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desolate grave

  • CHRONIQUES DE POURPRE 582 : KR'TNT 582 : P. J. PROBY / SUEDE / DUSTY SPRINGFIELD / DRIPPERS / ADMIRAL SIR CLOUDESLEY SHOWELL / DESOLATE GRAVE / POBBY POE & THE POE KATS / ROCKAMBOLESQUES

    KR’TNT !

    KEEP ROCKIN’ TIL NEXT TIME

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    LIVRAISON 582

    A ROCKLIT PRODUCTION

    SINCE 2009

    FB : KR’TNT KR’TNT

    05 / 01 / 2023

     

    P. J. PROBY / SUEDE

    DUSTY SPRINGFIELD / DRIPPERS

    ADMIRAL SIR CLOUDESLEY SHOWELL  

    DESOLATE GRAVE

     BOBBY POE & THE POE’S KATS

     ROCKAMBOLESQUES

     

    Sur ce site : livraisons 318 – 582

    Livraisons 01 – 317 avec images + 318 – 539 sans images sur :

    http ://krtnt.hautetfort.com/

     

    La probyté de P.J. Proby

     

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             Pour présenter P.J. Proby, Simon Goddard cite Nik Cohn. Cohn qualifiait Proby de the great doomed romantic showman of our time. Le portrait de P.J. Proby se trouve en effet en couverture d’un petit roman de Nik Cohn intitulé I Am Still The Greatest Says Johnny Angelo, et pourtant, ce n’est pas un livre spécialement consacré à P.J. Cohn se livre à l’exercice de la fiction rock, dans ce qu’elle peut présenter de plus aléatoire, mais il précise tout de même dans sa préface que sa principale source d’inspiration est P.J. Proby : «Proby, pour tous ceux qui n’étaient pas là en 1965, était un solide gaillard originaire du Texas qui débarqua dans la British pop pour la ravager, comme John Wayne à Iwo Jima. Imaginez le Duke en costume de velours bleu avec des escarpins à boucles aux pieds et une coiffure de page du 18e siècle. Il créa la sensation, mais son talent pour l’auto-destruction surpassa encore ses prodigieux talents de chanteur et de showman et il disparut rapidement.» Cohn s’intéresse en fait à la notion de self-made gods, qu’on appellerait en France les demi-dieux. Il cite Elvis, white-trash mamma’s boy, Phil Spector qui devint un teen millionaire, et puis d’autres.

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             Simon Goddard accorde une belle interview à Proby dans Record Collector. Il a raison de se dépêcher car Proby atteint les quatre-vingt balais et se dit très surpris d’être encore en bon état. Comme Jerry Lee, il croyait qu’il ne dépasserait jamais les 27 ans. Pour situer Proby dans le temps, disons qu’il a commencé tôt, en 1959, à Hollywood. Il s’appelait alors James Marcus Smith et arrivait tout droit du Texas. Le secret de sa longévité ? I stopped drinking. Il s’est arrêté en 1992, quand il est tombé dans les pommes en Floride. Son cœur s’est arrêté cinq fois sur la route de l’hosto. Proby avoue avoir picolé toute sa vie. Ses parents lui donnaient de la bière quand il avait trois ans. Ça les amusait de voir baby Proby danser lors des barbecues. Quand on a ce type d’entraînement, on tient bien l’alcool - I’d been a professional drinker all my life - Il a rencontré Frank Sinatra et Dean Martin qui lui ont enseigné l’art de boire du matin au soir, à petites gorgées  - Just sip and sip and sip your drink - Proby dit avoir toujours préféré le bourbon. Il démarrait le matin avec trois Bloody Marys et continuait à la bière. Carlsberg Special Brew. Puis, il attaquait la bouteille de bourbon lorsque la nuit tombait.

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             Quand on lui demande qui est Proby, il répond qu’il se voit comme un acteur du Hollywood des années 30, c’est en tous les cas ce qu’il prétend être sur scène. Quand il sort de scène, il redevient Jimmy Smith. S’il choisit à une époque la queue de cheval et les chemises à jabots, c’est pour se différencier des autres looks, ceux d’Elvis avec la pompadour et des Beatles avec la coupe au bol. S’il porte la queue de cheval, c’est en souvenir d’Errol Flynn. S’il porte des escarpins à boucles, comme les pilgrims, et la chemise à jabot des pirates, c’est pour devenir un personnage de cinéma. Hollywood des années 30 !

             Proby raconte qu’à son arrivée à Londres, il est devenu pote avec John Lennon et allait chez lui chaque samedi. Puis il revient sur les Chelsea days, lorsqu’il partageait un appart avec Kim Fowley et Bongo Wolf. C’est la fête tous les soirs et en bon redneck qui se respecte, Proby accepte tout le monde sauf les homos. Jonathan King n’a pas le droit d’entrer. Et puis en 1965, il part en tournée en Angleterre avec Cilla Black. Lors du premier concert, il arrive sur scène et craque son pantalon. Kim Fowley vole à son secours et lui jette sur les épaules sa robe de chambre avec la carte du Texas brodée dans le dos. Évidemment, Proby ne prend pas l’histoire du pantalon craqué au sérieux - I took no notice because I thought it was a bunch of crap - Mais le comité de Mary Whitehouse déclare que Proby est obscène et la presse suit le mouvement, affamée de scandale. Proby est viré de la tournée et Tom Jones le remplace. Catastrophe ! Il est arrivé la même chose à Jerry Lee quand les journalistes ont découvert qu’il avait épousé sa cousine âgée de 13 ans. Mais comme Jerry Lee, Proby ne craint pas le scandale. À l’instar d’Errol Flynn, il agit en pur hellraiser, toujours en quête de chaos - I was living up the Hollywwod image.

             Alors Simon Goddard propose un jeu dangereux : il cite les mythes créés par la presse et demande à Proby de dire s’ils sont vrais ou faux. Premier mythe : Proby a descendu l’une de ses ex avec un fusil à air comprimé. Proby répond qu’il n’y a jamais eu de preuves. Deux : il quitte la scène en plein milieu d’un show en disant qu’il souffre d’une blennorragie. Vrai. Trois : il a assommé le patron de la BBC d’un coup de poing en pleine gueule. I sure did. Proby ne supportait plus d’entendre cet abruti de Billy Cotton JR faire référence aux split pants. Boum, son poing en pleine gueule. Résultat : The BBC banned me for eternity. C’est comme ça qu’on ruine une carrière. Alors Goddard lui demande s’il va écrire ses mémoires et Proby lui répond que c’est déjà fait, mais le texte est trop long. 500 pages ! Par contre, il bosse sur un projet de docu qui retracerait son histoire.

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             Sur son premier album paru en 1964, Proby ramène pas mal de hits américains. L’album s’appelle I Am P.J. Proby. On y retrouve le fameux «Rockin’ Pneumonia & The Boogie Woogie Flu» de Huey Piano Smith immortalisé par Jerry Lee. Ah il sait rocker, c’est un vrai Texan ! Son boogie woogie flu sonne si juste, sur ce heavy tempo à l’anglaise, avec du piano et de l’harmo à gogo. Il va droit au but du beat. N’oublions pas qu’il fut baptisé P.J. par Sharon Sheeley, la poule d’Eddie Cochran. Il tape aussi dans l’«I’ll Go Crazy» de James Brown. On trouve en plus pas mal de pop éplorée sur cet album. On le voit tartiner le nutella de «The Masquerade Is Over». C’est du Clyde McPhatter et Proby l’explose au firmament. Il sait faire de la soupe de neiges éternelles. C’est un maître chanteur, il tape dans le haut du panier et avec «Glory Of Love», il montre qu’il peut faire son Tony Benett et son Sinatra quand il veut. En B, il fait un peu de Beatlemania avec «Don’t Worry Baby» et bat les Beach Boys à la course. Il tape le «Question» de Lloyd Price à la big energy. Ce mec est en caoutchouc. Encore un superbe exercice de style avec «Just Call And I’ll Be There», full-bloody Proby treatment. Il fait aussi un shoot de Cajun avec «Louisiana Man» mais à Londres, c’est passé à l’as. Il termine avec le «Cuttin’ In» de Johnny Guitar Watson. Ce brave Proby sait choisir ses amis.     

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             Attention à ce P.J. Proby paru en 1965. Il y arbore un beau salad bowl digne des Beatles de Revolver. Fantastique pochette ! Et le contenu ne reste pas en reste, car il grimpe par-dessus les toits dès «The Neatness Of You» et tape dans le fantastique «Lonely Weekends» de Charlie Rich. Il va chercher le jazzy feel de Big Charlie. On note l’extraordinaire énergie du chant et de l’orchestration. Proby est tout simplement supérieur en tout, il ramène toute la big American music dans «If I Loved You», mais ça ne cadre pas du tout avec le swingin’ London. Son «When I Fall In Love» dégouline de mâle assurance - When I fall in love/ It will be for/ Ever - Il chante ça à pleine voix. C’est le roi du too many kisses, c’est nappé de violons à outrance. Proby se hisse au sommet de tous les arts. Il shoute «She Cried» dans le vent. Côté pulmonaire, il est imbattable. Il sonne comme un phare dans la nuit, à la limite, on ne verrait plus que lui. Dans «Secret Love», il est complètement explosé de son. Il gueule par dessus les toits, c’est l’un des chanteurs dont se souvient un siècle. Son «I Will Come To You» est terrifiant de présence. Il transforme la pop en or. Et voilà qu’il tape dans un hit de Berry Gordy, «Lonely Teardrops», pour en faire de la Soul demented. Les filles qui font les chœurs deviennent dingues, on entend des coups de trompette, on assiste là une explosion inespérée, ça gicle partout, un vrai tourbillon de culs de minijupes et de trompettes de la renommée, une vraie bombe atomique, et les chœurs sucent goulûment le beat des enfers. Pur génie !

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             La même année paraît In Town. Proby nous convie à sa table pour un nouvel album d’antho à Toto. Ce fabuleux crooner n’est toujours pas accepté en Angleterre. Trop puissant. Surdimentionné. À tous points de vue. Trop Broadway. Mais comment résister à ce «To Make A Big Boy Cry» ? Il se fond dans la pop orchestrale et l’explose quand elle ne s’y attend pas. Quel carnage ! Il chante ses lungs out. Pas de pire crooner que Proby. Même pas pop. Trop américain pour la pop de Carnaby. Avec «No Other Love», il tape dans le plus gluant des barytonnages. Il fait vibrer sa glotte comme s’il montrait sa bite, c’est pareil. Il tape dans Bécaud avec «Walk Hand In Hand». Il chante à la glotte vibrée comme du béton. Il en rajoute. Avec «People», il fait comme Elvis, il embarque les gens dans son giron à la con, il chante comme un dieu, il s’élève quand il veut. Tu ne trouveras jamais ça ailleurs, cette façon de grimper subitement dans la stratosphère. In Town est un bel album de croon. Proby sonne comme un géant qui observe la vallée. On ne pourra jamais lui enlever ça. Il fait encore un carton avec «If I Ruled The World», il remplit tout le spectre du chant, c’est une merveille. Comme Scott Walker, il est beaucoup trop hollywoodien pour Londres. Il est hors de proportion. 

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             Troisième album paru en 1965, Somewhere ne casse pas des briques, comme on dit sur les chantiers. Même si avec le morceau titre, Proby tape dans Leonard Bernstein. Big time on Broadway. Ve mec en a les épaules. C’est un stentor, il peut grimer là-haut sur la montagne. Mais l’album reste d’un niveau très intermédiaire, flirtant parfois avec la variété («Que Sera Sera») ou avec le pur shake de shook («Stagger Lee»). Il ramone bien la cheminée du vieux Stagger Lee. On le voit aussi souffler dans la bronches de la pop («Together») et là, il redevient l’admirable shooter que l’on sait. Il attaque sa B avec un heavy «Rockin’ Pneumonia» et termine en beauté avec deux merveilles inaltérables, «Question», tapé au heavy swing, ultra-orchestré, et «Hold Me», fantastique jerk de never let me go - Take me/ Anyway you take me - Il sonne comme les Beatles et c’est excellent.

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             Attention à Enigma. Cet album est une vraie caverne d’Ali-Baba, il regorge de trésors incomparables. Proby attaque down in Louisiana avec «Niki Hoeky» et swingue sa pop comme un blackos. On sent bien l’Américain à Londres. Quelle allure, quel tour de force ! Et tout l’album va s’aligner sur cette merveille d’aisance swampy. On entend des chœurs de rêve dans «Shake Shake Shake». Il tape deux reprises fabuleuses, le «Reach Out I’ll Be There» des Four Tops et l’«Out Of Time» des Stones. Il bouffe les Four Tops tout crus, il fait tout le shaking de Levi Stubbs aux mieux des possibilités et on se régale de l’incroyable ampleur du gaillard texan. Il a du c’mon girl plein la bouche. Avec le hit des Stones, il tente de rivaliser avec Chris Farlowe en s’attaquant au fin du fin, mais il ne monte pas aussi haut que Farlowe, il se contente de swinguer sa soupe avec une sainte ardeur. Il met cependant le cut en carré, comme un maître charpentier. Il travaille sa taille à la mortaise des enfers. En B, il s’en va taper dans Ashford & Simpson avec «I Wanna Tank You Baby». Il redevient white nigger et c’est excellent, vraiment digne de Motown et même de Stax, il groove sa Soul comme Sam & Dave. Et puis voilà qu’il passe au dylanex avec «I’m Twenty Eight». On reste dans la probyté céleste avec l’«Angelica» de Barry Mann & Cynthia Weil, cut de pop extraordinairement entreprenante. Il chante ça à l’éperdue. C’est utterly fascinant. Proby sait tout faire et ça continue avec «I Can’t Make It Alone» de Goffin & King, il va chercher systématiquement la grande ampleur, il en fait un stormer épouvantable et termine cet album béni des dieux avec l’excellent «You Make Me Feel Like Someone». Il va chercher la Soul extrême des Righteous Broters, c’est vraiment au niveau des hits de Phil Spector. On a là un album spectaculaire, tous mots bien pesés.

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             C’est Derek Taylor qui signe le texte au dos de ce Phenomenon paru en 1967. Nous voilà en plein dans l’âge d’or du grand Proby. En bon white nigger qui se respecte, il tape une fantastique mouture d’«Honey Hush». Il tape aussi dans Etta James avec «Work With Me Annie». Il n’en fait qu’une bouchée. En matière de r’n’b, il est imbattable. On voit à l’écoute de «Ling Ting Tong» qu’il dispose d’une vraie puissance de shoot bamala. Et le «Just Holding On» d’ouverture de balda est monté sur le riff d’«I’m A Man», celui du Spencer Davis Group, alors ça laisse présager du pire. Il est dans ce son. En B, il fait de «Butterfly High» un vrai hit de juke, c’est admirablement bien stompé. Ce mec chante comme un dieu, il ne faut pas l’oublier. Ils tape ensuite dans Wilson Pickett avec une cover de «She’s Looking Good». Proby peut rivaliser de raw avec the black panther, aucun problème. Encore un jerk sixties avec «Pretty Girls Everywhere». C’est chanté de main de maître avec des chœurs de filles superbes et quand il pique sa crise, on se régale. Il termine avec «Sanctification», un solide groove de probyté finement teinté de Tony Joe White, mais avec plus de mordant. C’est très straight et finement groové sous le boisseau d’argent.

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             Si on veut entendre un vrai chanteur, c’est là, sur un album comme Believe It Or Not. Proby est le roi des grands balladifs élégants qui s’étendent jusqu’à l’horizon. Le meilleur exemple est ce «Give Me Time» chanté à la grande clameur romantique. Avec «Turn Her Way», il montre qu’il peut monter plus haut que tous les autres, y compris Johnny Burnette. Il fait de la belle Soul avec «Cry Baby» et redouble d’élégance avec «I Apologize Baby». Mais la vraie énormité s’appelle «Judy In The Junkyard». Il termine l’album avec ce jerk psychédélique d’autant plus génial qu’il est inattendu. C’est le hit inconnu du swinging London.

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             On tient Three Week Hero pour un album culte. Pourquoi ? Parce que les New Yardbirds qui vont devenir Led Zep accompagnent Proby. En fait, il connaissait Jimmy Page depuis 1964, car c’est Page qui joue sur «Hold Me». Proby propose aux New Yardbirds de devenir son backing band, mais ils ont déjà des projets. Dommage. On note aussi la présence de Clem Cattini sur cet album. Malheureusement, Three Week Hero ne tient pas ses promesses, même si John Paul Jones fait des miracles sur «The Day That Lorraine Came Down».  Plus loin, «Empty Bottles» sonne comme un comedy act. C’est une chanson à boire et l’A se termine avec «Won’t Be Long», un petit jerk passe partout. Malgré tout le gratin dauphinois, on reste sur sa faim. Il faut attendre «I Have A Dream» pour entendre enfin chanter ce fantastique chanteur. On peut aussi se consoler en compagnie du «New Directions» de Lee Hazlewood, mais c’est encore du comedy act. Proby se prend ensuite pour Cash dans «Today I Killed A Man». Oh, il en a les moyens, n’oublions pas qu’il vient du Texas. Cet album se termine avec un medley de chansons américaines, «It’s So Hard To Be A Nigger/Jim’s Blues/George Wallace Is Rolling In This Morning». On y entend Jimmy Page jouer du Led Zep et Robert Plant de l’harmo. Ils sortent très exactement le son de «Dazed And Confused». Dommage que tout l’album de soit pas de ce niveau. C’eût été un smash.

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             Dans le cas où on éprouverait une admiration sans borne pour Proby, il faut écouter ce qu’il enregistra au début de sa carrière sous le nom de Jett Powers. On trouve sur le marché une compile intitulée California Licence. La licence en question orne la pochette : c’est un permis de conduire américain au nom de James Marcus Smith. Dès «Bop Ting-A-Ling», ça déconne. On reste sur l’impression que Proby a passé sa vie à faire les mauvais choix de chansons. Il tape soit dans la mauvaise variété, soit dans le kitsch dégoulinant. Il propose néanmoins une très belle version de «Stranded In The Jungle» et sauve l’album avec une version démente de «Stagger Lee». Here we go ! C’est joué à l’harmo hot as hell, au crash de drums, au solo d’éclate à la Dave Burgess et Proby screame comme un démon échappé d’un bréviaire. Dommage que les autres titres ne soient pas de cet acabit.

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             Belle pochette que celle d’I’m Yours paru en 1973. On y voit ce playboy de Proby sourire. Il est irrésistible. Attention, il reste à Broadway sur toute l’A. C’est extrêmement chanté, mais trop grand public. Il s’en va chercher le Sinatra du Perry Como dans le croon. Il devient plus accessible en B avec «Twilight Time» et une superbe envolée par dessus les toits. Proby force l’admiration. Et voilà qu’il tape dans l’«Only You» des Platters. C’est un lion. Il gronde comme le lion de la Metro Goldwyn Meyer. Fantastique version ! Il faut avoir entendu ça au moins une fois dans sa vie. Il va plus sur la pop avec «Sunday Goodbye» mais il chante à la force du poignet. Tout ce qui suit s’inscrit dans l’ampleur spectaculaire et il termine avec le fantastique sing-along du morceau titre, histoire d’affirmer son pouvoir magique.  

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               On dirait qu’il a passé son temps à monter des coups : voilà qu’il enregistre Focus Con Proby en 1977 avec le groupe Focus, l’une des figures de proue du jazz-rock expérimental. Que fout ce géant du stentoring dans un plan pareil ? La réponse se trouve sur l’album. En fait il n’y chante que très peu. On peut entendre de longs délires de Focus, mais on n’est pas là pour ça. Proby refait surface sur «Eddy», joli balladif servi sur un plateau d’argent par ces musiciens beaucoup trop brillants. On ne saurait espérer background musical plus riche. Mais l’album est beaucoup exotique. Focus dévore quasiment tout l’espace et notre pauvre Proby se trouve réduit à portion congrue.      

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             Curieusement, The Hero est devenu une sorte d’album culte. Paru en 1980, il n’offre pourtant rien d’extravagant. C’est comme d’habitude très chanté, mais Proby n’a pas les bonnes chansons. Il propose essentiellement une pop transie et sans espoir. Le seul cut qui sort du rang de l’A est ce «Memories Of You» joliment orchestré et presque joyeux. Mais ça reste de la variété, l’équivalent britannique d’Alain Barrière. En B, Proby rivalise de tempérament avec Elvis dans «What Did I Do To You». Eh oui, de la même manière qu’Elvis, il peut secouer la paillasse d’une petite variette à la mormoille pour en faire un hit.

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             Encore un album pétard mouillé avec Clown Shoes paru en 1980. Ça démarre avec de la variété catastrophique. C’est le côté commercial de la probyté qu’il vaut mieux ignorer. Au mieux, on peut parler de croon de séducteur texan transplanté à Londres. Il termine n’A avec un «Hold Me» qui sonne comme un hit de beatlemania. En plus, les cuts ne correspondent pas au track listing de la pochette, c’est un véritable carnage. Il faut attendre la fin de la B pour trouver un peu de viande et notamment cet «I Apologize» qu’il croone comme un seigneur des annales. S’ensuit une version live «Niki Hoeky» digne de Tony Joe White, mais il fait n’importe quoi, il reste planté comme une godiche dans le groove.      

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             Paru en 1990 sur J’Ace Records, Thanks vaut le rapatriement, au moins pour une raison : «I Will Always Be In Love With You». Avec ce croon, Proby s’installe dans le coin de l’oreille. Il se prélasse dans notre faculté à adorer la grandeur incommensurable. C’est là que les chœurs deviennent intéressants, c’est là où ce bouffeur de chattes devient fascinant, il shoote tout le feeling du monde de la pointe de sa langue. Il nous croone «Someone From Somewhere» du fond du cœur, oh yeah, il nous croone ça jusqu’à l’os du jambon de Broadway. Il faut savoir que Proby adore la rengaine sentimentale, donc il en bourre sa dinde. Il sait faire fondre la pop. En ouvrant le livret du CD, un violent parfum se dégage. Celui d’une femme qui aimait Proby à la folie. Proby est le dernier grand crooner de la romantica. Il retourne à Broadway avec «Stage Of Fools». C’est très spécial, il sur-chante all over the place. Il doit adorer se répandre. Il enchaîne avec un «Whenever Your Are» dégoulinant de romantica et passe au pathos avec un «Love Song To You» nappé d’orgue et superbe. Mais un tel album ne peut plaire qu’aux inconditionnels de P.J. Proby.  

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             On trouve dans le commerce un autre album de P.J. intitulé Heroes. Pourquoi Heroes ? Parce qu’il y fait une cover de Bowie. Bien vu ? Mal vu ? Bien vu, forcément, car il met en route des tambours spectoriens et il chante comme Moïse au sommet du mont Sinaï. He can be a hero, c’est le thème, et il sait le faire. Mais il fait tout pour que ça devienne hollywoodien, il revient à son point de départ pour faire du Cecil B. De Mille spectorien, les vagues de son s’abattent sur la cité, Proby s’élève lourdement, I could be a king ! But nothing ! Il s’étrangle dans la tourmente d’apocalypse. Seul un mec comme lui peut provoquer un tel séisme mythologique. Il explose l’art suprême d’Heroes dans un décor biblique. C’est stupéfiant ! Sa version éradique complètement celle de Bowie. Comme c’est un album de reprises, il se permet d’attaquer avec Mickey Newburry et son «American Trilogy». On le voit avancer dans «Hot California Nights» avec une écrasante puissance de probyté. Il est le roi du merry-go-round. He is The Vox. Il tape dans Joy Division avec «Love Will Tear Us Apart». C’est un carnage. Pire qu’un raid de renard dans un poulailler. Proby cherche à regagner des points dans les sondages, alors il tape comme un sourd. Même violence dans la façon dont il traite «Tainted Love». Pure violence texane. Celle que les Anglais n’ont pas compris. Il ne fait qu’une bouché du pauvre «Tainted Love». La version est tellement heavy qu’elle en devient réjouissante. Il chante avec toute la bravado du gutso. Avec «In The Air Tonight», il fait du gospel jungle à la Gainsbarre. Les grands esprits se rencontrent. 

             Ce texte est bien sûr dédié à Jean-Yves qui vénérait tellement P.J. Proby qu'il portait comme lui des escarpins à boucles.

    Signé : Cazengler, P.J. Probable

    P.J. Proby. I Am P.J. Proby. Liberty 1964    

    P.J. Proby. P.J. Proby. Liberty 1965

    P.J. Proby. In Town. Liberty 1965

    P.J. Proby. Somewhere. Liberty 1965

    P.J. Proby. Enigma. Liberty 1967

    P.J. Proby. Phenomenon. Liberty 1967            

    P.J. Proby. Believe It Or Not. Liberty 1968      

    P.J. Proby. Three Week Hero. Liberty 1969  

    Jett Powers. California Licence.

    P.J. Proby. I’m Yours. Ember Records 1973    

    P.J. Proby. Focus Con Proby. EMI 1977      

    P.J. Proby. The Hero. Palm Records 1980

    P.J. Proby. Clown Shoes. Meteor 1980      

    P.J. Proby. Thanks. J’Ace Records 1990     

    P.J. Proby. Heroes. TKO Magnum Music 1998  

    Simon Goddard : My brain fell out my nose. Record Collector #487 - Christmas 2018

    Nik Cohn. I Am Still The Greatest Says Johnny Angelo. No Exit Press 2003

     

     

    Blue Suede chou(chou) - Part Two

     

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             Brett Anderson chantait dans Suede, l’une des figures de proue de la Britpop des années de vaches maigres. Suede se détachait du troupeau bêlant grâce au high class glam touch de son chanteur. Il faut en effet ranger Brett Anderson dans la catégorie des géants du décadentisme à l’Anglaise, avec Kevin Ayers, Peter Perrett et David Bowie, bien sûr. En son temps, Brett Anderson sauva bien des compos médiocres grâce à sa diction merveilleusement maniérée.

             La presse anglaise raffole de Suede. Chaque réédition est saluée par des volées de cinq étoiles. Phénomène typiquement britannique, au même titre que New Order ou les Smith. Il faut être né de l’autre côté de la Manche pour pouvoir entrer dans ce type de mania. De la même façon qu’il faut être français pour savoir apprécier Barbara, Brel ou Léo Ferré. On n’imagine pas un seul instant un Britannique se prosterner jusqu’à terre devant «Il N’y A Plus Rien», cette fabuleuse apologie du néant, un néant qui reste la fin logique de tout. 

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             Brett Anderson connaît bien le néant. Le sien porte le nom de pauvreté. Il l’évoque longuement dans l’autobio qu’il vient de publier, Coal Black Mornings. L’ouvrage se présente comme ce qu’on appelait au XIXe un petit roman d’esthète, typique du genre par la pagination restreinte, les essoufflements de style et les poussées de sève lyrique mal calibrées. Sans doute est-ce à l’image de la musique de Suede et sans doute sont-ce ces travers qui donnent du charme à l’ouvrage. Toujours est-il qu’il se lit d’un trait d’un seul.

             Brett raconte son enfance et son adolescence à Hayward’s Heath, un patelin situé entre Londres et Brighton. Un endroit où il ne se passe rien, dit-il, et où il ne se passera jamais rien - Everyday lower-middle-class life - On entre avec lui dans une vraie maison anglaise, mais une maison qu’il décrit comme singulièrement minuscule. Son père gagne tout juste de quoi nourrir la famille. Il se passionne pour Litszt et conduit une BSA avec un side-car où monte parfois son épouse, terrorisée à l’idée d’abîmer sa permanente. Brett n’a qu’une sœur qui s’appelle Blandine. La famille n’achète que des fringues d’occasion, même les sous-vêtements. Et se nourrit chichement. Interdiction de gaspiller la nourriture. Comme chez tous les gens pauvres, la règle est de finir son assiette. Brett bricole des formules admirables pour décrire tout ça : «Ça m’a toujours rendu triste de penser que mes parents et leurs parents avant eux avaient vécu leur vie entre les quatre murs gris de la pauvreté, et je cherchais désespérément à trouver un sens à cet univers de vêtements d’occasion, de cantine gratuite pour les pauvres et de meaningless dead-end jobs, c’est-à-dire de petits boulots sans avenir.» Il est vrai que la pauvreté présente un aspect inexorable. Brett comprend rapidement qu’il est baisé d’avance et que cette condition va lui coller à la peau tout le restant de ses jours. D’ailleurs, il ne se fait pas de cadeaux : «J’étais une sorte de gamin morveux, larmoyant, élevé à la sauce en tube, au thé au lait et aux abats, occupé à regarder des images et généralement abattu - pas dépressif, mais vraiment sombre et légèrement dédaigneux.»

             L’ado Brett n’échappe pas à la règle : il découvre un jardin magique qui s’appelle le rock. Il fait des petits boulots pour pouvoir s’acheter son premier album, Never Mind The Bollocks. Voilà ce qu’il faut appeler un démarrage en trombe - Cet album fut le point de départ d’une passion à vie avec l’alternative music - D’ailleurs, il cite John Lydon a plusieurs reprises dans le cours des pages. Plus tard, il tombe sur le charme de The Fall - J’étais passionné par le surréalisme exacerbé de The Fall, This Nation’s Saving Grace et The Wonderful And Frightening World devinrent à mes yeux des albums sacrés - Il s’éprend ensuite de la petite pop synthétique des Pet Shop Boys - Ça devint un rituel, on s’endormait en écoutant «Rent» des Pet Shop Boys, un poème magnifique et intelligent traitant de la vie urbaine des années quatre-vingt, que j’adore encore et qui me rappelle toujours mes premiers jours à Londres, lorsque je devins amoureux de cette ville - Oui, cette ville qu’il apprend à connaître - Il y a quelque chose dans la taille de Londres qui me réconforte : l’anonymat, la profusion, l’énergie, les possibilités. Tout l’amour et tout le poison en même temps - Il cite aussi Felt, Five Thirty, Adorable et Midway Still, des groupes qui eurent leur petite heure de gloriole. Et Bowie, qu’il réécoute quand justement il était passé de mode - J’eus une période de redécouverte de l’early Bowie et je devins obsédé par «Quicksand», surtout sa façon d’amener the power, qui pour moi était la clé en matière de composition.

             Après avoir quitté la maison de ses parents pour aller s’installer à Londres, il continua de faire ce qu’il avait toujours fait : s’acheter des fringues d’occasion. Il adorait les vieilles chemises des seventies et les petits blousons en cuir qui ne coûtent que quelques livres chez les fripiers. Et sans s’en douter, il créait une mode à l’époque où Suede entrait dans le rond du projecteur : «Ces gens croyaient qu’il s’agissait d’un look travaillé, une sorte de kitsch. J’eus la grande joie de leur annoncer que nous portions ce genre de vêtements parce que nous étions très très très très pauvres - Il écrit very quatre fois - Et Mat ajouta un peu plus tard qu’on avait tous nettoyé les toilettes pour vivre.»        

             La vie à Londres n’est pas plus rose qu’à Hayward’s Heath : «S’il est vrai qu’on n’achète pas le bonheur avec de l’argent, le manque d’argent peut transformer la vie en enfer, et Londres est une ville particulièrement dure pour les pauvres. Dans l’Angleterre de John Major, faire la queue pour toucher l’allocation de chômage devenait insupportable à cause du spectacle de toute cette misère, aussi m’étais-je dit qu’il valait mieux chercher un job.» Qu’il ne trouve pas, évidemment.

             Quand il apprit que sa mère, lassée par vingt ans de vie commune, avait quitté son père, Brett redescendit vivre avec lui à Hayward’s Heath : «Mon père était complètement détruit. Il ne s’était douté de rien. Son monde fragile s’écroula le jour où il rentra du dépôt de taxis où il travaillait : il vit que les affaires de sa femme avaient disparu et il trouva une stark little letter sur le manteau de la cheminée.» La nuit, à travers les murs trop fins, Brett entendait son père sangloter dans la chambre voisine. À la misère matérielle s’ajoutait alors un misère affective qui allait emporter ce pauvre homme.

             Un peu plus tard, sa mère qui s’était réinstallée avec un autre homme mourait d’un cancer - La mort de ma mère m’a presque détruit. Je suis resté au lit pendant des jours et des jours - Il venait pourtant de rencontrer Justine qui fut son premier amour - One of the two great loves of my life - Au long de quelques pages, il lui rend hommage à sa façon, c’est-à-dire très discrète, très elliptique. Il ne sait pas qu’il faut apprendre à se méfier du bonheur. Il s’enfonce dans une routine affective jusqu’au jour où Justine rencontre un autre mec. Brett n’est pas plus équipé que son père pour encaisser un tel choc - Comme mon père avant moi, je m’étais habitué à l’indolence du confort affectif. Ma façon ridicule d’idéaliser la romance et mon manque total d’ambition ont dû rendre la vie commune particulièrement ennuyeuse - Et il ajoute : «Ça peut paraître étrange aux yeux des gens qu’un jeune garçon de vingt ans puisse être affecté de la sorte par un événement aussi prévisible qu’une rupture amoureuse. Il m’arrive parfois de me poser la question. Disons que je devais être quelqu’un de fragile, c’est vrai, mais aussi de totalement loyal envers ceux auxquels j’accordais ma confiance.» Tiens Justine, prends ça dans ta gueule. Et en plus c’est élégant. Rien n’est pire que la trahison - La rupture fut un sale moment, horrible même, émaillé de conversations téléphoniques interminables et de longues nuits passées à pleurer qui débouchaient sur des petits matins blêmes, lonely coal black mornings.  

             Le problème était que Justine jouait dans Suede. Une fois partie pour aller monter Elastica, Suede alla beaucoup mieux - Je ne dis pas ça par cruauté, mais après son départ, on y voyait beaucoup plus clair, ce qui n’était pas le cas avant.

             Brett finit son livre à l’aube du succès médiatique. Il nous épargne une énième resucée du success-story de Suede. Il se contente d’expliquer comment s’est formé le groupe : à partir de Mat, son vieux complice d’Hayward’s Heath, puis l’arrivée de Bernard Butler et du petit batteur Simon qui ressemblait tant à Topper Headon. Bernard Butler fut recruté sur annonce : «Groupe inexpérimenté mais important cherche guitariste. Dans le style : Smiths, Lloyd Cole, Bowie, Pet Shop Boys. Ni technicien averti, ni débutant. Il est des choses plus importantes que la virtuosité.»

             Brett voulait monter un groupe, mais il devait aussi apprendre à chanter : «Ça m’a pris du temps pour apprendre à chanter, pour surmonter mes inhibitions et prendre conscience de la violence et de la folie qu’il faut développer pour être capable de chanter, c’est-à-dire de se plonger dans un fleuve de feeling.» Il apprit aussi à se méfier du succès en voyant des artistes célèbres comme Cher et Peter Gabriel se pavaner dans les coulisses d’une émission de télé - the utter naffness of it all, c’est-à-dire la nullité de tout ça - Pour être honnête, j’ai toujours préféré la marginalité, cette impertinence salvatrice. J’ai toujours pensé que la parole des marginaux avait beaucoup plus de valeur et que la célébrité stérilisait les artistes.

             Brett sait qu’on lui reprochait son maniérisme un peu efféminé. Il s’en explique fort bien : «Les gens prenaient ça pour du racolage gay ou un clin d’œil au glam des seventies, mais quand j’y repense, je crois que j’ai essayé de combler le vide de ma vie affective par un ersatz de féminité.» Il développe le point assez longuement : «Avec le recul, cette démarche peut sembler douteuse et même pathétique, je ne suis pas très fier de la façon dont j’ai essayé de gérer ce problème, mais je vivais dans une sorte de confusion et au point de vue émotionnel, j’étais un peu à vif. Et d’une certaine façon, je n’étais pas encore adulte - very much unformed as a person.» Attention, le style de Brett est précis. On prend des risques à vouloir le traduire, le plus gros risque étant de dénaturer la précision de sa pensée.

             Mais quand son fils évoque l’idée de faire de la musique pour vivre, Brett s’inquiète : «S’embarquer dans une aventure aussi risquée serait ridicule, I’m sad to say. Pour que ça marche, il faut une détermination à toute épreuve, cette arrogance que donnent les œillères, une chance incroyable, tout cela semble tellement hors de portée, et à l’ère du digital, c’est complètement disproportionné.»

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             Tout commence comme on l’a dit dans le Part One avec «The Drowners», le single magique qui rendit Suede célèbre en Angleterre. Sort dans la foulée un premier album sans titre, l’une des pierres blanches de cette vague Britpop tant décriée. Quel album ! Ne serait-ce que pour «The Drowners». Ça coule dans la manche, heavy Gibson sound. Admirable ! Cœur de heavy beat anglais. Comme Bowie et les Pistols avant eux, ces kids créent leur monde - So slow down/ You’re taking me ahvah - L’un des hits du siècle dernier. Diction de rêve. Épais et si parfait. Brett créée de la magie à coups d’ahvah. Derrière, ça sonne comme du Ronson. On se retrouve dans la communauté des génies du rock, parfaite conjonction compo/son/chant/puissance. Pure intelligence du rock. On trouve d’autres choses sur l’album, comme «Metal Mickey», une sorte d’hymne du heavy glam. Nanard joue ça à bras raccourcis. Il y met tout son pâté de foi. Mais c’est difficile de rester au niveau de «The Drowners». Le «So Young» d’ouverture de bal s’impose par une présence vocale indéniable. Brett pose son bekause sur le canapé d’arpèges. On reste dans une certaine pop décadente avec «Animal Nitrate». De cut en cut, Brett se forge un personnage de rockstar tout à fait crédible. Il incarne parfaitement l’esprit du décadentisme britannique. Il se veut ambiancier. La réédition Edsel propose un disk de B-sides et là on tombe sur le heavy sludge de «My Insatiable One» - Oh he is gone - Brett et Nanard tapent en plein dans le mille du big atmospherix, ils savent gérer les vertigineuses chutes de son, ça coule comme un fleuve en crue, Nanard sait ouvrir les vannes - On the escalator/ We shoot paracetamol/ As the ridiculous world goes by - Autre grande B-side : «To The Birds» et son joli pont de crystal clear. Ces mecs savent sculpter un son dans le crystal clear de la pop anglaise. La voix de Brett mord divinement dans l’or blanc de la fulgure. Leurs montées héroïques semblent saluer le monde. Quelque chose d’héroïquement bon se dégage de Suede. On a là une authentique énormité sonique. Brett mène bien son bal. Il se hisse à l’apogée de son âge d’or. Et comme on le voit dans «He’s Dead», il adore les oh-oh et les ah-ah. Nanard n’hésite pas à sortir les pédales de distorse pour durcir le ton -  With all the love and poison of London - Encore une bonne bourre baroque avec un «Where The Pigs Don’t Fly» extrêmement enrichi par ce démon de Nanard, véritable apologue du heavy grunge. Il tortille tellement son son, my son. Il en devient l’âme catalytique, ses notes fondent comme le plomb dans l’Athanor. Il touille son gras à outrance. Avec «The Big Time», Brett fait comme Bowie : il ÉCRIT - I watch the slow hand/ Kill the day/ I see my starring role/ Tick away - Comment résister à un tel appel ? C’est en plus emmené à la trompette de Miles. Bowie devait fatalement admirer l’art prostré de Brett, surtout «High Rising». Dans cette prostration œcuménique, quelque chose de Bowie renaît comme un phœnix. De toute évidence, Brett ne plaira pas aux fans d’AC/DC. Il est beaucoup trop raffiné, au sens où le sont les vampires de 500 ans d’âge. On se plaît beaucoup dans cet univers de grands corridors balayés par les vents de Brett - Stop making me older/ Stop making me new - Il mérite des temples, d’autant qu’il sort de là dans un final éblouissant. Ils font aussi une spectaculaire cover de «Brass In Pocket». Le glam de Suede ! Parfait mélange vox/sound. Oh il faut aussi voir le DVD que propose Edsel avec cette réédition. Le clip de «The Drowners» est complètement foireux. Dommage. Il vaudrait mieux voir du early footage de Suede, quand ces gamins étaient encore dévoyés. Le clip de «Metal Mickey» est cruel pour Nanard, car on ne le voit même pas prendre son solo. Par contre, le clip US de «The Drowners» est une merveille, car filmé sur scène avec une image saturée au rouge. Le glam de Suede éclate et la beauté parfaite de Brett aussi, alors ça devient l’essence même du rock. Nanard porte du cuir noir, comme Elvis dans le 68 Comeback. Une merveille. Mais le film qui les montre aux Brit Awards avec «Animal Nitrate» les couvre de ridicule. On voit qu’ils ne savent pas bouger sur scène. C’est atroce. Nanard et Matt sont mal dans leur peau. Brett s’en sort de justesse. Mais à Sheffield, ils jouent pour un public conquis, et ça change tout. Les Anglais connaissent les paroles. Grosse ambiance. En plein Drowners, on arrache la chemise de Brett. Il se retrouve torse nu. Beau torso d’homme anglais. Belle ossature, comme dirait Jonesy. À Londres, Nanard fait pleuvoir des déluges de glam. C’est assez exceptionnel. Ces mecs n’ont que des chansons et du son. Et un magnifique chanteur. Il éclate au grand jour. So so young est une splendeur. Toute la salle saute en l’air. For sure. «Animal Lover» sonne comme l’un de plus grands hits d’Angleterre. C’est alarmant d’excellence. On a à la suite une version de «To The Birds» ultra-jouée. Et voilà ce qui fait la grandeur des Drowners : le contraste entre la violence de Nanard et la délicatesse du chant de Brett. Merveille intemporelle. Ils terminent avec un heavy «So Young» qui fait jerker the Brixton Academy.

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             Leur deuxième album s’appelle Dog Man Star. «The Wild Ones» le rend absolument indispensable. Car c’est là, dans ce cut, que tout se passe. Là et dans «The Drowners» : le génie de Brett Anderson - Sky high in the airwaves on the morning show - Ça coule tout simplement de source - But Oh, if you stay/ We’ll be the wild ones/ Running with the dogs today - C’est un miracle de la pop anglaise, comme le sont certains cuts des Beatles et de Mansun. C’est cette qualité de vision et ce stupéfiant retour d’If you stay. Il lui promet monts et merveilles. Il faut voir comme il fait couler son génie vocal dans le Niagara du grand Nanard. C’est joué à l’instar de l’inaccessible étoile. Magie pure. L’autre moment fort de l’album s’appelle «Black Or Blue». Brett s’embarque dans un trip hyper-orchestré, au-delà de toute expectative. Il chante comme un diable émasculé. C’est sa force. Il dépasse toute la Britpop. Il va trop loin. Il chante à la perfection de la perversion. On pourrait dire la même chose de «Still Life», balladif incroyablement digne. Brett fait face, into the night. Il faut le voir exploser le plafond. Vas-y petit Brett ! Il explose tous les plafonds de la pop anglaise. Il faut le voir amener la montée. He raises a storm, comme disent les Anglais. Edsel a aussi réédité cet album. On se régale une fois de plus d’un disk entier de B-sides, à commencer par l’impérial «My Dark Star». Mais c’est «Stay Together» qui emporte la bouche, littéralement dévasté par d’immenses vagues de son. Il y tombe les tonnes de sauce à Nanard. Il n’en finit plus de jouer au petit jeu des chutes de Niagara. «Killing Of A Flash Boy» frôle le hit glam à la Bowie. Le son parle pour lui, c’est indubitable. Brett renoue avec ses ambiances favorites dans «The World Needs A Father». Il nous replonge dans son big atmospherix baroque. C’est sa came. Il est aussi fort que Bowie à ce petit jeu. Il met toute sa foi dans son chant et se plaît à dérailler quand ça lui chante. On reste sous le charme de Brett avec «Modern Boys». Il continue de créer son monde. Il chante jusqu’à plus soif. Comme ce mec peut être brillant ! Fabuleuse approche de come into me/ Slippin’ away while the city sleeps - Quelle vision ! Digne de Paul Verlaine - Modern boys/ Hand in hand - Et il repart de plus belle - Yes the world calls my inter/ National/ So let the decades/ Die/ Let the parties/ Fall - C’est extrêmement fulgurant. On trouve vers la fin une version acou de «The Wild Ones». Brett y couronne son son avec des glissés de glotte somptueux. Il n’existe rien d’aussi décadent et d’aussi sexily beautiful. Ce coffret propose aussi un DVD et on s’y plonge avec délice, car Brett est beau : cheveux coiffés à l’arrière, une mèche sur la joue, un anneau à l’oreille, une chaîne autour du cou, les traits fins. Perfect. Mais les trois autres, ça ne va pas du tout. Cette merveilleuse déliquescence n’appartient qu’à de très rares kids anglais. Les années quatre-vingt dix, c’est l’époque où chaque chanson avait son clip vidéo. On a des très belles ombres chinoises pour «Pantomine Horse». C’est de l’art accompli. Le clip de «The Wild Ones» est monté sur des paysages romantiques. Brett monte sa mélodie au pinacle des swans dans l’éclat doré d’un crépuscule digne de Louis II de Bavière. Pour «Still Life», il veille à la beauté des choses : un vieil homme se déshabille et plonge longuement dans l’eau bleue. On trouve à la suite deux concerts filmés sur scène. Au Casino de Paris, en 1993, Brett recréait la magie de «The Drowners». Il recréait ce mélange étonnant de puissance et de finesse qui distinguait Suede des autres groupes. Nanard saute sur place. Il sur-joue son mish-mash. Grâce à sa teneur baroque et à son sens aigu de l’enjoyement, Brett passe comme une lettre à la poste. Quel commitment ! Nanard nous lie tout ça avec sa sauce. Il joue tout en sous-main de cousu main. Brett dégorge une belle version de «Stay Together». C’est un showman exceptionnel. On a là un rare mélange de chant/guitar de beauté formelle. C’est du niveau Bowie/Ronson, avec quelque chose d’immanquablement suedish. On les voit aussi donner un set acou à la Fnac. Nanard gratte «Still Life» à coups d’acou. Ça reste d’une rare beauté, évidemment. Dans l’interview qui suit, Brett indique qu’il a fait travailler Brian Gascoigne, le mec qui arrange les chansons de Scott Walker.

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             Coming Up parut deux ans plus tard. L’écrin plastique recelait pas mal de joyaux, notamment «By The Sea», une sorte d’immense balladif océanique. Brest semblait y déployer ses ailes blanches de Rossetti boy. Il chantait au plus profond du glam anglais, à coups d’accents sincères qui transportaient le cœur et qui transperçaient la peau - It’s by the sea we’ll bread/ Into the sea we’ll bleed - Il poussait le romantisme à son extrême. Mais le véritable joyau de l’album s’appelait «The Chemistry Between Us». On avait là le hit parfait, un bouquet d’accords de trankillity - But oh we are young and not tired of it - Brett le chantait à la glotte fondante, au kemistry de genius, il clamait dans la clameur. Dès le premier barrage d’accords, on savait qu’il s’agissait d’un hit imprenable - And maybe we’re not on our own - Brett plongeait dans un abîme de délices, Richard Oates grattait ça dans l’esprit du rêve et ça tournait à l’échappée belle, ça donnait un moment unique, assez rare, l’artiste se fondait dans son art et ça devenait complètement magique. Et Brett y allait à coups de kemistry et se fondait dans une ascension voluptueuse, dans un Graal d’absolu, là où se passaient véritablement les choses, il revenait inlassablement pour repulser sa pop vers le ciel, il libérait son génie visionnaire à belles giclées, ce sublime petit mec d’Angleterre créait l’événement comme Bowie avant lui, il créait de la beauté à s’en étourdir, à s’en brûler les ailes - Brûlent encore, même trop, même mal - Bon c’est vrai, les autres compos de l’album n’étaient pas toutes des huitièmes merveilles du monde, mais elles permettaient à Suede d’instaurer une sorte d’ambiance, un petit jus de décadence bienvenu dans les années de Britpop. Brett faisait la différence, car il CHANTAIT. Il savait pousser son modeste petit bouchon. Richard Oakes avait pris la place de Nanard et en compagnie de Brett, il entourloupait le glam de «Filmstar» à merveille - Play the game yeah yeah yeah - Que de son avait-on ! On sentait que Brett essayait de créer de la mythologie à tous les coins de rue, comme avec «Lazy» - You & me so lazy - Ça restait de la pop, mais avec du son, énormément de son, et soudain Richard Oakes partait en commotion sidérale et s’écroulait dans un pont d’arpèges de crystal clear. Quelle aventure ce fut ! Avec «She», ils passaient au stomp de Suede, à l’ode de la désaille, encore une fois chargé de son. Puis Brett jonglait avec le jargon de psycho & sex & glu dans «Beautiful Ones», il jargonnait à coups de bostik & bands & gangs et de time to kill, de gasoline et de machine. Il cherchait en permanence de Graal du glam, comme le montrait «Starcrazy», un electric-shock-bug-brush-air trop moddish. Brett rejetait la mode, mais la mode le rattrapait.

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             En voyant l’allure que prenait Suede dans la presse anglaise, on commençait à rechigner et à vouloir revenir vers des artistes plus biologiques. En gros, Suede commençait à sentir le renfermé et la Britpop, dans ce qu’elle pouvait offrir de plus insipide. On fit une ultime tentative de réconciliation avec Head Music, paru en 1999. Grand bien nous en prit. Si grand bien. C’est là que se niche un cut de génie intitulé «She’s In Fashion». On ne se méfie pas car ça commence avec un gratté d’acou de fête à Copacabana, et soudain, Brett éclate de tout son éclat au grand jour. S’ouvrent alors les digues de la décadence absolue. Un son extraordinaire balaye tout sur son passage, y compris nos a prioris à la con. Sublime shoot de fashion sound, une image du rêve absolu. Brett nous chante sa gasoline et ses cigarettes avec une rare délectation, voilà encore un hit séculaire, puissant et parfait. Et tout au long du final, ce diable de Brett grimpe et grimpe encore. Alors on réécoute l’album à la lumière de ce prodige. Oui, il faut suivre ce mec à la trace. C’est l’une des grandes voix d’Angleterre. D’ailleurs, comme Bowie, Brett vient de nulle part. Il ne défend qu’une chose, l’idée d’un son, et sa vision est pure, autant que pouvait l’être celle de Ziggy Stardust. «Electricity» ouvre le bal de cet album superbe. Brett table toujours sur les chutes du Niagara. Son truc consiste à pousser grand-mère dans les orties. Il raffole des effet de cathédrale, il a besoin de ça pour résonner, c’est un grand amateur de grandeur et de décadence. Après un départ qu’il faut bien qualifier de calamiteux, le cut s’achève sur un final éblouissant. Voici encore un haut lieu pour Brett Anderson avec «Everything Will Flow», balladif d’élégance suprême. Il y rayonne. Il n’en finit plus de tituber au bord de ses chères chutes du Niagara. Il maîtrise l’art de provoquer les frissons à coups de ha-ha-ha ah-ah. Au plan pop, c’est parfait. Et puis avec «Down», on sent qu’il cherche un passage vers la beauté formelle. Il ne recule devant aucune difficulté, il ne vit que pour l’ampleur mélodique. Si on aime bien les power chords, alors il faut écouter le morceau titre. Ce diable de Brett obtient désormais tout ce qu’il veut de la vie. S’il a su créer son monde, ce fut pour échapper à la pauvreté. Belle façon de se montrer digne. Il adresse un superbe clin d’œil à David Lynch avec «Elephant Man» - I am/ I am the Elephant man - sur fond de heavy cocotage de révolution industrielle. Et on voit qu’il maîtrise l’art de créer l’espace d’un cut avec «Indian Strings» : il y développe une réelle puissance dramatique. Il y excelle. S’ensuit «He’s Gone» et y on suit ce fabuleux seigneur de la dèche de la dole. Il taille sa route dans la matière mélodique et semble grandir avec la mélodie. Il finit par devenir grandiose et poignant à la fois.

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             Paru en 2002, A New Morning n’inspirait pas confiance à cause de sa pochette, mais l’écoute valait le détour. Et ce dès le «Positivity» d’ouverture de bal, une beautiful Song pleine d’élan vital - And the morning is for you/ And the birds sing for you/ And your positivity - Ce mec sait créer les conditions définitives. On trouve à la suite deux hits glam, «Lonely Girls» et Astrogirl». Richard Oakes claque «Lonely Girls» aux arpèges d’acou. Brett songwrite à tours de bras raccourcis et ça décolle comme si de rien n’était. C’est fou ce qu’on adore Brett - Lydia sings when she’s alone - C’est une ode aux filles - But never show the pain - Fantastique ! Avec «Astrogirl», Brett opère son numéro de charme. Ça marche à tous les coups. Il faut vraiment écouter ce mec chanter, il reste captivant. Il fait le Space Odissey in the future, c’est du pur délire ado glam, the sky goes on for you and me. S’ensuit une énormité intitulée «Untitled... Morning», amenée au groove de la rue des Lombards - And yes I’m just a stupid guy - Véritablement énorme ! On tombe plus loin sur «When The Rain Falls» - When the rain falls/ There’s magic in our lives - C’est là où Brett fait la différence. Ses cuts forcent l’admiration. Il termine ce brillant album avec «You Belong To Me» comme on belong to him, énorme cut de rock anglais, toute l’omniscience de Brett s’y trouve rassemblée. D’autres gros cuts hantent cet album solide, comme par exemple «One Hit To The Body» tapé aux gros accords de non-retour, ou encore «Lost In TV», où il rallume les feux du glam, et bien sûr «Beautiful Loser», big bad noise, Suede au plus musculeux - Well you beautiful Loser/ You’re coming down the hardway - Brett la bête tire sa song par les cheveux.

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             Paru après un long break de dix ans, Bloodsports s’ouvre sur une belle énormité nommée «Barriers». Brett sait créer un micro-climat, il tape dans la heavy pop - Will they love you/ The way I love you/ We jumped over the barriers - C’est énorme et comme d’habitude, très écrit. On ne se lasse pas de ce pathos mélodique. La beautiful song de l’album s’appelle «Sabotage». Brett maîtrise l’art des formules qui frappent - Alone in the climate of her greed - C’est là où il déploie ses petites ailes d’enfant défavorisé. Il devient émouvant à force de conviction artistique. S’il est un artiste remarquable en Angleterre, c’est bien Brett Anderson. Il crée sa beauté à partir de rien - And her will is done - S’ensuit un «For The Strangers» fabuleusement tendu aux guitares latérales. Ça ne tient que par la beauté tragique du chant - And it’s over so clear - Brett vise une sorte d’absolutisme impérieux, il est l’Hugo d’un Guernesey de la pop, ses balladifs sont d’authentiques merveilles entortillées. Il faut aussi écouter «Snowblind» car c’est bardé de son, ça saute dans les vu-mètres, ce dingue de Brett se jette dans des ravins. Il n’en finit plus de maintenir le cap des aménités compatissantes. C’est tellement bardé de son qu’on sent saigner les oreilles. Le casque vibre de toutes ses particules. Encore de la belle pop d’allure martiale avec «It Stars And Ends With You». On note la belle santé de ce groupe qui cling on by the nails to the sweet disaster. On retrouve des beaux effets atmosphériques dans «Sometimes I Feel I’ll Float Away». Avec un titre comme celui-ci, ça s’y prête. Frissons garantis. Avec Brett, on est toujours bien servi. Il sait ménager ses effets. Ça dégénère forcément en float away. Quel art de la pathologie ! Que de grosses compos ! Il nous y sert une fois encore le plus éblouissant des finals. Il termine avec un «Faultness» parfait - Celebrate the pale dawn/ Celebrate the birdsong - Il part au combat avec une détermination sans pareille. Il se pourrait bien que Brett Anderson soit le grand messie de la pop anglaise.

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             Ne prenez pas Night Thoughts à la légère. L’album ne compte pas moins deux coups de génie, à commencer par «I Don’t Know How To Reach You», groove déliquescent d’arpèges anglais - In the shadow of the cranes - Brett nous concocte un don’t know ho to reach you assez effarant. Il nous sort là un nouveau chef-d’œuvre de pop anglaise. C’est un hit d’une beauté désespérée - I turn away I close the book - C’est d’une qualité surnaturelle et Richard Oakes l’aplatit avec du son.  Ça se termine comme souvent chez Suede sur un final demented. Autre coup de génie : «Learning To Be», assez pur dans l’attaque au chant. C’est une sorte de merveille intimiste - When it’s over/ We go down the streets - On y trouve des sonorités magiques, il chante d’ailleurs le premier couplet avec un fort parfum de magie sixties. Il faut voir le travail qu’abat ce mec. Le cut de fin surprend aussi par son côté spectaculaire : «The Fur & The Feathers» aménage une sorte de sortie grandiose. Aussi grandiose que le «When You Are Young» d’ouverture, quasiment hollywoodien à force de puissance orchestrale. Brett clame dans le lointain. C’est Richard Oakes qui fait le show dans «Pale Snow». Superbe ambiance de pale & paper thin. Brett renoue avec la mort. «Tightrope» se veut aussi océanique et brutalement beau. Brett Anderson a appris l’art de s’imposer - Silence is everywhere.

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             Alors qu’on croyait le phénomène Suede éteint, paraît The Blue Hour, un album galvanique. Dès «Wastelands», Brett nous sert un superbe élan romantique, Oh my friend, il sait fêler ses tonalités dans l’azur prométhéen. Ce mec sait aller pervertir ses pulsions bucoliques - When the world is much too much/ Meet me in the wastelands/ Make a chain of flowers and the children in us play - Avec «Beyond the Outsiders», Suede passe aux arpèges anglais et ce diable de Brett monte vite en température. Il frôle le génie sonique de Mansun, les arpèges éclatent dans le panoramique et la mélodie se répand comme une traînée de feu - Come with us we’re small town dreaming/ We’re birds on a wire - Brett est un fantastique émulateur de climats. Back to glam avec «Life Is Golden» et sa belle attaque rebelle, you’re not alone, c’est du pur jus de Bowie, c’est explosé dans la fondue bourguignonne, le not alone implose dans le miroir, Brett fait les deux niveaux de voix dangereusement belles et ça dérape dans un excès de beauté déliquescente. On voit encore cet immense chanteur faire des siennes dans «All The Wild Places». C’est grandiose, et puis voilà que s’ensuivent deux véritables coups de génie suédois, «The Invisibles» et «Flytipping». Brett repart dans une quête évangélique digne de Jacques Brel, c’est lui qu’il faut suivre à la trace, il reprend les choses là où Bowie les a laissées après Hunky Dory. Brett explose son art au cœur de la magie du rock anglais, as funny how it’s always out of reach, on le sent dès l’intro, «Flytipping» sonne comme un hit intersidéral, on le sent dès l’and we watch as the lorries transport their precious loads, il se demande ce qui est à lui et ce qui est à elle, what is mine and what is yours, il bascule dans l’horreur du bonheur et repart en douceur, under the trees, c’est magnifique, shining things that turn into rust, il fait l’âne pour avoir du son, pas n’importe quel son - And I’ll pick your wild roses/ in the tunnel by the underpass - C’est stoogien à cet endroit du décadentisme. On a même un retour d’orgue digne de Whiter Shade Of Pale, on avait encore jamais vu ailleurs, et ça n’en finit plus de rebondir, ils sont dans leur truc. Brett tape dans le brut du Brit.

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             Sort enfin un docu sur ce groupe capital de la Bristish scene, The Insatiable Ones. Dans la presse, Brett s’empresse de rappeler que «The history of this fucking band is ridiculous», et il ajoute plus loin, «It’s like Machiavelli rewriting Fear And Loathing In Las Vegas». Pour Brett, cette histoire a toujours été on the edge and it never stops. Stephen Troussé qui chronique le docu dans Uncut parle de Suede comme d’un poisonous cocktail of ambition, lust and revenge. Le grand absent du docu, c’est Nanard Butler qui est quand même à l’origine du son. Sans Nanard, pas de Suede, pas de rien. La matière première du docu sort de la collection personnelle de vidéos de Simon Gilbert qui s’amusait à filmer le groupe un peu partout, en studio et dans le tourbus. Le docu revient aussi sur l’addiction au crack de Brett. Troussé va loin car il dit que personne n’a autant romantisé les drogues que Brett. On voit un Brett avec des yeux comme des ronds de flan tenter vainement de composer de la Head Music on a cheap synth.

    Signé : Cazengler, suédoigt dans l’œil

    Suede. Suede. Nude Records 1993 + Edsel 2011

    Suede. Dog Man Star. Nude Records 1994 + Edsel 2011

    Suede. Coming Up. Nude Records 1996

    Suede. Head Music. Nude Records 1999

    Suede. A New Morning. Epic 2002 

    Suede. Bloodsports. Warner Bros Records 2013

    Suede. Night Thoughts. Warner Music 2016 

    Suede. The Blue Hour. Warner Music 2018

    Brett Anderson. Coal Black Mornings. Little Brown 2018

    Suede. The Insatiable Ones. DVD

     

     

    Wizards & True Stars

    - Dusty chérie (Part One)

     

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             Dusty chérie restera pour tous les gens qui ont du goût la plus grande chérie de toutes les chéries. Cette Anglaise au physique ingrat fut tellement fascinée par la musique noire et les chanteuses noires qu’elle devint l’une des plus grandes chanteuses d’Angleterre, et comme Ace ne fait jamais les choses à moitié, voici que paraît l’inespérette d’espolette : Dusty Sings Soul, une compile écrasante de prodigiosité. Il n’existe pas de mot pour décrire ce gros tas de feeling, alors on en fabrique un sur le tas. Dans prodigiosité, il y a aussi religiosité, et même tant qu’on y est prodigalité. Enfin, on remplit le mot-valise comme on peut et on monte dessus pour pouvoir fermer le couvercle.

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             Dusty chérie est un monstre sacré au féminin, au même titre qu’Aretha. Au chant, elle ne se connaît pas de limites. Chacun sait que Dusty In Memphis est devenu un album culte, l’un des plus réussis de son époque. Chacun sait aussi que Dusty n’aimait pas les bonhommes et elle avait bien raison de les tenir à distance. Elle préférait les petites gonzesses. Madeline Bell et Martha Reeves comptaient parmi ses amies et confidentes. Dans cette merveilleuse bio officielle parue en l’an 2000, Dancing With Demons, Penny Valentine raconte dans le détail la passion qu’avait Dusty chérie pour les batailles de bouffe, qu’elle déclenchait chez elle lorsqu’elle recevait des gens pour dîner. Elle prétextait avoir oublié un plat à la cuisine et revenait avec une grosse tarte à la crème qu’elle balançait dans la gueule de ses invités. Et ça déclenchait les hostilités, tout le monde s’y mettait, c’était la règle. Pour elle, il n’y avait rien de plus drôle que de voir ses amis et ses relations barbouillés de crème au beurre ou de sauce tomate. Ça la rendait hystérique, elle ne pouvait plus s’arrêter de rigoler. Elle se roulait par terre dans les débris de tartes aux épinards et de gâteaux de riz, les pattes en l’air, elle rigolait à s’en arracher les ovaires. Tous les ceusses qui ont participé à des batailles de bouffe savent qu’il n’existe rien de plus hilarant que de voir la gueule de sa fiancée barbouillée de chantilly. Ça n’a pas de prix. On en rigole encore le lendemain lorsqu’on lave les murs. Et on recommence à la première occasion. Penny Valentine ajoute que les gens invités régulièrement chez Dusty chérie savaient exactement ce qui allait se passer lorsqu’elle se levait pour aller à la cuisine. La surprise était réservée aux novices. Ça permettait à Dusty chérie de faire le tri. Il y avait ceux qui revenaient dîner chez elle et ceux qui ne revenaient pas.

             Pour Dusty Sings Soul, Tony Bounce a choisi 24 cuts enregistrés entre 1964 et 1969, laissant volontairement de côté Dusty In Memphis et les sessions de Philadephie, car pour lui, ce sont des œuvres à part entière. Ces deux douzaines de cuts compilés démontrent selon lui, «why she will always be regarded as the UK’s foremost Soul singer of her time, and of all time.» Deux coups de semonce sur cette compile : «Take Another Little Piece Of My Heart» et «Welcome Home». C’est Erma Franklin, la grande sœur d’Aretha qui enregistra le Piece Of My Heart en premier, ce qui est logique, puisque ce hit faramineux est co-signé Bert Berns et Jerry Ragovoy. Erma faisait partie de l’écurie de Bert au grand pied. Dans le booklet, Bounce explique que Bert au grand pied cassa sa pipe en bois quelques semaines avant que Dusty chérie n’enregistre à son tour cette pure merveille. Elle y est accompagnée par ses trois amies de cœur, Madeline Bell, Lesley Duncan et Kay Garner. Mais ni Erma Franklin ni Dusty chérie n’auront autant de succès qu’en eut Janis avec sa version de Piece. En fait Dusty chérie tape dans le slow groove qu’on attribue à Janis, mais c’est tout à fait autre chose. Dusty le monte en neige pour mieux l’exploser dans l’azur immaculé, c’mon baby, il faut la voir monter son Piece, c’est d’une rare violence. C’est Chip Taylor, un autre très grand compositeur, qui signe «Welcome Home». Dusty chérie connaissait les versions de Garnet Mimms et de Walter Jackson, mais comme le dit si bien Bounce, elle voulait pousser le bouchon, kick the song up to the next level, et du coup, elle éclaire la terre entière, et en même temps, elle t’en fait de la charpie, elle explose le génie du pathos à coups d’into my life et ça flambe ! Elle en fait un hit définitif. Quand on le réécoute dans la foulée, on voit qu’elle est beaucoup plus progressive qu’on ne l’imagine : elle épouse le cut un temps puis elle le développe au well c’mon my baby, c’est un peu comme si elle gérait méthodiquement sa démesure, comme si elle commandait l’orgasme, elle le retient une première fois, babe it’s so good to be back home, elle stoppe juste avant chaque explosion. Il n’existe pas grand chose de comparable, à ce niveau de maîtrise sexuelle. Ne la laissez pas s’approcher d’«Oh No Not My Baby», car avec sa voix définitive, elle va l’envoyer au tapis. Elle chante ce hit signé Goffin & King à la pure niaque anglaise. Dusty chérie avait déniché cette merveille chez Maxine Brown, comme le fit d’ailleurs Manfred Mann qui en enregistra aussi une version, à l’époque. Ce fut aussi un hit pour les Shirelles, qui étaient les chouchoutes de Dusty chérie. Quand on dit qu’elle était fascinée par la musique et les chanteuses noires, c’est presque un euphémisme - It is well known that Dusty was a total Motown fanatic - Et boom elle tape dans le Marvin de 63 avec «Can I Get A Witness», elle fait le job, la blanche est bonne, elle te jerke ça vite fait !

             Ça va rester un principe chez elle : exploser les covers. Dusty chérie est tellement pleine de vie qu’elle peut chanter à la revoyure. Elle rend hommage à Aretha avec une fantastique cover de «Won’t Be Long» - Dusty breathes similar gospel fire into her version - épaulée par Madeline Bell et Doris Troy. Dusty chérie te jazze l’early groove les mains sur les hanches. Zorro Bounce a réussi à exhumer une version d’«All Cried Out», un hit paru en version tronquée, dit-il, alors il répare cette infamie avec la version intégrale du stereo mix, ce qui permet à Dusty chérie de te groover la chique. Elle devient de plus en plus black avec «Some Of Your Lovin’», elle te retient, elle t’oblige à observer son art, elle est totalement asexuée, mais en même temps elle dégouline de sexualité, elle est l’interprète idéale. En plus de Madeline Bell et de Lesley Duncan, Dusty chérie ajoute Kiki Dee dans les backings.

             L’une de ses grands chouchoutes est bien sûr Baby Washington, dont elle s’inspire beaucoup et dont elle reprend «That’s How Heartaches Are Made». Elle revient à Motown avec l’excellent «Ain’t No Sun Since You’ve Been Gone» signé Sylvia Moy et Norman Whitfield, un hit que reprendront aussi bien sûr les Tempts et Gladys Knight & The Pips. Sur sa version, Dusty chérie est bombardée de bassmatic et c’est atrocement bon. On l’attend au virage avec Burt pour «I Just Don’t Know What To Do With Myself». Magique. Après Burt, elle passe à Stax avec une cover d’«Every Ounce Of Strength», un hit de Carla qu’elle chante à tue-tête, tellement à tue-tête qu’elle en devient une furie magnifique. Ah il faut la voir à l’œuvre ! On s’épuise à vouloir la suivre. Difficile d’admettre qu’on est complètement largué.

             Et puis tu tombes sur «I Can’t Wait Until I See My Baby’s Face» qui est une sorte de synthèse de tout ce qui précède, car écrit par Jerry Ragovoy et Chip Taylor, auteurs dont Dusty chérie est friande, et interprété avant elle par les super-chouchoutes Aretha et Baby Washington, alors on ne peut pas espérer meilleure symbolique, en matière de cohérence de la prestance. Zorro Bounce ajoute qu’en plus de tout ça, Dusty chérie fit des backing sur la version qu’enregistra sa copine Madeline Bell, deux ans auparavant, version qu’on retrouve sur la compile Bell’s A Poppin’. Sur sa version, Dusty chérie groove la magie au xylo, elle symbolise l’outrecuidance des cuisses serrées dans la chaleur des sixties, elle en fait un hit blanc de tergal serré, elle est d’une telle modernité qu’on est obligé une fois encore de crier au loup. Elle rend hommage à Arthur Alexander avec une puissante cover d’«Every Day I Have To Cry» et boom, elle passe au Soul power avec «Love Power», we get love !. Avec «Am I The Same Girl», elle passe à une autre mouvance, celle d’Eugene Record, l’âme des Chi-Lites, mais aussi celle de Gamble & Huff et A Brand New Me, at Sigma Sound - Where she would record some of the greatest Soul music ever to come out of the City Of Brotherly Love - Zorro Bounce est déchaîné. Il termine sa compile avec «What’s It Gonna Be» - It would be unthinkable not to feature the track that most fans regard as Dusty’s best-ever Soul record - C’est enregistré en 1967 à New York avec Jerry Ragovoy, et en guise de backing vocals, la crème de la crème : Carole King, Nick Ashford, et Valerie Simpson. Zorro Bounce ne comprend d’ailleurs pas pourquoi «What’s It Gonna Be» n’est pas devenu un hit. Ça le dépasse. Et nous aussi. 

             Dans l’un de ses ultimes messages, Jean-Yves me confiait qu’il n’écoutait plus grand-chose, un peu de ci, un peu de ça et beaucoup de Dustry Springfield.

    Signé : Cazengler, Dustiti & Grosminet

    Dusty Sings Soul. Ace Records 2022 

     

     

    L’avenir du rock

     -  Drippers spirituels

             De temps en temps, l’avenir du rock disparaît de la circulation. Il met un panneau «Ne Pas Déranger» sur la porte de sa maison, il éteint son téléphone et il descend à la cave où est installé son générateur. C’est une machine à remonter le temps. Personne ne sait que cette machine existe. Ce n’est pas qu’il ne veuille pas partager, mais il craint surtout d’être pris pour un fou. Pris pour un con, il parvient à l’accepter, mais pour un fou, non. Il s’installe aux commandes de sa bécane et programme l’année de son choix sur un petit clavier digital. Tic tic tic tic tac. Il ferme l’écoutille, met le contact, un gros éclair vert traverse l’habitacle, quelques soubresauts et hop, comme dans une bande dessinée d’Edgar P Jacobs, l’avenir du rock se retrouve propulsé dans le passé. Il a choisi l’an 750 de notre ère et la Scandinavie. Il adore les Vikings et surtout boire avec eux de l’hydromel dans le crâne d’ennemis fraîchement décapités. La fréquentation des Vikings le régénère. Si la plupart des gens prennent des vitamines pour avoir du punch, l’avenir du rock préfère fréquenter les Vikings. À leur contact, il sent les énergies telluriques traverser son corps, le sang bouillonner dans ses veines, il chante avec eux les chants de guerre lors des festins où sont alignés tous ces fantastique guerriers, ces gaillards poilus et puants coiffés de casques ailés, il voit tous ces torses nus sanglés de cuir clouté luire à la lueur des flammes du brasier installé au centre de la grande hutte communautaire, ah quelle ambiance ! Ce mélange de primitivisme et de violence est tout de même unique au monde, se dit l’avenir du rock, ivre de liberté et d’hydromel, tellement ivre qu’il s’écroule dans le brasier, et, alors qu’il continue de chanter à tue-tête et qu’il commence à rôtir, on le retire du feu avec des harpons pour l’arroser d’hydromel et le mettre à sécher pendu par les pieds, comme un hareng. Lorsqu’il revient à lui, l’avenir du rock sent une drôle d’odeur. Il est assis aux commandes de sa machine et ses vêtements sont carbonisés. Une violente odeur de hareng fumé l’oblige à sortir de l’habitacle. Mais il tient absolument à rester dans l’ambiance de son voyage, alors il remonte en hâte au salon, se verse un grand verre d’eau de vie, et glou et glou, puis s’installe confortablement dans son fauteuil pour écouter les Drippers, les Vikings les plus barbares de tous les temps. Arrrgghhh ! 

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             Non seulement Arrrgghhh !, mais mille fois Arrrgghhh ! Le deuxième album des Drippers paru cette année porte bien son nom : Scandinavian Thunder.

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    Dès «5 Day Blues (2 Two Day Boogie)», tu as le real deal qui te tombe sur la tête, et pas n’importe real deal, celui de l’early punk, mais c’est beau car taillé sur mesure. Ces Vikings ont du souffle, ils arrosent le beat d’une chantilly de wah et t’en mettent plein la vue, ils lâchent l’élastique et ça part en pleine gueule du mythe. Et ça continue avec «Overlead», ils sont dans l’excellence du rebondi de Nine Pound Hammer, c’est le grand retour de ce son et des chutes du Niagara, c’est du Motörhead à la puissance 1000, bastonné dans le dos du beat, c’est du punk’s not dead sans peur et sans reproche, blast magnifique en qui tout comme en un chat sauvage aussi tigré qu’excessif. Pour compléter la triplette de Belleville, voici «No Stars», ils rallument le brasier du punk-rock scandinave, ça taillade dans les tibias, mais comme c’est beau ! Ils cocotent comme des vrais bouchers et ça chante à l’envers des rafales. Par les temps qui courent, peu de gens osent ainsi se jeter à l’eau. Ils perpétuent le wild as fuck des Hellacopters, avec encore plus de sauvagerie, comme si c’était possible. Les voilà au rendez-vous de «Shine No Light», ils ramènent toute la barbarie dont ils sont capables, ils n’ont pas d’états d’âme, ils arrosent, ils démolissent tout. Ces mecs ne baisseront jamais les bras. Il faudrait les leur couper. Nouvelle cavalcade avec «Rollin’ Aces», on dirait un drakkar éventré lancé dans une course folle. Ils visent l’insanité. Ils amènent «Shit Island Showdown» à la pluie d’excellence, c’est un fabuleux shuffle de killers Vikings, ils atteignent cette fois le génie sonique après l’avoir frôlé, cette fois la beauté sera explosive ou ne sera pas. Ils finissent par avoir ta peau, ils te bouffent la rate, tu ne peux pas leur échapper, ils jouent aux accords de feu.

             Vive Le Rock les appelle the Harbingers of action rock, c’est-à-dire les présages de l’action rock, ce qui leur va comme un gant. Le bassman/chanteur s’appelle Viktor Skatt. Pour lui une seule chose compte quand il compose avec ses copains : «It has to be fast. That’s the only rule.» Il donne sa définition de l’action rock : «Tu pars du 60s Detroit Sound, Stooges, MC5, all the good stuff, you take that and add a little punk attitude, a few glam riffs, you bring it up to date a little bit with more of a hard rock edge and somehow you end up with action rock.» Une vraie recette de cuisine Viking ! Skatt cite aussi les Hellacopters avec lesquels il dit avoir grandi et pour lui, ce son est le résultat du mélange du Detroit stuff avec des idées plus modernes. Et ce n’est pas un hasard si Tomas Skogsberg les produit : c’est lui qui a produit les Hellacopters. Skatt avoue aussi jouer du distorted bass en hommage à Lemmy.

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             Leur premier album s’appelle justement Action Rock. Il date de 2019. Pour les nostalgiques de Motörhead, c’est un album de rêve car il grouille de blasts, à commencer par l’«(Ain’t No) Shangri-La» d’ouverture de bal, c’est même un ultimate saturé de son, tu n’as rien au-dessus, même pas les Dwarves. On pourrait presque dire la même chose de «Gimme The Shakes», c’est un pétard enfoncé dans la gueule du crapaud, boum ! Si tu aimes le blast, alors c’est l’album qu’il te faut. C’est même ravagé par la guitare d’Attila. Encore un petit coup de blast pour la route ? Voilà «Langgatan», une sorte de wild ride à travers les plaines en feu. Tu ne peux plus échapper à ton destin. Ils tapent ensuite «White Light» à la pire insulte de fast beat. Non seulement ils explosent la rondelle des annales, mais le cut prend feu. Ils blastent encore à outrance leur «Day Turns To Night». On n’avait encore jamais entendu un ramdam pareil, même chez Zeke ou les Dwarves. Ça joue à la vie à la mort, beat de frappadingues avec des solos liquides. N’oublions pas les coups de génie. On en dénombre deux sur cet album : «Feldman’s Exit» et «Bottled Blues». Avec Feldman, t’es cavalé dessus par la cavalerie des Drippers. C’est la charge des Chevaliers Teutoniques. Tout vibre dans la baraque. Il n’existe rien d’aussi demented are go, avec en plus un solo au napalm, ça rampe sous les flammes, ces gens-là ne respectent rien. Ils repartent de plus belle avec «Bottled Blues», le pire stroumfphed-out punk blast de l’histoire de l’univers. Ils poussent tellement grand-mère dans les orties que ça devient congénital. Au sens où ça outrepasse le MC5. Les Drippers proposent un capiteux cocktail de solos à la dégueulade suprême et de rafales de coups de wah.  

    Signé : Cazengler, Dripère Fouettard

    Drippers. Action Rock. The Sign Records 2019

    Drippers. Scandinavian Thunder. The Sign Records 2022

     

     

    Inside the goldmine

    - Admirable Admiral

     

             Sur le chemin de sa tournée, le facteur Shovell ramassait des galets qu’il trouvait jolis. Il comptait bien les utiliser pour décorer la réplique du temple d’Angkor Vat qu’il construisait dans son jardin. Et pas qu’un petit temple, hein, non, un temple à l’échelle 1, sur trois étages, qu’il élevait tout seul, sans arpètes ni grues, seul avec la brouette en bois de son grand-père, sa truelle qu’il polissait chaque matin au réveil et une poulie de marine dont il se servait pour monter ses seaux de mortier blanc sur l’échafaudage. Il mettait un soin particulier à tarpouiner son mortier, il y jetant de la chaux et de la cendre pour lui donner du caractère et il passait des heures à rechampir ses façades, à les décorer de galets, et puis il charpentait et entuilait, sans jamais s’attacher, confiant qu’il était dans la précision de ses gestes. Il jouxta le palais d’Angkor Vat avec un autre palais, celui des Mille et Une Nuits dont il avait découvert une gravure dans la traduction de Richard Burton, un très beau livre emprunté à l’institutrice du village. Il éleva les huit minarets et réussit à polir les dômes pour qu’à la nuit la lune les éclaboussât de lumière. Il se lança ensuite dans la plus folle de ses entreprises : il éleva un sphinx de Gizeh à l’entrée de son jardin, mais il le modifia en lui collant un panneau noir sur l’œil, en souvenir de l’amiral Nelson qui était borgne. Il en était tellement fier qu’il se relevait la nuit pour aller l’admirer. Ça devait être au mois de mai, lorsque les nuits sont claires, qu’il entendit parler le sphinx :

             — C’est une chose de toute éternité que l’amitié intellectuelle, n’est-il pas vrai, facteur Shovell ?

             Clong ! Le facteur Shovell sentit sa mâchoire se décrocher et pendre comme une lanterne sur sa poitrine. D’une voix plus profonde encore, le sphinx poursuivait, l’œil fixé sur l’horizon :

             — Oooooh so cloudesley...

             Comme piqué par une guêpe, le facteur Shovell cavala jusqu’à son atelier. Il jeta dans sa brouette une belle plaque de marbre récupérée dans un cimetière qu’il avait repolie et empocha un poinçon et un marteau. Alors que le sphinx commençait à réciter la Légende des Siècles, le facteur Shovell grava «Admiral Sir Cloudesley Shovell» sur la plaque et la scella à l’avant de la patte avant droite.

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             Johnny Gorilla a-t-il visité le Palais Idéal du facteur Shovell ? C’est possible, il faudrait lui poser la question. En attendant, il existe actuellement en Angleterre un power trio qui s’appelle Admiral Sir Cloudesley Shovell. Magnifiques albums, magnifiques pochettes et magnifiques dégaines. Ces trois rumblers ancrés dans les seventies ont tout bon : le nom de groupe, le son, les motos. N’oublions pas la tête géante de perroquet qu’on retrouve sur les pochettes des deux premiers albums et qui crée une sorte d’identité visuelle. Détail de très grande importance : ces mecs portent des rouflaquettes dignes de celles de Jesse Hector au temps des Gorillas. Bien joué, Johnny Gorilla !

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             Leur premier album paru en 2012 s’appelle Don’t Hear It... Fear It. Le perroquet trône sur le recto de pochette, mais au verso, on les voit tous les trois, Johnny Gorilla au centre, photographiés dans un immeuble destroy, comme le furent les Saints pour la pochette de leur premier album. Ils l’attaquent avec un pscho-psyché à la Rosemary’s Baby, «Mark Of The Beast». Johnny Gorilla s’arrache bien la glotte. Derrière, ça joue très seventies. Bill Darlington bat le beurre comme un beau diable et Louis Comfort-Wiggett écrase le champignon du drive. Les amateurs de hard seventies vont bien se régaler. On a là un son très pulsé, très gonflé, très compressé. On reste dans le bon vieux heavy des intérêts menacés avec «Devil’s Island». Ces trois mecs réinventent le fil à couper le beurre de Black Sabbath, mais ça s’arrête là. Ils ne vont pas plus loin. Ils se limitent à réactiver un capharnaüm vieux de quarante ans. Louis Comfort-Wiggett en profite pour passer un solo de basse. Avec «Death», ils se veulent sacrément totémiques, heavy et sans appel. Break de basse dément. Comme le facteur Shovell, ils élèvent des constructions vertigineuses dans les hauteurs. Ces mecs ne peuvent pas se calmer, ils en sont parfaitement incapables. Ils se contentent de hurler au sommet de leur Ararat, parmi les éclairs de la tourmente sonique. Ils attaquent la B avec un «Red Admiral Black Sunrise» monté sur un beau riff de basse. C’est l’une des meilleures heavyness d’Angleterre, suspendue dans l’air brûlant d’un combat naval. L’amateur de heavy blues y retrouve automatiquement son compte. Big sound ! Ils sont bien sûr incroyablement prévisibles. Ils aimeraient bien rejoindre Monster Magnet dans les limbes de l’espace. Tony McPhee vient jouer un coup de slide sur «Scratchin’ And Sniffin’». Il en profite d’ailleurs pour placer l’un de ces solos fabuleux dont il a le secret.

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             Deux ans plus tard paraît Check ‘Em Before You Wreck ‘Em. Pochette toute aussi admirable que celle du premier album. L’homme à tête de perroquet rouge chevauche une Triumph anglaise. Ces mecs sont dans leur son comme ils sont dans leur look, sans concession. Ils n’ont pas l’intention de lâcher l’affaire. Johnny Gorilla s’énerve dès «2 Tonne Fuckboot», cut tentaculaire et tarabiscoté. Il chante ça avec de la bave aux lèvres. Il adore le tarabiscotage des seventies. Il s’amuse à rebricoler tous les vieux mythes du heavy rock des seventies : le chant braillard, le power-trio invincible, le son gras du bide et les coups de cloche. Avec «Captain Merryweather», il vise le heavy insoutenable. C’est tellement heavy que le plancher menace de céder sous le poids. Johnny Gorilla n’en compte pas moins s’élever jusqu’au sommet de la déshérence. Avec «Running From Home», il plonge dans la terre des ancêtres. Il adore charger la barcasse de la rascasse. Et le «Shake Your Head» qui ouvre le bal de la B se montre digne d’Edgar Broughton et des titans du proto-punk. Johnny Gorilla chante avec une voix de briseur de reins. On sent qu’avec «Bulletproof», ils reprennent les choses là où Bullet les avait laissées. Cool as fuck.

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             Deux ans plus tard arrive Keep It Greasy. Pas de perroquet, cette fois, une grosse dame tatouée a pris sa place. Comme l’indique le titre, Johnny Gorilla chante au greasy double. On se croirait sur un album Vertigo en 1972, au cœur des années de lycée pourries. C’est exactement le même son, avec des faux échos de Taste dans le chant. Johnny Gorilla vise le raw brûlant. Il n’en finit plus d’étaler son étalage. Il frise parfois le Nashville Pussy à l’Anglaise, bien greasy et bien collant. Johnny Gorilla est un sacré old timer, il n’hésite à multiplier les changements de rythme, les poussées de fièvre, les entrelacs aventureux et il se prête bien sûr dès qu’il peut au petit jeu du killer solo vipérin. On l’a bien compris, ce power trio est comme chargé d’histoire et d’énergie, et le diable sait si le puits des seventies est sans fond - I feel so tired ! 

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             Un quatrième album vient de paraître : Very Uncertain Times. Le perroquet est à l’intérieur et Serra Petale remplace Bill Darlington eu beurre. Cette fois, ils sonnent carrément comme Motörhead, les quatre premier cuts sont du pur Lemmy. La fête commence avec le morceau titre, ils sont tout de suite dans cette énergie inexpugnable, c’est l’ultime hommage au Lemmy des cheveux sales, du speed et du riff vainqueur. Ils sont dans ce rock qui ne veut pas lâcher prise. Tant que ces mecs-là joueront, le rock vivra. Ah il faut les voir dépoter leur heavy blast ! On reste dans la violence avec «The Third Degree», ils jouent la même carte, celle du power goûlu, de la fritte grasse et Gorilla part en virée en wah. Wow ! Il joue sa carte à la folie, il est partout dans le son, comme le fut Fast Eddie Clarke. Ils foncent dans leur tunnel extraordinaire, «Mr Freedom» pourrait figurer sur n’importe quel album de Motörhead, pure craze de bye bye Mr Freedom, Johnny Gorilla fait son Lemmy, avec le même gusto. Ils restent dans la veine Motörhead avec «Iceberg» puis nous balancent une énorme tartine de Gorilla avec «Blackworth Quarry». Ils claquent «Biscuits For Victor» au riffing absolutiste, quelle bonne aubaine, Ben ! Ils ne reculent devant aucun sacrifice, ils pèlent leur dard, ils optent pour l’opti, ils graissent des pattes et bourrent leur dinde. Il y a chez ces mecs-là une ferveur, un enthousiasme très contagieux. Bel album, en tous les cas. 

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             Avant ça, Johnny Gorilla avait un groupe nommé Gorilla et dont on ne peut que recommander l’écoute aux amateurs de gros son. Gorilla date de 2001 et sa pochette rouge renvoie bien sûr à celle du deuxième Grand Funk Railroad. C’est d’ailleurs comme ça qu’on l’a remarqué à l’époque sur le mur des nouveautés chez Gibert. Oh la belle pochette miam miam ! Ça doit être bien, ce truc-là. Bonne pioche ! L’album répond à toutes les attentes, dès «Good Time Rockin’», Johnny Gorilla l’attaque à la folie Méricourt, pas le temps d’en placer une, t’as la bouche emportée par un obus, awk awk, après tu peux faire des bruits mais tu vas pourrir la vie de ta mère et ta sœur qui bat le beurre, bon bref pendant ce temps, Johnny Gorilla envoie ses obus, c’est un fils de pute, un vrai fils de Motörhead, avec un truc en plus. La petite bassiste donne bien, elle aussi. «Coxsackie» sonne comme une horreur rampante, c’est heavy au point de se casser la gueule. Trop de poids, tu perds l’équilibre. Comme d’habitude, Johnny Gorilla tente d’incendier ses cuts par tous les bouts et pouf, il fait du MC5 avec «She’s Got A Car». Ce sont les accords du Burning. Retour à la heavyness avec «Nowhere To Go But Down», il passe au gros biz de Gorilla, il adore les Panzer Divisions, la lente avancée des forces du mal, ils sont dans le plantage des Plantagenet, les riffs suffoquent de tant de neige à Stalingrad, les voix ahanent dans l’horreur de la fin du monde, Johnny Gorilla bourre sa dinde de purée, c’est la technique de la cheminée, c’est un tortionnaire et tout explose dans la neige, sang caca boudin. Ils sont sublimes, forcément sublimes. Johnny Gorilla ne vit que pour le Sabbath, son «Forty Winks» est aussi du early Sab, il est amoureux d’Ozzy, pas de doute, il baigne dans cette friture extrême, il cultive l’art de la vrille de voyou, il est avec Ozzy le pire voyou d’Angleterre, il bat tous les autres à la course, derrière c’est chaud avec la basse fuzz, extraordinaire mélasse d’ex-voto à Toto. Ils explosent ensuite «Day Blindness» au sommet du lard anglais, guitare + bass + beurre, leur son vivace craque sous la dent, avis aux cannibales et aux amateurs de parfaite explosivité. Bien vu Gorilla !

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             Non seulement Gimme Some est un bon album, mais en plus il défonce la rondelle des annales. Ça explose dès l’accord d’intro de «Just Wanna Rock», pas de pire expédition que celle-là, Johnny Gorilla pulvérise tous les records de Motörhead et tous ceux du gunk punk undergut, il atteint l’autre dimension, il joue le blast de la vingt-cinquième heure. Sur le tard, Sarah Jane se fend d’un solo de basse qui vaut ceux de Jack Bruce et de John Entwistle, puis Johnny Gorilla revient dans la soupe au chou, c’est son truc. Avec «Double Neat», il bat tous les records de heavyness, on patauge dans le pire son de l’univers, ses accords et ses solos prennent feu, aw Gorilla ! Il faut entendre l’intro de basse de Sarah Jane dans «Gimme Some Gorilla», elle joue au rentre-dedans. Belle leçon de violence sonique à l’anglaise. Sarah Jane fait encore des siennes dans «Negative Space», elle joue un bassmatic excédé, elle slape la face du Gorilla alors que le Johnny du même nom sème le calme avant la tempête pour mieux brouiller les œufs. Encore une belle leçon d’anti-humilité avec un «Oaken Mind» dévoré de l’intérieur, my oaken mind ! Et quand arrive «I’m Dirty», tu sautes dans ton salon au son du big riffing de shot dead, Johnny Gorilla balance une vieille dégelé de serpillière trashcore, ces trois oiseaux sont indécrottables, ils sautent dans tous les coins, ça joue, ça gicle, c’est Gorilla. Power-trio absolu, fast and heavy. Johnny Gorilla joue sa heavyness à la sur-puissance. Toutes les compos se veulent aventureuses.

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             Allez, tiens, encore un big album de rock avec Rock Our Souls qui date de 2007. Ramassé aussi chez Gibert. C’est dingue comme le mot Gorilla peut attirer l’œil. Ça ouvre sur un «Come On Now» qui porte bien son nom, une espèce de petite horreur déflagratoire dans le coin du son. Sarah Jane on bass et Billy Gorilla au beurre, faisabilité à tous les étages, c’mon ! Billy Gorilla est le sosie de Johnny Ramone et Sarah Jane paraît à la fois blonde et brune, on se sait pas trop. Johnny Gorilla porte une cartouchière, comme Lemmy. Ils sont dans le revienzy de Sabbath avec «Vulture Tree» mais reviennent à Motörhead avec «Bludd Sucker». C’est embarqué directement en enfer. Dynamiques de Motörhead + break de basse et départ en vrille de wah du diable. Que peut-on demander de plus ? Sarah Jane ramone tout ça au bassmatic et Johnny Gorilla prend feu au chant. Quand ils tapent dans la heavyness («Preying Menace»), ils font de la heavyness transcontinentale. Puis ils expédient «Rok R Soles» en enfer. On voit ensuite «Hot Cars» prendre feu sous nos yeux, c’est en plus battu comme plâtre, on croit entendre l’early Motörhead, c’est le chaos total, hey hey hey, Johnny Gorilla fait son Fast Eddie, tout est joué au maximum overdrive.

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             Pas de surprise avec le Gorilla Vs Gritter paru en 2016 : c’est du Motörhead-alike pur et dur. D’ailleurs, les accords de «Both Barrells» sont ceux d’«Ace Of Spades». Même jus, mêmes pyromaniacs, mêmes fous dangereux. Ils tartinent la heavyness de «Slay Rider» à la main lourde, Johnny Gorilla ne s’embarrasse pas avec les détails de la dentelle, il y va à coups de pelle. Ils restent dans cette vieille heavyness des seventies pour «Grind Yer Down». Johnny Gorilla n’en démord pas, il ressort son meilleur accent lemmyen pour tailler la route. Power absolu ! De l’autre côté, les Gritter sont marrants, ils sortent quasiment le même son. Le pire, c’est que c’est excellent. Ils tapent dans le raw du raw. Tout est au même niveau d’identité. Bravo les gars !

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             Le dernier album en date de Gorilla s’appelle Treecreeper. Ils ne sont pas près de se calmer. Johnny Gorilla a même décidé de surpasser Lemmy. Ça te fait marrer d’entendre ça ? Et pourtant c’est vrai. Au moins sur deux cuts, «Gorilla Time Rock n Roll» et «Killer Gorilla». Il enfonce son Gorilla Time comme un suppositoire dans le cul du rock, ils sont tous les trois plus explosifs que Motörhead, comme si c’était possible ! Eh bien oui, c’est possible. Même gendre d’incendie, mais poussé à l’extrême. Même chose avec «Killer Gorilla», le dernier cut de l’album, c’est joué au cœur des flammes, ces mecs sont fans au point de porter des cartouchières, c’est stupéfiant de véracité, jusque dans le son et la façon de beugler au cœur du chaos. C’est très spectaculaire. Il faut bien sûr voir ça comme un hommage à Lemmy et à Fast Eddie Clarke. L’autre énormité de l’album s’appelle «Terror Trip». Ces mecs sont fous, ils n’hésitent pas à te casser les oreilles pour imposer leur son. Ils font la heavyness définitive. Ils enfoncent leurs clous seventies à coups de marteau de Thor. Dès «Scum Of The Earth», on sait qu’on arrive chez des barbares. Les pires qui soient. Johnny Gorilla fait son Lemmy à l’arrache, il est marrant car il en rajoute, ils jouent tous les trois à l’ultra-saturation, l’air devient irrespirable. Ils sont dans leur truc, il ne faut pas les embêter. Ça reste du heavy seventies rock chanté au cancer de la gorge. «Cyclops» est beaucoup trop extrême. Trop plongé dans les abîmes. Johnny Gorilla est un émule de la mule, il va chercher les vices des abysses, mais ses attaques matraquent. Le morceau titre surprend par sa construction, d’abord heavy puis speedé. Ça sent le crystal meth, cette affaire-là. On le voit à la qualité des effusions. Avec «Mad Dog», Johnny Gorilla arrive au pied de la falaise, mais il est vif et sait se montrer intéressant, c’est un guerrier, il tape ça à l’éclair de wah, c’est d’une rare présence, tous ses départs en solo sont des modèles du genre. Il nous claque ensuite «Ringo Dingo» derrière les oreilles. Ces mecs ont créé un monde extraordinairement vivant, un monde de claques, de Lemmy, de wah et de virées incendiaires, c’est un cocktail génial et capiteux. Johnny Gorilla gueule tant qu’il peut puis il part en maraude, alors ça devient inquiétant.

    Signé : Cazengler, Admiral Sir Cloudesly Savate

    Admiral Sir Cloudesley Shovell. Don’t Hear It Fear It. Rise Above Records 2012

    Admiral Sir Cloudesley Shovell. Check ‘Em Before You Wreck ‘Em. Rise Above Records 2014

    Admiral Sir Cloudesley Shovell. Keep It Greasy. Rise Above Records 2016

    Admiral Sir Cloudesley Shovell. Very Uncertain Times. Rise Above Records 2019

    Gorilla. Gorilla. Lunasound Recording 2001

    Gorilla. Gimme Some. Beard Of Stars Records 2004

    Gorilla. Rock Our Souls. Go Down Records 2007

    Gorilla Vs Gritter. HeviSike Records 2016

    Gorilla. Treecreeper. Heavy Psych Sounds 2019

     

    DESOLATE GRAVE

    ( Digital / Bandcamp / 04 - 01 - 2022)

    Presque un an de retard. Désolé je ne l’avais pas vu. Je ne veux pas dire que je n’avais pas remarqué sa sortie, mais que si je l’avais vu de mes yeux je l’aurais chroniqué séance tenante. Vous connaissez mon attrait pour les pochettes, mais celle-ci est particulière.

    Viennent de Gothenburg, la deuxième cité la plus peuplée de Suède derrière Stockholm, nous ne retiendrons de cette vaste métropole que trois détails, la monumentale statue de Poseidon, symbole de la ville, due à Carl Milles qui fut élève de Rodin à Paris, ce qui ne m’empêche pas de penser qu’il fut surtout influencé par Bourdelle,  enfin – je ne saurais passer devant une représentation d’une divinité grecque sans lui rendre hommage –deux autres traits davantage en relation avec cette chronique, Gothenburg possède un Opéra et une tradition de groupes de death metal mélodique. En fait ils ne viennent pas, Desolate Grave est un one man band Davis Pos Mauritzon.

    Une personnalité d’autant plus pratiquement inconnue sous nos latitudes qu’il se dissimule le plus souvent derrière l’appellation de son projet, ici Desolate Grave, nous en concluons qu’il ne tient pas à tirer gloire de son individualité patronymique, mais avant tout à nous transmettre ses visions du monde afin que l’effacement de sa personne les objectivise davantage.  Ce n’est pas ce que lui David Pos Mauritzon voit qui est important, mais la chose vue elle-même en le sens où elle nous concerne, non pas parce que sa présence est signalée par David Pos Mauritzon, mais parce que c’est à nous de la considérer en tant que ce qu’elle est. Par exemple : une menace.

    Remontons les traces de David Pos Mauritzon : Belarus Beaver : je pensais que Beaver signalait un ours de grande taille, de fait il désigne un animal paisible : le Castor. Du moins je le pensais jusqu’à ce que je découvre que les castors biélorusses sont particulièrement agressifs. Le premier post que je trouve sur le net est la mort d’un pêcheur tué par la jolie bestiole qu’il voulait photographier. Quoi qu’il en soit il existe trois albums de Belarus Beaver dont le style est qualifié de brutal beaver grind. Pour ceux qui l’ignorent le grind est un metal particulièrement très violent. Derrière ces trois albums ne se cache pas une colonie de castors mais vous l’avez deviné un certain David Pos Mauritzon.

    Bandcamp nous propose donc trois albums de Belarus Beaver. Question musique je me contenterai de deux adjectifs : brutal et mélodramatique, le gars se tape un délire sur les castors, l’ensemble tient du conte médiéval et du scénario de film ‘’animaliste’’ des années seventies, style invasion de fourmis, ou d’araignées géantes, ou de vers mangeurs d’hommes, sauf qu’ici les héros diaboliques sont des castors retors et méchants qui ont décidé de prendre le pouvoir sur toutes les autres espèces, la nôtre comprise… Pour vous donner une idée je recopie le titre – j’ai bien écrit le titre et pas les paroles – d’un des morceaux de cette monstrueuse saga castorienne : Archeological findings indicated that beavers were eating humans but for unknowm reasons were zombies so everyone died. L’écoute de ces trois albums risque de changer vos a-priori philosophiques sur ces pacifiques constructeurs de barrages.

    Les trois précédents albums sont parus entre juillet 2019 et juin 2022, en 2014 l’on retrouve Mauritzon dans le groupe ÖDÖLDS, l’album éponyme est apparemment un opus à la gloire de la bière, mais l’on est en droit de se   demander si la bière en question n’est pas une boisson qui se mêle à votre sang pour vous transformer en zombie… Je ne résiste pas à vous montrer la pochette.

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    En 2017, David Mauritzon participe à l’album To be drawm and to drown de SIGN OF CAIN, encore une couve appétissante, sur le label Apostasy Records, bel opus de metal mélodique qui se rapproche de celui que nous allons écouter.

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    DET SISTA STEGET

    DESOLATE GRAVE

    L’artwork est magnifique. Il est signé de Pontus Bratt, tatoueur de son métier Visitez son site ou son Instagram, ses motifs, fuselés et sanglants, valent le détour. De toutes les vignettes que j’ai visionnées et admirées, aucune ne témoigne du style adopté pour cet EP.  Le pire c’est que cette image n’est en rien originale. Des représentations idoines, par dizaines et centaines, vous sont déjà passées sous les yeux, BD, couves de disques, illustrations de livres, décors de cinéma. C’est justement pour cela qu’elle vous accroche. Parce que vous connaissez déjà. Le thème est ultra-simple ; une vision de fin de monde, un immeuble abandonné dans une ville dont instinctivement vous comprenez qu’elle n’est plus habitée, genre de description dont vous vous délectez par exemple chez Franck Thilliez lorsque les héros d’Atom(ka) entrent dans la zone interdite de Tchernobyl. Un paysage de fin du monde. L’impression est rehaussée par l’arrivée de ces trois survivants, l’on suppose frères et sœur d’une même famille que l’on voit de dos, qui n’en croient pas leurs yeux puisqu’ils utilisent ce que l’on devine être leur dernier fumigène pour percer l’obscurité. Des nuages noirs courent dans le ciel blafard. Faut-il y entrevoir une forme…

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    En suédois Det sista steget signifie : Le dernier pas, nous le traduirons pour mieux coller à l’image par Le point d’arrivée. D’où viennent-ils, où sont-ils parvenus, croire qu’une réponse géographique ou historiale nous éclairerait est illusoire, ils sortent d’un cauchemar et sont sur le point d’entrer dans un autre. Cette couverture est forte car elle est explicite, elle ne dévoile rien de précis et dit l’essentiel. Que nous aussi, dans un futur proche nous pourrions vivre une situation similaire. Elle ne laisse pas mille chemins ouverts, elle matérialise simplement l’image d’une possibilité. Parmi d’autres. Mais de préférence celle-ci.

    Je ne sais qui de l’artwork ou qui de l’enregistrement a, non pas précédé l’autre, mais illustré son conjoint.  Tous deux fonctionnent en miroirs, chacun des deux renvoyant à l’autre sont comme deux fleuves qui se jettent l’un dans l’autre. Serpents liquides qui se mordent la queue.

    Prelyudiya : un prélude, pour poser le son, un peu comme au début de la Tétralogie de Wagner, un grondement de parturience séminale, l’on comprend que le Drame est-là, qu’il gît dans sa propre latence, malgré la crête claire qui s’en détache, un peu comme la souple nageoire d’un squale géant dans le tourbillon central d’un maelström annonce que l’inéluctable se dirige vers vous. Nezariy : avancée forte et noire, ampleur sonique, une voix grunteuse égrène grain à grain de granit les mots porteurs d’angoisse et d’inquiétude, une marche funèbre qui se dirige vers vous, vous pensiez qu’il n'y avait personne, la voix vous susurre qu’il y a quelque chose, que vous pourriez confondre avec un reflet d’étoile, mais non, pas d’illusion, il n’y a plus de hasard. Ni objectif. Ni subjectif.  Trackhym : et la marche commence, l’onde sonore irrésistible qui enfle n’est pas sans évoquer le prélude implacable de Lohengrin, ce vers quoi l’on se dirige vient aussi à vous, il est inutile de garder quelque espoir, c’est le malheur qui approche, de qui sont ces pas lourds ? de la Chose ? ou des trois survivants hésitant et trébuchant ? la batterie est un glas lourd d’effroi et de désespoir, l’eau du malheur ruisselle sans fin, pluie d’horreur diluvienne… Intermediya : jamais un morceau n’aura porté aussi mal son titre, cet instrumental n’est pas un intermède, pour passer le temps ou se divertir, il correspond à la Mort d’Ysolde,  le frottis funèbre des cordes et l’élévation du mur spectral bouche l’horizon. Desolate Grave ne lui consacre que peu de temps, l’évidence destinale est patente. Lariysova : déjà la fin, elle prend son temps, toujours le même leitmotiv depuis le début, cette fois-ci plus éclatant, même si le rythme se rompt, même si l’on entend le murmure des survivants, ils ne sont plus que deux, ils ont compris que leur marche fantôme ne finira jamais, ils sont en quelque sorte condamnés pour l’éternité comme des Dieux qui atteignent leur crépuscule, d’autres viendront et prendront leur place, rien ne changera, toi qui entres ici abandonne tout espoir. Final grandiose. D’une lenteur démesurée. D’une ampleur vibrionnante. Comme s’il devait ne jamais se terminer dans la vraie vie. Qui n’est qu’une image de la fausse mort.

             Ceci n’est pas un disque mais une œuvre, à réécouter sans cesse et à méditer. D’une architecture beaucoup plus complexe qu’il n’y paraît. Un trou noir de death metal symphonique qui brille plus fort que la nuit, plus fort que les amas stellaires qu’il attire et avale.

    Damie Chad.

     

     

    ROCKABILLY RULES ! ( 4 )

    N’oubliez jamais que toutes les règles sont faites pour être contournées, dépassées, chamboulées, piétinées, car l’important avant tout c’est d’avoir un cœur fidèle et rebelle !

    BOBBY POE & THE POE KATS

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    Bobby Nelson Poe né en 1933 à Vinita, trou perdu de l’Oklahoma, avait tout pour devenir un citoyen modèle américain. Le destin en a voulu autrement. Son histoire commence à Coffeyville dans le Kansas, il aime à rappeler qu’Emmett Dalton lors de l’attaque d’une banque y reçut vingt-trois balles mais qu’il survécut (en prison) à ses blessures. Ce n’est pourtant pas l’exemple de ce hors-la-loi qu’il commença par suivre. Un itinéraire sans bavure, une jeunesse dans les clous, il joue au foot (américain), travaille dans le pétrole, se marie pour fonder une famille, il écrira ses mémoires mais c’est un de ses fils qui raconte, bref il est sur la bonne voie ( sans issue ), oui mais en 1956 the Devil in disguise and in person, il s’appelle Elvis Presley , lui fourre de mauvaises idées dans la tête, genre il gagne un pognon de dingue depuis qu’il fait du rock’n’roll. Désormais Bobby passe son temps au boulot à chanter du Elvis, première consécration, ses coéquipiers le surnomment Elvis…

    Cherchez l’erreur, juste quelques jours avant, le soir de Noël 1955, l’est en club avec les copains du boulot qui lui offrent 20 dollars s’il ose chanter avec l’orchestre de jazz, des noirs qui évidemment ne connaissent pas Love me tender de Presley, Bobby ne se dégonfle pas, y va franco a capella pour une standing ovation. Le patron l’embauche illico à la condition expresse qu’il vienne avec son orchestre.

    Se débrouille pour trouver trois bons musicien du coin, seront les premiers du comté à jouer du rock ‘n’ roll. Quand la roue de la fortune tourne dans le bon sens… Bobby entend un gamin   chanter à la radio locale, belle voix à la Fats Domino, vous connaissez son nom, Big All Downing, l’a seize ans tout comme le guitariste Vernon Sandusky, Joe Brawley bat le beurre pour reprendre une expression favorite du Cat Zengler, jouent du Presley, du Fats, du Little Richard, du Jerry Lou, de l’Everly Brothers… sont renommés dans tout le sud du Kansas…

    Le succès naissant - figurez-vous qu’ils passent aussi à la tété ( locale) – Bobby quitte son boulot et commence à manger de la vache enragée. Envoie une chanson qu’il écrit pour Elvis à Scotty Moore qui lui conseille de la jeter au feu. Son père petit chanteur de country lui conseille de ne pas se faire d’illusion…  En fils obéissant il est prêt à retourner à son ancien taf…

    Un coup de téléphone providentiel le tire du marasme, c’est Jim Alley qui deviendra un célèbre ‘’faiseur de vedettes’’, l’a justement besoin d’un band comme les Poe Kats pour accompagner une future star, la queen du rockabilly, Wanda Jackson. Bobby et ses boys seront sur scène derrière Wanda durant deux ans ( 1957 – 1958 ) aux quatre coins des  Etats-Unis.

    La tournée n’est pas de tout repos. Peut-être vous êtes-vous demandé pourquoi Big Al Downing chantait comme Fats Domino, tout simplement parce qu’il est noir. Or dans le Sud des Etats-Unis, la plus grande démocratie du monde, un nègre dans un groupe de rock blanc à l’extrême limite on veut bien l’admettre durant un concert, mais dans un hôtel ou même dans les toilettes réservées aux blancs, vous conviendrez que cela fait désordre. Les soirées sont parfois très chaudes, frisent de temps en temps le lynchage…

    Bobby Poe and the Poe Kats doivent accompagner Wanda Jackson sur son prochain disque, enregistré à la Capitol Tower in Hollywood. Les fans de Gene Vincent dressent l’oreille, ils ont raison, Ken Nelson a prévu des musiciens pour étoffer le son : Buck Owens à la rythmique et Skeets McDonald à la basse. Le monde du rock est petit, il compte beaucoup d’appelés et peu d’élus…

    La même année 1958, le label White Rock Records contacte Bobby pour enregistrer un disque. Z’en enregistreont deux, le premier sera le single de Big Al Downing et le deuxième celui de Bobby Poe.

    DOWN ON THE FARM

    Al DOWNING ( with the Poe Kats )

    ( White Rock / 1958 )rock’nn’roll

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    Une guitare maigrelette qui a l’air de se moquer de vous en intro, ensuite c’est la grande débâcle, une batterie qui boome, un piano qui stompe à mort, plus tard il hennira comme le cheval de Jerry Lou, une guitare qui déchire, et c’est fini. Même pas cent secondes. Bien sûr il y a la voix De Al qui surplombe le tout, un oiseau de proie qui se laisse tomber du haut du ciel pour rebondir aussitôt vers le firmament céleste. Du grand art. Sera number one au Texas. Le label Challenge fondé par Gene Autry le rachètera et vous le retrouverez sur le coffret Rhino : Rocking Bones : 1950 Punk and Rockabilly. Une dénomination qui se suffit à elle-même. Face 2 : Oh Babe : moins endiablé que le précédent mais la voix est souvent plus assurée, l’a son martel en tête quand il ‘’ tapote ‘’ son piano, l’on ne sait pas trop où l’on est, au chant Al assure à la hongroise il monte debout sur les deux chevaux qui mènent le char du rockab, tantôt sur le blanc, tantôt sur le noir. N’en privilégie aucun.

    ROCK’N’ROLL RECORD GIRL

    BOBBY POE

    ( White Rock / 1958 )

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    Beaucoup plus sage que le précédent, un piano qui fait le gros dos, Bobby nous fait le coup de la voix sensuelle et plastique à laquelle aucune fille ne résiste, mais pour les récalcitrantes au milieu du morceau il nous imite Litlle Richard et Jerry Lou pour montrer de quoi il est capable, puis il revient pratiquement à sa voix du début. Agréable mais ne dépasse pas la fougue talentueuse de Big Al Downing. Lui aussi sera numéro un au Texas. Face B : Rock’n’roll boogie : une guitare qui ronronne tel un gros matou qui s’apprête à avaler douze souris d’un seul coup de langue. La suite tient ses promesses. Un peu l’impression que Bobby nous refile tous les plans du vocal rock qu’il connaît les uns après les autres sans nous laisser le temps de respirer. N’y a que la fin qui manque de niaque, le morceau se termine comme un final de crooner qui veut vous en jeter plein les oreilles. Un peu ringard, mais l’on pardonne car l’ensemble remue salement le cocotier. Cette face est supérieure à la précédente. Ne soyons pas trop sévère puisque Sam Phillips était prêt à racheter les masters pour Sun, mais Wesley Rose qui est détenteur des droits refuse…

             Sympathique certes, mais si l’on veut être réaliste, nationalement The Poe Kats ne sont rien qu’un orchestre d’accompagnement. Ils essaient de gagner la côte Est. Sur leur trajet ils ne manqueront pas de donner des concerts qui attireront du monde et connaîtront un grand succès, mais qui s’en souvient trois jours plus tard…

             Ils échouent dans un club The Wise Guys des quartiers chauds de Boston. Le guitariste précédent est allé voir ailleurs. Il s’appelle Kenny Polson et a enregistré avec Chuck Berry, les garçons avisés le rattrapent et lui broient les mains à coups de batte de baseball. De quoi refroidir vos ardeurs…

             En 1958 Lelan Rogers, frère de Kenny Rogers les contacte pour enregistrer à la New Orleans. Ce sera un single de Big Al Downing :

    MISS LUCY

    BIG AL DOWNING

    ( Carlton / 1958 )

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    Miss Lucy : Rien qu’au titre l’on sent que c’est bon, une espèce de folie à la Little Richard, Al n’atteint pas les mêmes aigus que son modèle mais il est emporté par la même fougue et l’orchestre balance aussi bien que les Upsetters, peut-être même avec un son plus lourd et plus sale. Face B :Just around the corner : une petite promenade sympathique, ça ressemble un peu à ce que Little Richard fera chez Fontana, mais en moins bien, moins rythmé, l’on a adouci les angles du funk, et limé les griffes du tigre. Pas grave Miss Lucy apaisera tous vos désirs et balaiera d’un balancement de hanche toutes vos déceptions.

             Bobby Poe est assez intelligent pour comprendre que lorsque l’on tient un bon cheval, il est inutile de vouloir courir à sa place. Les Pole Kats se défont mais se retrouveront sans cesse. Avec son mentor Lelan Rogers, Bobby va aider au développement de la carrière de Big All Downing. Certes le gros Al abandonnera le rawkabilly pur et dur, mais il conservera toujours la maîtrise incisive du piano, et sa voix qui s’adapte à tous les styles, il connaîtra à plusieurs reprises le succès notamment en 1963 avec Esther Phillips. Lorsque la british invasion débarquera aux States il trouvera sans problème des engagements dans les clubs.

             En 1964, Bobby Poe est derrière les Chartbusters, le groupe américain qui tiendra tête (pas pour très longtemps) à la déferlante anglaise, Vernon Sandusky en est le chanteur et le guitariste, Vince Gedeon ( rythmique ), John Dubas ( basse ), Mitch Corday ( batterie).

    THE CHARTBUSTERS

    ( Mutual Records / 1964 )

    She’s the one : entre Beach Boys et Beatles, bien fait mais rien de novateur. Sandusky nous offre un petit solo qui remue les charançons dans les haricots mais tout repose sur les harmonies vocales. Slippin thru your fingers : l’on s’attend à une niaiserie slow, mais l’intro d’harmonica est rassurante, ensuite on s’ennuie, rythmique, sautillant, dansant. L’harmo revient à plusieurs reprises, mais tout le reste c’est vraiment du sous-sous-Beatles.

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             Les morceaux qui suivront sont à l’avenant, il existe une compil sur Eagle Records, inutile de vous jeter par la fenêtre si vous ne l’avez pas, même si Vernon Sandusky vous décroche de temps en temps quelques croches qui à défaut de vous réconcilier avec l’’Humanité vous empêcheront peut-être si vous êtes en un de vos bons jours de déclencher l’apocalypse nucléaire. L’on est vraiment très loin du rockab ! Certes ils ont leur numéro 1 national, mais du statut de pionniers du rock ils sont passés à celui de suiveurs…

             La suite est moins évidente. L’on a l’impression que Bobby Poe est partout et nulle part. Il ressemble à l’homme qui a vu l’homme qui a combattu l’ours. L’est sans arrêt en relation avec quelqu’un qui connaît un des grands noms qui fait l’actualité, dans tous les genres possibles ou inimaginables… Doit bien tirer son épingle du jeu dans l’ensemble. On le lui souhaite. Vernon Sandusky poursuit un chemin parallèle il restera plus longtemps dans les instances country. Quand ils se retrouvent c’est pour monter un night-club qui flambera quelques jours après l’acquisition. Ce sera le début d’une série de procès dans lesquels Bobby parviendra à être disculpé systématiquement. Croyons-le puisqu’il le dit. Soyons bon prince, présomption d’innocence. Cela sent un peu la carambole et le grenouillage pour parler à la manière des dialogues des films des années cinquante.

             Bref Bobby Poe commence en rockabilly kid pour finir en affairiste. Un itinéraire classique. Nombreux sont les producteurs américains qui ont préféré mettre fin à leur carrière de jeune chanteur pour passer de l’autre côté. Ne lui jetons pas la pierre il a deux gamins à nourrir, il est davantage un entrepreneur, un promoteur de talents qu’un chanteur.  Jusqu’à la fin de sa vie il s’occupera de country music. En 2009, Bobby Poe & the Poe Kats sont intronisés au Kansas Music Hall of Fame. Bobby décèdera deux plus tard…

             Ces jeunes gens avaient du talent. Que leur a-t-il manqué pour percer au niveau national. Certainement un Colonel Parker pour les propulser sur une orbite haute. Bobby Poe et ses boys ont été en quelque sorte des free lance du Do It Yourself… Bobby a fini par embrasser le métier de celui qui leur a tant fait défaut.

    Damie Chad.

     

     

    ROCKAMBOLESQUES

    LES DOSSIERS SECRETS DU SSR

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    (Services secrets du rock 'n' roll)

    Death, Sex and Rock’n’roll !

                                                             

    EPISODE 12 ( sous les tifs ) :

    62

    _ Agent Chad avait dit le Chef, soyons précis : avant de donner de nouvelles directives d’action, il avait allumé un Coronado, je me sens obligé de le préciser au nom de la vérité historique, voilà pourquoi je roulais comme un fou vers le cimetière, pas celui de Savigny , l’autre où repose mon Alice à moi, la seule, l’unique, la merveilleuse, les chiens gémissaient doucement sur la banquette arrière, ils avaient deviné que nous allions vers Elle, tous trois inconsolables, les veufs, les ténébreux, les princes d’Aquitaine à la tour abolie… nous avons chacun une piste, suivons-la chacun de notre côté, je pense qu’elles nous mèneront au même endroit.

    63

    Pendant que nous foncions à toute allure vers Alice, le Chef allumait un Coronado, il le fuma voluptueusement les yeux mi-clos. Chers lecteurs, ne le traitez pas de sybarite, c’est un homme d’action, il était comme le cobra qui s’apprête à frapper mais qui n’a pas encore décidé s’il attaquera sa future victime par-devant ou par-derrière. Son cerveau sériait toutes les possibilités, il s’écoula une longue demi-heure, subitement il décrocha le téléphone et commanda un taxi. Cinq minutes plus tard, assis à côté du chauffeur, il sortit de sa poche un Coronado, et deux secondes plus tard, son Rafalos 25.

    64

    J’arrêtai ma voiture devant la grille du cimetière. Nous n’avions fait que quelques pas dans l’allée principale, qu’une voix m’interpella :

    _ Monsieur, je vous reconnais avec vos deux chiens, c’est vous qui avez apporté cette magnifique gerbe en forme de fraise tagada, ah, notre petite Alice, si vous saviez combien tout le village l’a pleurée ! Tenez, regardez ces huit nouvelles tombes toutes fleuries, sur votre droite, les huit plus beaux jeunes gens du village sont enterrés-là, ils se sont suicidés autour de sa tombe, ils n’ont pas pu supporter de vivre sans elle.

    • Ah bon ! c’est terrible, ils devaient se marier avec elle ? Tous les huit ensemble, c’est un peu beaucoup, vous ne trouvez pas ?
    • Mais non, vous n’y pensez pas, elle était bien trop innocente pour avoir de ces pensées-là, la pauvre Alice, c’était un peu, sauf votre respect Monsieur, l’enfant demeurée du village, très gentille et tout sourire, incapable de voir le mal, tout le monde l’aimait bien et la surveillait un peu du coin de l’œil pour que personne ne puisse lui faire du mal. Les gars ont subi un choc à son décès, bref un soir ils se sont donnés rendez-vous autour de sa tombe et comme ils avaient peur de suicider ils se sont entretués à coups de fusil. C’est moi qui les ai ramassés au petit matin, pas beaux à voir, avaient sans doute utilisé de la chevrotine. Dans le village on était un peu estomaqués, on ne pensait pas que jeunes soient si romantiques… on les a enterrés au plus vite et l’on a fait attention à ce que ça ne s’ébruite pas beaucoup… un peu la honte pour les familles, vous comprenez…

    Je comprenais trop bien que l’on se moquait de moi. Je n’en fis rien paraître, adressai mes condoléances au cantonnier et me dirigeai vers la tombe d’Alice.

    65

             _ C’est étrange, dit le Chef, la plupart des chauffeurs de taxi détestent que l’on fume dans leur berline.

             _ C’est que voyez-vous Monsieur, j’ai assez d’expérience pour savoir qu’il ne faut point s’opposer aux désirs d’un client qui tient en main un Rafalos 25.

             _ Mes félicitations Chauffeur, je n’aurais jamais cru à voir votre carrure et votre visage taillé à la serpe que vous lisiez chaque soir avant de vous endormir quelques sentences tirées du manuel d’Epictète, vous êtes un sage Chauffeur, et en plus vous reconnaissez un Rafalos 25 au premier coup d’œil !

             _ Pour votre épi de tête je ne sais pas, mais pour votre Rafalos 25, tenez j’en ai deux dans mon vide-poche !

             _ Chauffeur, je devine en vous un amateur voire un professionnel !

             _ Il faut bien Monsieur, vingt-cinq ans de légion, ça vous apprend la vie !

             _ Ah ! j’avais demandé à Uber de ne pas m’envoyer un garçon coiffeur, je reconnais qu’ils tiennent à satisfaire le client !

             _ D’ailleurs si mon client voulait se donner la peine de m’indiquer la direction à prendre, ce serait parfait…

             _ Forêt de Laigue, si vous le voulez bien, ce n’est pas trop loin ?

             _ Rien n’est jamais trop loin quand on a un Rafalos 25 avec soi. Attendez, je débranche le compteur et tant que l’on n’y est appelez-moi Carlos, avec un client comme vous l’on sent tout de suite qu’il va falloir s’accrocher aux petites branches pour survivre !

             _ Vous ne croyez pas si bien dire, mais accélérez un peu Carlos l’on patauge à un misérable 160 km/Heure !

             _ Avec un Chef comme vous, je suis prêt à vous suivre jusques en enfer !

             _ Parfait c’est exactement là où nous allons !

             _ Enfin une course qui me plaît !

    Et tous deux s’exclamèrent ensemble : Race with the Devil !

    66

    La tombe avait été débarrassée de toutes ses couronnes, ne restait plus dans un mince vase de verre grumeleux que quelques fleurs des champs. Cette simplicité prouvait que celui ou celle qui les avait déposées connaissait bien Alice. Pendant longtemps je restais immobile, j’attendais un signe, Alice n’en avait-elle pas déjà envoyé un Chef pour qu’il se portât à mon aide dans la forêt de Laigue, en me rapprochant de sa tombe je pensais lui faciliter la tâche. Le temps s’éternisait, au bout de deux ou trois heures Molossito poussa une petite série de couinements.

              _ Molossito, tais-toi, un agent du SSR ne pleure jamais, conduis-toi comme un homme !

             _ Il ne peut pas Monsieur, c’est un chien !

    La voix était fluette, ce ne pouvait être qu’une gamine. C’en était une, d’une dizaine d’années, elle baissait la tête ses yeux fixés sur Molosito qui se pelotonnait dans ses bras, lorsqu’elle porta son regard sur moi, je sursautai, sa ressemblance avec Alice me stupéfiait…

              _ Qui, qui es-tu bégayais-je

               _ Je m’appelle Alice…

             _   Alice ! toi qui es morte !

             _ Non moi je suis vivante, c’est ma sœur qui est morte. Et vous vous êtes Monsieur Damie, Alice me parle beaucoup de vous, je vous ai reconnu en voyant Molossito, des deux chiens c’était son préféré, quand elle ouvrait un bocal de chamallows elle lui donnait toujours le plus gros !

             _ Si elle te parle c’est qu’elle est vivante !

              _ Non, c’est dans mes rêves, elle est morte, cette nuit elle m’a dit que vous viendrez ici et de vous dire qu’il vous fallait aller dans la forêt de…

             _ Dans la forêt de quoi ?

             _ Je ne sais pas une ombre noire s’est interposée, elle a juste eu le temps de crier  qu’elle vous aime !

    Déjà avec les chiens nous courrions vers la voiture…

    67

    • Chef, trois heures que nous marchons dans cette forêt et toujours rien !
    • Carlos, nous devons effectuer une trouée, mais je ne sais pas où exactement.
    • Une trouée, avec un demi régiment de commandos parachutistes je vous la fais en une heure, à deux c’est impossible
    • Ce n’est pas exactement une trouée, plutôt une fissure dans l’espace-temps !
    • Bien, une fissure je préfère, mais dans quel secteur !
    • Je n’en sais fichtrement rien !
    • Ah, bon si ce n’est que ça, il suffit d’adopter la tactique du fennec du désert. Vous ne la connaissez pas Chef, c’est ultra simple et ça marche à tous les coups. Dans le désert il n’y a que des dunes et des dunes, dans cette forêt il y a des arbres et des arbres, croyez-vous que le fennec explore toutes les dunes une par une pour tomber par hasard sur une proie, non il se contente de se promener calmement sans se presser puisqu’il applique justement la célèbre tactique du fennec dans le désert. Vous trouvez ça dans tous les livres d’étiologie animale.
    • K. Carlos, mais c’est quoi au juste cette fameuse tactique incomparable !!!
    • Chef laissez-moi prendre la tête de notre colonne d’infiltration et dans dix minutes nous serons devant votre satanée fissure !

    A suivre …