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CHRONIQUES DE POURPRE 422 : KR'TNT ! 422 : ROKY ERICKSON / PHIL MAY / FINAL SHODOWN / DEAD TREE SEEDS / KÀOS THEORY / JEREM PERRY & LES MARGOUYOTS

KR'TNT !

KEEP ROCKIN' TILL NEXT TIME

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LIVRAISON 422

A ROCKLIT PRODUCTION

LITTERA.INCITATUS@GMAIL.COM

06 / 06 / 2019

 

ROKY ERICKSON / PHIL MAY (+PRETTY THINGS )

FINAL SHODOWN / DEAD TREE SEEDS /

KÀOS THEORY/ JEREM & LES MARGOUYOTS

 

Roky le roquet - Part One

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Au Rusk State Hospital, les jours se suivent et se ressemblent. Dès le chant du coq, l’équipe de jour prend son service. Les infirmiers réveillent les pensionnaires et les détachent de leurs lits. Cet hôpital psychiatrique texan reçoit les malades mentaux, les drogués et quelques volontaires. La journée commence par le rituel du medication time. On joue un disque et on distribue de puissantes doses de sédatifs aux pensionnaires du pavillon. Puis l’infirmière en chef Mildred Ratched les réunit dans la salle commune. Ils sont une petite dizaine à pouvoir encore s’exprimer. Les autres sont définitivement irrécupérables. Ils restent prostrés dans des fauteuils roulants et psalmodient à longueur de temps des discours inintelligibles.

Miss Ratched pratique la thérapie de groupe. Elle lance un sujet et chacun est invité à en débattre.

— Eh bien, monsieur Hardy, voulez-vous nous parler de votre pénis ? Vous le suspectez de vous trahir, n’est-ce pas ?

Hardy est un homme cultivé d’une cinquantaine d’années victime de troubles psychologiques aggravés. Il avale sa salive et lance, d’une voix suraigüe :

— La seule chose dont je sois vraiment sûr, Miss Ratched, c’est de l’existence des zombies !

Miss Ratched ne cille pas. Elle fait preuve d’un sang-froid extraordinaire :

— Ah bon ! Et d’où tenez-vous cette étrange certitude, monsieur Hardy ?

Hardy se lève d’un bond et déclare fièrement :

— C’est Roky qui me l’a dit !

L’air mauvais, Miss Ratched se tourne vers Roky. Elle éprouve à l’égard de ce Roky une très forte antipathie et ne fait rien pour la masquer.

— Alors, Monsieur Erickson, en dépit les séances d’électro-chocs, vous continuez de propager vos idées saugrenues ! Vous tenez vraiment à ce qu’on vous y renvoie ?

Roky regarde l’infirmière avec méfiance. Il se gratte le menton. Une énorme tignasse lui couvre les épaules. Il renverse la tête en arrière. Ses yeux se révulsent et il se met à chantonner d’une voix de roquet :

— Oui, j’ai marché avec un zombie l’autre nuit... Oui, j’ai marché avec un zombie l’autre nuit... Oui, j’ai marché avec un zombie l’autre nuit... Oui, j’ai marché avec un zombie l’autre nuit... Oui, j’ai marché avec un zombie l’autre nuit...

Excédée, Miss Ratched lance sèchement :

— Bon ça suffit comme ça, Monsieur Erickson ! Laissez donc ces âneries à Maurice Tourneur ou à Victor Halperin !

Roky plante soudain son regard dans celui de l’infirmière, comme s’il voulait l’hypnotiser. Il intensifie son regard, tout en se serrant les mains, comme Bela Lugosi dans White Zombie. Perdant toute retenue, elle se met à crier :

— Cessez immédiatement de me regarder ainsi !

Martini, un petit gros au visage constamment fendu d’un sourire de gamin, monte sur sa chaise et se met à faire le zombie. Billy, le plus jeune du groupe, se lève et produit un effort surhumain pour articuler une première syllabe :

— Je-je-je Je-je-je Je-je-je cr-ccrr-cr-crois que-que-que-que-que... j’ai-j’ai-j’ai vu un zomzom un zom-zom... un zombie !

Et il éclate de rire. Il est heureux, il a réussi à finir sa phrase.

Ulcérée, au bord de la crise de nerfs almodovarienne, Miss Ratched lance à Billy :

— Je parlerai de tout cela à ta mère Billy, on verra ce qu’elle en pense !

Le pauvre Billy a l’air frappé de stupeur :

— N-n-n-n-n-n... N-n-nooon ! N-n-nooon ! N-n-nooon ! N-n-nooon !

Chesswick se lève indigné :

— Mais enfin, Miss Ratched, pourquoi persécutez-vous le jeune Billy ?

Miss Ratched fusille Chesswick du regard et lâche d’une voix sifflante :

— Asseyez-vous immédiatement, monsieur Chesswick, ou je vous envoie aux agités. Une séance d’électro-chocs vous remettra les idées en place, je vous le garantis !

Gonflé de courage, Chesswick reste debout, pareil à la statue d’un empereur romain. Il brave l’autorité ! Tous les autres le regardent avec un mélange de crainte, d’envie et d’admiration. Il pointe un doigt rageur au ciel et lance à l’infirmière :

— Figurez-vous qu’en plus des zombies auxquels vous semblez ne pas vouloir croire, il existe des chiens à deux têtes ! On les appelle the two-headed dogs ! Oui ! Parfaitement !

Miss Ratched blêmit. Elle plisse les yeux et prend un ton menaçant :

— Inutile de vous demander d’où vous tenez ces balivernes, monsieur Chesswick... C’est encore une frasque sordide signée Monsieur Erickson, n’est-ce pas ?

Affichant un sourire épanoui, Chesswick se tourne vers Roky qui opine du chef en aboyant.

— Ouaff ! Ouaff ! Ouaff ! Ouaff !

Verte de rage, Miss Ratched lance à Roky :

— Monsieur Erickson, cessez immédiatement de faire le roquet ! Je dois vous envoyer immédiatement au premier. Vous y subirez une séance d’électro-chocs salutaire ! Vous mettez en danger l’équilibre mental de vos collègues et si on vous laisse faire, vous deviendrez un danger pour le Texas, et même pour la nation entière, vous entendez, monsieur Erickson, pour la nation entiiiiiiiiiiiiière !

Toujours grimpé sur sa chaise, Martini se met à aboyer :

— Ouaff ! Ouaff ! Ouaff ! Ouaff !

Frankenstein jappe :

— Yap ! Yap !

Hardy applaudit bruyamment.

— Clap ! Clap ! Clap !

Agité de soubresauts, Roky se lève et psalmodie :

— J’ai travaillé au Kremlin avec un chien à deux têtes !

Tout le groupe reprend en chœur :

Two-headed dog ! Two-headed dog ! I’ve been working in the Kremlin with a two-headed dog !

Roky entre en transe. Un troisième œil s’ouvre sur son front. Il hurle toujours d’une voix suraiguë :

Two-headed dog ! Two-headed dog ! I’ve been working in the Kremlin with a two-headed dog !

Martini, Frankenstein, Hardy, Billy, Chesswick et les autres frappent sur leurs cuisses et poussent des clameurs tribales. Affolée, Miss Ratched met son talkie-walkie en service :

— Ici Miss Ratch...

Elle n’a pas le temps d’appeler des secours, un chaise s’écrase sur son visage. Elle tombe à terre et la bande à Roky se met à tourner autour d’elle, entamant une danse du scalp et hurlant le même refrain :

Two-headed dog ! Two-headed dog ! I’ve been working in the Kremlin with a two-headed dog !

Le géant indien Chief Bromden se joint à la ronde infernale. Miss Ratched revient à elle et se met à gémir. Elle a le nez brisé. À tâtons, elle cherche son talkie-walkie. Roky s’agenouille à côté d’elle et entreprend de lui faire avaler son talkie-walkie. Elle râle. Roky pousse avec le talon. Puis il lance aux autres :

Bo Diddley was a headhunter !

Et toute la bande reprend en chœur :

Bo Diddley was a headhunter !

Ils reprennent la danse du scalp autour de l’infirmière. Ils scandent le Diddley beat avec un enthousiasme délirant. Billy est le plus déchaîné de tous. Il casse un verre sur le sol et découpe la tête de Miss Ratched. Martini fait des peintures de guerre à Chief Bromden qui sourit, pour la première fois depuis vingt ans qu’il est enfermé. Il semble revivre. Il attrape les pieds de Miss Ratched et tire, humpfff ! pendant que Billy tient la tête. La tête se détache du corps avec un gros ploc dégoûtant. Billy reprend sa place dans la ronde en tenant son abominable trophée à bout de bras :

Bo Diddley was a Headhunter ! Bo Diddley was a Headhunter !

Il ne bégaye plus ! Ravi de cette guérison paranormale, Roky éclate de rire. C’est un rire de vampire ! Martini, Hardy, Chesswick et les autres se prosternent et psalmodient :

— Master ! Master !

Alors Roky entonne «Bermuda». Il tient bon les rennes de la folie libératrice qui s’abat sur le petit groupe en transe. Il laisse remonter les master ! master ! à la surface du chaos. Au moment où Roky hurle Bermuda ! Bermuda !, le corps de Miss Ratched se relève et s’avance vers Billy, lui reprend sa tête et se la remet en place sur ses épaules. Ploc ! Ivres de surnaturel et gorgés de Diddley beat, Martini, Hardy, Chesswick et les autres titubent. Ils font une place à Miss Ratched dans la ronde. Elle avance avec le regard fixe et titube au rythme des autres. On se croirait dans un film de Romero ! Le regard chargé de malice, Roky sort de la ronde et avance vers la zombie pour lui présenter le bras. Elle le prend et ils avancent tous deux cérémonieusement, comme s’ils se dirigeaient vers l’autel d’une église pour y célébrer leur union. Grisés par les événements et galvanisés par le génie de Roky, Martini, Hardy, Chesswick, Billy et les autres entonnent une nouvelle fois le répétitif I Walked with a zombie last night. Gagnées par les vertiges de la magie, les voix s’affermissent. L’acoustique de la salle favorise l’éclosion des vérités subliminales. Roky et ses amis sonnent en effet comme les Chœurs de l’Armée Rouge. I Walked with a zombie last night.

Signé : Cazengler, Rikiki Erickson

Roky Erickson. Disparu le 31 mai 2019

 

Oh you Pretty Things - Part Four

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Maintenant que les Pretties ont quitté la scène, ils montent en grade. Mark Paytress déroule enfin le tapis rouge à Phil May pour le fameux Mojo Interview. Ouverture sur un fantastique portrait de Phil May et chapo tonitruant en vis-à-vis : «Passé du statut de menace simiesque pour la civilisation à celui de pionnier psyché devenu trésor national, le chanteur sanguin des Pretty Things nie toute forme de compétition avec Jagger et promet une sortie en beauté. ‘Tous nos échecs furent des victoires’, affirme Phil May.» Ouf, on sent que la presse rock reprend enfin du sens.

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C’est à cause d’un fucking emphysème pulmonaire que Phil May doit arrêter la scène et donc les tournées. Le médecin qui l’a diagnostiqué lui a présenté ça sous l’angle de la bonne et de la mauvaise nouvelle. La mauvaise, c’est que l’emphysème est chronique. La bonne c’est que le chant est bénéfique au traitement de la maladie. Le problème c’est que Phil May était un gros fumeur. Il n’était pas question d’arrêter. Mais un proche a su le ramener à la raison.

Phil May entre vite dans le vif du sujet en indiquant qu’il ne s’est jamais considéré comme un chanteur au sens où on l’entend professionnellement, et ce depuis le début - I’ve always felt I got in the music business as a gifted amateur - Il s’est toujours considéré comme un dilettante, c’est-à-dire un amateur éclairé. Et il ajoute l’élément déterminant : «What consumed my life is the idea of keeping the Pretty Things together as a family, not as a vehicle for me as a singer. That’s maybe why the band has been important for me.» (J’ai vécu toute ma vie avec l’idée que les Pretty Things étaient une famille, et non un groupe qui m’accompagne en tant que chanteur. C’est sans doute la raison pour laquelle le groupe a toujours beaucoup compté pour moi). Quand Paytress lui rappelle que la presse avait trouvé le premier album des Pretties un peu ‘rough and ready’ (qu’on peut traduire par rudimentaire), Phil May dit en éprouver de la fierté, car ajoute-t-il, les premiers albums des Stones étaient très faiblards, comparés au son qu’avait le groupe sur scène, et pour lui, ce premier album des Pretties is one of the great studio recordings. It was our live set and it captured our live sound. Il rappelle aussi la grandeur du single «Come See Me» - That bum-bum-bum-bum on bass that makes everything shake (Ce drive de basse sur quatre notes qui fait tout trembler) - Phil May rappelle que les Pretties n’étaient qu’une bande de fucking lunatics - When we hit the stage we hit the stage - Les cymbales volaient et Viv Prince jouait de la batterie sur son dos, dit-il. C’est là que les journalistes ont qualifié Phil de demented ourang-utan. Il revient sur l’idée-clé : il faut voir les échecs comme des victoires : too wild for the radio ? Good ! Pour lui, ça veut dire que le single est bon. Les Pretties se foutaient éperdument de ce que racontaient les médias. Phil May ne se préoccupait que des kids. Comme il les voyait devenir fous lors des concerts, il savait que le groupe était bon. Eh oui, les Pretties sont sans doute le meilleur groupe de rock anglais.

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Questionné sur le LSD, Phil May confie qu’il n’a jamais vécu un bad trip. Puis il apporte un éclairage sur l’évolution des Pretties au moment de SF Sorrow. Les Pretties doivent sortir des pattes de Fontana pour évoluer et pouvoir travailler avec Norman Smith qui croit en eux. Mais contre toute attente SF Sorrow ne marche pas. Conséquence tragique : Dick Taylor quitte le groupe. Phil vit très mal ce départ qu’il considère comme une trahison - An act of betrayal - Il met un temps fou à l’accepter. En fait, il est lui aussi à deux doigts d’arrêter. Heureusement, il commence à composer les cuts de Parachute avec Wally Waller - The demos were so good - Et Norman Smith y croit lui aussi dur comme fer. Mais comme chacun sait, Parachute ne marche pas non plus. Phil May craque. Ras le cul.

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S’ensuit la période Swansong, le label de Led Zep. Peter Grant s’occupe des Pretties. Les albums ne sont pas fameux. Phil reconnaît que les difficultés venaient en grande partie de mauvaises décisions, des mauvais choix de musiciens, mais il ne cite pas de noms. Et puis à l’époque du troisième album Swansong, Savage Eye, there was a lot of cocaine going down. Le groupe n’est pas stable et lors d’une réunion, Jack Green, Gordon Edwards et les autres disent qu’ils s’en vont monter un autre groupe, Metropolis. Phil leur répond : «OK fuck you.» C’est là qu’il vient s’installer à Paris pour vivre sur la péniche de son ami Philippe DeBarge. Quand Peter Grant l’appelle pour lui demander de faire un album solo, il l’envoie sur les roses - I didn’t want to do that at all - Peter Grant n’a rien compris aux Pretties, absolument rien. Phil May sent alors qu’il a tout fait pour maintenir le groupe à flot, mais ça devient extraordinairement compliqué de continuer.

En 1977, il va traîner au Roxy avec Jimmy Page et Robert Plant. Des punks leur crachent dessus. Il trouve ça funny et reconnaît que le mouvement punk was a breath of fresh air - They had what the Pretty Things had - arrogance, a swagger, that Fuck what you think - C’est là qu’il redémarre avec le guitariste Peter Tolson et Cross Talk. Et bonne nouvelle, Dick Taylor revient jouer dans le groupe - I had the best of the new and the best of the old - Il pouvait rejouer tous les cuts des Pretties - I wanted to stand in front of a band that played Don’t Bring Me Down - Oui, il a la crème de l’ancien et la crème du nouveau, il veut chanter dans un groupe qui, joue «Don’t Bring Me Down» - Il sait au fond de lui qu’il peut redémarrer le groupe properly. En clair, Phil refuse l’idée que les Pretties étaient dépassés. Les Pretties des has-been ? Ha ha ha ha ha ha ha ! S’il est bien un groupe en Angleterre qui n’a jamais été has-been, hey, ce sont bien les Pretties.

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C’est en 1988 que Mark St John rencontre Phil May et lui propose de faire un album avec les Pretties. Phil a l’habitude des mecs qui se pointent avec des projets - They all say that - Ils racontent tous la même chose. Les Pretties se retrouvent néanmoins dans le studio de Mark St John sur Wardour Street, with a lot of drugs going down et l’aventure se termine par un big punch-up : John Povey traîne Phil par les cheveux dans la rue. Les Pretties s’arrêtent pendant un an avant de revenir dans l’actu avec ce fantastique album qu’est Rage Before The Beauty. Sans Mark St John, les Pretties auraient arrêté 30 years ago, murmure Phil. Et c’est là qu’il explique la différence qui existe entre lui et un mec comme Jagger. Phil déclare n’avoir jamais été dévoré par l’ambition. Ce qui n’est pas selon lui le cas de Jagger. Dès le réveil, dit Phil, Jagger ne pense qu’à sa prochaine tournée mondiale. «Mon truc n’a jamais été de conquérir le monde, mais plutôt de faire la meilleure musique possible. C’est un business model très simple.» Et Paytress lui demande si Dick Taylor partage ce point de vue. Alors là on rigole car Phil lui répond que Dick ne rêve que de revanche - It bubbles under. I mean he taught Keith a lot. I think Dick would love to do 10 days at Shea Stadium.

Et après ? Phil pense que les Pretties vont continuer, mais en studio.

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Dans Uncut, Sam Richards chronique le fameux concert d’adieu à Londres, le 13 décembre dernier. Il est important de préciser que ce concert est sold-out. Deux invités de marque : David Gilmour et Van Morrison. Gilmour vient jouer un peu de SF Sorrow, comme il le fit en 1998, pour l’anniversaire de l’album à Abbey Road. Phil et Van se connaissent depuis toujours, depuis le temps du scruffs tour, doing town halls when Them first came over. Phil dit de Van qu’il est the best singer around - It just flows out of him - Phil se dit aussi touché par la réaction du public - The power of people expressing their gratitude for the music you made - La bonne nouvelle est que la moitié d’un nouvel album est déjà en boîte. Phil envisage aussi des sets acoustiques, some unplugged things, some collaborations. Miam miam. Et il ajoute, l’œil pétillant : «I know Dick feels the same way. I can’t suddenly stop doing something I’ve done all my life !» Pas facile de s’arrêter quand on est un Pretty Thing.

Signé : Cazengler, Phil Mou

Phil May. The Mojo Interview by Mark Paytress. Mojo #302 - January 2019

Pretty Goog Turnout. Uncut #262 - March 2019

30 / 05 / 2019MONTREUIL

COMEDIA

FINAL SHODOWN / DEAD TREE SEEDS

KÀOS THEORY

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Whaaa ! Des péluts partout, changement de style, fini les iroquoises et les porc-épics à la séminole, ce soir, cheveux longs et bouclés, l'on se croirait reporté au temps des premiers groupes de heavy-metal des années soixante-dix, un regain de jeunesse en quelque sorte. Mais qu'ouïs-je pendant que mon esprit batifole dans les prégnantes contrées de la nostalgie ! Quels sont ces doux bruits qui viennent de frapper mon oreille !

Pas d'affolement, ce ne sont que les Final – malgré cet adjectif terminatif, ils passent en premier - Shodown qui se livrent, sous l'experte égide de Monsieur Personne, à une rapide balance avant d'entamer leur show plus up que down. Ce ne sont que trois cris, mais d'une longueur et d'une force inaccoutumée. M'étonne que l'auteur de ces gargarismes guttural n'ait pas été débauché de son groupe de rock par une compagnie cinématographique afin de rajouter des effets sur la bande-son des film d'horreurs, un peu de brouillard, une forêt lugubre, les tours en ruines d'un vieux châteaux démoli, les tombes effondrées d'un cimetière abandonné, trois hurlements par-dessus et vous avez toute la salle qui s'enfuit par les issues de secours sans demander à être remboursée. A la Comedia, rien à craindre, le public raffole de ces growlements sauvages.

FINAL SHODOWN

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Vous prennent à revers tout de suite. Ne sont que quatre. Mais ils ont décidé qu'ils étaient assez pour finaliser le monde à leur image, le transformer en un tas de décombres fumants. Pour bien manifester leurs intentions ( mauvaises, comme il se doit ), les samplers ne cesseront de tout le set de diffuser un grondement tellurique continu. Bien sûr devant vous avez Gui, qui hurle, avec l'obstination d'une meute de loups qui glapissent et hululent durant des heures le museau pointé vers la face blafarde de la lune, dans le but cruel de la faire tomber et de la dévorer. Mais il n'est pas seul. Derrière vous avez Danny Lee, à la batterie. Un tintamarre ambulant. Au début vous vous demandez pourquoi il a aussi emmené tous ses fûts avec lui, c'est qu'il ne se sert que de ses cymbales. Vous délivre un fracas de tintements incoercibles, joue sur la résonance, l'en a déjà frappé trois autres que la toute première précédente échoïfie encore, le son devient perpétuel, fragmente le temps en l'étirant sans fin, vous voici englobé, encerclé, dans un labyrinthe auditif sans sortie et peut-être même sans entrée, vous errez et les hurlements du minotaure névropathe ne cessent de retentir derrière vous. Mais un malheur n'arrive jamais seul. Voilà que cette ronde phonétique tournoyante s'arrête brutalement, vous commenciez à vous y habituer, mais non rupture de rythme, Danny Lee vous fusille le fusible du cerveau à bout portant, trois coups sur le premier tom qui tombe sous ses baguettes, une brève cataracte à assommer un bœuf, et c'est là que surgissent à ses côtés deux épouvantables gnomes aux allures grimaçantes, ne sont pas sortis de votre imagination, deux guitaristes aux jambes arquées dont le corps est secoué de profondes saccades, se livrent à une espèce de danse sacrée, celle des antiques Courètes cybélques et dionysiaques, empreinte de fureurs et de fracas, mais cela ne dure pas, Gui amplifie un grognement d'ours en colère à s'en faire éclater les vaisseaux de la gorge tel Roland pantelant soufflant dans son olifant, et Danny réamorce un monstrueux bruissement tintinabullique de cymbale.

Où trouver refuge dans cette apocalypse. Une mauvaise idée. Près de Jasmine Lee, visage serein elle semble comme absente de toute cette tempête, dégage une impression de zen et de plénitude. Mais il est des détails qu'il vaut mieux savoir saisir pour éviter les sueurs froides. Certes son corps, lorsqu'elle ne se plie pas à la danse corybantique, reste statique et paisible, mais sa main – avez-vous déjà vu une main droite de bassiste s'agiter si follement – est le signe qu'à l'intérieur son sang bouillonne comme lave de volcan d'autant plus mortellement pressurisée et prête à jaillir qu'invisible. Elle griffe bois et cordes comme si son instrument était animal vivant dont elle labourerait la peau du ventre pour lui arracher tripes et boyaux et les piétiner de rage une fois éviscéré.

Insurmontable gageure pour Ju. Il lui est impossible de laisser résonner les harmoniques des cordes de sa guitare. Ce sont les brisures, les changements de niveau rythmique, la respiration articulatoire de chaque titre qu'il doit exprimer. Aucun lyrisme si ce n'est de forgeron occupé à donner forme au trident de Neptune. Car Final Shodown vise à vous ébranler, à vous précipiter dans les abîmes infernaux de la folie. Délivrent une musique à l'image de notre monde où toutes forces se conjuguent pour en précipiter la destruction finale. Des morceaux courts, violents, brutaux comme coups et choc d'estoc portés sur l'armure défaillante de vos rêves et de vos espoirs insensés.

INTERLUDE REFLEXIF

Les graines de l'arbre mort se révèleront germinatives. Sont pourtant amputés d'un de leurs membres. S'ils ne nous l'avaient pas dit, on ne l'aurait pas deviné. Z'ont une arme secrète. Ils la dénomment Trash Metal Old Shool, si vous voulez une traduction je vous dirais simplement que leurs racines ont gardé de fortes colorations rock'n'roll, que leur trash Metal ne s'évapore pas, ni ne s'exalte, vers une mixture concréto-bruitiste qui se révèle être autant les champs d'expérimentation de certains compositeurs '' classiques'' d'aujourd'hui que des partisans d'un Metal extrême qui œuvrent à une dispersion excédentaire de la densité originelle de leur musique initiale. Il arrive au Metal ce qui est survenu au jazz lors de l'élaboration de la New Thing, à ceci près que les progrès technologiques incessants du traitement du son laissent encore un vaste champ d'expérimentation et de diversification inexploré.

DEAD TREE SEEDS

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Trashy. Flashy. Slashy. Z'ont préservé les graines mais z'ont brûlé l'arbre mort, l'ont transformé en torchère des racines jusqu'à la cime. N'ont pas employé des allumettes, ont usé d'un briquet beaucoup plus noble : la foudre. Quatre donc, Vortex au vocal devant et les trois autres malandrins derrière. Comptez sur eux pour les coups fourrés, à la nitro moléculaire, droit au but, en plein cœur. Se font remarquer dès le premier morceau comme le White Wolf. Chef de la meute. Celui qui court devant les crocs en avant.

Alex est aux drums, c'est sur lui que repose la plus lourde responsabilité, il impulse le rythme, doit crépiter sans arrêt, ses coups de baquettes mordent aux jarrets de ceux dont il impulse l'élan, sans oublier de monter d'un cran à chaque morceau, la frappe comme un baiser de feu, un brasier d'auto-consumation inextinguible, un phénix sans cesse renaissant, il est le phare dans la tempête et même temps la tempête qui assaille le phare. Déferlance de vagues plus puissantes les unes que les autres. Hors de lui aucune salvation, en lui péril en la demeure. L'est le tout qui occupe tout l'espace et son contraire, le néant engloutisseur.

Aurel est seul. Son comparse habituel est absent pour ce soir. Ce qui nous a valu un festival de guitare éblouissant. Pas de partage, tout le boulot pour lui. N'en a pas été écrasé pour autant. C'est dans les difficultés extrêmes que vous trouvez en vous des ressources inconnues. J'ai dû m'arracher à ma contemplation pour prêter attention à ce que faisait le reste de l'équipage. Un ravissement, n'a joué qu'un unique morceau de tout le set, un seul solo, éblouissant. Z'auriez entendu cette guitare gémir au-delà de toute jouissance, un feu inextinguible, une longue flamme, une sarabande de notes infinies, un écoulement vibrionique de particules échappant au champ d'attractivité planétaire, une espèce d'ovni extra-terrestre d'une longueur démesurée s'est envolé de son cordage et est monté se perdre dans ces régions à qui Aristote refuse le qualificatif sub-lunaire, une tentative hallucinante d'entrée en contact avec la dimension éthérique du divin. Après le concert, comme je le remerciais, s'est excusé de n'avoir pas eu son comparse Yvan à ses côtés parce que là, il avait tout juste essayé de faire ce qu'il avait pu. Comme quoi, le regard que porte un artiste sur ses réalisations n'est pas toujours le plus objectif.

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Aurel le feu, Sidi à la basse brasse les brandons éteints abandonné par l'incendie, les formes carbonisées hallucinées, Dead Tree Seeds, vous offre la grande scène de l'incendie de la demeure des Dieux mais n'oublie pas de vous présenter en arrière-fond l'image de la désolation ultime, les ruines inquiétantes et noircies du désastre, n'a pas eu le choix Sidi, lorsque la guitare d'Aurel s'est allumée, l'a fallu qu'il broie le noir de la défaite, qu'il écrive avec ses lignes de basse le récit de la terrible bataille, en témoignage menaçant pour les générations futures. Le miracle musical de Dead Tree Seeds tient en cette tension exacerbée entre le feu et la cendre, l'âtre de luminescence d'oronge et les débris noirâtre des splendeurs passées.

Un trio symphonique derrière, et Vortex devant. Opéra-trash. Pas très grand, belle crinière de cheveux qui lui confère une majesté léonine, n'a pas chanté, s'est inscrit dans le chant. L'a transformé sa voix en instrument. Une espèce de barre à mine vocale dont il s'est servi pour entrer en effraction dans les zones érogènes de la sensibilité de chacun, l'a fait de nos cerveaux une graine volante et fécondée. L'a glapit avec the Beast tapie en nous, l'a bouté le feu, Set The Fire, nous a proposé une chanson sur la Torture – c'est tout de même mieux que sous – n'empêche qu'il a crié comme si on lui arrachait les dents une par une avec une paire de tenailles, l'a prononcé les mots de l'Abjection et a fini par Push The Button, juste pour nous faire sauter le caisson et nous atomiser à tout jamais. Ces deux derniers morceaux ont été fabuleux, le Vortex est sorti de lui-même, pendant qu'il marchait vous auriez parié que sa voix arpentait la voie lactée poursuivie par les chiens d'Hécate, grandiose !

Prenez-en de la graine.

KÀOS THEORY

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L'on a commencé par deux expériences particulièrement kaotiques, il était prévu de finir par la théorie. Un peu de réflexion après la pratique n'a jamais tué personne. Et ceux qui sont morts ne se sont jamais plaints. En plus chez Kàos Theory l'on est plus près du chàos – oui ils mettent un accent grave sur le a, parce que le kaos c'est tout de même assez grave - que de la théorie. Tant pis pour ceux qui croyaient que l'on allait disserter sur la gnose aurorale de la notion de la rosée du kaos.

Cinq sur scène, au fond Paul est aux drums, ses longs cheveux qui pendent lui donnent l'air d'un ange du mal aux ailes repliées, use d'une batterie surprenante, tous les fûts sans être minuscules sont d'un volume moindre que ceux utilisés par la plupart des groupes, procure moins de puissance mais donne l'impression d'aider à la rapidité de la frappe, en tout cas, nous avons droit pour débuter à une intro style générique grandiloquent de film d'action à prétention héroïque, et aussitôt l'ensemble du groupe se hâte d'entrer dans la danse du scalp qui suit.

Guts aux allures de guerrier barbare est armé d'une guitare à caisse triangulaire à croire qu'il veuille conjointement enfoncer les deux pointes terminales dans le ventre de deux de ses ennemis. Joue aux trois-quarts le dos tourné vers le public, comme s'il ne voulait pas révéler le mystère des tonitruances qu'il fomente dans le secret d'une âme que l'on se plaît à imaginer aussi noire que la nôtre. Manutea est le nouveau bassiste, on le sentait un peu stressé lors de la balance mais une fois dans la houle montante du son, il s'est glissé dans la tempête à la manière de ces serpents monstrueux de mer dont les oscillations épousent la forme des vagues. Hugo est au micro, cheveux longs et ondulés. Sait aussi se servir d'une guitare l'a amplement démontré lorsqu'il s'est collé à Brice le second guitariste et s'est adjugé le haut du manche, juste pour le fun de jouer un solo à deux, à la manière des grognards de Napoléon amputé d'un bras qui battaient la charge à deux en tête des colonnes montant à l'assaut. Mais dans Kàos Theory l'est dévolu au vocal, et il ne s'en prive pas. Galvanise le public, qui se regroupe devant la scène et lui font un triomphe. Une ambiance psychopathique, danses, hurlements, trémoussement, une assistance totalement acquise à la cause du groupe. Un set un peu écourté à cause de l'heure avancé mais ils obtiennent deux rappels qui déclenchent quelques moments de folie bienheureuse.

Damie Chad.

31 / 05 / 2019MONTREUIL

COMEDIA

JEREM PERRY & LES MARGOUYOTS

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J'arrive un tantinet en retard, ce n'est pas de ma faute – qu'il soit entendu une fois pour toutes que rien n'est jamais de ma faute dans ce monde en perdition – d'ailleurs une récompense dès les premiers pas dans la Comedia, les Margouyots sont déjà sur scène. J'ai raté la Cadillac rouge avec sa paire de moustache noire, mais comme je ne possède ni Cadillac ni moustache, je me console en me disant que je parviendrai à survivre.

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Première surprise en franchissant la porte, sans même les voir, je ne les reconnais pas, j'ai dû m'approcher de la scène pour vérifier, je n'ai pas osé les toucher de mes deux mains comme saint Thomas pour les cinq plaies du Christ, mais on me les a changés, sont-ce eux ? Ne sonnaient pas comme cela, lorsque je les ai vus l'année dernière ( voir in Kr'tnt! 376 du 31 -05 - 2018 ) au Quartier Général, z'avaient malgré tout un son plus près des racines, et là c'est la métamorphose. Ça pétille d'électricité. Je cherche le responsable. Je n'ose pas dire le coupable car c'est beaucoup mieux. Je livre son nom à la vindicte admirative du pays, Monsieur Personne ( en personne comme il se doit ) et ses dosages sonores de sorcier.

JEREM PERRY AND THE MARGOUYOTS

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Quatre sur scène. Large bande léopard sur la chemise de Jérem Perry, les oreilles bouchées l'on comprendrait à l'instant que nous sommes devant un rockanilly band. L'on cherche la tâche orange cochranesque de l'instrument roi du rock'n'roll, mais non Jérem arbore Gretsch grise en bandoulière. Peut-être a-t-il choisi la couleur des cats in the night parce que ces animaux fantomatiques ne dévoilent leur présence que lorsqu'un éclat de lumière s'en vient heurter la prunelle phosphorescente de leurs yeux. Tout comme une guitare qui ne sonne fabuleusement que si des doigts agiles s'entremêlent dans les cordes. Nous reviendrons tout à l'heure sur son tricotage infernal. Jean-Jacques Fulgani est à ses côtés. Sanglé dans son perfecto, sourire aux lèvres, attitude de zénitude parfaite. De temps en temps, il se baisse et il farfouille de deux doigts dans le fouillis indescriptible d'un sac entrouvert posé à ses pieds, l'on se dit qu'il ne trouvera jamais ce qu'il cherche, que ce ne sera pas la bonne tonalité, mais non, l'en extrait l'harmonica idoine qu'il colle au micro et enserre entre ses lèvres. Quand il a fini il range son claque-dents dans sa pochette et attend sa prochaine intervention avec une placidité désarmante. Derrière à notre gauche, Jean-Pierre Domont s'active sur sa contrebasse. Ne slappe pas à tout berzingue comme un fada, l'est un minutieux qui crochète les cordes, les doigts repliés en serre de corbeau. Predrag Sojic, agitant sa queue de cheval, officie debout, un peu de guingois par rapport à ses camarades derrière son jeu de cymbales et les deux caisses claires – la grosse repose à ses pieds - pour un peu on les oublierait, totalement obnubilés que nous sommes par Jérémy.

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La description précédente est un pur mensonge, les musiciens sont silhouettés dans leur solitude, alors qu'il faut les considérer dans leur ensemble, dans leur entrelacs sonore, leur compacité souveraine. Ce n'est pas un concert, c'est une démonstration. Le rockabilly est une mécanique de haute précision, une horlogerie démentielle, suffit d'un moindre défaut, un contre-temps sauté, une intonation trop peu appuyée, et le château de cartes merveilleusement en équilibre s'effondre. Et ce soir c'est un régal. Jérem reste le rouage principal, le pivot essentiel mais sans l'accord interventionnel des trois autres il ne serait rien. Un guitariste, je ne cite qu'un exemple, pratiquement à la fin du concert il annonce Nuage de Django Reinhardt, jamais entendu le cumulus défiler à cette vitesse, jour de grand vent, vous le propulsent à toute blinde, certains crieront au crime de lèse-majesté, moi le Jérem m'a mis le nez en plein dans un truc que j'avais lu mais jamais vraiment intégré, le fait que Cliff Gallup se soit revendiqué de Reinhardt, entre grands guitaristes on se comprend m'étais-je imaginé, mais là j'ai compris comment Cliff avait métamorphosé la subtilité vaporeuse de Django, ces espèces de passage comateux et cotonneux, ces glissements incertains et fractalistes qui sont au fond du style du miraculeux gitan, Gallup les a transformés en rebondissements élastiques d'une grande violence, là où Django nous ensorcelle Gallup nous plante un couteau dans le dos, du coup je repense à ces guitares folles des concerts de la veille et l'évidence de la continuité musicale entre le vieux rockabilly des familles et les anfractuosités d'un death-rock explosif coule de source.

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Parce que le Jérem il fait peur, vous malmène salement, sa guitare ne ronronne jamais, change sans cesse de régime, vous met les nerfs à nu de psalmodies de trilles qui vous percent les oreilles et vingt secondes plus tard, la grosse corde supérieure tonne comme un canon de marine. Un festival. Du grand art. Un arc-en-ciel sonore. Et là-dessus Fulgani fulgore de ces banderilles d'harmonica entre les omoplates de chaque accord, il attise la bête, vient la relancer quand Jérem ne chante plus, car Jérem assure aussi le vocal. Jean-Pierre vous enlace le tout du grondement profond et élastique de sa contrebasse, agit en mauvais garçon, en homme de main qui vous ligote proprement un cadavre avant de le faire disparaître au fond d'une rivière.

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Jérem a la voix qui porte. Puise aussi bien dans le pur rockabilly que dans tous les classiques du rock'n'roll, et les hits des Stray Cats, mais ce qui vous scotche le plus ce sont ses propres compositions, en français s'il vous plaît, des titres comme Tu n'es pas là, Sur Ton Palier – il en a une douzaine – n'attendent plus qu'un label. Le deuxième set se termine sur un medley d'anthologie, Long Tall Sally, Hound Dog, Whole shakin... des boules de feu, nous sort le grand jeu, nous refile vitesse grand V les plans de Chuck Berry et d'Eddie, se jette à terre, à genoux face au public, se roule par terre, ce qui déclenche un moment de folie chez Predrag, se lance dans un solo incendiaire, tape sur ses caisses, vous tire d'étranges cliquètements sur les armatures en ferraille et s'en va va taper un peu partout sur tout ce qui tombe sous ses baguettes, avec toujours cette précision et cette brièveté exécutoires qui sont les deux mamelles fondatrices du rockabilly. Dans le public Elie's Roland n'y tient plus il monte sur scène et tout le band improvise une Bamba épileptique avant de terminer sur un Rock This Town de chat échaudé qui craint ne plus l'eau froide.

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Une chose est sûre, va falloir compter avec ces Margouyots de malheur dans le rockabilly français. N'ai pas tout dit, cette interprétation des 24 000 Baisers de Johnny qui enfonce toute les versions précédentes y compris celle de Little Tony pour laquelle j'ai toujours eu un faible, et ce duo chant et harmonica...

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Les Margouyots, retenez ce nom, quand les lézards se chauffent au soleil, vous êtes sur la piste du rockabilly... Terminons sur ce geste de Martin Péronard l'auteur de la fresque extérieure et intérieure de la Comedia qui à la fin du concert est venu offrir un dessin inspiré par cette soirée rock époustouflante. Une offrande qui en dit long.

Damie Chad.

( Photos : FB : Elie's Roland )

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