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  • CHRONIQUES DE POURPRE 393 : KR'TNT ! 413 : JACKIE SHANE / ALL THE YOUNG DROOGS / SWALLOW MUCUS DIARRHEA / PENDRAK / NASTY FACE / INOPEXIA / NITE HOWLERS / ROCK'N'ROLL 39 - 59 / ROCK'N'ROLL 39 - 59

    KR'TNT !

    KEEP ROCKIN' TILL NEXT TIME

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    LIVRAISON 413

    A ROCKLIT PRODUCTION

    LITTERA.INCITATUS@GMAIL.COM

    04 / 04 / 2019

     

    JACKIE SHANE / ALL THE YOUNG DROOGS

    SWALLOW MUCUS DIARRHEA / PENDRAK

    NASTY FACE / INOPEXIA

    NITE HOWLERS / ROCK'N'ROLL 39 – 59

     

    Shane on you

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    Jackie Shane fut en son temps une sorte de pionnier. Ce joli black originaire de Nashville fit carrière durant les sixties dans les clubs de Toronto en chantant comme Wilson Pickett et en trimbalant un look extrêmement décadent, à cheval sur Esquerita et Rrose Sélavy, mêlant le kitsch des downtown clubs à celui développé par Duchamp et Man Ray au temps béni de Dada. Ce personnage fascinant va pousser le bouchon très loin puisqu’il finira par se faire opérer pour devenir une dame. C’est elle qu’on voit sur la pochette du fantastique double album Any Other Way paru en 2017.

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    Un livret grand format de 32 pages accompagne ce double album et Rob Bowman nous y raconte dans le détail l’histoire de ce personnage extravagant. Bowman fait de Jackie Shane one of the greatest unsung soul singers of the 1960s. Eh oui, il suffit d’entendre la version que fait Jackie de «Papa’s Got A Brand New Bag», c’est du pur jus de James Brown, avec des aouh criants de véracité exacerbée. Bowman précise aussi que Jackie n’a jamais fait la pute ou joué les drag queens. Ce n’est pas du tout son style. Il se contentait d’affirmer ouvertement sa sexualité en portant du maquillage, des chemises en soie et des bijoux, à la ville comme à la scène. Avec dignité et self-respect. Pas d’exotisme chez Jackie Shane, juste une féminité assumée. Sur scène, Jackie savait tenir son public en haleine with her radiant eyes, extraordinary vocal abilities, and graceful, subtle stage presence - Ce qui à l’époque était quand même encore très risqué. Comme Bobbie Gentry, Jackie décida à un moment de disparaître de la scène. Son dernier concert eut lieu à Toronto en 1971. Puis plus rien. Silence total. Jusqu’à aujourd’hui, 21 février 2019 : Jackie vient de casser sa pipe en bois, à l’âge ultra-vénérable de 79 ans.

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    Franchement, son histoire vaut le détour. Il grandit aux environs de Nashville et se découvre très vite une passion pour les robes. Jackie dort chaque nuit avec ses grand-parents. À l’adolescence, Jackie comprend clairement qu’il est une femme dans un corps d’homme - I was born a woman in this body - et se pointe au collège maquillé - It would be the most ridiculous thing in the world for me to try to be a male - Pas la peine de faire semblant d’être un mec. On le considère alors comme un freak, mais sa mère lui apporte tout son soutien. Jackie n’a pas besoin d’aller voir un psy, car c’est clair dans sa tête : il ne se voit pas comme quelqu’un d’autre. Aucune ambiguïté. Il se fout de ce que pensent les autres, dès lors qu’il ne fait de mal à personne.

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    Jackie a quinze ans quand il rencontre Little Richard qui vient juste de percer avec «Tutti Frutti». Mais il est plus fasciné par les Upsetters, la backing band de Little Richard, et plus particulièrement par Chuck Connors, le batteur. Il enregistre un single, «I Miss You So» sur Excello et quand sa mère s’installe à Los Angeles, il va lui rendre visite. Elle lui refile un sacré tuyau : le talent show de Johnny Otis, le mec qui a découvert Etta James et Sugar Pie De Santo. Jackie s’inscrit et chante «Lucille» sur scène. Le public en redemande. Il gagne le trophée et retourne jouer de la batterie à Nashville avec ses amis. Il a déjà un style particulier, il joue debout et chante - I get a kick out of it - Entre 1957 et son départ de Nashville en 1958, Jackie enregistre pour Excello et accompagne des gens du calibre de Big Maybelle, Gatemouth Brown, Larry Williams, Little Willie John et Joe Tex. C’est justement Joe Tex qui conseille à Jackie de quitter le Deep South pour aller faire carrière ailleurs. D’autant qu’à l’époque, des gangs de blancs tabassent encore des nègres dans la rue, just for fun. Jackie comprend qu’il doit quitter la région rapidement, et d’autant plus rapidement qu’il se dit openly gay dans un secteur où on frappe les nègres. Sortir dans la rue maquillé, c’est un peu comme de vouloir traverser un fleuve infesté de crocodiles à la nage. Forget it. Alors il monte vers le Nord avec des amis musiciens. Quand il débarque à Montreal, il voit des clubs partout. Incroyable ! Jamais vu autant de clubs ! Il est vite engagé, mais la mafia traîne dans les parages et un parrain commence à le tripoter. Jackie lui dit bas les pattes. Insulté, le parrain lui annonce qu’il va envoyer ses tueurs. Jackie a pas mal d’ennuis avec la mafia locale et finit par comprendre un truc élémentaire : il faut se payer les services d’un protecteur, surtout à Montreal, où tous les clubs sont tenus par la mafia. Puis il rencontre Frank Motley and the Motley Crew. Motley est un black capable de jouer sur deux trompettes en même temps. Shane et Motley deviennent vite des bêtes du circuit des clubs. Ils font un malheur à Boston et reviennent casser la baraque à Montreal, en 1960. Pour la communauté noire de Toronto, Jackie est la star number one. Avec son maquillage et ses costumes en silver mohair, Jackie passe pour a perfect china doll mannequin. On est en 1961, longtemps avant Bowie. Jackie reprend des tas de hits sur scène, dont l’excellent «Any Other Way» de William Bell. Le single paraît sur Sue Records en 1962. Quand William Bell l’entend, il est frappé par la qualité des arrangements. Jackie continue de jouer avec le feu en montant sur scène maquillé et coiffé comme une duchesse. Il n’est pas le seul à risquer sa peau. Bobby Marchan le fait aussi, à une époque où la loi interdit à un homme de se déguiser en femme. Jackie fait gaffe en sortant dans la rue en finit par s’installer à Toronto, jusqu’en 1970.

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    Comme le premier single sur Sue marche bien, le mec de Sue invite Jackie à New York pour enregistrer son deuxième single, «In My Tenement». Mais ça ne marche pas. Jackie déteste ce morceau choisi par le mec de Sue. Il n’aime pas non plus les musiciens qui l’accompagnent. Jackie voulait un real R&B soulful record et non ce genre d’uptown R&B qui aurait pu convenir à Ben E. King ou aux Drifters. On peut entendre ce single sur l’A du double album. Jackie a raison de vociférer, car voilà un «In My Tenement» complètement passe-partout, tapé au grand banditisme avec toute une kyrielle de choristes et de cuivres - A too busy arrangement - Et le «Comin’ Down» de Bobby Darin qui figure sur le B-side du single n’a absolument aucun intérêt.

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    Jackie joue régulièrement en première partie d’Etta James. En 1965, il séjourne à Los Angeles et se produit dans des clubs avec la crème de la crème du gratin Dauphinois, de T-Bone Walker à Johnny Guitar Watson en passant par Etta James. En 1966. Jackie enregistre une superbe version de «You Are My Sunshine». Wow ! C’est monté sur un beau beat popotin et une bassline entreprenante grimpe au devant du mix. Jackie pulse son dernier couplet à la Esquerita. Oui, sent nettement la superstar. Un autre single vaut tout l’or du monde : «Stand Up Straight And Tall». Jackie chauffe sa Soul comme James Brown, mais en plus perçant, et avec une niaque de tous les diables réunis. C’est solidement nappé d’orgue et bien pulsé. Jackie joue aussi de la batterie en studio pour Lowell Fulsom. Eh oui, sur le fameux «Tramp».

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    Sur scène, Jackie n’en finit plus de casser la baraque - It was like going to see our version of James Brown - Les gens l’adorent - He was amazingly hot. Electric. He was always moving. He was playing the crowd. Eye contact all the time - Mais les gens remarquent aussi un sorte de réserve naturelle, Jackie ne fait jamais la folle - She was there for serious business - Bien sûr, les traves viennent voir Jackie sur scène et un mec va même jusqu’à dire : «Jackie was Bowie before Bowie.» Et comme Jackie fait un malheur au Saphire de Toronto, un gros malin lui conseille de faire un album live, en prenant l’exemple du James Brown Live At The Apollo, un disque que Jackie vénère, évidemment. Frank Motley & The Hitchhikers accompagnent Jackie sur ce live fabuleux qui fut enregistré en plusieurs sessions. On en retrouve trois sur ce double album. Il manque le «Hi-Heel Sneakers» qui figure sur l’album paru sur Caravan à l’époque. On est saisi dès «Knock On Wood» par l’extraordinaire présence de Jackie, c’est aussi raw que Wicked Pickett, il knocke son wood avec la même niaque. Puis il explose «Money» au scream. Il peut haranguer la public comme James Brown, à la glotte fêlée. Il tape aussi une belle version du «You’re The One» de Bobby Blue Bland et transforme le «Don’t Play That Song» de Ben E. King en slow super-frotteur. Mais c’est avec le «Papa’s Got A Brand New Bag» de James Brown qu’il fout le souk dans la médina. Il reprend aussi le vieux «Any Other Way» de William Bell et enchaîne avec une version inflammatoire de «You Are My Sunshine». Son plus gros coup d’éclat est dans doute sa version de «Shotgun». Jackie chauffe la Soul de Junior Walker avec une ardeur hors du temps et des modes. Il a quelque chose que les autres n’ont pas. Quel shaker de shook ! Il ne pouvait pas choisir cut plus wild que Shotgun. Il fait son Sam & Dave et son James Brown dans le hot hell de Junior Walker. On avait encore jamais vu ça. Il enchaîne avec un «New Way of Lovin’» explosif, au sens d’Esquerita, un vrai shoot de bamalama, avec une guitare fantôme qui vient hanter le son. C’est absolument dévastateur. Il termine avec un «Cruel Cruel World» tout bêtement spectaculaire. Il pousse son cruel cruel world dans ses retranchements. Jackie Shane est un shouter phénoménal et on s’étonne qu’il soit resté underground. Il balance des monologues extraordinaires dans le courant du show - You know what my slogan is ? Baby do what you want, just know what you’re doing - Et puis en 1970, George Clinton et Funkadelic proposent à Jackie de bosser ensemble, mais non, ça ne l’intéresse pas. Pourquoi ? Ces mecs sont trop wild - I liked what they were doing but it’s not me - Puis Bowman nous apprend que Jackie est allé enregistrer deux cuts à Los Angeles, «It’s Your Thing» des Isleys et «Who’s Making Love» de Johnnie Taylor, mais ces enregistrements n’ont jamais refait surface. Ah comme la vie peut être bizarre, parfois.

    Signé : Cazengler, Jackie Shit

    Jackie Shane. Disparue le 21 février 2019

    Jackie Shane. Any Other Way. Numero Group 2017

     

    All the young Droogs

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    Il suffit d’une photo de Third World War dans Uncut pour mettre tous les services en état d’alerte. So what ? Proto-punk ? On a même une mini-interview de Terry Stamp. Trois questions, pas plus. C’est déjà ça. Quand Jim Wirth lui demande quel effet ça lui fait de se voir considéré comme glam, Stamp répond qu’il ne sait pas ce qu’est le glam, et il ajoute que le traiter de glam, c’est un coup à se faire péter les dents. Pour aider le pauvre Jim Wirth, disons que l’«Hammersmith Guerilla» de Third World War fait le lien avec les Hammersmith Gorillas de Jesse Hector et de là, on rejoint logiquement le glam des Gorillas et le «Live In Style In Maida Vale», mais c’est quand même un peu tiré par les cheveux. Wirth essaie de s’en sortir en affirmant que Third World War était un knuckle-dragger Slade (un Slade cro-magnon) sans le chapeau à miroirs, c’est dire s’il n’a pas compris grand chose : Slade et Third World War n’ont absolument rien de comparable. Et Wirth s’enferre en ajoutant que Terry Stamp et Jim Avery n’étaient pas les ancêtres directs de Sweet ou des New York Dolls, but flawed prototypes, c’est-à-dire des vagues prototypes, et plus loin, il dit exactement le contraire - Third World War were the antithesis of pretty-boy glitter rock - Au risque de se faire péter les dents, Wirth insiste lourdement et demande à Terry Stamp ce qu’il pensait alors de Bolan et de Bowie. Oh Stamp les connaissait parce qu’il les croisait dans le circuit. Stamp avait déjà du métier, il accompagnait Mike Rabin en 1964, et par principe, il souhaitait bonne chance aux débutants. Stamp se souvient aussi que Bowie avait une guitare Hagstrom acoustique, real nice. Il louchait même dessus. Il conclut en disant se moquer des étiquettes et rappelle qu’il se contentait à l’époque de Third World War d’écrire des chansons. Voilà, débrouille-toi avec ça. On trouve aussi dans l’article de Wirth des photos qui font baver : Be-Bop Deluxe, les Milk’n’Cookies et des groupes moins connus comme Angel, Buster et les Brats. Jim Wirth va loin, car il compare le coffret All The Youg Droogs au Nuggets de Lenny Kaye. C’est vrai que le principe est le même : pour monter ce genre de compile, il faut aller fouiner dans les poubelles de l’industrie musicale et y déterrer des nuggets. C’est exactement ce que raconte Tony Barber dans le texte d’introduction du coffret, cette passion de la recherche des singles rares qui le poussait parfois, comme il le rappelle, à se mettre à quatre pattes sous les tables des exposants pour aller fouiner dans les «cartons du dessous» - in the 10p box on the floor under the table - là où stagne le vrac dont personne ne veut, sauf les diggers convaincus de leur digging. Phil King et Tony Barber se mirent dans les années quatre-vingt à écrémer les conventions et les équivalents britanniques des Emmaüs qu’on appelle les charity shops. Alors que les singles punk et psyché étaient recherchés, les singles de sous-glam ne valaient pas un clou et comme le rappelle Tony Barber : «They were only worth 10p because I was maybe the only person interested on the entire planet.» Mais au-delà des clichés glam, ces groupes de sous-glam se voulaient antisociaux, bien avant les Sex Pistols, comme le rappelle Barber, et c’est ça qui l’intéressait. Wirth parle d’antisocial aesthetics.

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    Wirth rappelle aussi le rôle que jouent les Dolls dans cette histoire. Les Milk‘n’Cookies s’en réclamaient et leur bassman Sal Maida avait joué dans Roxy Music et les Sparks. Mais la prod de leur album fut complètement foirée et les Cookies se retrouvèrent en 1974 le cul entre deux chaises, entre le glam et le punk à venir.

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    En titrant son coffret All The Youg Droogs, Phil King adresse un joli clin d’œil aux Dudes de Mott, même si les glamsters agglutinés dans le coffret n’ont rien de vraiment Droogy, au sens où l’entendaient Stanley Kubrick et Anthony Burgess. On trouvera un peu de délinquance juvénile ici et là, mais pas trop. Phil King et Tony Barber n’en sont pas à leur coup d’essai : ils ont déjà à leur actif plusieurs compiles de Junk Shop Glam, un concept de leur invention et qui fait désormais autorité. Dans sa longue note de présentation, Tony Barber commence par dire qu’il haïssait les sixties, Cliff Richard, les Tremoloes et tout ce qui passait à la télé. Les seuls cuts qui trouvaient grâce à ses yeux étaient des trucs comme «River Deep Mountain High» et «Reach Out I’ll Be There». Puis tout prend du sens en 1972 avec Marc Bolan. Arrivent dans la foulée Slade et Sweet. Puis «Can The Can». Et comme il s’ennuie comme un rat mort pendant les années quatre-vingt, il joue de la guitare sur les B-sides de Sweet - I just never stopped liking their stuff - Nous aussi. Il commence à fouiller dans les cartons de singles et pouf, il tombe sur le «Rebel Rule» d’Iron Virgin. C’est là qu’il se met en chasse des glam-souding bands from around 73/74. C’est l’époque où tout le monde refourgue ses disques - There were people everywhere who would sell you 500 singles for a tenner - Tony Barber nous parle d’un temps béni, celui d’avant le web, quand il fallait fouiner pour trouver des disques. Il rencontre Phil King et découvre qu’il partage la même passion. Barber rappelle qu’il utilisait l’expression Junk Shop Glam depuis le début et que Phil King avait lui aussi des expressions comme «Glitter From the Litter Bin» et «Boogie Bands In Blushers».

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    À la fin des années quatre-vingt dix, Barber part s’installer à New York. C’est là qu’il décroche, mais Phil King continue et lance ses compiles chez RPM : le Junk Shop Glam prend son envol. Barber conclut en disant qu’on vit aujourd’hui in a strange kind of post-heritage culture world, un monde étrange où tout est devenu immédiatement accessible. Plus besoin de fournir le moindre effort pour trouver ce qu’on cherche. C’est là, il suffit de cliquer. Il ajoute que ces groupes des années 70 suscitent plus d’intérêt aujourd’hui que les nouveaux groupes, et que ça doit paraître étrange aux yeux des musiciens d’alors de voir leurs singles devenir des pièces de collection qui s’arrachent à prix d’or. Cinquante ans plus tard.

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    Le coffret comprend trois disques/chapitres : 1 - Rock Off, 2 - Tubthumpers & Hellraisers et 3 - Elegance & Decadence. Des trois chapters, les plus impressionnants sont les deux premiers, qui valent pour un vrai panier de glam-crabes. On se demande ce que fout le «Working Class Man» de Third World War là-dedans, mais en même temps, ça reste un plaisir de l’entendre. Alors laisse tomber les bricoleurs de garage du dimanche, c’est Terry Stamp le seul maître à bord. Il chante du fond de son âme de street guy et en plus, il ramène la mythologie de la classe ouvrière qui a hélas disparu avec les pseudo temps modernes. Stamp, seul maître à bord, ever. On tombe aussi sur Iggy et «I Got A Right». Pareil, on se demande vraiment ce qu’il fout là. Hormis le plaisir de l’entendre. C’est un son extrême, noyé dans l’haze of it all. Williamson tape dans le tas et la basse de Ron Asheton traverse l’autoroute sans regarder ni à droite ni à gauche. C’est aux Milk’n’Cookies que revient l’honneur d’amener le premier coup de bambou avec «Wok’n’Roll». Fabuleux stomp, on sent vibrer la racine du glam-punk. C’est monté sur un riff de relance en forme de ressort, imparable, avec toutes les ficelles du big glam boot. Rien qu’avec ces trois merveilles, le matelot est soûlé. Phil King nous ressort du bin les Brats, des Dolls lookalikes. En fait, il s’agit du groupe de Rick Rivets, qui fit partie des Dolls à leurs débuts. Leur «Be A Man» vaut pour un gros coup de glam démento à gogo. Petite révélation avec Glo Marcari et son «Looking For Love». Voilà une petite dévergondée, véritable incarnation du glam nubile délinquant. C’est assez stupéfiant. On aurait presque envie de serrer la main des diggers qui ont réussi à déterrer cette franche merveille. Il faut partir du principe que tous les singles rassemblés dans ce coffret valent le détour, notamment ce «Big Boobs Boogie» de Slowload, très Johnny Rotten dans l’esprit du chant, c’est bardé d’envolées de pyrotechnics et de relents stoogy. Et c’est avec Iron Virgin qu’on tombe de la chaise. Le mec chante à la glotte folle, musical yobs with a camp image, nous dit Phil King, c’est demented, comme dirait le Doctor du même nom ! Dynamique du diable et gros retours de manivelle, ça pulse dans la virulence abdominale du glam virginal. Dans Fancy, on retrouve Nigel Benjamin, le mec de Mott. Leur «Brother John» reste du big sound. Tous ces mecs tentaient leur chance, mais peu passaient la rampe. Nigel Benjamin envoie des ooouh yeah avec une belle abnégation. Phil King nous explique aussi que Benjamin est allé fréquenter Nikki Sixx à Los Angeles, mais il n’a pas réussi à faire partie de Motley Crüe. Autre merveille, le «She’s Not My Fever» de Cole Younger. Pur jus d’English rock star underground. Cole Younger va chercher des chats perchés sur fond de wall of sound. Admirable. Voilà encore un single perdu dans l’océan des singles et tellement inspiré. Il faut avoir écouté ça au moins une fois dans sa vie. Encore du pur glam avec Sweeney Todd et «Roxy Roller». Le glam quand il est bien foutu est un son dont on ne se lasse pas. On a là du heavy glam canadien dans la meilleure des traditions. Ils jouent dans les règles de l’art total. Avec «Get Outa My Ouse», Hustler passe au cockney-glam. Le chanteur s’appelle Mickey Liewellyn et il a la classe d’un Noddy Holder des bas-fonds de l’East End. C’est à l’immense Stevie Wright que revient l’honneur de refermer ce brillant Chapter One. Il fait lui aussi un fantastique numéro de chat perché. Pas de pire shouter que Stevie. Il nous sort un boogie niaqué et sauvage.

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    Le Chapter Deux (Tubthumpers & Hellraisers) grouille aussi de glam et ça part en trombe avec le «My Teenage Queen» d’Harpo. Heavy glam stomp. C’est du glam de Suède, indestructible, comme l’acier de Damas. Encore plus glam, voici «Bye Bye Bad Days» des légendaires Hector. Bovvers stars. Riffing wild et violent, avec un solo à l’étalée. Voilà le genre de cut qui justifie à lui seul l’achat du coffret. On croise pas mal de rock’n’roll à la sauce Bay City Rollers ou même Abba, et ça reste pop-rock glammaire. On revient au glam d’Écosse avec Frenzy et son «Poser» bien posé sur le beat de stomp. Ils truffent leur dinde de petites conneries de comedy act, mais ça passe comme une lettre à la poste. Simon Turner n’accroche pas plus que ça, dommage. On croise plus loin le «Whizz Kid» de Mott The Hoople qui marche à tous les coups, grâce à son ‘Mick Ralph crutch’. Diable, ce qu’on a pu aimer ça à l’époque. Ce genre de cut est une véritable machine à remonter le temps. On voyait se dresser le mythe de Mott dans la misère d’un lycée de province. Retour aux affaires avec Angel et «Little Boy Blue». Ces mecs étaient managés par Andy Scott et Mick Turner. On sent la nette influence de Sweet. Ils se gargarisent de l’exceptionnelle aura sweety à coups de c’mon et de heavy stomp. C’est tout simplement énorme. On tombe à la suite sur le meilleur cut du coffret, l’effarant «Zephyr» de Baby Grande. Il s’agit d’un groupe australien contemporain des early Saints. Fantastique charge sonique ! Ces mecs incarnent le raw power. C’est une explosivité de tous les instants - Well I call you a zephyr - Tout est là, dans cette énergie des guitares, c’est rempli de son à ras-bord, personne ne les aime et ils ne s’aiment pas non plus, mais quelle niaque démente, c’est même bien meilleur que les Saints (pas facile à dire pour un vieil inconditionnel des Saints). Après, ça devient difficile de continuer, car il semble qu’avec Baby Grande la messe soit dite. Il faut attendre le «Cut Loose» de Stud Leather pour renouer avec le frisson. On voit ces mecs foncer au pianotis avant de retomber dans le velours pourpre du glam, avec des jolis breaks de beat stomp. Ils se payent même le luxe d’un final en forme de délire free au sax. Excellent ! On reste dans l’excellence extatique d’un son porté aux nues avec une reprise de «Gimme Gimme Some Lovin’» de Biggles. C’est ultra-saturé d’énergie, unbelievable, il n’existe rien de plus festif que cette merveille. Autre modèle du genre : «Dog Eats Dog» de Mint, une espèce de big boogie glam avec des éclats de Beach Boys Sound. Phil King nous dit que Martin Rushent a produit le «Fast Train» de Tank. Ah comme c’est bon ! C’est même joué à la meilleure heavyness du temps d’avant. Encore une perle avec The One Hit Wonders et «Hey Hey Jump Now». Big shoot de Mike Berry. C’est énorme ! The bubblegum maestro, voilà encore un single bardé de son, de classe et d’énergie. UK Jones referme la marche du Chapter Two avec «Let Me Tell Ya», fabuleux shake de Junk Shop Glam. Le beat tape dans l’œil, paf ! Pur jus de glam stomp, c’est plein comme un œuf de poule.

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    Le Chapter Three (Elegance & Decadence) est nettement moins dense, au sens glam des choses. Le Brett Smiley qui ouvre le bal n’est pas très bon, mais Phil King nous révèle que des inédits de Brett Smiley vont bientôt refaire surface. John Howard ne marche pas non plus : trop pop et pas assez décadent. Trop torturé dans sa texture - Rococo balladry and florid vignettes - Mieux vaut écouter Peter Perrett. Les singles de ce Chapter Three vont plus sur le cabaret, un genre difficile. Il faut attendre Paul St John pour renouer avec le glam à la Bowie. Il joue à coups d’acou dans l’écho du temps et sort un admirable artefact de glam spatial. Woody Woodmansey est présent à deux reprises et se vautre les deux fois. Son «Star Machine» est mauvais. Et quand on écoute Paul Nelson dans Be-Bop Deluxe, on se demande bien comment il a réussi à devenir culte. Il règne une sacrée ambiance dans son «Night Creatures», mais Bowie est passé par là avant lui. Avec des gens comme Steve Elgin, John Henry et Clive Kennedy, on perd complètement le fil du glam et pire encore, le fil des Droogs. On se remonte le moral avec la version acou d’«I Live In Style In Maida Vale», d’Helter Skelter. C’est d’une classe imbattable. Jesse Hector avait tout compris. Greg Robbins chante son «Virginia Creeper» d’une voix de gonzesse et ça tourne à la délinquance juvénile. Le Sleaze de TV Smith est insupportable et le reste ne vaut pas tripette. Restons sur Helter Skelter, Baby Grande, Hector et Iron Virgin, si vous voulez bien.

    Signé : Cazengler, all the old schnock

    All The Young Droogs. RPM 2019

    Jim Wirth : All The Young Droogs. Uncut #262 - March 2019

    Sur l’illusse, on voit Hector.

    MONTREUIL / 28 – 03 – 2019

    LA COMEDIA

    SWALLOW MUCUS DIARRHEA / PENDRAK

    NASTY FACE / INOPEXIA

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    Viens jeudi, m'avait-on recommandé, il y aura du grind à moudre. Du gros grind gras grave, en toutes choses j'adore les extrêmes, vous pensez bien qu'en rock aussi, j'accours, je vole, je supersonique la teuf-teuf, les dieux du tonnerre et de l'ouragan me sont favorables, au moins quinze places de parking libres.

    SWALLOW MUCUS DIARRHEA

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    Deux qui nous tournent le dos. Basse et micro. Le set ne durera pas plus de vingt minutes, peut-être dix, mais très choc et pas chic du tout. L'on est soulagé lorsque ça s'arrête. Ce n'est pas que ce soit mauvais, c'est que lorsque l'horreur surgit, vous n'avez qu'une idée, qu'elle cesse au plus vite. Une guitare en furie qui n'arrête jamais, imaginez un bourdon colérique de cent mètres de long qui fonce sur vous à quatre cents kilomètres heures, ses ailes déracinent les arbres au passage et engendre une espèce de raz-de marée sonore destiné à vous rayer de la terre, le bourdonnement inexpiable retentit sans interruption comme les sirènes de l'apocalypse. Bruit et fureur. Un screamer fou, growle dans le micro et l'éloigne aussitôt de sa bouche, cette glissade rapide opérant à chaque fois une espèce de sifflement de locomotive en furie. Une catastrophe sonique. Le pire c'est que vous n'avez encore rien vu.

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    Vous avez eu le son. Voici les images projetées sur un drap blanc. Insupportables. Si vous avez encore quelques illusions sur la nature humaine, sautez ce paragraphe. Commence par une leçon de dissection dans un amphithéâtre de médecine. Hélas, l'on ne s'y attarde pas, très vite les vues insoutenables se bousculent, scènes de massacre et de boucherie, le plus terrible c'est que vos yeux s'y posent et y restent collés comme des mouches sur les cadavres, insupportables vidéos d'exécutions perpétrées par Daesh et consorts, têtes décapitées, gros plan sur les visages pendant la découpe in vivo, corps ouverts au coutelas, nourrissons criblés de balles, enfants abattus en direct live, éclaboussures de sangs, sadisme des bourreaux, soubresauts des corps, yeux énucléés, spectateurs empressés dont les portables au plus près, n'en perdent pas une, automutilations diverses, charniers des camps d'extermination nazis, immeubles soufflés par des rafales de missiles, ventres d'avions lâchant des chapelets de bombes, pendaisons, démembrements, éviscérations, j'en passe et des pires, portraits d'hommes politiques qui ont commandé ces horreurs...

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    Avalez la merde humaine par les yeux, Swallow Mucus Diarrhea, produit l'excrémentielle cacophonie de notre époque. Directement entée sur notre monde. Inutile de vous voiler la face, si vous abaissez les paupières, l'horreur rentre par vos tympans. Terminez les douces ballades à l'eau de rose, SMD exhale la puanteur de nos âmes. Qu'elles se déroulent au bout du monde, loin de nos contrées policées, n'est pas une excuse, nous portons en nos fibres la même sauvagerie, elle fermente en nous, l'être humain a su créer un monde à l'image de sa propre saloperie. Là où il y a de l'être, il y a de la merde disait Artaud.

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    La prestation de Swallow Mucus Diarrhea dit crument tout ce nous nous cachons tout bas. Les images expliquent la violence de la musique que la réalité a engendrée. Sans doute sont-elles plus insoutenables que le gore noise qui les accompagne, mais peut-être pouvons-nous les regarder en face justement parce que le direct live sonore nous y conduit, à la manière d'un instituteur qui de sa baguette attire et focalise l'attention de ses élèves sur les particularités exemplaires d'une règle d'orthographe écrite sur le tableau. A moins que ce ne soit la prégnance de la réalité cannibale du monde qui se nourrit de la chair de la musique censée l'exprimer. Ce qui est sûr c'est que l'on ne sort pas indemne d'une telle prestation.

    PENDRAK

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    Pendrak, de Paris, ont choisi de passer après leurs potes de Rennes. Tâche difficile. Vont tout de suite remettre les pendules à l'heure musicale. Mallarmé affirmait que c'était une hérésie redondante que de mettre ses poèmes en musique. Pendrak va nous démontrer que la musique se suffit à elle-même. Certes, c'est plus rassurant de se confronter à une formation classique : guitare-basse-batterie. Au moins l'on est en pays connu, et normalement rien de bien terrible devrait nous arriver. Avec en prime peut-être un bon concert. Qui nous a été offert.

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    Vous pondent des œufs de fer toutes les deux minutes. Faut suivre et aiguiser tous ses sens. Un ensemble parfait. Vous ne passeriez pas l'épaisseur d'un cheveu dans leur cohérence sonique. Pas la plus miminement mince des fissures, pas la moindre lézarde. Pour un peu vous passeriez à côté de leur dextérité instrumentale. Tout va trop vite, vous aimeriez qu'ils rejouent le même morceau, et vous seriez prêt à jouer l'imbécile de service en leur demandant de jouer plus lentement. Trop tard, z'en ont déjà aligné trois de plus, et vous n'avez pas intérêt à prendre le train en marche pour comprendre ce qui se passe.

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    Ce n'est plus du rock, c'est une démonstration. Sont incrustés à mort dans la philosophie du grind crust death. La violence du monde ils vous la jettent à la figure sans avoir besoin de vous faire un dessin. Vous pigez cinq sur cinq. Une guitare ravageuse, une basse grondante et une batterie destructrice. Les physiciens nous assurent que si vous abolissez le vide qui sépare les particules des atomes, l'univers entier contiendrait dans un dé à coudre. Doivent s'inspirer de cette idée. L'ont transposée en musique. Vous font du bonzaï rock. Vous réduisent les baobabs en brins d'herbe et les éléphants en puces. Un metalleux classique vous en ferait un monstre de trois cents tonnes de ferrailles, Pendrak vous cisèle une pacotille de trois grammes, aux bords aussi coupants qu'un rasoir, un bijou d'une densité extraordinaire, la même force d'impact dévastatrice, et ils vous le lancent sur la figue à la vitesse d'une étoile de ninja intergalactique. Deux voix, l'une qui grunte et l'autre qui growle, une dissonance ponctuante qui vous assène des uppercuts sans rappel. No Brain No Pain, Le Cimetière de l'Intelligence, si vous vous reconnaissez dans ces intitulés, désolé pour vous, Pendrak ne mâche pas de mots, rugit fortement.

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    Déjà fini, quittent la scène sans chichi, laisse la place aux copains. Grosse impression.

    NASTY FACE

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    Trio grind. Hard core grind. Viennent de Suisse. Leur musique n'a pas l'accent traînant de leur congénère. N'ont pas de temps à perdre. Un morceau qui dépasse deux minutes n'existe pas. Z'ont comprimé le temps. Violent et rapide. Vont nous interpréter une espèce de symphonie échevelée. Toujours le même scénario, batteur blasteur fou qui vous entreprend sa caisse claire comme quand vous filez une fessée cul-nu à votre gamin de trois ans qui a mis le feu à votre appartement, ça lui fait mal, certes, ça saigne, mais vous ça vous soulage, sur ce la guitare et la basse embrayent à croire qu'ils étaient en retard, un ours féroce rugit dans le micro, émergent de ce chaos deux coups de cymbale, arrêt-catastrophe, tout le monde descend, et illico presto subito expresso gonzo, tout de suite votre marmot se reprend une déculottée monstrueuse à lui trouer l'anus.

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    Nasty Face fonctionne comme ces émissions spermatiques de cachalots qui ensemencent leurs chéries à trente mètres de distance d'un jet de foutre qui tape net en cœur de cible. Sont des partisans de l'énergie brute. Tout et tout de suite. Un rythme inimaginable, une puissance incoercible. A ce genre d'exercice personne ne peut tenir longtemps, aussi se hâtent-ils de recommencer aussitôt. Coup de charley et c'est reparti en style commando troupe de choc. Ne respirez pas, vous aurez le temps de le faire une fois que vous serez morts. La batterie vous fracasse les synapses, la guitare vous étrille les oreilles, la basse vous interdit de penser. Et toujours cet ours polaire qui vous déchire la banquise orale à coups de museau.

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    Dans le public, l'on a lâché les fous furieux, les bras levés, les poings serrés en avant, un rictus sauvage sur leur faces refermées sur elles-mêmes, avançant à l'aveuglette dans un cauchemar qui n'appartient qu'à eux, les garçons arpentent la pièce comme des zombies enragés que leurs maîtres ne contrôlent plus.

    Le set n'a pas duré longtemps. Vous en ressortez sonné et commotionné, choqué et azimuté, heureusement il n'est pas prévu de cellule de soutien psychologique pour vous aider à rejoindre le monde ennuyeux de la normalité moutonnière. Les Nasty Faces vous ont laissé tomber du plus haut de leurs alpages, et vous avez adoré. L'on en reparlera longtemps dans les chaumières. Et peut-être êtes-vous de ces glorieux témoins survivants qui pourront dire j'y étais.

    INOPEXIA

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    Viennent de très loin. De Russie. Il se dit que dans les pays de l'Est le rock est particulièrement violent. Une rumeur, dont nous avons eu la chance de vérifier la véracité. D'apparence pas de changement, encore un trio, un gore grind trio. Vous commencez à connaître la musique. Des morceaux ultra-courts et ultra-violents. Mais vous le savez, même dans l'enfer le diable se cache dans les détails. Z'ont une première particularité, mais totalement anodine. Jouent face au public mais sur le petit côté de la scène ce qui leur permet d'avoir un plus grande profondeur de champ. Idéal pour les amateurs de pogo-grind qui ne s'en priveront pas.

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    Z'en ont une seconde. Qui change tout. Z'ont un guitariste. Comme les autres. Oui mais celui-là il sait jouer. Certes il fait comme les précédents, mais en pire, décharge un maximum d'agressivité à chaque morceau, le truc de base des sports de combat, ne jamais se crisper, laisser circuler l'énergie, ne retenez rien, que votre corps ne soit pas blindé comme une armure, mais fontaine jaillissante de flux énergétique comme me l'enseignait mon maître Pham Cong Thien. Mais lui, il garde toujours un œil ouvert sur le riff à la forge, et un autre sur le suivant déjà prêt sur le feu. Inopexia nous sert sa spécialité un grind à l'arrache-gueule rock'n'roll. Ses doigts chavirent sur les cordes comme un navire dans le naufrage.

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    On ne les voit pas, ni le bassiste ni son instrument, totalement masqués par le guitariste-chanteur, mais on entend leurs couinements tortillés de glapissement jouissifs et étranglés de chasse au renard. Dispensent des remontrances aigües de souffrance animale prise au piège. La batterie roule et écrase, elle moud la poudre noire de la démence. Ecrase tout sur son passage, un peu à la manière des premières pages de Chatouny roman de Loury Vitalievitch Mamleev, le chatouny métaphore de ces ours qui n'arrivent point à s'endormir et à hiverner, deviennent fous de fureur, comme si la bête se muait en berserker humain devant l'inconfort du monde.

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    Inopexia pulvérise. La Comedia est envahie d'espèces de morts-vivants qui s'entrecroisent et se tamponnent lourdement, entrée dans l'infra-monde. Notre sang se coagule. Nous ne saurons jamais pour quelle mutation, car Inopexion termine son set, nous laissant sur notre faim, devant une porte d'ombre, qui grince et grinde, et ne sera pas ouverte. Nous en cauchemarderons toute la nuit.

    Damie Chad.

    ( Photos : FB : MANU GAUTIER )

     

    TROYES - 29 / 03 / 2019

    3B

    THE NITE HOWLERS

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    La teuf-teuf file sur la route rectiligne. Tout droit vers Troyes. Je médite. Déjà vu les Nite Howlers en octobre 2017. Grand écart entre la soirée d'hier et celle de tout à l'heure. En moins de vingt-quatre heures je vais passer du rock le plus extrême, le plus brutalement déchaîné, à du rockab quasi classique, une violence beaucoup plus maîtrisée, beaucoup plus sourde. Deux genres musicaux différents – souvent les fans des uns n'aiment pas la peluche préférée des autres, moi je pense que c'est idem, dans le rock, l'éros ou la poésie, faut boire à toutes les coupes – pourtant ces deux styles ne sont pas sans analogie, exigent une très grande maîtrise instrumentale et un engagement total. Similaires aussi par l'impact qu'ils produisent.

    NITE HOWLERS

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    Un nom d'assassins coureurs de bois dans les nuits profondes que démentent leurs sourires épanouis. Rien qu'à les regarder alors qu'ils n'ont pas émis une note vous pigez qu'il ne s'agit pas d'une gentille colonie de perdreaux de l'année, des faucons aguerris aux instincts meurtriers, ne bouffent que du rockabilly, encore sont-ils difficiles, ne dépiautent que du premier choix, fin fifties et earlier sixties, moins de brassées de foin campagnard qui fleurent bon les fragrances agrestes, préfèrent les bâtons d'orages des sorciers indiens chargés d'électricités crépitantes. Pas encore le rock urbain, inventons la notion de genre rockabilly suburbain.

    Impossible d'être tranquille et de dormir sur ses deux oreilles, Pedro Pena est aux drums, Jules Moonshiner à la Fender, Max, Mr Bass, à la up-right bass et Olivier Laporte à la rythmique et au micro. Quatuor de choc et de rêve. Terrible dilemme, vous ne savez ni qui regarder, ni qui écouter. C'est que l'ensemble frise la perfection, z'avez l'impression qu'ils sont dans un studio et qu'un ingé génial aux consoles a concocté un son d'une pureté incroyable. Non c'est du live, et il est indéniable qu'ils adorent jouer sans filet.

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    Jules est vraisemblablement le César de la guitare, j'ai voulu savoir comment il l'avait trafiquée, parce que vous savez la lead dans le rockab, c'est un orchestre symphonique à elle toute seule, change au moins trente fois de registres en un seul morceau, un peintre qui aurait mille couleurs sur sa palette, la sienne est carrément multi-fonctions, d'un instant à l'autre elle adopte l'onctuosité grondante d'une basse, le trot caracolant d'une rythmique et le grand galop pour les charges héroïque en tête du peloton. Non, n'a rien ajouté ni retranché, et son petit ampli rouge est une reproduction moderne de 2006. Ce mec a des doigts d'or. Ce qui ne suffit pas. Possède aussi la finesse d'esprit nécessaire et l'intelligence innée du jeu qui permet de prévoir et d'assumer toute les inflexions typiques du rockab. Musique instinctive et savante.

    Moustache et barbiche, l'élégance et la classe indépassable, big mama couleur chêne clair, Max maximise son apparence. Deux pour le prix d'un. Le beat d'acier doux et élastique flegmatique, suit le rythme s'y colle dessus comme la toux sur le tuberculeux, comme le venin sur les crocs du crotale, ne le quitte plus, ne s'en détache plus, les trois autres ostrogoths peuvent essayer de s'agiter et de s'en débarrasser, lui l'est là, imperturbable comme l'œil consciencieux de Dieu dans la tombe de Caïn. Mais ce n'est pas tout. Musicien, yes, mais aussi comédien. Un interprète hors-pair. Joue avec ses doigts et avec son corps. Tous les morceaux il vous les interprète, la bouche silencieuse mais les paroles sur les lèvres, l'est le fan de base dans sa chambre qui imite ses idoles, l'a la chair qui hoquette, le torse qui se plie en sourdine, les jambes stables qui flageolent, il n'interprète pas du rockabilly, il est l'incarnation de la fièvre intérieure du rockabilly qui saisit tous les amateurs.

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    Derrière Pedro sourit. Tient dans sa main gauche une baguette à la manière d'un japonais qui picore dans un bol de riz. Vous refile l'impression qu'il n'aurait besoin que de cet unique ustensile, qu'il a rassemblé un kit minimaliste devant lui juste pour ne pas se faire remarquer outre mesure. Par contre la mesure, il vous l'assure à la diabolique. Se saisit d'un balai à la manière d'un gosse qui sort un jouet de son coffre, vous pose presque pour faire joli un tambourin sur sa charley, sourit une fois, sourit deux fois, sourit trois fois, le gars qui ne fait pas de bile, il jubile, oui mais avec lui, le rythme crépite et palpite. L'est au centième de seconde près, les camarades se tournent vers lui, pas de problème, leur sourit comme un coucou suisse qui vient juste de rentrer dans sa niche. L'a une pointeuse dans la tête, pas du genre à faire une seconde supplémentaire.

    L'est salement suivi à la trace Olivier par ses trois body-guards. L'entourent et l'escortent, lui rendent les honneurs dû à la Reine d'Angleterre. Z'ont intérêt à être méticuleusement précis. Vous donne le change, vous balance des giclées de rythmique, que les trois autres vous encadrent aussi soigneusement que les archéologues déplient des manuscrits mésopotamiens, oui mais ça c'est pour l'esbroufe, pour rendre joyeux les oufs, car le chant rockabilly est une mécanique infernale. Une voltige angélique, du grand art lyrique, une seule erreur et vous êtes mort, couvert de ridicule, le renoncement de la renoncule, la honte de l'ergastule, la cloque molle de la pustule. Un iota directionnel d'un dixième de degré et votre satellite se perd dans l'espace. L'on ne chante pas le rockab comme l'on écrase les œufs du poulailler avec les sabots de la fermière.

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    Charlie Feathers, Carl Perkins, Benny Joy, Ronnie Dawson, amusez-vous à y taper dedans, la fougue et le tourment, la foudre et la démence, les Nite Howlers vous dressent de ces barrages de flammes à embraser la planète, et le vocal d'Olivier se glisse dans ces rideaux de feu avec une facilité déconcertante, certains marchent sur l'eau plate et les autres préfèrent les champs de serpents. A chacun son ordalie. Les Nite nous dynamitent trois sets incandescents. Trop beaux, trop bons, trop tout. Sont pris eux-mêmes à leur propre piège. Après le rappel ne peuvent pas se quitter, prennent trop de plaisir à jouer ensemble, le temps perdu ne se rattrape jamais, alors ils s'accrochent à notre rêve et nous offrent encore trois salves phénoménales, et l'on sent qu'ils stoppent les amplis avec regret, même s'ils ont tout donné.

    Le bar plein à croquer, les amateurs qui se pressent et qui rockent à la manière de barils de poudre enflammés, Béatrice la patronne a encore craqué une allumette magique.

    Damie Chad.

    ( Photos : FB : BEATRICE BERLOT )

     

    THE NITE HOWLERS

    ( SLEAZY rECORDS / SR 161 )

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    Tout frais. Erreur lamentable. Too hot, comme on aime. Sorti depuis dix jours. Une espèce de brasero qui foutra le feu à votre appartement. Donc vous avez intérêt à vous le procurer si vous désirez du changement dans votre vie.

    L'a de la chance Olivier Laporte, l'est allé aux States, mais contrairement à beaucoup d'autres, lui n'a pas perdu son temps à visiter l'Empire State Building, il a été reçu par Charlie Feathers – vous en avez rêvé, il l'a réalisé - et plam se sont offerts tous les deux dans le salon un petit set, just for fun. Un truc qui vous marque pour la vie. Alors pour leur deuxième single les Nite Howlers, en hommage à ce prestigieux pionnier, ont repris deux de ses titres.

    She's gone : fut un grand moment du show des 3 B. Jules s'y est notamment engagé sur la passerelle sans planches d'un solo apocalyptique au-dessus de l'abîme, suivi sans peur ni reproche par ses trois compères... Ça file et gronde comme un rapide dans la nuit, la voix en même temps lointaine et très présente, la big mama qui profile le rythme, Pedro qui bouture par derrière et la guitare qui balance son fiel, plongée dans le tunnel orchestral plus noir que le désespoir, Jules qui éclabousse, et le vocal qui se place dans le poste de conduite, maintenant tout le monde repart pour un voyage au bout de la nuit du rock'n'roll. Infinitude de la solitude. Today and tomorrow : Olivier enfonce les racines et déploie le feuillage du chant, l'instrumentation batifole à l'ombre de cette arborescence primordiale. La voix nasille, se prolonge et trainasse sur les syllabes, laisse à peine à la guitare le temps de jeter une pincée de sel ardent, et la ronde reprend, l'on aimerait qu'elle ne s'arrête jamais, mais en ce bas monde tout a une fin, même un disque des Nite Howlers.

     

    Une petite merveille, les howls hululent sans modération, aux consoles Rawand Baziany des Black Shack Recordings se révèle être un véritable producteur digne de ce nom. Un bijou à ne pas offrir à sa copine, à garder pour soi.

    Damie Chad.

     

    ROCK'N'ROLL 39 – 59

    Catalogue de l'Exposition Cartier

    22 / 0628 / 10 / 2007

    ( Editions Xavier Barral / 2007 )

     

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    Un paquebot, l'épaisseur de la bêtise humaine, la lourdeur de sa lâcheté, des feuilles qui pourraient servir de gilets pare-balle, un monument. La moindre des choses pour le rock'n'roll. Z'auraient dû tripler le volume du monstre. Peu de textes et énormément de d'illustrations. Affiches de concerts, pochettes de disques, photos d'artistes ou d'anonymes symboliques de l'époque. A feuilleter, à scruter, à admirer. Pour les amateurs, pas de découvertes iconographiques bouleversantes, ces documents circulent depuis très longtemps sur internet.

    Second avertissement, il s'agit bien du rock'n'roll in America et point du tout en France, si ce n'est la page de Line Renaud qui raconte la soirée passée à Paris avec Elvis, en permission, jouant durant quatre heures sur la Selmer qui avait servi à Django Reinhart, apprenant ce détail le King ému en embrasse la caisse...

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    Elvis se taille la part du lion, sur quatre cents pages, cent-vingt-cinq consacrées à Elvis. Certes on y rencontre aussi Sam Phillips, et Dewey Phillips tous deux responsables de la carrière du Pelvis. Dewey pour avoir été le premier à passer la première cire du futur roi dans son émission radio. Un véritable rocker avant la lettre, une espèce d'exalté qui a tout compris. Son émission Red, Hot and Blue, draine la jeunesse autour du poste, programme tout ce qui est un tantinet borderline et nouveau, disques de nègres et de visages pâles, ne fait pas la différence, et peut-être plus que ses musiques, c'est sa logorrhée verbale déjantée qui attire les jeunes, Dewey indique des horizons nouveaux, excitant – l'en abuse un peu trop - et excité, bénéficiera de la fulgurance Presley de 1956, en 1957 on lui propose une émission TV, qui sera vite arrêtée. Une broutille selon les critères d'aujourd'hui, un attentat à la pudeur inadmissible pour l'époque, un ami déguisé en singe qui se frotte sur une effigie en carton de Jayne Mansfield, un initiateur, l'a mis en évidence et en pratique la formule magique ou maudite : sex, drugs and rock'nroll. Ne vivra pas vieux, meurt en 1968, un destin qui n'est point sans point commun avec celui d'Alan Freed dont l'émission radio et les shows aidèrent à imposer le nom de rock'n'roll pour cette nouvelle musique...

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    Sam Phillips ne retirera jamais son amitié à Dewey. L'est animé par une philosophie de vie qu'il s'est forgée au contact d'un domestique noir et de sa sœur sourde et muette, n'hésite pas à abandonner, au grand dam de ses collègues qui ne comprennent pas, une situation stable dans la meilleure banque de la ville pour enregistrer des noirs, et vraisemblablement leur serrer les mains, pouah ! La suite de l'aventure est connue, nous l'avons souvent racontée... A ceux qui nombreux lui ont demandé le nom de l'artiste qu'il aura été le plus fier d'avoir enregistré, sa réponse n'a jamais varié : pas Elvis Presley, mais Howlin' Wolf.

    L'on a parlé du miracle Sun, l'on a glosé à l'infini pour savoir si le jeune camionneur de Memphis serait devenu Elvis si Sam Phillips n'avait pas été là pour accoucher et révéler à lui-même ce jeune homme timide et mal dans sa peau... Ne serait-ce pas une fausse question, si Elvis avait raté son rendez-vous avec la gloire, quelque part in the great America un jeune blanc aurait fini par trouver la formule idéale... Chacun est unique, nul n'est irremplaçable, il n'y a pas de destin, ni de hasard, simplement des circonstances.

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    Le rock était inéluctable. L'était-là depuis un bon moment, tapait à la porte et demandait à entrer. L'exposition préparée par Dominique Perrin et Greg Gellec essaie de retracer sa gestation. Remonte jusqu'en 1939, mais le véritable début se place en 1945. Les conséquences de la guerre furent multiples. Les soldats noirs revenus de la guerre n'acceptent plus dans leur tête la ségrégation, les mentalités ont changé, ils ont donné leur sang au même titre que les blancs... Cette prise de conscience sera le germe des combats pour les droits civiques. Mais au lendemain de la guerre le problème se pose d'une manière bien plus prosaïque que les idées philosophiques sur l'égalité des races. Beaucoup de musiciens noirs sont morts, d'autres relativement plus chanceux sont retenus en divers points de la planète en tant que troupes d'occupation... lorsque les big bands essaient de se reformer afin de reprendre le boulot, trop souvent la moitié des effectifs fait défaut... Le malheur de ces grands orchestres de danse issus du jazz feront le bonheur des petits combos de rhythm'n'blues. La solution est vite trouvée, puisque l'on a du mal à recruter quinze gus, on en prendra la moitié sept ou huit, mais pas plus, à charge pour eux de faire du bruit pour quinze. Suffit de souffler plus fort, de taper plus fort, de chanter plus fort. Et de jouer plus vite. Les noirs ont trouvé le rock'n'roll, mais avant l'heure ce n'est pas l'heure. Rock around the clock !

    Et puis les choses ne sont pas si simples. Le rhythm'n'blues lui-même n'est pas né ex-nihilo, sort du gospel, vient du jazz qui provient du blues, qui provient des musiques africaines, puis des chants des champs de coton, et aussi des influences des musiques européennes apportées par les blancs, un véritable mic-mac, une foire d'empoigne, ce chaudron de sorcières ne donne pas un mélange homogène, les possibilités sont multiples, un peu moins de ceci, une pincée supplémentaire de cet ingrédient-là, et le goût du potage change du tout au tout.

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    Les pages 44-45 vous replongeront en enfance, ces labyrinthes dont il faut suivre les multiples entrées pour trouver la sortie. Vous connaissez la ruse de sioux, suffit de remonter la piste en entrant par la sortie et au bout du chemin, vous tombez pile sur la bonne entrée. Ben là, vous avez sept entrées : Early jazz, Early Vocal groups, Early boogie-woogie, Early gospel, Early blues ( traditional Blues + country blues ), Early country. Jusque-là tout va bien. Inutile de chercher à tricher, n'y a pas d'exit, tout au plus des lignes courbes qui se croisent, ainsi de la station Carnegie Hall vous accédez vingt ans plus tard à Jerry Lee Lewis, vous souhaite du courage, le plus terrible c'est que c'est assez bien intuité, l'arbre généalogique du rock'n'roll ressemble aux gracieuses courbes des jets d'eau dans les parcs municipaux, ça monte et ça retombe, une gare de triage, interconnexion universelle, partez d'un point quelconque, vous arrivez partout, le rock'n'roll est une portée de sacrés bâtards issus de pères différents. Je préfère ne porter aucun jugement moral sur les entremises maternelles. Prostitution à tous les étages. Copulations intenses. Partouze généralisée.

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    Question subsidiaire : pourquoi 1959 ? Et pas 1960, avec la mort d'Eddie Cochran qui eût été un point d'orgue parfait. Ben à cause de nous. Oui kr'tntreaders de la péninsule, c'est de votre faute. Certes avec la mort de Buddy Holy, la crise mystique de Little Richard, le scandale Jerry Lou, le service militaire d'Elvis, la troupe avait fondu comme neige au soleil. Non vous n'y êtes pour rien, mais le rock'n'roll traverse la mer et prend pied par chez nous, en Europe. Certes il n'est pas mort, Beatles, Rolling Stones vont le regonfler à bloc, mais ce n'est plus le rock des origines, l'a muté, s'est métamorphosé, même s'il n'a pas écrit ''L'Europe m'a tuer'' sur les murs, ce ne sera plus jamais pareil...

    Cette réponse de Greg Gellec possède le mérite de faire du rock'n'roll un produit typiquement américain, mais aussi le désavantage de le réduire à ses racines et même de le définir selon l'histoire de styles musicaux qui ont bien concouru à sa formation mais qui n'étaient pas du rock ! Je veux bien admettre que les groupes teenagers noirs soient une étape du rock'n'roll, mais il me semble que le bouquin laisse un peu trop de côté les sentiers country qui mènent aussi au rockabilly. En cela le livre relève bien de cette auto-contrition politiquement correcte des petits blancs qui se sentent tributaires des traitements que leurs ancêtres quasi immédiats ont infligé aux noirs. Des restes d'auto-culpabilisation christologiques inconscients. Le livre me semble faire la part un peu trop belle aux têtes d'affiches du hit-parade, des gros vendeurs, du succès grand-public... Récapitulatif des comptes mais oubli de l'esprit. Le rock'n'roll brandi en tant que hache de paix, mais enterré en tant que hache de guerre. Entre la réalité et le mythe, je choisis le mythe car il me rapproche de mes Dieux.

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    De beaux passages dans ce livre, la différence établie par Robert Palmer entre les chants plaintifs et consolateurs des negro-spirituals soutenus par un harmonium et le style rocking and reeling des années trente d'un gospel beaucoup plus âpre qui remonte aux hollers et aux ring shoots des temps primordiaux de l'esclavage, l'évocation à plusieurs reprises de Rufus Thomas, de Dave Bartholemew, les portraits de Sam et Dewey par Peter Guralnick, l'a aussi consacré une belle page à Rufus Thomas, et je m'aperçois que c'est encore lui qui nous retrace l'émouvante amitié de Doc Pomus, géant blanc débonnaire et d'Otis Blackwell gringalet noir rachitique, Greil Marcus se charge de nous révéler à sa façon sept chef-d'œuvres rock, célèbres ou inconnus.

    A regarder comme un rêve évanoui.

    Damie Chad.

     

  • CHRONIQUES DE POURPRE 392 : KR'TNT ! 412 : THE JONES / ZEROS / UPROARS / ROCKABILLY GENERATION /FICTIONABOUTABOUTFICTION / TENDRESSE DECHIRANTE / LES FLAGORNEURS / HEAR ME NOW

    KR'TNT !

    KEEP ROCKIN' TILL NEXT TIME

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    LIVRAISON 412

    A ROCKLIT PRODUCTION

    LITTERA.INCITATUS@GMAIL.COM

    28 / 03 / 2019

     

    THE JONES / ZEROS

    UPROARS / ROCKABILLY GENERATION

    FICTIONABOUTFICTION / TENDRESSE DECHIRANTE

    LES FLAGORNEURS / HEAR ME NOW

     

    Brillants Jones

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    Mine de rien, les Jones cookent bien leur cake. Ils proposent un set à base de rock classique et de belles reprises. Ils veillent à rester dans un registre traditionnel, celui qui marche à tous les coups.

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    C’est un groupe à deux guitares, et pas des moindres. À droite se tient Grégoire Cat qui fut pendant 17 ans le lead guitar de Tav Falco. Pour l’avoir vu à l’œuvre plusieurs fois, la partie est comme qui dirait gagnée d’avance. Présence, style et son, il a tout ce qu’il faut en magasin. On le sait, Tav Falco ne s’entoure pas de n’importe qui.

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    Les Jones s’appuient sur une section rythmique qu’on qualifierait de powerhouse en Angleterre. Les drives de basse qui traversent les fins de morceaux donnent systématiquement le frisson et le mec qui bat le beurre n’est pas né de la dernière pluie, oh no no. Il s’apparente même à la caste seigneuriale des batteurs chanteurs, car on le voit prendre le lead au chant à plusieurs reprises. Avec lui, c’est shoot et beat à tous les étages en montant chez Kate.

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    Les mighty Jones proposent un rock extrêmement bien foutu, jamais m’as-tu-vu, joué avec un souci constant de l’impact. Les reprises sonnent comme les plus révérencieux des hommages, il faut voir avec quelle niaque ils tapent dans le «Betty Jean» de Chickah Chuck. Rien n’est plus difficile que de proposer un classique de Chickah Chuck aujourd’hui, car on les a sans doute trop entendus au temps des Stones. Eh bien figurez-vous que les Jones redorent le blason du vieux Chuck avec une élégance sonique qui en bouche un coin. Ils revitalisent le son et donnent des ailes aux vieux accords rock’n’roll. Vu qu’énergie et swing sont au rendez-vous, ils tapent en plein dans le mille, car l’énergie et le swing étaient comme chacun sait les deux mamelles du Handsome Brown-Eyed Crazy Legs. Autre belle cover de choc, le «Looking For A Fox» de Clarence Carter, qui fait partie des intouchables. Aucun rocker normalement constitué n’oserait toucher à Clarence Carter. Eux, ils osent. C’est extrêmement gonflé. Live, la cover passe beaucoup plus facilement le Cap de Bonne Espérance que la version entendue sur le Dig It Radio Slow, qui paraissait un peu maigrichonne. Ils réussissent même à la percuter de plein fouet et bien sûr, le bassman se régale car c’est autant un cut de basse que de chant. Dommage qu’on ait pas le ha ha ha ha du vieux Clarence, mais bon, on ne peut pas tout avoir. Rien n’est plus beau ici bas qu’un hommage bien tempéré. Ce clin d’œil à Clarence Carter vaut par son éclat celui qu’adressa il y a de cela quelques années Darrell Bath à Ronnie Lane, avec «Debris», en cette même cave.

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    Les Jones font aussi sauter la sainte-barbe avec le «Dirty Water» des Standells. Facile diront les mal baisées, mais il faut savoir le jouer. On n’avait pas entendu une version aussi délicieusement explosive depuis celle des Playboys, qui date de l’époque de leur album Bootleg. Les Jones aiment tellement les bons disques qu’ils parviennent à enfiler les covers comme des perles, et pour un peu ils s’en iraient briller au firmament. Leur Dirty Water sonne singulièrement les cloches, ding gong à la volée, c’est gratté, battu, bassmastiqué à la régalade. Les Jones sont le groupe idéal pour l’amateur de belles covers. Mais attention, ce n’est pas fini. Ils tapent dans un autre genre d’intapable, avec le «Slow Death» (écrit Slow Deapth sur la setlist) des Groovies. Encore une fois, c’est servi sur un plateau d’argent, ils bourrent leur dinde de son, c’est salement inspiré, bien amené aux deux guitares, Grégoire Cat et Thierry Jones shakent leur shook comme des vétérans de toutes les guerres, on voit bien qu’ils vénèrent les Groovies, car ils s’installent très exactement dans le cœur vivant du mythe, avec toute la powerhouse qu’on peut imaginer. Les Jones sont le groupe qu’il faut souhaiter à tous de voir jouer. Ils passaient ce soir-là en première partie d’un groupe australien qui allait avoir toutes les peines du monde à s’imposer. Pour l’occasion, on va inventer un vieux proverbe : Si tu veux monter sur scène après les Jones, c’est à tes risques et périls.

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    Pour les malchanceux qui n’ont pas encore pu voir les Jones sur scène, il reste les albums. Il en existe deux qui sont très différents l’un de l’autre.

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    Le premier paru en 2015 s’appelle First Shot et semble dominé par la présence de Laurent Ciron. Il compose un gros tas de cuts et les chante. On sent le métier et le son paraît parfois très américain, comme par exemple le heavy rock du «Carry On» d’ouverture de bal. Mais au fil de l’eau, on voit Gérald, le batteur, voler le show, et de quelle manière ! Il chante «Wait» à la harangue et ça sonne comme du Chikah Chuck. C’est d’autant plus excellent qu’on entend des basslines rampantes traverser le cut ici et là. Ce prince du heavy beat chante à l’exaltée et il ne fait pas semblant. C’est aussi lui qui chante «Blue Jean Talk». Il fait la différence, car il chante avec une niaque de batteur. Il suffit de prendre l’exemple de Dick Dodd pour comprendre ce que signifie la notion de batteur/chanteur. C’est une énergie du rythme et de la frappe, quelque chose d’exhilarating, comme dirait un Anglais. Timbre de star. Fantastique shouter. Il ose même taper dans le «Sea Cruise» de Frankie Ford, encore un hit qui relève de l’intapable, mais Gérald le prend à sa main, il est dessus dans l’esprit, rule it baby ! Il roule ses r admirablement. Il est vraiment gonflé d’aller taper là-dedans ! Et il faut le voir écorner ses syllabes. On croise d’autres bons cuts sur l’album, mais l’exaltation y brille par son absence. «There’s A Crisis» vaut pour un joli coup de sawmpy booty d’accent forcé, et «Bee String And Bankruptcy» vaut pour un joli coup de Stonesy. Dommage que Gérald ne chante pas tout. Et quand on écoute «I Want Your Lips» (que chante le bassman), on croit entendre Wilko Johnson jouer de la guitare.

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    Changement de personnel pour Silver Faces, le deuxième album. Grégoire Cat remplace Laurent Ciron et Fred Moulin prend le chant (mais ce n’est pas lui qu’on a vu à Rouen). L’album est excellent. Dans Dig It, Jacques en a déjà fait une belle chronique. Mais il faut en rajouter une couche et le crier sur tous les toits : these guys just do it right ! C’est sur Silver Faces qu’on trouve la reprise du vieux hit de Clarence Carter. Dans l’étrange attaque, on entend la basse mordre la viande, crunch, et ça part aussitôt. Ils jouent ça sec et sans couverture. Ils se contentent des accords parapluie. Fred Moulin shake son Fox avec abnégation, pas facile d’aller rôder sur les terres d’une géant comme Clarence Carter, mais ils cherchent l’âme de la Soul ou la Soul de l’âme c’est comme tu préfères, et le gimmick sonne merveilleusement juste à l’oreille. Ils se mettent dessus au very maximum de leurs possibilités et ça les honore. Les accords de Gloria flottent dans la Soul aux vermicelles, ils ne lâcheraient la rampe pour rien au monde. Petit conseil, écoute ça au casque, tu verras le gimmick venir se nicher dans l’oreille. C’est éminent et bon. On retrouve aussi sur l’album le «Betty Jean» avec lequel ils font des miracles sur scène. Si on aime bien le vieux boogie, alors on se régale de «Look The Part» : c’est ultra joué, avec une bassline qui danse le bal des vampires, poussée dans le dos par un drumbeat des enfers. Voilà ce qu’on appelle une section rythmique de choc. Ils tapent «Sid Vicious» sur les accords de T. Rex - C’mon baby it’s a drag - Assez heavy et belle ambiance. Ces mecs ont beaucoup de chance, car ils s’appuient sur un batteur demented are go à gogo, c’est du moins ce qu’on entend dans «No One To Blame» ou «Morning Ghost». On retrouve encore des accents de Feelgood dans «Come Back To Me Baby» et dans «True Love». Ils jouent ça au big beat de Wilko chords. Ça dégouline d’énergie. Les deux zouaves télescopent leurs solos sous le pont de l’Alma et roulent leur fabuleux swagger dans la farine. Et côté beat, rien de plus sévère, Gérald claque son beurre à la claquemure, c’est le roi des relances à la Feelgood. Il porte littéralement le son. Et puis voilà la cerise sur le gâteau : l’excellent «Shake». On croit qu’il s’agit d’une reprise, mais non, c’est un de leurs cuts. Le beat enfonce les clous à coups redoublés, on peut même parler de beau beat de cour martiale lubrifié aux huiles de power Soul. La huitième merveille du monde. Un cut pareil devrait exploser au nez et à la barbe du monde. C’est battu à la vie à la mort. Ce fantastique drummer porte le Shake à la force du poignet, comme s’il voulait sauver l’humanité. Ça n’a l’air de rien, mais ce genre de pilonnage fait toute la différence. On n’imaginerait pas un Vanilla Fudge sans Carmine Appice, ou l’Electric Flag sans Buddy Miles.

    Signé : Cazengler, the jaune

    Jones. Le Trois Pièces. Rouen (76). 14 mars 2019

    Jones. First Shot. Mortel Records 2015

    Jones. Silver Faces. Mortel Records 2018

     

    Love Minus Zeros

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    Mais non, ces Zeros ne sortent pas d’un hit de Bob Dylan mais plus prosaïquement de Californie. Au crépuscule des années 70, Javier Escovedo et ses copains Robert, Hector et Baba ne songeaient qu’à une seule chose : ruer dans les brancards. Ces fringants chicanos de San Diego rongèrent leur frein jusqu’au moment où leur vint l’idée de monter les Zeros pour devenir l’un des groupes de rock les plus passionnants et les plus flamboyants de la scène californienne. Les Zeros ont avec les Nomads un fort joli point commun : le goût des belles reprises. Leurs clins d’yeux aux Dolls et aux Ramones comptent parmi les plus fameux.

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    Côté discographie, on ne va pas se ruiner. Il n’existe pas d’album à proprement parler, uniquement trois ou quatre compilations de singles, à commencer par l’explosif Knockin’ Me Dead paru en 1994. Rien qu’à les voir tous les quatre sur la pochette, on comprend qu’ils admirent les Standells. Ils font effectivement une somptueuse reprise du «Sometimes Good Guys Don’t Wear White» des mighty Standells. Tout le son est là, sauf la morgue de Dick Dodd. Javier et ses amis jouent ce classique avec une belle flavor mexicana insistante et bourrent la dinde de coups d’harmo. Ils font aussi trois cuts vraiment dignes des Dolls : «Wanna Go», «Looking For Some Fun» et «Don’t Wanna». Le premier tire plus vers les Ramones, avec sa belle énergie dévergondée, disons que le boogie oscille entre les Dolls et les Ramones, mais le solo va droit sur Johnny Thunders. Par contre, «Looking For Some Fun» sonne comme un hit des Dolls, c’est exactement la même énergie, ainsi que «Don’t Wanna», véritable boogie plein de vie aux veines gonflées et rehaussé de deux superbes descentes de solo. Avec «I Don’t Know», ils sont encore plus royalistes que les Dolls. Quel fabuleux swagger ! Les Zeros savent ravager une contrée, no problemo. Ils ouvrent le bal avec un «Baby’s Gotta Have Her Way» enroulé au riff séditieux et tapé sec. On ne peut pas dire que Javier ait une voix convaincue d’avance, mais il s’impose à la force du poignet. Ils passent à la power pop avec le morceau titre et Robert Lopez prend le chant sur «Beat Your Heart Out», une espèce de cavalcade ramonesque. C’est gorgé de son et même imbattable. Que de son, my son ! Ils sont vifs comme l’éclair au chocolat. Ils amènent «She’s So Wild» à la bravado des Ramones. On entend même des clameurs dignes du CBGB. Ils adorent pulser leur Ramonic. C’est franchement dedicated. Hector prend le chant sur «Left To Right», il est encore plus Ramonic que le roi, il chante à la petite morgue de punkster anglais. Quand Robert prend le lead pour chanter «Shannon Said», il le fait avec une violence insupportable, comme s’il plantait ses crocs dans la gorge de la jouvence. C’est battu sec et monté comme un chef-d’œuvre d’explosivité, comme d’ailleurs l’ensemble de cet album.

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    Après une longue absence, ils refont surface sur scène à Paris, dans la cave du Klub. Les Zeros ont si bonne réputation que le concert affiche complet. Malheur aux imprévoyants ! Volume idéal pour un groupe dense comme les Zeros. Rien sur Robert, comme dirait Fabrice Luchini, alors les voilà en trio, Hector et Javier jouent à un mètre du public, soutenus par l’explosif Baba Chenelle.

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    Et quand on dit explosif, on est encore loin du compte. Baba volerait presque le show. C’est d’autant plus flagrant que Javier Escovedo joue à l’économie sur sa Gibson jaune. C’est un guitariste de l’école thunderienne, il n’en fait pas trop mais quand il intervient, il entre en osmose avec son vieux cosmos et les dévots des Dolls s’enivrent, car il sort un son qui dégouline de cette véracité qu’on dit verte. Javier et Hector se partagent les cuts au chant. Pas chacun son tour, mais presque.

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    En tant que bassiste chanteur, Hector Penalosa tient admirablement son rang, il est très physique, plein de cette bonne niaque chicano et chante comme Lemmy, avec un micro très haut penché vers le bas. Ah il faut voir ces trois mecs tenir leur set et faire trembler les colonnes du temple. Ils dépotent mécaniquement tous leurs vieux coucous, ils prennent au débotté un «Sometimes Good Guys Don’t Wear White» qui fait palpiter les murailles de la cave et tapent dans du «Don’t Wanna» et du «Handgrenade Heart» avec édifiant mélange d’aisance et de mal dégrossi. Pas de meilleure façon de rendre hommage à Johnny Thunders qui maniait à la perfection ce mélange d’élégance et de foutraque.

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    Ce qui frappe le plus chez les Zeros, c’est l’absence totale de prétention. Pas la moindre trace de frime, on dirait presque qu’ils jouent pour des copains. Ils créent en tous les cas une ambiance cordiale et électrique à la fois, ils n’en finissent pas de rajouter des cuts tirés de singles qu’on ne connaît même pas, mais on finit par s’en foutre, vous en voulez encore, alors en voilà, et ils vont même remonter sur scène pour balancer en rappel un big old «Chatterbox», histoire d’aller couler un porte-avion à Pearl Harbour.

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    Si on a raté leur set, on peut se consoler en réécoutant l’excellent Right Now paru sur Bomp en 1999. Toutes les grosses reprises des Sonics, des Dolls et des Seeds s’y trouvent. Version musclée de «Strychnine». Javier y va va va voom ! Cette belle cavalcade coule de la source des dieux, c’est sûr. Tiens, voilà «Chatterbox», qui n’est pas loin de sonner comme l’hommage définitif. Ils sont dans le cœur de l’essence des Dolls, ils nappent le son comme le fait si bien Johnny Thunders, c’est édifiant. Mais ils battent tous les records avec une version rentre-dedans de «Pushing Too Hard». C’est le cut de l’uppercut, la violence de la mouvance, c’est l’œuf du serpent qui explose à la barbe de Dieu. Terrific ! Si terrific que ça pulse dans les artères, ça fibrille l’orthodoxie du son, ça bat la chamade à plate couture. Oh, ils n’ont pas que ça à proposer, le morceau titre d’ouverture vaut pour un solide slab de big garage punk zeroïde emmené au combat rock, pas celui des Clash, rassurez-vous. Ils enchaînent avec un «Sneakin’ Out» qui assoit bien la viabilité des choses, ils s’y montrent plus pernicieux dans l’exercice du power, mais quand parlent les rasades alors les coyotes hurlent dans les collines. Pire encore, voilà «Do The Swim» ! C’est à tomber de sa chaise tellement ça swimme la carcasse de la rascasse, baby do the swim ! On a même un solo lance-flamme qui nous crame le buisson ardent, les fantômes dansent dans la fumée, c’est une fabuleuse interjection de la médication méthodique. À partir de là, les Zeros s’installent dans l’inflammatoire, «Handgrenade Heart» n’échappe pas au chaos, leur truc vaut bien un Damned joué au riffing rampant, celui des ténèbres, maléfique et humide, âcre et peu avenant, l’un des pires. Que de son dans leur romp ! Ils passent au boogie down zeroïde avec «Hurry Hurry Hurry» et le chaloupent à coups de yeah c’mon. Javier entre dans le gras du lard avec une classe imprescriptible. Oh c’est off ! Ces mecs sont complets : son, attitude, ambition, chicanerie, conduite, ils sont tout simplement spectaculaires. Ils noient leur «Talkin’» de nappes si bénéfiques qu’on s’en repaît comme de soudards, le son est plein à craquer de guitares intégrales et de nappes saturnales. Leur power pop reste un modèle du genre et «You Me Us» est là pour le prouver. Ils la jouent à l’énergie conflictuelle avec des renvois de power dignes des dieux de la Californie, c’est-à-dire les Byrds, mais avec la petite niaque chicano des Zeros, une niaque très spéciale qui fait leur grandeur.

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    On retrouve pas mal d’oiseaux bien connus sur une autre compile Bomp, Don’t Push Me Around (Rare And Unreleased Classics From 77). Le petit beat de Baba emmène bien le morceau titre et le cut qui sort vraiment du lot est encore ce «Beat Your Heart Out» produit par Greg Shaw, un admirable hit de power pop joué avec toute l’énergie du désespoir de l’infortune. Un départ en solo enflamme littéralement cette merveille vrombissante. Les Zeros sont dessus, no doubt. Encore de la power pop de rêve avec «Rico Amour». Les chicanos cherchaient leur voie et la trouvaient autant que les Nerves. «Main Street Brat» reste très Dollsy dans l’essence, bien soutenu aux tic-tac de Baba. «Wild Weekend» vaut pour du punk angelino, brouillon et embarqué vite fait. Ces mecs vont vite en besogne, ça fait plaisir à voir. Il faut aussi les entendre se battre au finish sur «Cosmetic Couple», à coups de rasades de brouet, et c’est vraiment chargé de dégoulinade maximaliste. La compile s’achève avec une séquence live, ce qui permet de mesurer leur niveau énergétique. Le pauvre Javier peine à s’imposer dans la tempête sonique de «Shannon Said». Par contre «Talkin’» sonne le glas du groupe, car c’est du grand n’importe quoi. Voit-on l’intérêt d’un tel mayhem ? Non évidemment. Ils sonnent comme une grosse éponge punk mal fichue et gorgée de jus qui pue. Ils font par contre une version très stoogienne d’«Out Of Place» avec un brio incendiaire qui les honore.

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    Tant qu’on y est, on peut aussi rejeter un œil sur le Live In Madrid édité sur DVD par Munster en 2009. Non seulement on voit les Zeros dans le feu de l’action avec sensiblement la même set-list qu’à Paris, mais on trouve aussi dans les bonus une interview passionnante de Phast Phreddie qui fut un temps leur manager et qui regrette d’avoir surnommé le groupe the Mexican Ramones, ce qui est effectivement très réducteur. Il aurait plutôt dû les surnommer the Mexican Heartbreakers. Phast Phreddie rappelle qu’en 1977, les Zeros était un groupe admirable, qui savait jouer et qui avait des chansons, ce qui était loin d’être le cas des Germs, par exemple. Mais il plaide coupable de ne pas leur avoir consacré assez de temps, no proper album, no proper tour. Dans les bonus, on voit aussi les Zeros sur scène en 1977, il jouent dans une grande salle de Los Angeles à la même affiche que Kim Fowley. On les voit aussi dans une émission de télé en noir en blanc jouer «Don’t Push Me Around» et «Wimp». C’est vrai qu’à l’époque ils avaient déjà une sacrée classe. L’autre force du DVD, c’est le texte de présentation signé Lindsay Hutton. Il rend un fier hommage aux Zeros - Here’s hoping these guys never lose their ability to beat, beat, beat their hearts out ! - Et il ajoute, exalté : «Power on to Zero hour. Over and out.» Et quand on les voit sur scène trente ans après leurs débuts, force est de constater qu’ils n’ont pas trop changé. Javier fait son «Pipeline» et le futur El Vez Robert Lopez s’applique sur sa Gretsch. Ils enfilent ensuite tous leurs hits comme des perles. Ils n’ont que ça, tous ces vieux coucous des années soixante-dix. Robert Lopez prend le chant sur «Jenny Says» et c’est vrai que «Cosmetic People» va plus sur les Heartbreakers. Comme Hector n’est pas là, Steve Rodriguez des Dragons le remplace à la basse. Phast Phreddie nous rappelle que Mario Escovedo, le petit frère de Javier et d’Alejandro, jouait dans les Dragons, un groupe qui eut un moment le vent en poupe. C’est vrai qu’un hit comme «Beat Your Heart Out» ne fait pas de cadeaux. Ils tapent aussi dans l’excellent «Little Latin Lupe Lu» repris par les Righteous Brothers et adressent les clins d’yeux rituels aux Standells et aux Dolls.

    Signé : Cazengler, un vrai zéro

    Zeros. Le Klub. Paris 1er. 28 février 2010

    Zeros. Knockin’ Me Dead. Rockville 1994

    Zeros. Right Now. Bomp 1999

    Zeros. Don’t Push Me Around (Rare And Unreleased Classics From 77). Bomp 1991

    Zeros. Live In Madrid. DVD Munster Records 2009

     

    *

    En route pour les quarantièmes rugissants. Non, chers kr'tntreaders n'ayez pas peur, piqué par le démon de l'aventure je n'ai pas loué un pédalo pour affronter en solitaire les hautes vagues du Pacifique. J'ai mieux à faire. Suis à mon habitude assis au volant de la teuf-teuf mobile, je brûle férocement les feux rouges, je renverse fébrilement sans remord les passants sur les passages cloutés, j'arrache rageusement les radars au passage d'un coup d'aile meurtrier, non ce n'est pas que je sois en colère, point du tout, mon esprit est empreint d'une paisible sérénité, je suis pressé, c'est que le bonheur se profile au bout de l'horizon, sur la bonne ville de TROYES, en ce soir du 22 / 03 / 2019 , Béatrice Berlot, la patronne, ouvre la nouvelle saison de ses démentielles soirées rockabilly au 3 B, avec un groupe venu spécialement de Birmingham, en Angleterre comme chacun sait, THE UPROARS.

     

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    Pour une fois les autorités n'ont pas lésiné, ont compris que l'on ne plaisante pas avec les rockers, z'ont bossé tout l'hiver pour remettre à neuf la rue Turenne, le 3 B bénéficie désormais d'une vaste terrasse de pavés rose, la superclasse. Pas fous les Uproars s'y sont prélassés toute l'après-midi au soleil. Mais le soir tombe, le bar s'est rempli d'un seul coup, toute la vieille garde des habitués à laquelle se mêlent de nouvelles têtes attirées par la réputation de ces célèbres soirées sauvagement reptiliennes. Nous n'attendons plus que les Uproars.

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    THE UPROARS

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    J'ai failli en pleurer d'émotion. Trop longtemps que je n'avais entendu la sonorité d'une Gretsch effleurée par la main experte d'un rockabillyman. Celle de Billy Jenkinson est blanche comme une robe de mariée, la big mama d'Alex Richardson noire comme un costume de croque-mort, au fond les fûts argentés de Tom Mayo forment un parfait trait-d'union, une synthèse dialectique miraculeuse. Faudrait commencer par parler d'eux, mais non, à peine la palpitation musicale du combo s'est-elle propulsée que Nick Richardson s'introduit dans ce triangle équilatéral, tape des mains, fonce sur les spectateurs, stoppe son élan les bras levés à la manière des bandilleros qui s'apprêtent à mordre de leurs fers acérés le dos du taureau, se précipite sur le micro le brandit telle une hampe de lance, puis le dirige vers vous à la manière des sarisses des phalanges macédoniennes, c'est parti pour Baby Please Don't Go, plante son vocal dans le morceau tel le cobra dans sa proie, et la fête commence.

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    Alex slappe et pulse. Pas pour rien que ses phalanges et la revers de sa main soient bandés, frappe méthodique, un cœur indompté de cachalot échoué sur la plage qui ne veut pas mourir, inébranlable, quel que soit le rythme il vous le saisit et ne le lâche plus, l'obstination du gars qui a décidé de vider la mer avec une petite cuillère et qui s'attelle à sa tâche sans envisager un seul instant que celle-ci relève de l'impossible, puisqu'il est en train de l'accomplir. Infatigable et méthodique. Une tape sèche mais parfaitement élastique. La balle qui rebondit et l'on ne voit pas pourquoi elle faiblirait et s'arrêterait un jour. Alex vous donne une idée – et une pratique – du frappement éternel. Tout le contraire de Billy.

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    Un guitariste dangereux. Parce qu'il ne joue pas comme les autres. Se sert de ses six cordes, mais aussi d'autre chose. Le silence. Impalpable, vous passe un riff, vous refile une séquence, et vos tympans résonnent de mille fragrances, et alors que vous attendez la suite, que vous la supputez riche et onctueuse, plus rien. Pas pour très longtemps, deux dixièmes de secondes, pas plus, mais absolues, au début vous êtes surpris, vous pensez que c'est une erreur, mais son visage n'est agité d'aucune émotion, et vous comprenez que c'est ainsi, qu'il a construit son jeu sur ces nano-temporalités silencieuses, et l'évidence vous saute aux oreilles, c'est que si les résonances gretschiennes sont si belles c'est qu'elles se détachent d'autant plus voluptueusement que sur ces contours de vide sonore elles prennent un relief inusité. Le plus terrible c'est qu'il arrive à produire les mêmes effets sur les brisures d'un Something Else ou l'accélération folle d'un Lonesome Train.

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    Idem pour Tom sur ses toms. Encore un qui ne fait pas les choses comme les autres. Son temps fort à lui, c'est là où les autres s'arrêtent. Je parle de ses trois camarades et de tous les autres batteurs. Sa spécialité, c'est la fin des morceaux. Un moment de choix pour les drummers, en profitent pour déployer le grand orchestre, les effets kitch et carton-pâte. Plus ils en rajoutent, mieux cela produira de l'effet, pensent-ils. Tom, non. Ce n'est pas qu'il donne dans la simplicité. Poum, j'arrête et je vais me coucher. Lui, l'est pour l'arrêt brutal et définitif. Ce qui ne veut pas dire qu'il bâcle le travail. Oh que non ! Vous croyez que c'est fini, terminé, mort et enterré. Qu'il a tout dit et que personne ne pourrait imaginer une suite à la fin de l'histoire. C'est à ce moment, alors que vous pensez que l'affaire est close, qu'il ponctue. Le mec qui vous refroidit un macchabée mort depuis huit jours. Se prend quinze secondes, rien que pour lui, pour vous montrer comment on termine un travail. Le coup de buvard qui sèche l'encre et puis le paraphe terminal, la marque indélébile du génie. Une frappe d'une dureté incroyable. L'en cassera même une baguette en deux, d'un seul coup. Ne frappe pas fort, il tape dense. Arrêt brutal et total. Monde aboli.

    Ce n'est pas tout. L'a encore une autre spécialité. Outre le fait qu'il joue en chaussettes ! En règle générale les batteurs rockabilly ne se servent point trop des cymbales. Lui il les adore. Peut-être même qu'il envisagera un jour de liquider ses caisses chez le broc du coin - d'ailleurs pour la grosse caisse l'a déjà détaché la membrane extérieure - pour ne plus s'occuper que de ses opercules métalliques. L'en raffole, vous change l'aspect du moindre classique par les sonorités avec lesquelles il vous le dézingue, vous le bronze, vous le trempe d'acier, vous l'airainise et le pérennise. Un parfait duo avec Billy, des spécialistes de la clinquance, que je vous défends de confondre avec le clinquant, sont des ciseleurs, des joaillers qui n'utilisent que des métaux rares, des orfèvres qui inventent des alliages inédits. N'allez pas chercher plus loin les raisons du Rock'n'Roll de Led Zeppelin dans le troisième set.

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    Avec de tels musicos derrière lui, Nick peut être tranquille, ne risque rien, n'a plus rien à faire. Alors comme il est là pour pousser la goualante et entonner la canzione, il ne s'en prive point, vous pond une ogive nucléaire à chaque titre. Rester derrière un micro, l'en est incapable, faut qu'il en maltraite le pied - rien que pour prendre son pied – d'ailleurs pour les deux derniers sets, se contentera de la tête du cromi toute seule ce qui lui permet de bouger. Une voix très très légèrement grasseyante ce qui lui confère une étonnante flexibilité, la dote d'une plasticité étonnante et la met hors d'atteinte de toute fatigue. Au trente-sixième titre, elle sera aussi fraîche qu'au premier. Un répertoire en même temps très pionnier du rock et très moderniste, de Carl Perkins à Chuck Berry, s'en débrouille avec une fraîcheur stupéfiante. Interprétations personnelles mais pas iconoclaste. Un véritable showman, capable de rebondir sur les interjections d'un public – beaucoup de danseuses inusables - dont il ne comprend pas la langue, l'on se dit que sur une scène un peu plus étendue il doit être encore plus survolté. Cette remarque vaut aussi pour Alex qui au peu qu'il nous a montré doit assurer grave question exercices à la barre fixe sur Big Mama.

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    Trois sets, trois flingueries, le dernier exigeant une très grande technicité instrumentale et rebattant quelque peu la donne du rockabilly classique, un jeu qui ne s'interdit aucune complexité sans s'autoriser la moindre défaillance au niveau de l'impact de sauvagerie originelle qui reste l'alpha et l'oméga de cette musique.

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    Rappel et ovation finale, les Uproars ont marqué les esprits, Béatrice Berlot a encore marqué un point !

    Damie Chad.

     

    Z'avaient pas posé leurs instruments à la fin du premier set que Duduche réclamait déjà leurs disques, n'en avaient qu'un qui vient tout juste de sortir, on s'y est jeté dessus à la manière d'une fourmilière qui s'attaque à un scorpion, un bel objet, sobre and choc, un CD à pochette noire cartonnée, qui arbore l'apparence d'un vieux vinyl dans sa chemise de papier, attention pour les collectionneurs, tirage limité.

    LIVE / UPROARS

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    Baby Please Don't Go : d'intro une guitare à texture de saxophone et la trombe éclate, la contrebasse à corps perdu et des persillades greschiques, drummin' écarlate, cris de guitare, Nick fait la grosse voix, a une sale embrouille avec sa copine, tout s'arrête, z'ont au moins cassé la vaisselle et les meubles, castagnettes de cymbales tout s'écroule sur un fond de cordes grinçantes et tout repart à cent kilomètres à l'heure. Rassurons-nous s'attaquent maintenant aux murs. La guitare barrit à la manière des éléphants en colère, un beau ravage, bye-bye Big Joe Williams et Muddy Waters renvoyés à leurs blues de pleurnichards, quand les Uproars sont sur scène, ouragan sur le Caine, tumulte sur vos oreille, ces gars-là ont le rockabilly épileptique. Rock'n'Roll : à l'impossible nul n'est tenu, le spitfire s'attaque à la forteresse volante zepplinesque, le moustique s'en prend au cuir du rhinocéros, Nick en force, bille en tête, avec le reste de la formation qui pique droit devant, z'ont les ailes cordiques qui vrillent et la batterie pulvérise la rythmique, la grosse bébête n'est pas morte, mais l'insecte s'en sort avec les honneurs de la guerre. Une chose est sûre : les Uproars n'ont peur de rien, ont décidé de filer un sacré coup de balai sur l'armoire aux confitures du vieux rockabilly. Get Wild : en rockabilly la programmatique est très simple, un seul mot d'ordre, soyons sauvage ou ne soyons rien, faudra tout de même que l'on me refile la recette, comment cette guitare vous klaxonne-t-elle des éclats de trompettes à volonté, et cette basse qui court devant telle une sorcière sur son balai à réaction. Blizkrieg Bop : crime de lèse-majesté, z'ont décidé de ramoner la cheminée, mésalliance dans la nomenclature rockabilly, les Uproars osent tout, même une accointance punk, rock'n'roll avant tout, rock'n'roll partout, vous bousculent les tabous et gagnent la guerre éclair. Hooker : une astuce qui marche toujours, une guitare en soutien et la voix qui mène le tout tambour battant, genre piranha affamé qui n'a pas bouffé depuis quinze jours et qui plante ses dents dans le premier truc qui passe à sa portée, pas de chance, c'était votre cervelle. Certes ce n'est pas une grande perte pour l'humanité mais un hit de plus dans l'histoire du rock'n'roll. Psycho For Your Love : ah ! ah! Les criminels ont signé leur forfaits, se revendiquent des Meteors, n'auraient pas dû parce que là ils vont finir en asile psychotrique. Plus vite que prévu, le batteur en premier car il a décidé de gagner la course, mais Nick lui fait méchamment la nique, et la guitare prend le relais, la big mama explose. Enfermez-moi ce ramassis de dératés, au plus vite. Rock this Town : vous la roquent à mort cette ville, les roquets sont lâchés et ont décidé de ramener davantage de souris que les chats tigrés. Vous rapportent un lot de ratas gros comme des hippopotames. Si j'étais les chats je ferais la gueule. Je dirais qu'ils ont triché, qu'ils ont pris des pilules survitaminées. Mais qui me croirait ? Devil In You : pourquoi s'arrêter en si bon chemin, s'attaquent maintenant au diable, une petite ballade dans les fournaises de l'Enfer ne saurait effrayer les rockers. Comptez sur vos doigts, quatre tires que ça déchire méchant, et là vous avez en prime des effondrements de batterie à damner tous les saints de la terre. Please Give Me Something : un petit classique de Bill Allen and the Black-Beats sorti sur Imperial en 1957 ne saurait faire de mal, surtout qu'ils ont décidé de lui refaire la façade, z'ont respecté l'esprit mais l'ont un tantinet dynamisé, elle a intérêt la gamine à leur donner ce qu'ils demandent parce qu'ils sont méchamment pressés, même que sur la fin ils s'énervent grave, la sexualité de groupe avec les Uproars ça frise la moustache que vous n'avez pas et la démence. Extraordinaire. Cocktails Or Shots : bordel, cette guitare en sous-main qui vous broute le mazout à Knokke-le-Zoute, c'est un scandale, une catastrophe nucléaire à elle toute seule, et là-dessus les trois autres vous déroulent un tapis d'horions sur l'horizon au-dessous de la ceinture. C'est trop bon. Ça glisse et ça phosate votre âme d'une si belle manière. Sex Appeal : je comprends enfin pourquoi les prédicateurs nous demandent de nous méfier du sexe. Les Uproars n'ont pas de mal à vous persuader que les douces folâtreries ronsardiennes sont des pièges mortels. N'écoutez jamais ce titre, sans quoi le tableau apocalyptique qu'ils en donnent, cette furie sauvage qu'ils vous en proposent, vous conduiront à rentrer dans les ordres pour le restant de votre vie. Mais qui saurait résister à cette vigueur priappique ! Swords Of A Thousand Men : stiffent dur dans le temple, trichent un peu, s'y mettent à mille contre vos deux oreilles pour vous percer les tympans. Vous envoient la marmelade en bocaux, tant pis vous avalez le tout tout cru, c'est encore meilleur avec le verre. Whole Lot Of Rosie : après le Zeppelin s'attaquent aux trois premières lettres de l'alphabet rock, n'ont peur de rien, d'après moi ils doivent tester une nouvelle guitare, un prototype qui va révolutionner le rock, elle riffe et gronde toute seule, ou alors autre hypothèse, ont récupéré sur une brocante un engin inter-sonique que des extra-terrestres avaient laissé lors d'une visite de vérification de notre évolution. Z'ont dû vouloir hâter notre processus musical. Par contre nous sommes parfaitement convaincus que le chiffre 13 porte malheur, cette tuerie ne dépasse pas les deux minutes. Va falloir une pétition pour qu'ils nous rallongent ce nectar.

     

    Quand je pense qu'il existe une flopée de malheureux sur cette terre qui ne possèdent pas cette allumette prométhéenne que les Uproars s'en sont allés voler au char du soleil du rock'n'roll, tant pis pour eux, on s'en fout, on fait partie des happy few !

    Damie Chad.

     

    DO NOT LOOK BACK

    FICTIONABOUTFICTION

    ( Clip / Février 2019 )

      the jones,zeros,uproars,rockabilly generation,fictionaboutfiction,les flagorneurs,hear me now,romance américainePaon ! En plein dans le mille. En plein dans le maelström. Précédé du bourdonnement des moustiques tigres écrasés d'une tapette vengeresse. Mais qu'y a-t-il derrière les plumes multicolores du paon, car c'est ainsi que le monde s'offre à vous sous la forme d'une roue aux ombelles bleutées comme autant d'yeux qui vous fixent de leurs prunelles obstinées. Ne regardez pas en arrière. Scrutez au plus profond. Sachez soulever le voile versicolore d'Isis, peut-être entreverrez-vous les visages de la réalité la plus sombre. Vous-même, mais vos cheveux se métamorphoseront en rideau de noirceur déstructurant. Vous voici figure du mal affublé du masque de la Gorgone, hurlements de vipères s'échappent de votre bouche, dix fois, vingt fois vous pouvez tenter de recommencer les traits de votre portrait, le brouiller de couleurs étendards de guerre, la musique palpite telle un cerveau en émoi, un cœur trémulant ou un bulbe sexuel en éveil, l'insoutenable désir de la pensée vous arrache l'œil, encore la bouche d'ombre de Méduse pousse des glapissements d'horreur, elle n'est que le masque de la mort qui s'avance vers vous, dents cruelles, ossements blancs sécrétant sang et feu cauchemardesques, les entrelacs de ces rhizomes fondateurs ont la forme du vautour qui rongea le foie de Prométhée, et le faucon arbore subitement la chatoyance du phénix immortel, l'homme est là, l'a ravi la flamme primordiale pour s'allumer une cigarette qui le brûle de l'intérieur le réduit à ses pulsions animales, s'empare de lui, de son cœur de son corps, le monde se décolore, vous retournez à la première mutation, à l'homme animal, le singe. Le clone de vous même, l'image du fachisme qui est collée à votre psyché.

    Attention les images se bousculent et les séquences s'entremêlent. Ceci n'est qu'une lecture. Do Not Look Back est à l'origine un titre de l'Ep Storm ( 2018 ) en écoute sur Deezer et Spotify et dont nous avions chroniqué dans notre livraison 389 du 18 / 10 / 2018 trois morceaux. FictionAboutFiction est un des groupes les plus décisifs d'un rock'n'roll qui n'hésite pas à s'avancer dans les contrées les plus obscures de notre modernité. Diane Aberdam en est la cellule créatrice. Qui ne regarde pas en arrière.

    Damie Chad.

    SERENADE AMERICAINE

    TENDRESSE DECHIRANTE

    ( Clip )

    Première création d'un nouveau duo Tendresse Déchirante dans lequel on retrouve Diane Aberdam et Emilien Prost de FictionAboutFiction. Les mêmes que dans le clip précédent mais dans un style totalement différent. Un projet, comme l'on dit maintenant.

      the jones,zeros,uproars,rockabilly generation,fictionaboutfiction,les flagorneurs,hear me now,romance américaineUne simple chose, trois notes répétitives sur un synthé et puis le vide. Le vide est plein, mais il faut entendre que cette plénitude n'est qu'absence : la tarte à la crème de l'amour enfui certes, mais ce background sentimental est relégué au second plan de l'infinitude de la transparence humaine car nous n'avons pas plus d'épaisseur que l'image d'un film projeté sur un mur blanc. Silence et guitare posée sur un divan, appartement en un savant désordre bohème, la porte blanche au fond s'ouvre et le Maître du logis entre, drapé d'un peignoir noir, s'installe au clavier alors que le fantôme de l'Absente derrière lui bouffe l'écran et puis se recule jusqu'au divan sur lequel elle se saisit de la guitare.

    Tout est en place. La tragédie peut commencer. Elle n'aura pas lieu. Nous n'aurons droit qu'au rituel mille fois ressassée de l'absence obsédante. Gros plan sur l'Artiste en souffrance. Lance la lente ritournelle des trois notes et la voix caverneuse s'empare de l'écran, le poëte maudit pleure la muse disparue, parfois la caméra dévoile ses blanches jambes, la noirceur de son ample t-shirt presque clair si on la compare à la nuit de sa chevelure plus sombre que le désespoir, plus fatidique que le corbeau d'Edgar Poe dans son cercle de lumière. Elle l'accompagne doucement mais sa bouche s'ouvre en grand et s'adonne à d'amères litanies qui résonnent comme des tentures d'amertume.

    Une voix funèbre et une guitare qui échelonne des notes à résonances peut-être narquoises, le monde et la femme seraient-ils plus cruels qu'on ne l'imagine ! Trois fois rien donc, mais une réussite époustouflante. Toute une imagerie phantasmatique revisitée en moins de quatre minutes. Miracle de la voix qui vous enferme dans la prison d'une agonie sans fin. De laquelle vous refusez de sortir, en lion blessé qui préfère lécher ses plaies plutôt que recevoir le remède miracle du dernier psy de service. Romantisme de naguère ou masochisme moderne ? Eblouissant.

    Damie Chad.

     

    ROCKABILLY GENERATION N° 8

    ( JANVIER / FEVRIER / MARS / 2018 )

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     Un peu de retard mais l'on s'en moque, l'important reste que la revue suive son cours et ce n'est pas quelques trous d'air dus à une surcharge de travail et à la mise au point d'une maquette plus claire ( l'ancienne était loin d'être une horreur ) qui découragera les lecteurs dont le nombre croît sans cesse.

    Le numéro est habilement composé, deux vétérans, l'un qui ouvre et l'autre qui ferme la longue séquence réservée aux jeunes pousses, condition sine qua non d'un renouvellement des formations rockabilly. Un hommage à Hallyday de sept pages, de Greg Cattez, drôlement bien fait et émouvant, n'a jamais été fan de Johnny mais son père l'écoutait en boucle toute la journée à la maison. Des mots simples mais qui portent. Tony Marlow en deuxième grand sachem rock, encore vivant, et si j'en juge par la liste des concerts qui s'allongent sur son FB, en pleine forme il nous raconte la deuxième partie de sa carrière ( voir N° 7, pour le début ), un infatigable combattant qui fait le trait d'union avec la première génération, et à qui le rockabilly français doit une fière chandelle.

    Place aux jeunes, Dylan Kirk – il est anglais et pianiste – et les Starlights – ils sont français, z'ont azimuthé la foule lors de leur premier concert, et n'en sont qu'au tout début, Danny da Silva le frère de Barny, Brayan Kahz traumatisé par le premier concert des SpunyBoys – parents faites gaffe aux mauvaises fréquentations de vos enfants – au retour s'est tout de suite rué sur une contrebasse, et Nico qui a déjà participé à bien des échauffourées Jamy and The Rockin' Trio ( avec un certain Tony Marlow à la batterie ), Be Bop Creeck et Miss Victoria, de quoi remplir un CV de guitariste.

    Bon, les filles vous me rendez illico mon Rockabilly Generation, il est hors de question que vous déchiriez la couve pour afficher Barny da Silva en poster dans votre chambre, oui je le concède l'est beau comme un prince charmant, mais c'est avant tout un superbe showman – le Cat Zengler aime, c'est tout dire – frère de Danny, et tous deux fils de Carl, bon sang ne saurait mentir. En plus les filles n'y a pas que Barny, dans le poster central, vous remarquerez que les Rhythm All Stars eux aussi ont du style. La séquence finale me rappelle un très vieux numéro de Salut Les Copains dans laquelle Elvis Presley et Johnny Hallyday répondaient au même questionnaire, cette fois c'est Barny ( le starique ) et Rémi ( le spunique ) qui s'y collent. Un peu moins connu, Alexandre Lucet ( 26 années au compteur ) rappelle comment il a intégré Les Vinyls, vieux groupe de reprises french sixties, dans lequel il a amené du sang neuf et imposé des morceaux en anglais.

    Suivent les compte-rendus des derniers festivals de l'année : Trouy ( qui nous est Cher ) dans lequel Jake Calypso et ses poulets brûlants ont cassé la baraque et le poulailler. Rock'n'toll Bigoud avec Darrel Higham & The Enforcers. Rock'n'roll In Pleugueneuc, exactement l'endroit où Dylan Kirk and fis Starligth ont allumé le feu...

    Une page de news ( Rockabilly Generation News oblige ), six disques présentés, seul bémol, pas de chronique sous les pochettes, et pour emballer le tout, d'un bout à l'autre, vous bénéficiez des photos de Sergio Kazh.

    A mon avis de tous les numéros, le mieux réussi.

    Ne regrettez rien les filles, vous n'avez pas eu les photos de Barny, mais en chair et en os, pour la fin de la soirée vous aurez :

    Damie Chad.

    Ah ! Vous préférez lire la revue ! Qu'attendez-vous pour vous abonner, bande de nigaudes !

     

    Editée par l'Association Rockabilly Generation News ( 1A Avenue du Canal / 91 700 Sainte Geneviève des Bois), 4, 50 Euros + 3,52 de frais de port soit 8, 02 E pour 1 numéro. Abonnement 4 numéros : 32, 40 Euros ( Port Compris ), chèque bancaire à l'ordre de Rockabilly Genaration News, à Rockabilly Generation / 1A Avenue du Canal / 91700 Sainte Geneviève-des-Bois / ou paiement Paypal maryse.lecoutre@gmail.com. FB : Rockabilly Generation News. Excusez toutes ces données administratives mais the money ( that's what I want ) étant le nerf de la guerre et de la survie de toutes les revues... Et puis la collectionnite et l'archivage étant les moindres défauts des rockers, ne faites pas l'impasse sur ce numéro. Ni sur les précédents. Attention N° 1 et N° 2 et N° 3 épuisés.

     

    20 / 03 / 2019MONTREUIL

    LA COMEDIA

    TON SUR TON

    LES FLAGORNEURS / HEAR ME NOW

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    Ton sur Ton organise des événements qui allient musique et arts graphiques, notamment dans le cadre de la Semaine du Dessin à Paris, avais-je lu. J'avais pensé, oui mais dans la vie il faut de temps en temps savoir, bref m'étais fait un beau dessin dans ma caboche genre synesthésies à la Comedia. Dessin et musique. Des qui jouent et des qui graphitent en le même temps, les uns s'inspirant des couleurs de la muzac et les autres de la palette des pinctores. Une expérience intéressante.

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    Y avait bien des artistes. Des modestes bien cachés, des discrets qui n'aiment pas se faire remarquer, une table avec quelques feuilles et quelques guirlandes multicolores accrochées au plafond. Des timides, qui ne se savent pas se vendre – ce qui dénote une éthique respectable – mais pas non plus se faire connaître... dommage, je vous refile les noms Radis ( illustration 1 ), Geoffrey Le Saout ( illustration 2 ), Clara Simard ( illustration 3 ), pouvez faire un tour sur leur instagram. Par contre, côté sonorités, certains ont commencé à se faire remarquer dès la balance.

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    Joyeux drilles. Le fait que le guitariste soit aussi un des animateurs de Ton sur Ton explique la présence des Flagorneurs. Mais nous en étions au sound check. Une bière ! Un truc à rendre une armée de garçons de café totalement dingue, l'ont djenté et growlé au moins trois cents fois, micro ou pas, le même hurlement clamé d'une voix à rendre tous les groupes de metal fous de jalousie. Ce n'est pas qu'ils avaient soif, c'est qu'ils tenaient à nous accoutumer aux douceurs tintinnabulantes de la poésie punk !

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    LES FLAGORNEURS

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    L'on s'attendait au pire. Nous fûmes presque déçus. Certes Les Flagorneurs ne se prennent pas aux sérieux. Ne tapent pas dans l'horrible. Donnent dans le dérisoire. Les histrions du punk en goguette. Entre chahut d'étudiants et private jokes. Z'ont un public qui connaît les paroles par cœur et qui se permet des réparties désopilantes à leur encontre. La plus grande des impartialités m'oblige à reconnaître qu'ils savent renvoyer la balle avec une adresse retorse. Trois jeunes barbus rigolards, vous refilent des histoires incertaines, comment faire du skate en étant bourré, ou vous tracent des portraits sociologiques dignes d'entomologistes colériques comme Les Célibataires ou Mr Le Contrôleur. Vous débitent le répertoire tout à trac et à coups de triques, vous expédient les morceaux en lanceurs de couteaux qui se font un plaisir sadique de toucher leur partenaire en plein cœur. Vous recrachent les morceaux à la vitesse d'un duplicateur, et les machines humaines étant moins fiables que les produits de haute technologie, ils omettent de temps en temps de reproduire une portion du modèle original, tant pis, là où la batterie passe à tout berzingue la guitare et la basse ne trépassent pas. A la moitié du set se hissent même à l'étage supérieur, y a des moments où ça filoche dur et ça tricote sec. Z'aiment les coups foireux, entrecoupés de vannes vaseuses, mais quand la partie devient difficile ils raccrochent les wagons de bien belle façon. Finissent torse nu, rient d'eux-mêmes, Alexandre à la batterie le plus enveloppé, Maxime à la basse le plus maigre, et Paul le plus beau. Devant l'enthousiasme des copains ils finiront en rappel sur les déboires de la jeune Gwendoline.

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    L'est vrai qu'il existe une tradition de rock satirique en France, Albert et sa Fanfare Poliorcétique ( sans oublier Les chacals de Béthune ), puis Au Bonheur des Dames et ensuite Odeurs en sont les fleurons de la couronne. Je ne crois point que Les Flagorneurs soient les fils fin-de-race de cette généalogie. Si l'essence du punk puise ( entre autres ) au nihilisme et au tonneau ( de bière ) de Diogène, Les Flagorneurs la raccordent au chahut-bahut des monômes estudiantins, sont peut-être la dernière réincarnation pallide, fantomatique, et inconsciente de l'esprit zutique des zazous.

    HEAR ME NOW

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    Un autre monde. Celui de la pop. Plus près de Cure et de Muse ( ce qui ne m'amuse ) que des Poupées de New York et de MC 5. Groupe bifide, deux filles, deux garçons. Aubin à la basse et Mathieu à la lead. Trop galants à notre gré. S'effacent devant les nénettes, donnent l'impression de les accompagner. Marie est aux drums, elle bat pour nous. Méfiez-vous de sa droite, elle peut-être mortelle, mais elle sait aussi servir à main gauche. L'a une frappe virevoltante, joue davantage sur l'imaginatif que sur la lourdeur. L'est la cheville ouvrière et même patronale du groupe, c'est elle qui impulse l'énergie et l'allant nécessaire à la marche en avant. Ses cheveux longs volent et découpent un visage décidé et volontaire. Les gars devraient en prendre de la graine.

    Juliette – look de belle jeune fille appliquée – attire les regards. Lourde charge sur ses épaules, le combo-pop repose sur elle. Double rôle, chant et guitare. Celle-ci est de trop, la retranche d'elle-même, l'est comme une cloison contre son son corps qui l'empêche de donner toute sa voix. Ce qui est dommage, un petit trésor sonore qui ne demande qu'à briller au soleil. Faudrait que les guys comprennent qu'ils sont là pour lui fignoler un écrin digne de ce nom. Se contentent de la boite standard. Faudrait qu'ils ne conçoivent pas leur job en tant qu'accompagnateurs mais en tant qu'arrangeurs. Devraient avoir une palette de nuances et de couleurs variées, s'interdire de jouer si monotonement, brisures franches, ruptures clivantes et décollages lyriques seraient les bienvenus. Cela permettrait à Marie de développer des breaks conçus en tant qu'orchestration. Suffit parfois de peu pour améliorer la donne, le morceau pour lequel Juliette a troqué son électrique pour son acoustique a apporté une sonorité rafraîchissante.

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    Mais le mieux réside en ces moments où Juliette débarrassée de ses appareils cordiques combat à mains nues avec le cromi. Sort son souffle, vous le dépose à vos pieds telle une gerbe de fleurs printanières, cela lui donne aisance et confiance. Maintenant vous pouvez écouter le chant de l'édelweiss sur le sommet de la montagne, l'en devient très à l'aise sur les passages les plus rythmés, insensiblement elle prend la tête du quatuor, mène le bal, et du coup les lads se mettent enfin à l'unisson, envoient du vent dans les voiles et l'ensemble tangue désormais très joliment.

    Set agréable. Trop de dissonance programmative avec le groupe précédent. Des titres comme Self-Confidence et The Thoughts We Hide exigeaient sans doute une ambiance préparatoire plus intérieure. Hear Me Now passera ce dimanche 24 Mars en demi-finale du tremplin Emergerza au New Morning. Nous leur souhaitons bonne chance.

    Damie Chad.

    P.S. : sont en finale au Bataclan !

    ( Photos : FB : Ton sur Ton

    ci-dessous : balance : Hear Me Now + Flagorneurs )

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