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  • CHRONIQUES DE POURPRE 632: KR'TNT 632 : GYASI / STEVE WYNN + DREAM SYNDICATE / ALVIN ROBINSON / MEMPHIS BEAT / HIGH COMPILS / DARK QUARTERER / ROCKAMBOLESQUES

    KR’TNT !

    KEEP ROCKIN’ TIL NEXT TIME

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    LIVRAISON 632

    A ROCKLIT PRODUCTION

    FB : KR’TNT KR’TNT

    15 / 02 / 2024

     

    GYASI / STEVE WYNN + DREAM SYNDICATE

    ALVIN ROBINSON / MEMPHIS BEAT

     HIGH COMPILS / DARK QUARTERER

    ROCKAMBOLESQUES

     

     

    Sur ce site : livraisons 318 – 632

    Livraisons 01 – 317 avec images + 318 – 539 sans images sur :

    http://krtnt.hautetfort.com/

     

     

    Easy Gyasi

    - Part Two

     

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             On aurait pu intituler ce nouvel épisode des aventures de Gyasi : ‘Le glam au pays du camembert’, ou encore ‘Le glam aux pinces d’or’, en hommage à Hergé, ou bien encore, ‘Les Glammeurs’ en souvenir de notre chère Agnès Varda de la rue Daguerre. C’est vrai qu’on ne sait pas s’il faut prendre Gyasi très au sérieux, tellement domine en lui une dimension cartoonesque, comme on dit en Angleterre. Mais si tu y réfléchis bien, le cartoon est inhérent au glam, c’est le m’as-tu-vu poussé à l’extrême, le mon-truc-en-plume de Zizi Jeanmaire avec des GROSSES guitares électriques, une révolution de palais des glaces, un petit Krakatoa sonique qui entra en éruption en 1972, une vague sucrée qui nous replongea aussitôt dans l’adolescence, ce furent quelques années magiques, un petit tourbillon de poudre de perlimpinpin, Ziggy the Zig, Bolan mal an, Slade, Hector, Wizzard, Mud, Sweet ô my Sweet, une vague extraordinairement éphémère, qui ne pouvait être qu’anglaise, et voilà que cinquante après la bataille, un kid américain redonne vie au glam. Et il incarne magnifiquement cet art perdu, il croise des looks extrêmement seventies, celui de Ziggy pour la maigreur anorexique et celui de Jimmy Page pour le costard ouvert sur une poitrine glabre, les cheveux dans les yeux et un coup d’archet sur la Les Paul, histoire de donner à manger aux glaneurs d’images qui grouillent à ses pieds.

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    Gyasi a décidé qu’il serait rock star, et le voilà sur scène, en rockstar parfaite, immaculée, indiscutable, haut et fin, costard black d’épaules saillantes, haut minimal fermé par deux pattes galonnées d’or, d’une rare élégance, maquillé, lèvres peintes, grosses pattes d’eph sur platform boots en peau de panthère, il ramène aussi un peu de Dolls, et un peu de Ronson, via la Les Paul et la couleur de cheveux, dans sa fabuleuse expertise du mic-mac, il ramène tout ce qu’on aime dans le rock, le regardez-comme-je-suis-beau, qu’on appelle aussi le sex-appeal, l’essence même du rock, l’anti-ventripotage, l’anti-ragnagna-vais-pas-bien, tu vois ce corps parfait à l’œuvre sur une scène et tu te frottes les mains, car le rock a encore de beaux jours devant lui, même si ça se passe dans la petite salle.

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    Celles qui ne s’y trompent pas sont les admiratrices, Gyasi fait surtout craquer les gonzesses, quoi, comment est-ce possible, un mec aussi beau, elles rêvent bien sûr de le toucher, de la même façon que les gamines anglaises des seventies rêvaient de toucher Ziggy, juste toucher, tu ne peux pas espérer plus, Ziggy est un fantasme incarné, et Gyasi n’est pas loin du compte, il faudrait juste qu’il pousse vraiment le bouchon de glam.

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             Mais il est peut-être trop américain pour ça. Quand on l’a vu à Binic, un guitariste relativement glam l’accompagnait sur scène. Une petite gonzesse au look punk américain, c’est-à-dire en monokini de cuir noir, bas résille et tattoos en pagaille, le remplace. Elle est plutôt belle, mais trop punk. Elle met le paquet sur sa Gretsch solid body, mais elle sonne trop mainstream rock US, celui qu’on aime pas trop, elle fait parfois un peu trop son Slosh, et là on perd le glam. Dommage, car de sacrés relents de «Jean Genie» remontent dans «Snake City», et des sacrés relents de Bolan remontent aussi dans «Fast Love», une sorte d’évanescente resucée d’«Hot Love». Il est même en plein dedans, tu crois rêver, les accents sont exactement ceux de Bolan. Il aurait dû foncer dans cette direction, plutôt que de faire ce «Blues» qui n’apporte rien, et ce clin d’œil à Cabaret qui n’apporte rien non plus. Il reprend le mythe du Mime Marceau tel que le concevait Ziggy dans «Sword Fight», mais son Sword Fight passait mieux sur la grande scène de Binic, dans cette ambiance surréaliste et cette tempête de poussière jaune que lèvent chaque année les hordes de pogoteurs.

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             Gyasi essaye d’offrir un spectacle complet à son public et ce n’est pas si simple, car bon nombre de gens n’étaient pas nés au moment du glam, et s’il est un domaine pour lequel il faut des points de repère, c’est bien le glam. Sinon, c’est indécodable. Ça peut passer pour du rock maniéré, alors que c’est un rock spécifique et extrêmement sophistiqué qui a révolutionné l’Angleterre, et uniquement l’Angleterre. Les Européens ont suivi le mouvement on va dire à l’oreille, mais ils ne l’ont pas vécu comme l’ont vécu les kids anglais. Le décadentisme est inhérent à la culture anglaise. Un phénomène comme Ziggy Stardust n’est compréhensible qu’en Angleterre, un pays dont la vertu principale est la tolérance. Tu ne peux pas avoir ça ni en France ni en Allemagne. Et encore moins aux États-Unis. Excepté des Dolls et Andy Warhol, le décadentisme américain a pris une autre forme, celle de la disco et des bars gay. Mais un mec comme Jobriath n’a jamais marché, même s’il était sur Elektra. Le public américain n’en voulait pas et Jaz Holzman dit même avoir regretté son investissement. Ça ne pouvait pas marcher dans un pays qui est encore plus un pays de beaufs que la France. Pour «conquérir» l’Amérique, Bowie a dû laisser tomber le glam pour passer au discö-funk, perdant au passage une bonne partie de ses fans de la première heure, ceux qui vénéraient «Changes» et Hunky Dory, et qui exécraient la daube commerciale du Thin White Duke.

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             Espérons que Gyasi ne passera pas au discö-funk. On sent chez lui des dispositions au caméléonisme, et s’il tombe sur un manager qui a des dollars à la place des rétines, il est probable qu’un jour il opte pour la voie royale du big biz. Des gens disaient hier soir qu’on risquait de ne plus voir Gyasi sur une petite scène et qu’il jouerait bientôt au Zénith. Pas évident. Il doit de toute évidence réfléchir au destin de Bowie, un destin riche d’enseignements. Si tu veux rester fidèle à tes pulsions rock, tu rempliras des salles de 200 personnes. Si tu passes au gros son commercial, comme l’a fait Bowie, tu accéderas aux stades et tu t’achèteras des maisons à Tokyo, à Londres et en Suisse. Tu deviendras riche et célèbre. Et puis se rouler par terre avec sa guitare, ça ne dure qu’un temps. Viendra ensuite le jour où les fans qui ont vécu le glam dans les années 70 auront disparu, alors ce sera plus compliqué. Ou moins compliqué. Ça dépend. Le glam deviendrait alors un genre sorti de nulle part. Mon-truc-en-plume so far out. Tu l’as dit, bouffi. 

    Signé : Cazengler, jaseur

    Gyasi. Le 106. Rouen (76). 9 février 2024

     

     

    Wizards & True Stars

    - Syndicate d’initiatives

    (Part Six)

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             Si aujourd’hui encore on se prosterne jusqu’à terre devant Steve Wynn et son Dream Syndicate, ce n’est pas un hasard, mon petit Balthazar. Dans le début des années 80, Steve Wynn, Jeffrey Lee Pierce et John Doe ont sauvé le rock californien de la médiocrité qui le menaçait, et depuis, ils ont enregistré à eux trois près d’une centaine d’albums dont ils peuvent être fiers, et sur lesquels on s’est longuement étalé ici. Aux États-Unis, Steve Wynn, Jeffery Lee Pierce et John Doe ont joué à peu près le même rôle que Lou Reed, Frank Black, Robert Pollard et Todd Rundgren : en bâtissant une œuvre à l’échelle d’une vie, ils ont veillé scrupuleusement à maintenir un très haut niveau qualitatif. C’est d’ailleurs ce savant brouet à base de grosses compos, de modernité et d’énergie visionnaire qui fait les très grands disques. Et The Days Of Wine & Roses, paru en 1982, en fait partie. Alors comme on raffole des très grands disques, ça tombe bien : pour fêter le quarantième anniversaire de sa parution, Fire nous pond une belle box, The Days Of Wine And Roses/40th Anniversary Edition.  

             Les boxes, parlons-en. Il en pleut de partout. Les labels s’imaginent que tout le monde il est riche, il est gentil, alors c’est un vrai déluge. Des fois, tu t’en sors avec un billet de 50, comme c’est le cas avec le Syndicate, des fois il sortir un billet de 120 pour les boxes de Stax ou des Beach Boys, et là, on ne rigole plus. Le problème, ce n’est pas de les payer - tu peux finir le mois en bouffant des pâtes - mais de trouver le temps de les écouter. Tu as par exemple une box Del Shannon avec 12 disks. 12 ! Les bras t’en tombent et les oreilles aussi. Les 2 boxes de Stax c’est pareil, ty va ou ty vas pas ? Si ty vas pas, tu vas culpabiliser, tu vas te dire que tu passes à côté d’une montagne de coups de génie, de révélations extra-sensorielles, tu te racontes des tas d’histoires pour t’encourager à te jeter à l’eau, et tu parviens héroïquement à te calmer en reportant l’opération au lendemain. Mais si par malheur tu attends trop et que tu y reviens deux mois plus tard, tu vas voir le prix de ta box flamber : les revendeurs n’hésitent plus à doubler les prix, car ils savent que des gros malades crèvent d’envie de les avoir. Tout est là. Les avoir. Si on pouvait créer une internationale des gros malades et bloquer les commandes pendant un an, on ferait chuter les prix. C’est un peu le même plan que l’internationale des petits voyous : si tous les petits voyous du monde se tenaient la main pendant un an et cessaient de braquer des banques ou de voler des bagnoles, ils mettraient toute la faune de la répression au chômage, les flicards, les juges, les avocats et les matons. Allez hop ! Tout le monde chez Pôle Emploi ! Mais comme le temps des utopies s’est achevé au XVIIIe siècle avec la fin de la flibuste, il n’est plus permis de rêver, et l’internationale des gros malades n’existera jamais, alors les prix vont continuer de flamber et tu verras tes boxes de Stax dépasser les 200 euros avant la fin de l’année. Franchement le jeu n’en vaut pas la chandelle verte.

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             Par contre, la box du Syndicate vaut la chandelle. Et même doublement la chandelle. Non seulement tu ne perds pas ton temps à écouter les quatre disks qu’elle te propose, mais tu vas traverser de jolies phases d’excitation. Tu vas comprendre à quel point Steve Wynn et Karl Precoda s’enracinaient dans le Velvet. Sur le disk 1, tu as bien sûr l’album avec un son boosté qui te fend le crâne si tu l’écoutes au casque, mais tu as aussi le Down There EP sur lequel se trouve «Sure Thing», du pur jus de Velvet. Tu crois entendre «White Light White Heat», exactement le même power, le Wynner chante comme le Lou, exactement la même ambiance, avec le beat hypno imparable. Encore pire : «Some Kinda Itch», avec des chœurs qui battent la bretelle, c’est balayé à la wild craze du Velvet. Tu retrouves cette brûlante merveille sur le disk 3, une version live grattée à la Méricourt, et cette fois, le Wynner et son équipe s’embarquent dans le train fou du 13th Floor, fast and furious, et ça redevient vite Velvetien. Comme dans X, c’est le beurre qui tient tout. Le Wynner fait son Jean Gabin et conduit sa loco folle au firmament du rock le plus éblouissant. Apoplexie garantie. Le Wynner hurle comme un malade. On l’avait encore jamais vu dans cet état. Tu en retrouves une autre mouture live sur le disk 4. Ce qui est effarant, c’est que chaque version est différente, et c’est la raison pour laquelle elles sont toutes là. Le «Some Kinda Itch» enregistré à Tucson en 1982 est complètement 13th Floor. Même vitesse, même orgie de son, le Wynner et ses Syndicalistes n’en finissent plus d’outrepasser les conventions patronales. Le Preco devient fou, un vrai CGTiste, Some Kinda Itch sonne comme Son-of-a-bitch. Wild as fuck. Les versions live permettent de voir ce que le Syndicate a dans la culotte. C’est très instructif. Le Wynner : «‘Some Kind Itch’ was Roxy’s ‘Editions Of You’ kind of rewritten.» Le disk 3 propose une version live de «Sure Thing», et cette fois, ils renouent avec le chaos de «Sister Ray». C’est vraiment pas loin, bien dans l’angle, et live, le Sure Thing est encore plus vénéneux. Franchement, on est ravi de pouvoir entendre le Syndicate casser la baraque. Tiens, encore un «Sure Thing» live sur le disk 4, enregistré à Resada, Californie, en 1982. Le Wynner l’annonce ainsi : «This is San Francisco psychedelia, Quicksilver, Blue Cheer.» Faux ! C’est du pur Sister Ray. Boom badaboom !

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             Retour à l’album proprement dit. Il se met en branle avec «That’s What You Always Say». Le Wynner a déjà du power, il sonne comme un artiste complet, il est bien en place et le Preco vient envenimer les choses. Leur son n’a pas pris une seule ride en 40 ans. «That’s What You Always Say» est toujours aussi balancé et fondamentalement rock. Disons que c’est leur cut le plus classique. Live, il passe toujours comme une lettre à la poste. Comme sur tous les grands albums, on a ses chouchous. «When You Smile» en est un. Bizarrement, la version de l’EP est plus dense, comme noyée de disto. On en trouve une version live sur le disk 4 : Preco la noie de feedback, ah la brute ! C’est lui qui mène la sarabande, il rôde dans le son comme un fantôme. Et si Karl Precoda était l’un des plus grands guitaristes de rock américain ? On est vraiment tenté de le croire. L’autre chouchou, c’est bien sûr «Then She Remembers», fast and wild, pur jus de no way out. Le son est d’un raw qui dépasse les normes ! Les poux ont des dents. Preco dévore le rock, les dynamiques sont demented, ça splurge de partout, et le beurre fait foi, comme dans X. Fais gaffe, la version live qui se trouve sur le disk 3 va t’envoyer au tapis. Ils ont décidé de renverser le gouvernement, le Wynner te cisaille les colonnes du tempe vite fait et le Preco se contente de hanter les ruines, avec la malveillance d’un fantôme d’Écosse. Ambiance Sister Ray, une fois de plus. La version live du disk 4 est encore plus Punk’s not dead. Le Syndicate sait défiler ventre à terre et ne pas garder la tête froide.

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             Le grand chef-d’œuvre Syndicaliste, c’est «Halloween», écrasé par le poids terrible des accords, et le Wynner conduit sa manif vers la victoire à coups de descentes d’accords géniales. Elles sont même historiques. Tous ceux qui ont écouté «Halloween» à la parution de l’album ont henni de plaisir charnel. Cette descente au barbu est devenue l’emblème du Syndicate. Ils t’équarrissent le rock au grand jour. Sur le disk 4, tu as une version live d’«Halloween» complètement demented, car dévorée vivante par Precoda le prédateur, il crache le feu de Dieu, il plonge dans les abysses inconnues, il joue ce qu’il faut bien appeler un solo miribolant de pharaonisme et le Wynner chante à la Lou. Le temps d’un «Halloween», le Syndicate devient le maître du monde. Et puis bien sûr, le morceau titre, «The Days Of Wine & Roses», wild as fuck. Cette fois, ils sonnent comme les Saints, c’est explosif, faussement maîtrisé, visité par des vents de poux investigateurs et battu si sec ! Saluons Dennis Duck, le frère de Donald.

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             Un cut comme «Definitely Clean» se noie un peu dans la masse de l’album. Le Wynner le joue juste au dessus de la surface, à l’apanage des alpages, c’est monté au tapapoum et aux grattes cinglantes et tu les vois s’emballer dans la course, mais c’est la version live du disk 4 qui révèle la vraie nature de ce cut : pur power Syndicaliste. Le Wynner tape l’«Until Lately» au just show how wrong you can be et au bo bo bop bop, et derrière l’affreux Preco gratte sa slide. Ça se termine en pétarade de modernité arrosée d’harp et d’excelsior. La petite bassmatiqueuse Kendra Smith chante «Too Little Too Late». Dommage qu’elle ne soit pas à son avantage sur les photos.  

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             Le disk 2 propose des démos et des répètes. On voit qu’en répète, ils sont extrêmement précis. Kendra Smith chante son «Too Little Too Late» d’une voix grasse et humide. Ils ont énormément de son, comme le montre «Is It Rolling Bob?». Ils en abusent, pour le bien de nos oreilles. On a vraiment l’impression d’être dans la pièce avec eux. On croise bien sûr quelques inédits, comme «A Reason». Precoda est all over the sound et ils amènent ensuite «Like Mary» à un niveau immédiatement supérieur, ils savent créer du climax, c’est très impressionnant. Très Velvet dans l’esprit. Leur «Unknown Song With Lyrics» est encore du pur Velvet. Ce sont les accords de «Sweet Jane». Ils sont en plein dedans. Ils font aussi une version de «Some Kinda Itch» et Precoda explose un «Open Hour» demented, complètement saturé de poux, il joue dans tous les coins. L’«Open Hour» va devenir «John Coltrane Stereo Blues». Franchement, on va de surprise en surprise !

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             Et pour finir, quelques covers, dont un beau «Road Runner» live sur le disk 3 - Bip Bip ! - Bel hommage à Bo. Dennis Duck le bat sec et net. Sur le disk 4, ils tapent un «Folsom Prison Blues» cavalée ventre à terre, et ils terminent le disk 4 avec une version affreusement heavy de «Piece of My Heart», le hit de Jerry Ragovoy et Bert Berns, rendu célèbre par Janis, mais la version définitive est celle d’Ema Franklin. Le Wynner remonte sa pendule au c’mon c’mon.  

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             Dans ses liners, Pat Thomas indique que les Pixies et Nirvana sont nés des cendres du Syndicate. Il indique aussi qu’il en est à sa 39e année de love affair avec le Syndicate. Chris D. qui a produit The Days Of Wine & Roses indique qu’ils ont torché l’album vite fait en deux jours. Pat Thomas ajoute que cette prod est une non-prod à la Tom Wilson, qui avait enregistré Dylan et le Velvet - A very classic non-production style que vous enregistrez live dans le studio, which is kind of a lost art these days - Chris D. indique aussi que Pat Burnette, le fils de Dorsey, lui a donné un sacré coup de main. Chris D. et Pat Burnette ont aussi enregistré le Gravity Talks de Green On Red. Quand Green On Red, le Gun Club et les Syndicate ont quitté Slash, le label pour lequel bossait Chris D., ils ont perdu leur son. Qui va à la chasse perd sa place.

             This one is for my friend Jacques.

    Signé : Cazengler, Steve wine (cubi)

    Dream Syndicate. The Days Of Wine And Roses/40th Anniversary Edition. Fire Records 2023

     

     

    Inside the goldmine

     - Robinson Crusoé

             Alvo était plutôt beau gosse. Comme tous les beaux gosses, il avait tendance à en profiter. Ça se traduisait par un réel ascendant sur les gens. Et si tu veux profiter des gens, rien n’est plus indiqué que le business. Comme en plus d’être beau gosse, il était rusé comme un renard. Alvo aurait pu vendre un lave-linge à un dromadaire, si l’occasion s’en était présentée. Pas de spectacle plus réjouissant que de voir Alvo à l’œuvre. On le voyait approcher sa proie avec un grand sourire communicatif, s’ensuivaient une franche poignée de main, des formules significatives, puis il sortait un album de son sac, annonçait le prix et attendait la réaction de son «client». Si le «client» toussait, Alvo concédait un petit rabais symbolique. Mais dans la grande majorité des cas, son offre de prix passait comme une lettre à la poste, parce qu’il avait le cran de la soutenir avec un franc sourire. Comment un mec aussi sympa pouvait-il t’arnaquer ? Ça dépassait ton pauvre petit entendement. On a bien sûr entendu par la suite des «clients» se plaindre de «s’être fait rouler». «Mais ce n’est pas si grave», leur répondait-on, pour dédramatiser, «qu’est-ce qu’un billet de vingt comparé à l’univers ?». Ce qui avait le don d’aggraver les choses, car les gens qui se plaignaient d’Alvo n’avaient bien sûr aucun humour. Rares furent ceux qui voyaient comme un honneur le fait d’avoir alimenté le business d’Alvo. Indépendamment des questions d’amour-propre (personne n’aime se faire rouler), c’était une sorte de privilège que d’évoluer dans l’orbite de ce virtuose de la vente. Il fallait juste essayer de dépasser les a priori. C’est comme lorsqu’on franchit un col de montagne, on découvre ensuite une vallée. Et Alvo, c’était ça, une vallée. Chez beaucoup de gens, notamment chez les beaufs, la vallée n’existe pas. Chez Alvo, la vallée était luxuriante, elle s’étendait à l’infini, il suffisait juste de comprendre que son rapport aux gens passait par le biz, et puis une fois que tu avais compris ça, tu accédais à la vallée. Alvo a disparu, mais le souvenir de la vallée reste extrêmement présent.

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             Pendant qu’Alvo t’ouvrait le chemin de sa vallée, Alvin créait sa légende avec une poignée de singles. C’est exactement la même image. Le seul album d’Alvin Shine Robinson qu’on puisse se mettre sous la dent est une compile Charly qui s’appelle Shine On. C’est un album recherché, et pour cause : il est excellent, et au dos de la pochette, John Broven signe les liners. Broven nous rappelle qu’à la différence des autres stars de la Nouvelle Orleans, Robinson est allé faire carrière à New York et sur la West Coast. Ses premières amours sont le «hard, hard blues», Ray Charles et Jimmy Griffin, des Griffin Brothers. Quand il apprend à jouer de la guitare, il joue dans les orchestres de Joe Jones et Lee Dorsey.

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             C’est l’époque où deux grands producteurs de la Nouvelle Orleans se partagent le marché : d’un côté Allen Toussaint pour Minit, et de l’autre Dave Bartholomew pour Imperial. Bartholomew produit des hits à la chaîne pour Fatsy, Snook Eaglin, Frankie Ford, Earl King, Robert Parker, Huey Piano Smith, Shirley & Lee et Alvin Shine Robinson. 

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             Mais ça ne marche pas pour Robinson à la Nouvelle Orleans, alors il part avec Joe Jones à New York et enregistre des singles pour les trois labels de Leiber & Stoller, Tiger, Red Bird et Blue Cat. Joe Jones a passé un accord avec Leiber & Stoller et leur a amené les Dixie Cups et «Chapel Of Love». Robinson va décrocher un hit, avec une cover du «Something You Got» de Chris Kenner. Pour Leiber & Stoller, «Downhome Girl» est le meilleur single paru sur Red Bird. C’est en effet un heavy groove cuivré de frais. Le cut phare de la compile Charly est sans le moindre doute «Dedicated To Domino», un fantastique hommage, chanté d’un ton bonhomme et bienveillant - The fat man from the very first song - Alvin Shine Robinson est un universaliste : il couvre tout. Encore de la fantastique présence dans «How Can I Get Over You», un super slow groove que chante Robison au far out, so far out. Il ramène tout le power du heavy groove dans «Bottom Of My Soul». Alvin Shine blows it right ! Et voilà l’excellent «Let The Good Times Roll» d’Earl King. Il en fait une version mythique, bien heavy, à l’upper-cutting, quasi hendrixienne. Sur une petite photo au dos de la pochette, on le voit gratter une Strato. Mine de rien, cette compile est un gigantesque album de Soul. On l’entend sonner comme Ray Charles dans «Wake Up (And Face Reality)», puis il sonne comme Fatsy avec «They Said It Couldn’t Be Done». Tiens, voilà encore du pur jus de New Orleans avec «Baby Don’t Blame Me», c’est très black, chanté avec toute la générosité du grand peuple noir. Tout est bien sur cette compile. On voit avec «Pain In My Heart» qu’il aime le «hard, hard blues»

    Signé : Cazengler, pour qui robinsonne le glas

    Alvin Robinson. Shine On. Charly R&B 1988

     

    The Memphis Beat –

     Le mur d’Andria

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             Autre petit book hautement recommandable : Waking Up In Memphis, d’Andria Lisle et Mike Evans. Ils proposent, sous forme de chassé-croisé, un panorama de la Memphis scene, en partant des légendes du blues pour remonter jusqu’aux tenants et aboutissants de la scène garage contemporaine. Mike Evans nous rappelle que Rufus Thomas vient d’une autre époque, celle du fameux Rabbit Foot Minstrel Show itinérant qu’il rejoignit en 1927. Il était forcément vieux lors du fameux Wattstax qui eut lieu en août 1972 à Los Angeles. Puis Rufus commença à bâtir sa légende au weekly Amateur Night sur Beale Street au début des années 40. C’est là que des gens comme Rosco Gordon, Johnny Ace, Bobby Blue Bland et B.B. King firent leurs débuts. On payait Rufus 5 dollars pour faire le présentateur et il le fit pendant 11 ans. On l’a peut-être oublié, mais Charlie Musselwhite vient lui aussi de Memphis. Charlie rappelle qu’il est né dans un coin paumé - a smack dab - du Mississippi, à Kosciusko et qu’il a grandi à Memphis, avant d’aller à Chicago bosser comme les autres dans les usines. Dans son quartier, le jeunes blanc-becs bossaient pour percer, notamment Johnny et Dorsey Burnette qui vivaient sur Manhattan Avenue, et Cash qui vivait sur Tutwiler, a block north. Andria Lisle nous rappelle que la révolution se fit grâce aux radios qui échappaient à la ségrégation. Et l’un des pionniers fut bien sûr Dewey Phillips avec son Red Hot And Blue Radio Show. Et comme le dit si bien Dickinson dans ses mémoires, tous les blancs pauvres (Carl Perkins, Cash, Charlie Feathers et Jerry Lee) ont appris à jouer avec des nègres. Appelons ça la victoire de l’art sur les préjugés racistes.

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             Evans et Lisle reviennent bien sûr sur l’épouvantable fin de Stax, mis en banqueroute en 1975 par des petits fournisseurs. La même année, Al Jackson est abattu chez lui. Et quelques mois plus tard, l’Union Planters Bank fout Stax en l’air pour défaut de paiement et vend le studio 10 $ à une organisation religieuse qui va laisser pourrir le bâtiment. Quand Jim Jarmush tourne Mystery Train dans les années 80, on reconnaît le bâtiment à l’abandon. Et quand en 1989, le film sort sur les écrans, le bâtiment est rasé. C’est dire la haine de cette communauté de rednecks pour les blacks qui réussissent. Ils ne leur ont pas laissé la moindre chance. Al Bell craignait même pour sa vie, et Jim Stewart, coupable d’avoir pactisé avec le diable, c’est-à-dire les nègres, va finir sa vie complètement ruiné. On se croirait dans un roman de William Faulkner. La pathos est toujours plus tragique dans le Deep South.

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             Et puis voilà Hi, just down the street from Stax, au 1320 South Lauderdale. Avant de s’appeler Hi, le label s’appelait the House Of Instrumentals et Willie Mitchell y jouait de la trompette, accompagnant le Bill Black Combo, dont font partie Reggie Young et ‘Yaketty Sax’ Ace Cannon. Puis c’est l’époque des pionniers du Plantation Inn, un club de West Memphis, de l’autre côté du fleuve, et tous les jeunes blanc-becs de Memphis viennent s’y encanailler : Steve Cropper, Duck Dunn, Jim Dickinson et Packy Axton. Toujours les mêmes. Le groupe de Willie Mitchell est à leurs yeux the pinnacle of cool. Puis Willie bosse pour un label nommé House Of Blues avec les 5 Royales et Roy Brown. Il va ensuite bosser pour Ray Harris chez Hi et il monte son house-band, the Hi Rhythm Section, avec les frères Hodges. Il commence à développer un son et met la batterie au cœur des backing tracks. Et c’est parti : OV Wright, Bobby Blue Bland, et ça explose avec Ann Peebles, puis Al Green que Willie a découvert dans un club du Texas, épisode magique que relate minutieusement Al dans son autobio, Take Me To The River. Quand arrive l’incident du dos brûlé, Al Green passe plusieurs mois à l’hosto et se plonge dans la bible où il découvre qu’un homme ne peut pas servir deux maîtres, autrement dit, il doit choisir entre servir Dieu et servir Willie Mitchell. C’est là qu’il décide de se séparer de popa Willie. Un jour qu’il se balade sur l’Elvis Presley Boulevard, Dieu lui indique la direction de Whitehaven, une banlieue populaire. Il roule sur Hale Street et tombe sur une vieille église en bois abandonnée. C’est là, lui dit Dieu, que tu vas devoir fonder The Full Gospel Tabernacle et y prêcher la parole sacrée. Le Révérend Green y chante et y danse depuis des années. Quand la messe est dite et qu’il a salué les fans venus y assister, il remonte dans sa silver Rolls garée devant l’église. Le gospel est comme le blues, à l’origine de tout. Mike Evans rappelle que Sister Rosetta Tharpe et Aretha sont originaires de Memphis.

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             Tout aussi religieux, voici Uncle Sam, âgé de 79 ans, qui semble lui aussi prêcher la parole sacrée, parlant les bras en l’air : «I liked all the gutbucket stuff, the deep Mississippi hollers and hymns. Then Elvis came into the studio. I was looking for the common denominator, and he was it. I couldn’t classify him as black, or country, or pop and that fascinated me.» Puis le lève le poing au ciel : «The spirit of Elvis Presley will never go away.»

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             Billy Lee Riley se souvient d’avoir grandi avec ce qu’il appelle the old gutbucked blues. On n’entendait pas de blues à la radio, mais des vieux nègres le jouaient ici et là, au coin des rues. Billy Boy rencontre ensuite Slim Wallace et Jack Clement, deux bidouilleurs qui ont monté un studio dans le garage de Slim, sur Fernwood Street. Ils l’ont tout naturellement baptisé Fernwood studio. Comme ils montent un label (Fernwood Records), ils demandent à Billy Boy d’être leur premier client. Ils enregistrent deux cuts et Jack Clement amène les bandes chez Sun pour demander à Uncle Sam de lui fabriquer un acetate. Quand Uncle Sam entend «Trouble Bound», il propose un deal à Jack pour le sortir sur Sun. Mais il faut un cut rockab en B-side. Alors Billy Boy compose «Rock With Me Baby» et l’enregistre avec Roland Janes (guitare), JM Van Eaton (drums) et JB Bruner (slap). Ces gens-là vont ensuite devenir les Little Green Men, un nom qui sort du «Flyin’ Saucer Rock’n’Roll» que Billy Boy va composer et enregistrer avec eux. Accessoirement, ils vont devenir le house-band de Sun. Ils vont accompagner Roy Orbison, Cash, Charlie Rich, Bill Justis et d’autres gens moins connus.

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             C’est Alan Lomax qui découvre les traces de l’Afrique au bord du Mississippi. Dans The Land Where The Blues Began il dit avoir entendu a tune such as the African Pygmees have played from time immemorial. Eh oui, Otha Turner remonte aux temps immémoriaux. Alan Lomax et George Mitchell ont flashé sur ce bluesman de la première génération qui apprit à jouer du fifre dans les années 20. Otha dit que son père Ollie Evans avait les yeux bleus comme lui. Ollie était un sang mêlé, mi-Chickasaw ou Choctaw, il ne sait pas exactement. Puis il affirme qu’il était à moitié bouc, ce que confirme Jim Dickinson qui le voit en Dionysos.  

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             Mike Evans fait un grand bond en avant avec Big Star et le studio Ardent. Pour lui, Big Star est la Memphis’s answer aux Young Rascals de New York. C’est bien vu, car les deux niveaux culminent sec. Evans dit aussi que Big Star n’a pas vendu beaucoup d’albums, mais ce groupe a eu au moins autant d’influence que le Velvet qui n’en vendait pas beaucoup non plus. Pas de Big Star sans John Fry et son studio Ardent qui va devenir, comme Sun, Stax et Hi, une institution. Fry commence par enregistrer un teenage band nommé Lawson And Four More, assisté de Jim Dickinson. Terry Manning qui joue dans Lawson restera vingt ans durant l’un des fidèles assistants de John Fry.

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             L’autre institution locale, c’est bien sûr American. Chips Moman, qui a roulé sa bosse avec Gene Vincent et Johnny Burnette, finit par jeter l’ancre à Memphis. La grande force de Chips fut d’avoir tissé des liens commerciaux avec des gros labels comme Atlantic, Scepter ou MGM. En 1967, Jerry Wexler lui proposa d’enregistrer le nouvel album de Wilson Pickett. Puis Wexler lui envoie Dusty chérie. Dans leurs books respectifs, Ruben Jones et James Dickerson donnent tous les détails.

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             En remontant encore un peu dans le temps, on finit par tomber sur Tav Falco et les Panther Burns. Tav commença par partager ses concerts avec ses idoles : RL Burnside, Charlie Feathers, Cordell Jackson et Sonny Burgess, qui du coup reprirent tous du poil de la bête, commercialement parlant. Tav n’est pas avare de déclarations : «The Panther Burns are the missing link between the earlier forms of swamp blues’ unbridled howl and the psychological onslaught of the new millemnium. We are essentially the ditch diggers in American Music.» Et il ajoute après avoir salué la comedia del’arte : «The Panther Burns are the last steam engine train on the track that don’t do nothing but run and blow.» Luther Dickinson ajoute : «Si vous dessinez l’arbre généalogique du blues, du garage et du punk, vous revenez forcément aux Panther Burns, et si vous continuez, à Mud Boy & the Neutrons.» C’est selon lui la spécificité du Memphis beat, when you mix crazy hillbillies and crazy black guys together. On ne pourrait rêver d’une meilleure définition du Memhis beat. Luther : «Quand Bobby Ray Watson ramena RL Burnside au studio de Roland Janes, il avait un gros sac d’herbe locale - homegrown Mississippi reefer - et RL avait de l’alcool de maïs, it’s just a crazy combination !» Luther salue ensuite le label Fat Possum et le journaliste Robert Palmer qui surent remettre RL Burnside et Junior Kimbrough d’actualité. Luther Dickinson est un membre actif du Memphis beat contemporain avec les North Mississippi Allstars. Son frère Cody a appris à jouer de la batterie sur un kit que son père avait ramené de chez Stax. Le Zebra Ranch de Jim Dickinson est aujourd’hui devenu un endroit mythique. Luther dit aussi que ses parents lui ont épargné l’école quand il était petit. Sa mère leur apprenait l’orthographe et le calcul. Des artistes locaux comme Tom Foster et Jim Blake venaient leur donner des cours de dessin. Mike Evans salue ensuite la nouvelle vague de garagistes : Monsieur Jeffrey Evans, godfather of Memphis punk, puis Jack Yarber, membre des Oblivians, des Compulsive Gamblers, de Soul Filthy, des Cool Jerks, des Tearjerkers et producteur du premier et seul album des Porch Ghouls, un groupe que composaient Eldorado Del Ray (guitar/vocals), Slim Electro (guitar, ex-Grifters) et Duke Baltimore (drums, ex-68 Comeback). Ils qualifient leur son de ruckus, un terme de slang datant des années 20 qu’on utilisait pour qualifier la musique des Memphis jug bands. Mike Evans salue l’autre tête pensante des Oblivians, Greg Cartwright et son brillant Reigning Sound, dont l’explosive line-up mélange the spirit of Memphis Soul with a 60s pop dynamic and country-boogie edge.  Avec the Reigning Sound, Cartwright dit avoir cherché à évoluer sans perdre ses racines. Pas facile.

    Signé : Cazengler, le con le Lisle

    Andria Lisle & Mike Evans. Waking Up In Memphis. Sanctuary Publishing 2003

     

    L’avenir du rock

    - Deux compiles qui tombent pile

             L’autre jour, l’avenir du rock déambulait dans des halls. Il captait ça et là les bris de conversations qu’émettaient des grappes d’affairés chamarrés. Il s’émerveillait de ce qu’il entendait, ces ribambelles de surenchères et ces défis que certains lançaient à la salubrité mentale, ça affirmait et ça infirmait, ça corroborait et ça ravinait, ça amputait et ça ravaudait, ça pétaradait et ça palabrait, ça pérorait et ça paradait, alors, mu par l’envie d’en découdre, l’avenir du rock intervint pour glisser une strophe sibylline :

             — Non certes elle n’est pas bâtie sur le sable sa dynastie, une strophe à laquelle bien sûr les autres ne pigèrent que couic.

             — De quelle dynastie parlez-vous, avenir du rock ?

             — Mais du Shah d’Iran et ran et ran petit patacon...

             À quoi il ajouta :

             — Car il est possible au demeurant qu’on déloge le Shah d’Iran...

             Alors Raymond la science s’interposa, et, pointant vers la voûte du hall un index vibrillonnant, il s’exclama :

             — Au demeurant il est déjà délogé le Shah d’Iran !

             À quoi l’avenir du rock rétorqua sans délai :

             — Sans vouloir vous offenser, Raymond, votre répartie compte deux pieds de trop !

             Et voyant l’assistance interloquée, il ajouta aussi sec :

             — Qu’un jour on dise c’est fini au petit roi de Jordanie...

             Cette toutânkhamonnerie létale eut pour effet de sidérer les dernière lanternes au point de les éteindre, comme on mouchait autrefois les chandelles. Sentant que le moment était venu de les rallumer, il livra la clé de l’énigme :

             — Que sur un air de fandango on détrône le vieux Franco... Mais il y a peu de chance qu’on détrône le roi des cons !

             L’avenir du rock s’émerveilla. Cette vieille ritournelle de Georges Brassens restait d’une actualité brûlante. Pour rasséréner la troupe déconfite et meurtrie, il ajouta, goguenard, qu’auprès du roi des cons trônait son cousin le roi des compiles.

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             Comme les lecteurs de Vive Le Rock ont été sages, le Père Noël leur a offert une belle compile, Vive Le X-Mess 2023. Cette compile est capitale, car elle montre que la scène anglaise is alive and well, une formule qu’il est difficile de traduire sans la dénaturer, alors ne la dénaturons pas, elle saura se montrer assez explicite. Six coups de génie sur 14 titres, c’est un bon indicateur de tendance. Ce n’est pas qu’on ait besoin de se rassurer, mais de savoir que ça rocke encore à Londres remonte sacrément bien le moral. La révélation s’appelle Voodo Radio avec «Dog». Là tu y es ! I’m a bitch ! C’est le cœur battant du hard trash contemporain. Authentique du ciboulot, archi harsh - You’re a dog/ I’m a bitch - Dommage que les mini-albums soient inaccessibles. Retrouvailles de choc avec Cockney Rejects et «My Heart Ain’t In It», noyé dans le gratté de gras double de Mick Geggus, il a tout le son de London Town, c’est du power pur, il développe incroyablement et passe des solos de power pur. Geggus joue en fondu de génie. Grosse révélation encore avec Eryx London et «Blagger», une vraie voix dans ton cou, le mec chante doucement, il crée une  atmosphère palpable, et ça se développe avec fermeté, ça te rappelle le «Rose Giganta» de Chicano. À la suite, tu as les Smalltown Tigers et «Girl Can’t Help It», des Italiens, apparemment, avec un classic high energy rockalama. Le Tiger chante comme Gary Holton. Cette scène existe encore, ils tentent le coup de vrai truc avec un chanteur fou. Excellent et tellement d’actualité. Vive Le X-Mess est un modèle de résurgence. Les Priscillas font du sucre avarié avec «One Christmas Wish». Janus Stark est amené par Vive Le Rock comme The Next Big Thing, mais il faudra attendre encore un peu, solide c’est sûr, mais rien de plus que ce qu’on sait déjà. Alors voilà le heavy stuff : Larry Wallis et «Meatman (2023 Mix)». On tape ici dans l’extrême onction, le Meatman est le heavy rumble de Notting Hill Gate. Pur genius ! Tu as peu de mecs du calibre de feu Larry Wallis en Angleterre. C’est de l’expurgé, du vindicatif, de l’inénarrable. Ah tiens, voilà les Black Bombers et «The Price». Eux, on y va les yeux fermés. Pas la peine de discuter. Ils cultivent cette vieille énergie de London town, celle des incendies. Les Bombers sont grandioses. Plus power-poppy, voilà Reaction et «Closer Than Most». Power-poppy, oui, mais avec du punch. Extraordinaire démêlé !

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             Et si on parlait d’une compile trop wild ? Elle existe, aussi fou que cela puisse paraître. On la trouve chez Crypt, à Hambourg. Elle s’appelle Searching In The Wilderness, un Op Art de 1986, donc catalogué Mod craze. Mais comme toujours, les bonnes compiles Mod flirtent dangereusement avec le freakout le plus abject, ce que vient confirmer le «But I’m So Blue» des Namelosers. Ces Suédois étaient en 1965 au bord de l’apoplexie gaga-punk, celle dont s’entichaient les Pretties. Les Namelosers sont dans le même trip de dirty blasting, avec en prime un solo crade à souhait. Allez hop, on passe directement au Mod craze avec les Red Squares et «You Can Be My Baby», un hit de 1967, wild British beat chauffé à blanc avec un brin de Mod Craze - One of the most powerful Mod ravers of the sixties - Et pas qu’un brin ! Ils ont récupéré toute l’explosivité des Who et déclenchent des développements inespérés. Tout aussi brillant, voici Sean Buckley & The Breadcrumbs et «Everybody Knows». Une aubaine que d’entendre cette pulpeuse merveille ! On monte encore d’un cran avec The Boys Blue et «You Got What You Want» battu au tribal et wild as super-fuck, c’est littéralement effarant de power ! Jeff Elroy superstar ! Un seul single et puis basta. Terminé. An early incarnation of the Sorrows, nous dit le mec des liners. Encore du wild freakout d’aw aw avec The In Crowd et «The Things She Says», sabré à coups d’harp, c’est somptueux de classe délinquante, pur sonic trash. Pareil, une poignée de singles et à dégager - Roll over The In Crowd and tell Crawdaddy Simone the news ! - Les Outsiders de Willy Tax attaquent «Won’t You Listen» à la fuzz bien sourde. Arrghhh, quelle aventure, c’est sabré à coups d’harp et fuzzillé à ras la motte, avec un solo de génie délinquant. Nouveau coup de Jarnac avec A Passing Fancy et «I’m Losing Tonight», c’est claqué au définitif, à l’adventiste du beignet, c’est pulsé à la boutonnière, ça va chercher la prise de bec, ces mecs-là sont pires qu’Attila. Ce sont des garagistes canadiens. Le mec des liners les compare au MC5 de «Looking At You». On se régale aussi du hard groove fuzzy d’«It Came To Me» des Q-65. Ils s’enlacent comme des serpents autour de l’I’m in love. Et on assiste éberlué au superbe élan de wah-ahah des Golden Earrings dans «Chuck Of Steel». Leur wah-ahah n’est pas facile à expliquer, disons qu’ils traînent les syllabes dans la cavalcade. C’est brillant. Quant aux Snobs, ils shakent l’«Heartbreak Hotel» à la Méricourt, c’est un exploit qu’il faut saluer. Ces mecs portaient des perruques poudrées du XVIIIe siècle, et c’est probablement le guitariste qu’on voit sur une pochette de l’Annie Get Your Gnu de Wildebeests. L’«You’re Holding Your Own» de The Buzz est hallucinant de power ultraïque - logique car enregistré par Joe Meek - et le «Searching In The Wilderness» d’Alan Pounds Get Rich te coupe la chique. 

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             Il existe un album d’A Passing Fancy paru en 1968, qu’on peut aller écouter sur la foi d’«I’m Losing Tonight». On y retrouve bien sûr ce gratté à la menace sourde. Mais le reste du balda n’est pas aussi lourd de sens. Ils font une belle tentative d’envol avec «You’re Going Out Of My Mind» et c’est en B que se planque le reste de la viande : on se régale d’«Island», programmé pour l’obsolescence, suivi d’un «Your Trip» plus heavy, offensif et chaleureusement conseillé, monté sur des heavy chords de carcasses creuses. Ils restent dans la belle heavy pop avec «Little Boys For Little Girls», on s’en pourlèche, la confiance règne, ces Canadiens ont du poids. Ils sont encore terriblement à l’aise avec «Under The Bridge» et restent très polymorphes avec «Spread Out». Ils adhèrent à toutes les surfaces. Ils terminent cet album qu’il faut bien qualifier d’attachant avec «People In Me» et sa petite attaque de revienzy. Tiguili sixties pur et chant gros sabots. Ils auront tenté le coup. 

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             On retrouve aussi le «But I’m So Blue» des Namelosers sur une belle compile parue en 1989, Fabulous Sounds From Southern Sweden. Alors attention, la première série de cuts n’est pas terrible, ils font un choix de covers assez discutable («What’d I Say», «Money») et leur «Around & Around» sent trop l’entente cordiale. On les sent appliqués. La compile se réveille avec «But I’m So Blue», bien saqué du protozozo, battu au beat punk à casquette de Liverpool. Ils font un «Land Of 1000 Dances» bien dirty, ça rue dans les brancards de la fuzz, ils sont enfin réveillés, la fuzz te cisaille les guiboles, la fuzz buzze comme un essaim mortifère. Encore du son avec une cover de «Suzie Q», heavy dumb fuzz de dirt proto. Ils sont encore plus stoned que les Stones sur «Walking The Dog», ils lestent leur Dog de tout le plomb du monde. «Hoochie Coochie Man» est idéal pour des heavy proto-punkers comme les Losers. Ils sont dessus, comme l’aigle sur la musaraigne. Ils finissent en mode downhome protozazou avec un «That’s Alright» complètement fuzzé du ciboulot.

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             Comme les Red Squares nous intriguaient avec leur «You Can Be My Baby», on est allé voir sous les jupes des deux albums parus en 1966, l’album sans titre, et It’s Happening. Comme le succès les boudait, ces Anglais ont émigré au Danemark, et du coup, ils sont devenus des teenage idols en Scandinavie. Ils ont une grosse particularité : une passion immodérée pour les Four Seasons et les Beach Boys. Sur leur premier album, ils tapent une cover d’«I Get Around», mais aussi du «Rag Doll» des Four Seasons. Ces mecs chantent à deux voix, ils sont extrêmement pointus. Ils font une fantastique cover du «Stay» de Maurice Williams, et en B, ils tapent dans Burt avec «Wishing And Hoping». D’autres covers de prestige encore avec «Dancing In The Street» et le People Get Ready» de Curtis. Ce mec Geordie Garriock adore chanter là-haut sur la montagne. Ils terminent avec une superbe compo de Bob Crewe et Bob Gaudio, «Big Girls Don’t Cry», ils tapent en plein dans le mille des Four Seasons, les Red Squares sont des inconditionnels.

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             L’It’s Happening est nettement plus dense. Ils retapent dans le cru Crewe/Gaudio avec «Walk Like A Man», ils tapent dans le haut perché Four Seasons/Beach Boys/Association. D’ailleurs, ils bouclent la B des cochons avec une cover d’«Along Comes Mary», le hit le plus connu de The Association. Ils la tapent au slight return, avec un joli son de basse bien claqué à l’ongle sec. Ils tapent encore dans le cru Crewe/Gaudio avec «Silence Is Golden», ils vont chercher l’éclat de la jeunesse insouciante. Ils tapent aussi dans le «Mr Lonely» de Bobby Vinton qui deviendra «Quand Revient La Nuit» en France. Autre cover de prestige : le «Monday Monday» des Mamas & The Papas : tout l’esprit est là, fidèle au poste et exact au rendez-vous. En B, ils tapent dans le «When I Grow Up» de Brian Wilson, en plein dans l’énergie des Beach Boys. Mêmes démêlés avec la justesse. Ils sont encore plus irrésistibles avec «Kiss Her Good Bye», une compo à eux, et replongent dans le spirit du Smile des Beach Boys avec «Warmth Of The Sun». Tout amateur de grande pop peut y aller les yeux fermés. D’où l’intérêt des compiles qui tombent pile.

    Signé : Cazengler, compilou-pilou

    Vive Le X-Mess 2023. Compile Vive Le Rock 2023

    Searching In The Wilderness. Musiek Express 1986

    Namelosers. Fabulous Sounds From Southern Sweden. Got To Hurry 1989

    Red Squares. Red Squares. Columbia 1966 

    Red Squares. It’s Happening. Columbia 1966  

    A Passing Fancy. A Passing Fancy. Boo 1968

     

    *

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    Un verre c’est bien, trois ne suffisent pas, c’est comme pour les pochettes de disques, vous en regardez une qu’une autre se présente à vous. Cette fois je n’y suis pour rien, je peux nommer le coupable, Paolo Girardi, celui qui a peint la couverture de l’album Lone d’OAK, m’en suis allé illico presto subito expresso bongo admirer ses tableaux. Je vous en ai parlé dans la livraison 631, pas plus qu’Eve devant la pomme je n’ai pu céder à la tentation, j’ai même bouffé le serpent, animal very rock’n’roll, une vidéo de rien du tout, trente-cinq secondes, pas le temps de voir grand-chose surtout que Paolo vous bouche la vue car il se rapproche avec son pinceau pour une dernière petite touche, l’a la zique à fond et un super tatouage sur le dos, à part cela sur la toile c’est une pagaille incroyable, le fond est rouge sur l’extrême gauche un mec sur un navire, je le reconnais aussitôt, Pline l’Ancien, un vieil ami, plus jeune j’ai traduit quelques-uns des textes de son Histoire Naturelle, ses écrits sur la Peinture sont indispensables pour tout amateur d’art, bref nous sommes à Pompéi, et gâteau sous la cerise confite,  dessous il est mentionné : ‘’En train de peindre l’artwork destiné à l’album Pompéi de Dark Quarterer’’. Vous connaissez ma prédilection pour l’Antiquité…

    POMPEI

    DARK QUARTERER

    (Cruz del Sur Music / 2020)

              Des vieux de la vieille, ont commencé en 1974 sous le nom d’Omega R, changent leur dénomination en Dark Quarterer en 1980, enregistrent leur premier album éponyme en 1987 (réédité en 2012), en 1988 sort The Etruscan Prophecy (réédité en 2022), faudra attendre 1993 pour War Tears et 2002 pour Violence. Symbols verra le jour en 2008, Ithaca en 2015, Pompei voici trois ans. Groupe de Heavy-rock à leur début ils évoluent vers un metal progressif. Vous l’avez compris ils aiment les grandes fresques mythologiques… Je ne m’attarde pas, je pense que dans un futur proche si une éruption volcanique n’arrase pas la cité médiévale de Provins, j’en chroniquerais quelques-uns.

             Nous avons déjà évoqué Pompei dans notre livraison 561 du 30 / 06 / 2022 en chroniquant l’album An ear of grain in silence reaped du groupe grec Telesterion, nous interrogeant sur la signification des fresques de la Villa des Mystères de Pompéi. Le fait que la ville ait été ensevelie sous les cendres fut une véritable aubaine pour tous les amateurs de la civilisation romaine. Vision très égoïste qui relègue les trois mille victimes de la catastrophe dans la colonne des dommages collatéraux.

             Pompéi et sa voisine Herculanum furent détruites en trois jours automnaux de 79 au tout début du règne de l’empereur Titus qui succédait à son père Vespasien.  Certes au fil des siècles les pillards n’ont cessé de creuser des galeries pour récupérer quelques objets précieux, mais c’est sur la fin du dix-huitième siècle que commença à se former dans ce que l’on pourrait appeler l’imaginaire européen une vision romantique de la disparition de Pompéi. La nouvelle Arria Marcella (1852) de l’incomparable styliste que fut Théophile Gautier et le roman Les derniers jours de Pompéi (1834) de l’écrivain, passionné d’occultisme, Edward Bulwer-Lyton témoignent de cet engouement littéraire qui perdure encore de nos jours. Peinture, cinéma et musique se sont à leur tour emparés de Pompéi, pour revenir au rock nous ne citerons que le Live in Pompei (1971) de Pink Floyd…  L’album de Dark Quarterer s’inscrit dans une tout autre démarche, celle de nous plonger in vivo dans l’ardente fournaise…

    Gianni Nepi : chant, basse / Paolo Ninci : batterie / Francisco Sozzi : guitare /

    Francesco Longhi : claviers.

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    Vesuvio : d’entrée un coup de génie, Dark Quarterer donne la parole au principal protagoniste de la catastrophe, le Vésuve, un remarquable remake de when I awoke this morning, à part que ce n’est pas un pauvre diable qui parle mais un colosse élémental, une puissance dévastatrice, qui s’apprête à se libérer de son long endormissement en expectorant sous forme de lave brûlante, de nuées ardentes, de gaz délétères, l’excessive accumulation de sa force déchaînée. Avertissement sans frais à la fragile humanité. Une intro magnifique, Dark Quarterer, l’on est quelque part entre le rock’n’roll et la musique concrète, un bruit qui sourd telle une source maudite qui surgirait d’on ne sait où, qui grandit qui explose lorsque la voix de Gianni Nepi se fond avec cette espèce de grondement indescriptible d’un tonnerre souterrain qui maintenant se répand et envahit l’espace extérieur, c’est la colère d’un Dieu tellurien qui explose, le volcan parle, l’on entend dans sa voix la terreur des êtres humains soumis à cette intumescence sonore envahissante. Un capharnaüm sonore dont aucun groupe metal se soit à ma connaissance rendu capable, l’on est trimballé, balayé par des blocs cyclopéens, soumis à un effroyable maelström terrestre qui ne ramène rien à lui mais qui vous repousse, semble vouloir vous exiler hors des limites du cosmos. Prodigieux. Welcome to the day of death : il est des choses plus terribles qu’une éruption volcanique, ne pensez pas à une météorite géante qui viendrait percuter notre planète et procéder à notre l’extinction définitive des fragiles dinosaures humains que nous sommes, ce serait l’horreur absolue certes, mais encore rien comparé au tourbillon de la pensée humaine ployant sous la pensée de son propre destin, par ce morceau nous changeons de cercle, nous passons de la concrétude d’un cataclysme à ses abstraites répercussions idéennes par lesquelles nous l’appréhendons, certes nous sommes directement concernés, mais ne nous méprenons pas, ce n’est pas nous qui dominons le monde, c’est lui qui se manifeste à nous. Il se joue de nous, nous sommes descendus d’un cran, sur un cercle inférieur. Cataracte sonore. Ne croyez pas que ce soit grave. Exceptons vos oreilles passées dans un hachoir géant. Non c’est sardonique. Comme ces bandits sardes qui vous regardaient en souriant d’une façon un peu perverse en supputant le plaisir ou le désagrément des cris de porc égorgé que vous pousseriez s’il leur prenait envie de vous occire proprement. Voire salement. Dark Quarterer est gentil, vous laisse exactement huit minutes trente-six secondes pour vous confronter à vous-même.  C’est le Vésuve, cette brute volcanique, qui pose les questions essentielles, il y est pour quelque chose, cinquante pour cent, il l’admet, vous aussi, vous êtes obligés, ce n’est pas lui qui vous a demandé de passer une journée ou toute une vie près de lui, ne vous en prenez qu’à vous-même, le son imite ces bobines de film qui s’enroulent trop précipitamment et si vous ne prenez pas la bonne décision, la pellicule se rompra, c’est ce qui arrive, le gloubi-bulga sonore s’arrête, un couperet de guillotine. Vous sortez de cette écoute concassante, peu fier de vous, la conclusion est simple : ce n’est pas vous qui décidez. L’immortalité n’est pas une option. Panic : vous êtes allé jusqu’au bout de l’horreur de vous-même en vous-même, dans le monde infrangible de la pensée, vous étiez en un espace somme toute protégé, Dark Quarterer vous dévoile l’autre face de l’animal humain, espèce raisonnable et raisonnante, le voici plongé dans la vie, le récit in vivo, vous lance dans la situation, avec tous vos congénères. Le texte parfaitement documenté s’appuie sur les découvertes in situ analysées et reconstitués par les vulcanologues et les archéologues. Cris et hurlements, un immense bulldozer sonore vous court après, à toute vitesse, personne n’y échappera, remue-ménage infernal, un caterpillar monstrueux pousse vivants et cadavres dans les portes de l’enfer, nul n’y échappera, ni les riches, ni les pauvres, ni les avares, ni les malotrus, ni les vieux, ni les enfants, ni les femmes, nul ne sera épargné, le chant de Gianni Pepi se transforme en plaintes d’horreur infinie, il se tait les pierres tombent et s’entassent partout, quelques survivants ont encore la force de clamer leurs douleurs, pas d’échappatoire possible, l’horreur culmine dans un silence lourd et apaisé, un piano vous joue un adagio pour votre repos éternel. Le combat pour la vie a cessé faute de combattants.

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    Plinius the elder : jamais un 33 tours face A / face B n’a été aussi bien partagé. Les trois premiers morceaux vous ont peint la catastrophe du début au final, du réveil à la fin de la destruction totale de la ville et de ses habitants. Les trois derniers titres se penchent sur les destins individuels de trois personnes. Le nom de la première a traversé l’Histoire, Pline l’Ancien, écrivain renommé, mais il occupa de hautes fonctions militaires notamment en Gaule et en Germanie, au moment des faits il est le préfet (commandant) de la flotte de Misène située près de Naples, averti par des messages optiques, l’important panache de ‘’ fumée’’ et un message de secours de Rectina, une amie chère, qui habite près de la catastrophe, il se précipite avec un navire. Ne pouvant aller plus loin il se réfugie chez un ami aux abords d’Herculanum. Il mourra asphyxié par les nuées ardentes. Tous ses détails sont rapportés par son fils (adoptif) Pline le jeune. (Ne le cherchez pas sur la couve, il a été coupé, la faute au format trop large). Intro fracassante. Pline doit prendre des décisions. Tempo haletant, Dark Quarterer romantise à outrance la relation de Pline et Rectina, notre commandant vole à son secours, tumulte dans une conscience, risquer sa vie, lui le Chef de la flotte, ses proches le retiennent en vain. Arrêt brutal, Chopin l’amant de George Sand est au piano, les sentiments qui unissent les deux amants sont ainsi révélés, ce court espace de tendresse est vite dévoré par la pression instrumentale de l’orchestre et des évènements, Pline court à sa perte, musique martiale, mais se bat-on contre le destin, un dialogue d’âme à âme se crée entre les deux amants portés par la voix suraigüe de Gianni Nepi. Arrêt brutal. Roméo mort ne rejoindra pas sa Juliette. Pour la petite histoire Retina survivra à la catastrophe. Gladiator : n’y avait pas que des empereurs, des sénateurs, de célèbres généraux et de riches familles chez les romains. La foule des anonymes était nombreuse. Après Pline, Dark Quarter se penche sur une profession pour le moins ingrate, sur laquelle notre modernité a beaucoup phantasmé. A preuve Gladiator le film de Riddley Scott. Cliquetis d’épées et de tridents, brouhaha de foule déchaînée, pare les coups, en porte quelques autres, n’en pense pas moins dans sa tête, ça tourne et ça vacarme encore plus que dans l’arène, l’a la rage, non pas contre ses adversaires, contre lui-même, contre sa vie sans but, contre cette existence solitaire qui le mord tel un chien enragé envers lui, qui s’accroche, dont il ne peut se défaire, coups dans les combats, bleus dans son âme meurtrie. Malgré la tonitruance de son monde il rêve d’une vie simple et tranquille avec femmes et enfants, le bruit devient encore plus fort, plus violent, à croire qu’il ne vient pas de lui, il est en plein combat, des clameurs s’élèvent, l’on souhaite sa mort, il n’est plus là, son âme est un oiseau blanc qui monte au-dessus de la mêlée. L’œuf du monde ne délivre son prisonnier qu’une fois que de lui-même il ne se soit entrouvert et cassé. Forever : cette fois ils sont deux, le couple primordial et anonyme, cent millions de fois répliqués, ce que Pline et Retina n’ont pas réussi, le réussiront-ils ? : un monde de douceur, pianos et cordes vibrantes, la voix de Gianni Pepi se fait féminine, ils sont réunis, l’un contre l’autre, ils ne sont pas inconscients, ils ne sont pas dupes de la situation, ils en ont la prescience, la musique devient tonnerre, parfois elle s’alanguit pour aussitôt se métamorphoser en un torrent tsunamique auquel personne n’échappera, ils ont beau semblant de faire comme s’ils étaient sur un île magique hors du temps, ils savent qu’ils n’échapperont pas à leur sort, ce n’est pas qu’ils se  mentent, des chœurs s’élèvent, comme de géants pétales de fleurs protectrices qui se referment sur eux, et se taisent, quelques notes de piano cristallines et puis plus rien, malgré leurs cadavres ont-ils réussi à gagner l’Olympe des Dieux éthériens, Silence. Ont-ils vaincu ? Ont-ils été vaincus ?

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             Je n’ai cité que Gianni Nepi, mais sachez que tous, du début à la fin, n’ont cessé de produire ce bruit sourd et tumultueux de plaques tectoniques qui sous la fragile écorce terrestre de l’orange bleue sur laquelle nous vivons s’entrechoquent et qui un jour finiront par nous détruire. Prodigieux.

             Du coup je m’attaque à Ithaque :

    *

    ITHAQUE 

    Lorsque tu te mettras en route pour Ithaque

    Forme le vœu que se prolonge le voyage

    Fertile en aventure et riches en découvertes.

    Ne redoute ni les Lestrygons où les Cyclopes

    Et ni Poseidon le farouche.

                                                             Jamais

    Tu ne verras rien de pareil sur ton chemin

    Et tes pensées demeureront nobles, si ton corps

    Et ton esprit sont abimés de purs émois.

    Les Lestrygons et les Cyclopes, l’irascible

    Poseidon, tu ne les rencontreras point,

    Si dans ton cœur tu ne les as portés

    Et si ton cœur ne les suscite devant toi.

    Souhaite que la course soit lointaine

    Et que nombreux soient les matins d’été

    Où tu verras – avec joie et délices ! –

    Des ports de mer connus pour la première fois.

    Fais escale dans les comptoirs phéniciens

    Pour t’y fournir de marchandises précieuses :

    La nacre, le corail, l’ambre, l’ébène,

    Les arômes voluptueux de toute sorte,

    Le plus possible d’arômes voluptueux.

    Parcours maintes cités égyptiennes,

    Et va t’instruire, va t’instruire chez les sages.

    Garde toujours Ithaque en ta pensée :

    C’est là qu’est ton ultime rendez-vous.

    Mais surtout ne te hâte point dans ton voyage.

    Mieux vaut qu’il se prolonge des années

    Et que tu rentres en ton île en ton vieil âge

    Riche de ce que tu gagnes en chemin

    Sans espérer qu’Ithaque t’offre des richesses.

    Ithaque t’a fait don du beau voyage.

    Et tu ne te serais point mis en route sans elle.

    Ithaque n’a plus rien à te donner.

    Bien que pauvre jamais elle ne t’a déçu.

    Devenu plein d’expérience et de sagesse

    Tu sais enfin ce qu’une Ithaque signifie.

                                                             Constantin Cavafy

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    Constantin Cavafy (Cavafis selon une transcription plus moderne). Né en 1863 an Alexandrie, mort en 1933 en Alexandrie. Ce petit fonctionnaire sans histoire, est l’un des plus grands poëtes grecs. Lui qui n’a eu de cesse d’évoquer le présent au regard de l’historialité de la Grèce est le fondateur de la poésie moderne grecque et de sa langue poétique. Il n’a écrit qu’un seul recueil de poésie sobrement intitulé Poèmes. De son vivant il ne fit circuler que quelques rares feuillets de cette œuvre à laquelle il consacra toute son existence, elle fut seulement publiée après sa mort. Une centaine de pièces magnétiques, elles attirent et elles éblouissent, elles sont comme des diamants dont les cassures étincellent d’autant plus fort qu’elles éclairent le théâtre d’ombres de la grandeur perdue de la Grèce antique, de l’accommodation humaine à ses désirs et à ses faiblesses, du retrait des Dieux. Cette œuvre, si fascinée de sa propre beauté intérieure et par celle de la chair extérieure, n’en a pas moins une haute portée métapolitique que nos contemporains préfèrent ignorer. Il est sûr que son implication s’avère brûlante.

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    Pour moi, il est plus qu’un frère, une pierre angulaire, un compagnon de combat poétique.

    Ce poème de Cavafy, suivi de cette très courte présentation, n’est pas par hasard puisque Dark Qarterer revendique s’être inspiré de ce poème de Cavafy pour :

    ITHACA

    DARK QUARTERER

    (CD Metal On Metal Records / 2015)

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    The path of life : ce premier titre ne traite pas directement de la chaotique existence d’Ulysse à laquelle il n’est fait allusion à la fin du texte que par une métaphore marine. Profitons-en pour vanter la qualité des lyrics, le Sombre Equarisseur sait écrire, très peu d’approximation dans leurs couplets. Ce sentier de vie évoque la vie de chacun de nous, il est construit comme une œuvre à part entière, un véritable poème symphonique qui se suffit à lui-seul. L’on sent que par cette œuvre que le groupe atteint à une maturité dont peu de formations de black metal mélodique à vocation épique peuvent se vanter. Ici pas d’emballements de grosses caisses ni de cisaillements électriques, le morceau se présente comme un de ces tableaux qui s’imposent à la vue, il est nécessaire de le contempler longuement pour en détacher les détails et comprendre comment chacun s’inscrit et participe de l’affirmation de l’ensemble. Imaginez une toile monumentale qui représenterait la mer, rien que la mer, pas une île, pas un rocher, pas un navire, pas un être humain, seulement une cavalcade de vagues monstrueuses et de creux abyssaux, une image de fureur poseidonique qui court sur vous, qui vous obligerait presque à reculer tellement cette immobilité mouvante s’apprête à déferler sur vous et à vous emporter vous ne savez où. Amusez-vous à comparer avec Le poème de l’amour et de la mer d’Ernest Chausson, il évoquera une mer vue du rivage, ici vous comprenez ce que signifie cette expression grecque de mer amère, même si chacun empli d’une joyeuse impatience se hâte de porter à sa bouche ce liquide sacré au goût de crottin des chevaux de Neptune. La performance vocale de Gianni Nepi est à souligner. Night song : Pénélope endort son garçon, l’eau des rivages d’Ithaque clapote, le bébé pleure, elle déroule le destin de celui qui s’appelle Ulysse, tout en douceur, Nepi est prodigieux de tendresse maternelle, peu à peu c’est la fureur du monde qui s’invite dans cette berceuse qui se mue en une grandiose symphonie avec chœur, l’on assiste au miracle, non pas celui d’un enfant qui grandit et qui se jouera des éléments et des Dieux, mais d’un simple combo de rock dont on ne sait par quelle subtile alchimie il parvient à transformer son vil plomb en l’éclat d’un or orchestral. Mind torture : grognements cyclopéens, tu deviendras ce que tu auras tué, les Dieux te punissent d’être toi-même, la magie de Circé enveloppe Ulysse, elle le retient prisonnier par ses mirages charnels et son emprise mentale, l’orchestration se partage entre les lourdeurs des actes passés ou présents et la violence avec laquelle tu déchires les lourdes tentures  empesées qui emprisonnent ta pensée, tout se passe dans la tête, le vécu n’est qu’une projection, on le nomme réalité, mais il n’est que l’image de la caméra intérieure de tes désirs. Morceau lourd, emporté, torturé. Ne t’en prends qu’à toi-même. Tempête sous un crâne a dit Victor Hugo. Escape : fuir, là-bas fuir, une course folle, le combo à fond, Nepi qui s’arrache les cordes vocales, l’on ne s’évade que lorsque l’on est devenu soi-même évasion, s’arracher à soi-même, il faut d’abord s’extrader de soi-même pour revenir à soi, l’on est le seul qui puisse forger son destin, énergie nietzschéenne, se surpasser, se dépasser pour être soi explosion mentale, tourments infernaux, s’extraire de sa propre mort, se rendre compte que ce qui nous retient n’est que présence fantomatique sans consistance. Au déchaînement intérieur correspond  une explosion orchestrale libératoire. L’angoisse exprimée est si forte que l’on se demande si notre héros ne court pas à sa perte.

     

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    Nostalgie : n’est pas allé bien loin, est tombé de Charybde en Scylla, de Circé en Calypso, elle n’a pas eu besoin de magie, sa beauté a suffi, Ulysse toujours seul en lui-même, il pense, il médite, il combat contre lui-même et cette autre chose bien plus forte, bien plus immense, bien plus dangereuse que lui, tornade orchestrale, voyage au bout de la nuit intérieure, au loin se profile une éclaircie, celui qui dialogue avec lui-même parle aussi avec cette puissance incommensurable que sont les Dieux. Après les errements mentaux se profilent les sanglants combats avec l’au-dehors de la caverne platonicienne. Rage od Gods : combien lourd paraît le martellement des chevaux de Poseidon, l’Ebranleur de la Terre est en colère, son ire tourne au délire, un petit côté pompier dans ces vocaux, le Dieu de la mer sera vaincu, Ulysse ne peut s’en remettre qu’à sa protectrice Athéna, n’est-il pas crédité d’un esprit subtil, le morceau prend à cet instant une dimension épique phénoménale, ce n’est plus Ulysse qui lutte contre l’élément liquide mais les Dieux qui s’affrontent, le morceau s’achève par une longue suite instrumentale échevelée qui vous emporte loin très loin aux frontières proximales de la sphère éthéréenne où l’être humain ne saurait pénétrer. (Félicitations aux musicos). Last fight : l’on entre dans le corridor de ruses et de sang par lequel débute le retour d’Ulysse en Ithaque. Atmosphère sombre et violente, Ulysse le solitaire, Ulysse le démuni, Ulysse tel qu’en lui-même la colère le change, la rage des hommes égale celle des Dieux, l’orgue torturé de Francesco Longhi exprime à merveille ce désir de mort et de vengeance. Le dernier combat n’est pas celui que l’on croit, par-delà ses ennemis c’est à soi-même que l’on s’attaque. Silence. Piano touches enfoncées très fort, guitare toucher léger. Gianni Nepi récite les quatre derniers vers de Cavafy.

             Une œuvre monumentale. Très différente de Pompéi mais d’une beauté égale. Un des plus beaux hommages qui ait été rendu à Cavafy.

    Damie Chad.

    Nota Bene : Il existe sur FB une vidéo : Dark Quarterer Rising for the silence (Pompei : live at Metropolitan) concert enregistré durant la période Covid au bénéfice des Théâtres grecs fermés pour la satisfaction financière des laboratoires pharmaceutiques. Le groupe est sur scène, mais le théâtre est vide… ce qui est un peu frustrant… Se regarde toutefois avec intérêt.

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    ROCKAMBOLESQUES

    LES DOSSIERS SECRETS DU SSR

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    (Services secrets du rock 'n' roll)

    Death, Sex and Rock’n’roll ! 

    26

    J’arrête la voiture devant l’immeuble de Gisèle, d’un coup de Rafalos je fais sauter la serrure. Je m’y attendais, aucune trace d’occupation humaine. Une rapide enquête dans les étages m’apprend que tous les appartements sont vides, suprême ironie, les portes ne sont pas fermées à clef !

    Alors que je remonte dans ma voiture (volée) un homme se précipite vers moi :

             _ Vous êtes un employé de l’entreprise de démolition ?

    La conversation s’avère intéressante. Le bâtiment est inoccupé depuis trois ans. La police vire systématiquement tous les squatteurs, elle a raison : les gens qui s’approprient des biens qui ne leur appartiennent pas me révulsent. Je promets que les bulldozers ne vont pas tarder à arriver.

    27

    Le Chef fume paisiblement un Coronado, il m’accueille avec un sourire :

             _ Agent Chad je présume à votre air dépité que la belle donzelle Gisèle a pris ses ailes à ses aisselles, méfiez-vous des femmes cher Damie, ce sont de sacrées simulatrices, gare aux garces ! Essayons toutefois de résumer la situation. Plus j’y pense, moins il m’apparaît que le service en son entier soit visé. Vous allez au restaurant, le lendemain vous êtes accusé d’avoir assassiné le personnel, vous dormez chez vous paisiblement, vos chiens sont kidnappés, on vous les rend, preuve qu’on ne leur en veut pas, vous liquidez froidement Jean Thorieux et vous tombez dans les bras merveilleusement galbés mais perfides que sa ‘’sœur’’ Gisèle vous a ouverts. Piège fort agréable j’en conviens, méfiez-vous Damie cette façon d’agir est très pernicieuse. Ces gens-là ne veulent pas vous tuer directement, il est évident qu’ils visent à une déstabilisation psychologique de votre personne.  

    Le Chef s’arrête quelques instants pour allumer un nouvel Coronado :

             _ Oui c’est votre personne qui est visée. Pourquoi, nous n’en savons rien, mais vous devez bien le savoir au fond de vous, prenez le temps de réfléchir, toutefois n’oubliez pas que nous n’avons pas de temps à perdre, cette affaire ne me plaît guère, dessous se cache quelque chose d’une nature que je n’arrive pas à discerner, prenez cette après-midi pour méditer sur tout cela. Je vous attends demain matin à la première heure.

    J’avoue que les déductions du Chef m’ont plongé dans la stupeur. Sur le moment je n’ai rien à répondre à une telle analyse.  Je suis sonné. Je me lève en titubant, j’enfile mon perfecto, ce simple geste me ragaillardit, je siffle mes chiens, ils se rangent à mes côtés en aboyant de joie.

             _ Chef, je pars en balade pour réfléchir !

             _ Très bonne initiative, agent Chad, j’espère que vous emmenez votre Rafalos, j’ai bien peur que ce ne soit pas une promenade de santé. Vous êtes dans la ligne de mire !

    28

    Sur la ligne de mire ! Je dois me méfier. Le Chef n’a pas l’habitude de parler pour ne rien dire. Surtout quand il fume un Coronado. Les chiens ont compris, à peine suis-je dans la rue qu’ils disparaissent. Molossito est parti en trottinant devant moi. Au fur et à mesure que je marche Molossa s’est laissé couler derrière moi. Une vieille tactique militaire, protéger ses avants et surveiller ses arrières. Pour le moment je ne sais pas trop où aller, je me fie à mon intuition et au hasard. Et à Molossito qui folâtre à une cinquantaine devant moi. Pourquoi ne pas le suivre, lui au moins il connaît nos ennemis. Je m’aperçois qu’il se dirige vers le centre de Paris.

    Maintenant je m’adresse aux lecteurs qui s’imaginent que je suis totalement perdu. Vous ne connaissez pas les rockers, si vous croyez que ce sont des êtres démunis, déboussolés, au cerveau aussi creux que le gouffre de Padirac, vous oubliez que Rocker rime avec Joker. Toujours un as de pique pointu et acéré comme ces lances des spadassins qui arrêtaient les charges de cavalerie. Bien sûr j’en ai un dans ma manche. Un rocker ne s’en remet pas aux aléas des rencontres. Il va droit vers celui qui lui fournira l’indice dont il a besoin. Molossito a compris, les chiens sont des animaux pourvus d’une intelligence supérieure à la plupart de nos contemporains, il sait très bien qu’il vaut mieux s’en remettre à Dieu qu’à ses saints, au bout d’une heure de marche je comprends qu’il me mène tout droit vers lui.

    Cette fois-ci je m’adresse à mes lectrices qui croient avec émerveillement que Dieu s’apprête à descendre du ciel pour me donner en personne une audience privée, je ne voudrais pas abuser de leur naïve crédulité, certes je suis un super héros, non Dieu n’apparaîtra dans cet épisode de leur série préférée. Toutefois avec cette espèce de zèbre, sait-on jamais !

    De loin je reconnais sa silhouette, pas celle de Dieu celle de l’Eglise Notre-Dame. A peine ai-je posé un pied sur le chantier que trois gendarmes s’interposent. Devant ma carte d’agent secret ils me saluent, tiquent un peu quand mes chiens m’emboîtent le pas :

    _ Laissez, ils sont avec moi conduisez-moi à l’architecte en chef, faîtes vite je suis pressé.

    Les gendarmes m’ont emmené jusqu’ à l’algéco du bureau idoine, m’ont resalué avec déférence et ont tourné les talons.  Monsieur l’Architecte en Chef, n’a pas l’air d’apprécier ma venue. S’il croit m’intimider avec son air excédé et son ton rogue, moi les chefs qui ne sont pas en train de fumer un Coronado, s’il savait ce que j’en pense. Je lui plante ma carte sous les yeux, il blêmit, manifestement mal à l’aise.

             _ Sachez Monsieur l’Architecte en Chef, que hier soir je me promenais à Aulnay-sous-Bois. Je me dois de préciser pour la vérité historique que je n’avais pas emmené mes chiens avec moi.

    Le gars me jette un regard meurtrier.

    _ De braves bêtes, attentives et attachantes, vous pouvez les caresser et même prendre un selfie avec eux, si vous avez des enfants ils adoreront.

    _ Monsieur, je suis très occupé, si vous en veniez au but, s’il vous plaît je ne voudrais pas vous faire perdre votre temps.

    _ Donc je me promenais sans mes adorables toutous, lorsque j’ai rencontré un employé de la mairie qui m’a pris pour un responsable de l’entreprise Les Briseurs de Murailles, c’est lui qui m’a donné le nom, une grosse boîte a-t-il ajouté fièrement, il a même précisé qu’elle participait à la rénovation de Notre-Dame. Je me demandais si vous auriez quelques renseignements relatifs à cette entreprise.

    _ Ah, ce n’est que ça, excusez-moi je croyais que vous étiez un représentant, des Beaux-Arts, ne sont jamais contents. Vous peignez un mur en bleu-gris, il est trop gris, vous le refaites il est trop bleu ! Mais je m’égare, revenons à nos moutons, vous savez plus de trois cents entreprises sont passées sur le chantier, parfois uniquement deux ou trois artisans spécialisés dans des travaux ultra-pointus. Les Briseurs de Murailles, oui ils ont aidé à enlever les échafaudages, ah, oui aussi, trois aussi sont venus pour rafistoler le cadre de La Vierge Marie, que voulez-vous savoir au juste ?

    _ Je n’ai pas trouvé ni le site de leur entreprise, ni leur numéro de téléphone sur le net, si vous pouviez…

    _ Oui, c’est normal, Les Briseurs de Murailles c’est un slogan publicitaire qui leur colle à la peau, il faut chercher à Entreprise Thorieux. Attendez, toutes les boîtes me filent un lot de cartes, au cas où, je les ai dans ce tiroir.

    Le gars ouvre le tiroir de son bureau, j’aperçois un fouillis de bristols de toutes les couleurs, le gars touille durant deux minutes, son visage s’illumine !

             _ Le voilà !

    Et hop, il braque sur moi un revolver. Dans mon dos la porte s’ouvre, ce sont les trois gendarmes’ ils ont beaucoup moins amènes que tout à l’heure.

    • Qu’est-ce qu’on fait Chef ?
    • Un qui garde la porte, deux qui tuent les deux chiens, je me charge de ce fouille-merde !

    J’ai envie de lui demander de me présenter des excuses pour cette qualification infâmante. Je n’en ai pas le temps. Quatre coups de feu retentissent. Je dois être mort. Une voix connue me tire de ma sidération.

             _ Agent Chad, remettez-vous ! A votre air faraud que vous avez tenté de cacher ce matin quand vous êtes rentré au bureau, j’ai compris, vous pouvez faire des cachotteries à vos lecteurs et les promener à travers tout Paris, mais pas à moi. Je vous connais trop. J’ai tenté de vous mettre en garde, vous n’avez rien compris. Je me doutais que vous vous précipitiez dans un piège. Je vous ai suivi. Molossa a été soulagée de m’apercevoir de loin derrière elle. Bon, nous voici avec quatre cadavres sur le dos, dont trois déguisés en gendarmes et un en architecte, entassons-les derrière le bureau. Vite, après cet intermède sanglant jouissif je prendrai le temps d’allumer un Coronado et nous filerons.

    A suivre…