasse les huit minutes, nous voici partis pour une nouvelle symphonie basrocke, chœurs et orchestrations l'on rentre dans les pâturages d'une certaine grandiloquence, n'y a plus qu'à se laisser porter par les circonvolutions sonores entrelacées à charmer les serpents. Si vous n'aimez pas les reptiles suivez les volutes de la fumée des narghilés qui s'évanouissent dans l'air. Your fear is giving me fear : un bon rock bien lourd qui sème ses graines à tout vent pour rassurer les auditeurs qui n'aiment pas trop s'aventurer en terres et cultures étrangères. L'envie de dodeliner de la tête comme un headbanger du bon vieux temps du hard, attention tout de même, y a de temps en temps des fissures peu catholiques qui peuvent vous prendre en traître et vous jeter au fond de ravins insondables. Regardez où vous mettez l'oreille, l'est sûr que l'on se dirige vers un but certain, mais le chemin est trop tortueux pour être honnête. Don't send me to rehab : l'on comprend, ce n'était qu'une ouverture pour les onze minutes finales. Une partition. Les incontournables sont présents : la lourde lenteur rythmique de la batterie, la belle résonance de la guitare, la voix qui drive et commande, l'on attend la surprise qui ne vient pas, amble monotone du dromadaire qui foule le sable des dunes interminables, l'on est bercé par ce balancement régulier qui n'achoppe que très rarement, et cette voix de solitude enfermée en elle-même qui ne parle qu'à elle-même, à tel point que la guitare joue le blues en pointillés dans les rares moments où elle se tait, on ne s'ennuie pas mais on n'éprouve aucune émotion sinon cette torpeur funèbre qui envahit le monde.

    Ce deuxième album n'est pas la répétition du premier que nous préférons. Le groupe a progressé mais ce qu'il propose est davantage calibré, sans défaut, mais pas inattendu. L'opus est de grande qualité, mais si vous devez n'en écouter jetez votre dévolu sur Sex on the grave, il est beaucoup plus grave, beaucoup plus gravement rock'n'roll.

    Un groupe à suivre.

    Damie Chad.

     

    FAN ? FAN ? FAN ?

    Jusqu'à ce jour pour ma part je n'ai inventé que pas-grand-chose, hélas aucun investisseur n'a jamais voulu m'aider à commercialiser cette notion qui pourtant pourrait leur rapporter gros, généralement les entreprises ne nous vendent que du rien, de l'insignifiant ou de l'insipide, du vent... Il est sûr qu'à proposer à nos concitoyens, qui en règle générale ne font pas grand-chose de leur existence, cet ennuyant pas-grand-chose prêt à l'emploi leur épargnerait bien des tracas, le seul fait d'acheter leur ration journalière de survie de pas-grand-chose leur apporterait un degré de satisfaction encore jamais atteint, l'argent qu'ils investiraient pour combler ce vide existentiel, leur procurerait un sentiment exaltant de plénitude, ils auraient ainsi l'impression que leur vie aurait un prix. Quant à cette notion de pas-grand-chose l'on saurait exactement la définir puisqu'elle serait cotée en bourse.

      • Damie, tu nous les brises avec tes délires à la noix de coco pourrie !

      • Ah ! je suis comme tous les génies supérieurs de l'humanité, vilipendé par la foule des médiocres helminthes qui m'entourent, tu n'as donc pas compris la critique radicale du mode opératoire du capitalisme sous-tendue par ma proposition, je...

      • Change de disque Damie, tu nous fatigues !

      • Bon, puisque vous ne voulez pas de mon invention, je vais évoquer, celle d'un autre, musicale par-dessus le marché, dont vous pouvez entendre douze des treize premières applications sur Bandcamp !

      • Enfin du sérieux, nous sommes tout ouïe Damie, peut-être pas comme les abeilles de l'Hymette qui venaient butiner le miel des paroles sacrées de Platon qui coulaient de ses lèvres, mais nous t'écoutons !

    PRESENTATION DE L'INVENTEUR

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    Pas tous les jours que l'on puisse, à la terrasse d'un café – ne voir en cette précision aucune pandémique allusion circonstancielle – discuter avec un inventeur. Les plus vieux, pardon les moins jeunes, kr'tntreaders le connaissent depuis longtemps, l'était déjà au sommaire de notre vingt-huitième livraison du 25 / 09 / 2010, nous chroniquions alors deux de ses concerts agrémentés à chaque fois d'une exposition de ses tableaux. Une partie de notre livraison était titrée Le rock sans guitare. Pour ne rien vous cacher Frédéric Atlan est peintre et musicien. Pour faire plus court nous le présenterons comme une espèce d'arctiviste en roue libre doué d'un esprit inventif et ingénieux. Passe parfois sur Provins d'où de temps à autre une rencontre au café... Vous ne le connaissez pas. Prenez un billet d'avion pour le Japon, l'on vous parlera de lui. L'a des idées intéressantes. Notamment sur les réseaux sociaux, s'en méfie en tant que peintre, à force de présenter au fur et à mesure de leur réalisation ses tableaux au compte-goutte, la force du projet en cours s'amenuise, se dilue, ne provoque plus le choc émotionnel espéré lors d'une exposition qui devrait être inaugurale et qui apparaît comme la liquidation d'une fin de série... Les musiciens feront le parallèle avec les morceaux qu'ils postent en avant-première sur les réseaux-sociaux... L'a profité du confinement pour se mettre au vert ( expression idéale pour décrire le repos du peintre ), ne dévoile pas ses ( prochaines ) batteries et nous met au courant de sa dernière et prépandémique invention : la

    MUSIQUE PROTOCOLAIRE

    Rien à voir avec ces hymnes officiels qu'un orchestre professionnel souvent militaire flonflonne pour la visite d'un chef d'état. Pour qu'il n'y ait pas d'ambivalence Frédéric Atlan a rédigé un manifeste sobrement intitulé Manifeste de la Musique Protocolaire. Il n'est pas très long, mais je vous le résume.

    La musique protocolaire est dite protocolaire parce qu'elle débute par l'élaboration d'un protocole écrit. Toute personne qui a envie de participer à un concert précis doit être présente à la réunion de préparation, qu'elle soit musicienne ou non. Chacun décrit le son ou les sons dont il veut être l'instigateur. Vous pourrez emmener par exemple votre trombone, ou des sons pré-enregistrés, ou des ustensiles divers – caresser des vêtements de poupées, brûler votre carte d'électeur, soyez imaginatifs - dont vous tirerez des bruits qui vous agréeront, lire un texte si vous le désirez... Ensuite les participants doivent se mettre d'accord sur leurs interventions, en solo, en groupe, en-sous-section... L'architecture du morceau est ainsi définie à l'avance. Quelques jours plus tard vous recevez votre copie du texte élaboré en commun, vous avez le droit de proposer des changements, quand tout le monde est d'accord, une date, un lieu, une heure est fixée. Pas de répétition. Pas d'entraînement. Le jour J, à l'heure H, le concert débute...

    CRITIQUE ET CONTRE-CRITIQUE MANIFESTES

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    Rien de révolutionnaire. N'est-ce pas ainsi que travaillent bien des groupes qui mettent en train un nouveau morceau, l'on ne note peut-être rien sur un bout de papier mais l'on cause un max. Objection acceptable certes, mais la musique protocolaire ne se permet jamais d'essayer, de faire entendre ce que l'on a envie d'apporter. La musique protocolaire refuse les tâtonnements expérimentaux, les essais et les brouillons, elle est beaucoup plus intellectuelle. Alors qu'elle est composée de matérialités sonores elle n'en demeure pas moins un objet de grande abstraction. En cela elle se démarque totalement des pratiques habituelles. Elle se distingue aussi de l'improvisation jazz, ou de l'arrache-punkotuosidale. Je la rattacherais plutôt à la pratique surréaliste du cadavre exquis encore que celle-ci soit biaisée par le niveau d'habileté langagière dont des participants sont capables.

    Telle que nous l'envisageons la musique protocolaire est davantage un assemblage de sons que de notes. Nous sommes aux limites du noise, autant pour s'en évader que pour y entrer. Le mieux est encore d'aller y voir par nous-mêmes.

    PROTOCOLE # 1

    Je vous recopie le protocole 1 in extenso : conçu par huit participants musiciens et non musiciens :

    Daniel Azélie ; trompinette, bugle et autres cuivres, objet, micro ''contact'' / Véronica Lombardi : lecture et manipulation de sculptures en tissus. Sébastien Gabard : synthétiseur analogique, pédalier basse et ordinateur. MP#H1-4 : noise box. Simon Girard : synthétiseur, oscilloscopes, caméra. / Tiziana Puleio : voix. Frédéric Atlan : tuyau, micro, jack, oscillateur. / De Motu Cordis : voix, boîte à rythmes, effet.

    Le protocole comporte dix séquences. L'enchaînement des séquences peut se faire en surimpression et decrescendo ou par juxtaposition '' cut''.

    1 : Veronica Lombardi manipule des sculptures sur lesquelles sont installés des micros '' contact''. Simon Girard reprend les signaux visuels et sonores, et les rediffuse en les réinterprétant.

    2 : MP#164 crée des textures avec une noise box ; il est rejoint par les voix de Tiziana Puleio et de De Motu Cordis.

    3 : Sébastien Gabard et Frédéric Atlan improvisent un duo de basse pour tuyau PVC et pédalier de basse.

    4 : Le son du tuyau se transforme et annonce l'entrée de Daniel Azélie aux cuivres. Puis le tuyau s'interrompt et Daniel fait désormais évoluer les cuivres sur un rythme lancé par Sébastien.

    5 : La séquence précédente s'interrompt brutalement avec l'intervention de Simon Girard qui lance un sample minimal ( solo ) et De Motu Cordis qui intervient avec des chants aigus.

    6 : L'ensemble des participants jouent chacun un son minimal qui se répète.

    7 : Nouvelle séquence de Daniel aux cuivres accompagnés de Tiziana et de De Motu Cordis.

    8 : Veronica entreprend la lecture d'un texte a capella.

    9 : MP#1-4 rejoint Veronica avec sa noise box, puis Sébastien produit des nappes de sons tandis que De Motu Cordis diffuse un rythme texturé.

    10 : L' ensemble des participants émettent simultanément un son continu qui la clôture du protocole #1

    Musique protocolaire - Protocole #1 : 8 février 2018 à 20 heures au 100 ECS, cent rue de Charenton. Paris 12ème.

    Vous avez lu, filons sur Bandcamp écouter le résultat !

    Protocole #1

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    Bruitiste mais pas surprenant. Le résultat s'écoute aussi facilement qu'un morceau de musique classique. L'on s'aperçoit que les expérimentations sonores du siècle dernier ont porté leurs fruits. Le côté dadaïste et provocateur a totalement disparu. Nous disposons d'une niche auditive pour accueillir ce genre de bruitage qui ne veut ressembler qu'à lui-même sans être choqués ou vivement interpelés. La question n'est pas d'aimer ou de ne pas aimer mais de savoir à quoi, en quoi, cette production pourrait un jour ou l'autre incessamment proche nous être utile quoique nous n'accordions aucune fonction utilitariste ou utilitaire à l'art. Cette musique – employons ce terme à défaut d'un autre – ressemble trop à notre monde pour nous être insupportable. Le sentiment esthétique n'est-il pas proportionnel à la congruence de la notion de plaisir avec le ressenti affectif de notre inscription dans la trame de notre vécu. Rupture ou adhésion. Ces deux postulations sont à considérer en dehors de toute appétence moralisatrice, l'art de faire ne serait-ce que du bruit pour se situer dans l'univers se situe au-delà du bien et du mal, du bon et du beau, du juste et de l'injuste. Le son n'est pas une idée, il ne participe que de lui-même. Nous le considérons en la phrase précédente hors de toute intention.

    Deux choses qui me gênent, les applaudissements à la fin qui nous ramènent à quelque chose d'habituel, qui ne sort en rien de tout rituel d'humanoïdes policés, et le passage du texte lu - le fait qu'il soit en langue étrangère n'est en rien ennuyant, au contraire nous l'entendons en tant que son sans prêter le moindre sens - une voix humaine et donc normalisante, qui ressemble à celle de votre voisine de palier, ce qui est d'autant plus dommageable que les sons sont songes phoniques, nous emportent dans un univers de science-fiction, l'esprit lâché en liberté vagabonde tout à son aise, l'imagination nous laisse le champ libre de monter notre propre scénario.

    Protocole # 4 ( 28 / 03 / 2018 )

    Dinah Douïeb / Nicolas Boone / Thomas Lyn / Daniel Azélie / Le Rhinocéros / Frédéric Atlan

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    Rien à voir avec le Protocole #1. Ici nous sommes en terres connues. Le début ressemble à un scène de film en anglais, très vite l'on passe à une espèce de documentaire en voix off mais qui attire toute l'attention, ce n'est pas la manière de prononcer les mots mais ce qui est raconté, l'histoire de la naissance du Raï en Algérie, rien d'exemplairement musical, l'on comprend alors que la chose n'est jamais évoquée explicitement en sa dimension révolutionnaire, comment le Raï est une musique fondamentalement anti-religieuse, comment sa genèse s'oppose en touts points à ce désir obsédant de pureté que l'on retrouve dans les trois religions monothéiques méditerranéennes, grondements et poinçonnements, bête caverneuse qui grogne, cette troisième phase débute comme un intermède lyrique, le morceau a déraïllé, voix radiophonique qui cause de système anti-missile, et la boucle se boucle, retour au début.

    Applaudissements qui n'apparaissent pas aussi incongrus et inopinés qu'à la fin du Protocole # 1, ce numéro est constitué de fragments du monde réel, fonctionne sur le principe de l'auberge espagnole où chacun apporte de chez soi ce qui lui semble approprié à la situation. Ce protocole, aussi intéressant et agréable à écouter qu'il puisse être, n'est guère créatif. L'on pourrait le qualifier de classique, d'attendu.

    Protocole # 7 ( 13 / 06 / 2018 )

    Thomas Levée / Frédéric Ravore / Jean Robin Merlin / Daniel Azélie / Simon Girard / Le Rhinocéros / Frédéric Atlan

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    Pianotements introductifs, agressions de rainurages industriels, l'impression d'être dans un vaste atelier d'usine empli de machines diverses en plein travail, cris de voix aigües, arrêt de la machine, démarrage rythmique rock qui s'impose au premier plan, suivi d'un appareil à propulsions répétitives, lieu de production, l'ambiance sonore se diversifie, des échos porteurs de mystères, le processus de fabrication entre dans une nouvelle phase, des voix venues d'ailleurs se mêlent au bruit, à croire qu'elles proviennent de l'espace, les bruits deviennent plus réguliers, moins assourdissants, l'on était sur une monstrueuse chaîne de montagne, l'on régresse au niveau du bricoleur du dimanche matin dans son garage, arrosages, gazouillis monstrueux, piles de pièces métalliques qui s'écroulent, échos, tempêtes d'échos, machine locomo qui avance, le train démarre et s'enfuit, freinage, pressurage, messages venus de l'espace, crissements non égoïstes de scies égoïnes, trompettes dans le lointain, partition de musique concrète, une scie mécanique n'arrête pas de tourner, sons de guitares, basse, rebondissements chromatiques, le bruit se ferait-il musique, concert symphonique, mais le bruit revient tel un moteur d'avion, coups de gong final qui ne marquent pas la fin, des lames s'entrechoquent, coups de clairon, harmonica, tuba disharmonieux, bruit de soudure, et l'on repart en rythme, claudication allègre, arpentages divers, érayures, l'on est presque dans un morceau de rock'n'roll et peut-être même tout-à-fait, rythmique metal et charivari d'enfer, l'on est parti au paradis, mais des sifflement vous cisaillent le cerveau. Applaudissements nourris et mérités.

    Un protocole bien protocrockenroll, musique métallurgique, sans surprise, bien foutue, cette idée que pour produire du metal, il suffit d'avoir le pattern initial et de mettre la machine en route pour au bout du processus mécanique avoir l'objet sonore en main.

    Protocole # 12 ( 21 / 05 / 2019 )

    Simon Girard : voix, synthés, audio et vidéo / Thomas Lyn : ocarina, piano, boîte à rythmes voix / Frédéric Atlan : guitare lyre, piano préparé, voix, boîte à rythmes, piezzo

    ( chips écrasés, papier à bulles écrasées, mâchouillages, drone )

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    Emiettements, douces sonorités musicales ce qui n'empêche pas l'installation d'une ambiance mystérieuse, bruits de bouches et toujours ces sons venus de loin, détraquage, pétillements de flammes, cris de souffrances, bruits de boîte de conserve – le chien qui dort à mes pieds n'apprécie pas – cris entre exaspérations et miaulements – bizarrement le chien n'y fait pas gaffe - avec une montée sonore progressive, et l'on repart sur des clapotis innocents qui se perdent tandis qu'un engin venu de l'espace ne fait que passer, il est loin et l'on sent l'accélération qui s'éteint dans le lointain, ne reste plus que des friselis de sons dans les oreilles, ça s'en va et ça revient pour se terminer en pets buccaux néanmoins rythmiques, une onde de mystère vous traverse le ciel à la manière de soucoupes volantes, les computeurs reçoivent un message, rien de méchant, ambiance quiète.

    L'antithèse du morceau précédent. Pas de bruit. Mais du bruitage à dimension humaine. Une composition méditée. Une question insidieuse, qu'est-ce que la démarche protocolaire apporte de plus à cette musique ?

    Protocole # 13 ( 04 / 06 / 2019 )

    Thomas Lyn / Simon Girard / Frédéric Atlan

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    Conformément aux habitudes de présentation en vigueur sur Bandcamp, les œuvres à écouter sont accompagnées de la pochette du disque dont elles sont issues ou d'une illustration. J'avouons que le rapport entre les images proposées par Frédéric Atlan et les morceaux enregistrés ne m'est presque jamais apparu évident. Toutefois pour ce dernier opus, le protocole précise que nous sommes au lever du jour dans une forêt équatoriale et qu'au début l'on entend des chants d'oiseaux – déjà Beethoven dans sa pastorale... - toutefois nonobstant que je n'ai jamais mis les pieds en Afrique, cette région montagneuse n'a m'a pas trop l'air équatoriale...

    Z'en effet l'on entend les zoziaux au plumage multicolore ( rêvons ) pépier sans contrainte, sont bientôt rejoints par ce qui ressemblerait à l'amplification du vol d'une mouche tsé-tsé, plus un bruit de fond que le protocole qualifie de granuleux, grondement d'orage, bruit d'appareil électronique en détresse, picotements de bâtonnets à percussions et une belle voix féminine surgit, le temps et l'espace semblent s'étirer indéfiniment, éloignements divers, bruits des quatre saisons, oscilloscopes qui se télescopent, dialogue de film, un train à grande vitesse se précipite sur nous, passe et disparaît.

    Des morceaux que nous avons écoutés, celui-ci est le plus décevant. Nos protocoleurs seraient-ils fatigués, ne sont plus que trois, ont-ils déjà tout donné, la formule a-t-elle épuisé ses possibilités... cette treizième séquence n'emporte pas l'adhésion, l'imagination n'est pas au rendez-vous, ressemble un peu à ces sandwichs que l'on remplit sans réfléchir avec les restes du frigo, sans se soucier d'harmoniser les saveurs, qui vous laissent sur votre faim. Dépasse à peine les six minutes. Précisons que tous les morceaux proposés ne sont pas des reprises à l'identique. Les prestations sont d'après nos estimations réduites de moitié. Ce qui sous-entend que certains moments doivent être par trop répétitifs. Souvenons-nous que sur un disque l'on n'a pas droit non plus à l'intégralité des séances d'enregistrements.

    Indépendamment des résultats obtenus, cette notion de musique protocolaire sortie de l'esprit fertile de Frédéric Atlan, ne me satisfait pas pleinement. Je ne saisis pas ce qu'elle apporte de plus à l'auditeur ni non plus en quoi elle influe d'une façon intrinsèque et particulière sur l'originalité de la forme de la production obtenue. Par contre je conçois très bien que les participants puissent y prendre leur pied. S'amuser comme des fous et ressentir un maximum de plaisir. Sans doute cette notion demande-t-elle à être approfondie en son essence d'Acte agissant.

    Damie Chad.

     

     

  • CHRONIQUES DE POURPRE 516 : KR'TNT ! 516 : BIBLE & TIRE RECORDING CO. / SPIRIT / CHRIS BARBER / HOT RAM / STARSPAWN OF CTHULHU / JACQUES BENOIT + JONI MITCHELL

    KR'TNT !

    KEEP ROCKIN' TILL NEXT TIME

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    LIVRAISON 516

    A ROCKLIT PRODUCTION

    SINCE 2009

    FB : KR'TNT KR'TNT

    24 / 06 / 2021

     

    BIBLE & TIRE RECORDING CO.

    SPIRIT / CHRIS BARBER

    HOT RAM / STARSPAWN OF CTHULHU

    JACQUES BENOIT + JONI MITCHELL

    L’avenir du rock - Barnes to lose

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    L’avenir du rock est plié de rire.

    — Ha ha ha ha !

    Assis en face de lui à cette table de brasserie, Pandemic peine à dissimuler son irritation.

    — Rira bien qui rira le dernier...

    — Tu es comme tout le monde, mon pauvre Pandemic, tu n’aimes pas te faire baiser la gueule. Mais dans la vie, il faut des baisés, et cette fois c’est ton tour.

    — Peut-on savoir ce qui te rend tellement arrogant ?

    — Il ne s’agit pas d’arrogance, mais de joie. Comme tous les malveillants, tu mélanges tout, comme tous les fouteurs de merde, t’es amputé du cerveau. Et tu veux savoir ce qui me rend si joyeux ?

    — Vas-y accouche !

    — Figure-toi que Bruce Watson qui est déjà manager de Fat Possum et de Big Legal Mess vient de lancer un nouveau label, Bible & Tire. Il veut tiens-toi bien promouvoir the roots music, c’est-à-dire le gospel batch ! Et il démarre avec le premier album des Sensational Barnes Brothers ! Là mon vieux, tu vas devoir recommander ton âme à Dieu, si tu en as une !

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    L’avenir du rock a raison de s’exciter. Cet album des Sensational Barnes Brothers s’appelle Nobody’s Fault But My Own : 11 titres et pas moins de 10 bombes atomiques. C’est tout de même incroyable qu’on puisse encore tomber sur des albums de cette qualité. Et pas que du gospel batch. Ces blackos tapent aussi dans le r’n’b et le Memphis beat. Tu cherches du Memphis beat ? Alors écoute «I Made It Over», cette merveilleuse rasade de Soul moderne. Là-dessus, tout est parfait : le beat, les chœurs de soft, les cuivres et les nappes de Jimbo derrière. Dès «I’m Trying To Go Home», on est embarqué par le swagger et Jimbo Mathus fait partie du pactole. Nouveau shoot de Memphis Soul avec «Why Am I Treated So Bad». Ils ont bien raison de s’appeler the Sensational. Ils sont dans l’esprit Stax mais avec un truc à eux, comme le montre le morceau titre. Ils réactivent Stax en plein et finissent en apothéose de gospel batch. Avec «Let It Be Good», on a un fantastique balladif porté par l’orgue de Jimbo. C’est tellement inspiré qu’on finit par penser que c’est au dessus de nos moyens intellectuels. Il faut les voir ramener des clameurs de gospel dans le Memphis beat d’«I Won’t Have To Cry No More». Ils rivalisent de grandeur avec les Edwin Hawkins Singers, la clameur monte, Jesus comes to carry me home, c’est fabuleux. Le génie des Barnes Brothers se trouve dans le smooth des chœurs, aw Lawd, ces Brothers nous ramènent au point de départ : le gospel des origines du rock, les vraies roots d’Elvis et de Jerry Lee. Et ça continue avec «Here Am I», c’mon Jesus ! I need you ! I want you, ils s’amusent, ils sautent de joie, les chœurs font save me, c’mon Jesus. Nous voilà au cœur du mythe fondateur, la spiritualité. Ils attaquent «Beautiful Mansion» au gospel de r’n’b, avec des filles derrière. Extraordinaire shoot de gospel, yes Lawd, I wanna know, rien d’aussi bombardé, ils chantent avec l’énergie du gospel moderne et passent fièrement tous les caps, take it down, les filles sont terribles, l’église en bois brûle d’un feu sacré et Jimbo tisse ses nappes séculaires.

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    Alors forcément, au sortir d’un disque pareil, on est dans tous ses états. Il ne reste qu’une seule chose à faire : jeter un œil sur le catalogue Bible & Tire.

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    Comme par hasard, un petit buzz autour d’Elizabeth King parcourt actuellement la presse anglaise : Bible & Tire propose deux albums de cette reine du Gospel de Memphis, Elizabeth King & The Gospel Souls. The D-Vine Spirituals Recordings, et un truc qu’elle vient d’enregistrer, Living In The Last Days. Sur la pochette du premier, on la voit jeune et sur la pochette du deuxième, c’est vieille dame, mais Gawd, quelle voix ! Dans le petit quatre pages glissé dans le digipack, Nick Loss-Eaton nous explique qu’Elizabeth King a rejoint les Gospel Souls en 1969 et qu’elle est restée 33 ans avec eux. Elle a aussi élevé 15 enfants. L’«I Heard The Voice» enregistré en 1972 fut nous dit le producteur Juan D. Shipp un gros succès. Il avait demandé à Elizabeth King de chanter comme si elle faisait l’amour à Dieu - Nobody could sing like the original - C’est le cut d’ouverture de bal sur The D-Vine Spirituals Recordings. Elle fait du soft r’n’b, de l’Aretha du beginning, elle est fabuleuse de touchy touch, I dooooo, c’est d’une qualité exceptionnelle et derrière, les mecs tartinent des chœurs de rêve. Elizabeth King fait partie des convaincues : «You need joy. If your mind got joy, if you keep your mind set on Jesus, he give you perfect peace.» Le coup de génie de l’album s’appelle «Here Waiting». Elle allume la gueule du gospel et ça tourne à la magie pure, elle détient le power d’Aretha. Si on en pince pour le gospel, on se régalera de «Wait On The Lord» (joué à la guitare électrique, on monte directement au paradis, he’s alright) et de «Stretch Out Down» (elle rentre dans le lard du gospel avec une niaque terrible, elle est parfaite, c’est du big gospel d’église en bois bien axé sur Jésus, les chœurs font Stretch out, c’est énorme !). Avec «I Found Him», elle se barre en heavy groove de gospel jazz. Tout est beau sur cet album miraculé. Elle fait de la Soul de gospel, elle chante à la vie à la mort, comme une lionne, elle est l’Aretha de Memphis, même si on sait qu’Aretha est elle aussi originaire de Memphis. Ces gens font du r’n’b primitivo-spirituel. Elle explose encore «Can’t Do Nothing». Cette Soul Sister vaut toutes les autres, et puis après, c’est un mec qui chante.

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    Living In The Last Days est un bel album, mais un peu moins intense que le précédent. Elizabeth King n’a plus la même voix. Will Sexton, Mark Stuart et George Sluppick l’accompagnent. L’album décolle avec «He Touched Me». Les Vaughn Sisters font les chœurs, c’est très fin, quasi-chirurgical, tellement précis, à l’ozone près. Elle enfile une série de gospels classiques (gospel d’orgue avec «Living In The Last Days», Memphis beat avec «Mighty Good God» et heavy shuffle avec «A Long Journey»). Puis ça se met à rocker avec «Reach Out And Touch», monté sur un beau bassmatic ballochard. Avec «Walk With Me», elle demande beaucoup au Lawd - Lawd be my friend/ Don’t leave me alone - C’est intense et elle attaque «Cal On Him» à la Sam Cooke. La batteur George Sluppick amène un excellent drumbeat. Elizabeth King termine cet album attachant avec l’a capella de «Blessed Be The Name Of The Lord», la voilà pure et dure, et elle enchaîne sur le plus beau des hommages : «You’ve Got To Move», le vieux classique de Mississippi Fred McDowell. Mister Jag et tous les repreneurs, prenez des notes.

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    Attention, le festin se poursuit avec une autre bombe, un quatuor qui s’appelle Dedicated Men Of Zion et un premier album, Can’t Turn Me Around, paru l’an passé. Si on ouvre le digi, on les voit en photo, trois jeunes et un vieux, et on s’exclame : quelle classe ! Ils portent tous les quatre des vestes couleur bordeaux à revers de satin noir. C’est encore un album génial, et ce dès «Father Guide Me». On a tout de suite du son. Ils sont accompagnés par les gens qui accompagnent Elizabeth King sur son dernier album. Ils proposent un gospel Soul swingué aux chœurs de belle espèce. Tout le rock est là, dans l’excellence de Zion. On se retrouve au cœur du Memphis Sound avec «I Feel Alright». Ces mecs naviguent au grand large dans une extraordinaire ambiance de good time music, le cœur battant du Memphis Beat. Ils amènent «Can’t Turn Me Around» au heavy blues, aw Lawd comme c’est puissant, ils envoient mine de rien un fabuleux shoot de gospel blues sous le boisseau du can’t turn me around. Et la fête continue avec «You Don’t Know», tout le blues de Muddy et des autres vient de ce heavy beat de gospel batch - You don’t know/ What he done for me - C’est puissant, on est dans l’exubérance du black power, avec une batterie. Ces mecs vont chercher le black power sous toutes ses formes, ils inventent le beat de Gawd. Ils sautent partout, ils sont une absolue bénédiction. Les Dedicated Men Of Zion cherchent les voies du seigneur dans «A Leak In This Old Building» et le leader qui doit être le vieux incendie l’église. C’est à la fois exceptionnel, présent et inspiré. Avec «Down Here Lord», ils proposent du pur jus de gospel. Ils sont dans leur truc et leur truc est beau, bien drivé à l’orgue d’église. Le vieux faufile sa voix dans l’oh yeah de down here Lord et ça monte à la puissance extrême. Ils terminent avec le heavy shuffle de «Work Until My Days Are Gone». En fait, ils inventent un autre truc, le heavy splish splash de gospel batch, c’est pulsé aux chœurs avec un sax in tow et tout le black power au cul du cut, the old man is on fire, il drive ça des hanches, alors tu danses avec lui.

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    Et pour terminer ce petit panorama de Bible & Tire, voilà une compile encore une fois destinée aux amateur de black power : The Last Shall Be The First. The JCR Records Story. Volume 1. Michael Hurtt nous rebranche sur Pastor Juan D. Shipp, le pape du gospel de Memphis, fondateur des labels D-Vine Spirituals et JCR. Shipp installe son business au Tempo Recording Studio, sur Hernando Street, studio construit par Clyde Leoppard, un Sun Studio drummer qui a joué derrière Warren Smith, Barbara Pitman et quelques autres. Ces groupes de gospels enregistrés en 1972 à Memphis valent tous les grands groupes de Soul de cette époque, simplement, ils sont restés inconnus. Quatre cuts justifient pleinement le rapatriement de cette merveille. Un, the Pilgrimairs avec «Father Guide Me Teach Me». C’est monté sur un heavy beat primitif enluminé aux chœurs de gospel. Voilà un véritable chef-d’œuvre de primitivisme éclairé. Le génie de l’église en bois. Ces blackos rockent mille fois plus que n’importe quel gaga-band. Deux, the Southern Nightingales avec «Every Knee Must Bow» : chœurs déments, les blackettes envoient le cut au firmament, c’est encore une fois de la magie pure, certainement les plus beaux chœurs qu’on puisse entendre. Trois, The Hewlett Sisters avec «In The Last Day». C’est du gospel jazz gorgé d’énergie, ça te bouffe tout cru et ça joue à la stand-up, alors t’as qu’à voir. Quatre, The Stars Of Faith avec «Sitting Down». C’est claqué aux guitares funk et ça vire big Memphis drive, ça joue à l’insistance et on en prend plein la barbe. D’autres choses vont intéresser l’amateur comme ce «You Can’t Hurry God» des Johnson Sisters, les grosses rockent leur gospel et ça tourne vite à la folie. Le «Just Over The Hill» des Spiritual Harmonizers est encore sacrément bien gaulé. Fabuleux heavy blues de gospel avec «What A Meeting» des Vigil Light Of Holly Springs MS, Holly Springs étant comme tu le sais le coin où vivaient Junior Kimbrough et Charlie Feathers - Gawd Gawd Gawd ! - Et voilà un baryton de rêve dans le «Rock My Soul» des Masonic Travelers. Enfin bref, tout ça pour dire qu’il faut avoir Bible & Tire à l’œil.

    Signé : Cazengler, Bide & Tare

    The Sensational Barnes Brothers. Nobody’s Fault But My Own. Bible & Tire Recording Co. 2019

    Elizabeth King. Living In The Last Days. Bible & Tire Recording Co. 2021

    Elizabeth King & The Gospel Souls. The D-Vine Spirituals Recordings. Bible & Tire Recording Co. 2019

    Dedicated Men Of Zion. Can’t Turn Me Around. Bible & Tire Recording Co. 2020

    The Last Shall Be The First. The JCR Records Story. Volume 1. Bible & Tire Recording Co. 2020

     

    Spirit in the sky - Part One

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    Dans Record Collector, Kris Needs ne fait qu’une bouchée de Spirit, ce space-rock band californien qui, à la fin des années soixante, captivait tant les French kids assoiffés de mystère. One of the great West Coast bands, nous dit Needs. L’âme du groupe s’appelle Randy California. Avec le temps et quasiment une vingtaine d’albums, il a fini par devenir légendaire. En fait, il eut plus de veine que la plupart d’entre-nous car sa mère Berenice lui colla une guitare dans les pattes à l’âge de cinq ans. Berenice Pearl chantait et jouait du folk et son frère Ed tenait l’Ash Grove, le fameux club de Melrose Avenue où se produisaient à l’époque des gens comme John Lee Hooker, Mississippi John Hurt et Ramblin’ Jack Elliott. Randy peut bicher : «I was very fortunate growing up... I learned from the very best.» Mais sa mère allait mettre trop de pression sur le pauvre Randy qu’elle considérait comme un prodige. C’est à l’Ash Grove, en 1965, que Berenice rencontre Ed Cassidy. Elle est en train de divorcer du père de Randy. Cass est un batteur de jazz professionnel qui pouvait jammer avec Art Pepper, Cannonball Adderley ou Roland Kirk, pardonnez du peu. Il fit partie des Rising Sons de Taj Mahal en 1964. Randy et Cass cliquèrent aussi sec et entamèrent un long voyage au royaume de la psychedelia californienne. À 14 ans, Randy était déjà un slide guitar blues demon. C’est en jouant avec les Red Roosters qu’il rencontre Mark Andes et Jay Ferguson. Quand Randy a 15 ans, Cass et sa mère l’emmènent à New York. Cass y cherche des jazz bookings. C’est au Mammy’s Music Store que Randy rencontre Jimi Hendrix. Ils jouent ensemble plusieurs mois au Cafe Wha, jusqu’au moment où Chas Chandler débarque pour emmener Jimi à Londres. Jimi voulait que Randy vienne avec lui, mais ni Chas, ni ses parents n’étaient d’accord. C’est au retour en Californie que l’idée de Spirit va prendre forme. Tous les mecs du groupe avaient déjà navigué : John Locke avec Robbie Krieger et Mark Andes in the early Canned Heat. Alors monter un groupe n’était plus qu’un jeu d’enfant.

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    Ils tirent le nom du groupe d’un recueil de nouvelles de Khalil Gibran, Spirit Rebellious, qui fut traduit en Français par Esprits Rebelles. Ils répètent à la fameuse Yellow House de John Locke, située à Topanga Canyon. Quand ils commencent à jouer sur scène au Whisky A Go Go, Jan Berry fait venir Lou Adler qui les signe on the spot sur son label Ode.

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    Malgré le buzz, le premier album du groupe n’est pas d’un abord facile, même s’il recèle un hit, «Fresh Garbage», joué au joli velouté de son. Ça jazze même sous le vent. John Locke pianote en fast rising jazz cohort man. Ils visent tous les cinq le total freedom et le jazz permet ça. S’ensuit un «Uncle Jack» très inspiré par les Beatles, illuminé par un chant d’unisson et Randy prend un solo en roue libre. C’est à la fois somptueux et délicieux. Il vient ensuite réveiller «Mechanical World» qui s’endormait. Il y passe l’un de ces solos insidieux dont il va se faire une spécialité. Il faut tout de même rappeler qu’à l’époque, ces longs cuts ambianciers pouvaient poser un problème. On voit plus loin Randy jouer la carte Peter Green dans «Girl In Your Eye». La B ne réveillera pas les morts, comme chez George A. Romero. On s’ennuie un peu avec la pop éthérée de «Topanga Windows». Et soudain, en plein milieu du cut, sans raison apparente, ils partent en mode boogie de classe intercontinentale, avec le toucher touchy à la Peter Green. Puis ils finissent enfin par couler l’album avec «Gramophone Man», lancé à la heavyness et qui vire jazz. Un popster n’adhérera jamais à ce type de transgression. Pour la petite histoire, les membres du groupe découvrirent avec une stupeur mêlée de colère qu’on avait rajouté des orchestrations sur l’album sans leur demander leur avis. Travailler avec Lou Adler allait devenir un problème.

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    Leur deuxième album The Family That Plays Together paraît la même année, en 1968. Ouverture du bal avec le fameux «I Got A Line On You» qui va vraiment définir le son du groupe, c’est-à-dire un rock californien élancé et élégant, gonflé aux harmonies vocales et savamment swingué par ce démon de Cass. Idéal pour vivre sa vie. Soleil, rock et volupté. Voilà un bel emblème de rock californien. L’autre haut fait du disk se trouve au bout de la B : «Aren’t You Glad». Back to the big Spirit rock, joué heavy et surfilé à l’insidieuse par Randy, l’habile serpentin. Dommage que tous les cuts de l’album ne soient pas de ce calibre. Jay grimpe si admirablement dans les étages de son registre ! Et pour Randy, c’est du gâteau au chocolat. Il joue tout à la note grasse qui rampe comme un grosse limace. Quant au reste, ce n’est pas brillant. Ils pataugent dans le smooth. Cut après cut, ils se vautrent dans une sorte de torpeur angelinote. Toutes les compos de Jay s’endorment devant la télé. Randy et Cass tentent de réveiller cet album mou du genou avec «It’s All The Same», en tête de gondole de B, ils jazzent leur groove à gogo et avec un aplomb salvateur qui en dit long sur leur bonté magnanime. Mais Cass flingue tout avec un solo de batterie aussi vain que vil. C’est dingue ce qu’on peut s’ennuyer sur cet album. Il fait partie de ceux qui sont interdits de séjour sur l’île déserte. Par contre, la photo de Cass au bras levé qu’on trouve au dos de la pochette est une merveille : l’extra-terrestre sur cette terre, c’est lui.

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    Pas de hit sur Clear paru l’année suivante. Ils jouent la carte du smooth bass/percus dans «Dark Eyed Woman», avec un Randy omniscient en arrière-garde. Subtilité, tel est le mot-clé de Spirit. Ils s’installent dans leur groove de rock pour «So Little Time To Fly», tout en smooth avec des petits éclats de Randy. C’est un groove sans histoires, du genre à ne pas laisser de traces. Sans doute est-ce la raison pour laquelle leur smooth est resté inégalé. Ils se situent dans un truc à part. Oh, ce n’est pas de leur faute. Leur vision du rock s’écarte trop du sens commun. Ils sophistiquent leur «Ice» à s’en jazzer l’âme. Randy joue le softah océanique, il peut s’éloigner à la brasse et disparaître à l’horizon, là-bas, sous le soleil couchant. Quand on réécoute «Give A Life Take A Life», on s’ennuie. À l’époque, on n’écoutait ce genre d’album qu’une seule fois, et on n’en gardait aucun souvenir. Pour le morceau titre, Randy revient à son océanique à la noix de coco. Ils terminent avec «New Dope In Town», une attaque en règle de jazz fusion californien qui vire en groove de rock. C’est après ce troisième essai que Spirit arrête les frais avec Lou Adler qui n’a pas voulu les envoyer jouer à Woodstock, les privant ainsi du tremplin que l’on sait. Le groupe signe avec Epic.

    Mais des tensions apparaissent entre Randy et Jay. Ils viennent en outre de quitter the Yellow House pour s’installer chacun dans leur coin. Randy se goinfre de LSD et de coke. Pour ne rien arranger, il s’en va cavaler bareback sur son poney Kiowah dans le canyon et bien sûr, il finit par se casser la gueule. Il se fracture le crâne. Pendant sa convalescence, il continue de se goinfrer d’acide. Le seul qui puisse lui adresser la parole, c’est Mark Andes.

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    Tout le monde s’accorde à dire que Twelve Dreams Of Doctor Sardonicus est le meilleur album de Spirit. Oui, c’est plausible, au moins pour deux raisons : «When I Touch You» et «Morning Will Come». Ils nous claquent «When I Touch You» sur des accords royaux. Mark Andes descend dans le cut à la basse comme on descend à la cave. Il règne dans ce hit spirituel une fabuleuse ambiance de torpeur et de ferveur - I won’t see you anymore - Jay sonne bien l’occiput. «Morning Will Come» préfigure bien Jo Jo Gunne. Même son et même entrain ravageur. Jay adore grimper au sommet de sa gloire, il y va franco de port. Et Randy bien sûr s’exacerbe dans le feu de l’action, on a même des cuivres, c’est dire si Spirit exulte. Joli cut aussi que le «Nothing To Hide» d’ouverture de bal, pur jus de rock spirituel, avec sa heavyness toute en douceur et en profondeur, avec un Randy qui intervient si finement qu’il se fond dans la bruine du Pacifique. Mais le reste des cuts ne sort pas de l’ordinaire smoothy des trois premiers albums. Pas d’excès dans «Animal 200», ce n’est pas le genre de la maison. Ils vont sur du Quicksilver sound pour «Love Has Found A Way» et ils bouclent l’A avec un «Mr Skin» extrêmement élégant, joufflu et cuivré de frais. Avec «Space Child», le jazz de Cass reprend ses droits et Mark Andes drive son bassmatic comme un dieu. N’oublions pas que Spirit est un groupe de surdoués.

    Le line-up original éclate quand Randy refuse d’aller jouer au Japon.

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    Nouvelle équipe pour Feedback paru deux ans plus tard : le Texan Al Staehely (Lead vocals & bass) et son frangin J. Christian (lead guitar) ont remplacé Jay et Randy. On a là un son beaucoup plus agressif. Jay et Mark Andes sont partis former Jo Jo Gunne. Cass bat toujours le beurre. Il aime bien l’idée de Spirit. On trouve sur cet album un joli coup de boogie rock, «Cadillac Cowboys», son très américain, solo parfait et même assez impressionnant. J. Christian Staehely est un fieffé guitariste. Cass joue «Ripe & Ready» au hit hat et les interventions de Staehely brillent toujours par leur présence. Le rock spirituel prend des couleurs, même si l’âme du groupe s’est envolée. En B, on tombe sur un joli «Earth Shaker» bardé de heavyness et de ah ah ah purement spirituels. Franchement, Staehely est un brave mec, il enchante «Right On Time» avec une fantastique partie de guitare et transforme la chose en solide balladif d’Americana inespéré. Ils bouclent cet album passionnant avec «Witch», une sorte de groove de soft rock rocké par le piano de John Locke. Ça reste de l’excellent rock spirituel, admirable d’aisance mid-tempique, ils vont bon train, sans hâte, décontractés et tellement à l’aise.

    Aux yeux de Kris Needs, Randy est un personnage très instable. L’emprise oppressante de sa mère et sa chute de cheval n’ont fait qu’aggraver le désordre mental initié par la consommation massive de drogues. Ça allait tellement mal qu’il songeait au suicide et lors d’un séjour en Angleterre, il alla se jeter dans Tamise depuis le pont de Chelsea. Needs ajoute qu’après coup, à l’hôpital, Randy s’inquiétait de savoir s’il n’avait pas avalé trop d’eau polluée. Lors d’un concert à Londres, Randy fit au public un coup à la Syd Barrett : il s’arrêta de jouer pendant 15 minutes pour fixer le public et fila dans la loge se filer des coups de rasoir dans les bras. D’ailleurs il déclara dans le micro de Max Bell : «I’m totally fucked up !». Comme toujours, ces histoires là se terminent en detox et Randy part se reposer un an à Hawaï. Avec sa mère. Il se retape et revient en studio avec Cass et Barry Keen en 1975.

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    Ils enregistrent Spirit Of 76, juste avant l’arrivée des punks. On a là un double album assez vaporeux, voire légèrement ennuyeux. Randy chante «The Times They Are A Changing» à la glotte blanche. Il vise la pure beauté spirituelle. Pas de meilleur choix que Dylan pour ça. Puis il s’engage dans une série de bluettes à la chlorophylle, son «Maunaloa» se noie dans la bruine du Pacifique. Il réussit même l’exploit de ramollir «Walking The Dog». Comment ? En en le transformant en funk spatial. Personne n’est plus doux que cet homme. Mais il reste remarquablement à l’aise dans les départs en solo. Il revient à Dylan avec «Like A Rolling Stone». Randy l’envoie flotter en l’air et ressort pour l’occasion son toucher de notes à la Peter Green. Cass bat ça avec la subtilité d’un vieux renard du jazz argenté. Randy tente de sauver l’album en C avec «Feeling In Time», un joli groove de bon ton, natural well being. Comme Marvin, Randy préfère l’ouate. Il enchaîne avec un joli clin d’œil à Keef : «Happy». Ah comme ils sont à l’aise avec cette merveille. La Stonesy leur va comme un gant. Randy l’ultra-joue au décontracté californien et ça swingue dans l’éther. Version apaisante, agréable à l’œil et lumineuse. Il finit sa D avec une autre cover magistrale, «Hey Joe». Il est aussi à l’aise qu’un volatile entreprenant. N’oublions pas que Jimi et lui étaient très liés et qu’ils ont joué ensemble à New York. Alors Randy smoothe le blues hendrixien et sculpte le son. Vertigineux ! À l’époque, les critiques évoquaient les noms de Syd Barrett et de Skip Spence pour situer le niveau de légendarité de cet album qu’il faut bien qualifier de mutant, mais avec le recul, force est d’admettre que c’est du pur Randy. On peut même parler de vision.

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    La même année paraît Son Of Spirit, un album nettement supérieur au précédent. Pour au moins quatre raisons. La première étant «The Other Song». On se croirait sur Electric ladyland, aux grandes heures du Slight Return de «1984». Assez magique - Sneaking down that long lonesome road - Randy s’y livre à superbe exercice de style. Il dérive au loin et ça repart en jive de jazz. Randy, Cass et Barry Keene sont tous les trois parfaitement à l’aise dans l’art de jiver le jazz. La deuxième raison d’adorer cet album s’appelle «Don’t Go Away», un joli balladif joué aux riches heures du Duc de Randy, enluminé par des panaches de notes, joué à l’éclosion du bonheur intimiste et doté d’un extraordinaire pouvoir de persuasion. On peut dire la même chose de «Family», cette espèce de petit miracle psych-folk spirituel. Randy n’en finit plus d’enluminer le jour. C’est un enchantement, cette pop des jours heureux éclate en bouquets de couleurs psychédéliques. La quatrième raison de se prosterner devant cet album se trouve au fond de la B et s’appelle «It’s Time Now». Randy y sonne comme Ronnie Lane, pas moins. Il cherche l’hymne à la Slim Chance et ça s’en rapproche dangereusement car c’est joué aux violons et au banjo, bardé de bon circus sound. Au fil des ans, Randy s’affine. Il est bien meilleur qu’au temps de l’early Spirit. On peut aussi écouter «Looking Into Darkness», car Randy tape ça au chat très perché. Il adore faire le con avec sa glotte. Une vraie gonzesse. Le cut recèle une fois encore de beaux accents de grandeur évangélique. Randy sait charmer un serpent. Et puis «Magic Fairy Princess» ravira les amateurs de pop des jours heureux. Randy n’en finit plus d’éclairer les allées du jardin magique. Il ne fait que des déclarations d’amour. Comme dirait Panisse, il nous fend le cœur. Pour la reprise de l’album, Randy tape cette fois dans les Beatles avec «Yesterday».

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    Mark Andes est de retour pour Farther Along, paru en 1976. Sur la pochette, ils ont l’air un peu nunuches, surtout Randy, assis devant et coiffé d’un gros bonnet en laine. Spirit revient au rock bon chic bon genre sans véritable identité. C’est tout ce qu’on peut dire d’«Atomic Boogie» - Cosmic disco spoof - Ils s’enlisent dans le soft-rock velouté avec le smooth yatch rock appeal à la Steely Dan de «World Eat World Dog» et se lancent dans la pop de bonne aventure avec «Stoney Night». L’ambiance reste résolument smooth et on sort de l’A avec un léger sentiment de malaise. Mais avec «Mega Star», la magie spirituelle finit enfin par opérer. Randy ramène pour ça les fameux accords obliques dont il a le secret. Cette fois le groupe part pour de bon à l’aventure. Randy mouille bien ses ya ya ya et nous réconcilie avec la vie - How does it feel/ Can you tell what’s real/ With ski poles up your nose - Ils terminent l’album avec «Nature’s Way», un thème orchestral qui reste de toute évidence leur plus grande réussite.

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    Paru en 1977, Future Games est un album quasi-solo de Randy gorgé de smooth et de transitions qui met beaucoup de temps à décoller - Sci-fi psych & celestial sonics - S’il décolle, c’est grâce à Kim Fowley qui co-écrit «Buried In My Brain» et «Bionic Unit», inspirés par le radio-show de Dr Demento. Ça prend tout de suite du volume. Kim sait écrire des hits de rock californien et il faut voir comme ce «Bionic Unit» sonne bien, swingué aux congas et riffé à la Fowley. Randy boucle l’A avec un clin d’œil à son ami Jimi : «All Along The Watchtower». Randy s’en sort toujours avec des reprises. Il les joue avec une passion dévorante, too much confusion, mais ce n’est pas facile de repasser après Jimi. Randy attaque la B avec un «Star Trek Dreaming» tiré à quatre épingles, et son «China Doll» sonne comme l’«Honey Pie» du White Album, c’est dire le velouté du chant ! On trouve des relents de «Saturday Night Fever» dans «Gorn Attack», bel instro d’anticipation qui finit pas entrer sous la peau. Future Games reste un album infiniment attachant, très personnel.

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    Joli coup de Trafalgar que cet Adventures Of Kaptain Kopter & Commandant Cassidy In Potato Land. Enregistré en 1973 et jugé trop weird, il ne vit le jour qu’en 1981. Cass et Randy y pondent un joli coup de pop lumineuse avec «We’ve Got A Lot To Learn». C’est tellement chanté à la clameur que ça frise les Mamas & The papas. On même citer George Harrison, tant les échos de «My Sweet Lord» perdurent dans la pérennité. Ils enchaînent avec le «Potato Land Theme», un groove d’une grande élégance californienne - Take my hand/ To Potato Land - C’est Randy qui joue le drive de basse, au cas où on poserait la question. En B, ils passent au mini-opéra et Randy vient nous rocker «Turn To The Right». Il joue ça au fruité d’accords, on a là du high Randy, aérien et énergétique. D’album en album, Randy s’impose comme un guitariste complet et unique à la fois. On finira par vénérer ce mec. Il revient à la charge avec «Donut House», un fantastique rock caoutchouteux, aux frontières du swing de jazz. Et voilà le pompon : «Fish Fry Road», cut quasi-hendrixien chanté à l’extrême hendrixité des choses et comme alerté par les nappes de cuivres. Wow ! Randy nous pulse ça manu-militari, et comme dirait Yves Montand, c’est si bon.

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    Attention au treizième rêve du Doctor Sardonicus ! The Thirteenth Dream qui date de 1984 réserve bien des surprises, même si le son vire parfois rock FM. Jay et Mark Andes ont rejoint les rangs, c’est donc la formation originale. Randy s’est même rasé la moustache. Jay aussi. Ils ressemblent tous les deux à des playboys californiens. Ils rejouent «Mr Skin» avec un son années quatre-vingt, ce qui n’est pas forcément une bonne idée. On note une pagaille d’invités, Bob Welch, Jeff Baxter et le frère de Mark Andes, Matt, qui est le héros de Jo Jo Gunne. Randy se tape un joli coup de smooth avec «All Over The World». Sans doute est-ce là qu’éclate au grand jour le talent de Randy California, allez savoir ! Il faut ravaler son dégoût pour écouter «1984», à cause de l’orchestration putassière, mais comme c’est Spirit, «1984» prend une certaine ampleur. Ces gens-là ne sont pas nés de la dernière pluie. Avec «Uncle Jack», ils se prennent pour les Who et ce diable de Randy profite de l’occasion pour passer un solo d’une rare finesse techniquoïdale, dans un genre qui lui est propre - Have you met my uncle jack ? - Voilà du rock spirituel solide et bienvenu. Ils retapent à la suite dans l’excellent «Nature’s Way», sans doute le grand hit mélancolique de Spirit. On note l’admirable qualité de l’approche mélodique. C’est même un véritable coup de génie. Ils terminent cet album surprenant avec leurs deux plus gros hits, «Fresh Garbage» et «I Got A Line On You». Wow, Cass nous bat ça sec ! C’est challengé aux chœurs spirituels et tendu à se rompre. Randy s’en donne à cœur joie. Il sur-joue son échappée belle qui s’en va se fondre dans le retour vainqueur des chœurs. Ils étirent en longueur cette magistrale version et c’est si bon que ça vire au coup de génie déflagratoire. «I Got A Line On You» s’étend jusqu’à l’horizon. Fantastique équipe !

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    On ne pourra hélas pas dire la même chose de Rapture In Chambers paru cinq ans plus tard. Il s’agit là du pire album que Cass et Randy aient enregistré. Dommage, car la pochette est une petite merveille de mystère vampirique. Il faut voir le sourire cruel de Cass dans l’ombre, assis près d’un cercueil ouvert. Mais musicalement parlant, cet album est une catastrophe. Ils font du rock FM de MTV, la pire soupe qui ait jamais existé sur cette terre abandonnée de Dieu. Hormis la pochette, l’album n’a strictement aucun intérêt. Randy y aligne une succession des petits cuts à la con. Tout ce qu’on peut sauver, c’est «Contact». Randy s’y fond royalement. Et en B, ils basculent directement dans la putasserie. Ils se croient même autorisés à faire du Kraftwert avec «Human Sexuality». Immonde.

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    Mike Nile se joint à Cass et Randy en 1990 pour enregistrer Tent Of Miracles. Le morceau titre sonne comme un bel hommage à Bo Diddley, mais avec le son Quicksilver, c’est-à-dire assez paisible. Délicieusement spirituel. Bo serait fier. C’est même assez astucieux. Se laisse savourer en douceur. Cass bat toujours un peu tribal et Randy joue à petites touches performantes. Le Diddley beat leur va admirablement d’autant que Mike Nile le joue bien grondant sur sa basse. L’autre gros cut de l’album s’appelle «Stuttgart Says Goodbye», tapé au vieux groove garage - Hey I want you tonite/ Hey I need you tonite - C’est assez puissant d’autant que Cass chante d’une voix de vieux renard du jazz argenté. Ces mecs sont vraiment puissants et Randy rôde comme un requin en maraude. On trouve aussi du big sound dans «Love From Here». Cass nous bat ça sec, même si Randy tente d’arrondir les angles. Appelons ça du bâti bien battu. Cass nous bat aussi «Borderline» au heavy stomp des galères, celui qui se précise au moment de l’abordage. Randy joue comme il peut, dans l’enfer du chaos. Ces mecs sont des forces de la nature. «Zandu» frappe aussi les imaginations, car Randy le joue au heavy riffing, il amène un truc si particulier, à la fois smooth et âcre, et ça vire Spirit rock. Randy joue à la ramasse sur le meilleur des beats. Il chante son groove à la traverse et ça devient spectaculairement bon. On est dans le rock Spirituel. Avec «Logical», ils vont plus sur une sorte de country rock, mais avec une belle dégaine. Du son, rien que du son, my son. Ils montent aussi «Old Black Magic» sur un énorme groove de bassmatic. Ils flirtent avec le power-triotisme patenté. Ça ne tient que par le drive de basse que viennent saluer les cuivres. Ils bouclent avec un puissant «Deep In This Land», assez proche du Smoke de Purple.

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    California Blues paraît un mois avant la mort de Randy, qui, faut-il le rappeler, se noya en tentent de sauver son fils Quinn lors d’une partie de surf à Hawaï. Dans «The River», il chante : «If I happen to drown/ Don’t rescue me.» Prémonitoire, d’autant qu’il tape ça au deep blue sea d’une sorte de delta spirituel. C’est ultra-joué, on se retrouve une fois de plus dans du grand Spirit plein de son. On trouve sur l’album une merveille co-écrite avec l’ami Jimi, «Look Over Yonder». Ça part immédiatement en vrille d’hendrixité, Randy peut vriller sa vrille et Cass suit au beat des galères. Nous voilà dans le monde enchanté de Jimi Hendrix. Robbie Krieger joue sur «Sugar Mama». On reste dans le boogie blues. Pas question d’aller réinventer la poudre ni le fil à couper le beurre. Robbie jazze le jeu au cool breeze. Imparable. Ils font aussi une fantastique take de Cream party avec «Crossroads». Randy la joue en wah suspensive de vrille absolutiste et ce diable de Steve Loria fait le baladin. Quel album ! Tous les cuts captent l’attention. Sacré jive de blues que ce «Song For Clyde» joué au boogie spirituel. Avec «Red House Blues», Randy ose taper dans l’intapable. Il a ce culot extraordinaire. Mais au chant, il a tout faux, car Jimi a beaucoup trop d’avance. Manque de punch. Mal chanté. Même problème avec la reprise de «Gimme Some Loving». Pas de voix. Comment ose-t-il passer après Stevie Winwood ? Dommage. Ses covers ne tiennent pas la route. Pauvre Randy. Il lui manque la fournaise principale. On tombe plus loin sur «One World» qui sonne comme un hit d’Electric Flag. Randy joue comme Bloomy.

    Après la mort de Randy, Berenice interdit formellement à Cass, dont elle s’était séparée, d’utiliser le nom de Spirit. Voilà comment se termina cette belle histoire. Malencontreusement.

    Signé : Cazengler, spirate (qui s’dilate)

    Spirit. Spirit. Ode 1968

    Spirit. The Family That Plays Together. Ode 1968

    Spirit. Clear. Ode 1969

    Spirit. Twelve Dreams Of Doctor Sardonicus. Epic 1970

    Spirit. Feedback. Epic 1972

    Spirit. Spirit Of 76. Mercury 1975

    Spirit. Son Of Spirit. Mercury 1975

    Spirit. Farther Along. Mercury 1976

    Spirit. Future Games. Mercury 1977

    Spirit. The Adventures Of Kaptain Kopter & Commandant Cassidy In Potato Land. Rhino 1981

    Spirit. The Thirteenth Dream. Mercury 1984

    Spirit. Rapture In Chambers. I.R.S. 1989

    Spirit. Tent Of Miracles. Dolphin 1990

    Spirit. California Blues. WERC CREW 1996

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    Kris Needs : California Saga. Record Collector #480 - June 2018

     

    Barber please don’t go

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    Nous vivons dans un monde nouveau, et dans ce monde, la disparition d’un homme aussi important que Chris Barber passe complètement inaperçue. C’est un phénomène qui en réalité va choquer très peu de gens, puisque la plupart des contemporains du vieux Chris Barber sont eux aussi en train de sucrer les fraises. Il s’agit de la génération d’avant le baby boom, celle des gens nés dans les années 30. Donc forcément, ça commence à craindre. Seuls les vampires sont éternels et personne ne songerait à les envier.

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    Quand en 2014 est paru Jazz Me Blues, sa petite autobio, on l’a immédiatement rapatriée. Car Chris Barber fait partie des pionniers de la scène anglaise. C’est donc un témoin capital. Il vient d’un temps où les musiciens anglais jouaient du jazz New Orleans et du skiffle (Lonnie Donegan chantait dans le Chris Barber Band), avant de passer naturellement au blues. Comme chez Sam Phillips ou Phil Spector, le point de départ est une fascination totale pour la musique noire. Et qui retrouve-t-on au point de départ de cette fascination ? Mezz ! Of course, Mezz Mezzrow et Really The Blues. Mezz, l’un des deux écrivains majeurs du XXe siècle, en ce qui nous concerne. C’est-à-dire Mezz Mezzrow et Yves Adrien - The black music was the real thing - Ce que dit Chris Barber de Mezz et du jazz music des années 20 s’applique bien sûr à toute la black music. Elle reste the real thing.

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    À l’âge où il faut faire des choix pour l’avenir, le jeune Chris barbote et peine à se passionner pour les mathématiques, alors cet homme magnifique qu’est son père lui dit : «Okay, you aren’t doing maths, what about doing music?». Le jeune Chris lui répond qu’il fait déjà de la musique et qu’il passe au Jazz Club de la BBC, et son père lui dit, non, tu dois faire ça sérieusement. «Do it proprerly and go to music school. I’ll pay the fees.» Voilà ce qui s’appelle un destin favorisé. Grâce à son père, Chris Barber va faire du jazz et du blues son métier. Méchant veinard...

    Avec son orchestre de Jazz New Orleans, Chris Barber parvient à vivoter. Dans les années 50, le Chris Barber Band joue partout en Angleterre. Il nous raconte tout ça dans le détail, et dans un style bien ronflant, à l’Anglaise, solide, massif et noir comme ces vieux taxis Austin qui émerveillaient tant les lycéens français.

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    Alors bien sûr, certains objecteront que Chris Barber est une vieille barbe et que le jazz New Orleans, oh la barbe ! Mais ce n’est pas l’époque ni le genre qui importent, c’est le process qui reste le même quelle que soit la génération : le process révélatoire qui peut changer une vie et indiquer la voie. Quand à l’adolescence on découvre Little Richard, on comprend confusément qu’on est fait pour ça et il n’est pas question de faire autre chose. Autrefois dans les romans, on appelait ça une vocation. La vie de Chris Barber en est une magnifique illustration.

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    À l’époque où Lonnie Donegan chante dans le Chris Barber Band, Chris et lui écoutent Leadbelly. Ils aiment tellement la modernité du vieux Lead qu’ils reprennent «Leaving Blues». En 1958, lorsqu’il tourne avec Sonny Terry et Brownie McGhee en Angleterre, Chris Barber leur fait écouter la version de «Leaving Blues» qu’il a enregistrée avec Lonnie Donegan et bien sûr Sonny Terry reconnaît immédiatement le son de Lead.

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    C’est en 1954 qu’Ottilie Patterson, fraîchement arrivée d’Ulster, intègre le Chris Barber Band et bien sûr Chris Barber tombe à la fois amoureux de sa voix et de son corps. Il ne l’épousera qu’en 1960, car monsieur qui est déjà marié doit divorcer. Ils s’installent to live in style in Maida Vale.

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    En même temps qu’Ottilie, Chris Barber rencontre Big Bill Broonzy à Londres. Yanick Bruynoghe et des fans belges l’ont fait venir avec Mahalia Jackson et le Chris Barber Band va l’accompagner sur une tournée de trois semaines. Le voilà confronté au older blues en chair et en os. Puis il va accompagner Sonny Terry & Brownie McGhee, l’un des duos mythiques du blues dont on voyait les pochettes d’albums dans le vitrine de Buis, au temps béni des mid sixties. Ce duo que tous les amateurs de blues chérissent avait joué à Broadway et savait donc gérer un public blanc. Ils étaient donc parfaits pour l’Angleterre. Chris Barber : «Sonny était presque aveugle et Brownie qui marchait lui-même avec une canne et qui avait souffert de la polio étant jeune guidait ses pas. Pour les décrire, on pourrait employer cette formule de la Bible, Au royaume des aveugles, les borgnes sont rois, mais Brownie était toujours partant, c’mon Sonny let’s do this... Let’s do that!, et Sonny lui répondait : ‘Tu es jaloux de moi car je chante le blues mieux que toi !».

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    L’autre grand exploit de Chris Barber, c’est bien sûr d’avoir fait venir Sister Rosetta Tharpe en Angleterre. Pareil, elle a joué dans les clubs des blancs, notamment avec le Cab Calloway Orchestra et donc en 1957, Chris Barber et ses amis la font venir pour une tournée. Premier concert à Birmingham. Sister Rosetta a ramené avec elle les partitions de ses chansons, mais les musiciens anglais ne lisent pas les partitions. Alors Chris Barber lui demande : «Sister, pouvez-vous jouer un morceau et nous allons vous accompagner.» Et il poursuit : «C’était absolument mind-bogglingly wonderful. The best, most immediate, unexpecred experience ever. Elle jouait avec un orchestre qu’elle ne connaissait pas, mais on aurait dit qu’elle avait joué avec toute sa vie.» Dans la presse, des cons s’interrogent : peut-on jouer du gospel en public et se faire payer pour ça ? Agacé par tant de cynisme, Chris Barber convoque une conférence de presse à l’hôtel où est descendue Sister Rosetta. Pour répondre aux questions tordues des journalistes, elle sort sa guitare et se met à chanter. Ils comprennent tout de suite qu’elle est authentique, qu’elle est nous dit Barber une personne décente faisant ce qu’elle sait faire et du coup, les fouille-merde laissent tomber l’affaire. Chris Barber garde un souvenir extatique de cette tournée. En plus, Ottilie et Siter Rosetta s’entendent bien, elles chantent ensemble sur scène. Barber les compare au duo mythique que forme aux États-Unis Siter Rosetta avec Marie Knight.

    Et puis un jour, Chris Barber devient pote avec John Lewis, du Modern Jazz Quartet. Lewis demande à Chris :

    — Qui as-tu déjà fait venir en Angleterre ?

    — Sister Rosetta Tharpe, Sonny and Brownie.

    — Pourquoi ne fais-tu pas venir Muddy Waters ?

    — Je ne sais pas où le joindre. Que faut-il faire, envoyer un carte postale à Stovall’s Plantation or something ?

    Lewis éclate de rire :

    — No. He’s got a Cadillac and an agent.

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    Chris Barber découvre en effet que le record label Chess lui a acheté une Cadillac, parce que le label rival Dot en avait acheté une à Fats Domino. Et Muddy ne supportait pas l’idée d’être traité inférieurement par son label - In fact he never used the car! - Chris Barber fait venir Muddy en Angleterre en 1958. Il en profite pour corriger un détail : on prétendait que Muddy jouait trop fort lors de cette tournée, ce qui est faux. Chris Barber l’accompagnait sur scène et il n’y avait rien d’anormal. C’est donc là que va naître le British Blues, avec la première tournée de Muddy. Puis Chris Barber rejoindra Muddy en tournée aux États-Unis - Muddy’s band was the best band he ever had : Otis Spann on piano, Pat Hare on guitar, Jimmy Cotton on harp et Francis Clay on drums - En 1960, Muddy héberge Chris Barber et Ottilie chez lui on South Lake Park à Chicago. Barber décrit le détail des tournées dans le van de Muddy en compagnie de Killer (le bodyguard qui n’était pas du tout bodyguard) et Jimmy Oden qui après un grave accident de bagnole avait cessé de se produire en tant que St Louis Jimmy. Il tenait compagnie à Muddy et lui écrivait des chansons. Il est bon de rappeler au passage que dans sa bio (Can’t Be Satisfied: The Life and Times of Muddy Waters), Robert Gordon brosse de Muddy le portrait d’un saint homme.

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    L’autre grande rencontre est celle de Louis Jordan qu’il fait venir en Angleterre en 1962. Louis Jordan a 55 balais et Barber le compare à un wild horse - His energy and skill and the perfectionnism of his playing were incredible - Ils font même un album ensemble, Louis Jordan & Chris Barber. Pour Barber, Louis Jordan est l’artiste aussi proche de la perfection qu’on peut l’être - He was the best presenter of a song by movement and action that I have ever seen.

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    Et puis voilà un autre gentleman, Sonny Boy Williamson, qui s’appelle en réalité Rice Miller. Barber indique de Rice a récupéré ce patronyme à la mort du vrai Sonny Boy Williamson. Barber voit Rice Miller comme un fantastique joueur d’harmo, as if it was kind of alto sax. Rice Miller vit quelques temps à Londres, hébergé par Giorgio Gomelski et se fait remarquer car il porte des costumes deux tons : veste blanche à droite, brune à gauche, pareil pour le pantalon, une patte blanche et une patte brune. Et il porte un chapeau melon que les Anglais appellent un derby hat. Barber rappelle aussi qu’il est un prodigieux poivrot. Dans l’ascenseur de l’hôtel, il se retrouve en compagnie d’un serveur. Sur le plateau, quatre grands verres de scotch, des doubles. C’est pour qui ? Et le serveur lui répond : «Sonny Boy’s breakfast.» Barber voit surtout Rice Miller comme un prodigieux chanteur de blues, capable d’installer des atmosphères dans le blues. Sonny Boy a en outre une fâcheuse tendance à se moquer les blanc-becs. Quand les Animals ou les Yardbirds répètent avec lui pour l’accompagner en tournée, il les laisse jouer un peu et les interrompt en plein milieu : «What’s the mater with you? Can’t you play the blues? You’re playing it all wrong.»

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    Et puis bien sûr, il y a Wolf. En 1964, Wolf débarque en Europe pour l’American Folk Blues Festival. Barber est scié par le show de Wolf qui hante la scène comme un gorille avec son harmo et qui jette le mauvais œil sur le public - But it turned out this was just a bit of fun - Off stage, Wolf est un homme calme, moderate person and one of the loveliest people I ever met - Wolf dîne plusieurs fois avec Barber et Ottilie. Au début de chaque repas, Wolf fait sa prière.

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    Parmi les pionniers de la British scene, Barber croise bien sûr Joe Meek et Giorgio Gomelski. Quand Giorgio arrive à Londres au début des années 50, c’est pour tourner des jazz movies. Donc il filme le Chris Barber Band. Puis il devient producteur et s’intéresse aux groupes. Il va manager les Stones à leurs débuts, puis les Yardbirds. Il monte le label Marmalade et lance Brian Auger, John McLaughin et Soft Machine. Et il devient l’éminence grise du Chris Barber Band.

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    L’autre grand pote de Chris Barber n’est autre que Van Morrison. Un Van the Man que Barber compare à Lonnie Donegan, une personnalité entière - He was a bit difficult to deal with because of his own particular attitude to what he had to do - Il veut dire que Van the Man, comme Lonnie, sont des hommes qui font les choses comme ils entendent les faire, et il n’est pas question de les faire autrement. C’est un peu le même genre de portrait que brossait Billy Poore de Charlie Feathers - He knows what he want to do - Comme Lonnie Donegan, Van the Man est un érudit de ce que Barber appelle the older blues and jazz, et il peut en parler des heures.

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    Tiens encore une rencontre déterminante : Eddie Bo, c’est-à-dire Joseph Bocage - He was very much in the New Orleans keyboard tradition of Professor Longhair, James Booker and Dr John - Mais nous dit Barber, Mac est plus intense, il joue des very full chords. He plays piano like an arranger as much as like a pianist, but both his feel and sense of time are similar - C’est pour Chris Barber une manière de revenir aux sources. Il participe dans les années 80 au Jazz and Heritage Festival de la Nouvelle Orleans et il se retrouve dans l’orchestre de Dr John qui passe après les Neville Brothers et Fats Domino. Pas mal, non ?

    Curieusement, la partie la plus intéressante de ce petit book ne concerne pas les musiciens. L’autre grande passion de Chris Barber, ce sont les bagnoles de sport. Il dit adorer conduire : «J’ai eu pas mal de voitures intéressantes, dont deux Jaguars douze cylindres. L’une était un coupé deux portes. Puis j’ai eu une Daimler double six qui avait le même moteur. C’était une bagnole plus soignée, car la chaîne de montage Daimler faisait les choses proprement, alors que ce n’était pas le cas chez Jaguar. Les portes des Jaguars n’étaient pas toujours bien calées, alors qu’elles l’étaient parfaitement chez Daimler. J’ai eu aussi une Alfa Romeo Giulia. Elle était bien au départ, mais pas terrible à la fin. C’était une berline quatre portes 1,6 litre que j’ai eue neuve en 1962. Sur la route, c’était une bonne bagnole, tout était très précis, comme sur une Mini. Mais hélas les Italiens avaient acheté l’acier de la caisse en Russie. En trois ans, elle est devenue un tas de rouille avec une boîte de vitesse et quatre roues. Je l’avais achetée car John Bolster en disait grand bien dans Autosport, en termes de design. Mais la qualité n’était pas à la hauteur.»

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    Au soir d’une vie bien remplie, Chris Barber s’est aussi fendu d’une antho hautement recommandable : Memories Of My Trip. Ce double album lui permet de saluer tous les artistes qu’il a aimés et accompagnés, qu’il s’agisse d’artistes de jazz traditionnel ou de blues. C’est un disque qui s’écoute dans une atmosphère de respect passionné. Il attaque avec Brownie McGhee et un heavy «When Things Go Wrong», le modèle de «St James Infirmary», deepy deep in the flesh et Sonny Terry file des coups d’harmo. Plus loin, Chris Barber accompagne Muddy Waters dans «Kansas City». Comme il devait être fier d’accompagner cet homme, avec ce son patapouf de carapace bien swingué par Pinetop et Calvin Jones. Chris Barber joue de la basse sur le «Love Me Or Leave Me» de James Cotton. Il est à la racine de l’histoire du rock anglais, car on est à Londres en 1961, et James Cotton qui fut l’harmoniciste de Wolf joue comme un dieu. On passe à un autre dieu avec Rory Gallagher et un nouvel hommage à Muddy : «Can’t Be Satisfied». C’est un festin de son, un rootsy qui fout la trouille. Ils sont dans l’excellence du raw to the bone. On tombe plus loin sur Jeff Headley avec «Goin’ Up The River». Heavy Headley. On comprend que Barber l’admire. Il fait même un solo de trombone. Van Morrison fait deux incursions, dont un «Oh Didn’t He Ramble» produit par Dr John. On entend la fanfare de la Nouvelle Orléans. On entend aussi pas mal de Dixieland et des gens comme Paul Jones et Andy Fairweather-Low. Ottilie Patterson ouvre le bal du disk 2 et cette petite blanche chante comme une black, c’est très impressionnant. On entend aussi Keith Emerson faire du ELP au jazz boom easy. Puis Barber nous embarque dans une série de cool barroom jazz et de heavy dixieland, avec John Slaughter à la guitare et une clarinette qui se faufile partout. Chris Barber défend l’idée d’un swing intrinsèque, et il a raison. Même non féru de ce son, on se régale. Il n’en finit plus de nous embarquer dans des variations de jazz superbes. Il revient au boogie avec «Tailgate Boogie» et du sax in tow. Vers la fin, il fait jouer Mark Knopfler. Bon d’accord, Knopfler sait jouer, on le sait, mais ce n’est pas une raison pour nous l’imposer. Le beau voyage à travers les styles et les temps se termine avec «Til The Next Time I’m In Town», mais Chris Barber s’est acoquiné avec les m’as-tu-vu de service, Clapton et Knopfler, c’est assez dur à avaler, quand on sait que des tas de grands guitaristes grouillent sous le rocher de l’underground. Dommage. Il n’empêche qu’on a adoré le Trip de Chris Barber et principalement sa passion pour les artistes noirs et le dixieland de la Nouvelle Orléans.

    Adios amigo et merci pour ta passion.

    Signé : Cazengler, Chris barbant.

    Chris Barber. Disparu le 2 mars 2021

    Chris Barber. Memories Of My Trip. Proper Records 2011

    Chris Barber. Jazz Me Blues. Equinox Publishing 2014

     

    *

    L'important, Héraclite nous l'a signalé voici vingt-cinq siècles, c'est d'abord que le signe fasse signe. Un signe qui ne se remarque pas est raté, nul et non advenu. Hot Ram n'encourt aucunement ce reproche, n'avais même pas eu le temps de déchiffrer le nom du groupe, que l' image m'avait déjà arraché les yeux. Chez Hot Ram manifestement quand ils envoient la marmelade, elle vous arrive direct, brûlante, et en pleine gueule. Evidemment si vous êtes né de la dernière pluie, vous trouverez l'icône bizarre, mais vous avez déjà remarqué que les rockers sont des gens étranges. Donc vous n'êtes pas surpris. Par contre si vous êtes un rescapé de l'avant-dernier déluge vous réagissez immédiatement. Si vous faites partie de la commune et stupide race moutonnière d'Abel, vous montez sur les grands chevaux de la morale, ce n'est pas bien, ils l'ont volée, c'est honteux, je vais les dénoncer, j'espère que les avocats vont leur tomber sur le dos, les accuser de plagiat et leur demander des millions de dollars de dédommagements, avec un peu de chance ils finiront leur vie en prison... Mais si vous appartenez à la tribu maudite de Tubal-Caïn chantée par Baudelaire et louangée par Leconte de Lisle, bref vous correspondez à que le vulgus pecum désigne d'une moue méprisante sous le nom infamant de rocker, vous jubilez, vous comprenez que c'est un signe. Illico le coquelicot vous entreprenez de le décrypter.

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    Soyons francs, ne faut pas être diplômé de l'ENA pour en reconnaître l'origine, les Hot Ram ne se mouchent pas avec la manche de la modestie, pour leur troisième opus, z'ont carrément ( ou rondement, selon vos affinités géométriques ) pompé la pochette du Led Zeppe V, The House of Holy. Tout de suite une question nous taraude : les Hot Ram seraient-ils à ce point dépourvus d'imagination qu'ils ont emprunté en douce - du genre pas vu, pas pris - le premier truc qui leur est tombé sous la main. Style le mec qui a volé la Joconde et qui s'aperçoit qu'il ne peut pas la revendre car la toile est connue comme le loup blanc. D'évidence vous rejetez au rebut cette hypothèse, ils ont donc commis leur ignoble forfait en toute connaissance de cause. Vous refile le nom du faussaire : Steven Yoyada, un tour sur son site prouve à l'excès qu'il ne manque pas d'idées, l'a créé des dizaines de pochettes pour des groupes hard-doom, des créations originales sorties tout droit de son cerveau.

    Autre interrogation, pourquoi le V et pas une autre. D'autant plus que de toutes les pochettes de Led Zeppe la seule qui à l'époque ait fait quelque peu tiquer les bonnes consciences est justement the fith cover. La Une quelconque, la Deux mégalomaniaque, la Trois ingénieusement sans sens, la Quatre mystique, etc... bref des pochettes comme des milliers d'autres albums, mais la Cinq, avec ces gamins nus à l'assaut de la chaussée des géants, aujourd'hui personne n'oserait la présenter, notre triste époque puritaine n'admettrait pas... in the seventies ce n'est pas la nudité des gamins qui dérangeait mais leurs cheveux blonds et l'on ne s'est pas privé de déclarer ( pas trop fort tout de même ) que le dessin présentait des aspects crypto-fachistes... N'y a pas qu'à Cambrai que l'on rencontre des bêtises !

    Nous avons vu le comment, reste à expliquer le pourquoi. Pour cela ne reste plus qu'à écouter le disque. Electric Medicine, un beau titre très ambigu, l'expression ''médecine électrique'' nous oblige à penser aux thérapies à base d'électrochocs dont on a longtemps abusé dans les asiles d'aliénés pour rendre à la raison des patients récalcitrants... Aujourd'hui seuls les rockers adorent que leurs groupes préférés leur fasse subir live de telles commotions EDFiques. Z'aiment l'empire des ampères. D'un autre côté le mot électrique permet aux amateurs de rock'n'roll de comprendre que le disque n'appartient pas à la catégorie folk acoustique. Quant à medicine, le vocable évoque les medicine men des tribus indiennes, l'on est sûr que l'on est parti pour une transe chamanique des plus plus crues, des plus sauvages. Le rock présente un aspect poteau de torture des plus gratifiants. Plus vous supportez, plus vous êtes un brave.

    Enfin pour que vous ayez toutes les pièces en main, blablatons un peu autour du V Zéplinesque. Avec le Un, le Dirigeable prend son envol sur l'aérodrome du British Blues, se classe d'emblée dans les meilleurs, avec le Deux ils mettent au point la recette du hard-rock, z'atteignent le zénith, avec le Trois prennent les fans par surprise, l'on attendait la tonitruance, ils accouchent d'un trente-trois de folk-rock électrique – dans le style à mon humble avis personne n'a fait mieux - avec le Quatre c'est le retour au rock, deux titres qui cartonnent à mort et une ballade à vous pendre de désespoir. En quatre albums ils ont fait le tour du domaine rock. Pourraient prendre leur retraite. Mais non, Page a envie d'aller plus loin. Voici le Cinq, c'est le disque du Led que j'aime le moins. Mais c'est le plus abouti et le plus novateur. Tout ce qui viendra par la suite ne sera que surenchère, Page entasse les riffs les uns sur les autres, les chrome et les cisèle à l'or fin. C'est beau, c'est sublime mais aussi un peu toc. Le Cinq pour en entrevoir la portée faut le mettre en parallèle avec ces concepts dont on ne sait pas trop ce qu'ils veulent dire, du genre ''postmodernité'', l'on se situe sûrement après la modernité tout en restant totalement englué dans cette maudite modernité. A cette aune-là le Cinq est un disque postrock'n'roll, ce n'est plus du rock mais c'est encore du rock'n'roll. Point de non-retour ou cul-de-sac. Les deux mon général. Musicalement cela se traduit comment : le projet est d'une simplicité biblique, faut tuer le riff. Page qui n'est pas tout à fait un idiot, tourne et retourne la question dans son esprit. L'on ne peut pas tuer le Riff comme l'on a tué Dieu. Sans quoi l'on n'est pas sorti de l'auberge. Quand on pense que les trois-quarts de nos contemporains ont applaudi à la mort de Dieu, et que depuis ils tirent une sale mine, n'ont rien trouvé pour le remplacer, l'absence de Dieu les émeut, leur vie manque de sens, c'est que l'on appelle le retour du refoulé dans la conscience humaine ou le retour du politique en tant que remodélisation du politique... L'a compris le Page que si l'on tue le Riff, les fans le regretteront jusqu'à la fin de leur existence. Page trouve la solution pour tourner la page, ne s'agit pas de trucider le Riff mais de veiller à son extinction. Comme pour les dinosaures. Le concept d'aprèsdinosaurité n'existe pas, Y a eu les dinosaures. Puis y a eu autre chose. Pour Page une seule solution, on ne supprime pas le Riff on le noie sous un déluge de riffs à tel point que vous vous trouvez face à un énorme amas de riffs tellement entremêlés que vous êtes incapables d'en reconnaître un seul. Il pleut des riffs à tout berzingue dans le V, exactement comme un nuage de sauterelles, vous ne voyez plus les sauterelles mais le nuage vous recouvre et vous oubliez l'existence des orthoptères verdâtres... Bref dans le Cinq le Zeppelin vous en donne plus pour que vous en ayez moins. Désormais vous êtes aptes à écouter cette Electric Medicine !

    ELECTRIC MEDICINE

    HOT RAM

    ( Mai 2021 / The swamp records )

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    Billy Kondel : guitar, vocals / Gordon White : drum / Dee Flores : bass.

    Le groupe est originaire d'Atlanta, le disque a été enregistré entre février et septembre 2020. Avec entrecoupements pandémiques et les émeutes générées par l'assassinat de George Floyd. Si l'on ne peut plus trucider un noir en toute tranquillité, c'est à se demander, chère Madame, où va le monde. Je ne vous le fais pas dire cher Monsieur.

    The hunter lies : profitons-en, le son vient de loin, un frétillement de cymbale qui se prend pour des écailles de crotales et des espèces de sifflements qui s'accentuent sans fin, enfin avec une faim décibellique poussée par la basse qui s'enferme en elle-même de plus en plus fort et une batterie qui pulse et s'affole toute seule, c'est maintenant que vous réalisez que vous êtes emporté par un flot diluvien emmené par le chant de Kondel, ne hurle pas, une voix monocorde presque enrouée qui chante bien en dessous de sa puissance, l'on entre dans quelque chose d'ouaté , le morceau file un sale coton, les lyrics prophétisent des horreurs sur notre monde, vous ne vous en apercevez pas, l'ascenseur vers le paradis s'élève doucement, une basse étouffante, une guitare incessante, une batterie qui pousse le roulement beaucoup qu'elle ne l'entraîne, le riff se déploie et vous submerge, l'on a bifurqué vers on ne sait où mais il est certain que l'on a délaissé les contrées édéniques loin derrière nous. Conamara kaos : belle résonance de guitare, la batterie tapie par dessous tel un cobra royal colérique qui s'élève, le riff arrive et ne revient pas, l'est immédiatement remplacé par lui-même et le véhicule d'exploration des contrées froides prend de la vitesse, le barrissement d'éléphant enrhumé de Kondel occupe malgré sa féline modestie toute la place et l'on accélère encore une fois, l'on passe des paliers de compression, à chaque étape vous jugez qu'il est, non pas impossible, mais inutile de se propulser plus loin, la machine repart, il est évident que le retour obstiné du même riff n'est pas le retour du même, la fin devient précipitée, une machine haletante et pulvérisante. Trans am : on the road again, presque en pays connu, un bon hard des familles qui shuffle à mort, c'est la voix de cambouis kondélique qui se répand sur la graisse des illusions, attention les gars, vous faites la course avec le plus grand groupe du monde, alors ils astiquent les riffs et surtout ils s'interdisent les jolies bouclettes de voix de Plant, cette manière de faire des ronds de jambes, et la rythmique se charge du boulot à bras-le-corps, c'est le moment de montrer qui l'on est, et ce qu'on l'on a dans le ventre, tout ce que le Zéplin fait, on le décale, on le recale, on le décolle et on le recolle, ici ce n'est pas le bal des débutantes, là où le dirigeable fait sonner ses salves trompettes l'on se déplace à la manière d'une monstrueuse colonne de chenilles processionnaires qui coule sans éclats, qui se confond avec la braise irradiante des riffs, elles ne mordent pas mais elles vous brûle telle une tunique de Nessus mouvante que rien ni personne ne peut arrêter.

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    Riding on the wind : sont tellement sûrs d'eux qu'ils brouillent les cartes, vous pensez au Zeppe, bien tiens une reprise de Judas Priest, rien que pour le plaisir de la trahison des analyses trop faciles. C'est ce que l'on appelle avoir deux sorties à son terrier. C'est qu'il existe une grande différence entre Judas et le le Dirigeable, deux grands groupes mais les natifs d'Atlanta City visent avant tout à l'efficacité, tactiquement sont comme les armées révolutionnaires, z'attaquent en masse quand ils sont sûrs de vaincre, le Led c'est pareil mais le Page joue le rôle de Napoléon, l'aime bien promener l'ennemi d'abord, toute la différence entre le terrier, le toutou de son maître qui se jette sur le mulot et vous le tue net d'un coup de dent et le chat libre et cruel qui s'amuse d'abord avec sa victime, qui l'envoie valser de ses pattes agiles aux quatre coins du monde pour que vous jouissiez du spectacle et puis qui se retire pour vous laisser nettoyer la boucherie... le Ram vont-ils se la jouer subtil, à première ouïe ils repiquent tous les plans du Priest, n'y a que la voix qui n'atteint pas la beauté cisaillante du modèle, alors ils se rattrapent sur la sonorité des riffs, les font plus clinquants, les repeignent, passent le polish sur la carrosserie. Au final c'est un peu un coup pour rien. Z'ont voulu réaliser l'alliage de deux métaux lourds précieux mais ils n'ont pas réussi l'orichalque mythique que les groupes de Metal recherchent, souvent sans même le savoir. The grave of Arch Stanton : l'on parlait de métal, n'oubliez jamais que l'or est enchâssé dans la mort, les amateurs de Sergio Leone comprendront l'allusion aux scènes dernières de Le Bon, la Brute et le Truand. Perso je pense qu'ils auraient plutôt dû se référer à la Fistfull de dollards, vous la joue trop mélodramatique, trop emphatique, une rythmique pesante et insistance aussi lourde qu'une pierre tombante, de quoi ravir ceux qui aiment les bouillabaisses bien grasses, mais le Zepplin vous aurait traité le duel final sans tricher comme dans le film. Non au tueur, oui au viseur d'élite. Binary sunset : les deux titres précédents nous déçoivent un peu, ne sont pas au niveau du projet initial, il s'agit de prouver que question résolution des problèmes, l'Hot peut proposer une solution à laquelle Page n'avait pas pensé. L'heure est sérieuse ce coup-ci il faut savoir se dépatouiller de ce bâton merdeux qu'est le sceptre mental de la Force, montrez que l'on peut le manipuler sans s'en mettre plein les doigts. Eveil vocal, arpège de guitare, ne pas confondre avec l'art Page, au titre précédent nous étions dans un triel, nous voici dans le duel final. Un peu longuet et répétitif dans les débuts, faut attendre quatre minutes avant que ne se déploie un de ces riffs arabisants qui sont comme le secret caché du Led, avec en plus ce ronronnement de quadrimoteur qui précède Friends sur le 3, c'est d'ailleurs à partir de ce moment que le morceau acquiert toute sa beauté, clameurs riffiques et avancées inéluctables, montées progressives vers l'octave suprême de l'orgasme. Le Bélier en Chaleur maîtrise son sujet, toute agonie se doit d'être une apogée ( grande leçon zéplinesque ), vous vous saisissez de la fiole de ce médicament électrique, et vous l'avalez d'un seul coup sans même prendre le temps de l'ouvrir. C'est ainsi que l'on survit aux poisons les plus dangereux.

    Ne faut pas se le cacher, un des disques doom-stoner-hard-metal les plus fascinants de cette période-covidique. Des gars qui ne cherchent pas à vous écrabouiller, mais qui ont compris qu'un style, et surtout une forme musicale, se doit d'évoluer et se surpasser, sinon elle se sclérose et il ne reste plus qu'à coller une étiquette dessus. Avec la mention : Affaire Classée.

    Un disque qui fait du bien au rock ne peut que vous faire du bien.

    Damie Chad.

    *

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    Il est des personnes dont il faut se méfier. Ne riez pas, je ne cherche pas à vous faire peur. Juste à vous faire prendre conscience. Ces deux-là, ne sont ni des radicaux, ni des extrémistes, ni des terroristes. S'ils pouvaient être des individus de ce genre, ce ne serait rien. Je ne les signalerais pas à votre attention. Non, ils sont pires que tout. Ce sont des italiens. Ne me traitez pas d'italophobique ou de racisme anti-italien. Je suis persuadé qu'il existe quelques dizaines de millions d'Italiens qui ne sont ni meilleurs, ni pires que nous. Mais ce binôme malfaisant ne fait pas partie du lot. Je me hâte de vous donner leurs noms au cas où un malheureux hasard vous mettrait en rapport avec eux. Roberto Biasin et Domenico Groppo. Sont originaires de Vicenza. Si vous les rencontrez n'hésitez pas à les poignarder dans le dos, à les arroser d'essence pour les brûler vivants, à leur arracher les yeux et de les donner à manger à votre chien. Vous ne me remercierez jamais assez de ce sage conseil. Kr'tntreaders toutes ces lignes vous concernent très précisément. Passé le trois juillet 2021, il sera trop tard. Sont en train de fomenter un piège diabolique ( adjectif bien faible ) pour vous emprisonner. Songez que ces deux individus se présentent d'une manière fort avenante pour un amateur de rock, à eux deux ils forment un groupe de Metal. Nous avons pu nous procurer un terrible document qui démontre à l'excès que nous ne plaisantons pas. Il n'est pas ultra-secret, il traîne sur YT sous l'innocente apparence d'un clip, l'image de présentation est si confuse, qu'elle vous inspirera pitié, vous mettrez en marche la vidéo le cœur empli de sollicitude, qu'ils aient au moins quelques personnes qui aient visionné leur opus, il faut encourager les artistes débutants, au fait vous demanderez-vous, comment se nomment-ils, quel drôle de lettrage illisible.

    Bien sûr que c'est fait exprès, ne cliquez pas dessus, la musique n'est pas particulièrement violente, tous deux sont à la guitare et se chargent du vocal, Roberto trafique en plus au synthé et à la basse. Trop tard, c' est une vieille histoire, regardez-la et lisez-la ( les lyrics s'affichent ), elle est plus vieille que notre monde, ne la racontez pas à vos enfants, leur imagination pourrait s'enfiévrer...

    FATE OVER SARNATH

    Oui nous sommes à Sarnath la cité mythique enfouie sous les eaux depuis si longtemps, une légende immémoriale que les grands-mères racontent aux petits enfants pour leur apprendre à être sages, mais les voix qui chuchotent ce soir à nos oreilles ne se parent pas des timbres chevrotants des douces mamies, c'est un chœur angoissant qui psalmodie l'histoire de Sarnath, les vues de la vidéo ressemblent à ces images piquées de parasites des tout premiers films, écoutez plutôt ceux qui parlent, Sarnath la glorieuse recouverte par les eaux et sa population noyée, depuis des siècles et des siècles, mais parfois la mort elle-même peut mourir et les morts revivent, la musique se densifie et nous plongeons dans les profondeurs de Sarnath, un murmure grandiose s'élève, et la prophétie s'énonce, ils ressortiront du lac, qui donc ? Comment donc ? Mais avec l'aide de ceux qui ont signé l'artwork sous le pseudonyme de :

    STARSPAWN OF CTHULHU

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    Les laitances de Cthutlhu, Cthulhu le dieu maudit, le monstre a-humain sortis des imaginations malades d'August Derlerth et de H. P. Lovecraft, qui attend son retour, prisonnier dans des abysses incommensurables... riez tant que vous voulez mais les rêves du Dieu entrent dans les cerveaux humains et toute une frange dépravée de l'humanité se regroupe afin de décadenasser les portes de l'abîme et d'acter a sa délivrance... sous le nom de Starspawn of Cthulhu, Roberto Biasin et Domenico Groppo œuvrent à cette horreur qui signera la disparition de l'espèce humaine.

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    Cette vidéo est le premier titre de leur prochain EP, Tales Of The Unknown à paraître le 3 juillet. Choisissez votre camp.

    Damie Chad.

    P. S. : En fait chez Kr'tnt nous adorons Cthulhu, ne le répétez pas, cela pourrait vous attirer des ennuis...

     

    FAN ! FAN ! FAN !

    JACQUES BENOIST

     

    Parfois la nuit j'ai des remords. J'ai du mal à m'endormir. Le fils du Chef devait se marier. J'avertis tout de suite les Kr'tntreaders amateurs de notre série Rockambolesques, il ne s'agit pas du même Chef. Facile de les reconnaître, celui-ci ne fumait pas de Coronados. Donc son fils sympa se préparait à convoler en justes noces. Un mec qui aimait la musique. D'où le cadeau de mariage tout trouvé, une pile de 33 tours. Ai-je commis un crime irréparable. En tout cas, je plaide non coupable et j'ai des circonstances atténuantes. Je ne connaissais rien de lui, je n'avais entendu qu'un seul de ses titres, Crocodile Rock – oui j'ai honte, d'Elton John, j'en avais déduit que ce devait être un gars qui s'inscrivait dans la mouvance de Sha-Na-Na. Erreur lamentablement manifeste. Attention, l'était bien accompagné l'Elton, entre autres un Bowie, un Velvet, un Doors, et si ma mémoire ne me trompe pas un MC 5... Oui mais tout de même cette faute de goût...

      • Courage Damie, c'était en 1972, faute avouée, faute à moitié pardonnée, par contre si tu pouvais expliquer pourquoi tu nous racontes cette ancienne histoire !

      • A cause de Jacques Benoit !

      • Inconnu au bataillon, Damie, éclaire notre lanterne !

      • C'est un peintre !

      • All right Damie, explique-toi davantage, quel rapport avec le mariage du fils du Chef ?

      • Aucun, c'est avec Elton John que ça coince, figure-toi que ce cancrelat a commis une série de tableaux sur Elton John !

      • Damie tu ne trouves pas que tu te montres un peu intransigeant, ce n'est pas parce que tu n'aimes pas Elton John que ce mec n'a pas le droit d'être inspiré par Elton John !

      • C'est que tu ne connais pas les dessous de l'affaire !

    LES DESSOUS DE L'AFFAIRE

    Evidemment, il y a une fille au début de l'embrouille. Et pas n'importe laquelle. Lorsque j'ai eu fini les deux chroniques précédentes, j'étais en train de me demander à quel autre groupe de Doom j'allais m'attaquer lorsqu'une idée lumineuse m'a traversé l'esprit. Et si je faisais quelque chose de plus original. Une chronique rock sans disque de rock. Petit moment que je tournais autour de Joni Mitchell, une grande dame, elle n'a pas besoin de moi, et puis j'ai dit pas de disques, certes justement Joni a toujours expliqué que la musique ce n'était pas tout à fait son truc, oui elle aimait gratouiller sa guitare, mais ce qui lui plaisait le plus c'était le dessin et la peinture. Toutefois il est plus facile de gagner un peu d'argent en chantant dans un café que de vendre un tableau pour payer son loyer. Super banco, une chro sur les tableaux de Joni ! Peut-être pas l'idée du siècle, mais nous ne vivons pas non plus dans le siècle de l'idée !

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    J'ai tout de suite écarté la tentation d'un laïus sur les nombreuses pochettes de ses albums illustrées par une de ses œuvres. Faudrait obligatoirement mettre en rapport avec le contenu sonore, j'ai dit pas de disques ! Première opération, cliquer sur Images et repérer une dizaine de toiles de la chanteuse qui m'inspirerait. C'est-là que les difficultés ont commencé. Des repros de toiles de Joni, l'écran en regorgeait. Z'oui, mais je ne parvenais pas à saisir une ligne directrice, trop de styles différents, je m'y mélangeais un peu les pinceaux...

    Bref au bout d'une heure je n'avais réussi qu'à formuler un vague projet de tocard, commenter les portraits de quelques idoles du rock, Bob Dylan, Neil Young, et consorts, pas folichon ! J'étais prêt à abandonner quand en désespoir de cause je me suis rabattu sur le site officiel Joni Mitchell. Je me méfie généralement de ces auto-monuments de haute glorification et de basse commercialisation... Mais là, chapeau bas. Des centaines de documents, triés, commentés, chronologisés, une merveille... des heures et des heures de lecture. Instructive... Qui m'ont conduit à un triste constat, difficile de tirer de cette caverne d'Ali-Baba une ligne de force quant à la compréhension du travail pictural de l'artiste. Entre nous soit dit, il me semble que le temps a manqué à Joni pour s'engager dans une véritable démarche créatrice graphique. Pas facile de concilier en même temps deux activités artistiques qui engagent l'être en ses tréfonds. Pour la petite histoire au tout début de ma recherche j'ai débarqué sans trop de jugeote sur un article consacré à la peinture de Joan Anderson , jeune fille Joni Mitchell se dénommait ainsi, facile de profiter de cette homonymie pour mesurer la force de l'engagement d'un peintre résolu par rapport au dilettantisme de Joni en la matière.

    Les ordis sont peut-être plus intelligents que nous, à moins que ce ne soit uniquement le mien dopé par les subtils effluves du génie qui s'échappe de mon cerveau, toujours est-il qu'il m'a proposé de lui-même une drôle de triangulation, Joni, Jaques Benoit, Elton John, la deuxième occurrence d'une banalité écœurante ne m'évoque rien, je clique tout de même, et hop je me retrouve sur le site de Joni – l'est aussi vaste que le palais labyrinthique de Knossos en Crète – et je tombe sur un début de texte, si vous vous y risquez, au minimum une heure de lecture, un fan inconditionnel de Joni qui passe sa discographie en revue, disque par disque, totalement dithyrambique, c'est à la deuxième partie que ça se corse ( année Napoléon oblige ) et que ça se gâte ( Sainte Agathe priez pour nous ), nous parle de lui, c'est une copine d'école d'art – il est peintre - qui lui conseille d'écouter Blue d'une certaine Joni Mitchell qu'il ne connaissait ni d'Eve ni d'Adam, l'achète, l'est subjugué, court au magasin et rafle la dizaine d'albums de sa nouvelle idole qui à l'époque sont déjà sortis. Ne fait pas mystère du pourquoi de ce coup de foudre pour Joni. Qui se ressemble, s'assemble, dans sa jeunesse Joni n'hésitait pas à chanter ses désespoirs amoureux, or lui-même Jacques Benoit est en train de vivre une tragique histoire d'amour. Trois ans au fond du trou. L'important dans la vie ce n'est pas d'être malade mais d'avoir le bon médicament. Va vite trouver la prescription adéquate.

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    L'a eu une chance dans sa vie, par l'entremise d'un tiers une de ses œuvres est parvenue aux yeux d'Elton John, qui lui a commandé toute une série de panneaux publicitaires pour sa prochaine tournée, lorsque l'on est jeune, ça ne fait pas mal sur un curriculum vitae. Ça l'étoffe grave. Se décide donc à consacrer toute une série de tableaux à Joni Mitchell. L'a des morceaux qui lui plaisent particulièrement, les traduit ( tant bien que mal, pas si mal que cela ) et décide d'en tirer un petit livre, texte d'un côté, l'illusse sur l'autre page. Son rêve serait de présenter l'artwork à la Diva, n'y serait jamais parvenu si ses amis ne l'avaient pas poussé... Les deux entrevues avec Joni sont à lire, la première à Paris, à l'hôtel après le tour de chant, avec le mari qui finit par s'endormir sur le canapé, une Joni toute simple, disponible, accueillante, intelligente, rieuse... je vous laisse les découvrir, pas souvent qu'une star se révèle conforme à sa légende... Mais il est temps d'en venir à Jacques Benoit. Quand je pense qu'il va falloir que je dise du bien d'un gars qui s'est commis avec Elton John, la vie est pleine de contradictions !

    JACQUES BENOIT

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    L'est né en 1955. On a pris l'habitude d'inscrire son œuvre dans la mouvance de la Figuration Narrative. Groupe de peintres qui au début des années soixante réagissent contre la suprématie culturelle de l'abstraction... Figuration parce que l'on retrouve des sujets humains en chair et en os si j'os dire, Narrative parce que le décor autour, la mise en avant et l'attitude des personnages, tout concourt à faire comprendre au spectateur qu'il se passe quelque chose, que l'on est en pleine action, qu'une histoire est en train de se dérouler, très logiquement la Figuration Narrative induit sur notre modernité un regard critique voire politique. Je rajouterai qu'il existe des accointances formelles entre la Figuration Narrative et le traitement exponentiel des ''héros'' dans la bande dessinée à forte expressivité. Je n'engage que moi dans cette dernière assertion. Merci les Comix. La barrière infrangible entre l'art populaire et la culture savante est de plus en plus évanescente... Ce dernier mot pour ne pas offusquer un lectorat qui serait trafalgaeisé par l'expression ''totalement illusoire''.

    Si vous vous promenez dans la partie que je nommerai brésilienne de Jacques Benoit, gare à vos yeux, l'occasion de vous cogner l'œil sur un mur de béton ne manquera pas de survenir. Vous comprendrez vite la notion prééminente du décor. Jacques Benoit aime l'architecture. Pas n'importe laquelle, la petite maison dans la prairie ce n'est pas son dada. L'aime les gros coffrages, le précontraint, chez lui pas contraint du tout, en totale liberté, une espèce en expansion indéfinie. Ce n'est pas qu'il empile les cubes pour le plaisir. Tout entassement doit être porteur de sens. L'est un admirateur d'Oscar Niemeyer. Pour situer ce dernier selon une référence française, c'est à lui que le Parti Communiste ( au temps où il raflait entre vingt et vingt-cinq pour cent des électeurs ) avait confié la tâche de dessiner le bâtiment destiné à abriter le siège du Parti Communiste Français. Niemeyer est un disciple de Le Corbusier, il est célèbre pour avoir conduit la construction de Brasilia, la nouvelle capitale du Brésil. Le tableau le plus célèbre de Jacques Benoit est sans aucun doute la toile intitulée Orly ( Sud ) vol 14 The landing de 1964.

    JONI MITCHELL / JACQUES BENOIT

    Jacques Benoit a consacré une bonne soixantaine de toiles à Joni Mitchell. Elles sont en partie visibles sur son site Jacquesbenoit.com. Attention il s'est aussi intéressé à Ricky Lee Jones, David Bowie, Véronique Sanson, et Elton John... Je n'en ai choisi que quelques unes. Parce que tel est mon bon plaisir. Je n'ai même pas cherché à donner un aperçu '' objectif'' de cette production. J'ai privilégié un seul type de support, j'ai dédaigné l'acrylique, la gouache, l'huile, je me suis focalisé sur les linogravures - ai toujours eu un faible pour cette technique qui me semble être la continuation de la gravure sur bois, qui a été longtemps utilisée pour illustrer les livres de poésie - et les monotypes. Toutes ces œuvres portent des titres provenant d'un morceau de Joni Mitchell, je ne me suis guère enquis de ce rapport, je conçois l'art du peintre au pire comme une évocation libre du réel mais surtout pas comme une reproduction photographique d'une réalité quelconque, je reste tout de même conscient que l'origine américaine – elle est née au Canada - de la chanteuse qui a motivé ces peintures a induit le travail de Jacques Benoit et infléchit le regard curieux de l'amateur. Placer ces tableaux dans le cheminement de l'artiste Jacques Benoit ne me convient guère, je ne suis pas critique d'art. Soyons franc au travers de Joni, de Jacques et de tout autre éventuel intercesseur i(ni)maginable, ce que je cherche à voir, c'est avant tout mon propre reflet. Contrairement à ce que raconte la légende, Narcisse n'a pas obligatoirement besoin d'un miroir, l'opacité des choses accomplit le même office.

    LAKOTA

    ( 01 / 1988 – 1989 )

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    L'artiste nous en propose deux tirages. L'indien enfermé dans une boîte synonyme de réserve. Son corps en épouse la forme. L'on aime que le guerrier résiste encore, qu'il tienne fermement son coutelas. Fausse piste. Mauvaise interprétation. Le guerrier est vaincu. Gît à terre, c'est le godillot de l'homme klu-klux-klanesque qui le piétine, le roi dollar a gagné la guerre. Ne subsiste du Lakota que deux bras qui coulent tels des ruisseaux de sang. Le dernier des Lakotas regarde une dernière fois le soleil, avant d'être égorgé, ou de subir l'outrage du scalp de ses plumes. L'est déjà dans son cercueil, l'est autant emmuré par sa revendication de fierté lakotienne que par les planches dont les clous délivrent un dernier message : sympity me ! Humour noir. Ou rouge. Vous avez eu la thèse et l'antithèse, voici la synthèse. L'interprétation de la peinture se doit d'être dialectique, sans quoi l'on ne peut rendre compte du mouvement. Sont tous les deux vaincus. Le rouge et le blanc. Tuer l'un entraînera la mort de l'autre. Symboliquement le peau-rouge éteint la lumière de la vie. Il débranche le soleil de l'interdépendance universelle.

    DOG EAT DOG

    ( 03 / 1986 )

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    Titre d'un album de Joni. En français nous avons la même expression, mais sous un autre angle : Les chiens ne font pas de chats. Nous regardons la dernière version des trois présentées. Ce n'est pas la plus forte, nous préférons la première, mais en petite dimension c'est celle qui est la plus explicite. Si l'on veut la situer dans la mythologie, ce serait l'équivalent du combat des Centaures contre les Lapithes. Ici c'est moins discernable. Sont-ce des chiens, des taureaux, des centaures, des hommes ? En tout cas l'ambiance est électrique. Prise mâle et prise femelle enchevêtrées. Chassons la bête qui est en nous. Affirmons que ce sont des êtres humains. L'on a envie de ressortir la vieux dicton d'Horace, l'homme est un loup pour l'homme. Et si ces deux individus étaient du sexe opposé, faudrait-il dire que le loup est un loup pour la louve ou bien que la louve est un loup pour le loup. Les deux premières versions vous épargnent toute complication, les deux individus qui font la guerre ou l'amour sont en monochrome bleu sur la première et en monochrome rouge sur la deuxième. Toutes deux se valent. Le désir de dévoration est également partagé dans le couple. Grande mort ou petite mort, c'est toujours la mort que l'on recherche lorsque l'on se précipite l'une vers l'autre... Cet artwork possède la force de certains tableaux de Picasso. Le mastoc mastique.

    THE JUNGLE LINE

    ( 02 / Monotype / 1985 )

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    Encore une série de trois. Ici nous avons pris l'option contraire, z'avons élu la plus sombre, la plus indistincte. Faut rajuster la focale de la pupille pour discerner le dessin, l'on y voit que du noir, ou du gris éléphant. Dans un documentaire de nuit sur les animaux de la jungle, les yeux des bêtes sauvages clignotent. Ici ce n'est pas le cas. Ce sont les fenêtres des gratte-ciel qui tiennent ce rôle. La jungle est partout. Depuis les temps primitifs, une pyramide mastabienne vous le confirme, ça dure depuis longtemps et ce n'est pas près de s'arrêter même avec le progrès technique. C'est un peu la même chose que sur la linogravure précédente. Avec Dog eat dog, l'on était en petit comité, on s'occupait de ses affaires entre soi, mais là c'est étendu à la planète entière. L'on ne voit qu'un couple qui s'affronte mais au vu et au de tout le monde, y a même des musicos qui jouent du djembé pour attirer l'attention des esprits distraits. L'homme et la femme ne valent pas mieux que les bestioles sauvages, l'appel du sang rouge est partout, Schopenhauer nous parlerait du vouloir vivre. Ici c'est table ouverte et grande bouffe collective. Homme espèce primitive. Pas de mal pour identifier Joni en grande prêtresse du désir.

    PAPRIKA PLAINS

    ( Monotype / 1985 )

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    La revoici. La prêtresse du vril. Elle survole. L'effigie de l'indien des plaines. La chamane, l'esprit du grand serpent darde la dague du désir de vaincre, l'homme est rouge et la femme s'amuse à se déguiser en ce continent noir qui angoissait tant papa Freud. Ici tout se joue au niveau dt symbole. Du totem sans tabou. Elle amène le soleil et l'hymen de sang. Pas de règles. Pas d'interdits. Tableau empreint d'un paganisme outrancier. Coiffure d'aigle et anneau de serpent, reconnaissez l'héraldique de Zarathoustra. S'il existe un Surhomme c'est qu'il a été engendré par une Surfemme.

    BLACK CROW

    ( 02 / Monotype / 1984 )

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    La version 3 est azuréenne, presque une promesse de bonheur ? La version 1 est davantage explicite. La deux est noire. Darkly. Poesque. Ce n'est pas le dessin d'un corbeau mais l'apparition de l'esprit du corbeau. Nous avons changé de dimension. Mais le corvidé n'est pas seul. Une femme le chevauche. Rien à voir avec le merveilleux voyage de Nils Holgersson à travers la Suède. Ressemble davantage à la Mort sur sa Rossinante étique. Elle n'a pas sa faux. Parce qu'elle est vraie. Elle est la forme qui donne la vie mais dans le même cadeau vous offre en supplément gratuit le décès garanti. Elle se lamente de désespoir, mais elle est la femme-corbeau et elle est aussi le corbeau, cet animal mystérieux, compagnon d'Odin, qui détient la sagesse et les gènes de l'outre-mort. Pourquoi cette femme si blonde et au sourire si fin s'est-elle transformée en oiseau de malheur. Je me permets de vous répondre uniquement à la première question de ce paragraphe. Parce que les symboles sont réversibles.

    SWEET BIRD

    ( Linogravure / 1984 )

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    Nous avons remonté le temps. S'il n'était signé de Jacques Benoit, il mériterait d'être nommé Autoportrait. L'est bien sombre pour correspondre au titre attribué par l'auteur. Femme-oiseau certes, nous l'acceptons. Si noir que le blond de ses cheveux est devenu blanc. Obligatoirement, car la noirceur ne supporte pas le soleil. Non pas du tout. Ce n'est pas une chevelure, mais une blanche colombe au bec rouge qui vient baiser les lèvres écarlates de la femme. Nous n'avons pas à faire avec une oie blanche, le secret des connaissances et du savoir est enfermé dans les pyramides. Sans doute est-elle la gardienne du seuil.

    Nous arrêterons-là. Nous n'avons établi qu'un parcours. Ceux qui connaissent quelque peu la vie et l'œuvre de Joni Mitchell, la reconnaîtront. Les autres chercheront et écouteront ses disques. Ce qui est sûr c'est qu'au travers de ses linogravures et ses linotypes, Jacques Benoit a su saisir l'âme tourmentée de cette femme dont les éclats les plus noirs brillent comme des diamants et les éclairs les plus translucides se teintent de noir lorsqu'elle se mire dans le soleil de l'existence .

    Damie Chad.