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  • CHRONIQUES DE POURPRE 491 : KR'TNT ! 491 : LESLIE WEST / CRASHBIRDS / GENERATION ROCKABILLY 16 / GRAND FUNK RAILROAD / STEPPENWOLF / ROCKAMBOLESQUES XIV

    KR'TNT !

    KEEP ROCKIN' TILL NEXT TIME

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    LIVRAISON 491

    A ROCKLIT PRODUCTION

    SINCE 2009

    FB : KR'TNT KR'TNT

    31 / 12 / 2020

     

    LESLIE WEST / CRASHBIRDS

    ROCKABILLY GENERATION NEWS 16

    GRAND FUNK RAILROAD

    STEPPENWOLF / ROCKAMBOLESQUES 14

     

    *Pourtant que la montagne est belle

    Part One

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    Felix Pappalardi observe la montagne à la jumelle.

    — Wow, la cime se perd dans les brumes ! Sacré morceau ! Quelle prestance dans la monstruosité !

    À quelques mètres de là, Corky et Gail préparent le café. Ils ont allumé un bon feu de branchages. Felix, Corky et Gail se préparent à conquérir le mont Weinstein, l’un des sommets les plus redoutables du monde. Dès l’aube, ils quitteront le camp de base et se lanceront à l’assaut des pentes. Felix s’accroupit auprès du feu. Gail lui tend une tasse de café brûlant.

    — Tu as l’air particulièrement excité, mon lapin, murmure-t-elle d’un ton lubrique...

    — Cette grosse montagne vaut le jus, Gail chérie... C’est la crème de la crème : après l’Aconcagua, l’Everest, le Mont Winson et le Kilimandjaro, on va se taper ce gros tas de caillasse !

    Il tortille sa moustache d’un geste nerveux.

    — Bon, départ à quatre heures ! D’accord ?

    Gail et Corky acquiescent. Puis nos trois co-équipiers font un repas hautement énergétique. Gail et Felix vont se coucher pendant que Corky fait la vaisselle. La nuit tombe, froide et opaque. Corky tend l’oreille. Des soupirs proviennent de la tente de Felix et de Gail.

    — Ce salaud de Felix pourrait au moins en faire profiter les copains, marmonne Corky entre ses dents. Puis Gail pousse des cris stridents qui se perdent dans la nuit.

    Corky rentre sous sa tente en soupirant comme un bœuf.

    — Bon, une branlette et puis dodo !

    Au moment où le soleil se lève, une activité intense règne déjà sur le camp de base. Felix plie soigneusement sa tente portefeuille. Gail est prête. Elle porte son costume esquimau. Corky est en débardeur rouge. La belle lumière rasante caresse ses puissants bras nus.

    — Hey Corky, tu n’as rien oublié ?

    — Non, pourquoi ?

    — Tu ne crains pas d’attraper froid, habillé comme ça ?

    — Ha ha ha ! C’est pas une montagne qui aura la peau du grand drummer Corky Laing !

    — Alors, vamos !

    Felix prend la tête de la cordée. Gail suit et l’intrépide Corky ferme la marche. Deux jours durant, ils grimpent le long d’un raidillon convexe couvert de tissu écossais. Ils ont chaussé les crampons, car le sol gélatineux n’est pas très stable. Au soir du deuxième jour, ils arrivent au pied d’une falaise de cuir. Felix examine le relief à la jumelle.

    — Hum, passé ce ceinturon de vingt mètres, nous devrions pouvoir accéder aux premiers bourrelets, là-bas, au-dessus...

    Un vent terrible s’est levé.

    — Écoutez, crie Gail, on dirait une chanson !

    Ils tendent l’oreille tous les trois. Une plainte rugueuse émerge du chaos des origines. La tourmente charrie les paroles d’un blues-rock gargantuesque.

    Bloooooooood of the sun, hurle la voix et le vent sculpte dans la nuit glaciale d’audacieux phrasés de guitare.

    — Fabuleux ! hurle Felix dans la tempête. Depuis le «Strange Brew» des Cream, je n’ai jamais rien entendu d’aussi puissant !

    Au bout de trois minutes, le vent se calme et la chanson s’éteint.

    — Cette montagne est hantée par une sorte de génie, lâche un Felix intrigué.

    Gail commence à rouspéter :

    — Je veux redescendre. Je n’aime pas la tournure que prennent les événements. Rentrons à la maison, Felix, je t’écrirai de belles chansons, si tu veux...

    — Non, c’est hors de question. Nous continuons par là. Il faut redescendre jusqu’à cette bosse proéminente et remonter par la boucle que vous voyez là-bas pour atteindre les premiers bourrelets. De là, nous devrons compter encore trois bonnes journées pour atteindre le sommet. À condition que la météo se maintienne, bien sûr. Allons Gail, je t’ai connue plus courageuse. Que va penser Corky de toi ?

    Dès l’aube, ils repartent vers la boucle géante qui étincelle au soleil levant. Ils descendent dans un immense creux tapissé de tartan rouge pour rejoindre la fameuse bosse dont parlait Felix la veille au soir.

    — Bon, Corky, tu grimpes jusqu’à la boucle. Une fois là-haut, tu nous lances une corde en rappel. D’accord ?

    Corky plante son piolet dans la paroi. Soudain la montagne tousse. Les immenses chairs s’agitent avec la violence d’un tremblement de terre. Une terrible secousse précipite Corky dans le vide. Il hurle pendant de longues minutes. On entend un très lointain splash. Felix et Gail se sont accrochés de justesse au fermoir d’une espèce de fermeture éclair géante. Les derniers soubresauts s’espacent. La montagne se stabilise.

    — Bon, Gail, il va falloir grimper à mains nues... Pas question d’utiliser les piolets. La montagne est trop sensible. Te sens-tu prête ? Je pars devant, j’envoie une corde. Tu n’auras qu’à te hisser.

    Felix grimpe jusqu’à la boucle géante. Il l’atteint. Il trouve de bonnes prises entre le cuir et l’acier. Au prix d’efforts surhumains, il parvient à se hisser au sommet de la boucle. Il tire Gail jusqu’à lui. Ils restent assis tous les deux au sommet de la boucle et admirent le paysage. Puis Felix se lève et repart.

    — Si on veut se mettre à l’abri des tempêtes, il faut atteindre un gros bourrelet avant la nuit...

    Il affronte son premier bourrelet. À la différence des régions inférieures, cette zone de la montagne est couverte d’un épais tissu noir à pois blancs. Felix affronte les rondeurs à mains nues. Il progresse au-dessus du vide, se hissant à la force des doigts. Il négocie prudemment chaque surplomb et se redresse à la force des bras jusqu’à la partie supérieure de l’excroissance. Là, il peut marcher. Il cale bien ses pieds et tire Gail jusqu’à lui.

    Le soir du troisième jour, une nouvelle tempête éclate. Gail se réfugie dans les bras de son mari. Jaillissant de nulle part, la voix gutturale se mêle au vent, portant haut les éclats toniques d’une puissance extraordinaire.

    Et tu sais qu’on se reverra... si la mémoire ne te fait pas défaut... oh, cette roue en feu...

    Felix exulte dans la tempête :

    — Mais Gail ! Écoute ça !

    Il reprend en cœur avec la voix de la montagne :

    Je fonce sur la route... tu ferais mieux d’alerter mes proches... ce pneu va exploser ! Mais Gail, fais un effort, voyons ! Ne reconnais-tu pas «This Wheel’s On Fire» de Bob Dylan ? Wooow ! Quelle version apocalyptique !

    Et Felix se met à sauter sur place comme un gamin. Il ne rebondit pas très haut, à cause la nature graisseuse du bourrelet.

    Dès l’aube, ils repartent à l’assaut des derniers bourrelets noirs tachés de pois blancs. Felix finit par déboucher sur une échancrure peuplée de grandes racines noires. Il se tourne vers Gail et lance :

    — C’est une zone de poils géants qui conduit au dernier obstacle, là-haut : ce triple menton qu’il va bien falloir escalader... Hum...

    Felix et Gail progressent à travers l’épaisse végétation, assurant bien leurs prises, car la paroi est quasiment verticale. Parvenu au pied du triple menton, Felix s’immobilise, en proie à l’incertitude. Il ne le voyait pas aussi gigantesque. Il commence à tâter la matière spongieuse. Il s’assure des prises en pinçant cette affreuse consistance. Si Felix a les doigts si musclés, c’est sans doute parce qu’il joue de la basse. Il parvient péniblement à gravir les trois rondeurs successives. Il se hisse sur le dessus du menton et lance la corde à Gail. Il la tire jusqu’à lui.

    Elle rouspète :

    — Je commence à en avoir assez de ta putain de montagne !

    — Regarde Gail ! On touche au but. Allons nous rafraîchir à ces lèvres pulpeuses que je vois là-haut, puis nous longerons l’éperon du nez que tu peux apercevoir au-dessus. De là, nous atteindrons ce chapeau noyé de brumes qui coiffe notre fabuleuse montagne ! Allons Gail, encore un effort ! Nous y sommes presque !

    Ulcérée, Gail sort un Derringer de la poche de son costume esquimau.

    — Écoute-moi bien, Felix le chat ! Nous redescendons immédiatement ! Je ne te le répéterai pas deux fois !

    — Mais tu es complètement folle, ma pauvre Gail ! Nous sommes si près de la victoire ! Gail ma puce, veux-tu ranger ce flingue ! C’est vraiment la dernière fois que je t’offre une pétoire pour ton anniversaire !

    Le coup part accidentellement. La détonation résonne sur des kilomètres à la ronde. Felix prend la balle dans le cou. Sous la violence de l’impact, il tombe et roule au sol sur plusieurs mètres. Il se relève et, sans un regard pour Gail, reprend l’ascension. Il atteint les lèvres pulpeuses et s’y abreuve de salive sucrée. Puis il continue de grimper. Il atteint l’éperon du nez. Il laisse à sa droite l’immense globe d’un œil rivé sur l’éternité et escalade la zone nue d’un grand front perlé de sueur.

    Felix atteint les premières boucles d’une toison ardente. Il connaît les forêts tropicales et sait comment se faufiler dans les végétations très denses. Il reprend sa position d’araignée pour s’engager sous le plat du grand chapeau. Au prix d’efforts surhumains, il atteint l’arête et se hisse sur le plat du chapeau. Il fait quelques pas et s’écroule, épuisé.

    Un vent terrible se lève. Felix ouvre les yeux. Une mélodie d’une beauté démesurée se glisse à nouveau dans la tourmente. La voix de la montagne hurle la douleur du monde, elle martèle des syllabes d’un poids titanesque :

    Ba-by I’m down ! Ba-by I’m down !

    Felix secoue la tête. Il se pince... Mais non, ce n’est pas un rêve. Il fond sa voix dans celle de la montagne. L’écho vient à son aide. «Baby I’m Down» dure une éternité. Felix Pappalardi tutoie enfin les dieux.

    Signé : Cazengler, Mounteigne

    Leslie West. Disparu le 22 décembre 2020

    ADIEU A LESLIE WEST

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    Triste nouvelle, Leslie West a cassé sa pipe en bois, ce 22 décembre. Durant le confinement de fin avril au début de juin, nous avions abordé ( livraisons 462 / 463 / 464 / 465 / 466 / 467 / 468 / 469 / 472 ) une partie du périple rock'n'roll du colossal guitariste. Sa guitare n'était ni d'argile, ni de papier. J'avais promis de poursuivre quelques éclats de cette saga, une des plus belles du rock'n'roll. L'actualité m'a devancé. Au lieu de reprendre l'histoire à son début, nous écouterons un de ses derniers albums, pourquoi celui-ci et pas un autre, peut-être parce que la guitare y est particulièrement à l'honneur.

    Il est difficile d'imaginer Paris sans la Seine et encore plus un rocker sans scène. 2011 est une année importante pour Leslie West, terrible parce qu'il doit se faire amputer de sa jambe droite le 20 juin, parce que le 13 août il est déjà sur scène. C'est ce que l'on appelle avoir le rock chevillé au corps. Lui qui avait l'habitude de s'adonner sur son estrade à la danse de l'ours sur le toit de tôle brûlante jouera désormais assis. Le premier titre de l'album mis en boîte avant son hospitalisation ne manque pas d'humour de la part d'un diabétique qui a mené une vie de bâton de chaise, bouffe, graisse, alcools, tabacs, drogues douces et dures, tournées épuisantes et interminables... RIR, qu'il repose in rock !

    UNUSUAL SUSPECTS

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    ( Provogue / 2011 )

    Kenny Aronoff : batterie, percussions / Fabrizio Grossi : basse / Phil Parlapiano : orgue, mellotron, claviers / Leslie West : guitares, vocal / + Prestigieux invités.

    One more drink for the road : un morceau en roue libre, du classique de chez classique, genre vous voulez du blues, en voiçà en voili, prenez-en plein les feuilles, car ne durera guère plus de trois minutes, démarrage avec un piano qui shuffle plus qu'il ne boogise, et c'est parti pour la partie de guitares, Steve Lukather ( non, ce n'est pas une blague à Toto ) est à l'acoustique, miaule menu, les yeux fermés imaginez que c'est un tigre qui geint parce qu'il s'est planté une épine empoisonnée dans la patte gauche, mais non c'est Leslie à la lead qui fait le boulot. Mud flap momma : ( composé par Jenni(fer) et Joseph, voir plus bas ) forme au plus haut, on crie chapeau, c'est Slash, l'homme à la guitare flash, le bretteur N° 1, qui vous emmène un bouquet de roses avec un fusil comme épine au milieu pour vous fusiller entre les deux yeux et partout ailleurs, rien à dire deux lead guitars, c'est mieux qu'une, certes ils n'inventent pas la foudre sur ce morceau mais ils savent s'en servir, un véritable feu d'artifice du quatorze juillet, finissent à l'unisson comme le gang des frères James qui s'en prennent au coffre-fort de la banque. Slash a toujours revendiqué Leslie West comme influence. To the moon : Leslie s'envole au vocal, contrairement à ce que l'on pourrait accroire Leslie n'attaque jamais sa guitare comme Attila se ruant sur Aquila, vous a un toucher tout doux, l'on dirait que chaque fois qu'il effleure ses cordes une plume d'ange glisse sur le dos soyeux d'un chaton, le problème c'est que parfois il ne résiste pas à ce que Jack London appelait the call of the wild, alors il vous réduit en trois coups de tonnerre le mistigri en charpie sanglante, se reprend vite et vous ensorcèle d'une longue glissande vaporeuse, on ne va pas se déguiser en militant de la cause animale, ce que l'on adore c'est quand il vous pourfend les matous en trois coups de guitare majeurs, et pour cela cet envol vers la lune avivera et ravira vos pulsions les plus sadiques. Standing on higher ground : le blues le plus crasseux du monde, c'est si bon, c'est si Gibbons, avec lui Leslie est au top. Vous avez l'impression d'être au cœur de Fort Alamo, vous connaissez le film par cœur mais qui se lasserait de le regarder ! N'y a pas une note qui n'appuie pas à l'endroit exact où cela fait du bien et du mal en même temps. Third degree : le vieux classique d'Eddie Boyd – gardez vos vieux disques les masters ont été brûlés comme ceux de milliers d'autres dans l'incendie d'un entrepôt d' Universal – qui fit les beaux jours de West, Bruce & Laing, comme feature Leslie n'a pas pris de la petite friture, Joe Bonamassa en personne, ce que l'on appelle un virtuose, au chant il ne vaut pas Leslie et cette version ne vaut pas celle de WBL, l'a tout ce qu'il faut le bonhomme Bonamassa, sauf, je sens que je vais me faire haïr, une authenticité blues. C'est tout de même mieux que ce que seraient capables de faire les 99, 999 pour cent des habitants de notre planète.

     

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    Legend : comme son nom ne l'indique pas le compositeur Joseph Pizza - il a participé à la composition de cinq autres titres de l'album - ne travaillait pas dans une pizzeria mais dirigeait une société pharmaceutique, c'est aussi un vieil ami de Leslie, c'est Jenni(fer) ( que Leslie a demandée en mariage sur scène – bonjour Johnny Cash - lors du concert organisé pour fêter l'anniversaire des quarante ans du Festival de Woodstock ) qui avait travaillé dans l'entreprise de Pizza qui l'a encouragé à montrer ce morceau qu'il avait composé trente-cinq ans auparavant. Bon ce n'est pas le slow de l'été mais la ballade de l'hiver. C'est fou comme les amerloques ont l'art de vous tourner la ritournelle... un peu déplacée sur cet album tout de même... Leslie se fait plaisir à la guitare... Nothing's changed : Leslie et Zakk Wylde sont à la lead, Zakk Wilde est un poème rock à lui tout seul entre autres guitariste-compositeur pour Ozzy Osborne et fan de Neil Young – parfois les contraires s'attirent – avec Leslie ils font des miracles, comment ne pas sortir du cadre du blues tout en cassant tout à l'intérieur de la baraque. Surveillez vos enceintes, ça fuse de tous les côtés, et vos esgourdes engourdies ne s'en plaindront pas. Vous non plus. I feel fine : la reprise que l'on n'attendait pas, des Beatles de 1964, faut entendre comment Leslie vous bouscule le cocotier, le larsen inopiné de Lennon en ressort tout tarabusté, tout fuzzillé, le plus marrant c'est qu'au vocal Leslie suit de près la structure originale du morceau. Love you for ever : le titre le plus long, un régal, répétons-le, Leslie ne redécouvre pas la bombe atomique, juste un morceau de rock comme il en existe des centaines, et l'on se prend au jeu et l'on balance la tête en cadence, tout est à retenir, cette cloche de vache, et surtout cette guitare qui n'en finit pas de gronder de toutes les manières possibles et inimaginables, Leslie a le pêchon, se croit au bon vieux temps de Mountain, nous aussi. My gravity : blues balladif, beaucoup plus crédible que Legend, une guitare qui grince et une voix qui crie, quoi de plus pour être heureux, tout est dans la nuance, dans la déglingue, le doigté, l'écorchure des cordes, une espèce de mini-symphonie qui ne déparerait pas dans certaines virtuosités instrumentales de musique classique expérimentale d'aujourd'hui, mais il faut savoir l'écouter. Parfois le serpent qui tue est tapi sous les feuilles mortes de l'automne. The party's over : Slash et Zack Wylde ont failli à l'époque jouer ensemble dans Guns N' Roses, Leslie les réunit et leur laisse le champ libre, vous jouent le hit de Willie Nelson de telle façon que vous comprenez qu'entre le blues et le country il n'y a pas plus d'espace qu'un feuillet à cigarettes, tout en force et tout en douceur. L'intro et la fin touchent au sublime de la simplicité. I don't know ( the Beetle juice song ) : beaucoup n'aiment pas cet ultime morceau, dédié à un ami nain de Leslie, une démo, une pirouette, une comédie, une parodie, une chansonnette, perso j'adore.

    Cet Unusual Suspects souffre d'un grave défaut. Les morceaux sont trop courts. Une moyenne de trois minutes, nettement insuffisantes de nos jours ( et même à cette époque presque lointaine ) pour le blues. L'aurait fallu élaguer et s'autoriser deux cachalots de sept minutes ( au minimum ) chacun, cela aurait permis aux invités de s'amuser. Leslie semble peu partageur sur ce coup-là, coupe le gâteau en deux, la moitié pour lui, le reste pour les invités, et encore il en profite pour grignoter la cerise rythmique sur la part des autres. L'est sûr que d'un autre côté en 2011 le concept de double-album n'avait plus trop la cote. Ce qui nous aurait privé de bien de nos frustrations. L'ensemble vous laisse un goût d'inachevé dans la bouche. Manque aussi un désir poivré d'aventure, les invités servent le maître, le maître ne se sert pas de ce jeune sang pour explorer des eaux tumultueuses. L'on eût aimé un trait d'union entre le Hard et le Metal et l'on assiste à un prudent repli vers le camp de base du blues. Toutefois ne l'oubliez pas : the West is the best.

    Damie Chad.

     

    *

    Il est des volatiles qui ne sont guère volatiles, ne se dissipent pas dans l'air ambiant, ne s'évaporent pas aussi facilement qu'on l'espère. Ces deux-là on a cru les faire taire une bonne fois pour toutes. Privation de concerts, deux confinements coup sur coup pour être sûr qu'ils ne s'en remettraient pas, hélas le deuxième n'est pas encore terminé que les maudits cui-cui viennent nous faire coucou sur leur chaîne You Tube. Ne sont pas morts. Faudra se résoudre à l'idée qu'ils ont survécu. Se sont pris pour des pigeons voyageurs, ont volé à tire d'aile jusqu'en Bretagne, avec leurs guitares et le chat – on pensait qu'ils l'auraient abandonné en région parisienne, mais ils n'ont pas osé – on se disait, au moins on est tranquille pour un bon moment, ben non, au lieu de rester à roucouler dans leur nid douillet, ils en ont profité pour enregistrer at home un album, titré Unicorns, n'est pas encore sorti, mais comme il leur restait du temps de rabe ils ont aussi tourné avec l'aide de Rattila Pictures quelques clips, et pour nous gâcher l'espoir insensé que l'année 2021 serait merveilleuse pour le monde entier, l'on n'était pas encore descendu du sapin de Noël que le matin du 26 l'on avait droit à un premier envoi de missile crashbirdien. La grande menace de l'éradication totale de l'espèce humaine n'était donc pas une vaine promesse...

    MEDALS AND BADGES

    CRASHBIRDS

    ( Clip / Décembre 2020 )

    Au début tout est parfait. Feu de cheminée, bibliothèque emplie de bouquin, parquet ciré, Delphine toute belle, toute sage sur son fauteuil. Rien de mal ne peut vous arriver. Pour un peu vous réciteriez du Baudelaire :

    Là, tout n'est ordre et beauté,

    Luxe, calme et volupté.

    Un léger défaut tout de même. Pourquoi l'image réduite au format d'un double-timbre-poste, n'occupe-t-elle pas tout l'écran ? La réponse est donnée deux secondes plus tard. Sur la noirceur droitière s'inscrit en lettres d'or – couleur normale pour des – Medals and Badges, pendant que Pierre s'en vient s'assoir au bureau devant le moniteur de l'ordinateur, et crac, voici l'image séparée en trois rectangles un grand, et deux petits. S'amusent dès lors à alterner les plans, tantôt les deux ensemble, tantôt en train de jouer, tantôt en train de se concentrer, pour nous une manière de participer en même temps à l'enregistrement des différentes pistes ou des manipulations diverses des appareils exigés par l'enregistrement lui-même. Les cui-cui nocifs sur-multipliés, non pas à l'infini, mais presque. Pour les reluqueurs de plans cordiques, vous en avez des pleins-écrans qui occupent tout l'espace, entourés d'un ravissant cadre mauve chaque fois que Pierre ramone un solo. En plus vous avez le résultat sonore final qui défile dans vos oreilles. Attention, z'ont laissé le fin boulot du mixage et du mastering à Eric Cervera. Verra pas plutôt, car n'est pas présent sur le clip, l'a dû logiquement s'atteler à la tâche après les séances d'enregistrement. Ceux qui n'ont pas l'oreille et l'œil parfaitement désynchronisés risquent de s'y perdre un peu, tant pis pour eux ! Il ne faut jamais prendre pour argent content ce que l'on voit et ce que l'on entend. Ne pas être dupe du monde immonde dans lequel on vit, c'est d'ailleurs un peu la philosophie profonde des textes des Crashbirds. Si vous êtes fiers de votre mention Très bien au bac, ou si vous arborez à votre veston la médaille du travail que votre patron vous a offert pour votre départ à la retraite, sachez que vous n'êtes pas dignes d'écouter la musique des Crashbirds. Elle vous restera incompréhensible, elle vous dépasse et vous enterre. Profitez-en pour goûter l'ironique enseignement du montage : toutes ces cases tracées à l'angle droit, nos deux cui-cui s'en amusent, volent de l'une à l'autre, refusent de rester enfermés, détestent les prisons et les étiquettes, sont partout à la fois, ici et là, à tel point que je suis obligé – ô crime insensé – de toucher au vers de Baudelaire, le grand Charles il aurait mieux fait d'écrire : Là, tout n'est que désordre et beauté !

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    Passons aux choses sérieuses. A la musique. Au nouveau morceau des Crashbirds. Pierre n'est pas comme Empédocle qui a abandonné ses sandales sur le bord du cratère avant de se jeter dans l'Etna. Lui il n'oublie jamais ses pantoufles soniques. Les emmène toujours avec lui dès qu'il joue de la guitare. Adepte du Do It Yourself, il les a bricolées lui-même, prend son pied avec ces boîtes en bois résonnantes. Les martèle, l'en tire le rythme originel, le temps fort celui de la haine, et le temps doux du silence celui de l'amour, j'invite le lecteur à se rendre compte que le battement du pied lehouliérin bat pour ainsi dire à contre-sens du système philosophique d'Empédocle, chez lui la haine coup porté rapproche et l'amour pied levé éloigne. C'est vraisemblablement pour cette ambiguïté congénitale que des millions de personnes détestent le rock'n'roll.

    Pas besoin de batterie chez les Crashbirds, toutefois un instrument de percussion, la cloche de vache que Delphine Mississippi Queen Viane active dans les moments cruciaux. La cloche à vache joue dans la musique des cui-cui le rôle du tocsin dans les catastrophes médiévales - cités en flammes, population massacrée - un tap-tap lugubre qui vous glace le sang, justement dans le morceau qui nous occupe Delphine ne se prive pas de s'en servir. Comment une fille si ravissante peut-elle déclencher de tels mouvements de frayeur dans votre imaginaire phantasmatique...

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    Pierre est du genre pragmatique, à allumer le bâton de dynamite du rock'n'roll autant mettre le feu aux deux bouts en même temps. Donc si son pied droit n'arrête pas une seconde de frapper le sol de ses boîtiers – c'était ainsi que les anciens grecs suscitaient la colère élémentaire des puissances ténébreuses de la Terre – ses deux mains sont rivées à sa guitare. A l'horizontalité phonique il rajoute la verticalité cordique. Donne l'impression qu'il en extrait un jus noir qui coule sans fin pour ajouter de la noirceur funèbre au monde. L'univers des Crashbirds n'est pas rose.

    Rouge vif, flamme ravageuse qui court et réduit en cendres les forteresses de la bêtise oppressive. Ce rôle est dévolu à Delphine, à sa guitare à la sonorité beaucoup plus claire, entêtante et enivrante. Une voix ardente et ravageuse, rythmée et sans pitié, coupante comme une serpe qui, inflexible, s'abat sur les prétentions indues, et dénonce les faux-semblants de la comédie humaine.

    Medals and Badges est un morceau entraînant - ne souriez pas, ne sautez pas de joie - à la manière du joueur de flûte de Hamelin, cette musique vous transporte, elle agit en tant que manipulation mentale, dès qu'elle retentit, vous ne pouvez qu'être d'accord, en harmonie avec elle. Elle vous enfièvre, elle vous soulève, elle vivifie votre sang, vous file une nouvelle énergie, ces fameux cui-cui vous leur pardonnez tout, car ce qu'ils expriment, vous le reconnaissez, c'est le vieux fond primal du blues, magnifié, électrifié, carbonisé, cabonarisé, qui s'insinue en vous et ne vous lâche plus. Le serpent chthonien qui vous enlace et vous communique l'esprit reptilien de survie et de révolte. Celui qui refuse de pactiser. Surtout pas pour une médaille en chocolat.

    Damie Chad.

     

    Talking ‘Bout My Generation

    - Part Three

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    A dream come true, comme aiment à le dire les Anglais lorsque leurs rêves se réalisent : Jake Calypso en couve de Rockabilly Generation. Portée symbolique pour un premier numéro de l’année à venir qu’on espère tous moins pourrie que celle qui se termine. Ah la vache !, comme disait Jacques Vaché en tirant une bouffée sur la pipe d’opium qui allait le tuer. D’autant plus Ah la vache que Jake est l’un des artistes les plus intéressants de notre époque, mais ça, Damie Chad l’a très bien dit voici 15 jours. C’est même un vrai coup d’encensoir qu’il a balancé sur la gueule du pauvre Jake. Bing ! Trente-six chandelles ! Jamais rockab n’avait reçu pareil hommage, même pas Charlie Feathers sous la plume du vaillant Guralnik. Bravo Damie pour l’analogie avec Bernard Palissy, car oui, c’est exactement ça, Jake est un héros car les héros ne renoncent jamais. On l’a vu à l’œuvre et on sait pourquoi il monte sur scène : pour rendre hommage à ses héros. L’histoire du rock (le bon rock bien sûr) n’est faite que de ça : de héros qu’on appelait jadis les pionniers et de kids qui ont assez de talent pour savoir leur rendre hommage. Et personne n’est mieux placé que Jake pour ça, jugez du peu : Buddy Holly, Little Richard, Elvis, Johnny Burnette et Gene Vincent, cinq tribute albums dont on a déjà dit le plus grand bien ici dans KRTNT. Damie a raison de parler de «rêve sans trêve» et de «walk on the wild side», et de tirer à l’équerre cette chute qui tinte si juste à l’oreille du lapin blanc : «Un des engagements les plus créatifs du monde rock actuel, y compris en comptant les anglais et les américains». Oui Jake mérite bien cet éloge, car il est simplement formulé et encore une fois d’une justesse confondante. Tous ceux qui ont vu Jake sur scène ou qui connaissent ses disques le savent pertinemment. Il faut aussi le voir à la page 6-7, Jake, là, devant sa cabane où il vous invite à entrer, cette cabane qu’on retrouve stylisée sur la pochette de Boogie Around The Shack. 25 Blues Boppers Selected By Jake Calypso. Alors entrez les gars ! Mettez-vous à l’aise, on va causer. Et Jake te raconte sa vie, la vie d’un mec normal passionné de musique, ses deux enfants, sa copine, ses boulots et ce here we go qui revient en permanence, le besoin de monter sur scène, même si comme il fait bien de le rappeler, «c’est pas un métier où on gagne bien sa vie». Il s’en fout, il y va. C’est pas le genre de mec à compter ses sous en se grattant les couilles. Go cat go !

    Comme tout le monde aujourd’hui, et surtout les musiciens qui n’ont plus le droit de jouer, il fait une brève allusion à l’actualité, il appelle ça «ce bordel de corona» : rester chez toi à écouter des disques et regarder des DVD ? «Mais non, il manque un truc», dit-il et quel truc ! La scène ! C’est-à-dire le plus important, une espèce de raison de vivre. Sans la scène, tout ça n’a plus aucun sens. Surtout pas les pseudo-concerts à la mormoille dans les ordis et sur les smartphones. Ce qui frappe le plus dans cet interview fleuve, c’est la simplicité du ton. Jake est un mec bien, l’anti-m’as-tu-vu par excellence, il répond aux questions parce que c’est l’usage mais dès qu’il peut, il revient à la musique. Elle a changé sa vie, dit-il. Par contre, l’interview se termine en queue de poisson. «Pas de projet phare parce que nous ne savons pas où nous allons.» Tu rigoles ? Pas de meilleure auspice que cette couve. C’mon, Jake ! On continuera d’aller boire des coups pour aller faire les cons dans les concerts, pas de problème. Jake en couve, ça veut dire bientôt Béthune et bientôt les bars, bientôt le retour des contrebasses et des cool cool cats. Ça va rebopper sec dans les estaminettes !

    Rockabilly Generation ajoute deux annexes à cette superbe interview : la discographie complète de Jake montée avec les visuels des pochettes, ce qui permet de mesurer l’étendue de l’œuvre et pour les ceusses qui suivent, de compléter, car on y trouve des trucs nouveaux parus en 2020, et deux pages plus loin, une double qu’on peut décrocher pour la punaiser au mur, comme quand l’ado avait bon dos. Bon alors après on feuillette, nouvelle interview, cette fois c’est le Big Beat boss Jacky Chalard qui dresse un panorama captivant de la culture rock’n’roll en France, on tourne la page et pouf ! On tombe sur la photo d’un mec coiffé d’une casquette blanche. Petit moment de stupeur accompagné d’une bulle au dessus de la tête : «L’ai déjà vu ce mec-là...».

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    ( Photo de : rocky-52.net : Camping Cats )

    Eh oui, Bruno Grandsire, l’un des mecs les plus élégants qu’on pouvait voir sur scène à l’époque du Bateau Ivre, un endroit que vénéraient les oiseaux de la nuit rouennaise car on pouvait s’y piquer la ruche jusqu’à quatre heures du matin. Au Bateau passaient chaque soir des groupes dans des genres différents, garage, metal, reggae, rockab, chanson, avec chaque fois des publics différents en plus des habitués, une faune extraordinaire et l’ambiance était tellement bonne qu’on faisait systématiquement la fermeture. Un soir, Orville Nash était à l’affiche, accompagné par les Camping Cats. Les Cats jouèrent en première partie et wow, le mec à la gratte était franchement bon, the real deal, assez haut, d’une grande maigreur, comme sur les photos, en marcel blanc et coiffé d’une casquette bleue. Le jeu dans le public aviné consistait à réclamer des morceaux pendant les blancs et on réclama «One Hand Loose» que le grand maigre en casquette bleue attaqua aussi sec au débotté de tiptop daddy. Non seulement il connaissait bien le cut, mais il en fit une version fabuleuse. Voilà, c’est Bruno Grandsire. La classe. Puis les Camping Cats accompagnèrent ce vieil Orville qui lui aussi gagne à être connu. Ce serait peut-être l’occasion de rappeler tout le bien qu’il faut penser de son premier album, Nashin’ Around, paru sur Rollin’ Rock à une autre époque. Autant dire que retrouver l’excellent Camping Cat comme ça au détour d’une page, c’est la même chose que sortir de l’enveloppe le nouveau numéro de Rockabilly Generation et tomber sur Jake : a dream come true.

    Signé : Cazengler, dégénéré

    Rockabilly Generation. N°16 - Janvier Février Mars 2021

     

    Que le Grand Funk me croque

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    L’histoire de Grand Funk Railroad est celle d’un groupe américain immensément populaire dans les années soixante-dix mais détesté par l’establishment de la critique rock. Mark Farner, Mel Schacher et Don Brewer ne comprenaient pas pourquoi on les haïssait tant dans la presse rock, alors qu’ils remplissaient le Shea Stadium aussi facilement que les Beatles. Avec An American Band - The Story Of Grand Funk Railroad, Billy James apporte quelques éclaircissements sur ce phénomène aussi peu sympathique qu’incompréhensible. C’est vrai qu’avec le recul, on se demande si les critiques de l’époque ont écouté les albums. Comme dirait l’autre : Pourquoi tant de haine ?

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    Bon alors attention, Billy James ne se prétend pas écrivain, mais c’est sans doute parce qu’il ne vole pas très haut, littéralement parlant, qu’il colle bien à son sujet. Billy James propose un récit purement chronologique et ne produit aucun effet de manche. Pas de réflexions philosophiques ni de fins de chapitres spectaculaires. Il se contente de remonter le fil de l’histoire album après album et pour étoffer un peu, il cite les réactions systématiquement négatives des journalistes anglais et américains.

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    L’histoire de Grand Funk est aussi celle d’un groupe plumé par un manager/producteur un peu trop gourmand, Terry Knight. D’ailleurs, Farner démarre comme bassman de Terry Knight & the Pack, le heavy band de Flint, Michigan, qui était en vogue dans la région à la fin des sixties. Il fut embauché à cause de sa ressemblance avec Brian Jones, car Terry Knight était fan des Stones. Il était aussi le DJ le plus populaire de Detroit. Quand Terry Knight part à New York faire un peu de business, Farner et Brewer montent Grand Funk Railroad. Farner se dit fortement influencé par Howard Tate et Aretha, côté voix, Jimi Hendrix et early Clapton côté guitare. Il voit le groupe comme un groupe de hard rock, comme on l’appelait alors, dans la veine de Mountain et d’Iron Buterfly. Il tire le nom du groupe d’une institution de l’époque : The Grand Trunk & Western Railroad. Bonne pioche, Mark.

    Quand Knight écoute jouer le power trio, il accepte de les aider à une condition : contrôle absolu en tant que manager, producteur, porte-parole et mentor musical, c’est-à-dire qu’il veut tout superviser, l’image du groupe et la direction musicale. Aujourd’hui encore, on peut se demander comment Mark, Schach et Donnie on pu être assez cons pour accepter une telle proposition. Non mais franchement ! Alors après, ils peuvent venir se plaindre. Ouine ouine, il nous a pompé tout notre blé, ouine ouine, il nous poursuit en justice, ouine ouine, comment qu’on va faire pour sortir des griffes de cet escogriffe ? Pas de panique les gars, John Fogerty et les Stones ont subi le même sort et ils ont réussi à s’en sortir.

    Et pourtant, Terry Kinght les avait prévenus, en les faisant asseoir dans la cuisine de Chuck Klipper en mai 1969 : faites gaffe les gars, si vous signez, vous renoncez à votre liberté et à toute vie privée ! Ils signent et fracassent un six-pack de bières pour célébrer ça. Tout ce qu’ils voulaient, c’était devenir célèbres. Ils en avaient assez de jouer dans les bars. Oh pour devenir célèbres, il vont le devenir !

    Ils commencent par faire un carton à l’Atlanta Pop Festival et un mec de Capitol qui les voit sur scène les signe on the spot. Ils ont déjà une démo, celle de leur premier album, On Time, qui a été rejetée par tous les label de l’époque, y compris par Capitol à deux reprises, mais le coup d’Atlanta les propulse dans le stardom. Knight produit mais c’est un certain Kenneth Hamman qui enregistre. Hamman a bossé pour Human Beinz et il bossera pour Bloodrock, James Gang et Pere Ubu.

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    Leur premier album s’appelle On Time et paraît en 1969. On y trouvera du seventies rock du Michigan, ni meilleur ni pire qu’un autre seventies rock du Michigan. Mais on s’y attache, via des choses comme «Are You Ready». Ils proposent un funk de rock à la bonne aventure et Farner part en virée de gras double à l’ancienne. Il fait du méthodique, sans fluidité particulière. C’est très rock, très axé sex appeal. Ils jouent avec «Time Machine» la carte d’un son efficace, celui du heavy boogie bien dodu, bien en place. Ils cultivent encore leur power-triotisme patenté avec «High On A Horse». Cette fubarderie les rend infiniment louables, Farner attaque au bon son, il est là, on peut compter sur lui. C’est un brave mec.

    L’album est massacré par la critique. Personne n’en veut à la radio. C’est le commencement du grand Grand Funk Bashing qui, nous dit Billy James, dure encore. Les critiques s’acharnent sur Grand Funk : «L’un des groupes les plus simplistes, les plus nuls, les plus plats de l’année.» Pourtant, que la pochette est belle - comme l’est la montagne de Jean Ferrat - nous dit le petit Billy James - Don the wildman drummer, Mel the dark brooding bassist and Mark the sex symbol of the group - Cette image est même un peu surréaliste, bien dans le ton de l’époque. Ils brandissent tous les trois des morceaux de train.

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    Leur deuxième album paraît la même année sous une pochette rouge devenue mythique : c’est bien sûr l’excellent Grand Funk. Schach y trône avec sa jazz bass. C’est Grand Funk at their loudest and heaviest, nous dit le petit Billy James. Tout est bien là-dessus. On est frappé dès «Got This Thing On The Moon» par la prééminence du son de la basse et l’excellente dynamique triétale. Ils vont enchaîner une série de cuts bien catapultés, drivés par une basse sourde comme un pot. Farner intervient ici et là pour farcir la dinde. Certains cuts comme «Mr Limousine Driver» paraissent un peu figés dans le temps. Les dynamiques sont comme retenues par l’élastique du pantalon et Farner se fend d’un solo féroce aux dents pointues. Excellent ! En B, on tombe sur un «Paranoid» qui n’est pas celui de Sabbath. Ce heavy tempo du Michigan se laisse déguster tranquillement et s’orne de beaux bouquets de voix et de retours de voix gonflées aux trois voix. Le hit de l’album est une reprise des Animals, «Inside Looking Out». Idéal pour le Funk - Woo baby all I need is some tender lovin’ - Farner peut-il vraiment rivaliser avec Eric et rac ? Dommage que les trois Funk délayent la sauce, c’est l’une des manies des seventies, on délayait à longueur de temps et soudain ça part en dérapage contrôlé sur le riff de basse, let me feel alrite et ça finit en beauté.

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    Selon le petit Billy James, Closer To Home is considered the definitive Grand Funk Railroad album, car il contient tous les éléments qui vont faire la renommée internationale du groupe. Selon lui, «I’m Your Captain/Closer To Home» est la plus belle compo de Mark. C’est vrai que l’album ne laissait pas indifférent. On y retrouvait bien sûr l’énorme son de basse de Schach : «She’s A Good Man’s Brother» et «Aimless Lady» ont largement de quoi rendre un homme heureux. Curieusement, la guitare de Farner reste planquée dans l’ombre. Grand Funk, c’est Schach ! Ils font l’instro de la concorde avec «Get It Together» et tout explose en B avec «Hooked On Love», un heavy tempo presque joyeux et des filles aux chœurs, très Southern, dans l’esprit Allman Brothers, une sorte de désinvolture ombragée, comme ça, ni vu ni connu, ils chantent à deux voix, I don’t care who you are, les chutes de couplets sont superbes et avec l’arrivée des filles, ça donne du very-very-big sound. Ils finissent l’album avec l’archétypal «I’m Your Captain». On y sent une volonté de beauté michiganesque, ils cherchent la voie du paradis - I’m getting closer to my home - Étrange parti-pris d’extension du domaine de la turlutte. Ça finit par devenir très beau car très orchestré.

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    Bon, les gars, si on faisait un album live ? Banco ! Et pouf, voilà le fameux Live Album. Il paraît la même année que Closer. Les Funkers ont trouvé leur vitesse de croisière : deux albums par an et des concerts sold-out à travers les États-Unis. Un Farner the farmer qui arrive toujours torse nu sur scène et qui envoie avec ses deux vaillants compagnons l’un des meilleurs blasts des Amériques. Sur ce double album tellement typique de l’époque des double albums (Steppenwolf, Doors, Allman Brothers), on trouve une belle version d’«Inside Looking Out», avec un Schach qui rôde dans le marigot comme un gator en maraude. Avec ses grandes dents pointues, ce Schach est un carnassier du son, il faut l’entendre pousser des pointes dans le heavy groove des Animals. Quel spectacle ! Il faut aussi le voir redémarrer au wild drive d’orverdrive, ce mec abuse, il profite du privilège d’un son énorme, il se déplace à notes lourdes, à pas d’éléphant pendant que Farner the farmer s’épuise en vain à soloter. On assiste médusé à un final exceptionnel de dérapage, aïe aïe aïe, fantastique power du Funk ! En fait Schach embarque tous les cuts un par un, il faut aussi le voir déménager la fin d’«Heartbreaker» et faire tout le jobby jobbah sur «Mean Mistreater». On l’entend aussi broder à l’infini dans «Are You Ready». Tel un dieu effréné, il joue au pulsatif dévorant. Live, «Paranoid» se transforme en merveille de heavy seventies sound. Avec «In Need», ils jouent leur carte favorite, celle du power-trio. Schach s’y tape un énorme passage de transe. Il pousse le bouchon jusqu’au paroxysme. En fait ils groovent à deux, Schach et Donnie, comme le montre si bien «Mark Say’s Alright». C’est une vraie machine et Farner the farmer semble paumé dans le fond du son. Ils terminent en D avec un long «Into The Sun» que Schach bouffe tout cru, il broute et il broie, il nettoie tout sur son passage, il joue à l’absolute power drive dévastateur, tout en lignes géométriques et définitivement rockantes. Il faut vraiment avoir entendu ça au moins une fois dans sa vie, car outch !

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    Mark Farner finit par prendre les réactions de critiques à la rigolade : «Le lendemain du concert, on se demandait toujours ce qu’allaient dire les critiques, car de toute évidence, ils n’avaient vu le même show que celui où on jouait.» Un critique anglais finit quand même par prendre la défense de Grand Funk : «C’est sûr, ils ont un son agressif et ils jouent fort, c’est même assez cru, mais c’est bien foutu. Leur son correspond au goût américain. Ils sont las de la guerre du Vietnam et voient leur société se désintégrer. Ils jouent en réaction contre tout ça et expriment simplement leur colère. Il vaut mieux exprimer sa colère en jouant du rock plutôt que d’aller se battre dans les rues.» Le petit Billy James vole une fois encore à leur secours en déclarant : «Grand Funk a un truc que n’ont pas les autres. Creedence ne l’a pas, Sly et Zeppelin non plus. Il faut monter jusqu’à des gens comme Presley, les Beatles, les Stones et Sinatra pour trouver ce truc. Eux comme Grand Funk sont plus importants sociologiquement que musicalement. Grand Funk transmet à son public un truc que ne peuvent transmettre les autres groupes. Voilà pourquoi ils sont devenus un phénomène. Mark Farner dit à son public : «Nous sommes une partie de vous, nous sommes votre voix.» Phénomène typiquement américain.

    Bon les sous rentrent dans les caisses et Farner achète sa ferme dans le Michigan près de Hartland. Elle va jouer un rôle considérable dans la suite de cette aventure. Farner the farmer y construira le Swamp, c’est-à-dire le studio dans lequel le groupe va enregistrer ses futurs albums. Il exploitera aussi ses terres, car il a grandi dans une ferme. À tel point qu’il finira par ne plus porter de pattes d’eph à cause des herses et par se couper le cheveux pour ne pas se les coincer dans des machines agricoles.

    À l’époque, Farner the farmer fréquente aussi assidûment John Sinclair et son Rainbow People’s Party. Pour leur premier concert en Angleterre, ils jouent à guichets fermés à l’Albert Hall sans aucun support médiatique, ni radio, ni presse.

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    Ils sont devenus le groupe du peuple. Pour bien synthétiser l’idée, il se déguisent en hommes des cavernes sur la pochette de Survival. Urgh ! Album cromagnon, donc, avec une basse à l’avenant. Dès «Country Road», Schach monte devant au gros popotin, c’est le tagada semelles de plomb du Michigan. Ils parviennent tous les trois à développer des dynamiques intéressantes, même dans un balladif mi-figue mi-raisin comme «Comfort Time». Ils font aussi deux belles covers, à commencer par le «Feelin’ Alright» de Dave Mason. Comme ils la passent pas les fourches caudines du Michigan, ce n’est pas de la dentelle. Tout est monté sur le taratata de Schach, il est vraiment au cœur du son, il le bouffe tout cru. Farner the farmer sait aussi très bien placer sa voix, comme le montre «I Want Freedom» qui ouvre le bal de la B : joli travail d’orgue et de chœurs, très Southern rock, Farner the farmer va chercher le feeling du gospel batch. L’autre bonne pioche est le «Gimme Shelter» des Stones. Alors ça te donne de la Stonesy du Michigan avec un Schach on bass fuzz lancé à l’assaut du ciel. Il ramone sa ligne de basse comme un petit savoyard. Quelle allure ! Il fallait y penser. Quelle bonne idée que d’aller éclater ce cut qui est la prunelle de nos yeux au bassmatic.

    C’est l’année où ils organisent le fameux concert du Shea Stadium et Knight embauche les frères Maysles pour le filmer. L’idée est de faire un film sur Grand Funk, puisqu’ils sont devenus aussi célèbres que les Beatles et les Stones. Et Knight profite d’une conférence de presse pour indiquer que la presse n’est pas la bienvenue et qu’il n’a pas besoin d’elle. Le groupe va très bien, merci. Pour la première tournée européenne, Knight embauche Humble Pie pour jouer en première partie. C’est à cette occasion que les Anglais découvrent l’ampleur du despotisme de Knight qui interdit à Mark, Schach et Donnie de sortir le soir, car il veut qu’ils soient en forme le lendemain. Mais les trois Funkers mettent des oreillers sous les couvertures et sortent en douce par la fenêtre pour aller faire la fête avec Humble Pie. Comme les Stones, ils donnent aussi un concert gratuit à Hyde Park. Les Funkers ne se privent d’aucun luxe.

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    Comme ils sont en plein élan, ils enregistrent un deuxième album en 1971, l’excellent E Pluribus Funk. On devrait plutôt dire qu’ils le frappent, car la pochette est un écu d’argent. C’est encore Schach qui embarque le «Foot Stomping Music» et Donnie fouette ses peaux de fesses. Ils font de la haute voltige et on les applaudit bien fort. Farner the farmer écrase sa wah dans le brûlot anti-guerre «People Let’s Stop The War». Il est enragé. Ils montent encore en régime avec «Upsetter» et «Come Tumblin». Ils élèvent l’art du power trio au rang d’art majeur. C’est excellent car Farner the farmer sort un jeu funky. «Quelle santé !» s’exclame-t-on en redécouvrant «Come Tumblin». Sans doute est-ce là leur meilleur album. Ils ramonent tout le Michigan et la vieille rondelle flappie des seventies. On ne comprend toujours pas que les critiques aient pu les détester à ce point. Leur Tumblin est magnifique, plein de vie, bien remonté des bretelles au bassmatic, joué funky dans les virages et battu à la diable. Schach y passe même un solo de basse énorme et terriblement ventru. La B reste au même niveau, avec un «No Lies» bardé de big American sound. Ils multiplient les variations et Farner the farmer chante plutôt bien, perché sur la pointe de sa glotte rurale. On l’imagine debout, torse nu, face au stade, tout seul avec sa guitare. Il faut du courage pour aller s’exposer de la sorte. Il a la chance de pouvoir compter sur ses fidèles amis Schach et Donnie. C’est vraiment excellent, il faut le redire, ils multiplient à l’infini les lourdes dynamiques du Michigan et Farner the farmer relance à coups de ahhhh perçants. Par contre, «Loneliness» est tellement épique qu’on se croirait chez Wagner.

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    Et voilà, les Funkers ont vendu 20 millions de disques en deux ans. Rien qu’avec six albums. Farner the farmer, Schach et Donnie demandent à Knight où est passé le blé. Et c’est là que commence la sérénade habituelle. Knight possède 20% de Grand Funk Railroad Enterprises, un conglomérat qu’il a monté pour préserver ses trois poulains de la rapacité des impôts. Il touche 5/8èmes des royalties sur les ventes et la moitié des droits sur les compos de Farner the farmer et Donnie. Donc, il ramasse plus de blé que les musiciens. Farner the farmer, Schach et Donnie estiment qu’ils ont généré entre 3 et 5 millions de dollars en deux ans et donc ils se demandent où est passé tout ce blé. Toujours la même histoire. En désespoir de cause, ils font appel à John Eastman Jr, le beau-frère de Paul McCartney pour les aider. Leur objectif prioritaire est de casser le contrat avec Knight. Ça va coûter bonbon. D’autant que Knight engage une équipe d’avocats spécialisés et demande 25 millions de dollars de réparation pour cassure de contrat intempestive. Eastman fait interdire à Knight tout accès aux comptes du groupe et dans la foulée, Donnie appelle le Madison Square Garden pour annuler les concerts prévus, c’est-à-dire qu’ils font une croix sur quelques millions de dollars de recettes. Cette fantastique machine qu’est le Grand Funk Railroad s’arrête brutalement, comme le dit si bien le petit Billy James.

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    Comme le Phoenix, les groupe va renaître de ses cendres en 1973, sous la houlette de leur ami Andy Cavaliere. D’ailleurs le nouvel album s’appelle Phoenix. Changement radical de son, car Knight ne produit plus. C’est là qu’arrive Craig Frost, le keyboard man. C’est lui qu’on entend dans «Flight Of The Phoenix», un instro bien râblé. Tout l’album est bien noyé d’orgue. Les Funkers étoffent leur son comme s’ils voulaient chasser le souvenir de Knight. L’orgue est plutôt bienvenu. Pas accueilli en vainqueur mais bienvenu. Mais l’A peine un peu à convaincre les cons vaincus. Farner the farmer s’assoit à sa fenêtre pour regarder tomber la pluie dans «Rain Keeps Falling» - Oh yeah rain keeps falling on my window pane - Le Funk se réveille un peu en B avec «I Just Gotta Know», un cut assez majestueux très chanté et sérieusement nappé d’orgue, mais on note que Schach joue maintenant en retrait. «Freedom Is For Children» sonne très prog anglais avec un chant monté en neige du Kilimandjaro. Ils terminent avec un «Rock N Roll Soul» joué au charivari d’orgue. Ils campent bien sur leurs positions qui sont celles du gros popotin des seventies. L’album ne se vend pas très bien, mais Farner the farmer, Schach et Donnie se sentent mieux, débarrassés de ce rapace de Knight.

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    Le groupe reprend son envol avec We’re An American Band. Ils font appel au boy genius, c’est-à-dire Todd Rundgren, pour le produire. Le résultat ne se fait pas attendre : tight performance, great vocals, catchy hook et great production. À l’époque Rundgren a produit the Band, Paul Butterfield, Jessie Winchester et Badfinger, c’est donc un affûté. Il prend très au sérieux la mission qui lui est confiée : «Le but de mon travail avec eux était de les valoriser en tant qu’artistes. Ça a été clair dès le début.» Rundgren les encourage, même quand Farner the farmer n’a pas l’air sûr de lui : «Good, really good. Je pense qu’on a quelque chose d’intéressant.» Le morceau titre de l’album est de la dynamite, les critiques le reconnaissent enfin - Grand Funk n’a plus rien à prouver, enfin, et ça prouve aussi que leurs fans avaient raison depuis le début - C’est la réparation d’une injustice. Ils entraient enfin dans le cercle de ce que le petit Billy James appelle les «superstar rock’n’roll groups of the early 70’s - avec leur private Lear jet, wild parties and groupies, cannabis maximus et même a not-too-hostile press, bien que le groupe ne fut jamais totalement accepté par les critiques.» C’est vrai qu’on trouve des petites merveilles en B, du genre «Walk Like A Man» et «Loniest Rider». Rundgren met les guitares en avant et ça donne un vrai festival de la guitarra del sol bien sonnée des cloches. Du coup, Schach passe complètement à l’arrière. Le Rider est bardé de son et du meilleur, celui de Rundgren, qui est alors au sommet de sa gloire visionnaire. Ce rider est beau, comme emblasonné, joué à la lancinance des lignes errantes. Absolue merveille productiviste, voilà un cut dont on peut s’abreuver jusqu’à plus soif. C’est joué dans la grandeur d’une latence dont seul est capable Todd Rundgren. Le son est comme suspendu au dessus des jardins suspendus de Babylone. Tout aussi bien produit, voici «Ain’t Got Nobody». C’est un peu comme si les Funkers passaient de l’âge des cavernes aux temps modernes. Farner the farmer passe des solos excellents. Encore de belles guitares dans ce heavy groove de funk qu’est «Creepin’». On sent l’influence de Rundgren dans le jeu liquide de Farner the farmer. Et puis avec «Black Liquorice», les Funkers s’en vont secouer le grand cocotier. Quelle belle cavalcade !

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    Rundgren accepte de produire un deuxième album avec eux. C’est l’excellent Shinin’ On. Il introduit les cuivres dans l’univers musical des Funkers et ça leur donne un Detroit Wheels sound. C’est là que se niche leur reprise de «The Loco-motion», véritable coup de génie sonique, avec la basse de Schach qui remonte à la surface du son et Farner the farmer y passe un solo killer flash d’étranglement cadencé. Rundgren joue de la guitare dans «Carry Me Through», avec un son typique de «Little Red Lights», il joue sa vieille carte fatale, celle du solo suspensif. On a un beau fondu de voix dans le morceau titre qui fait l’ouverture du bal d’A. Ce rock grouille de son, de nappes d’orgues et de shinin’ on. Tout l’album grouille de vie et de puces, on se pourlèche aussi les babines de «To Get Back In», c’est là que les cuivres entrent dans la danse, c’mon Todd ! Et puis il y a ce «Mr Pretty Boy» en B qui guette l’imprudent voyageur, c’est merveilleusement délié, une vraie sinécure, ce Pretty Boy incarne le génie du rock américain.

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    Comme Rundgren n’est pas libre, Farner the farmer, Schach et Donnie font appel à Jimmy Ienner pour produire All The Girls In The World Beware. Il est important de rappeler que Ienner fut le producteur des Raspberries. Et là, boom, nouvel album énorme. Dès «Runnin’», ils se placent sous l’égide du real good time rock’n’roll. C’est solidement cuivré, aussi solide que du Blood Sweat & Tears. Excellent, plein de vie et superbement produit. Tout est bien foutu sur cet album, Farner the farmer mène bien ses troupes dans «Look At Granny Run Run», il chante au feeling de niaque du Michigan, n’hésitant pas à vriller certaines syllabes pour amener du relief. C’est en B qu’ils stockent la viande, tiens, comme ce morceau titre qui évoque un fantastique déploiement d’énergie. Ça grouille encore une fois de tout ce qu’on peut imaginer. Craig Frost noie tout ça d’orgue. Les Funkers jouent vite et bien et nous plongent dans un véritable bain de jouvence. Ils tapent plus loin «Good & Evil» au heavy groove des seventies et comme Farner the farmer est en verve, il nous plonge dans des abysses. Nouveau coup de génie avec «Bad Time». Back to the good time music des jours heureux. C’est une vraie bénédiction. On y sent l’influence de Rundgren, ils frisent l’«I Saw The Light» de Something/Anything. Extraordinaire bouquet de good vibes ! C’est l’un des plus beaux hommages jamais rendus à Todd Rundgren. Ils terminent avec une flamboyante reprise de «Some Kind Of Wonderful». Du coup, les voilà devenus rois de la cover fatale. The Michigan Cover kings !

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    Comme leur notoriété atteint son sommet, ils en profitent pour sortir un deuxième album live, Caught In The Act. On y retrouve tous les classiques du Funk et ce qui fait leur spécificité, le big beat de foot stomping («Foot Stomping Music») et les belles giclées de Michigan power qui illustrèrent si bien les seventies. Ce démon de Schach ronfle bien dans le son («Rock & Roll Soul»). Comme de vieux monarques, ils jouent en permanence la carte du pouvoir absolu : la poigne d’acier dans un Michigan de velours. Leur «Closer To Home» est si savamment orchestré qu’on finit par se faire avoir. Ils alignent de belles reprises, «Some Kind Of Wonderful» et «The Loco-Motion» et se tapent une belle échappée belle avec «Shinin’ On». Le shuffle d’orgue leur va comme un gant (de velours). Farner the Farmer est parfaitement à l’aise dans le son, il faut le voir tortiller son long cours dans «The Railroad». Ils finissent avec leur deux plus grosses énormités, «Inside Looking Out» et «Gimme Shleter». L’inside des Funkers est assez démoniaque, avec ce redémarrage à contre-courant, à coups de Yes I feel alrite.

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    Malgré les quatre cercueils présentés sur la pochette, Born To Die est un album plein de vie. Farner the farmer gère toujours son business au mieux, comme le montre le morceau titre d’ouverture de bal d’A. On sent l’influence de Rundgren dans le fond de ce rock étrange en qui tout est comme en un ange aussi subtil qu’harmonieux. L’indicible règne dans l’ombre des cercueils. Farner the farmer frappe un grand coup avec «Sally». Il ne baisse jamais les bras. Il reste ce rocker pur et dur du Michigan qu’on admire depuis le début. Excellente Sally, Farner the farmer la travaille au yeah yeah yeah, au solo d’harmo, sur un beat de good time music de rêve. C’est un bonheur pour l’œil que de voir ces mecs grimpés au sommet de leur art. On trouve encore du bon big beat en B avec «Take Me». Ils savent torcher un album, on peut leur faire confiance. Ils font du gros menu fretin de Funk avec «Politician» et soudain tout s’éclaire avec «Good Things». Farner the farmer l’allume à coups de guitare électrique. Ce mec a le rock dans le sang. Il sait driver un heavy rock à fière allure. Avec le temps, il a appris à balancer ses mesures et maîtrise le good timing à la perfection. C’est excellent, vraiment excellent.

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    C’est Frank Zappa qui produit Good Singin’ Good Playin’. Quand Andy Cavaliere prend contact avec lui, Zappa lui demande ce qu’il espère. Cavaliere lui demande de faire en sorte que le son du groupe soit très spontané. Alors Zappa dit okay, je veillerai à la spontanéité. Ils enregistrent l’album au Swamp de Farner the farmer. Zappa s’entend bien avec les trois cocos : «J’ai vraiment apprécié ce job de producteur, car je suis devenu pote avec les mecs du groupe, ce qui n’est pas toujours le cas quand je travaille avec d’autres gens. Ils ont un très bon sens de l’humour. C’est rare dans le rock de tomber sur des gens aussi sympathiques. Dans ce milieu, les gens sont généralement assez pénibles. Ils se prennent le plus souvent au sérieux et je ne cherche pas à socialiser avec eux car ils ne présentent aucun intérêt. Ils n’évoluent pas. Ils sont dans leur stardom et sont complètement fucked up. Mais les Grand Funk pètent et s’envoient des boulettes au lance-pierre, c’est le genre de personnes auxquelles je peux m’identifier. L’autre truc qui nous rapproche, ce sont les articles insultants dans la presse. J’en ai eu autant qu’eux, alors je suis de leur côté.» Zappa explique aussi comment il a travaillé : «Tout ce que je me suis contenté de faire, c’est de les enregistrer. Ce sont leurs notes, c’est leur musique. Je me suis contenté de mettre ça sur bande. C’est le premier album de Grand Funk qui sonne vraiment comme Grand Funk. Les précédents albums ont été produits dans un mouchoir de poche. Si cet album ne rétablit pas la vérité de Grand Funk auprès du public, ça veut dire qu’il ne reste plus aucune oreille potable en Amérique. C’est le rock’n’roll album of the year, my friends.» Il a raison, l’animal. Selon le petit Billy James, c’est certainement le meilleur Grand Funk album. C’est vrai qu’on s’y cogne dans les merveilles, d’autant que Zappa met la batterie au devant du mix, avec un son bien sourd. On retrouve donc le côté épais du Grand Funk avec la légèreté de la pop supérieure. Mélange très intéressant, comme le montre si bien «Just Couldn’t Wait». Et le festin se poursuit avec «Can You Do It». Farner the farmer et ses copains ont du répondant. Voilà encore un cut bien soulevé des chœurs et sourd comme un pot, avec un petit côté Remake It/Remodel. Sur chaque album du Grand Funk se trouve un cut qui accroche particulièrement et c’est ici le cas avec «Pass Around». Farner the farmer y passe un solo glouglou qui restera un modèle du genre. Derrière lui, ça joue au heavy beat et Farner the farmer amène du développement, il reste à l’affût du big beat avec une présence incroyable. Et ça continue avec «Miss My Baby», un joli balladif de fin d’A - I miss my baby/ I think I’m going crazy - Farner the farmer pousse des ouh ouh comme Lennon le fait dans «Cold Turkey». Ils attaquent leur belle B avec «Out To Get You», un instro épique bien bardé de barda. Farner the farmer le charge au solo liquide, mais il semble que ce soit Zappa qui coule un bronze au Michigan. On tombe plus loin en arrêt devant «Crossfire», un groove d’anticipation subalterne très bien foutu. Zappa a bien pigé les dynamiques du Grand Funk. Ils montent ensuite leur «1976» sur la mélodie chant de «Gimme Shelter», avec la même insistance et le même développé de coin du bois, mais qui leur en fera le reproche ? Pas nous, en tous les cas.

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    En 1976, Grand Funk est burned out, nous dit Donnie. Le groupe se sépare. Donnie, Schach et Craig Frost montent Flint. Leur album Flint sort en 1978. C’est la première fois que Schach joue de la guitare. Ils ne sont pas jolis sur la pochette, avec leurs grosses afros de cromagnons et tous ces poils sur la poitrine. Ils démarrent avec un remake de «Back In My Arms Again», un hit signé Holland/Dozier/Holland. C’est bien foutu, bien lesté de plomb du Michigan et de big guitars. Oh pour ça on peut leur faire confiance. C’est Donnie qui chante. L’autre belle reprise est celle de «For Your Love» avec Todd Rundgren on guitar ! C’est traité très 10 CC, on retrouve les accents pop de Gouldman. Todd joue aussi sur «Too Soon To Tell» et bien sûr il fait des merveilles. On se régale aussi du power des chœurs féminins sur «You Got It All Wrong». Les filles derrière sont fabuleuses. C’est cuivré de frais et bien monté côté beat. Todd revient en B allumer la gueule de «Keep Me Warm». Belle Soul pop, chœurs de rêve, elles s’appellent White Lightning et sonnent très Motown, très veloutées et très chaudes, très scéniques. «Better You Than Me» sonne comme une bonne aubaine. Zappa on guitar, cette fois. Il sait rentrer dans le lard d’un cut et faire l’infectueux. Il coule se source, littéralement. Il envenime le cut assez fiévreusement. Donc au final, on a pas mal de viande sur cet album. Ça continue avec «Rainbow», une belle pop de Soul cuivrée à la volée, avec du beau monde derrière. Son de rêve. C’est tout de même incroyable que ce groupe n’ait pas marché. Zappa revient jouer dans «You’ll Never Be The Same». Toutes ses parties de guitare sont spectaculaires et juteuses. Il se fond dans le mood de Flint avec une gourmandise bien affichée. C’est même une grosse compo, de type groove urbain et orbi, sevré à la folie musicologique. C’est d’un niveau extrêmement élevé. Mais comme CBS traverse une crise, le groupe est viré. Le second Flint ne verra jamais le jour.

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    De son côté, Farner the farmer entame une carrière solo et débarque sur Atlantic en 1977. Son premier album s’appelle tout bêtement Mark Farner. On le voit à cheval sur un poney apache. Il adore cette imagerie. Il monte sans selle, bien sûr. Il a du beau monde derrière lui : Bob Babbit on bass et, sur un cut ou deux, Dick Wagner on guitar. Ce démon de Farner the farmer chante vraiment bien, comme le montre une fois de plus «Dear Miss Lucy». Il n’a décidément besoin de personne en Harley Davidson. Il manque de se vautrer avec ce «Social Disaster» qui frise le rock symphonique à la mormoille. Il boucle son bal d’A avec «He Let Me Love», un balladif bien vivace, chanté à grands renforts de glotte alerte et territoriale. Il adore chanter torse nu depuis le haut du promontoire. Mais en même temps, il n’est plus vraiment dans le son de Grand Funk. C’est autre chose. «You And Me Baby» montre qu’il sait rester entreprenant. C’est le principal. Il propose plus loin un «Lady Luck» assez musclé. Il adore les muscles. Au fond, il est bien ce petit Farner, il continue de faire des trucs dans son coin. Il boucle son bouclard avec un «Ban The Man» dégoulinant de heavy boogie. C’est du rock d’Atlantic.

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    L’année suivante, il enregistre un deuxième album solo, No Frills. Belle pochette, on le voit assis dans un avion à côté d’un big businessman qui déjeune. En gros, Farner the farmer reste dans le même son, il joue toutes ses cartes, mais les cuts de l’A refusent d’obtempérer. Rien à faire. Il s’en sort en B en retapant dans les Animals avec une cover de «We Gotta Get Out Of This Place». Rien de tel qu’un vieux stomp de Newcastle pour remettre les pendules à l’heure. Il renoue enfin avec le big beat du Michigan dans «Greed Of Man». C’est là qu’il fait la différence, en joignant le power riffing au chant de chat perché. Judicieux mélange.

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    Farner the farmer et Donnie décident de remonter le groupe en 1981, mais Schach refuse, prétextant une phobie de l’avion. En fait il ne voulait plus avoir affaire au cirque habituel du management et des publicistes - I gave them my apologies. I helped them write both albums - Bon tant pis, ils prennent un nommé Dennis Bellinger pour remplacer Schach à la basse et enregistrent Grand Funk Lives. Ça barde dès l’ouverture de bal d’A avec «He Sent Me You» : stomp du Michigan + chat perché + belle prod de Jimmy Iovine, c’est une espèce de formule gagnante. On se régale du gratté de guitare. Andy Newmark bat le beurre, c’est beautiful et bien senti. L’autre hit de l’album est la reprise de «Just One Look» en B. Farner the farmer la dote de tout le power du Michigan et ça devient génial. Muscler les vieux hits des sixties, c’est vraiment sa spécialité. Il tape aussi une reprise de «When A Man Loves A Woman» et nous régale d’un très bon «Crystal Eyes» joué bien heavy. Réflexe d’acier.

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    Dernier spasme du très grand Funk en 1983 avec What’s Funk. Malgré sa pochette putassière, c’est un bon album. Farner the farmer n’a jamais pris les gens pour des cons. Il propose une belle cover de Martha & The Vandellas, «Nowhere To Run». On sent que Farner the farmer est de plus en plus à l’aise sur sa guitare et au micro. Mine de rien, il est en train de devenir un vrai pro. Il faut l’entendre taper «It’s A Man’s World» de James Brown en B. Il est gonflé. En fait, il l’adapte à son registre. Il l’apprivoise, en quelque sorte. Il en fait du Farner the farmer. Il chante aussi le freedom d’«El Salvador» à la cocote lourde, sur le riffing de «Satisfaction». C’est plein de bons échos, y compris ceux du «Freedom» de Jimi Hendrix. Il se replace sous l’égide de la good time music pour «I’m So True». Ça lui va comme un gant. On entend là-dedans des échos de Brian Wislon, c’est dire si c’est bon ! Il finit avec une belle giclée de heavy rock, «Life In Outer Space». Il sait tartiner, il n’a plus rien à prouver. C’est extrêmement bien foutu, car chanté à l’étalée constituante.

    Le mot de la fin revient à Donnie le fidèle batteur : «Nous n’étions que des gamins de Flint, Michigan. En deux ans, de 1969 à 1971, on est passé du stade de petit garage band à celui d’un groupe qui remplit le Shea Stadium plus vite que les Beatles. Nous n’avions que 21 ans. C’était comme dans un rêve.» Et Schach ajoute : «Ce fut un tourbillon. Tout est arrivé très vite et on avait du mal à tenir la pression. Tout ce qu’on pouvait faire c’était s’accrocher pour tenir ce train d’enfer.»

    Signé : Cazengler, petit funk

    Grand Funk Railroad. On Time. Capitol 1969

    Grand Funk Railroad. Grand Funk. Capitol 1969

    Grand Funk Railroad. Live Album. Capitol 1970

    Grand Funk Railroad. Closer To Home. Capitol 1970

    Grand Funk Railroad. Survival. Capitol 1971

    Grand Funk Railroad. E Pluribus Funk. Capitol 1971

    Grand Funk Railroad. Phoenix. Capitol 1973

    Grand Funk Railroad. We’re An American Band. Capitol 1974

    Grand Funk Railroad. Shinin’ On. Capitol 1974

    Grand Funk Railroad. All The Girls In The World Beware. Capitol 1974

    Grand Funk Railroad. Caught In The Act. Capitol Recors 1975

    Grand Funk Railroad. Good Singin’ Good Playin’. Capitol 1975

    Grand Funk Railroad. Born To Die. Capitol 1976

    Grand Funk Railroad. Grand Funk Lives. Full Moon 1981

    Grand Funk Railroad. What’s Funk. Full Moon 1983

    Flint. Flint. Columbia 1978

    Mark Farner. Mark Farner. Atlantic 1977

    Mark Farner Band. No Frills. Atlantic 1978

    Billy James. An American Band. The Story Of Grand Funk Railroad. SAF Publishing ltd 1999

     

    THE SECOND

    STEPPENWOLF

    ( Dunhill, ABC Records / 1968 )

     

    Du mal avec cette pochette, d'après moi pas la meilleure réalisation de Gary Burden qui semble s'essayer avec maladresse au symbole psychédédic, pas de quoi faire exploser les engrammes dans votre boîte crâniennes. S'il était cuisinier, je ne lui refilerais pas une étoile.

    John Kay : lead vocal, harmonica rhythm guitar / Michael Monarch : lead guitar / Goldy McJohn : piano, organ / Rushton Moreve ; bass / Jerry Edmonton : drums.

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    Faster than the speed of life : pas d'erreur c'est Jerry Edmonton qui se charge du vocal, le morceau est de Mars Bonfire aka Dennis Edmonton qui recycle un peu l'idée de base de son Born to be wild, mais apparemment dans l'imaginaire populaire il est plus sauvage de chevaucher un cheval d'acier que le corps d'un être féminin, bref l'ensemble semble un peu léger, s'en détachent les deux longs hennissements pianistiques de Goldy et surtout cette frappe bondissante de Jerry qui a déjà sauvé beaucoup de titres des Sparrow, avec ce grille-pain l'on est plus près du Moineau que du premier album du Loup. Tighen up your wig : l'ambiance change de tout au tout avec ce titre de Kay qui prend les commandes, l'est manifeste que l'on quitte le psyché pour le proto-hard, le son est raffermi, ramassé, tassé un vieux fond de blues qui ne veut pas mourir et que l'on revigore à l'aide d'un moonshine survitaminé. None of your doing : morceau écrit par Kay avec Gabriel Mekler, producteur des quatre premiers albums du groupe, un des protagonistes essentiels de Steppenwolf, c'est lui qui proposera de donner ce nom au groupe à Kay qui hésitera avant d'accepter, n'ayant pas lu le bouquin, c'est encore lui qui aura eu une influence déterminante sur l'écriture de Born to be wild, notamment de l'expression heavy metal, ironie de la vie il décèdera à 34 ans en 1977 d'un accident de moto, et comme le monde est petit, c'est lui qui fonda les labels Vulture Records et King Lizard Records sur lesquels enregistra Nolan Porter de qui le groupe français de Northern Soul, Soul Time vient de reprendre If I only could be sure, ce que nous présentions dans notre numéro 488 du 10 / 12 / 2020, et comme il est des hasards étranges dans la même livraison nous nous intéressions à une évocation par Marie Desjardins de Janis Joplin, dont Gabriel Mekler produisit en 1969 l'album I got dem ol' kozmic blues again, mama sur lequel on retrouve parmi les musiciens Michael Monarch, Jerry Edmonton, Goldy McJohn, plus au clavier Gabriel Mekler himself qui cosigne avec Janis le titre Kozmic Blues... et qui driva aussi les enregistrements pour Three Dogg Night et Etta James... Dans la série j'ai beaucoup vécu, Kay prend sa voix la plus sympathique, Goldy se sert de son orgue à la manière des prestidigitateurs de fêtes foraines qui jouent du xylophone sans le toucher pour appâter le public et le pousser à entrer admirer le monstre dans la baraque fermée. C'est un loup sauvage qui passe par trois fois son museau par un trou de la toile, si vous voulez le voir et surtout l'entendre, faites la queue ( leu leu ) comme tout le monde. Spiritual fantasy : la suite de la chansonnette précédente, mais le décor a changé, Kay vous la chantonne doucement mais c'est pour mieux vous enjoindre de vous méfier, des beaux discours et des belles chansons. Le violon doucereux est là pour vous endormir. La fantaisie est beaucoup plus politique que spirituelle. Une veine parallèle au Strange Days des Doors, mais Morrison vous entrouvre davantage la porte de corne et d'ivoire de la poésie. Don't step on the grass, Sam ! : l'on entre dans le vif du sujet, tout est politique même l'herbe sur laquelle on marche et que l'on fume, rythme hypnotique, la fumée dans les yeux un serpent me regarde, magie noire du Loup, Jerry et John se soutiennent au vocal, à deux l'on est plus persuasifs, longtemps que je n'avais écouté ce morceau, et il est encore plus puissant que dans mes souvenirs, commence à poindre l'idée que ce disque est monté comme une parade de bateleurs qui vous refilent le rêve frelaté dont vous avez toujours rêvé... 28 : un orgue entraînant, une mélodie pimpante, un pas en avant dans la comédie du monde, l'on finit la face A, dans la vie l'important c'est de ne pas perdre la face, la soupe à la grimace vous réchauffe tout de même le ventre. Le loup est noir, mais le monde est d'un gris sale.

     

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    Magic carpet ride : un des morceaux les plus connus du Loup, ça commence par un bruit de pales d'hélicoptère... mais l'apocalypse n'est pas pour maintenant, laissez-vous glisser sur le tapis de l'orgue, vous entraîne au loin, surtout n'ouvrez pas les yeux, vous ne savez pas ce que vous pourriez voir. Musique inquiétante. Plus près de l'early Pusher que des mille et une nuits d'amour. Disapointment number ( unknown ) : blues primal, Kay crie sur le quai de la vie que ce n'est pas OK, plus on avance dans ce disque, moins on rigole, la musique vous pousse au cul et vous ne pouvez plus reculer. Devant c'est l'abîme, derrière c'est le précipice, Monarch merveilleux à la guitare, quintessence du blues, plus rien à perdre ni à gagner. Lost and found by trial and error : on efface tout et on recommence, plus enjouée, plus optimiste, Monarch qui rigole ses accords à la guitare, suffit d'un trois fois rien pour dissiper le malheur, parfois le hasard fait bien les choses. Hodge, podge, strained, through a leslie : la suite de l'historiette, ou plutôt le tronçon qui s'adapte à la brutale coupure du précédent, une rythmique un peu jazzy-funk, le loup folâtre gambade à pleines pattes, le petit chaperon rouge s'avance vers lui pour entrer dans la danse. Monarch en profite pour piquer les hannetons avec sa guitare. Resurrection : tout va mieux, le Loup secoue gentiment le panier à salade, l'on sent que ce soir le porte monnaie du blues sera ouvert en grand et que chacun pourra y puiser à pleines mains. Liesse générale. Rythme précipité. Reflections : berceuse pour s'éveiller, soleil, aube, tout va bien.

    La face 2 est pratiquement un mini-opéra – fille et solitude - à elle toute seule. Etrange disque en même temps très disparate et très unitaire. L'on s'attend à un déluge de feu, seules quelques balles de tireurs d'élite sifflent à vos oreilles, mais elles font toutes mouche. Le comble pour un Loup ! 1968 est une année de grand bouillonnement pour le rock'n'roll, il était difficile à l'époque de savoir, non pas où il allait, mais comment il y allait. Suffisait de se laisser porter sur son escalator volant. Ce second disque de Steppenwolf n'a pas laissé un grand souvenir dans la mémoire morte des générations, mais son écoute s'avère passionnante.

    Damie Chad.

     

    XIV

    ROCKAMBOLESQUES

    LES DOSSIERS SECRETS DU SSR

    ( Services secrets du rock 'n' rOll )

    L'AFFAIRE DU CORONADO-VIRUS

    Cette nouvelle est dédiée à Vince Rogers.

    Lecteurs, ne posez pas de questions,

    Voici quelques précisions

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    Je ne vous décris pas la mine du Chef et du Cat Zengler, lorsque nous nous transportâmes devant la voiture stationnée au bas de l'appartement du Zengler Man :

      • Agent Chad parfois j'ai du mal à comprendre, vous arrivez avec une superbe jeune fille – Noémie se rengorgea ( c'est vrai qu'elle avait une très belle gorge ) – et au lieu de la faire asseoir à vos côtés, vous donnez cette place à un macchabée de vieille grand-mère toute dégoulinante de sang !

      • Invraisemblable surenchérit le Cat Zengler, il l'a donc faite asseoir derrière à côté d'un chiot qui n'arrête pas de vomir son repas, d'après ce que j'en juge, le sacrispant avait au moins avalé deux mètres de saucisse de Strasbourg !

      • Cher Cat, désolé de te contredire mais les vomissures de Molissito n'ont rien à voir avec la charcuterie alsacienne, cette bidoche c'est du cent pour cent normand !

      • Cher Chad, je ne voudrais pas te contredire, mais cela n'a rien à voir avec l'andouillette à la rouennaise !

      • Totalement d'accord avec toi my Cat, ce sont des doigts humains !

    Cette dernière déclaration jeta un léger froid, sans s'émouvoir outre mesure le Chef prit les opérations en main :

      • Procédons avec ordre et méthode, d'abord fourrons la mamy sanglante à l'abri dans le congélateur de Zengler, une fois cette opération terminée, j'aimerais bien m'asseoir au calme pour fumer un Coronado et écouter le rapport de l'agent Chad !

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    J'épargnerai aux lecteurs ma semaine de recherches infructueuses tout comme je ne me suis guère étendu sur les heures passées sous les branches du pommier avec Noémie...

      • Molossa avait trouvé une piste, nous la suivîmes, elle se dirigeait tout droit vers le cimetière au milieu duquel s'élève l'Eglise de Triffouilly-les-Vikings. Dès que nous eûmes passé la grille Molossa fila tout droit sur l'allée de gauche, c'est alors que nous entendîmes des bruits bizarres, nous débouchâmes en plein festin, une vingtaine de chiens s'affairaient autour de tombes toutes fraîches qu'il avaient ouvertes, certains grattaient encore la terre mais la majeure partie était fort occupée autour de trois cadavres qu'ils déchiraient à belles dents de fort bon appétit. Au milieu d'eux je récupérai Molossito qui s'attaquait comme un grand aux cinq doigts d'une main inerte. Il devait être repu, car il nous suivit dans rechigner à l'autre bout du cimetière où la truffe au sol Molossa nous guida.

      • Attendez que j'allume un deuxième Coronado intima le Chef, je sens que nous sommes sur une bonne piste, continuez agent Chad ! Nous sommes tout ouïe, votre entrée en matière nous a mis l'eau à la bouche !

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      • Vous souvenez-vous Chef, des aventures d'Arthur Crescendo tournées par Vince Rogers ?

      • Inoubliable certes, s'exclama le Chef, ah ce combat dans les sous-sols morbides de ce bâtiment désaffecté contre les réplicants, ces petits cris indistincts et terriblement inquiétants qu'ils poussent, je passe toujours cette séquence lorsque ma belle-fille emmène sa marmaille à la maison, filent tout droit se cacher sous les couvertures et il n'y en a pas un qui moufte avant le lendemain midi ! Nettement plus efficace que la pédagogie Montessori !

      • Exactement les mêmes cris se faisaient entendre dans la nuit noire du cimetière, nous nous sommes approchés à pas de loup et tapis derrière une tombe nous les avons vus ! Ils étaient quatre en train de creuser fosse, en retrait il y en avait un qui donnait des ordres, devait être un réplicant de la dernière génération, un évolué, parlait aussi distinctement que vous ou moi !

      • Diable, si les Cramps avaient pu assister à une telle scène, quel merveilleux album de rock'n'roll en auraient-ils tiré se lamenta le Cat Zengler

      • Ah, my cat, n'oublie pas non plus, le grand Screamin' Jay Hauwkins ! L'aurait pris la même voix glaciale que le cinquième réplicant '' Vous deux allez chercher la vioque, qu'on la foute au fond du trou, personne ne pensera à venir la chercher ici ! Et les deux autres aplanissez le fond proprement'' C'est à ce moment que Molossito a poussé un rot monstrueux, un véritable meuglement de vache à l'heure de la traite. Nous ont repérés tout de suite, se sont rués sur nous pioches levées. J'ai dégainé et fait feu. Cinq coups entre les deux yeux. Ne restait plus qu'à les jeter dans le trou et à les recouvrir de terre. Nous avons récupéré la cadavre de la Mamy et avons filé pour être à l'heure au rapport. Mission accomplie Chef.

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    Le Chef semblait aux anges, il souriait, mais lorsque Noémie dégrafa son corsage pour en retirer une enveloppe rose, il exulta :

      • Vite que je prenne un nouveau Coronado, cette écriture à l'encre violette me laisse subodorer que vous avez récupéré un ultime message de la Mamy, je m'attends à des révélations extraordinaires, ouvrez vite ce courrier, chère Noémie, le temps presse, refoulez votre émotion, la survie du rock'n'roll est en jeu.

      • Je l'ai récupéré dans la l'horloge de Mamy, elle adorait ce meuble, et j'ai pensé que...

      • Arrêtez de penser, chère enfant, lisez !

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    '' Ma chère Noémie, tu as de toujours été ma petite-fille préférée, une enfant douce et sensible et tu as compris que je gardais un terrible secret au fond du cœur, le voici je te le livre : mon grand-frère Christophe et moi étions amants, nous nous voyions souvent la nuit, je le rejoignais et nous passions des heures de bonheur dans sa Panhard vert pistache... J'étais dans la voiture lorsqu'elle s'est écrasée, un peu de ma faute, je l'ai embrassé un peu fougueusement et il a perdu le contrôle du véhicule... J'en suis sortie miraculeusement indemne, personne ne l'a jamais su... Plus tard je me suis mariée avec ton grand-père que tu as connu, c'était un homme gentil, mais jamais je n'ai oublié Christophe, mon grand amour... J'aimerais être enterrée à ses côtés, c'est-là ma dernière volonté. ''

    P. S. : pour la petite histoire et pour te faire sourire, le lendemain de l'accident un journaliste d la Normandie-libre, qui tenait la rubrique des chiens écrasés, est venu à la maison, histoire de glaner un peu de copie, j'y ai raconté n'importe quoi, que Christophe revenait de voir un concert d'un groupe de rock, L'homme à deux mains, le premier nom idiot qui m'est passé dans la tête. Ce n'était pas vrai, mais plus tard mes parents ont trouvé dans les affaires de Christophe des lettres passionnées et sans équivoque que nous nous adressions. Pour que rien ne transpire, aux voisins qui avaient lu la Normandie-libre et qui s'interrogeaient sur ce groupe de rock local inconnu, au fil des mois ils ont raconté qu'ils avaient entendu dire qu'ils étaient tous morts... Depuis tout le monde a oublié, mais si cette histoire parvient à tes oreilles, n'y prête aucune attention.

    Ma chérie, je t'embrasse, ta Mamy qui t'aime.

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    Il y eut un moment d'émotion, le Chef en profita pour allumer un Coronado. Son œil pétillait de joie, c'est avec entrain qu'il édicta ses ordres :

      • Enfin tout s'éclaire, procédons avec méthode, Zengler et Noémie, vous restez ici, débrouillez-vous pour enterrer Mamy à côté de son frère, quelques coups de pioche cette nuit et l'affaire sera vite réglée. Agent Chad, faites prendre un vomitif à Molissito et une fois qu'il sera rétabli, on file à Paris à tout berzingue dans la panhard pistache !

      • Chef, elle ne marche pas très bien, cette panne devant l'église, nous sommes revenus sans jamais dépasser la seconde !

      • Agent Chad vous n'avez donc rien compris ! Je parie un Coronado tout neuf que si vous enlevez le chiffon que les Réplicants ont fourré dans le pot d'échappement, elle filochera comme jamais !

    Evidemment il avait raison !

    ( A suivre... )

     

  • CHRONIQUES DE POURPRE 490 : KR'TNT ! 490 : MITCH RYDER / GUANA BATZ / ESPEROZA / JOHN KAY AND THE SPARROW/ ROCKAMBOLESQUES XIII

    KR'TNT !

    KEEP ROCKIN' TILL NEXT TIME

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    LIVRAISON 490

    A ROCKLIT PRODUCTION

    SINCE 2009

    FB : KR'TNT KR'TNT

    24 / 12 / 2020

     

    MITCH RYDER / GUANA BATZ

    ESPEROZA / JOHN KAY AND THE SPARROW

    ROCKAMBOLESQUES XII

     

    Ryder on the storm

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    S’il en est un qui mérite de s’auto-déclarer Rock & Roll Legend, c’est bien Mitch Ryder, que nous appellerons Mimi pour simplifier. Ce qui nous permettra aussi de fluidifier la purée et de la rendre plus conviviale. Les fans de Mimi qui le suivent depuis les early seventies, l’époque où on ramassait les albums des Detroit Wheels à Londres, se sont tous jetés sur son autobio parue en 2011, Devils & Blue Dresses. My Wild Ride As A Rock And Roll Legend. Mimi fait partie des gens qui ont toujours excité la curiosité, parce qu’il n’apparaissait quasiment nulle part dans les magazines. On n’avait que les quatre albums de Detroit Wheels à se mettre sous la dent et on sentait que ça grouillait de vie sous la grande pierre du mystère. Les Detroit Wheels arrivaient juste à la fin de la vague gaga américaine et juste avant le boom du Detroit Sound avec les Stooges et le MC5. Mimi était aussi considéré comme le pendant américain d’Eric Burdon : même genre de petite stature, même génie vocal et même passion pour la musique noire.

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    Bon, autant le dire tout de suit, le book n’est pas une bombe, mais il apporte quelques éclairages sur l’histoire des Detroit Wheels. Mimi s’y fend d’un portrait amusant de Jimmy McCarty qu’il compare à la petite girafe qui se dresse sur ses pattes à sa naissance, parce qu’il est grand et sec - a tall, slender good-looking man with a head full of hair - Eh, oui, on aurait tendance à l’oublier, mais Jim McCarty fait partie des très grands guitaristes américains. Après avoir fait des siennes dans les Detroit Wheels, il ira jouer dans le Buddy Miles Express, puis dans Cactus, et au passage, il fascinera une jeune femme nommée Chrissie Hynde. On vous donne dix Williamson en échange d’un McCarty, et c’est encore loin du compte.

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    Earl Elliot (bass) et Johnny Badanjek (beurre) complètent les Detroit Wheels. Un producteur célèbre à l’époque, Bob Crewe, les repère et les fait jouer en première partie du Dave Clark Five. Et hop c’est parti mon Mimi ! Mr Crewe - comme l’appelle Mimi dans son book - flaire le potentiel et décide de miser sur le groupe. Il l’installe à New York. Mr Crewe a ses bureaux à Manhattan, dans le même immeuble qu’Atlantic, et il vit à Centrel Park West, au Dakota, là où vivra et mourra John Lennon. Dans les early sixties, Mr Crewe était devenu riche et célèbre pour avoir produit Frankie Valli et les Four Seasons. C’est une époque qu’on a perdu de vue, mais avant l’arrivée des Beatles, les Four Seasons étaient avec les Beach Boys les plus grosses stars de la pop américaine. Mr Crewe nous dit Mimi était un star maker, au même titre que Mickie Most en Angleterre : il repérait les talents, les faisait travailler et les lançait une fois qu’il les sentait prêts. On connaît les tarifs : un an de travail pour Suzie Quatro à Londres sous la houlette de Mickie Most, et 18 mois pour Al Green à Memphis, sous la houlette de Willie Mitchell. Mr Crewe était aussi en cheville avec Andrew Loog Oldham, c’est dire s’il avait la bras long. Voilà donc le contexte. Mimi et ses amis apprennent à devenir des stars, logés tous les cinq dans un minuscule appartement et leur protecteur leur verse chaque semaine un tout petit peu d’argent de poche.

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    Le book permet de comprendre un truc essentiel : Mitch Ryder & The Detroit Wheels enregistrent leurs albums à New York et ne sont donc pas des fleurons du Detroit Sound. Paru en 1966, Jenny Take A Ride est un très bel album de Soul-rock. Pochette superbe, on les voit tous les cinq perchés au sommet d’un tas de gros bidons d’huile. Rien de plus rock’n’roll qu’un tel visuel. On ramassait l’album rien que pour la pochette. Mimi et ses amis y enfilent des perles de r’n’b comme «Shake A Tail Feather» ou «I’ll Go Crazy». «Come See About Me» et «Just A Little Bit» sonnent bien crazy. En parfait white nigger, Mimi groove comme un démon. Il est le Motown boy exemplaire, mais en beaucoup plus wild. Il est tellement excellent qu’il trépigne. Par contre, les cuts signés Crewe sont des merdes infâmes. Mr Crewe n’a rien compris aux Detroit Wheels. Le morceau titre de l’album est le hit de Mimi. C’est du CC Rider et du Jenny Jenny claqués aux clap-hands. C’est l’une des plus belles pulsations de tous les temps. Ses oooh n’ont rien à envier à ceux de Little Richard. Sacré asticot que ce Mimi ! Déjà tout jeune, il nous en fait voir des vertes et des pas mures. Il se prend carrément pour James Brown avec «Please Please Please» et le pire c’est qu’il en a largement les moyens. Le white-niggerisme, c’est son truc. Il réussit l’exploit de fusionner le JB funk et le Detroit power. Il tape aussi dans l’I Feel Good/ So good de la légende avec «I Got You». Il le bouffe tout cru. Bel hommage à Ike aussi avec «Sticks & Stones» et à Sam Cooke avec «Bring It On Home To Me». Mimi petite souris ne se refuse aucun fromage. Il finit avec un «Baby Jane (Mo-Mo Jane)» parfaitement dylanesque qu’il chante au nez pincé et derrière lui, Jim McCarty essaye de faire son Bloomfield. L’album marche bien et Jenny grimpe dans les charts. Allez hop, les gars, en route pour la gloire !

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    On les retrouve photographiés tous les cinq dans les pneus pour la pochette de Breakout qui paraît la même année. C’est encore un festival extraordinaire de reprises carrées et hargneuses à la fois, tiens comme ce «Midnight Hour» shouté jusqu’à l’os. On entend McCarty claquer pas mal de solos flash, notamment dans l’extraordinaire shoot-bamala de «Little Latin Lupe Lu». Quelle fournaise ! Quel son de rêve ! Dans «Devil With A Blue Dress», on entend le plus gros drive de basse de l’époque. Mimi était alors très développé, pas étonnant qu’il soit entré dans la légende. Il faut aussi entendre le solo demented de McCarty dans «Oo Poo Pah Doo». En B, ils volent de hit en hit comme des vampires. Encore du solid stuff de juke avec «You Get Your Kicks» et ça se termine avec un morceau titre allumé au McCartysme. On ne se lasse pas de ce big sound. D’ailleurs on suivra par la suite McCarty à la trace, mais c’est une autre histoire. Les Detroit Wheels ont un sens aigu de la fournaise, ils restent incisifs jusqu’au bout et McCarty n’en finit plus d’injecter des gimmicks vénéneux dans cette hot chique bien cuivrée et salée aux chœurs de Breakout. Comme ces albums étaient bien foutus ! On peut même dire qu’ils sont parfaits. Le dos de pochette qui préfigure celle du premier MC5 donne un petit avant-goût de ce que pouvait être un set des Detroit Wheels : dans le montage photo, on voit des cops et des tas de mains tendues vers un Mimi en sueur. Une façon comme une autre d’illustrer la mad frenzy.

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    Mais Crewe fait comme les autres, il propose un contrat solo à Mimi. Les Detroit Wheels ne l’intéressent pas. C’est drôle comme l’histoire se répète. Comme tant d’autres, Mimi raconte qu’il ne gagne pas un rond avec ses disques. Le seul blé qu’il ramasse, c’est une partie des recettes des concerts. Pour le reste, tintin. Et en même temps, il voit Mr Crewe s’enrichir à vue d’œil en s’achetant ce que Mimi appelle the complex, les trois derniers étages d’un building de luxe sur Central Park (5e avenue & 67e rue). L’endroit appartient à Tony Bennett et Bob Crewe l’obtient pour 2,5 millions de dollars. Il donne une petite piaule à Mimi. C’est au complex que Crewe fait son business et Mimi y voit passer des tas de gens célèbres comme Stephen Stills ou Seymour Stein.

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    Comme ça marche bien, Mr Crewe va sortir trois nouveaux albums de Mimi en 1967, à commencer par Sock It To Me. «Sock It To Me Baby» ? Même tarif que «Devil With A Blue Dress», même Soul searchin’, même big bass drive et même McCarty en embuscade. Ça joue au-delà de toute attente. Ça pulse au turn on me livré aux flammes du McCartysme le plus fulgurant. On entend Mimi hurler jusqu’à l’overdose dans «I Can’t Hide It». Il s’en égosille. Il faut le voir screamer dans la crème anglaise. Il fait même de la pop des jours heureux avec «I Never Had It Better», et ça marche, car il nous transporte vers un autre monde. Back to the heavy drive avec «I’d Rather Go To Jail», absolute monster, puissant et vindicatif. On y sent une véritable soif de vaincre et les solos de McCarty dépassent les bornes. Voilà le early genius des Detroit Wheels dans toute sa splendeur.

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    Paru dans la foulée, Mitch Ryder Sings The Hits est un Best Of, qui permet de réviser sa leçon. On reste dans le yeah yeah yeah de white nigger et dans l’excellence de la prestance de l’immanence, tout est là, dans ce saint-frusquin de power et de cuivres. Mimi est un artiste exceptionnel, il faut le voir driver son raw r’n’b. Il sait tout faire : incendier sous les couches («Please Please Please»), blaster au cœur des pétaudières («Ruby Baby & Peaches»), flotter entre les cuisses de Dionne la lionne («Walk On By»), viser l’extinction de voix («Stubborn Kind Of Fellow») et jouer la carte du heavy popotin («You Are My Sunshine»).

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    Le dernier album de la prériode new-yorkaise est l’excellent What Now My Love produit par Mr Crewe. Voilà l’idée : ça fait deux ans que Mr Crewe investit dans Mimi alors le moment est venu de le lancer avec un grand album de pop orchestrée. Pas de problème, Mimi peut chanter Broadway à pleine voix. Tout ce qu’il demande, c’est des bonnes chansons. Pitié, Mr Crewe, donnez-moi des bonnes chansons ! On le voit vite à l’œuvre dans «I Make A Fool Of Myself», il l’explose. Mimi dispose de l’un des meilleurs répondants du monde, une facilité à chanter à pleine gueule et à swinguer un air au sommet de son registre, comme le fait Scott Walker. Il est stupéfiant d’aplomb dans cette pop orchestrée à outrance. Les violons font des vols planés. Et de cut en cut, on va le voir prendre ses aises. Il dispose d’une voix chaude et bénéficie d’arrangements irréels de beauté, Mr Crewe a mis le paquet. Mimi le dénigre dans son book, mais il ne devrait pas car Crewe lui offre le luxe d’une prod surnaturelle. Nouveau parallèle avec Scott Walker : la reprise d’«If You Go Away» de Jacques Brel. Mimi et Brel même combat. Il rentre dans l’extrême désespoir, il sculpte sa matière comme un Rodin de Detroit, il fait corps avec l’argile du désespoir, il livre combat dans un délire de violonnades, il s’élance à corps perdu dans les relances, il jette toute sa violence de Detroit kid dans la gueule de Brel, c’est du mythe à l’état pur. Même la basse ramène de la Soul dans le dumdum des relances. Bien vu, Mimi, mais supplier ne sert à rien. Il prend «What Now My Love» à la glotte frileuse puis il monte sur le dos de la mélodie, il survit en chantant. Ce mec a du génie. Les filles des chœurs le coincent au coin du bois, mais Mimi garde son sang froid, il se contente de monter de quelques octaves. C’est un mec simple qui est né pauvre, mais il ne faut pas trop l’asticoter. Il n’aime pas ça. Donnez-lui des chansons, c’est tout ce qu’il demande. Il vous montrera qu’il peut exploser dans le ciel quand il veut. Il revient au son des Detroit Wheels avec deux ou trois trucs, comme «Sally Go Round The Roses», dommage, on perd les charmes de la grosse prod. C’est le bassman qui fait tout le boulot dans les rocking tunes, comme cette reprise de Chucky Chuckah, «Brown Eyed Hansdome Man». La basse est si bonne sur «I Need Lovin’» et «That’s It I Quit I’m Movin’ On» qu’on croirait entendre James Jamerson. McCarty y fait sauter un ultime pétard.

    La fin de l’histoire n’est pas jojo. Mimi tente de casser le contrat qu’il a signé avec Mr Crewe, mais ça se passe mal. Procès et compagnie, Mimi se retrouve à Detroit, reins brisés et sans un rond. Il a tout perdu. Un comptable estime que les Detroit Wheels se sont fait enfler de sept millions de dollars. Comme tous les anges déchus, Mimi n’a plus que ses yeux pour pleurer.

    Cet épisode est d’autant plus crucial dans la vie de Mimi qu’il est né pauvre, et la pauvreté va rester toute sa vie une hantise. Il naît pauvre dans une famille nombreuse et dit ceci, dans son premier chapitre : «J’aimais mes frères et mes sœurs. J’aimais mes parents. Mais j’ai grandi dans un milieu pourri. Rien de bien ne pouvait en sortir, et si quelque chose devait y éclore, ça ne pouvait être qu’un miracle. C’est la raison pour laquelle je hais si profondément les privilégiés. Ils considèrent comme acquis ce que nous les pauvres avons acquis soit en se prostituant, soit en vendant notre âme.» Mimi se met rarement à nu, mais quand il le fait, c’est raunchy.

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    Comme il doit encore un album à Paramount, on lui donne le choix : soit il va à Los Angeles enregistrer avec Jeff Barry, soit il va à Memphis enregistrer avec Steve Cropper et les MGs. Hop, Memphis. Avec The Detroit Memphis Experiment, Mimi continue d’affirmer son indépendance : il s’est débarrassé des Detroit Wheels et de Mr Crewe pour faire ce qu’il a envie de faire, du pur R&B. The Detroit Memphis Experiment est donc un pur album de white nigger. Mimi n’a aucun souci de ce côté-là. Il est parfait dans le rôle, comme le montrent «Liberty» et «Eenie Meenie Minie Moe». On danse littéralement autour du juke. C’est le Stax sound à l’état pur. Mimi chante un r’n’b efflanqué, assez unique. Booker T noie «Push Around» d’orgue et Cropper gratte bien sa Tele sur «Sugar Bee». Mimi finit l’A en beauté avec un shout énorme de Staxy Stax, «I Get Hot». Il rivalise de niggarisme avec les géants de Stax. C’est un merveilleux album de Soul blanche. «Raise Your Hand» sonne un peu comme «Knock On Wood», c’est un hit. Crewe ne s’était pas trompé en misant sur Mimi petite souris, c’est un shouter hors pair. Il termine cet excellent album avec «Meat», en mode Stax troussé à la hussarde. Sévère dégelée de raw r’n’b avec un Duck Dunn on the beat, un Al Jackson aux fesses de hit-hat et un Cropper plus funky que jamais.

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    En 1971, Mimi est de retour à Detroit et il fréquente la crème de Creem. Il se lie plus particulièrement avec Dave Marsh, gros consommateur de LSD, qu’il traite de fucking genius - all skinny with his long, stringuy, drowned rat-like hair, c’est-à-dire tout maigre avec ses petits cheveux raides comme des queues de rat - Mimi remonte aussi un groupe, le fameux Detroit : «On nous voyait tous au dos de la pochette : J.B. Fields, John Badanjek, Harry Phillips, Dirty Ed (Oklazaki), Steve Hunter, Ronnie Cooke and me. L’un de roadies dont j’ai oublié le nom était assis dans la bagnole. J.B. était notre chef spirituel et membre d’un club de bikers qui s’appelait les Renegades, dont le QG se trouvait sur 8 Mile. Pendant des années, 8 Mile servit de frontière entre les races. La photo impressionnait en ces temps de peace and love. En réalité elle foutait les jetons. On ressemblait plus à un gang de bikers mal intentionnés qu’à des hippies du flower power.»

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    L’album s’appelle Detroit with Mitch Ryder. Pur jus de Detroit Sound, cette fois. Ils jouent sur la corde raide. Mimi : «Le son était puissant car rempli de haine, de frustration, d’attitude et de désir.» De toute évidence, c’est un gang de surdoués. Il faut les voir cavaler «Long Neck Goose». Avec «Is It You (Or Is It Me)», ils passent au heavy groove. On sent le vécu du Detroiter. Belle basse de Ron Cooke et ça pianote dans le lard. Ils bouclent leur bal d’A avec un gros clin d’œil à Lou Reed : «Rock’n’Roll». Idéal pour un shouter comme Mimi petite souris. Johnny Bee Badanjek bat ça sec, comme au temps des Detroit Wheels. Bon il faut quand même dire que certains cuts n’ont aucun intérêt et c’est leur version d’«I Found A Love» qui sauve la mise de la B. Mimi y rend hommage à Wilson Pickett et Steve Hunter y passe une belle attaque de guitare. On assiste ici à un fabuleux numéro de haute voltige vocale.

    Mimi n’en finit plus de ramer. Il a besoin de blé. Un jour, il tombe dans les pattes d’un affairiste nommé Bud Prager qui flaire le jackpot en Mimi et qui tente de monter des plans. C’est là que Mimi se retrouve en studio avec Fred Sonic Smith, Wayne Kramer et le batteur K.C. Watkins. Puis Prager monte le Wild West Show en combinant Mimi avec Leslie West, ce qui détruit l’autre projet. L’épisode Prager se termine comme l’épisode Crewe en cauchemar. Mimi s’estime crucifié au Golgotha.

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    Quelques années passent et en 1978, il commence à travailler sur How I Spent My Vacation avec la ferme intention de tout dire. Il envisage carrément un auto-biographical concept album qui montre au public un side of me qui n’a jamais été révélé, and it was going to be as honest as the day is long. Il peint un joli tableau pour la pochette : un dieu de l’Olympe américain écoute la radio au casque. À moins que ça ne soit Leon Russell. Mimi monte un nouveau gang qu’il baptise dans son book les Trashing Brothers : Wayne Gabriel & Richard Schein (guitar), Mark Gougeon (bass), Billy Csernits (keys) et le batteur black Wilson Owens. Ça démarre avec l’autobiographical «Tough Kid». Pas compliqué, c’est les Stooges. Avec la voix bien posée et la belle dégelée royale. Backing band de rêve mais quel chanteur ! C’est joué avec une niaque extravagante. Ça cogne dans les murs. Tout est hot chez Mimi comme le montre encore «Dance Ourselves To Death», véritable averse de c’mon guys like crazy et Wayne Gabriel œuvre dans le lard du hot. Mimi refait son white nigger humide avec «Cherry Poppin’». Il est sans doute le seul au monde à pouvoir sortir un tel son. Il chante au feeling abîmé mais avec un extravagant gusto. Bienvenue en enfer avec «Freezin’ In Hell». Mimi adore faire exploser ses balladifs. Il faut voir comme il s’élève dans le ciel pour screamer son hellish beat boom. On reste dans les pures énormités avec «Nice N’ Easy». Mimi chante une fois de plus son ass off et Wayne Gabriel fait pleuvoir du sludge sur la terre. On ne saurait imaginer meilleur cocktail voix/guitare, c’est en quelque sorte un rêve de dérive extrême, joué dans l’épaisseur d’un son incomparable. Mimi n’en finit plus de devenir l’un des meilleurs chanteurs de rock. Et ça continue avec autre heavy rock de rêve, «Falling Forming», stay with me now my love, Mimi sauve les meubles du shuffle, il work it out, il ne lâche jamais sa rampe, il va droit dans le dur, il chante au mieux du mieux, stay with me now my love, il brises les reins des accords de groove sur ses genoux, il chante à l’incandescence. Alors on l’écoute jusqu’au bout du bout, il est incapable de décevoir les attentes, comme Lanegan, il sait rester profondément inspiré, c’est l’un des pourvoyeurs du Grand Œuvre, il ne chante que du trié sur le volet.

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    C’est avec Naked But Not Dead que Mimi entame sa période allemande en 1980. Premier album sur Line Records. Il a même repeint un joli tableau pour la pochette : une interprétation libre du Saturne de Goya. Au dos, on le voit avec ses amis les Trashing Brothers dans un bar. Mais on remarque très vite une sorte de carence compositale. Le groupe joue des grooves bien passe-partout. Dommage que cet excellent chanteur n’ait rien de mieux à se mettre sous la dent. Les boogies ont le mérite d’être efficaces, mais ça s’arrête là. Il faut attendre «Spitting Lizard» en B pour trouver enfin du rentre-dedans. Mimi fait son tough guy et les guitares de Rick Schien et Joe Gutc nous ramènent à Detroit. Ils renouent enfin avec la violence d’un état d’esprit. Et si on tend l’oreille à l’écoute d’«I Don’t Wanna Hear It», on retrouve la dynamique des Stooges.

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    Le double live Live Talkies paru en 1981 permet comme chaque live de faire le point sur l’avancement de carrière. Les deux mamelles de ce live sont le passionnant «Bang Bang» et ce «Tough Kid» bien stoogé derrière les oreilles. Mimi propose aussi de belles reprises, un «It’s All Over Now» de Bobby Womack et un «Subterranean Homesick Blues» de Dylan. Mimi aime tellement Dylan qu’il réussit à le dédylaniser. Ça devient autre chose, une sorte de boogie passe-partout. On note surtout que Mimi petite souris est bien à l’aise dans son son.

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    On retrouve les Trashing Brothers au bar sur la pochette de Got A Change For A Million? paru la même année. C’est là que se niche la version studio de «Bang Bang». Mimi jette ça en l’air, à la seule force de l’ambition, il chante d’une voix lasse, en bon vétéran de toutes les guerres. Retour au big Detroit groove de Soul avec «Bare Your Soul». Marc Gougeon bassmatique comme un dieu. Il sort un drive très incisif que viennent enrichir des guitares bien vipérines. Mimi casse bien la baraque avec «Back At Work». Il vise la folie des grandeurs et il finit par s’imposer. Il chante aussi «Betty’s Too Tight» de main de maître et continue de ce fait d’imposer un style. Album tendu et bougrement intéressant, foutredieu !

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    Mimi apparaît tout pimpant en devanture de Smart Ass. Il semble frais comme un gardon de Detroit. Belle pochette en tous les cas. On sent la rock star qui ne la ramène pas. D’ailleurs on pourrait en dire autant de l’album : Mimi joue sa réputation mais il n’a pas de chansons. Pas toujours facile d’aller briller au firmament. On passe carrément à travers toute l’A et la B ne vaut guère mieux. On lui en veut un peu pour la faiblesse globale des compos, mais il continue envers et contre tout à imposer le timbre unique de sa voix.

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    Le Never Kick A Sleeping Dog qui apparaît l’année suivante ne vaut pas tripette non plus. Ça frise un peu le rock FM. Marianne Faithfull vient duetter avec Mimi sur « A Thrill’s A Thrill», mais globalement, il n’a pas de compos. Son «Stand» un brin friendly passe un peu à l’as, même s’il le chante au corps à corps. On est dans ce gros rock américain sur-produit à la Mellecamp. Berk. Trop d’écho, trop de son 80, trop de trop. Sale temps pour canards boiteux, c’est-à-dire les fans de rock.

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    Mimi s’enlise encore un peu plus dans le passe-partout avec In The China Shop. C’est la panne sèche. Toujours pas de compos. Il tente de sauver les meubles avec «End Of The Line», mais c’est trop FM. Mimi tente désespérément de garder une authenticité de ton, mais «Younger Blood» sonne trop théâtral. Fuck it.

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    C’est encore un double live qui lui sauve la mise : Red Blood White Mink sort en 1988. Mimi tape dans les vieilles recettes, comme «Little Latin Lupe De Lupe», porté par le big tatapoum de Badanjek. Retour aux sources avec en plus Marc Gougeon on bass. Gros son et grosse équipe ! Ils décident de casser la baraque et enfilent les hits comme des perles : «Rock’n’Roll» (power maximal), «Heart Of Stone» (puissant shouter, l’un des plus puissants du monde), «Gimme Shelter» (un Shelter du Michigan comme celui de Grand Funk, Badanjek le joue au marteau-pilon), «Freezin’ In Hell» (Mimi l’hurle à outrance, ses screams glacent les sangs), «Bang Bang» (la viande de Mimi, c’est-à-dire l’épaisseur compositale doublée d’une épaisseur orchestrale), «I Feel Good» (stupéfiant hommage à James Brown, il est dessus comme l’aigle sur la belette) et un «Let It Rock» spectaculaire, l’une des meilleures versions jamais enregistrées. Signalons aussi l’extraordinaire «Big Time» en D où l’on voit Mimi chercher des noises à la noise. Il est infernal ! Mais c’est le dernier album qu’il enregistre avec les Trashing Brothers et son vieux complice John Badanjek.

    Mimi indique dans son book qu’il ne s’en sort au plan personnel que par l’artistique. Le relationnel lui paraît trop compliqué. Les gens dit-il demandent de l’attention et la musique ne demande que de l’invention. Alors il préfère se frotter à la musique.

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    Suivre le parcours de Mimi est un exercice passionnant. Comme dans la vie, Mimi connaît des hauts et des bas, mais les siens sont artistiques. L’ensemble constitue ce qu’on appelle une œuvre. Nous voilà en 1990, il a déjà 30 ans de carrière derrière lui et il lui en reste encore 30 devant lui. Sacré Mimi, non seulement on l’aime bien, mais en plus il est increvable. Paraît donc en 1990 une compile intitulée The Beautiful Toulang Sunset. On y trouve deux covers superbes, le «Soul Kitchen» des Doors et le «Heart Of Stone» des Stones. C’est vrai qu’on croirait entendre les Doors. Mimi et ses amis vont dans le deepy deep des Doors, on voit même Mimi faire son Jimbo, learn to forget, learn to forget, il fait bien monter sa colère. On retrouve aussi cet «Heart Of Stone» tiré de Red Blood qui leur sied à ravir et pouf, ça part en guitar kill de search and destroy. Mimi pousse là-dedans des cris stupéfiants. On le voit aussi surplomber le groove d’«Everydody Loses» comme une gargouille de Notre-Dame. Il chante depuis sa hauteur. Il avale cul sec le petit rock exacerbé de «That’s Charm» qu’on avait entendu sur Got A Change For A Million puis le «Freezin’ In Hell» tiré de Vacation. Mimi chante à la déchirure. On le voit aussi chanter «True Love» comme une bite au bord de la giclée et il prend «War» au mieux du Mimi-System. C’est un chanteur tellement passionnant qu’on croit toujours entendre ses cuts pour la première fois. Ses albums même les compilatoires sont de l’enjoyement permanent. Il tient toujours son rock en laisse, même le glam d’«It Must Be In Her Genes». Il fait du funk avec «Junkie Love» - I don’t want/ I don’t want/ Your junkie love/ Your junkie love - Au moins ça a le mérite d’être clair. Mimi sait rester dans la ligne du parti, ni trop à gauche ni trop à droite, il fait gaffe où il met les pieds.

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    Toujours du bon Line avec La Gash paru en 1992. Ce qui étonne le plus dans cette histoire, c’est l’incroyable régularité des parutions. Pour ça, les Allemands sont fortiches. Il faut attendre «Bye Bye Love» pour bander comme un âne, mais ce n’est pas celui des Everly. Non, c’est autre chose, un truc à Mimi, il tarpouille sa soupe aux choux avec de la suite dans les idées, alors forcément, on l’écoute intensément. Ses compos ont une espèce de répondant informel. «Do You Feel Alright» entre aussi dans la période ambitieuse de Mimi, c’est le côté Ryder on the storm, il chante comme un dieu aztèque déplumé. On le voit aussi naviguer en haute mer comme Achab avec «Child Of Rage». Il ne harangue pas Moby Dick, mais quand même, quel capitaine ! Il sait rester attachant, surtout quand il chante son «Dr Margret Smith» en lousdé. Mine de rien, tout l’album est bon, même le bluebeat d’«It’s Your Birthday». Il fait encore des siennes dans «Arms Without Love», un heavy balladif passionnant, il chante jusqu’à l’épuisement de sa glotte de Padirac, c’est dirons-nous un screamer de fin de parcours. Comme il ne veut pas qu’on le considère comme un has-been, il reprend les choses en mains avec «Correct Me If I’m Wrong». Il chante ça de l’intérieur du menton et c’est balèze. Joe Gutc fait des merveilles sur cet album. Et puis voilà Mimi le rapper avec «The Terrorist», il rappe son groove de nobody loves me - And the screams will not quit/ From the wrath of my bombs & my guns/ I need love/ Nobody loves me/ I’m looking for love ! - Power ! - I need attention/ I just thought I’d mention - Et cet album assez extraordinaire se termine avec deux resucées, «Long Neck Goose» qui date du temps de Detroit et «Devil With A Blue Dress On», qui remonte aux Detroit Wheels.

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    Paru deux ans plus tard, Rite Of Passage est un album que personne n’irait écouter si Mimi n’y chantait pas. Avec un truc comme «Mercy», on est bien récompensé. Bon c’est vrai que certains cuts sont horribles («Actually 101», «We Are Helpless» qui sonne comme du Queen), mais on se régale d’écouter Mimi chanter. En fait, il sauve tous ses cuts un par an, rien que par son talent de shouter. La preuve avec «Too Sentimental». C’est le singer qu’il faut écouter, pas le cut. Il s’inscrit dans l’action du chant. Comme il décide de rester conquérant, ça devient passionnant. Il amène son «Let It Shine» sur un Diddley beat et profite d’«Herman’s Garden» pour rallumer l’antique brasier du Detroit Sound. Il sert la légende comme jadis les prêtres servaient le culte d’Isis. Il chauffe son cut à blanc, comme il l’a toujours fait, il a cette voix qui lui permet de tout survoler, absolument tout. Et du coup, il renverse la situation et transforme cet album qu’on croyait raté en énormité. Il faut aussi le voir attaquer «I’m Starting All Over Again», il se faufile dans ce groove génial comme un serpent. L’autre coup de Jarnac de l’album est «Into The Blue». Mimi y taille sa route dans le boogie cajun. Quelle belle présence !

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    Bizarrement, le live Detroit - Get Out The Vote fut longtemps considéré comme un disque culte. Steve Hunter joue lead là-dessus. Mais le son n’est pas bon et ce live est une petite arnaque. On entend Badanjek taper «Rock’n’Roll» à la cloche de bois et Mimi petite souris réussit à imposer sa présence dans «City Woman». Belle version aussi de «Gimme Shelter», un cut que les gens du Michigan adorent.

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    Enregistré en 1999, Monkey Island marque la fin de la relation entre Mimi et son sauveur Uwe, le mec de Line Records. Mimi indique qu’il s’agissait d’une perte de confiance mutuelle et dans ce cas-là, dit-il, on peut kisser goodbye à la relation. Attention, Monkey Island est un album très spécial. Mimi y fait son rapper des enfers dès le morceau titre, il chante au cro-magnon avec une énergie demented are go à gogo, il part à la conquête des cavernes, sa heavyness écrase tout, il rappe sous un ciel zébré d’éclairs. Mais ça n’est rien en comparaison d’«I’m In Denial» : tel un Ulysse ligoté au mât, Mimi affronte les rafales de heavy schluff de rock, il est héroïque, il chante en vainqueur et derrière lui, des fous jouent le heavy dumb funk. Alors laisse tomber, tu ne trouveras jamais ça ailleurs, Mimi chante ça au heavy guttural des cavernes, et ça devient une espèce de merveille révolutionnaire. Voilà que ce géant de Mimi est accompagné par des dieux. Encore une belle énormité avec «Who Are You? Remember» : Mimi y retourne la techno comme une crêpe. C’est un vrai délire de chants croisés sur beat de techno house des forges du Creusot. Mimi s’amuse avec le marteau pilon, il danse dans la vapeur. On croit rêver. On le voit aussi s’amuser avec les tambours du Bronx dans «Lemming Cha Cha» et inventer un genre nouveau avec «Jackpot» : le techno power rock. Mimi nous assomme à coups de Detroit heavy power rock. C’est un album imbattable. Au fond, Mimi n’a même pas besoin de chanter, les bécanes font tout le boulot.

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    À la fin de son autobio, Mimi propose une sorte de vertigineux carnet mondain : vingt pages de micro-portraits, une à dix lignes chacun. Il a rencontré absolument tout le monde. C’est heureusement un peu moins people que le carnet mondain de Ron Wood. Parmi les gens que Mimi a croisés et qu’il salue, voici Joey Molland, dernier survivant de Badfinger - He is humble when appropriate and arrogant when necessary - Long John Baldry - A marvellous student of R&B - Cub Coda, George Clinton - Où seraient Stevie Wonder, Prince et Sly & the Family Stone sans George Clinton ? Probablement au même endroit que moi sans James Brown, Little Richard et Hank Williams. Sans les influences, on ne va nulle part - Spencer Davis - My favorite Englishman - Les Contours - Pure Detroit Motown Soul - Dr John - After The Night Tripper, I was a fan for life - Il profite d’un hommage aux Doobie Brothers pour lister les blancs qui selon lui savent chanter le R&B : Michael McDonald des Doobie, Robert Palmer, Stevie Winwood, Delbert McClinton, Elton John, The Righteous Brothers et Paul Rogers. Mimi rappelle aussi que Michael Bloomfield lui avait proposé le job de chanteur dans Electric Flag et que bêtement il avait décliné l’offre. Il rappelle aussi que Fabian fut le premier chanteur qu’il a vu sur scène quand il était gosse : «C’était à la grande foire d’état. La même année, j’ai aussi vu James brown et c’est en faisant la comparaison entre les deux que j’ai trouvé ma vocation.» Joliment dit ! Puis il cite les Four Tops - My favorite male Motown group - Lesley Gore, from the early days. Il salue aussi Grand Funk Railroad avec lesquels il a partagé des affiches, les Grass Roots - They did a great show and they’ve got the hits - Jimi Hendrix - music for the ages - the Isley Brothers, Etta James, et Tommy James avec lesquels il a aussi partagé des affiches au temps des Detroit Wheels. Il cite bien sûr Jerry Lee et Little Richard - It was his voice that taught me about energy - Martha & the Vandellas - I’ve shared stages with her my entire career - Wayne Kramer - Si quelqu’un souhaite remettre en question l’authenticité de mon livre, c’est avec Wayne qu’il doit en parler - Question Mark & The Mysterians - J’ai fait pas mal de shows avec Question Mark. J’aimais surtout son pantalon qui craquait chaque fois qu’il tournait le dos au public pour saluer - Il les a tous vus dans les early days, Paul Revere & The Raiders, Smokey Robinson, il n’oublie pas Marv Johnson. Les Romantics, encore un groupe du Michigan, puis il salue Ronnie Spector - Here is a very special voice - Leon Russell - I wanted to understand his story - Sam & Dave avec the MGs at their finest, the Shangri-Las, les Shirelles dont il était amoureux à dix ans. Tout cela n’empêche pas les règlements de comptes, comme par exemple avec Rod Stewart - Ohhh... let’s move on - ou Bob Seger - Un jour je suis allé chez Bob dans sa maison sur le lac pour écrire des chansons. Ou essayer d’en écrire. Mon fils Joel s’était endormi sur le lit de Bob et l’avait mouillé. Ce fut la dernière fois qu’il m’invita - Il salue aussi Chuck Negron des Three Dog Night, les Young Rascals, Mary Wells, Jr. Walker et il rappelle sa fierté d’avoir eu les Who en première partie des Detroit Wheels, des Who qui débarquaient pour la première fois aux États-Unis. Et puis un jour, Romeo qui est son garde du corps demande à Mimi si ça l’intéresse de rencontrer Jackie Wilson. Ben oui ! Bon bah viens ! Jackie se trouvait dans le même hôtel. «On s’est approché de la porte de sa chambre qui était entrouverte et on a frappé. On nous a dit d’entrer et on a vu Jackie à poil sur le lit avec une gonzesse qui était aussi à poil. Et on a papoté pendant un quart d’heure.»

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    C’est à l’âge de soixante balais, en 2004, que Mimi inaugure un nouvel âge d’or avec le label BuschFunk et un nouvel album : A Dark Caucasian Blue. Il se sent carrément pousser des ailes, il parle même du triumph of my writing ability et d’un fleuve d’idées. C’est nous dit Mimi la troisième fois qu’Engerling l’accompagne, après Rites Of Passage et Monkey Island. Allez, on va citer les noms de ce backing-band franco-allemand et tant pis si on ne les mémorise pas : Heiner Witte (guitar), Manne Pokrandt (bass), Wolfram Badag (keys) et Vincent Brisack (french beurre). Autant le dire tout de suite, A Dark Caucasian Blue est un big classic album. L’ami Mimi chante «I Guess I’m Feeling Blue» à l’arrondi du menton et crée du big atmospherix sans prévenir. Il fait du rock de Zeus et explose son balladif. En fait, c’est un album de blues-rock assez intense et le «Yeah You Right» d’ouverture de bal apporte encore une fois la preuve que Mimi est hanté par le génie : peut-on espérer plus bel hommage à John Lee Hooker ? Non. On voit plus loin ce vieux pépère chapeauté aller de balader au bord du fleuve avec «Detroit (By The River)», alors attention, il peut bouffer les alligators. Mimi détient des pouvoirs. Il ramène toute sa science dans le remugle de «Just One More Beautiful Day», hey hey, brothers & sisters, et allume tranquillement la gueule de ce vieux r’n’b. S’ensuit une autre merveille, «Dear Lord Won’t You Help This Child». Voilà le groove de rêve extrême. Puis il s’en va gueuler sa soif de justice dans «Another Bout Justice». C’est lui qui passe au tribunal, il se défend en chantant - I’m trying to find the truth - Et pouf, il balance tout - Justice in America is about what you can pay/ If you ain’t got money/ Just kiss your little honey/ Cause for sure you’re going away - Il amène son «Decidedly British Blues» au baroque extrême et finit avec le boogie de la lutte finale, « How How How How (The Spider’s Getting Hungry)», un hommage fascinant à Hooky - See that pretty girl.

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    La série des big albums bardés de son se poursuit avec The Acquitted Idiot. Il s’agit là d’un album de gospel allemand. Derrière Mimi, des filles claquent des chœurs. Alors il peut faire son prêcheur dans «Last Night». Il dispose du plus gros son d’église allemande et tape de bon cœur dans l’art sacré du gospel batch. Mimi est black jusqu’au bout des ongles. Et c’est avec «The Testament» que tout explose - Sweet sweet life is a mistery - On se croirait dans le Deep South, c’est d’une authenticité à toute épreuve - Take your hypocrisy & theology/ Down for a long walk in the street - Mimi vient de la rue, il sait de quoi il parle. Il s’offre un final aussi spectaculaire que ceux de Lanegan. Mimi & Lanegan même combat - Lord I’m tired/ Tired and weary of living/ I’ve been took by a hell bent wind - C’est drôle au fond, on déconsidère Mimi parce qu’il est passé par une période moins glorieuse alors qu’en réalité, il ne fait de grandir au plan artistique. Il chante son «Star No More» sous le boisseau de la légende rampante et ce merveilleux chanteur impose une fois encore son immense présence. Comme Tony Joe White et Lanegan, il reste fidèle à sa légende. Mimi chante sa Soul jusqu’au délire d’anymore - I can’t be a star anymore/ I want to go home/ Lord show me the way - C’est une prière extraordinaire. Il règne en maître absolu sur tous ses cuts. Il chante encore «What We Believe» à l’excellence tardive, dans un épais mélange de musicalité : guitares espagnoles, heavy samba et chœurs de filles, ça frise le Cuba cabana, c’est plein de vie. Il fait aussi du reggae avec «You Taught Me How To Cry» et de la pop avec «Say Goodbye» qui du coup sonne comme un hit du Brill. Voilà de quoi sont parfois capables les vétérans de toutes les guerres. Il termine avec «Hit’n Run Lover», un groove de Soul brother impénitent - Aw baby yes you are - Ça reste du hot shot comme aux premiers jours des Detroit Wheels.

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    Mimi considère You Deserve My Art paru en 2008 comme son best CD yet. C’est vrai qu’on est claqué du beignet dès «Rocket». Impossible de résister à ça, au power combiné de Mimi et d’Engerling. Power inespéré pour un pépère comme Mimi. Les Allemands ramènent un son dément. Mimi est aux anges, alors il peut se laisser aller et chanter comme un cake. Il faut le voir touiller son remugle de blues à la black, en vrai seigneur de Detroit. Il renoue avec le power dans «The Naked Truth», il nous entraîne dans un tango vertigineux - I’m not trying to disgrace you - il chante à la pâteuse énorme et nous tétanise une fois de plus. Il chante à l’inspirée définitive. Il fait de l’Americana avec «Under That Big Ole Texas Sky» et libère tous les démons du zydeco et le big barnum de Doug Sahm. Il réinvente l’Americana en Allemagne. Avec «In My Garden», Mimi raconte l’histoire d’un mec qui perd tout et qui rencontre quelqu’un qui lui révèle l’alternative au matérialisme. Et nous voilà une fois de plus dans le très haut de gamme. Tout ce qu’il fait est convaincu d’avance. Puis il nous fait un compte-rendu sur les Who et Cream avec «The Night The Devil Died» - Lights were flashing/ Cymbals cranking - Il rejoue Cream à la heavy psychdelia. Il rend hommage - So I stayed - C’est du big sound up in stroke, Mimi pondère son génie, il chante dans le commutatif - Take a row and bow to life/ And let the Devil live.

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    En 2009, il enregistre Detroit Ain’t Dead Yet avec Don Was au Henson Studio d’Hollywood. Sans doute est-ce là l’un des plus grands albums de rock des temps modernes. Back to Detroit, baby, et ce dès «Back Then», cet heavy doom de Soul Ryder. Mimi est toujours d’attaque, il peut shaker n’importe shook, secouer n’importe quel cocotier, il reste le Detroit tough kid de légende, l’un des rois du Soul-rock de Detroit. Sur cet album, le guitar slinger s’appelle Randy Jacobs. C’est un killer. Shake you mama ! Heavy stuff. L’album n’est qu’un fantastique déploiement d’énergie. Mimi est un mec unique au monde, personne n’a cette attaque de timbre, ce sens de la Soul précautionneuse, il chante parfois comme s’il marchait sur des œufs, mais dans son ton réside la sûreté de l’état des lieux. «One Hair» sonne comme un heavy funk d’alerte rouge. Comme Lou, Mimi chante le white heat. Il hante une fois de plus son album, il dégage autant de fumée que Wilson Pickett. Rien qu’au chant, ça explose. On ne parle pas du reste. «Everybody Looses» s’écroule sous nos yeux, tellement c’est chargé de Mimi doom. Puis il arrache «My Heart Belongs To Me» du sol à la force du poignet. Ce fantastique shouter brûle toutes les politesses. Il est hors nomes. Il repart de plus belle avec «If My Baby Don’t Stop Crying» et la température remonte brutalement avec «Get Real». Le hot c’est son truc. Pas question de faire autre chose. Alors il déroule son hot tock de Soul et le guitar slinger de service l’illumine. Mimi rend hommage à Jimmy Ruffin avec «What Becomes Of The Broken Hearted» - One of my heroes - Il le prend au meilleur ton et le monte en neige du Kilimandjaro, puis il l’explose pour mieux le crucifier au Golgotha. Il file ensuite dans «Junkie Love», un funky Detroit blast violent et faramineux - I don’t want this/ Junky junky love - Solo kill kill de wah, rien d’aussi parfait ici bas.

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    On l’a déjà dit, les albums live permettent de faire le point sur l’état des choses et de réviser ses leçons. Air Harmonie. Live In Bonn 2008 vous en donne pour votre argent, car tout le power de Mimi et d’Engerling est au rendez-vous. C’est un absolutely live digne des très grands absolutely live. Arrivé à ce stade du panorama, on a bien compris que Mimi sort de l’ordinaire. C’est un vieux chien de guerre capable d’illuminer le chant dans les refrains. Il est aussi l’un des rares chanteurs dont on ne se lasse pas. Il faut le voir blaster son «Long Hard Road», c’est même une sorte de blasting révélatoire, d’autant plus révélatoire qu’un fou joue de la guitare. Il a un nom à coucher dehors : Gisberg Pitti Piatkowski. Mimi n’a encore jamais eu un son aussi demented. Ce mec part en overdrive de wah avec tout le wit de Fast Eddie Clarke et tout le bull de Tony McPhee. Mimi est un gros veinard. Et paf, ils partent en mode slow blues avec «All The Fools It Sees». Les Allemands d’Engerling ont du pot d’avoir Mimi comme chanteur. Et Mimi a du pot d’avoir ces mecs là derrière lui. Leur truc atteint des proportions qui dépassent l’entendement. Mimi sonne bitchy sur ce slow blues de deep down, mais il chante toujours avec autant d’esprit. Comme s’il allait jusqu’au fond du chant. On ne saurait rêver d’une meilleure musicalité. Mimi racle bien le fond du tiroir, il écaille toutes les coquilles des syllabes, il épluche sa Soul pour la glorifier. Il rend hommage à Lou Reed avec le vieux «Rock’n’Roll». Sa version pleine de viande vaut bien celle de Detroit, mais c’est plus allemand, au sens de l’acier Krupp. Mimi est tellement content de l’acier du son qu’il finit en apothéose de fin du monde. Il porte son «21st Century» à incandescence Bessemer et les Allemands jouent leur carte musicologique à outrance, avec du piano, des guitares et toute la ferraille qu’on peut imaginer. Et puis on entre dans une fin d’album pour le moins exceptionnelle, avec le retour de l’excellent «Testament» joué à l’orgue d’église. Mimi nous refait le coup du heavy prêche comme dans The Acquitted Idiot, il en fait sept minutes de délire black, il monte son Soul searching en épingle, il fait tout le boulot sans chœurs. Restez aux aguets car voilà «The Thrill Of It All» : Engerling cloue la chouette du son à la porte de l’église pendant que Mimi hurle dans la nuit. Retour aux sources avec «Jenny Takes A Ride», impossible d’échapper à ça. Detroit en Allemagne. Pas le même son, ne rêvons pas. Pourtant le solo coule comme une rivière de lave. Le mec joue son va-tout, mais c’est un va-tout allemand, ce n’est pas McCarty. Puis Mimi passe à la vitesse supérieure avec un puissant hommage à Al Green : «Take Me To The River». Ce heavy sound sonne comme une grave erreur. Les Allemands ne sont pas avares en matière de graves erreurs. Bon, essayons de rester diplomates, mais ce n’est pas toujours facile. Mimi retrouve miraculeusement le feeling d’Al Green. Dommage que derrière les autres fassent du Krupp. C’est presque une hérésie. Le pauvre Mimi doit s’en rendre compte, mais il ne dit rien. L’autre fou arrose le cut de napalm, il confond Al Green avec Search & Destroy, et du coup on perd tout le softy soft du Hi Sound. La version dure neuf minutes, zébrée d’éclairs de shuffle indéniables. Mimi tente de sauver sa River au final et du coup, il redevient révolutionnaire. Pour finir, ils plongent tous ensemble dans la meilleure Stonesy avec «Gimme Shelter». Encore une fois, c’est une interprétation allemande qui déroute un peu au début, mais on finit par s’y faire. Ils font de la Stonesy Krupp, ils sont fiers de faire les chœurs d’acier, ils détournent le pouvoir des Stones. Mimi est bien le seul à s’en sortir intact.

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    On retrouve toute cette fine équipe dans un autre live qui vaut lui aussi le déplacement : Live 2012 It’s Killing Me. On y trouve de sacrées covers, comme par exemple le vieux «Heart Of Stone». Fantastique, noyé d’orgue, monté au germanisme des guitares d’après-guerre, alors Mimi peut gueuler et il gueule. Il fait aussi deux reprises de Jimi Hendrix, «Voodoo Chile» et «The Wind Cries Mary». Évidemment, les Allemands font de l’hendrixien Krupp. Ils ramènent une certaine violence dans le son, mais c’est Mimi qui rafle la mise. Il éclate Jimi au Sénégal avec sa copine de cheval. Il chante son Voodoo avec une niaque extravagante, il chante au power du Ryder pur et reste l’une des plus belles incarnations du rock américain. Il atteint ici la folie des grandeurs. «The Wind Cries Mary» est l’hommage d’un génie à un autre génie. Mimi s’en va swinguer le chant au sommet de l’art. Il ressort aussi du formol le vieux «Long Neck Goose», en souvenir de Detroit. C’est tellement bien joué que ça reste d’actualité. Powerful et expéditif. Les Allemands sont les rois de l’expéditif, tout le monde le sait. Quand on l’entend mettre en place son «Do You Feel Alright», on comprend que Mimi tire son aisance d’un très ancien pouvoir. Il ne fait ici que des versions longues. Il faut être fonctionnaire pour écouter ce genre de disk. Si vous avez du temps, allez-y les gars. Petit clin d’œil aux Stooges avec le retour du «Tough Kid». Pas de souci pour les Allemands, c’est dans leurs cordes. Ils reproduisent le swagger de Detroit à la perfection. Mais il leur manque tout de même le poids du Detroit Sound. Ils jouent trop en surface, ils sont trop efficaces. Mais bon, Mimi s’en accommode. Il explose ensuite «Mercy» et «Sex You Up». Il gnagnate sa Soul de rock avec la rage d’un cannibale. Quel fantastique chanteur. Il présente «In My Life» : «It was a stupid song written by a stupid man !». Et il nous chante ça à la vieille glotte voilée. Nouvelle dégelée royale avec «Nice And Easy», Mimi rocke encore comme au temps des Detroit Wheels, c’est heavy et plein d’à-propos, fulminant et radical, Mimi fournit tout le power, fidèle à ses racines.

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    Encore un fantastique album avec Stick This In Your Ears paru en 2017. Et pourtant, le petit chien qui orne la pochette brouille bien les pistes. Ça explose très vite avec une reprise de «Try A Little Tenderness». Il attaque ça au piano bar et ça vire au groove de rêve. Le génie de Mimi consiste aussi à transcender les grands hits, c’est joué au fouetté de peau des fesses et au piano de round midnite. Il le monte à la force du happiness. Sur «Teach Our Children Love», on entend l’autre fou de Piatkowski faire des siennes. Il n’en finit plus de ramener son grain de sel et son gras double. Joli coup de reggae avec «I Love My Family». Le problème avec Mimi c’est que ça tourne chaque fois à la grosse énormité. Retour au very big sound avec «The Addicts In The Attic». Mimi s’y connaît en big sound. Il peut cogner la gueule d’un beignet quand il veut. Les mecs qui l’accompagnent ont tout compris. C’est pour eux un honneur que d’accompagner une légende à roulettes comme Mimi. Il revient au heavy groove popotin avec «A Little Too Heavy For Me». Mimi reste planté dans l’excellence, comme un vieil arbre. Rien n’a bougé. On le voit ensuite surfer sur la vague allemande avec «White Angel Black». Impossible de résister à un tel ramdam. Mimi avale toutes les couleuvres une par une, il est à l’aise dans tous les éclats, surtout celui du round midnite. «Can’t Hurt You Anymore» ne fait que confirmer cette règle. Mimi est l’artiste complet par excellence. Il faut apprendre à l’écouter et il saura vous donner tout ce qu’il possède. Il remonte à la surface de son balladif avec des accents de Sam Cooke, c’est dire sa hauteur de vue. Il ne laisse aucune chance au hasard. Ce fou de Piatkowski vient encore exploser «It’s Ok To Cry», un pauvre boogie tout flappi, et du coup Mimi petite souris sort de son trou. C’est solide, bien au-delà des espérances de la reine Hortense, ça baigne dans le Detroit Sound, Piat shoote des doses dans le cul de Mimi qui du coup devient élastique. Quel cirque !

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    Si on en pince pour les Christmas albums, Christmas (Take A Ride) est un must. C’est aussi le premier d’une série de trois albums enregistrés en 2019. On retrouve cette voix de touffeur puissante dans l’un des exercices favoris des stars : Phil Spector, les Beach Boys, les Temptations, Elvis, El Vez, Tav Falco et Fatsy ont tous fait leur Christmas album. Mimi ramène évidemment le Detroit Sound dans le «What Christmas Means To Me» qu’il accroche dans son sapin de Noël. Il se livre à une bel exercice de chat perché dans «Someday At Christmas». Il colle littéralement au corps de sa chanson. Il fait une version gaga de «Santa Claus». Il chante comme une centrale nucléaire qui explose. Il est stupéfiant d’élégie. On a même un solo de destruction massive. On ne sait pas qui joue, car on a zéro info sur la pochette. Il se jette à corps perdu dans le wall of sound pour «Christmas» et on entend sonner les cloches de Tarkoski. Il chante comme s’il perçait les lignes ennemies, c’est le plus gros cavaleur de Detroit, il est de plus en plus héroïque, mais le fleuve de son finit par l’embarquer comme un fétu génial et au moment où il disparaît, il gueule encore. Il termine avec «Put A Little Love In Your Heart», un chef-d’œuvre de heavyness. Mimi est bien le seul ici bas à pouvoir niaquer le boogie de Christmas à ce point là.

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    On n’en revenait pas de voir surgir dans les bacs un album intitulé Detroit Breakout. S’agissait-il d’une mauvaise compile ? Pas du tout. Un gros sticker indiquait qu’il s’agissait du nouvel album de Mimi. Et du coup en se retrouve encore avec un énorme album dans les pattes. Mimi a choisi ses invités. James Williamson sur «Devil With A Blues Dress», Wayne Kramer et Brian Auger sur une version démente de «Cool Jerk», Sylvain Sylvain sur un «Dirty Water» ravagé par des vents de glissés de cordes. Ce démon de Mimi chante encore plus à l’outrance que d’habitude. Comme s’il aiguisait encore son art du power. Paul Rudolph l’accompagne sur «Have Love Will Travel». C’est joué au rentre dedans, Mimi en fait un blast digne des Sonics, mais detroitisé. On a donc un mix de Detroit Sound et de Pink Fairies. Inespéré ! Mimi mène le bal des vampires dans «Dreambaby» avec Cherrie Currie dans le fond du studio. Elle fait bien les renvois de my dream. Et quelle purée de fuzz ! Walter Lure accompagne Mimi sur le «Stepping Stone» des Monkees. On reste dans le coverage de haut vol, Walter Lure ramène sa niaque de Heartbreaker. Stupéfiante santé de l’ensemble ! On n’en finira donc jamais avec Mimi. Il fait aussi son Otis les deux doigts dans le nez avec «Dock Of The Bay». Linda Gail vient duetter avec lui sur «You Send Me», «If I Had A Hammer» et «Shout». Il transforme tout ça en heavy soupe aux vermicelles définitives. Tout explose à nouveau avec «Twisting The Night Away». Cette fois, c’est Joe Louis Walker l’invité, et Mimi rentre de lard de la Soul. Ça nous donne l’un des plus grands albums de covers de tous les temps

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    Et voilà que surgit du néant le dernier album en date de Mimi, The Blind Squirrel Finds A Nut. À cause de l’écureuil sur la pochette, on croit que c’est un album pour rigoler. Pas du tout ! On a du big heavy funk dès «Living In America.» Hey ! Mimi se prend pour James Brown, comme à l’époque de son premier album avec les Detroit Wheels. Il en a encore les biscotos. C’est heavy, station to station, hey ! C’est Engerling qui joue le funk. Comme c’est enregistré live, on voit qu’ils ne trichent pas. Mimi et ses amis allemands plient en 4 le vieux blues d’«It Ain’t Easy». Ah pour plier, ils savent plier. Avec «I’ve Got To See You Again», ils font une espèce de groove à la Dr John. Mimi swingue ses syllabes comme un crack. Puis il enchaîne deux smoking beats, «Long Neck Goose» et «Bare Your Soul». Blast pur. C’est vrai que les Allemands n’ont pas leur pareil pour mettre les choses au carré. Personne se saurait couler des bronzes aussi fumants. On retrouve plus loin les deux covers historiques, «Gimme Shelter» et «Soul Kitchen». Les Allemands gonflent les voiles du mythe à la clameur et tout ça s’écroule dans un final apocalyptique. Et ce n’est pas sans frémir qu’on retrouve le learn to forgive de Jimbo. Mimi recrée la magie de Jimbo. Le guitariste derrière se répand dans le son avec du gratté psyché à la dérive. Il faut se souvenir que les Doors régnèrent jadis sur la terre et Mimi nous remet face à nos responsabilités. Alors que ça monte en température, les gens applaudissent. Mimi s’absente un moment et revient pour finir, still one place to go. Il n’en fait qu’une bouchée. Il lui arrache le foie avec les dents.

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    On pourrait conseiller une bonne compile de Mimi pour finir, All The Real Rockers Come From Detroit parue sur Underdog en 1980, car c’est du trié sur le volet : «Tough Kid» (stoogé par Richard Schein, avec Wilson Owens on black drums), «Spitting Lizard» (Big Detroit Sound tiré de Naked But Not Dead), «Nice N Easy» (tough sound, avec Wayne Gabriel on guitar et Badanjek au beurre), un «I Got Mine» plus boogie down et «Dance Ourselves To Death» qui tient bien la route. C’est vrai qu’avec ce groupe qu’il appelait le Trashing Brothers, Mimi petite souris disposait d’une grosse équipe.

    Signé : Cazengler, Mitch ridé

    Mitch Ryder & The Detroit Wheels. Jenny Take A Ride. New Voice Records 1966

    Mitch Ryder & The Detroit Wheels. Breakout. New Voice Records 1966

    Mitch Ryder & The Detroit Wheels. Sock It To Me. New Voice Records 1967

    Mitch Ryder Sings The Hits. New Voice Records 1967

    Mitch Ryder. What Now My Love. Dynovoice Records 1967

    Mitch Tyder. The Detroit Memphis Experiment. DOT Records 1969

    Detroit with Mitch Ryder. Paramount Records 1971

    Mitch Ryder. How I Spent My Vacation. Seem & Stem Records 1978

    Mitch Ryder. Naked But Not Dead. Line Records 1980

    Mitch Ryder. Live Talkies. Line Records 1981

    Mitch Ryder. Got A Change For A Million? Line Records 1981

    Mitch Ryder. Smart Ass. Line Records 1982

    Mitch Ryder. Never Kick A Sleeping Dog. Riva 1983

    Mitch Ryder. In The China Shop. Line Records 1986

    Mitch Ryder. Red Blood White Mink. Line Records 1988

    Mitch Ryder. The Beautiful Toulang Sunset. Line Records 1990

    Mitch Ryder. La Gash. Line Records 1992

    Mitch Ryder. Rite Of Passage. Line Records 1994

    Mitch Ryder. Detroit - Get Out The Vote. Total Energy 1997

    Mitch Ryder, King Chubby. Monkey Island. Line Music 1999

    Mitch Ryder. A Dark Caucasian Blue. BuschFunk 2004

    Mitch Ryder. The Acquitted Idiot. BuschFunk 2006

    Mitch Ryder. You Deserve My Art. BuschFunk 2008

    Mitch Ryder. Detroit Ain’t Dead Yet. Freeworld 2009

    Mitch Ryder. Air Harmonie. Live In Bonn 2008. BuschFunk 2008

    Mitch Ryder. Live 2012 It’s Killing Me. BuschFunk 2013

    Mitch Ryder. Stick This In Your Ears. BuschFunk 2017

    Mitch Ryder. Christmas (Take A Ride). Goldenlane Records 2019

    Mitch Ryder. Detroit Breakout. Goldenlane Records 2019

    Mitch Ryder. The Blind Squirrel Finds A Nut. BuschFunk 2019

    Mitch Ryder. All The Real Rockers Come From Detroit. Underdog 1980

    Mitch Ryder. Devils & Blue Dresses. My Wild Ride As A Rock And Roll Legend. Cool Titles 2011

     

    Wanna Guana, Bwana ?

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    On était ravi l’autre jour d’avoir la visite d’un vieux copain batteur. Au temps où on jouait ensemble, dans les années 90, on se repassait pas mal de disks et un jour, à la sortie d’une répète, il m’avait glissé dans les pattes un CD des Guana Batz en me promettant monts et merveilles. Il s’agissait d’Electra Glide In Blue. Ce fut une belle révélation et le début d’une relation suivie avec ce gang de London rockabs. Leur dernier album, Back To The Jungle est d’ailleurs paru en 2018. Les Batz restent donc d’actualité.

    Alors bien sûr, la visite du vieux copain batteur fut l’occasion de ressortir tous les disks et de papoter un peu des Batz, ce qui croyez-le bien, n’est pas chose courante dans les parages. Pour trouver des fans des Batz dans le coin, il faut vraiment se lever de bonne heure, et même en se levant de bonne heure, on n’est pas sûr d’en trouver. Le plus marrant, avec le vieux copain batteur, c’est qu’on ne voit plus le temps passer quand on commence à papoter. Il est arrivé en début d’après-midi et soudain, il faisait nuit. Il dut se hâter de rentrer car on l’attendait.

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    Lors de cette conversation à bâtons rompus, il m’affirma une fois de plus qu’Electra Glide In Blue est le meilleur Batz. Il n’a pas tout à fait tort. En tous les cas «Green Eyes» te cloue comme une chouette à la porte de l’église. C’est slappé entre les deux yeux. Le beat cavale tout seul. Stupéfiante énergie. Il faut ensuite attendre «Katherine» pour renouer avec l’énormité. Pip Hancox amène ça au ouhahhh de cromagnon et c’est embarqué fissy fissa au heavy beat gaga. On est frappé par leur énergie. On pourrait qualifier «Spector Love» de heavy rockab anglais. C’est bourré d’écho et chanté à l’Anglaise. Avec les trois derniers cuts, ils entrent carrément dans la légende. Ils nous slappent «Who Needs It» dans l’oss de l’ass. Ils développent mille fois plus d’énergie que les Stray Cats. Le guitar slinging est une véritable excavation du riffing. Ils jouent à la vie à la mort. Quel sens du blast et quelle voix de rêve ! «Lover Man» sonne comme un hit. Ils le drivent à destination et ils terminent en apothéose avec «Take A Rocket». Nouveau Guana must, Bwana, nouvelle explosion des valeurs de la bourse, ces mecs tapent dans le mille avec le slap au devant du mix.

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    Leur premier shoot s’appelait Held Down To Vinyl At Last et parut en 1985. Ils démarraient leur affaire avec un «Down The Line» joué à la dentelle de bop et au takatak de bord de caisse, très laid-back et assez superbe. Mais après, on entrait dans une sorte de classicisme sans surprise. Avec «Nightwatch», ils proposaient un petit coup de boogaloo batzy et il fallait attendre la belle cover de «Please Give Me Something» pour retrouver un peu de viande.

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    Avec Loan Sharks, les Batz développaient les meilleures dynamiques de rockab. Ils jugulaient bien les flux. Ils montaient leur «Slippin’ In» sur une carcasse classique et ça sonnait bien. Ils viraient mambo bop avec le morceau titre en B. On notait alors l’incroyable santé de leur énergie et leur goût du sautillant. C’était tout simplement bardé de son et de démarrages en côte. Ils passaient au boogaloo avec «I’m Weird», ha ha ha !, et devenaient le temps d’une chanson les rois du train fantôme. Avant d’envoyer l’album coucher au panier, ils claquaient une belle reprise de «No Particular Place To Go», nerveuse et bien fouettée au sang. Chucky Chuckah pouvait être fier.

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    Il ne faut pas prendre Live Over London à la légère. Pip Hancox fait chanter le public dès «Can’t Take The Pressure». Guana Psycho ! Et c’est parti. Absolute dementia. Ils sont là pour exploser en plein vol. Ils rendent ensuite un bel hommage aux Cramps avec «Rockin’ In The Graveyard». Ils vont tellement vite qu’ils font n’importe quoi. Les cuts se succèdent dans ce que les Anglais appellent un blur. Ils jettent tous leurs cuts en pâture à Gou, le dieu de la violence et du beat travaillé. Ils finissent cette A éreintante avec un «Loan Shark» bien secoué du contrepied. En B, ils font quelques reprises discutables et il faut attendre le «Shake Your Money Maker» d’Elmore James en fin de set pour les voir exploser.

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    Paru aussi pendant les années de vaches maigres, Rough Edges vaut largement le détour. Dès «Street Wise», on prend un giclée de pur jus de wild bop dans l’œil. Quand ces mecs entrent dans le sujet, ils entrent dans le sujet. Ils sont fous. On ne saurait espérer meilleure entrée en matière. Le Paki slappeur Sam Sardi nous pulvérise ça en deux temps trois mouvements. Pareil, ils tapent «Open Your Mouth» au London ventre-à-terre. Nouveau cut de rêve. Il se dégage d’eux une sorte de force tranquille dont s’est probablement inspiré François Mitterrand pour se faire élire. Ils ont le sens de l’insistance qui est la force des géants. L’autre blast de cet album s’appelle «Fight Back». Encore une pure énormité de wild rockab qui éclate ses pneus dans les virages. Ils foncent comme des dingues et ils en ont les moyens. Sam Sardi nous slappe ça comme un crack. C’est aussi lui qui dégomme «Rocking With Ollie Vee». Il slappe à l’échappée belle, on ne saurait imaginer meilleur drive. Vous noterez aussi que Pip Hancox chante son «Rocking On Greek Road» avec un certain génie vocal. Et pour finir, il serait bon de faire l’apologie de «Love Generator», car c’est joué à l’inimitable beat des reins. Le beat roackab est le plus sexuel et le plus primitif des pulsatifs.

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    Paru en 1994, Get Around est un album qui vaut lui aussi le détour, pour au moins deux raisons fatales : «Every Night Every Day» et «Hot Stuff». L’Every Night est ce qu’on appelle un monster melodico-slappy, une exceptionnelle merveille congénitale, chantée au cœur vaillant rien d’impossible, avec le slap juste à la surface du beat. Sans doute l’un de leurs meilleurs outbursts. On peut aussi parler d’incredible revelation. Même chose avec «Hot Stuff», c’mon now baby, ils sonnent gaga et c’est excellent, ils déversent du heavy power dans l’entonnoir, belle clameur de rock anglais. Alors ces deux cuts sont les deux tranches de pain du sandwich. Que trouve-t-on à l’intérieur ? Un «Breakdown» dégoulinant de British bop, slap racé et bien tenu, comme on le dit d’une maison. C’est le slap qui est le boss là-dedans. Encore du fantastic Batsy Batz avec «Tell Her». Ils tapent dans les vieux classiques avec une niaque de revienzy. Ces mecs disposent d’un entrain considérable. Ils sont fulgurants de power craze et de tigre dans le moteur. Encore un joli shoot de rockab swagger avec «Lady Of The Night». Pareil, c’est le slap le boss et ça vire jazz manouche ce qui montre à quel point les Batz sont des gens puissants. Allez, une dernière rincette de rockab pur et dur avec «Chill Out Blues». Solide et superbe, bien allongé dans le temps des rockab. Ils terminent cet album qu’on peut sans rougir qualifier de faramineux avec «You’re My Baby», un festival de big slop de slap. Les Batz connaissent tous les secrets.

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    Après toutes les émotions des grands albums précédents, Powder Keg sonne comme un point bas, même si «Speed Freak Peril» mène la danse au demented are go. Slap it out ! On a toute la panoplie : le big bad slap, le wild killer solo flash et le melting pot de heavy cocote. Big bouzin. Ils continuent de régner sur l’Angleterre avec «Crazy Dumb Truck». Leur beat est un modèle du genre, mais on sent qu’ils tournent un peu en rond. «Saving Grace» est plus ouvert sur le monde extérieur. Tu n’es pas obligé de porter des tatouages pour écouter ça. S’ensuit une série de cuts solides mais sans surprise. Avec «Fallen Angel», on croirait entendre un mauvais groupe de garage punk. Ils ressautent dans la poêle avec «Time Bomb», c’est zébré d’éclairs de quartz dans le son et d’accords louches. Chaud devant avec «Unconditional Love». Belle énergie mais ça manque de maîtrise. Ils terminent avec l’excellent «Self Destruction», une belle soupe de garage bop. C’est une façon de jouer sur les deux tableaux. Ça ravira tous les fans de bop et les fans de punk. Ils creusent le veine du heavy garage punk bien étiré sur la longueur.

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    The Peel Sessions est certainement le meilleur album des Batz. C’est même du demonic Batz dès «Train Kept A Rollin’» qu’ils tapent au heavy groove. S’ensuit l’encore plus énorme «The Cave», joué à la clameur Batzy. Et tout l’album va défiler ainsi sous nos yeux globuleux, on les voit groover un cimetière dans «Zombie Walk», ils y hiccuppent le Zombie dance, ça boogaloote dans les brancards. Ils rendent ensuite un bel hommage à Chucky Chuckah avec «No Particular Place To Go», ils le plombent à l’angle du right along the automobile et l’affaire va encore se corser car on assiste plus loin à une incroyable déboulade de slap dans «Dynamite». Ils jouent sur la corde sensible du slap, alors forcément, ça marche à tous les coups. Pas compliqué : ici, le slap fait la loi, alors avis aux amateurs. Ils rendent ensuite un crazy hommage à Vince Taylor, avec «Brand New Cadillac». Tension rockab maximale, pur génie, c’est écœurant de power, on a sans doute ici la meilleure version jamais enregistrée, après celle de Vince Taylor, bien sûr. Ils continuent de mettre une pression terrible avec «Purple People Eater», c’est tapé au meilleur beat rockab inimaginable. Et ça continue avec une autre diablerie, «Nightmare Fantasy», véritable cavalcade de wild cat strut. Back to the boogaloo avec l’effarant «Rockin’ In My Coffin», un heavy shoot de wild boogaloo allumé aux hiccups, oh yeah, on entend swinguer les asticots. Ici tout n’est que luxe, rage et volupté. Encore du monster power avec «Goofin’ Around» et ils terminent ce ramassis de dégelées en tous genres avec un «Got No Money» encore plus demented are go à gogo. C’est l’album des Batz qu’il faut guaner, bwana.

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    L’album de la reformation s’appelle Back To The Jungle. Ne reste plus de la formation originale que Pip Hancox. Une nouvelle équipe le rejoint pour faire des étincelles, notamment avec «You’re So Fine», joli rumble de hard Batz monté sur un big bad Diddley beat. On tombe plus loin sur l’excellent «Burning Up», un solide romp de Batzy bop. Ils ont un sens aigu de la solidité. Et Choppy vole le show dans «Heartbeat» avec sa stand-up. Power and hard drive, voilà les deux mamelles de cette fière équipe, le son est extrêmement dense, Pip a du pot. En B, il faut attendre «No Way Back» pour se réveiller. Quel bop de Batz ! Avec un soupçon de mélodie collé sur le plus deep des beat de bop britanniques. Et ça continue avec «Girl On A Motorbike». Au final, ça nous donne un bon album, avec hélas quelques passages à vide, mais bien produit, avec des Batz on the run. Le bonus track qui n’est pas listé sur la pochette est un «Jungle Rumble» live in France.

    Signé : Cazengler, Guana baztard

    Guana Batz. Held Down To Vinyl At Last. I.D. Records 1985

    Guana Batz. Loan Sharks. I.D. Records 1986

    Guana Batz. Live Over London. I.D. Records 1987

    Guana Batz. Rough Edges. I.D. Records 1988

    Guana Batz. Electra Glide In Blue. World Service 1990

    Guana Batz. Get Around. Jappin’ And Rockin’ 1994

    Guana Batz. Powder Keg. Jappin’ And Rockin’ 1996

    Guana Batz. The Peel Sessions. Jappin’ And Rockin’ 1998

    Guana Batz. Back To The Jungle. Tombstone Records 2018

    AUM CORRUPTED

    ESPEROZA

    ( WormHoleDeath Records / 2016 )

    Si vous aimez les choses tordues, vous kifferez Esperoza, oui cela ressemble à de l'espagnol mais c'est du roumain, du moldave roumain faut-il préciser. La Moldavie présente une histoire compliquée. Tantôt roumaine, tantôt russe, tantôt empire ottoman, aujourd'hui république indépendante dans l'orbe de la Russie mais louchant vers l'Europe et l'Otan... Délaissons ces vues géostratégiques complexes. Il nous suffit de savoir que Chisinau est la capitale de la Moldavie, et que Esperoza provient de cette cité.

    Il est sûr que si l'aum – traduisons par âme du monde pour rester à un niveau de compréhension occidental - est corrompu, nous ne sommes pas sortis de l'auberge confinatoire... N'oublions pas toutefois que le concept brahmanique possède une dimension vibratoire supplémentaire de première importance. Affirmer que le Aum originel est corrompu est le plus grand crime que puissent perpétrer des musiciens. Un véritable blasphème métaphysique.

    Cet Aum Corrupted est le dernier disque de Esperoza. Il n'est pas sûr qu'il y en ait un autre … Zoya Belous réside actuellement aux Pays-bas, il semble d'après ses propres dires que l'expérience Esperoza l'ait moralement, physiquement brisée. Quoi qu'il en soit il apparaît que malgré de multiples participations à plusieurs projets musicaux Esperoza soit pour elle une référence absolue.

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    Le disque est précédé d'une courte notule dont nous donnons une traduction approximative à lire comme un avertissement à la manière de l'inscription taillée dans le rock au-dessus de la porte de l'Enfer selon Dante :

    C'est officiel. La bête est lâchée, nous ne pouvions la contenir plus longtemps. Nous ne croyons pas que aimerez le résultat, il faudrait être un bien sombre compagnon pour entreprendre la descente dans l'abîme. Mais il s'agit de notre constat, notre manifeste contre l'univers et l'ordre des choses. Les mots les plus terribles ne doivent pas être tus. La futilité de la vie humaine, l'inexistence de la justice dans ce bas-monde et pour finir cette âme uniquement faite pour pleurer. Nous pourrions mentionner toutes les difficultés que nous avons dû affronter pendant que nous réalisions cet album. Chacun de nous est soumis à un impitoyable destin, chacun le paie de son sang et de ses nerfs, et cette souffrance n'a d'autre justification que sa propre existence. Contre de telles paroles nous nous élevons, en fous idéalistes, sciant la branche sur laquelle nous sommes assis. Nous sommes ainsi, et voici notre album '' Aum Corrupted''.

    '' Aum corrupted'' est un album très sombre, dépressif, obscur, énigmatique et personnel, il présente un son totalement différent de notre premier album. Pour les fans de doom, de death, de black dark, d'atmospheric metal.

    Sombre pochette. Serait-ce une représentation du buisson ardent, une fois que le dieu qui n'était pas un phénix s'est consumé, ne reste plus que la carcasse de l'épineux noirci. Quoi qu'il représente l'artwork n'incite guère à l'optimisme. Le pire c'est que les fins filaments blancs – serait-ce une toile d'araignée entremêlée – n'éclairent pas davantage notre lanterne. Quant à l'espèce de cellule centrale d'une blancheur éclatante elle ressemble à une goutte de crachat spermatique vouée à une stérilité infinie.

    Zoya Belous : vocal / Dimitri Prihodko : all guitars & bass / Vadim Cartovenko : batterie. Fut aussi le batteur du groupe trash Metal : Lethal Outcome.

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    A broken passage : la voix de Zoya suave sur-multipliée vous entraîne, personne ne saurait y résister, les filles du Rhin vous propulsent dans les bas-fonds vertigineusement glauques, vous aimeriez que ce retour au liquide amniotique ne finisse jamais, mais le morceau qui est lui-même le passage est aussi brisé. Un cri de goret l'achève brutalement. Vous maudissez le groupe qui se permet de détruire une si belle et si vénéneuse introduction... Egohypnotized : horrifique changement de climat, l'on était dans un monde de douceur de calme et de volupté et nous voici dans l'enfer sidérurgique, une batterie lourde marteau-pilonne à mort, des murs de guitares brisées hérissées de fer acérés chauffées à blanc s'avancent vers vous, la voix de Zoya au milieu du tumulte, prière, supplication, grandiloquence des chœurs, vous êtes figé sous la forge du metal extrême, le timbre gras du forgeron djente à l'extrême, motifs orientaux et arabisants, vous voici à l'opéra, l'héroïne à genoux supplie, le piège de la mort se referme sur elle, serait-ce l'histoire du serpent qui se pique lui-même pour jouir de son ultime méfait, orchestration impressionnante, lorsque qu'elle s'achève vous êtes encore plus déçu qu'à la fin de l'introduction, à croire que la dérélictoire espèce humaine préfère la présence de l'enfer aux promesses paradisiaques. Unknown summons : encore plus violent, martelage oppressant, couine un motif trompetant qui se moque de vous, tout cela pour introduire l'ampleur vocale comminatoire du monstre qui ne fait pas de cadeau, et c'est le duo, celui pathétique que l'on attend dans les plus beaux livrets, le grondement caverneux et la voix fluette qui crie au secours avant d'être submergée, une mouette emportée par la vague se confond avec l'écume, l'on sombre dans un horrible délirium tremens musical, Ivan le terrible est sur scène son gosier couvre le tonnerre de la musique qui essaie de le surpasser, la batterie broie le néant et la méchanceté du monde se concentre dans cet organe viril, pour finir une brève exhalaison orgasmique féminine. Tomb of deeds : sans pitié, la musique avance sur vous pour vous détruire, Esperoza ne vous laisse aucun espoir. Hachoirs mécaniques, emballements de la machine, votre âme est triturée à mort, changement de climats, une guitare gémit, la batterie s'affole, des cris dans tous les coins de la pièce où l'on vous poursuit, l'on essaie de vous écraser la tête à coups de marteaux. Aboiements humains, affolements génitaux. La voix redevient femme. Nocturne Opus 93 : un peu de musique classique pour vous remettre d'aplomb, certes il y a un piano mais surtout ces coups de batterie mortels, et cette toccata de cordes pour vous souvenir qu'autrefois la vie était belle, douce et paisible. Ne se moquerait-on pas de nous. Blame it on me : rien de pire que l'auto-flagellation, la victime retourne le merlin du bourreau contre elle, grognements monumentaux, la batterie roule pour vous rouleau-compresser, clameur et voix qui s'élève, qui s'accuse, plus forte que l'orage, l'ignominie de l'auto-trahison soulignée par une guitare qui semble perdre son sang après s'être immolée en un hara-kiri auto-punitif, et le groin du cochon éclabousse le monde, la victime se lave de ses péchés supposés dans sa propre hémoglobine, l'on atteint à des sommets d'auto-corruption, des extases de renoncements, un piano fou s'en vient sans préavis emporter le morceau dans une espèces de furia interminable. Periods of 8 : l'on est surpris par cette voix et ce bruitage d'aéroport extra-sidéral, l'on pressent que la situation n'est pas bonne, mais comparé aux morceaux précédents c'est presque réconfortant, toutefois cette batterie qui avance avec l'impavidité d'un troupeau d'éléphants décidés à vous piétiner méthodiquement n'est pas encourageante, avec Zoya l'on est désormais dans les Suppliantes d'Eschyle, le morceau s'échevèle, la peur de la folie se transforme en panique, l'on court partout, flaques de sangs, lacs de larmes, Zoya chante comme si elle prophétisait le déclin de notre monde, il est vrai qu'autour d'elle la musique s'écroule sur elle-même, s'entasse et se compactifie en une énorme boule de haine qui déboule sur les villes et ne laisse que ruines et désolations derrière elle. Quand vous croyez qu'elle va s'arrêter, elle repart encore plus fort. Desolate grief : juste la voix, une prière qui monte et emplit les cieux, à croire qu'il n'y a plus de place là-haut pour Dieu. Lamentations funèbres. I rot : cascades soniques, avalanches monstrueuses, sous la neige coupante des guitares l'entassement des roches arasent vos illusions, hurlement, de haine, conjurée par le geyser d'une voix qui ricoche sur les membranes du monde, la musique devient folle, la femme se métamorphose en louve, elle mord, elle lacère, elle cisaille, elle étripe, tout cela avec sa bouche, elle est la prêtresse maudite qui condamne sans rémission, derrière elle, autour d'elle, la musique tente de s'échapper en se cognant et s'empilant sur elle-même, il ne reste plus que des échos de cordes de guitares échappées d'un minaret qui s'exhausse vers le ciel, elle est tout en haut, debout sur la tête d'une fusée interplanétaire, et elle s'envole pour tuer Dieu, lui percer le cœur définitivement, une guitare qui sonne comme la sirène d'un bateau perdu dans la brume au milieu des récifs. And here comes the immaculacy / Aum Mantra ( You will be punished for yours prayers ) : sirocco de sitars, flutes de charmeurs de crotales, gondolements prolongés de gongs, la batterie prend la poudre d'escampette, la bayadère est au tempo, elle récite le sortilège symphonique, l'on sent que l'on est dans le tourbillon originel, que l'on n'en ressortira plus, les murs de l'illusion du monde tournent emportés comme des fétus de pailles, la voix s'aiguise comme le couteau de l'égorgeur, accélération prodigieuse, palier atteint, respirons profondément, désormais l'on ne changera rien à rien, la guitare gyre comme une mouche monstrueuse prisonnière dans un cube de béton, et la voix s'exalte, s'enivre de son propre vin fluoré, ne pas perdre le rythme, se laisser emporter, divaguer, surfer sur l'énorme vague de l'univers qui roule dans le néant. Zoya toujours plus haut, c'est elle qui mène l'attelage du Ramayana, elle est la reine et la sublime prostituée de l'existence, elle récite les mantras interdits, Esperoza est sur les traces du Achilles last stand de Led Zeppelin et se permet même de le dépasser sur ses ultimes foulées, sublime cacophonie, l'on ne sait pas, l'on ne sait plus, l'on ne suit plus, l'on ne fuit plus, l'on se laisse emporter... serait-ce fini, mais non le cycle reprend, l'on entend des hurlements de chuchotements, catacombes en catimini, tout s'égalise, le haut coïncide avec le bas, le fort avec le doux, la peur avec l'envie, la vie avec la mort. Et ça continue, un message lancé par un satellite perdu à des millions de kilomètres et qui soudain revient sur vous pour lâcher ses missiles atomiques. Rien ne vous sera épargné. Ni la mort, ni la vie. Ceci est dit.

    Un disque extrême. Qui ne peut remporter par nos temps de médiocrité exigüe que ce que l'on appelle un succès d'estime. Pour devenir légendaire. Ou tomber dans l'oubli. Rien ne lui sera épargné. De quoi dérouter les esprits timorés. Ceux qui en ressortent sains d'esprits sont à considérer comme des rescapés.

    Plus j'écoute les groupes de l'Est, plus je suis sidéré par leur puissance.

    Damie Chad.

    STEPPENWOLF ( III )

     

    Il convient de ne pas confondre Sparrows et Sparrow, c'est le même groupe mais avec changement de personnel, nous relaterons une autre fois l'histoire des Sparrows, ce qu'il est bon de retenir c'est que le Loup doit beaucoup au(x) moineau(x) - un beau sujet de fable pour Jean de La Fontaine – et que départs et truchements de personnes à l'intérieur de Steppenwolf font en quelque sorte – au-delà de problèmes d'égo ou de divergences musicales – partie de l'ADN constitutif du Loup.

    Les Sparrows se sont formés en 1964, John Kay les rejoint en 1965, le groupe supprime le s final en 1966, l'appellation John Kay and the Sparrow est un leurre destiné à accrocher l'acheteur de disques, de même le Earlier Steppenwolf est de fait un disque de Sparrow, si l'homme est un loup pour l'homme, le Steppenwolf est aussi un loup pour les petits volatiles à envergure marchande réduite...

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    S'il a fallu une louve pour précipiter la naissance de Rome, il a fallu plus d'un groupe pour engendrer Steppenwolf.

    JOHN KAY AND THE SPARROW

    ( 1967 / 1969 / 2001 )

    Ces trois dates méritent quelques explications, les bandes furent enregistrés en 1967, mais le disque parut sur Columbia ( CS 9758 ) en 1969 suite au succès de John Kay figure de proue charismatique de Steppenwolf. En 2001 un CD est publié par Repertoire Records ( REP 4878 ) qui reprend les douze morceaux du vinyl de 1969, auxquels sont ajoutés huit autres titres, le lecteur sagace ne sera pas sans remarquer que le Early Steppenwolf propose d'autres versions de certains – et pas des moindres - d'entre eux, ce qui à l'époque aurait risqué de faire doublon... Rappelons aussi que les anciens 33 tours possédaient une capacité de stockage généralement limitée à six morceaux par face.

    John Kay : lead guitar, vocal / Dennis Edmonton : guitar / Jerry Edmonton : drums / Goldy Mc John : keyboards / Nick St. Nicholas : bass.

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    Twisted : composition de John Kay, plus blues qu'elle vous ne trouverez pas, certes la voix est un peu trop juvénile pour faire vieux bluesman du delta qui a tout vu et tout entendu et qui a survécu grâce à son flingue caché dans sa guitare, mais les trilles d'harmonica et la courante du piano ne dépareraient en rien dans une anthologie du Chicago Blues, pour les lyrics cela pèche un peu, Kay essaie l'humour noir, mais il a comme un parfum blanchâtre de LSD, pour ceux qui connaissent ça ressemble un peu aux paroles de Gilles Thibaut de Que le diable me pardonne de Johnny Hallyday, bref si le gars est tordu comme les célèbres méandres du Nowitna, le morceau vous a le débit du Mississippi à l'époque des grandes crues. Goin' to California : un peu blues, un peu rock'n'roll, un peu country rock, un peu tout, un véritable melting pot de la musique populaire américaine, Kay la chante avec une voix d'écorché qui emporte le morceau. Baby, please don't go : hit de Big Joe Williams, si Robert Johnson a rencontré le Diable à un croisement, dresser la liste de tous ceux que Big Joe a croisé exigerait trois ou quatre livraisons entières de Kr'tnt, je ne citerai que Muddy Waters et Bob Dylan qui jouèrent de l'harmonica derrière lui, tous les élèves se valent, mais certains choisissent le bon maître, à l'époque où les Sparrow l'ont enregistré tout le monde avait la version des Them dans la tête, les Moineau ont vu le piège, ne donnent pas dans la dramatisation vanmorrisonienne, se rapprochent d'une interprétation davantage racine, Kay se débrouille bien en rajoutant un soupçon d'ironie dans son phrasé, mais par moments l'orgue de Goldy Mc John est un peu trop themique, le groupe se rattrape sur le tutti final, un joyeux bordel comme on les aime tant. Down goes your love life : premier morceau signé du prolifique Dennis Edmonton ( aidé par Nik St. Nicholas ), au titre l'on s'imagine plonger dans un blues amer, il n'en est rien, dans l'arrangement Dennis a laissé le beau rôle à son frère Jerry à la batterie, mène la cavalcade sur un trot d'enfer, pas le temps de voir passer, tout juste deux minutes, c'est fringuant et entraînant, s'enchaîne parfaitement avec le Baby, please don't go, la gerce trottine salement pour prendre de la distance, quelle prestance, aussi goûteuse de loin que de près. Pas de regret à avoir, ces roulements de tambours qui papillonnent valent tous les plaisirs de la chair qu'offrent les clandés de la New Orleans. Bright lights, big city : tout le monde a repris ce classique de Jimmy Reed, surtout les Animals dont la version reste, à mon humble et toutefois péremptoire avis, insurpassable, la preuve c'est que les Moineau ne la surpassent pas, vous préparent le canard à l'orange mécanique au blues de Méthylène ( médicament idéal pour soigner les bébés bleus ) c'est bien fait, Edmonton tonne sur ses toms, le clavier vous désenclave du Delta, sonne un peu trop anglais, Kay est parfait dans son genre, n'insistez pas bande de z'oziaux, il manque le brillant et la moiteur de la grande ville industrielle. Trop campagnard. Can't make love by yourself : là c'est plutôt D(ésolé) Edmonton que D(ésiré) Edmonton, le sixième morceau de la face A, ils l'ont mis à la fin, ils auraient dû le supprimer, un refrain et des chœurs à dégobiller, se ruent tous dans l'impasse les yeux fermés – comme nos pavillons auditifs qui se referment d'eux-mêmes à l'écoute de cette daube. Kay essaie de prendre sa grosse voix, même un gamin de vingt-trois mois n'y croit pas. Good morning little school girl : de Sony Boy Williamson - le premier du nom, celui qui s'est payé le luxe de se faire assassiner en pleine métropole à l'aide d'un pic à glace à la manière de Léon Trotsky – de nos jours le pauvre Sony se verrait traiter de vieux pédophile dégueulasse pour les lyrics ( qui ne sont pas de lui ), c'est justement pour cela que l'on aime le blues et ses désirs turgescents – ce doit être pareil chez les Sparrow, car ils y mettent du cœur, ah, cette manière de Kay d'articuler les paroles pour qu'il n'y ait pas d'ambiguïté, vous l'envoient pas dire, une belle leçon d'amorale. Parfait pour ouvrir une face A. King pin : un morceau de Manfred Mann, avaient-ils voulu donner une version folk-enjouée et parodique du I'm a King Bee des Stones, en tout cas, c'est léger comme la pop anglaise, le Moineau sautille et frétille, Jerry Edmonton s'y régale, l'aime ces légèretés sur lesquels sa frappe frivole mais pas frileuse fait des merveilles. Il existe une autre théorie quant à ce ce titre, King pin serait la déformation du caractère chinois Pinyn qui correspond à l'aum hindou ( voir chronique précédente ), le morceau serait ainsi une perfide allusion aux relations des Beatles avec le Maharishi, mais si la tribu Lennon se rendit en Inde en 1968, Manfred Mann enregistra le titre en 1964... ) Square headed people : décidément le Moineau comptait se spécialiser dans les titres champagnes qui s'éparpillent tels des pois sauteurs, se reprennent après une entrée en matière un peu désastreuse, vous filent l'impression d'essayer des tas de moutures différentes, peut-être entend-on sur ce morceau la différence qui existe entre une option britain-rock des tout premiers Sparrows et le dépassement du blues traditionnel que Kay a le désir de subvertir, est-ce cette tension entre deux directions différentes qui oblige les morceaux les plus inventifs à être si courts, style j'y mets la patte mais pas le menton. Chasin' shadows : la ballade qui tue, la fille perdue dans ses rêves et le gars qui essaie de se positionner, vocal passe-partout, mièvre et grandiloquent, Jerry Edmonton confirme, à la batterie il est le roi de la cavalerie légère, c'est lui qui sauve le morceau, c'est son frère qui l'a écrit et ensablé dans la mer des sargasses doucereuses de la pop anglaise. Trente-six étages sous un morceau comme Girl des Beatles. Green bottle lover: mignons Edmonton à la composition, un petit oiseau gazouille au début, plus on avance dans le morceau plus l'on pense aux Beatles période Rubber Soul, un petit côté moralisateur de la chanson, mais pendant que les autres batifolent dans les effets musicaux, Kay intervient à la manière du septième de cavalerie dans les westerns, l'imite si bien Dylan qu'il pourrait nous réciter la messe en latin où nous lire les discours de notre président que l'on serait contents, tellement que c'est bien expédié. Vous les crache comme un punk tuberculeux. Isn't it strange : plus Beatles que le Moineau tu meurs, non, tu meurs parce que les Beatles n'ont rien à voir avec le Moineau. Lourd, pesant, faussement grandiloquent, quel crime ai-je dû commettre dans une vie antérieure pour être condamné à écouter cet immondice. Sur cette turpitude se termine la version 69, pas si érotique qu'espérée...

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    Tomorrow's ship : face A du single couplée avec Isn't it strange, si je vous disais que cela ressemble à... oui aux Beatles, je vois que vous suivez, et ce n'est guère meilleur que son frère jumeau..., ne prenez jamais ce bateau ni demain, ni après-demain. Twisted : oui vous l'avez déjà entendu, c'est la version single ( pour ne pas dire remplissage ), quelques secondes de moins, moins d'harmonica, davantage de slide, après avoir pesé le pour et le contre je préfère ce mixage, mais je vous en voudrais pas si vous pensez le contraire. Goin' to California : encore une single version, du mal à entendre la différence, s'il y en a une.... Hoochie coochie man : attention l'on rentre dans une série de quatre titres qui sont joués en public sur le Early Steppenwolf, l'orgue noie un peu le poisson lorsque l'on se rapproche des ponts, le morceau paraît plus ramassé, plus appliqué, il est normal qu'en public il paraisse plus échevelé, Kay pose mieux sa voix, la fin est surprenante, non par une recherche quelconque d'originalité, l'on est tellement pris par le déroulé du mille-pattes que l'on ne voit pas défiler les quatre minutes et demie. Goldy Mc John s'est inspiré de ce nappé d'orgue particulier aux Animals. The pusher : la voix annonce The Pusher Take 1, nos oreilles se dressent toute seules, l'on pense à la question d'Archytas de Tarente qui se demandait ce qui se passerait s'il essayait de trouer de son bâton l'extrême limite de l'univers, blueseusement parlant l'expérience sera tentée en public au Matrix voir notre livraison précédente, ici nous n'irons pas jusqu'aux faubourgs du noise, l'on se contente de l'éternel retour concentriquement sinuosidal de l'orgue et l'on se retrouve pas très loin de The End et de Light my fire des Doors, sans le déchaînement final. Goin' upstairs : take 1 du classique de John Lee Hooker, le jouent moins primal, moins balancé que le capitaine crochet du Blues, enrobent un peu trop la viande de graisse, bien fait, vous gravissez les marches sans vous faire prier, mais arrivé tout en haut vous vous apercevez que vous n'êtes ni en enfer, ni au paradis. Pourtant chacun a pris à tour de rôle le commandement du peloton, et parviennent à une superbe dégringolade finale. Tighen up your wig : deuxième essai d'humour noir de John Kay, pas celui d'André Breton, l'autre du blues, trop bien fait, cette version ne pèse pas lourd si l'on compare à celle du Matrix, ici l'on a pensé à tout et l'orchestration est chiadée, manque juste une goutte de folie. Too late : coucou les revoilou, les Fab Four, encore un four, un peu à la Day Tripper mais on ne tripe guère sur ce système D, un bon point toutefois : ne serait-ce pas une parodie méchamment ironique ? Pardonnons-leur au bénéfice du doute.

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    Total, du bon et du pire. Des munitions et de l'inutile. L'ensemble donne toutefois une certaine idée de la trajectoire des Sparrows en Sparrow et la métamorphose en Steppenwolf. En 1965, le groupe était très apprécié au Canada non pour son originalité mais pour sa manière de sonner ultra-british... z'ont commencé par imiter - le terme plagier serait vraisemblablement plus adéquat – les Scarabées, au bout d'un certain temps ils ont regardé ( sans s'en vanter ) du côté des Rolling Stones, non pas leur musique en elle-même, mais son origine, qui se trouvait juste de l'autre côté de la frontière avec les Etats-Unis. Z'ont repeint leurs musiques en bleu, puis en bleu-sombre sous l'impulsion de John Kay.

    Difficile de vanter les mérites de la pochette, d'une telle banalité qu'elle en devient anonyme.

    Damie Chad.

     

    XIII

    ROCKAMBOLESQUES

    LES DOSSIERS SECRETS DU SSR

    ( Services secrets du rock 'n' rOll )

    L'AFFAIRE DU CORONADO-VIRUS

    Cette nouvelle est dédiée à Vince Rogers.

    Lecteurs, ne posez pas de questions,

    Voici quelques précisions

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    56

      • Que viens-tu traîner par ici, moucheron, tu as envie de mourir, tu as bien choisi ton endroit !

    La voix n'est pas sympathique et vu l'obscurité profonde, le brouillard opaque et le crachin transperçant, beaucoup de nos lecteurs auraient tourné casaque sans insister. Il en faudrait plus pour impressionner Molissito.

      • Laisse-moi passer vieux clebs pourri édenté !

      • Passe ton chemin, ici tu es sur le territoire de l'ACMN, si tu avances d'un seule patte, on t'avale tout cru !

    Un rayon de lune blafarde dévoile quelques mouvements suspects dans l'ombre et quelques sinistres claquements de mâchoires se font entendre. Toute une meute est là, tapie dans le noir, elle n'attend que le signal pour se jeter sur l'intrus.

      • Barre-toi moustique, ici l'on n'aime pas les freluquets !

      • Si vous croyez me faire peur vous vous trompez, je suis Molissito, agent du SSR, et un agent du SSR ne recule jamais !

      • Et moi je suis la Reine d'Angleterre, puisque tu fais le mariole, tu vas nous servir d'apéritif !

    Une vingtaine de molosses entourent le pauvre Molissito qui croit sa dernière heure arrivée lorsqu'une voix s'élève :

      • Arrêtez c'est bien lui, j'ai vu sa photo, il distribuait des Coronaditos sous la Tour Eiffel !

      • Que racontes-tu Mélissa !

      • C'est sur Match, mon maître est abonné, c'est bien un agent du Service Secret du Rock'n'roll, le fils adoptif de Molossa la tueuse !

    Des gémissements de joie et des soupirs de satisfaction s'élèvent de la nuit profonde !

      • Cabron, le fils adoptif de Molossa, toute la France canine est amoureuse d'elle, muchacho Molissito, tu es un brave et le bienvenu, ce soir tu es l'hôte d'honneur de l'ACMN, l'Association des Chiens Mal-Nourris, soirée open bar ! Tu ne le regretteras pas !

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    Le séjour en Normandie se révélait moins fructueux que prévu. Le Cat Zengler et le Chef se lassèrent vite ( dix minutes ) d'enquêter, surtout que le Cat possédait une excellente cave à Bourgogne qu'il mit à la disposition du Chef qui en contre-partie l'initia aux joies du Coronado...

      • Agent Chad, je vous donne huit jours pour me ramener tout ce que l'on peut savoir sur ce groupe de rock fantôme : L'homme à deux mains, une mission difficile et dangereuse, rapport à l'aube lundi en huit à huit heures tapantes ! Exécution immédiate.

    J'ai arpenté la Normandie en long, en large, en travers, interrogé des centaines de gens, écumé les bibliothèques, interviewé des journalistes, rencontré des érudits de province, visité les milieux rock, punk, Metal, hardos, les clubs de bikers, bref, rien, rien, rien ! Et nous étions déjà le dimanche matin...

    58

    C'est la voiture qui m'arrêta dans un minuscule village, Trifouilly-les-Vikings, un bruit suspect dans le moteur, juste devant le porche de l'Eglise. Je levais le capot et m'absorbais devant l'étendue du désastre fumant... les chiens profitèrent de la portière ouverte pour se dégourdir les pattes... Au onzième coup de onze heures le portail de l'Eglise laissa échapper une vingtaine de personnes qui s'enfuirent en coup de vent... ne resta plus qu'une vieille grand-mère clopinante accompagnée de sa petite-fille. Je ne leur jetai qu'un regard rapide et je les avais déjà oubliées lorsque j'entendis des pas s'arrêter sur le trottoir

      • Regarde Noémie, une Panhard pistache, une PL 17, exactement la même avec laquelle s'est tué mon grand frère Christophe en revenant du concert de L'homme à deux mains !

      • Mamy tu pourrais inviter le Monsieur et tout lui raconter depuis le temps que tu m'en parles sans rien me dire !

      • Sûrement Noémie, il faut bien que je me délivre d'un terrible secret avant de mourir, venez Monsieur, cette couleur pistache est sûrement un signe du destin, mais vous avez un adorable chien noir, qu'il vienne aussi !

    Molossito n'était pas dans les parages, l'occasion était trop belle, il n'aurait qu'à m'attendre devant la voiture...

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    Durant tout le repas Mamy s'enferma dans un silence pesant. Au dessert Noémie me fit un signe imperceptible, il était indubitable qu'une douce attirance était en train de naître entre nos deux corps, il était temps que la vieille parlât, nous aurions bien mérité un petit moment d'intimité, la Mamy s'en aperçut :

      • Les petits, allez faire un tour dans le verger, sous le vieux pommier, cachés sous les branches qui retombent jusqu'à terre, vous serez bien. Revenez lorsque la nuit sera tombée, je ne parlerai pas avant minuit !

    60

    Minuit sonna. Nous poussâmes la porte de la salle-à-manger, Mamie était dans son fauteuil immobile, à l'instant je vis le revolver que ses doigts crispés tenaient encore au bout de son bras qui pendait. Elle était morte, Noémie poussa un grand cri, je la pris dans mes bras pour la consoler :

      • J'ai toujours su que grand-mère détenait un terrible secret, je ne pensais pas qu'elle finirait par se tuer !

      • Non Noémie, je m'y connais en armes à feu, la balle qui lui a traversé le crâne et a envoyé son cerveau s'écraser sur le cadran de l'horloge, n'a pu être tirée par son petit revolver, c'est une simulation, elle a été assassinée !

      • Mon dieu c'est terrible, j'espère que l'horloge n'a pas été trop abîmée, c'est la seule chose qui a un peu de valeur dans cette bicoque !

      • Au contraire, une fois la cervelle fossilisée et recollée dessus, tu en tireras un max aux enchères à l'Hôtel Drouot !

    Un aboiement bref de Molossa nous tira de notre affliction, la truffe au sol, la brave bête nous indiqua en remuant sa queue de contentement qu'elle avait trouvé une piste...

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    Sept heures cinquante-huit, je poussai la porte de l'appartement du Cat Zengler, le Chef alluma un Coronado avant de m'adresser la parole :

      • Je vous félicite agent Chad, deux minutes d'avance, c'est bien, vous êtes en progrès, en plus vous ramenez une charmante jeune fille, ce qui ne saurait nuire, quand vous m'aurez expliqué tout ce qu'il faut savoir sur L'homme à deux mains, nous frôlerons la perfection, par contre agent Chad, je m'inquiète, si Molossa est ici, je ne vois point Molissito !

      • Pas d'inquiétude Chef, il souffre d'une indigestion, il est en train de vomir sur la banquette arrière de la Panhard !

      • Aucune importance, je m'assois toujours devant, à la place du mort !

      • Vous ne croyez pas si bien dire Chef !

    ( A suivre... )

     

  • CHRONIQUES DE POURPRE 489 : KR'TNT ! 489 : HUMBLE PIE / HONEY CONE /ROCKABILLY GENERATION 16 / STEPPENWOLF / SOUL TIME / ROCKAMBOLESQUES XII

    KR'TNT !

    KEEP ROCKIN' TILL NEXT TIME

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    LIVRAISON 489

    A ROCKLIT PRODUCTION

    SINCE 2009

    FB : KR'TNT KR'TNT

    17 / 12 / 2020

     

    HUMBLE PIE / HONEY CONE

    ROCKABILLY GENERATION N° 16 /  STEPPENWOLF  

    SOUL TIME / ROCKAMBOLESQUES XII

     

    Humble Pie, c’est pas de la tarte

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    En quittant les Small Faces, Steve Marriott n’avait qu’une seule idée en tête : en finir avec la pop pour sonner plus rock. Il voulait ce heavier sound qu’on voit se dessiner dans «Rolling Over», l’imparable B-side de «Lazy Sunday». Il recrute les trois autres Pie un par un, Frampton parce qu’ils ont joué ensemble dans le backing band de Johnny Halliday, Shirley parce qu’il l’a vu jouer dans Apostolic Intervention et Greg Ridley parce qu’il est à ses yeux le meilleur bassman d’Angleterre. Il reprend tout à zéro et installe Humble Pie à la campagne, à Magdalen Laver, tout près de son cottage de Moreton dans l’Essex. Comme ils n’ont pas encore de compos, ils jamment sur «Walked On Gilded Splinters» de Dr John et sur «We Can Talk» du Band. Jerry Shirley est très fier de jouer dans ce groupe, car dit-il dans son book, Steve a toujours été mon idole - He’d been my idol growing up.

    Quand Andrew Loog Oldham les signe en 1969, il fonde sur eux les plus grands espoirs - I thought they’d give me back the life I’d had with the Rolling Stones. That feeling of being alive - Et ça démarre en trombe avec l’excellent «Natural Born Boogie».

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    Bon les articles de presse, c’est bien gentil, mais ça reste du papillonnage, même quand il s’agit d’Uncut. Un article ne permet pas vraiment d’entrer dans l’histoire d’un groupe, on reste en surface, avec quelques faits sommairement relatés. Pour espérer trouver un peu de cette dimension humaine qui fait la vraie histoire des groupes, rien ne vaut un récit autobiographique. Encore faut-il qu’il soit bien écrit. Quand en 2011 Jerry Shirley a publié ses mémoires sous le titre Best Seat In The House, les fans d’Humble Pie se sont jetés dessus. Il raconte l’histoire d’Humble Pie de l’intérieur, mais il fait vite apparaître une fâcheuse tendance à se mettre un peu trop en avant. Il n’arrête pas de répéter chapitre après chapitre qu’il est mineur quand il démarre sa carrière de rock star et qu’il n’a que 23 ans quand Humble Pie splitte. Le problème est qu’on espère essentiellement trouver du Marriott. Hélas, Shirley s’intéresse principalement à lui, à sa batterie, à sa famille, à son mariage, à sa maison, à sa comptabilité, à son rôle de médiateur au sein du groupe. Il parle très peu de Greg Ridley et encore moins de Clem Clemson. Quant aux albums, il donne des infos qui n’en sont pas. Ce pensum a la gueule d’un gros chou blanc. On en sort légèrement excédé. D’autant que Shirley ose démolir Stevie Marriott en mettant tout sur le dos de la coke. Il raisonne comme une bonne sœur.

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    Une fois calmé, on revient sur les bons passages. Pour Shirley, les trois acteurs clés de l’histoire d’Humble Pie sont Stevie Marriott, Andrew Loog Oldham et Dee Anthony, leur manager américain. Au début, tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil, surtout Stevie. Shirley nous décrit un Stevie obsédé par le travail en studio, à Olympic No. 2, work work work - with abundant amounts of liquid methedrine - Shirley n’est pas le genre de mec avec lequel on peut partager sa dope, car il a une tendance à balancer. D’ailleurs, il le dit lui même : lors d’une tournée sur la côte Ouest, il va trouver les flics pour dénoncer un Américain qui élève une petite panthère en lousdé. En fait c’est ça qui le grille : Shirley est une balance.

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    Dans ses premiers chapitres, il redit le rôle considérable qu’ont joué les Small Faces en leur temps - Everybody loved the Small Faces - Et il ajoute que ceux qui disaient le contraire les aimaient secrètement. Selon Shirley, un album comme Ogdens’ n’a jamais été égalé. Un autre album du même niveau ? I’m still waiting to hear it. Il se souvient aussi de la première fois où il rencontra Stevie, au temps des Small Faces. Il portait un costume conçu par Dougie Millings, le tailleur qui habillait les Beatles : veston pied de poule noir et blanc, gilet à double rangée de boutons, pantalon noir en silk-mohair et pompes blanches. Quand Stevie reçoit ses amis chez lui, il propose de l’herbe ou de la méthédrine. On est alors à l’apogée du mouvement des Mods anglais. Les Small Faces et les Who en sont les figures de proue.

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    C’est un coup de fil de Stevie qui va bouleverser la vie du petit Shirley : «Ello mate, it’s Steve.» Marriott l’appelle pour l’embaucher dans Humble Pie, en complément de Peter Frampton et de Greg Ridley. Shirley commence à fréquenter Stevie quotidiennement et le trouve très intense, peut-être même un peu trop. Stevie est épuisant. Il n’arrête jamais. Trop d’énergie. Overwhelming. Shirley découvre autre chose : en studio, Stevie enregistre en une seule prise. Il est connu pour ça. One take ! Il faut savoir que Stevie Marriott est un enfant de la balle. Il fait de la scène depuis l’âge de 11 ans, il sort de l’Italia Conti Academy’s drama school et a joué avec des gens comme Peter Sellers, Laurence Olivier et John Gieguld. Alors, il ne faut pas lui raconter d’histoires. Stevie est une bête de scène et il lui faudra les stades américains pour donner sa vraie mesure. Ce petit bout de cockney va tenir des dizaines de milliers de personne en haleine avec sa bravado et son immense talent de shooter - His masterful ability to read a crowd and grab their attention was second to none - Shirley en fait quand même le plus grand performer de son temps. Stevie est un mec entier. Il fonce et réfléchit après. Fuck it and think about it second, ou mieux encore, don’t think about it at all. Consequences, what consequences? Fuck consequences. C’est le portait d’un vrai punk. Stevie provoque même les flics de Miami sur scène. On lui interdit de prononcer la moindre grossièreté et la première chose qu’il fait en arrivant sur scène est de gueuler : «Goddam motherfuckin’ rock’n’roll !» Pour échapper aux flics venus l’arrêter, il sort en douce avec son road-manager et éclate de rire dans la bagnole qui l’emmène à l’aéroport. Don’t fuck with Stevie Marriott. Bob Tench salue quant à lui l’admirable capacité qu’a Stevie à brûler la chandelle par les deux bouts. Et même par le milieu, ajoute-t-il. C’est ce que ne comprend pas ce pauvre Shirley qui se permet de dire à un moment : «Par ses effets sur une personnalité, la coke peut faire monter le pire comme le meilleur. Dans le cas de Steve, elle a fait monter le pire. Il est devenu quelqu’un d’autre.» Et voilà comment on condamne les gens. C’est là où Shirley entre dans son délire Doctor Jekyll & Mister Hyde : Stevie devient Melvin, the pain-in-the-arse alter ego, le catcheur fou qui saccage les chambres d’hôtel, épaulé par son bras droit Greg Ridley. Shirley n’aime pas qu’on saccage les chambres d’hôtel, car dit-il ça affecte la comptabilité du groupe. Il devient tellement béni oui-oui qu’on finit par se demander ce qu’il fout dans Humble Pie. Dans les altercations, Stevie ne se confronte pas, il explose, et d’ailleurs Shirley l’affronte à deux reprises. Il ose dire que si Dee Anthony ne l’avait pas retenu, il aurait massacré Stevie Marriott. Voilà où nous mènent les abus d’égotisme. On se croit permis de dire des choses qui dépassent la pensée. Shirley ose même dire que Stevie dépense trop et qu’il tape dans la caisse du groupe - severely diminishing the band’s money - Ce qu’il faut comprendre à travers tout ce déballage, c’est qu’un mec comme Stevie Marriott était trop hot, trop génialement out of it pour un mec atrocement normal comme Jerry Shirley. Ce qu’il nous raconte des excès de Stevie Marriott n’est pas méchant, au fond. Le problème est qu’il n’arrive pas à mesurer la hauteur de sa démesure. On imagine aisément que fréquenter une pile électrique comme Stevie Marriott doit être une expérience très spéciale, mais diable, c’est l’occasion ou jamais de lui rendre hommage. L’hommage est la seule chose qui compte. À travers le ton vaguement médisant de ses commentaires, Shirley ne fait que jeter la lumière sur sa propre médiocrité. On ne peut même pas lui en vouloir au fond, car la nature humaine est ainsi faite. La plupart des gens souffrent d’un étriquement de la cervelle, et de toute évidence Stevie Marriott n’en souffre pas. Il crée son monde, coke ou pas coke. Les chansons peuvent témoigner de sa grandeur, des albums comme Ogdens’ Nut Gone Flake et Smokin’ comptent parmi les fleurons du rock anglais et tout ce qu’il a enregistré avec les Blackberries vaut dix fois son pesant d’or.

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    Quand il ne parle pas de Stevie, Shirley propose des passages relativement agréables. Il rappelle qu’entre octobre 1966 et octobre 1967 sont sortis «Stawberry Fields Forever» et «Penny Lane», «Hey Joe» et «Purple Haze», «I Feel Free» et «Strange Brew», «I Can See For Miles» et «Good Vibrations». Il précise en outre que ce qu’expérimentaient Hendrix et les Beatles en studio n’avait jamais été fait auparavant. Il rappelle aussi qu’entre l’été 1970 et le printemps 1971, il a joué sur les deux albums solo de Syd Barrett, sur le Smash Your Head Against The Wall de John Entwistle et sur le Live In London de B.B. King. En plus des deux premiers albums d’Humble Pie sur A&M. Autre chose : la première fois qu’ils tournent aux États-Unis, les mecs d’Humble Pie mesurent l’écart qui les séparent encore des grands groupes américains, notamment Santana dont ils assurent une première partie au Fillmore East. Aux yeux de Shirley, Santana est ce qu’il a vu mieux. Ce soir-là, Santana fait sept rappels, du jamais vu pour des petits Anglais fraîchement débarqués à New York. Autre info de taille : Peter Frampton voulait Chas Chandler comme manager, mais Chandler était trop gourmand.

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    Le premier album d’Humble Pie sort donc sur Immediate en 1969. Il s’appelle As Safe As Yesterday Is et dépasse toutes les espérances du Cap de Bonne Espérance. On y patauge dans des énormités dignes des Small Faces, tiens comme ce «Desperation» chargé d’orgue comme une mule. Stevie Marriott fait le même son qu’avant, mais avec d’autres gens. Franchement, ce hit désespéré vaut bien «All Or Nothing». Allez, on va dire la même chose de «Safe As Yesterday». Chez eux, tout réside dans l’art de charger la barcasse de la rascasse. Marriott fabrique des horizons, il chante avec la puissance d’un enfonceur de lignes ou si tu préfères d’un polarisateur d’effets telluriques. On retrouve ce son de rêve à l’Anglaise dans «Stick Shift» et «Butter Milk Boy». Avec le «Bang» d’ouverture de B, Stevie rocks it off. Il fait du big heavy rock sur le riff de «Teenage Head». On retrouve tout ce big heavy rock mêlé au souffle putride du vieux boogie anglais dans «A Nifly Little Number Like You» et ils reviennent au rock anglais idéal avec un «What You Will» aussi ultra brillant qu’ultra chanté.

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    Town And Country paraît la même année. Back to the big Pie avec «The Sad Bag Of Shaky Jake», monté sur un template Small Faces et généreusement tartiné d’harmo. Stevie Marriott adore ce son là, ce heavy tempo avec une petite guitare en surface. C’est Greg Ridley qui vole le show sur un «Down Here Again» joué à la heavyness de gras double. C’est de la tarte et de la bonne. Curieusement, les beaux morceaux de l’album sont les plus paisibles, comme ce «Silver Tongue» planqué en B et qui renvoie bien sûr aux grandes heures de «Tin Soldier». C’est mélodiquement sur-développé, Stevie Marriott tartine sa Tongue du haut de sa petite glotte fébrile et rose et ça joue à la heavyness de bénédiction. Ces quatre mecs jouent la pop-rock d’Angleterre avec un certain panache. On se goinfre aussi de «Only You Can See» que Stevie Marriott chante du haut de son talent - Tell me what to think/ And I’ll fix myself.

    Shirley a la chance de rencontrer Andrew Loog Oldham -He didn’t have star quality, he was star quality - Il porte un costume trois pièces en silk-mohair taillé sur mesure et encourage Humble Pie à pomper les hits des autres, mais en évitant de se faire prendre.

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    Comme Immediate dépose le bilan, Andrew Loog Oldham conseille à Humble Pie de signer avec A&M. Leur troisième album sobrement titré Humble Pie sort l’année suivante. A&M investit 400 000 $. Somme énorme qui équivaudrait aujourd’hui à 4 millions de dollars. Glyn Johns produit l’album et se fritte souvent avec Stevie Marriott - A cocky little fucker is what he was - C’est l’époque où Humble Pie s’offre des poids lourds du management : Dee Anthony et surtout Frank Barsalona qu’on disait affilié à la mafia. Dee met au point un plan to crack America. Il traite Humble Pie comme une équipe de foot américain et donne des coups de sifflet. L’idée est de dégager la tête d’affiche - You’re here to blow the headliner off stage ! - Et ça marche !

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    Bel album que ce troisième album de la Pie. Il s’ouvre sur «Live With Me», un heavy drama à la Marriott. Il tartine une fois de plus à l’outrance de la bectance et on entend ce diable de Ridley voyager dans le son. Si on aime la heavyness, on est servi. Ils nous refourguent une heavy bourre de boogie avec «One Eyed Trouser Snake Rumba» et tout le poids de la Pie retombe sur le rock anglais à coups d’I wanna know-ow. On trouve encore deux hits en B : «I’m Ready» et «Red Light Mama Red Hot». Encore du heavy shoot de Pie. Stevie Marriott emmène le son au combat, il sonne comme un vrai chef de meute, I’m ready for you, et se fait plus menaçant avec le Red Light Mama. Il y fait une moisson de born to lose et de red hot. Tout chez eux est prémédité, ils vont sur le heavily lourd et Greg Ridley en rajoute une louche avec son gras double. Ils sont parfaits dans leur rôle de Pie. Humble Pie est le gendre idéal du rock anglais.

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    Comme ça se passe bien chez A&M, ils font feu de tout bois avec Rock On et sa pochette à motos. Ça démarre avec l’incroyable «Shine On» et derrière un Stevie Marriott chauffé à blanc, on entend PP Arnold, Claudia Lennear et Doris Troy. On est maximum des possibilités du genre, c’est-à-dire le rock seventies. On a là des chœurs de cathédrale. «79th And Sunset» sonne comme un boogie pianoté des Small Faces. C’est l’absolue perfection. Stevie Marriott sonne irrémédiablement juste. Il est le boogie man définitif. On le voit aussi exploser «Sour Grain». Il est partout à la fois, dans la mélodie et dans le shout, dans les extrêmes et dans le soft. C’est un chanteur complet, l’égal de Rod The Mod et de Chris Farlowe. Il nous fait encore le coup de l’archétype fondamental avec «Stone Cold Ferver». Il chante cette merveille à la petite urgence de la prestance. En B, il nous sort de sa manche «The Light», un heavy balladif solidement ancré au rocher. Oui, ça sonne comme un coup de Trafalgar à Gibraltar. Tout ici est joué dans les règles de l’art. La Pie ne sort que des albums classiques de heavy rock anglais. Et voilà un «Strange Days» qui ne doit rien aux Doors. Aw my Gawd, comme ce mec chante bien ! Il remplit tout l’espace d’une chanson, surtout lorsqu’il s’agit d’un heavy balladif. Il travaille sa matière au corps avec un épouvantable feeling. Aux yeux de Jerry Shirley, Rock On est l’un de leurs meilleurs albums et les sessions d’enregistrement the most enjoyable we ever did.

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    Lors de son âge d’or, au temps des grandes tournées américaines, Humble Pie égalait en popularité les Stones, les Who et Led Zep. C’est en tous les cas ce que montre Performance. Rockin’ The Fillmore, un double album live qu’il faut hélas considérer comme indispensable. Stevie Marriott chante «I’m Ready» comme un prêcheur fou du XVIe siècle. La Pie nous fait le coup de l’apanage du heavy riffing. La Pie couronne le tout. La Pie joyaute la couronne. C’est absolument renversant de véracité. Ils plâtrent leurs couches de son les unes par dessus les autres, comme des gros cataplasmes organiques. Cet amoncellement de plâtras soniques finit par devenir luminescent. Et quand il annonce «Stone Cold Fever», Stevie Marriott prend son plus bel accent cokney : «It’s côlled Ston’ Kôl Fïvah !» Bien sûr, ce sont des versions longues, ce qu’on pouvait leur reprocher à l’époque. Ils jouent le riff de «Rolling Stone» pendant trente minutes et Stevie Marriott monologue, alors la foule participe. Pour le final éblouissant, il chante tout simplement par dessus les toits. C’est là qu’il fait ses preuves en tant que showman d’exception. L’autre quart d’heure de vérité est la version d’«I Don’t Need No Doctor». Ils sont excellents dans leur rôle d’allumeurs de brasiers. Ils nous torchent ça au big heavy fat sound de rêve et au chant d’arrache permanent.

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    Frampton quitte le groupe au moment où paraît Performance. Rockin’ The Fillmore, en 1971. Il veut aller faire a soupe. Steve Marriott se sent trahi, comme se sont sentis trahis avant lui Plonk Lane, Mac et Kenney Jones quand il les a abandonnés. En remplacement de Frampton, Humble Pie commence par envisager Peter Walsh qui vient de quitter le James Gang. Walsh décline l’offre car il lance un autre projet, Barnstorm. Puis ils sollicitent Mick Abrahams, mais Abrahams dit qu’il ne peut rien leur apporter. C’est Clem Clempson qui remplace le traître sur le bien nommé Smokin’ paru en 1972. Avec Clem, Humble Pie va sur un son encore plus heavy, comme si c’était possible. La Pie, ce n’est décidément pas de la tarte. Il s’agit sans doute là de leur meilleur album, le plus exacerbé. On entend la basse de Greg Ridley rouler sous la peau de «Hot N Nasty» et Clem Clemson rentre dans le lard du boogie dévastateur chanté au sommet de l’art. Et ça explose encore plus avec «The Fixer» joué à la cloche de bois. Clem dégouline de wah. Il devient le guitariste idéal de la Pie, beaucoup plus rock que Frampton. Ils font une version bien grasse de «C’mon Everybody». Cet album est une leçon de riffing. Stevie Marriott y fait de la Soul de rock. En B, «30 Days In The Hole» saute au pif, pas au paf. Ils frisent la Stonesy, Clem ramène du beefy Keef et Stevie Marriott chante à la volée. Il est le roi de la haute voltige de yeah-eh-eh. Shirley explique dans son livre que «Thirty Days» est basé sur une histoire réelle : une shoote entre automobilistes, Dee Anthony et un mec s’insultent et Dee frappe, fout l’autre KO et passe au tribunal où on lui annonce le tarif : ‘30 jours au trou’. On passe au Zyva Mouloud du blues de rêve avec «I Wonder». Avec la Pie, le blues peut vite devenir idéal. Stevie Marriott peut en effet chanter comme un damné. La basse de Greg Ridley gronde dans le son et Clem s’écroule dans une mare de wah ! Wow ! Ils bouclent cet épatant bouclard avec «Sweet Peace And Time», une sorte de hit définitif joué au riff vainqueur, hanté par des descentes vertigineuses et gorgé de bassmatic. Oh la mirifique élégance du riff ! Voilà où se niche le génie de la Pie : dans les fumées de Smokin’. Tout est mené au gras double sur cet album tombé du ciel.

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    Steve Marriott n’écoute plus les conseils de personne et produit lui-même Eat It. Trop de basse dans le mix, les cuts ne passent pas en radio. Le pauvre Steve sniff-snaff des montagnes de coke et se croit le roi du monde. Clem remarque qu’à l’époque, le management s’enrichit considérablement, mais pas le groupe. Humble Pie remplit le Madison Square Garden et les plus gros stades américains. Où sont passés les millions de dollars ? Toujours la même histoire.

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    Ce qui ne nous empêche pas d’écouter Eat It, un autre double live mémorable pour sa version du «Black Coffee» d’Ike & Tina. La basse de Greg Ridley est bien montée dans le mix, alors on se régale, car Ridley bombarde. Dans les chœurs, on retrouve la légendaire Venetta Fields, l’ex-Ikette. Du coup, on écoute les chœurs de «Get Down To It» attentivement. Stevie Marriott joue torse nu et nous propose une fois encore du pur jus de Soul de rock. Get down ! Il profite des chœurs de rêve pour taper un coup de gospel batch avec «Is It For Love». Idéal pour un shouter comme lui. Les filles s’en donnent à cœur joie. Et Ridley fait le show sur sa basse. Il s’en va jouer des notes suspendues en bas du manche. Stevie Marriott repend aussi l’excellent «I Believe To My Soul» de Ray Charles et Clem y fait un festival. Ils tapent aussi dans le «Shut Up & Don’t Interrupt Me» d’Edwin Starr, idéal pour un petit white niggah comme Stevie Marriott. Derrière, les filles envoient de la niaque à la pelle et un sax vient allumer la sainte-barbe à la manière de Junior Walker. Que peut-on rêver de mieux ? En D, Stevie Marriott vient chanter «Up Your Sleeve» à la pointe de la glotte, à la petite hurlette de Hurlevent. Wow, quel fuckin’ screamer ! Il est beaucoup plus perçant que Robert Plant. C’est un conquérant.

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    Les Blackberries jouent un rôle considérable dans le son d’Humble Pie. Autour de Venetta Fiels, on trouve Clydie King, ex-Raelette et Billie Barnum, la sœur de H.B. Barnum, chef d’orchestre d’Aretha - These girls were the very best of the very best - Stevie avait compris l’importance vitale du backing de blackettes. Cette fascination remonte au temps où avec Plonk Lane il accompagnait P.P. Arnorld.

    Après une shoote entre Stevie et Shirley, l’ambiance se dégrade au sein d’Humble Pie. Stevie auditionne pour les Stones et les trois autres envisagent d’embaucher un chanteur pour le remplacer. C’est l’un des passages assez comiques du livre de Shirley. Par qui peut-on remplacer Stevie Marriott ? Bonne question ! Ils se creusent les méninges. Ils commencent par envisager Bobby Tench qui a chanté avec le Jeff Beck Group. Mais Bobby venait tout juste de rejoindre Hummingbird. De son côté, Dee Anthony suggère Billy Joel, ce qui fait bien marrer les trois autres tartes. Finalement, ils décident de continuer avec Stevie.

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    Paru en 1974, Thunderbox est avec Smokin’ l’autre grand classique de la Pie. Stevie Marriott plante le décor dès le morceau titre, un solide romp de Pie bien bardé de son. Ils passent au funk de Pie avec «Rally With Ali». Clem y wah-wahte et les chœurs sont si tendus qu’ils marquent les mémoires au fer rouge. En B, ils tapent «Don’t Worry Be Happy» à la tension maximale. C’est du grand art, ils tiennent bon le beat de syncope. Voilà encore un hit innervé tendu à craquer et beau comme un cœur. Stevie Marriott monte en neige la heavyness d’«Every Single Day». Entre la Pie et Slade, on a ce qui peut exister de mieux en matière de rock anglais bien chanté et bien sonné des cloches. Cette fois, c’est Clem qui se balade dans le son. Ils rendent un vaillant hommage à Chucky Chuckah avec «No Money Down» et dans «Oh La Deda», ce démon cornu de Marriott sonne comme Noddy Holder. Il nous fait le coup du boogie de la joie de vivre, l’humble boogie de la Pie avec un Marriott au sommet de son art. Les chœurs jubilent, C’mon ! C’mon ! On entend aussi Venetta Fields derrière lui dans «Groovin’ With Jesus» et il fait une très belle version du hit d’Ann Peebles, «Can’t Stand The Rain». Il y rivalise une fois encore de grandeur avec Noddy Holder. Il chante au velouté de feeling perçant. Stevie Marriott n’en démord jamais. Il peut ahaner ses syllabes et revenir allumer son brasier sans ciller.

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    En fait, Stevie Marriott et Greg Ridley commencent à travailler tous les deux sur leur projet, le fameux Joint Effort qui vient tout juste de paraître et qui n’était jamais sorti. Ils travaillent chez Stevie qui ne veut plus entendre parler d’Humble Pie. Pourquoi ? Parce qu’il vient de passer quatre ans on the road, soit 21 tournées américaines et qu’il n’a pas un sou en banque. Il s’est encore une fois fait plumer comme une oie blanche. Mais Dee Anthony ne veut pas lâcher la vache à lait Humble Pie et exige que le groupe reparte en tournée. Pire encore, il parvient à ‘confisquer’ les enregistrements sur lesquels Stevie et Greg travaillent et demande à Andrew Loog Oldham de mixer les cuts pour un album. C’est la raison pour laquelle on retrouve des cuts que chante Greg Ridley sur Street Rats. Stevie Marriott est écœuré par les méthodes du ‘management’. Il dit qu’on a volé ses enregistrements. Clem ajoute que tout a été bricolé dans leur dos et quand l’album est sorti, ils étaient horrifiés.

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    Street Rats paraît en 1975. On y trouve une fantastique reprise du «Rain» des Beatles. La perle rare, la reprise transfigurative absolue. Stevie Marriott en fait une version heavylyment belle avec des chœurs de gospel et des guitares psychédéliques. On se croirait à l’âge d’or des Small Faces. Stevie Marriott a du génie pour dix. Il fait une autre cover des Beatles qui ne marche pas avec «We Can Work It Out». Le morceau titre sonne comme de la bonne Pie, d’autant que Marriott descend dans son petit guttural de cockney. Belle ambiance délétère en osmose avec la photo du dos de pochette, où pérore une Pie des bas fonds avec au premier plan un Marriott en forme de petite frappe sicilienne. Ils tapent en B «There ‘Tis» au heavy boogie insidieux et nous servent une merveilleuse tranche de Pie, avec du Marriott bien tartiné en surface et bien cuivré aux entournures. S’ensuit le «Let Me Be Your Lovemaker» de Betty Wright que chante au guttural Greg Ridley, avec une magnifique montée de power surge mélodique. D’ailleurs, Greg Ridley chante pas mal de cuts sur cet album, c’est aussi lui qui prend le lead sur «Drive My Car» des Beatles et «Countryman Stomp». Stevie Marriott referme la marche avec un «Queens & Nuns» digne de «Natural Born Boogie».

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    Les chiffonniers de Cleopatra n’ont même pas été foutus de mettre la bonne photo d’Humble Pie sur la pochette de Joint Effort. On y voit Frampton ! Cet album miraculé est un document intéressant car Stevie Marriott et Greg Ridley s’amusent tous les deux à reprendre le «Think» de James Brown. Greg Ridley chante «Midnight Of My Life» et «Let Me Be Your Lovemaker» au meilleur feeling qui soit. Comme le son est très dépouillé, la basse monte au devant du mix. On retrouve aussi la version de «Rain» qui figure sur Street Rats, avec une voix un peu plus noyée dans le son. Toute la heavyness miraculeuse de la Pie est là. Ils chantent à deux «Snakes & Ladders». Stevie gratte sa gratte et Greg shoote son drive. Ils sont effarants de persistance. Dans son lancé de syllabes, Greg Ridley rivalise de feeling avec son poto Stevie. Encore un fantastique shoot de Marriott dans «Charlene». Ça reste de la Pie de haut vol, bourrée de feeling. Il craque la peau du feel au chat perçant et joue tout à la revoyure.

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    Tout fan d’Humble Pie se doit de rapatrier la mini-box Life & Times Of Steve Marriott + 1973 Complete Winterland Show parue en 2019. Please welcome the world’s finest, Humbe Pie et on tombe directement dans le melting pot avec «Up Your Sleves» et un Marriott demented qui chante son ass off. Ces mecs sont des fous extrémistes, il ne faut jamais l’oublier. Hallucinant de power ! Jamais aucun chanteur n’a shouté la Soul de rock comme Steve Marriott, JAMAIS. Il est le plus extrême et le plus pur. Leur «4-Day Creep» dégouline de jus, c’est du heavy rock de rêve. Marriott prêche et la foule lui répond, il s’élève au dessus de toutes les cocotes, the one and only Steve Marriott. Ils font un «Honky Tonk Woman» de 25 minutes et le terminent en beauté, en mode full tilt boogie et chœurs de gospel batch. Ça prend même une tournure extravagante qui va bien au-delà du gospel. Steve Marriott embrase le firmament et les filles tentent de le rejoindre au sommet de sa folie. C’est la plus grosse cover de Stonesy jamais enregistrée. Puis il présente les Blackberries, «one of my heroes, Miss Venetta Fields, one killer Clydie King and Sherlie Matthews !». Sans doute avons-nous là l’un des enregistrements live les plus excitants de l’histoire du rock. Dans «Believe To My Soul», ce démon de Marriott ne peut pas être mieux suivi. Les filles pulsent l’All you need, elles ont fait ça toute leur vie, Venetta et Clydie font la grandeur de la clameur. On a le meilleur heavy rock d’Angleterre et des folles en contrepoint. Que demander de plus ? Nous voilà de retour dans Smokin’ avec «Thirty Days In The Hole», ça tisonne dans la fournaise, avec un Marriott au sommet de son art, il allume à n’en plus finir. Il est brillant et punchy à la fois. Power & guts. C’mon let’s get funky et pouf, ils attaquent un «(I’m A) Roadrunner» de douze minutes. Rien de plus heavy sur cette terre que cette version. Venetta monte ensuite au paradis avec Steve Marriott pour «Hallelujah (I Love Her So)». Les filles font le show, pas de problème. La Pie monte encore au sommet de la heavyness avec «Don’t Need No Doctor» et l’impression d’entendre le live de dream come true persiste et signe.

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    Le docu Life & Times Of Steve Marriott vaut son pesant d’or, car tout ce qui touche à Stevie vaut son pesant d’or. Le réalisateur s’appelle Gary Katz et il nous régale de vieux plans des Small Faces en noir et blanc : wow la classe de Stevie et de Plonk Lane dans «Itchycoo Park» et dans «Lazy Sunday», et cette façon qu’ils ont tous les deux de se balancer d’un pied sur l’autre, guitare et basse assez basses sur les cuisses et Plonk qui envoie des chœurs de rêve ! Simon Kirke, Chris Farlowe et d’autres ténors du barreau viennent témoigner de la grandeur des Small Faces. On voit aussi Greg Ridley chanter le premier couplet de «Natural Born Boogie», Frampton prend le deuxième et Stevie le troisième. Pur jus d’Humble Pie. Jerry Shirley rappelle comme il le fait dans son book qu’en 69, c’était compliqué pour un groupe anglais de débarquer aux États-Unis - When everything was you rock or you drop (ça passe ou ça casse) - Quand Immediate coule, Andrew Loog Oldham donne à Stevie le numéro de Jerry Moss, le boss d’A&M qu’on voit aussi témoigner et qui va lancer la carrière US d’Humble Pie. Moss rappelle qu’it was a big investment. C’est Moss qui leur flanque un manager de choc, Dee Anthony, qu’on voit aussi dans le film, spécialisé dans les groupes anglais qui voulaient ‘percer’ aux États-Unis (break the USA). Et puis Frampton explique qu’il a quitté la Pie parce qu’il était frustrated. Pauvre choupinette. C’est comme l’histoire de Noel Redding qui décide de quitter l’Experience : quand on a la chance de partager la scène avec un génie, on reste. Il faut être complètement con pour partir. De toute façon, l’histoire d’Humble Pie est une histoire tragique. Le bon côté du départ de la choupinette, c’est le sang neuf qu’amenait Clem Clemson. Un bien pour un mal, comme on dit.

    Humble Pie donne son dernier concert à Houston, en mars 1975. Dans le groupe, tout le monde est soulagé que ça s’arrête. Ils ne supportaient plus de voir Steve Marriott tout démolir, à commencer par lui.

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    Retournez la pochette d’On To Victory et vous verrez Stevie prêt à en découdre, la clope au bec, le cheveu taillé court, le jean remonté aux bretelles comme chez les skins de l’East End. Ne reste de la Pie que Jerry Shirley. Bobby Tench et Anthony Jones remplacent Clem et Greg Ridley.

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    Ça démarre avec un «Fool For A Pretty Face» qui continue de faire toute la différence. Stevie vire de plus en plus cockney, comme si Dickens avait inventé de boogie rock. Stevie rayonne dans son personnage d’Artful Dodger. On reste dans le big heavy sound avec «Infatuation». Stevie scande bien son besoin de love et un beau solo de sax vient envenimer les choses. La fête continue avec «Take It From Here» encore plus heavy et même assez mystérieux. L’album se révèle admirable de heavyness. On croit même entendre les accords que gratte Rundgren dans «Number One Common Lowest Denominator». En B, Stevie propose l’un des hot takes de Soul blanche dont il a le secret avec «Baby Don’t You Do It». On se régale du bassmatic d’Anthony Jones, c’est joué dans les règles de l’art suprême. En fait, Humble Pie ne faiblit pas. La voix, le son, les cuts sont là. C’est un album qu’il faut ranger précieusement sur l’étagère. Encore une merveille de Marriott swagger avec «Further Down The Road». Il faut le voir scander son gimme love gimme love. Les dynamiques internes de la Pie montrent clairement l’exemple à suivre.

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    Il ne faut pas prendre un album comme Go For The Throat à la légère, même si la pochette est complètement foireuse. Stevie Marriott s’entoure encore de Bobby Tench, d’Anthony Jones et de Jerry Shirley pour reprendre des gros trucs comme «All Shook Up» ou «Tin Soldier». Avec l’All Shook Up, ils tentent de refaire le coup du Jeff Beck Group qui avait aussi tapé dans cette merveille. Gros coup de nostalgie avec «Tin Soldier». C’est imparable, bien noyé d’orgue comme au bon vieux temps. Impressionnant aussi ce «Driver» blasté à l’harmo. Ce diable de Stevie sait ménager ses effets au lookout ! On trouve en B un «Restless Blood» surchauffé. Stevie chante au sommet des barricades, il harangue le rock, il shoote tout ce qu’il peut. C’est un héros des temps modernes. Il nous sert aussi une version stupéfiante de «Lottie & The Charcoal Queen». Il y devient héroïque, il chante ça avec toute l’aménité d’un géant du rock anglais. Il chante tout simplement à pleine puissance. Voilà encore un hit énorme, un paradigme de la heavyness. Il est le roi de toutes les insistances. Et voilà pour terminer «Chip Away». Il fonce jusqu’au bout du bout, il ne relâche jamais son emprise sur le rumble, il n’en démord pas, c’est un jusqu’au-boutiste faramineux, il chante comme un seigneur des annales ruisselant de sueur au sommet des barricades. Stevie Marriott est un screamer victorieux, même si le business l’a réduit en bouillie. Il est l’un des derniers héros d’un rock anglais si richement peuplé.

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    Bobby Tench remplace Stevie Marriott sur Back On Track, enregistré en 2002, soit onze ans après la mort de Stevie. Du Pie d’origine ne restent que Jerry Shirley et Greg Ridley. C’est déjà pas mal. Big sound, c’est sûr, mais la gouaille a disparu. «Dignified» et «The Red Thing» sonnent pourtant comme des gros trucs. C’est Greg Ridley qui décroche la timbale en chantant «Still Got A Story To Tell». Il chante ça à la vieille arrache. On sent le vétéran d’Immediate, il a tout vu, tout vécu et fait encore ses lignes de coke avec un Bowie knife planqué dans sa botte. Il reste au lead pour «All I Ever Need», un heavy groove d’excellence. Ils savent encore jouer leur va-tout. Zoot Money vient chanter «This Time». Zoot fout son nez dans les affaires du shuffle, il a bien raison. Magnifique association de légendes. Zoot can beat it ! Il en devient extravagant. Bobby revient chanter les vertus de la planche à pain avec «Flatbusted» et l’expédie en enfer. Ce mec chante comme un dieu, on le sait depuis longtemps, mais un album d’Humble Pie sans Stevie, c’est extrêmement bizarre. Greg Ridley reprend le lead sur «Ain’t No Big Thing». On laisse le mot de la fin à l’excellent Bobby Tench qui fait un carton avec «Stay On More Night». Il est parfaitement apte à faire sa Pie.

    Signé : Cazengler, Pie bavarde

    Humble Pie. As Safe As Yesterday Is. Immediate 1969

    Humble Pie. Town And Country. Immediate 1969

    Humble Pie. Humble Pie. A&M 1970

    Humble Pie. Rock On. A&M 1971

    Humble Pie. Performance. Rockin’ The Fillmore. A&M 1971

    Humble Pie. Smokin’. A&M 1972

    Humble Pie. Eat It. A&M 1973

    Humble Pie. Thunderbox. A&M 1974

    Humble Pie. Street Rats. A&M 1975

    Humble Pie. On To Victory. A&M 1980

    Humble Pie. Go For The Throat. A&M 1981

    Humble Pie. Back On Track. A&M 2002

    Humble Pie. Joint Effort. Cleopatra Records 2019

    Humbe Pie. Life & Times Of Steve Marriott + 1973 Complete Winterland Show. Cleopatra Records 2019

    Rob Hughes : Natural born boogie. Uncut # 263 - April 2019

    Jerry Shirley. Best Seat In The House. Drummin’ In The 70s With Marriott Frampton And Humble Pie. Rebeats 2011

    Just like Honey Cone

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    Honey Cone ? Franchement, avec un nom pareil, ces trois Soul Sisters n’avaient aucune chance en France. Les anglo-saxons y verront un cône au miel mais dans nos contrées, on y verra quelque chose de nettement moins glorieux. Ça, c’est la première chose. Deuxième chose : comment cet obscur trio de Soul datant des early seventies pourrait encore intéresser les gens ? C’est d’ailleurs le problème que posent tous ces groupes de Soul tombés dans l’oubli : ils pullulent et ils sont tous passionnants, mais par les temps qui courent, il semble que la qualité artistique soit déchue de son rôle d’arbitre des élégances. Troisième chose : la récente disparition d’Edna Wright nous servira de prétexte à saluer ce trio de Soul Sisters qui dès les early seventies tenta en vain de s’aménager une place au soleil. Ces trois fabuleuses petites blackettes eurent le temps d’enregistrer quatre albums qui font ici l’objet d’un chouchoutage intensif. Gageons qu’Edna Wright verra d’un bon œil qu’on prenne le prétexte de sa disparition pour rendre un ultime hommage à l’existence éphémère d’Honey Cone.

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    Leur histoire date de l’époque du rebondissement des frères Holland. Après avoir quitté Motown pour cause de «désaccord financier», Brian & Eddie Holland montent leur propre label, Hot Wax/Invictus, avec leur compère Lamont Dozier. Ils n’ont qu’un objectif : faire leur propre Motown. Comme ils n’ont pas les Supremes, ils proposent un succédané avec Honey Cone, un trio de Soul Sisters prêtes à en découdre. Carolyn Willis est la plus sexy des trois, avec sa belle afro (à droite sur l’illusse). Edna Wright (au centre) est la sœur de Darlene Love et comme Etta James, elle se teint les cheveux en blond, ce qui lui donne l’air d’une reine des lupanars de Kansas City. Comme sa frangine, elle est passée par les Blossoms et les Raelettes. Et comme Carolyn Willis, par des grands groupes de gospel dans les early sixties. Ces filles sont des Californiennes nées dans les années 40 et en arrivant sur Hot Wax, elles avaient déjà quelques albums au compteur (Brothers & Sisters, Cogics, Sweethearts, Girlfriends). La troisième s’appelle Shelly Clark, une native de Brooklyn qui a pour mari Verdine White d’Earth Wind & Fire. C’est aussi une ex-Ikette, comme P.P. Arnold et Venetta Fields. Donc on voit d’ici le pedrigree des trois cocottes.

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    Elles ne vont enregistrer que quatre albums sur Hot Wax entre 1970 et 1972, mais ce sont d’excellent albums de Detroit Soul. Le premier s’appelle Take Me With You. Elles s’y montrent plus féroces que les Supremes sur au moins un cut : «My Mind’s On Leaving But My Heart Won’t Let Go». Elles explosent le power des Supremes, ça chante dans tous les coins, elles sont invincibles, bien plus vitupérantes que les Supremes. Au fond ça n’a rien d’extraordinaire, puisque les frères Holland et Lamont Dozier composaient les hits des Supremes. Elles refont les Supremes avec «Girls It Ain’t Easy». Ah quel régal, même son, même sens du gros popotin, c’est un beat destiné à conquérir le monde. On note dès «Sunday Morning People» la présence d’une fantastique énergie. Voilà un hit digne de ceux d’Aretha et une guitare fuzz rôde par endroits comme un loup dans la bergerie. Avec «Son Of A Preacher Man», les voilà de nouveau sur les traces d’Aretha, mais aussi de Dusty chérie. Honey Cone, c’est la réponse directe à Motown. Et puis voilà un «You Made Me So Very Happy», une pure merveille, c’est aussi beau que du Burt. En B, elles visent plus la tête des charts avec des trucs comme «Aquarius» ou «Take My Love». Elles restent dans l’esthétique Tamla/Supremes avec «While You’re Out Looking For Sugar». Les voilà lancées dans leur élan suprême. Sacrées Cone, elles y croient dur comme fer.

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    Sweet Replies fait un peu doublon avec l’album précédent, car on y retrouve «Sunday Morning People», «My Mind’s On Leaving But My Heart Won’t Let Go» et cet «Are You Man Enough Are You Strong Enough» qui sonne exactement comme l’«I Know I’m Losing You» des Tempts. Leur gros hit s’appelle «Want Ads» : même attaque que les Supremes, même sens du sweet dans la Soul et mêmes guitares flashy. On se régale aussi de «You Made Me Come To You», cette belle Soul tenace montée au long d’un gimmick de guitare. Wow, l’incroyable qualité de la giclée - You made me come - Ça sent bon le sexe. Encore un énorme rumble de r’n’b avec «When Will It End», c’mon Honey ! Elles redéveloppent tout le power des Tempts.

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    Et comme si tout cela ne suffisait pas, elles injectent le power d’Aretha dans «Deaf Blind Paralyzed», c’mon Honey, elles surfent sur la crête d’une vague de Soul géante. Fabuleuses poulettes ! Ces Cone sont plus fortes que le roquefort.

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    Comme l’indique le titre, la pochette de Soulful Tapestry est brodée. Enfin presque. C’est un effet photographique qui devait exister avant les filtres Photoshop. Elles commencent par faire du Twist & Shout motownisé avec «One Monkey Don’t Stop The Show Part 1 & 2» et passent à la Soul des jours heureux avec «Don’t Count Your Children (Before They Hatch)». Elles resplendissent de classe. On pense à Stevie Wonder, bien sûr - You’d better treat me with respect - Et elle ajoute cette phrase : «You’d better treat me like a lady !». Elle a raison. Tous les cuts de l’album sont très beaux, très Motown. La B est la face lente et dans «VIP», les violons épousent les chœurs. S’ensuit «The Day I Found Myself», un balladif enchanté qui est un peu la huitième merveille du monde. Les voilà de nouveau sur les traces d’Aretha avec une mouture somptueuse d’«All The King’s Horses (All The King’s Men)». Mais c’est un cut difficile, trop chargé de pathos.

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    On leur a découpé une fenêtre en forme de cœur dans la pochette de Love Peace & Soul et elles y arborent de beaux sourires. Cet album d’aspect romantique est leur chant du cygne et pour faire honneur à leur pot de miel, elles démarrent avec l’un des trucs les plus torrides de l’histoire de la Soul, l’«O O-O Baby Baby» de Smokey Robinson, dont Todd Wizard/A True Star Rundgren avait fait une version sidérale. Ooh-ooh la la la et elles y vont, I’m cryin’, ooh-ooh baby baby, c’est la Soul du firmament, le sommet d’un Anapurna de satin jaune. Elles continuent de se prélasser dans le satin jaune pour «Stay In My Corner». Ce sont les grooves érotiques du dimanche matin, ceux des prélassements interminables et des érections douloureuses. Nouveau hit de Smokey avec «Who’s Loving You». Les filles tarpouillent bien leur tambouille de heavy beat orchestré. C’est un régal pour les oreilles. Production soignée et arrangements vocaux sublimes. Le «Sittin’ On A Time Bomb» qui ouvre le bal de la B est une énormité de Soul rampante à la Aretha. Real power, les Cone chantent au gros popotin, la Detroit Soul reste la meilleure Soul du monde, Honey. «Innocent Til Proven Guilty» se veut plus pop, mais elles chantent ça pied à pied. Elles ne lâchent pas l’affaire. Encore un fabuleux shoot de primal r’n’b avec «Ace In The Hole», un r’n’b bon enfant avec du swagger plein les bottes.

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    Ces Cone sont des bonnes, elles excellent dans la volée de bois vert. Encore une hit avec «Woman Can’t Live By Bread Alone», pur jus de Motown, mêmes ingrédients, grosses compos taillées sur-mesure pour Soul Sisters impavides.

    Signé : Cazengler, Honey comme un con

    Edna Wright. Disparue le 12 septembre 2020

    Honey Cone. Take Me With You. Hot Wax 1970

    Honey Cone. Sweet Replies. Hot Wax 1971

    Honey Cone. Soulful Tapestry. Hot Wax 1971

    Honey Cone. Love Peace & Soul. Hot Wax 1972

     

    ROCKABILLY GENERATION n° 16

    janvier / Février / Mars 2021

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    Wooah, la sale bête, elle a failli me mordre, certes de ma faute, on ne met pas stupidement ses doigts n'importe où, n'empêche que Sergio et son équipe auraient pu prévenir par un sticker sur l'enveloppe, genre ouvrir avec précaution, car c'est une espèce de tigre blanc rugissant qui surgit à l'improviste, les crocs prêts à vous déchirer, ouf, on reconnaît au dernier moment, Hervé Loison sur la couve, n'est pas spécialement méchant, quoique l'inscription en lettres rouges '' Ange ou Démon'' oblige à reconsidérer le problème avec prudence.

    Z'ont dû se rendre compte qu'il ne fallait pas jouer avec le cœur de abonnés, z'ont préparé un petit réconfortant dès le premier article signé par Greg Cattez, les trois grâces – normal elles ont du sang grec dans les veines - LaVerne, Maxene, Patty, les trois sœurs Andrews, les trois reines du swing – avant les pionniers du rock le monde de la musique existait aussi – 119 titres classés au hit-parade en vingt-quatre années – toute une tranche de vie de l'Amérique notamment celles de la deuxième guerre mondiale – un art du chant entremêlé au micron près – sur les photos elles ont air un peu trop proprettes mais elles étaient douées. C'était avant que le rock'n'roll ne vienne avec ses gros godillots de daim bleu piétiner les plate-bandes d'une certaine idée de la grande Amérique...

    Justement sur la page suivante un troublion du genre nous invite à entrer chez lui, plus qu'un interview, un entretien géant. Sa carrière certes, mais surtout l'homme, celui qui se cache sous des identités multiples et souvent collectives, Teddy Best, Hot Chickens, Jake Calypso, Nut Jumpers and others... mais surtout celui qui se dévoile sans fard, se raconte tel qu'en lui-même le rock'n'roll l'a changé, ni pire ni meilleur que ses fans, mais qui a dû gérer cet aérolithe monstrueux qui est entré dans sa vie et qui a tout changé...

    Pauvre Hervé, lui est arrivé une terrible aventure, le rock'n'roll lui est tombé sur le coin du museau sans prévenir, l'a pu identifier le coupable, un certain Elvis Presley, sa vie en a été changée, celle d'Hervé parce que celle d'Elvis en 1977 elle faisait l'expérience de l'after-monde, l'a pris une direction non prévue au programme, passion Elvis, passion rock, passion musicien, une ligne droite toute tracée. Pas un conte de fées, car sur les routes, il y a aussi des bas-côtés, une femme, des enfants et le rock'n'roll ne font toujours pas bon ménage, chérie tu t'occupes des gosses et moi de ma musique, vous imaginez les dégâts, Hervé ne cache rien, ne nous fait pas le coup du remord, de l'auto-flagellation, de la résilience – le dernier terme inventé par les psychologues à la noix médiatique pour vous sentir mieux - non il parle simplement, met les mots, endosse ses responsabilités et la passion qui le pousse. Quand on était petit à l'école l'on nous citait l'exemple de Bernard Palissy qui désargenté brûla jusqu'aux meubles de sa maison pour alimenter son four de cuisson et retrouver le procédé de l'émail blanc mythique, le problème c'est que dans le monde il y a peu de Palissy par contre beaucoup de pâles ici, qui ont bien une passion dans leur vie qu'ils abdiquent une fois la jeunesse passée ou pire à la première difficulté rencontrée, Hervé Loison n'est pas un volatile de ce genre, l'a le rock chevillé au corps et n'a jamais abandonné son but, un rêve sans trêve, son bilan parle pour lui, reportez-vous à la page 17, explique tout, son amour du rock, du blues, ses échecs, les coups durs, mais au final une courbe ascendante, une vie non pas réussie mais surmontée, a walk on the wild side, ses coups d'éclats, ses réussites et surtout cette fidélité infaillible au rock'n'roll qui a motivé son existence et lui a permis de dormir dans le drapeau troué du bonheur et du contentement humain de ce que l'on appelle l'estime de soi. Pour quitter l'introspection loisienne et jeter un regard froidement objectif sur son œuvre, nous résumerons en quelques mots : un des engagements les plus créatifs du monde du rock actuel, y compris en comptant les anglais et les américains.

    N'étant pas du tout très adroit de mes deux mains et n'ayant aucune envie d'engendrer un monstre horrifique ou une laideur sans nom de plus dans le monde qui en compte tant, je m'abstiendrai de suivre les conseils des deux pages Tuto Bricolage...

    Parfois l'on a l'impression que la vie se répète, que l'on relit deux fois le même livre, c'est que toutes les vies de rockers se ressemblent, au début vous avez la déflagration d'une bombe atomique dans votre existence de la manière la plus innocente qui soit, ici il faut dresser procès à l'imprévoyance de la grand-mère de Jacky Chalard, comme quoi tout peut arriver, bref voici Jacky Chalard piqué par un infâme virus à têtes multiples, vous en connaissez quelques unes, Elvis Presley, Gene Vincent, Eddie Cochran, Jerry Lee Lewis – à croire qu'il m'a copié - oui mais lui il s'est mis à la guitare et s'est retrouvé derrière Chuck Berry et Vince Taylor – j'aurais dû l'imiter mais ma maladresse digitale me l'interdisait – et puis s'est retrouvé de fil en aiguille à monter le légendaire label Big Beat Records... faut l'écouter raconter les belles heures du rock'n'roll français, l'épopée du Golf-Drouot et son admiration pour Johnny Hallyday. Un gars heureux, l'a vécu de sa guitare, l'a rencontré ses idoles, l'a servi le rock'n'roll, et cela lui suffit... Une vie de passion... un optimiste qui attend et le retour de flamme du rock'n'roll en notre pays.

    Une belle gueule de pirates page 28, encore un qui a tiré quelques bordées rock'n'roll, s'appelle Bruno Grandsire, lui c'est pas sa grand-mère c'est son cousin – un mec bien qui lui fait écouter Gene Vincent – qui lui refile la grande vérole du rock'n'roll à quinze ans – aux âmes bien nées la valeur n'attend pas le nombre des années – bref l'est près pour affronter la grande vague du rockabilly des années 80, tant pis si Rouen est plus punk que rockab, fonde le trio des Morning After, une odyssée qui durera dix-sept ans, et plounck les voici que le hasard les met sur la route de Gilles Vignal... il n'y a pas de hasard, seulement des rencontres - dès que vous batifolez dans les fondations du rock en France vous trouvez le nom de Gilles Vignal - des jusqu'auboutistes, refusent de signer avec les gros labels, fignolent leurs propres cassettes... sont allés jusqu'au bout de leurs forces, Bruno a continué, notamment avec les Camping Cats, et travaille sur un nouveau projet....

    Les interviews sont décorées de documents d'époque et de superbes photographies de Sergio Kazh, my favorite la double page centrale des Hot Chickens, Thierry Sellier impérial aux drums style homme tranquille qui déclenche une avalanche et Christophe Gillet les yeux rivés sur Hervé car il faut toujours se méfier des cordons de dynamite qui se consument à deux mètres de vous...

    Bien sûr pas de comte-rendus de concerts, mais ce numéro 16, est comme ces galions espagnols qui quittaient les rivages sud-américains les cales remplies à ras-bord d'or. Servez-vous à volonté !

    Damie Chad.

    Editée par l'Association Rockabilly Generation News ( 1A Avenue du Canal / 91 700 Sainte Geneviève des Bois), 4,70 Euros + 3,88 de frais de port soit 9,20 E pour 1 numéro. Abonnement 4 numéros : 36, 08 Euros ( Port Compris ), chèque bancaire à l'ordre de Rockabilly Genaration News, à Rockabilly Generation / 1A Avenue du Canal / 91700 Sainte Geneviève-des-Bois / ou paiement Paypal ( cochez : Envoyer de l'argent à des proches ) maryse.lecoutre@gmail.com. FB : Rockabilly Generation News. Excusez toutes ces données administratives mais the money ( that's what I want ) étant le nerf de la guerre et de la survie de toutes les revues... Et puis la collectionnite et l'archivage étant les moindres défauts des rockers, ne faites pas l'impasse sur ce numéro. Ni sur les précédents.

     

    STEPPENWOLF

    Je crois que c'est le premier disque du Loup Steppique que j'ai acheté, ce dont je suis sûr c'est que ce fut la grande claque. A mon humble avis, un des albums les plus fondamentaux pour la naissance du Heavy-metal, qui porte déjà en germe avec des années d'avance la gestation du Noise. Il est sorti en 1969, numérologiquement parlant c'est le troisième album du groupe, de fait c'est le premier, un enregistrement public réalisé en 1967. Ce n'est pas un hasard si je vous le présente avant le second.

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    J'ai d'abord flashé sur la pochette avant de lire le nom du groupe. Surprenante, attirante, elle est de Gary Burden, qui a aussi signé celle de Steppenwolf, le premier album. Mais il a réalisé près de cent cinquante couvertures de 33 tour à l'époque bénie de la rock-music. L'était designer lorsqu'il est contacté par Cass Elliot – la voix de rêve des Mama's and Papa's – pour relooker sa maison. Enchantée de son travail Cass lui affirme qu'il serait doué pour des pochettes de disque, l'engrenage se met en route. La liste est longue, The Mamas & The Papas, Dream a little dream de Mama Cass, bien sûr, quelques couvrantes de Steppenwolf ( même maison de disques que Cass ), peu de dames, mais les plus belles avec leur voix qui se rapportent à leur ramage, Ricky Lee Jones, le Blue de Joni Mitchell, côté messieurs il doit avoir signé un amical contrat d'exclusivité avec Neil Young ( une cinquantaine d'artworks à lui tout seul ) et à sa suite toute une flopée de groupes ou de musiciens de la constellation american- folk-country-rock, David Crosby, Graham Nash, Stephen Stills, les Byrds, Poco, Buffalo Sprinfield, une faute de goût avec les Monkees, vite rattrapée avec Tony Joe White, plus tard Pearl Jam, et les dernières parutions de Jerry Lou, Live, Mean Old Man, The Last Man Standing, Rock'n'roll Time ( sur lequel la lecture de la chronique du Cat Zengler de notre livraison 220 du 29 / 07 / 2015 devrait être rendue obligatoire pour tout apprenti rocker ), et comme par hasard la pochette dont je vous entretenais la semaine dernière, celle du Morrison Hotel... Beaucoup d'autres aussi et pas des moindres... Les amateurs ne manqueront de faire un long tour sur son site. Né en 1933, mort en 2017. S'imposera un de ces jours, une chro sur son style.

    Normalement sur la première de couve de tout disque qui se respecte vous trouvez la gueule plus ou moins sympathiquement reproduite du groupe et au dos un maximum ou un minimum de blabla. Les Loups n'ont pas mégoté sur le laïus de derrière, un véritable roman... Mais devant, ce n'est pas comme d'habitude. Sur cinq, trois absents, les deux présents n'ont pas droit à la belle photo de communion, les images sont trafiquées réduites à des dessins silhouettés, juste les contours qui ne se détachent pas tant que cela du fond blanc. Pour un disque de Steppenwolf on aurait parié sur du noir – mangeurs de grenouilles, taisons-nous avec notre cartésienne logique, n'avons-nous pas eu un de nos groupes qui se prénommait Etron Fou Leloublan, et puisque l'on est ici entre nous remémorons-nous la pochette de l'album Tears, Toil, Sweat & Blood de Walter's Carabine ( 2018 ) avec ses bandes blanches et noires verticales sur laquelle surgit une tête de loup au crocs menaçants – car ce qui est troublant ce sont les lignes rectilignes qui parcourent la pochette, pas des bandes zébriques, non des espèces de fines stries, qui semblent souligner le fait que ce disque n'est pas comme tous les autres. Au cas où vous n'auriez pas compris, des notes de John Kay vous avertissent des conditions dans lesquelles le disque a été enregistré.

    EARLY STEPPENWOLF

    Recorded live at The Matrix in san francisco, may 14, 1967

    ( ABC Dunhill / 1969 )

    John Kay : chant, guitare, harmonica / Jerry Edmonton : batterie / Mars Bonfire : guitare / Goldy McJohn : claviers / Rushton Moreve : basse.

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    Avant d'écouter ce disque il faut se rappeler que le Kick Out The Jam de MC 5 est sorti en 1969, Fun House des Stooges en 1970, White Heat, White Light du Velvet Underground en 1968... Dès la pochette Kay annonce la couleur : '' … improvising, jamming, squeezing and shaping a musical thing which lasted for 20 minutes and broke finally into The Puscher... '

    Power play : plongée dans le chaudron à la première seconde, le Loup ramassé comme un paquet de croquettes pour chien enragé, la guitare de Bonfire sous perfusion psyké, tout le reste du groupe enserre la voix de Kay de près, martèle les paroles de ce blues libératif, dont on pourrait résumer les lyrics en quelques mots, occupe-toi de tes oignons et laisse-moi vivre comme je veux, avec en arrière-plan, cette idée que les donneurs de leçon n'ont réussi à mettre sur pied qu'une organisation sociale, bien défaillante, attaque frontale, le Loup fait face, quand il mord il ne desserre pas les crocs, même pas trois minutes mais smashées de toute force. Howlin' for my baby : l'on a ressorti le vieil appel de l'ancêtre de la meute, un des morceaux phare d'Howlin' Wolf le mâle alpha, une intro de basse qui fait semblant de jouer du jazz, la batterie qui prend le relais, la voix de Kay qui feule mais ne hurle pas – la voix du maître est inimitable - et l'on sent le piétinement de la harde qui galope en bloc sous la lumière blafarde de la lune, une menace qui court, un blues bifide qui n'est déjà plus un blues, qui cherche à sortir de lui-même. Mars Bonfire aplatit les notes, les allonge, leur enlève cette ronde jovialité de l'enregistrement original, les temps ont changé... Goin' upstairs : décidément blues, après Howlin' Wolf, voici John Lee Hooker, pas de panique les trois premières minutes restent dans la plus stricte orthodoxie du piétinement si particulier de la zique à Hooker, sur les quatre dernières le rythme s'emballe, la guitare devient folle et se prend pour une vrille géante montée sur trépan, des éclats d'harmonica, ce coup-ci l'on est parti pour le voyage au bout de la nuit. Corina, Corina : un vieux traditionnel repris par tout le monde, Le Loup nous la transforme en jolie chanson de Noël pour tous les petits chaperons rouges sages qui se méfient des grosses bêtes vicieuses, le clavier de Gordy M'c John vous prend des teintes d'harmonium surréelles, Bonfire sonne creux comme s'il essayait d'imiter un orgue de barbarie, hélas il n'y réussit pas, résonne plutôt comme ogre barbare qui fait sa douce et hypocrite voix, ce morceau détonne dans le disque, le Loup court après les limites du blues, rebondit de tous côtés, une bille de billard qui ne trouve pas son trou pour s'échapper. Tighten up your wig : reprise hommagiale à Junior Wells – c'est lui que choisit Muddy Waters pour remplacer Little Walter parti voler de ses propres ailes – l'on a donc droit à un festival d'harmonica qui nous entraîne dans un tourbillon frénétique rehaussé par le clavier de Gordy, cette face A semble retourner à l'orthodoxie du blues. The pusher : le groupe se met en place, tapotements de batterie, l'on ne sait trop où l'on va, un vrombissement de moto dans la nuit, un clavier qui pépie comme une nichée d'oiseaux, Kay marmonne dans le micro, coup de tambour précipité, c'est là que l'on se rend compte que l'on entre dans une autre dimension, sur l'autre face, nous étions encore sur les rivages bleutés du blues, ici l'on ne sait plus, un éléphant barrit, serait-ce le retour en Afrique, larsens nous sommes à l'heure électrique, bruit divers, nous sommes en train d'entrer dans une ère moderne, l'impression que le vieux monde sonore craque de partout, plus près de l'orgue à ondes Martenot que l'on ne s'y attendrait, et cette voix qui semble mixer à l'envers, ces sifflements de soucoupes volantes qui décollent, le grand saut du blues au noise, un truc inécoutable, ces brouillaminis que l'on obtenait dans les radios d'avant le transistor lorsque l'on faisait coulisser la curseur entre les stations, dieu merci l'orgue vient nous sauver, serait-on accueilli par Dieu en personne tout de blanc vêtu devant la porte de l'Eglise, non la musique de messe se termine en ritournelle et les cordes de guitares chantent un de profundis, qui enterre-ton au juste, serait-ce une aubade au vieux blues, l'on n'y comprend goutte, que faire si ce n'est suivre cette marche que l'on pressent tumultueuse parsemée d'éclats clownesques, maintenant ça miaule de tous les côtés, et l'on revient à quelque chose de plus reposant, une chanson, une vraie avec un chanteur et un véritable accompagnement, en prime des dégradés et des pressurages, les flots sonores nous emportent, Kay est à la tribune, il cause, il accuse, la musique appuie plus fort, nous voici dans un blues sur-multiplié, sur-dimensionné, Kay cartonne et détonne, et tout s'arrête brutalement. This is the end.

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    Un disque de rupture prophétiques, les deux pieds dans l'eau boueuse du blues, la tête dans le bruit volatile qui tombe des étoiles, car même l'Univers possède une bande-son.

    Damie Chad.

     

    FUNKY MULE

    SOUL TIME

    Y a des mecs pas sympas, je vous refile leurs prénoms pour les barrer de votre liste d'amis, François, Julien, Laurent, Mathieu, Richard, Torz, Thierry et Claire, eh oui une fille parmi eux, comme quoi l'on est souvent trahies par les siennes. Vous les avez reconnus, font partie de l'équipage de Soul Time, l'on a parlé d'eux dans les deux livraisons précédentes, comme l'on avait dit du bien des chanteuses Carla et Lucie, ce coup-ci, ils les ont bâillonnées, ah vous chantiez très bien, maintenant vous vous tairez, ou alors allez danser, leur ont fait le coup de l'instrumental, les filles allez pointer au chômage, aujourd'hui c'est du sérieux, faut des gars solides !

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    C'est qu'ils ne s'attaquent pas à un château de sable, ont décidé de taquiner un gros donjon, Ike Turner, l'était dans les Studios Sun avant Elvis Presley, et a enregistré Rocket 88 – Jackie Brenston est au vocal - que certains considèrent comme le premier morceau de rock mis en boîte sur notre planète... puis est devenu un des monuments incontournables du rhythm 'n' blues... C'est avec Tina Turner sous la houlette de Phil Spector qu'il créée cette symphonie du nouveau monde de la pop qu'est Deep River, Mountain High, un prodige si puissant qu'il désarçonna critiques, radios et public...

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    Funky mule ouvre la face B de l'album a Black Man's Soul, publié en 1969 en ces années de fierté noire, une composition de Marvin Holmes qui l'enregistra aussi à la tête de ses Uptights, selon mes immodeste a-priori, c'est la meilleure version avec un groove tout bruiteux et cuivreux qui rappelle la marche des éléphants d'Hannibal escaladant les Alpes pour marcher sur Rome, pas bête le Marvin, l'a partagé le morceau en deux, la partie 1 pour ceux qui aiment les grosses cavalcades, la numéro 2 pour ceux qui préfèrent les moutonnements moins escarpées, mais comme il n'arrête de scater et d'interjectionner dessus cela s'entend moins. Lorsque Ike la reprend, il refuse de jacter dessus, un instrumental c'est seulement la musique affirme-t-il, puis en grand seigneur il offre le fromage et le dessert en un plat unique, ce qui explique pourquoi les mal-appris comme moi s'ennuient un tantinet sur la deuxième partie du morceau qui se perd un peu dans les sables brûlants des rives du Nid sur lesquels les crocodiles aiment à piquer leur roupillon post-méridien...

    Conclusion Soul Time n'a pas peur de s'aventurer dans les pâturages des vaches sacrées du groove. Partent de la structuration du morceau opérée par Ike Turner. Rien de plus têtu qu'une mule. S'engage à toute allure dans une direction, pour on ne sait pourquoi au bout de quelques centaines de mètres en prendre une autre. Les gars de Soul Time ils aiment bien les bêtes, mais pas question que la bestiole n'en fasse qu'à sa tête, vous la tiennent serrée et resserrée, tu veux aller à droite, t'iras à droite, tu veux aller à gauche t'iras à gauche, mais pas question de lambiner en chemin, z'ont sorti le chrono, celle de Ike a besoin de plus de trois minutes pour réaliser le parcours, toi t'as intérêt à allonger le pas, pas même deux quarante on t'accorde. On ne peut que louer leur fermeté. Ne laissent pas au boa le temps de dérouler cruellement ses anneaux paresseux autour de votre gorge, faut qu'il vous strangule l'auditeur, vite fait, bien fait, soul time is money, vous prennent ce ricain de Ike Turner à la propre philosophie de son pays.

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    Prêtez bien l'oreille, vous expédient la marchandise à toute allure, méfiez-vous de la batterie de Torz Rovers au tout début, le morceau n'a pas commencé que déjà il opère une diversion, le Torz joue au poisson rouge, deux tours du bocal bien emballés comme s'il avait toute l'éternité devant lui pour démarrer un solo épique, ben non, ce sont les cuivres venteux qui déboulent, une longue rafale qui se transforme en cavalcade, regardez comme l'on est beau, et comme l'on sonne bien, et évidemment vous les suivez des yeux pour ne pas en perdre une miette, des poneys de cirque à la crinière tressée et Claire Fanjeau qui joue à la ballerine avec son saxo-salto, Laurent Ponce appuie méthodiquement sur sa trompette ( doit avoir un mort à réveiller ) Mathieu Thierry et Richard Mazza saxoïsent comme s'ils étaient les rois de la piste, et évidemment vous n'avez rien vu, vous vendent des vents à en veux-tu, en voilà, alors que tout se passe par en-dessous, plutôt au-dessus dans les cintres sur les trapèzes volants, Thierry Lesage détient entre ses doigt la clef – the key of the enigm - du morceau, marne comme un fou, l'est soutenu dans son effort par la basse de Julien Macias qui souligne son action au stabilo bien gras, et la guitare de François qui ramène sa Fraysse de ses hachures coupantes, bref vous avez un regroupement autour du clavier, la basse s'emballe, la batterie s'ébat, la fanfare éclate, à chacun ses dix secondes de gloire, et puis l'on revient à l'andante al dente de la pulsation, et c'est-là qu'ils se démarquent d'Ike, chez celui-ci, le peloton reste groupé jusqu'à la ligne d'arrivée et c'est aussi long et pénible que la retraite de Russie, ici chez Soul Time, ça fuse de tous les côtés, chacun caracole sur sa bicyclette, debout sur le guidon ou assis sur la roue arrière, et croyez-moi ça ne pédale pas dans la choucroute, vous terminent le travail en beauté, aussi limpide qu'une lampée de Sylvaner, tout de suite vous vous resservez, cela vous fait un bien fou.

    S'en sont bien sortis, on leur serre la pogne mais en partant on n'omet pas de faire la bise à Carla et à Lucie, car on ne les oublie pas. Sur scène elles auront le temps de reprendre leur souffle sans inquiétude, pendant que dans la soute la chiourme sera à la manœuvre.

    Damie Chad.

     

    XII

    ROCKAMBOLESQUES

    LES DOSSIERS SECRETS DU SSR

    ( Services secrets du rock 'n' rOll )

    L'AFFAIRE DU CORONADO-VIRUS

    Cette nouvelle est dédiée à Vince Rogers.

    Lecteurs, ne posez pas de questions,

    Voici quelques précisions

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    Je me réveillais. J'avais le nez dans le pipi que Molossito venait de faire sur l'oreiller. Mais non, ce n'était pas ce qui m'avait tiré du sommeil. Je ne voulais pas le croire, mais je dus me rendre à l'évidence, la grosse grenouille de mon rêve aquatique, c'était le téléphone qui coassait sur la table de nuit :

      • Agent Chad, enfin vous décrochez, il est plus que tard, déjà trois heures trente-cinq du matin, sautez dans la première voiture volée et vite, je vous veux dans cinq minutes, au service, n'oubliez jamais que la chance appartient à ceux qui se lèvent tôt !

     

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    Le Chef paraissait en grande forme, manches de chemise retroussées, le Coronado planté entre les dents, il discutait au téléphone, il appuya sur la touche adéquate pour que je puisse entendre la fin de la conversation en son entier :

      • Vince, tu le connaissais bien, le père adoptif de Jean-Pierre ?

      • Pas vraiment, dans le temps il passait régulièrement sur mon stand de brocante pour voir si je n'avais pas de disques de rock'n'roll, ou alors il me filait un coup de fil au cas où j'aurais rentré une nouveauté, c'est comme cela que Jean-Pierre m'a contacté, j'ignorais son existence, dès qu'il a débité son histoire, je l'ai aiguillé vers la villa dont tu m'avais parlé

      • En tout cas Vince, l'idée d'une action publicitaire pour redorer le blason du SSR était excellente, très bonne initiative de ta part de demander à la Maffia de remplacer les huit tonnes Coronados pour fumeurs avertis par des cigarillos pour amateurs de vingt-cinquième zone, bon je te quitte, nous avons du boulot urgent par ici ! Je te rappelle au plus vite.

     

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    Même Molossito avait compris. Nous dévalâmes les escaliers quatre à quatre. Le Chef esquissa un sourire de contentement quand il vit l'objet de collection que j'avais dégoté, une vieille Panhard, une PL 17, couleur pistache fanée, '' Magnifique, s'exclama le Chef, j'adore ces voitures, elles ont la coupe d'une boîte de sardines écrasée ! ''

    La veille au soir, en rentrant au service, nous avions laissé Alfred devant la grille de la villa, nous voulions en avoir le cœur net. La villa avait encore changé d'aspect, ouverte aux quatre vents, elle ressemblait à un squat désertée par ses occupants. Quelques paillasses traînaient sur le sol couvert de poussière. Les murs intérieurs et extérieurs avaient été tagués. Les inscriptions à haute teneur pornographique étaient majoritaires. Molossa fit le tour des lieux lentement, les sens aux aguets elle s'arrêta obstinément devant l'évier de la cuisine. Son manège m'intrigua, je me baissai , et ne vis rien, je me relevai et m'éloignai mais Molossa la chienne fidèle et féroce grogna, je revins sur mes pas, et m'accroupis, c'était écrit au crayon gris, pratiquement invisible '' faites gaffe'' au dessous le A symbolique de l'anarchie, auquel était accroché un minuscule zigouigoui illisible. Nous repartîmes aussitôt après cette découverte, le dernier cadeau d'Alfred.

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    Revenus au service, le Chef alluma un Coronado, et décréta que le temps de la réflexion était revenu :

      • Agent Chad, cette satanée affaire part dans tous les sens, que savons-nous au juste, procédons avec ordre et méthode :

    1 ° ) Le Président ne nous aime pas, il nous a envoyé ses tueurs, nous lui avons joué un tour de notre façon, pour un certain temps nous sommes après notre succès d'hier politiquement intouchables, mais l'Elysée n'abandonne jamais sa proie.

    2 ° ) L'affaire Eddie Crescendo est en partie résolue, nous avons les notes secrètes de Crescendo retrouvée dans la fameuse boîte à sucres

      • Oui Chef, nous avons même un exemplaire du livre qu'il n'a pas écrit, ce qui est tout de même assez bizarre

    3 ° ) Deux mystères vraisemblablement liés, celui de la villa qui change de configuration aussi facilement que moi de Coronado, et bien sûr ces mystérieux réplicants qui ont tenté de nous envoyé ad patres, alors que l'un d'eux le dénommé Alfred nous a donné en plusieurs occasions de sérieux coups de mains

    4 ° ) Pour couronner le tout nous mettons la main sur cet homme à deux mains qui se révèle être un pauvre gamin de rien du tout et qui n'a aucun rapport avec cette affaire qu'il a déclenchée !

    5 ° ) Tout cela, ce n'est rien, ce qui est terrible c'est la difficulté que nous avons à créer un lien possible entre ces quatre éléments !

      • J'avoue Chef que je n'y comprends rien, je donne ma langue au chat, euh, aux chiens, excuse-moi Molossa, pour me faire pardonner je descends chercher des croissants pour tout le monde.

    Mais je n'en eus pas le temps. Mon portable tremblota dans ma poche. Je décrochai.

     

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      • Allo Damie !

      • Tiens le Cat Zengler !

      • Damie, j'ai reçu un paquet des Etats-Unis, des disques rares que j'avais commandés, figure-toi que la boite dans laquelle ils étaient empaquetés était légèrement trop grande, alors le gars a bourré le vide avec du papier journal.

      • Vachement intéressant, my cat, ton truc, je suis enchanté d'apprendre que quand les colis sont un peu trop larges, les ricains rembourrent les vides avec du papier journal, tu me déranges à six heures quarante-sept du matin alors que nous sommes confrontés à une énigme aussi importante que le mystère des pyramides, mais tu es totalement cinglé my cat !

      • Calme-toi Damie, j'allais jeter les feuilles de journaux froissés lorsque je me suis aperçu qu'ils étaient écrit en français, un exemplaire de La Normandie Libre de mars 1964, le journal du coin d'ici, je parcours des yeux et je tombe sur tout un petit article, presque un entrefilet, écoute ça, je lis : '' Accident sur la Route Nationale 45, à l'entrée de Grandville. Une panhard vert-pistache s'est écrasée pour une raison inconnue sur un des platanes du village. Sans doute le chauffeur s'est-il endormi au volant. Christophe Dupoix a en effet trouvé la mort alors qu'il revenait de la fête locale du hameau voisin où il était parti pour assister à la première prestation d'un groupe de rock'n'roll nommé L'homme à deux mains monté par ses amis. ''

      • Ah, le Cat, je savais bien que si quelqu'un était capable de trouver un groupe de rock nommé L'Homme à Deux Mains'' c'était toi !

      • Attends Damie, ce n'est pas tout, le colis est arrivé hier matin, je me suis mis en chasse, coups de téléphones divers, papotages dans les villages autour de Granville, résultat des courses : ils étaient cinq dans le groupe : chanteur, guitare rythmique, guitare solo, basse, batterie

      • Formation classique, my cat !

      • Si tu veux Damie, formation maudite à mon avis, dans les mois qui suivirent, ils sont tous morts, une noyade, un empoisonnement aux champignons, un suicide par chagrin d'amour, un accident de moto, et un cancer foudroyant, le plus étonnant c'est qu'à l'époque personne n'a trouvé cela anormal, une mauvaise série de morts naturelles...

      • Oh le Cat, ça pue grave ton truc, fais attention à toi, ne sors pas de chez toi, on arrive en renfort.

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    Derrière moi, c'était la grande excitation, les chiens couraient un peu partout en aboyant sauvagement, et le Chef allumait un Coronado tout en chantant à pleine voix, '' Je veux revoir ma Normandie''...

    ( A suivre...)